Mises à part les conquêtes musulmanes qui
ont cristallisé l'animosité dans les relations
intercommunautaires, l'histoire de la région est marquée par un
cycle de crises. Ces crises sont fréquentes dans le département
du Logone et Chari où s'affrontent les Kotokos et les Arabes Choas d'une
part, et les Kotokos et les d'autre part. Ces affrontements ont pour trame de
fond la gestion de l'espace et les intérêts sociopolitiques. C'est
aussi le cas du Mayo-Tsanaga, devenu un terrain de prédilection pour
l'épidémie du cholera.
La mémoire d'une certaine génération
d'hommes et de femmes du Logone et Chari reste marquée par cette
confrontation intercommunautaire qui se produit en 1976 dans les villages
arabes de Dollé et de Karena (relevant de l'arrondissement de Makary)
situé à 104 km de Kousséri (ALAWADI ZELAO : 2006).
Pour une histoire de détournement des fonds destinés à la
construction d'une école, Arabes Choas et Kotokos s'affrontent
mortellement. Les gendarmes envoyés pour calmer les esprits sont
molestés, certains d'entre eux tués, d'autres grièvement
blessés. Ce qui provoqua l'ire de l'administration qui décida
d'exercer des représailles meurtrières contre les personnes
soupçonnées d'avoir pris part à cette insurrection. La
localité de Dollé fut vidée de toutes ses forces vives.
L'on parle officiellement de 300 morts (TRIBUS SANS FRONTIERES : 1992).
L'affaire Dollé ouvrira les vannes à une
série d'épisodes d'affrontements tribaux dans le Logone et Chari.
Au-delà de leurs causes immédiates et officielles, les heurts
interethniques ou interprétés comme tels entre Arabes Choas et
Kotokos de Mbeung (1989), de Goulfey (avril 1990), de Maltam (juillet 1990) et
de Kousseri (janvier 1992, décembre 1993 et mars 1994) ont leurs
origines dans l'histoire politique, économique et sociale et culturelle.
Comme le souligne si pertinemment le Pr SAIBOU ISSA, la démographie
joue un rôle important dans la rivalité entre les deux
communautés, « car elle a entraîné un
renversement de la majorité politique au profit des Arabes
Choas » (SAIBOU ISSA : 2005)
Les Arabes Choa ont toujours entretenu des rapports
tumultueux avec les Kotokos qui se disent autochtones du Logone-Chari (BAH
THIERNO et SAIBOU ISSA : 1997). Depuis lors, les lignes de fracture entre
les deux communautés sont visibles et les deux se regardent en chiens de
faïence. Dans le même espace, les relations entre Kotokos et
Musgums, communauté ethnique à cheval entre les
départements du Diamaré, du Logone et Chari et du Mayo-Danay sont
empreintes tout aussi de conflictualité. En janvier 2007, un accrochage
entre pêcheurs Kotokos et Musgums dans le district de Zina a fait huit
morts et plusieurs blessés. Ces deux communautés pourtant unies
par l'histoire et la géographie s'affrontent de manière
récurrente. Une animosité exacerbée par les conflits de
leadership local. Il faut rappeler que le dernier affrontement entre Musgums et
Kotokos remonte à mars-avril 2006. Les deux peuples étaient alors
en conflit pour le contrôle de la chefferie de Lahaye.
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