3.1.3 Instruments de mesure et
Homogénéité du produit
3.1.3.1
Instruments de mesure
L'une des mutations importantes qu'a connues le marché
des noix de cajou réside dans l'utilisation des instruments de mesure.
Autrefois, plusieurs instruments étaient utilisés dans le
marché. Le tableau 10 donne la répartition de ces instruments
suivant les localités visitées.
L'analyse de ce tableau révèle que le Tohoungodo
est un instrument de mesure commun à toutes les localités. Ceci
s'explique par le fait que c'est l'un des principaux instruments de mesure des
produits agricoles au Bénin. Il est de loin le plus populaire. Le
Tohoungodo était utilisé par un grand nombre de d'acheteurs des
noix de cajou, en particulier les collecteurs.
Tableau 10 : Répartition
des instruments de mesure utilisés autrefois dans le marché des
noix de cajou.
Commune
|
Arrondissement
|
Instrument (nom local)
|
Capacité (Kg)
|
Savalou
|
Attakè
|
Blèvi
|
20-22
|
Tohoungodo
|
1-1,5
|
Tchaga
|
25-30
|
Ouèssè
|
Blèvi
|
20-22
|
Tohoungodo
|
1-1,5
|
Tchaga
|
25-30
|
Tchetti
|
Kpacata
|
20-25
|
Tohoungodo
|
1-1,5
|
Sogo
|
3-5
|
Bantè
|
Koko
|
Kpacata
|
20-25
|
Tohoungodo
|
1-1,5
|
Sogo
|
3-5
|
Akpassi
|
Idem à Koko
|
Idem à Koko
|
Agoua
|
Idem à koko
|
Idem Koko
|
Bantè
|
Idem à koko
|
Idem Koko
|
Source : Nos enquêtes,
2004
Les instruments comme le blèvi et le kpacata ont
pratiquement la même capacité (20-25kg). La différenciation
se trouve au niveau de la forme. En effet, le kpacata est une calebasse de
fabrication artisanale et locale alors que le blèvi est une petite
bassine d'origine nigériane. De plus le kpacata était
utilisé par les Ifè et les Tcha tandis que le blèvi
était plus utilisé par les Mahi. Le blèvi et le kpacata
étaient utilisés par les courtiers collecteurs et les
semi-grossistes.
Le Sogo et et le Tchaga, bien que présents dans les
localités étudiées étaient moins utilisés
que les précédents. Ceci s'explique par le fait que ce sont des
instruments dont les mesures sont proches des précédents. En
effet, le Sogo (3-5kg) n'est pas fondamentalement loin du Tohoungodo (1-1,5 Kg)
et le Tchaga (25-30 Kg) n'est pas si différent du blèvi et du
kpacata (20- 25 kg).
Les grossistes et parfois les semi-grossistes utilisaient les
sacs de jute (100 kg) ou les sacs de polyéthylène (80 kg) au
cours de leurs transactions.
L'imprécision de tous ces instruments de mesure a
constitué pendant longtemps un risque non seulement pour les
producteurs, mais aussi pour les acheteurs.
Le souci d'une meilleure précision et d'une bonne
maîtrise de la valeur exacte des biens échangés ou acquis a
conduit à l'introduction depuis cinq ans environ de la balance. Son
utilisation s'est alors généralisée et le taux d'adoption
est aujourd'hui de 100%. En effet, nous n'avons rencontré aucun
producteur qui livre ses produits avec les instruments locaux. De plus, aucun
des acheteurs enquêtés n'utilise aujourd'hui des instruments
autres que les balances.
On peut donc conclure qu'il y a effectivement une
uniformité dans les instruments de mesure utilisés dans le
marché des noix de cajou. Le kilogramme est devenu l'unité de
mesure de référence par rapport à laquelle se
définissent tous les autres aspects de la commercialisation (transport,
stockage,...). Selon Lutz (1994), la multitude des unités de mesure
utilisées dans le circuit de commercialisation est une contrainte pour
la transparence du marché. Et l'introduction d'une unité
standardisée rendrait le marché plus transparent et
améliorerait ainsi la concurrence.
Le fait que ce soit les acheteurs eux-mêmes qui ont
introduit la balance confirme l'hypothèse de Lutz (1994) qui admet que
« l'introduction d'une unité de mesure standardisée
ne saurait être une réussite que si elle bénéficie
de l'appui des commerçants eux-mêmes ». Dans le cas
de notre étude, les acheteurs n'ont pas seulement appuyé
l'introduction de la balance. Mieux, ils sont les acteurs de cette
introduction.
Mais actuellement plusieurs types de balances d'origines
différentes sont utilisés. Les collecteurs utilisent le plus
souvent les balances de 20 kg ; les courtiers et les courtiers collecteurs
utilisent les balances de 20kg, 50kg, 100kg ; les semi-grossistes
utilisent les balances de 50 kg, 150 kg et les grossistes les balances de
150kg.
Par ailleurs, bien qu'on assiste à la standardisation
des unités de mesure, il n'en demeure pas moins vrai que certains
acheteurs se livrent à des fausses manipulations. La même remarque
a été faite par Lutz (1994) puisqu'il avance que la manipulation
des unités de mesure représente le savoir faire de certains
acheteurs au niveau du processus de négociation de prix. En effet,
certains acheteurs procèdent au déréglage des balances
pour augmenter leur résistance. De ce fait, ils achètent plus
qu'ils ne paient, augmentant ainsi de façon illicite leur marge
bénéficiaire.
Cet état des choses suppose donc que malgré la
standardisation des unités de mesure, certaines mesures d'accompagnement
doivent être prises pour un monitoring réel et efficace des
opérations de pesée des noix de cajou. Il conviendrait donc de
mettre sur pied des structures de certification ou de contrôle de la
précision des balances. Ces structures peuvent exister au niveau local
sur l'initiative des autorités locales avec l'adhésion et la
participation active des producteurs eux-mêmes.
Pour faire face à ces problèmes de manipulation,
certains producteurs utilisent leur propre moyen de vérification et de
contrôle de la fiabilité des balances. Ils disposent à cet
effet d'une pierre dont ils connaissent au préalable la masse. Cette
pierre leur permet de vérifier si les balances utilisées par les
acheteurs sont conformes ou pas. Dans le cas où les bascules sont
conformes ou légèrement à l'avantage du producteur, ce
dernier accepte le marché. Dans le cas contraire, il refuse de livrer
son produit.
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