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Le " retour forcé " des roumains en Roumanie, depuis 2007

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par Audrey Guitton
Université de Poitiers - Master migrations internationales 2011
  

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Audrey Guitton

Numéro étudiant : 20906934

Tuteur : Y. Scioldo-Zürcher

Année 2009/2010

Master 1 : Migrations internationales

Le « retour forcé » des Roumains en Roumanie, depuis

2007.

Mémoire de première année.

Source : Collectif Filtrages 28/08/2007

1

2

Remerciements :

Je souhaiterais tout d'abord témoigner ma reconnaissance, à toutes les personnes qui ont donné de leur temps pour que cette étude progresse, et notamment à Gautam, pour son implication dans ces recherches.

Mes remerciements s'adressent à l'ensemble des informateurs m'ayant accordé un entretien. Je tiens à remercier chaleureusement Pascaline Chappart, pour ses conseils et ses contacts, ainsi que Dan Oprescu Zenda, pour son soutien et pour la documentation qu'il m'a transmise.

Je voudrais également exprimer ma gratitude à Monsieur Yann Scioldo Zürcher, qui a dirigé mon travail, tout au long de l'année.

Enfin, différents membres de ma famille et certains amis proches ont accepté de consacrer un peu de leur temps à la relecture de ce mémoire. Pour cela, je leur en suis très reconnaissante.

3

Table des matières

Index des sigles : 6

Introduction 7

A) Les programmes d'aide au retour 7

1) Historique des programmes 7

2) Contexte juridique et administratif des aides au retour 8

a ) En Union européenne (UE) 9

b) Le contexte d'application juridique en France 11

c) Les textes applicables 11

B) La population migrante 14

1) Visibles mais peu nombreux 14

2) Une tradition migratoire 15

3) Une population marginalisée 16

C) Démarche scientifique et méthode de recherche 17

1) Les démarches et méthodes mises en pratique 17

a) Suivi de l'actualité 17

b) Réalisation d'entretiens semi-directifs 18

c) Recherche bibliographique 21

2) L'empirisme de terrain 22

a) S'entretenir en plusieurs langues 22

b) L'absence de l'OFII et des migrants 22

I) Les incohérences des programmes d'aide au retour 24

A) Des acteurs hétérogènes 24

1) Les pouvoirs publics 24

a) L'OFII 24

b) Le rôle des autorités locales 25

2) Les ONG et le milieu associatif 27

a) Les acteurs interrogés « à dominante SIT » 28

b) Les acteurs interrogés « modérés » 29

c) Les acteurs interrogés « à dominante RDT » 31

3) Les migrants 33

B) Des aides au retour controversées 34

1) Les aides au retour en pratique 35

4

2) Les aides au retour en questions 38

a) Qu'est-ce qu'un retour forcé ? 38

b) En quoi ce programme de retour est-il humanitaire ? 39

C) Des aides à la réinsertion improductives ? 40

Conclusion de partie 43

II) Vers une circulation migratoire 44

A) Un phénomène migratoire répandu 44

1) Définition 44

2) Exemples 46

B) Une migration peu reconnue 47

1) Une mobilité mal comprise 47

2) Une population migrante méconnue 48

a) Les enjeux de la définition d'une population 49

b) La stigmatisation de cette population 50

C) La précarité en question 52

1) La précarité : cause de la migration ? 52

2) La précarité : conséquence de la migration ? 54

Conclusion de partie 56

III) Vers une gestion globale des migrations roms roumaines ? 57

A) Immigration et intégration, l'État français reprend le contrôle 57

1) Le Discours présidentiel du 14 octobre 2002 57

a) De nouvelles orientations 57

b) Le retour des aides au retour 59

2) La visite de Pierre Lellouche 60

B) Tentatives de communautarisation de l'intégration des Roms 63

1) Pour une intégration à l'européenne ? 63

2) Des sommets européens sur les Roms et les Gens du voyage 65

C) Des pistes d'action 67

1) La fin des aides au retour ? 67

2) Pour une « intégration des mobilités » roms 68

Conclusion de partie 69

Conclusion 70

Bibliographie 72

Annexes 77

5

Annexe 1 : extraits des entretiens réalisés 77

Annexe 2 : ARV, ARE 2006 102

Annexe 3 : ARV, ARE 2007 107

Annexe 4 : ARV, ARE 2008 110

Résumé 114

6

Index des sigles :

· ACSE : Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.

· AGDREF : Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France.

· ANAEM : Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrants.

· ANR : Agentia nationala pentru Romi. (Agence nationale pour les Roms.)

· APRF : Arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.

· ARH : Aide au retour humanitaire.

· ARV : Aide au retour volontaire.

· ASFRP : Association de soutien aux familles roumaines de Palaiseau.

· CIM : Comité intergouvernemental pour les migrations.

· ERRC : European Roma Rights Center. (Centre européen pour les droits des Roms.)

· FAS : Fond d'action sociale

· FASILD : Fond d'aide et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations.

· FRA : European union agency for fundamental rights. (Agence de l'Union européenne pour les droits fondamentaux.)

· OCDE : Organisation de coopération et de développement économique.

· OFII : Office Français de l'Immigration et de l'Intégration.

· OIM : Organisation Internationale pour les Migrations.

· OMI : Office des migrations internationales.

· ONI : Office national d'immigration.

· OQTF : Obligation de quitter le territoire français.

· RDT : Racial discrimination theory. (Théorie de la discrimination raciale.)

· SSAE : Service social d'aide aux émigrants.

· SIT : Social inclusion theory. (Théorie de l'inclusion sociale.)

· SPER : Stop prejudecatilor despre etnia roma (Stop aux préjugés contre l'ethnie rom.)

· UE : Union européenne.

· UNFPA : United Nations Population Fund. (Fond des Nations unies pour les peuples.)

7

Introduction

Depuis l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne, le 1er janvier 2007, la France s'est dotée de moyens légaux pour reconduire, dans leur pays, des ressortissants roumains et bulgares. Ces deux pays sont, pour une durée de deux à sept ans après leur adhésion, dans un régime transitoire. Ils n'ont pas la pleine jouissance des droits européens. Dans ce laps de temps, c'est aux différents états européens de choisir à quel moment mettre fin à ces mesures transitoires. En France, une circulaire de décembre 20061 énonce les conditions de séjour, de travail et d'éloignement des ressortissants roumains et bulgares. Citoyens européens, ils ne peuvent être l'objet ni de retours forcés ou d'expulsions, ni de programmes d'aide au retour volontaire (ARV). Néanmoins, ils peuvent bénéficier du programme d'aide au retour humanitaire (ARH), qui comme son intitulé le sous-entend, vise des personnes en situation de « grande précarité ». La circulaire interministérielle de décembre 20062, relative à ces programmes ne précise cependant pas ce qu'est une situation de « grande précarité ». Ainsi, les agents de l'État doivent juger les situations, au cas par cas. Ces programmes d'aide au retour peuvent, dans certains cas, se cumuler avec une aide à la réinsertion économique dans le pays d'origine. Cette aide à la réinsertion est l'un des cinq axes du programme 301 « développement solidaire et migration » du ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire. L'aide à la réinsertion doit donc permettre le développement local des régions d'origine des migrants. De plus, elle est largement soutenue par le Fond européen pour le retour3. Cette action est menée par l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII),4 parfois en collaboration avec l'Organisation Internationale pour les Migrations (OIM).

A) Les programmes d'aide au retour

1) Historique des programmes

Après la fermeture des frontières en France en 1973 et 1974, les programmes d'aide au retour volontaire et d'aide à la réinstallation dans les pays de départ se sont développés. Ils concernaient les travailleurs migrants. Des accords bilatéraux et des programmes élaborés au niveau international, comme par exemple les programmes de réintégration du Comité intergouvernemental

1 Circulaire NOR INT/D/06/00115/C.

2 Circulaire interministérielle N°DPM/ACI3/2006/522.

3 Le fond européen pour le retour est le fruit d'une décision du Parlement européen et du Conseil du 23 mai 2007 dans le cadre du programme général Solidarité et gestion des flux migratoires. Cette décision est valable pour la période 2008-2013.

4 Avant avril 2009 l'OFII s'appelait l'Agence Nationale d'Accueil des Étrangers et des Migrants (ANAEM). J'emploierai l'un ou l'autre de ces sigles dans ce travail en fonction de la date à laquelle les informations que j'exposerai sont parues.

pour les migrations (CIM), aujourd'hui l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont également été signés. L'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) avait aussi rédigé un texte en 1979 qui constituait un modèle pour « faciliter la réinsertion des travailleurs migrants retournant dans leurs pays d'origine ». Ce modèle prévoyait : l'information sur le migrant et pour le migrant, la prise en charge des dépenses occasionnées par le voyage, la réinstallation des personnes en leur trouvant des logements dans le pays de retour, le développement régional, la formation, le conseil pour le placement et l'orientation des économies des migrants. De plus, l'éducation de leurs enfants devait aussi être assurée dans le pays de retour. Le préambule de ce texte précise également que « les mesures conçues pour faciliter la réinstallation ne doivent pas être perçues comme une incitation au retour, ni servir de prétexte au pays d'immigration pour une politique d'expulsion masquée. »5 Pour respecter ce principe, la réinsertion doit donc être à la fois sociale, économique et professionnelle.

Les ressortissants européens ne pouvant pas être concernés par les aides au retour volontaire, une aide au retour humanitaire existe cependant. À la lecture du site internet de l'OFII, nous apprenons que, peut bénéficier de cette aide, « tout étranger, y compris les ressortissants de l'Union européenne, en situation de dénuement ou de grande précarité auxquels l'État français souhaite offrir la possibilité d'un rapatriement dans son pays d'origine ou un pays d'accueil ainsi que leur conjoint et enfants »6. À ces propos tout à fait « charitables », s'opposent dès lors, ceux exprimés dans la circulaire du ministère de l'Intérieur du 22 décembre 2006 relative aux conditions de séjour et d'éloignement des Roumains et Bulgares qui indique, en effet, que des mesures d'éloignement peuvent être prises si ces personnes constituent une « charge déraisonnable pour le système de protection sociale français. »7 La circulaire en vigueur indique que c'est aux agents de l'État de juger du fait que la « charge » soit raisonnable ou non. Le pouvoir de discrétion présent dans cette circulaire sera mis en avant dans une seconde partie. Afin de juger du caractère « raisonnable » de la charge que les migrants représentent, certains critères sont proposés aux agents de l'État. Si ces personnes ne possèdent pas de couvertures sociales dans leur pays d'origine, et ne disposent pas de ressources propres suffisantes ou si les pathologies se sont déclarées après l'arrivée en France, elles peuvent être considérées comme abusant du système de protection sociale français et du droit au séjour. Une sélection est donc opérée, au sein des ressortissants roumains, entre ceux qui peuvent rester et ceux qui seront reconduits à la frontière. Cette sélection se base sur des critères notamment financiers. Cette observation peut, dès lors, me permettre d'analyser cette sélection, comme une

5 Lohrmann R., « Measures to facilitate the reintegration of returning migrants workers : International experiences. » International Migration, Volume XXVI, n°2, june 1988, Ed. CIM, Genève. p. 192.

6 http://www.ofii.fr/article.php3?id_article=491 [Site consulté le 15/10/2009]

7 Circulaire NOR INT/D/06/00115/C.

8

politique d'expulsion masquée des plus pauvres.

2) Contexte juridique et administratif des aides au retour

La France et la Roumanie ont signé des accords bilatéraux. Le premier accord, concernant la réadmission des personnes en situation irrégulière, a été conclu en 1994. Ensuite, un accord sur les échanges de jeunes professionnels a été passé en 2003. Le dernier accord bilatéral liant la France et la Roumanie portait sur la protection de mineurs roumains en difficulté sur le territoire français et la lutte contre les réseaux d'exploitation. Il a été signé en 2004; il est toujours en vigueur. Enfin l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne a changé son statut juridique et les accords de 1994 et 2003 sont caduques depuis 2007.

L'étude de ce cadre juridique et administratif révèle, rapidement, l'importance du pouvoir discrétionnaire de l'administration. Un colloque sur le pouvoir discrétionnaire de l'administration s'est déroulé à Oxford, en 1995, sous l'impulsion du conseil de l'Europe8 . D-J Galligan y définit le pouvoir discrétionnaire comme « l'autonomie du jugement et de la décision »9 d'un administrateur. La décision incombe à l'appréciation et à l'interprétation de ce dernier. L'auteur écrit qu'il s'agit d'un « acte délibéré poursuivant certains objectifs, répondant aux contraintes et aux influences qui se manifestent dans différents contextes, plutôt qu'un exercice abstrait et logique. »10 Il s'agit souvent d'établir un fait ou la pertinence d'un fait. Le problème, dans ce cas précis, est que la notion même de « pertinence » ne peut être pensée comme universelle. Elle répond aux représentations sociales et culturelles, des fonctionnaires intermédiaires. Un pouvoir discrétionnaire peut trouver sa source dans des conceptions morales, des objectifs ou des orientations politiques, des décisions personnelles ou de groupe. Alexis Spire écrit que « [...] la décision d'octroyer un droit est le produit d'une combinaison complexe entre les règles juridiques contenues dans la loi, des normes d'interprétation établies par voie de circulaires et un pouvoir d'appréciation conféré aux agents intermédiaires de l'État11. »

a ) En Union européenne (UE)

Les accords de Schengen de 1985 ont établi la libre circulation des biens et des personnes, dans « l'espace Schengen ». Ils furent suivi de la Convention de Schengen en 1990. Depuis, L'UE n'a cessé de favoriser la mobilité de ses citoyens. Le traité de Maastricht, en 1992, a permis la liberté de circulation, d'installation et de travail des ressortissants des pays communautaires. Le

8 Galligan D.-J.., « Pouvoir discrétionnaire et principe de légalité » in Conseil de l'Europe, Pouvoir discrétionnaire de l'administration et problèmes de responsabilité, Ed. Conseil de l'Europe, Oxford, 1995.

9 Ibid., p. 16.

10 Ibid., p. 18.

11 Spire A., Étrangers à la carte. L'administration de l'immigration en France (1945-1975), 2005, Grasset, Paris, p. 259.

9

10

Conseil européen de Tampere, en 1999, énonça la libre circulation pour tous, car « il serait contraire aux traditions de l'Europe de refuser cette liberté à ceux qui, poussés par les circonstances, demandent légitimement accès à notre territoire »12. De grandes « vagues d'élargissement » suivirent. Les ressortissants Roumains furent exemptés de visa Schengen à partir du 1er janvier 2002 et la Roumanie et la Bulgarie sont entrées dans l'Union européenne le 1er janvier 2007. Les deux pays ne font pas partie de l'espace Schengen et font toujours l'objet de mesures transitoires. Ces mesures leur limitent notamment l'accès au marché du travail, dans les autres pays communautaires. La liberté de circulation des citoyens européens est réglementée par la circulaire du 29 avril 2004, du Conseil de l'Europe et du Parlement européen13. L'article 7 de cette directive énonce les conditions de séjour d'un ressortissant européen, dans un autre pays européen, au delà de trois mois. « All Union citizens shall have the right of residence on the territory of another Member State for a period of longer than three months if they: [...] have sufficient resources for themselves and their family members not to become a burden on the social assistance system of the host Member State during their period of residence and have comprehensive sickness insurance cover in the host Member State. » Cette directive a une valeur de recommandation pour les États européens. La France suit ces recommandations, l'Espagne ne le fait pas.

L'EU s'est également accordée sur la nécessité de mettre en place une coordination active en matière de retours, qu'ils soient forcés ou volontaires. Un Fond européen au retour à notamment été mis en place. Il permet, en France, de financer 75 % des « allocations financières incitatives au retour »14 et 50 % de « la mise en place de dispositifs intégrés de réinsertion dans les pays sources, notamment l'Afrique ».15

Bien qu'une tendance à l'harmonisation des politiques migratoires est observable au sein de l'UE, depuis le milieu des années 1980, de nombreuses réticences freinent ce mouvement. En effet, les États souhaitent conserver leur souveraineté nationale dans ce domaine. Ainsi, l'accueil, le séjour et l'éloignement des étrangers restent dictés par des mesures nationales. La mise en application de mesures nationales est souvent plus rapide et plus efficace que celle des traités internationaux, qui ne peut, en aucun cas, se voir imposée aux États souverains. Pour expliquer ce phénomène, C. Wihtol de Wenden écrit que « les migrations défient les principes même du système étatique westphalien par les transgressions qu'elles apportent entre l'ordre politique interne et l'ordre externe (influences, ingérences, allégeances, intrusion, parfois par migrants devenus citoyens interposés et électeurs à distance). »16 Les migrations internationales dérangent les États, en

12 Berramdane A., Rossetto, J. La politique européenne d'immigration, 2009, Karthala, Paris.

13 Directive 2004/38/EC

14 Fond européen pour le retour.

15 Ibid.

16 Wihtol de Wenden C., « La globalisation humaine », in Chemin A., Gélard J.-P. (dir.), Migrants. Craintes et espoirs,

11

remettant en question leur contrôle de leur territoire, et de leurs frontières. En réaction à cela, les États s'attachent à leur souveraineté nationale, dans le domaine des migrations.

b) Le contexte d'application juridique en France

Les circulaires font office d'adaptation du cadre juridique du pays aux conditions économiques, politiques et sociales du moment. Elles sont applicables immédiatement après parution. Bien qu'il ne s'agisse pas de règles impératives, leur non application peut entrainer des sanctions. Karl Messer écrit que : « après tout, l'existence d'une circulaire ne dépend pas de sa validité officielle mais du caractère persuasif de son contenu. »17 Une des fonctions des circulaires est d'éviter que chaque acte administratif puisse être contesté devant les tribunaux. En effet, elles explicitent, souvent, le cadre d'action et d'interprétation des lois.

Ainsi, bien que l'ordonnance du 2 novembre 1945, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, ne permet pas « la sélection par l'origine », son application peut différer selon les époques et les circulaires en cours. Les circulaires étant des documents destinés aux administrations, elles ne sont pas soumises au Parlement. De plus,elles ne sont pas publiées au journal officiel. Il est ainsi rare que l'opinion publique soit au fait de ces documents. Ceci permet à l'administration de changer ses pratiques, sans avoir à s'en expliquer et sans déroger à la loi.

Les circulaires peuvent faire varier l'application de la loi. À cela s'ajoute la possibilité d'interprétations différentes de ces circulaires, d'un département à l'autre, d'un employé de préfecture à l'autre18. L'application du droit communautaire, en matière d'immigration, ne déroge pas à la règle. Alexi Spire écrit : « faute d'avoir été traduit en droit interne, les textes européens ont pendant longtemps été répercutés par voies de circulaires, laissant intact le pouvoir discrétionnaire des agents de l'État. » 19 Ainsi, bien que la loi reste inchangée, les pratiques peuvent diverger selon les époques, les lieux, les personnes. Les agents de l'OFII peuvent ainsi adopter des pratiques très différentes, sans déroger à la loi, et en toute « discrétion ».

c) Les textes applicables

La circulaire du 22 décembre 200620, relative aux modalités d'admission au séjour et d'éloignement des ressortissants roumains et bulgares à partir du 1er janvier 2007, stipule que : « les autorités françaises peuvent néanmoins apporter des limitations au droit de circulation et de séjour

2009, PUR, Rennes, p. 243.

17 Messer K., « Circulaires administratives et contrôle judiciaire : observations sur le droit et la pratique en Allemagne et dans l'Union européenne, in Conseil de l'Europe », in Pouvoir discrétionnaire de l'administration et problèmes de responsabilité, Ed. Conseil de l'Europe, Oxford, 1995, p. 111.

18 Spire A., Étrangers à la carte. L'administration de l'immigration en France (1945-1975), op. cit., pp. 143-188.

19 Ibid. p. 234.

20 Circulaire NOR INT/D/06/00115/C.

12

lorsque les intéressés représentent une menace pour l'ordre public ou constituent une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale français. ».21 Cette circulaire respecte donc les recommandations énoncées dans la directive du Conseil de l'Europe, relative à la libre circulation des ressortissants européens. Le terme « déraisonnable » est fortement connoté, moralement et culturellement. Il réfère à un jugement de valeur. Dès lors, les agents de l'administration peuvent tous, interpréter et mettre en pratique la législation, de manières différentes. Les circulaires ont, notamment, pour but, d'uniformiser les pratiques administratives. Dans cet exemple, la circulaire propose aux agents, de tenir compte d'éléments matériels et financiers, pour établir la « raisonnabilité » de la charge. Ici encore une diversité de pratiques est possible puisque rien n'est imposé. Les agents peuvent ne pas prendre en considération les éléments matériels cités par la circulaire.

Les Roumains et Bulgares peuvent, également, être reconduits à la frontière, s'ils enfreignent la législation du travail. La Roumanie et la Bulgarie étant toujours sous un régime « transitoire » au sein de l'UE, leurs ressortissants ont l'obligation d'être en possession d'un titre de séjour valide pour travailler en France. C'est un arrêté du 18 janvier 200822 qui régit la situation de l'emploi de ces ressortissants et donne la liste des 150 métiers qui leur sont ouverts. Cet arrêté est une des mesures transitoires dont la Roumanie et la Bulgarie font l'objet. La fin de ce régime transitoire n'étant pas unifiée en UE, les États disposent d'un pouvoir discrétionnaire.

D'après la circulaire interministérielle du 7 décembre 200623 relative aux dispositifs d'aide au retour, un étranger ne peut bénéficier qu'une seule fois de ces programmes. Un dispositif de prise d'empreintes digitales est en train d'être mis en place pour s'en assurer. Les empreintes digitales sont ajoutées aux données regroupées par l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF). Jusqu'à lors, certaines personnes réussissaient à déjouer cette limitation.

Dans le cadre d'une ARH, les différents membres de la famille sont supposés quitter le territoire ensemble. Ainsi « le consentement exprès de chacun des membres de la famille est requis »24. Des entretiens individuels doivent être effectués par l'ANAEM (ou l'OFII) ainsi qu'un accompagnement personnalisé « en vue d'une aide à la décision ». Cet accompagnement doit se poursuivre jusque dans le pays de retour. La prise en charge matérielle doit être maintenue jusqu'à la destination finale.

Les aides à la réinstallation sont distinctes des ARV et ARH, et seules certaines nationalités

21 C'est donc dans ces conditions que les Roumains et Bulgares peuvent faire l'objet d'une procédure de reconduite à la frontière.

22 Arrêté NOR : IMID0800327A.

23 Circulaire interministérielle n° DPM/ACI3/2006/522.

24 Ibid.

13

peuvent les cumuler25. Elles ciblent des personnes qui ont un « véritable projet de réinsertion économique dans leur pays d'origine ». Dès lors on s'interroge sur ce qu'est un véritable projet.

Dans le domaine des migrations internationales, bien que des accords internationaux énoncent les grands préceptes à respecter, les états conservent leur souveraineté nationale. L'accueil, le séjour et l'éloignement des étrangers restent dictés par des mesures nationales. De plus, même si la loi nationale ne change pas, les pratiques et les conceptions peuvent diverger selon les époques, les lieux, les personnes. Ainsi, nous verrons que de nombreux aspects des aides au retour humanitaire ne sont pas respectés. Cette observation me conduira à me questionner sur la définition d'un retour forcé.

Dans les définitions des organismes internationaux, travaillant avec les migrants, ce sont essentiellement les facteurs de la migration qui sont mis en avant. The United Nations Population Fund (UNFPA) définit la migration forcée comme « celle qui résulte de la coercition, de la violence, de raisons politiques ou environnementales contraignantes ou d'autres formes de contraintes, plutôt que d'une décision volontaire. »26 Selon cette définition, les deux types de migration sont très différents et opposables. Il n'est pas rare de retrouver cette idée dans les nombreuses publications scientifiques sur le sujet. Selon ces travaux, si le migrant n'est ni réfugié, ni demandeur d'asile, ni apatride, ni déplacé interne, ni déplacé écologique, il est, de fait, migrant volontaire. Ainsi, le sous titre de l'Atlas des migrations dans le monde27, de Catherine Wihtol de Wenden : Réfugiés ou migrants volontaires est très significatif à cet égard : elle cite les mouvements de réfugiés et de demandeurs d'asile, ainsi que le trafic de personnes, comme migrations forcées, et l'exode de cerveaux et les migrations économiques, comme volontaires. Cet angle d'étude ne s'avère cependant pas pertinent dans notre cas d'étude. En effet, le phénomène que je décris, ne peut être pleinement recouvert par ces catégories. Dès lors, pour définir une migration forcée, ou volontaire, il semble judicieux de l'étudier au prisme des pratiques, du comment et non des facteurs, du pourquoi. Véronique Lassailly-Jacob a développé cet axe d'analyse, dans Déplacés et Réfugiés. La mobilité sous contrainte28.

25 Les pays pouvant cumuler les ARH et les aides à la réinstallation sont les suivants : Algérie, Arménie, Bénin, Bosnie-Herzégovine, Burkina Faso, Cameroun, Cap Vert, Comores, Congo, République démocratique du Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Géorgie, Guinée, Haïti, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Moldavie, Niger, Nigeria, République centrafricaine, Roumanie, Rwanda, Sénégal (pays pour lequel l'appui à la conception et le suivi sont pris en charge dans le cadre du programme bilatéral franco sénégalais "programme d'appui aux initiatives de solidarité pour le développement"), Somalie, Surinam, Tchad, Togo, Tunisie, Ukraine, Vietnam.

26 http://www.unfpa.org/swp/2006/french/chapter_1/forced_migration.html [Site consulté le 10/02/2010.]

27 Wihtol de Wenden C., Atlas des migrations dans le monde. Réfugiés ou migrants volontaires, Autrement, Paris, 2005.

28 Lassailly-Jacob V., Marchal J-Y., Questel A., Déplacés et Réfugiés. La mobilité sous contrainte, Ed. de l'IRD, Paris, 1999.

14

B) La population migrante

1) Visibles mais peu nombreux

Les ARH, comme nous l'avons vu, ciblent indistinctement tout ressortissant étranger dans une situation de grand dénuement, y compris les citoyens européens. Or, depuis 2007, les ARH au départ de la France sont versées, en grand nombre, à des ressortissants roumains. Dans les documents de l'OFII, pour l'année 200829, les aides à la réinstallation ne sont pas mentionnées mais 8 245 Roumains auraient bénéficié d'une aide au retour humanitaire, sur un total, toutes nationalités confondues, de 10 212 personnes. Les Roumains sont donc les premiers bénéficiaires de ces programmes. De plus, les Roumains reconduits dans le cadre d'ARH sont « quasi exclusivement des Roms30 ».

Tableau 1 :

L'aide au retour humanitaire de 2006 à 2008.

10000

4000

8000

6000

2000

0

2006 2007 2008

TOTAL ROUMAINS ROUMAINS

TOTAL

Source : OFII. Réalisation : A. Guitton.

À l'inverse, les aides à la réinstallation ne sont prévues que pour une liste bien définie de pays. La Roumanie est le seul de ces pays appartenant à l'Union européenne.

Le nombre des Roumains présents en France est largement supérieur à celui des Bulgares. La présence des ressortissants roumains en France peut donc justifier le fait qu'ils sont les bénéficiaires majoritaires des ARH. Néanmoins, ceci n'explique pas pourquoi la Roumanie est le seul membre de l'UE pour lequel des aides à la réinstallation ont été mises en place. Dès lors, il convient de questionner la notion de « représentation ». L'imaginaire collectif des français attribue des caractéristiques spécifiques aux Roumains. Un amalgame est souvent opéré entre Roumains et Roms. De plus, les Roms sont encore trop souvent qualifiés de « voleurs de poules ».

Une frontière culturelle serait-elle toujours présente dans les représentations alors même que les frontières matérielles tendent à disparaître ? La théorie d'une « hiérarchie des assimilables »31

29 Annexe 4 : ARV, ARH, 2008.

30 Romeurope, Témoignage sur le déroulement des opérations de retour organisées par l'ANAEM, Rapport 2008.

31 Cette théorie eut une influence majeure, notamment au XIXème siècle et au début du XXème.

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fut, longtemps après les travaux de G. Mauco32, remise au goût du jour par un club d'extrême droite nommé « les bien-pensants ». Selon cette théorie, les différences culturelles, (et/ou phénotypiques) entre plusieurs communautés, peuvent expliquer des niveaux d'assimilation33 différents. Ainsi, plus la culture d'une communauté est considérée comme éloignée de la culture dominante du pays d'accueil, moins cette communauté serait en mesure d'être assimilée à la communauté dominante. Bien que n'étant absolument pas fondée sur des faits scientifiques, cette forme de pensée s'est diffusée dans la société. Cette « théorie » s'apparente donc à une idéologie xénophobe. Cette « hiérarchie des assimilables » trouvant toujours un écho aujourd'hui, il est possible de l'utiliser pour analyser l'imaginaire collectif français. Ainsi, bien que Européens, les Roms roumains seraient considérés comme trop éloignés, culturellement, des français, pour être en mesure de trouver leur place au sein de ce pays.

Enfin, ce titre de partie a été choisi en référence à de l'ouvrage dirigé par Dana Diminescu sur les circulations migratoires roumaines. Elle justifie elle-même ce titre en expliquant que « c'est ainsi que l'on parle couramment des migrants Roumains, de chancelleries en salles de rédaction de journaux. Cela sans doute pour marquer la spécificité de cette migration, mais aussi pour tempérer l'inquiétante impression due à la couverture médiatique dont elle est l'objet. »34 L'opinion publique est en effet plus sensible à la visibilité des étrangers qu'aux statistiques.35 Les médias ont un rôle important dans la visibilité d'une communauté et la création d'un imaginaire collectif sur cette communauté. En effet, la presse est source de conversations, elles mêmes sources d'opinions et de l'Opinion publique. « La presse unifie et vivifie les conversations, les uniformise dans l'espace et les diversifie dans le temps. Tous les matins, les journaux servent à leur public la conversation de la journée. »36 Lorsque l'Opinion publique est formée, la presse doit en tenir compte et lui apporter des sujets qui l'intéresse et la nourrit. La presse et l'Opinion sont liées par un ajustement mutuel. Ceci est également vrai pour les hommes politiques et la presse, ainsi que pour les hommes politiques et l'Opinion.

2) Une tradition migratoire

Les Roumains ont une tradition migratoire importante vers la France que l'on peut faire remonter au XIXème siècle. À partir des années 1990 et de l'ouverture du pays, cette migration est devenue très importante et a été qualifiée de « pendulaire ». « Préfigurant l'élargissement, des

32 Mauco G., Les étrangers en France : Leur rôle dans la vie économique, Paris, Armand Colin, 1932.

33 Le terme « assimilation », largement répandu au XIXème siècle et au début du XXème, fût dans les années 1980 remplacé par celui d' « intégration ».

34 Diminescu D (dir.), Visibles mais peu nombreux. Les circulations migratoires roumaine, MSH, Paris, 2003. p.1.

35 Wihtol de Wenden C., L'Europe des migrations, La Documentation française, Paris, 2001.

36 Tarde G., L'opinion et la foule, Ed. du Sandre, Paris, 2009, p. 89.

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migrants « à la valise » puis migrations pendulaires avec aller-retours pendant trois mois, installation « dans la mobilité comme mode de vie, vivant dans une co-présence » entre les différents espaces de vie. »37 Cette mobilité est devenue d'autant plus importante que la migration se légalisait. Le but de cette migration était de « tenter sa chance » sur le marché du travail Ouest européen. La suppression des visas Schengen, en janvier 2002, permit à de nombreux Roumains d'effectuer des voyages de trois mois. Plus ces voyages se multipliaient, plus les compagnies de transport enrichissaient leurs offres, permettant ainsi à d'autres personnes d'entrer dans ce système.38 Les Roumains ont donc su adapter leurs stratégies migratoires aux statuts juridiques qui leur ont été conférés. Il n'est donc pas surprenant, que certains d'entre eux ont développé des stratégies pour tirer profit des aides au retour humanitaire, qui leur sont proposées depuis 2007.

La mobilité des Roumains, et notamment des Roms roumains ne cesse de s'accroître. Elle est aujourd'hui définie comme une « circulation migratoire ». L'évolution du concept de circulation migratoire a été étudiée et décrite, notamment, par Chadia Arab39. Elle explique que ce concept englobe ceux de « réseaux migratoires », de « filières migratoires » et de « champs migratoires ». M-A Hily écrit à propos de la circulation migratoire, qu'elle « instaure des continuités là où les États ont institué des discontinuités »40. La circulation migratoire est donc un mouvement transnational, qui permet aux réseaux de migrants et aux communautés, de conserver des liens forts, au delà des limites d'un État.

3) Une population marginalisée

Le réseau Migreurop est formel à ce sujet : « la stigmatisation des deux derniers pays entrés dans l'UE vise principalement la forte proportion des Roms parmi leurs habitants, surtout en Roumanie. »41 En effet, selon eux, en 2008, 12 000 citoyens européens, principalement Roms, ont été déplacés, d'un pays à un autre, au sein de l'UE. Ils rappellent « qu'il n'y a pas si longtemps, leurs semblables avaient pu se voir reconnaître la qualité de réfugié, eu égard aux persécutions qu'ils avaient subies en Roumanie. »42 Pour certains, les discriminations qu'ils subissent en Europe centrale et orientale seraient la raison principale de leur migration. Les représentations que l'on se fait d'une population peuvent donc évoluer rapidement. Les Roms, qui furent considérés comme une population à aider et à accueillir, sont devenus une population à refouler. Dès lors, on peut

37 Wihtol de Wenden C., La globalisation humaine, op. cit., p. 85.

38 Diminescu D., « Stratégies roumaines », Plein droit, n°55, décembre 2002.

39 Arab C. « La circulation migratoire : une notion pour penser les migrations internationales », e-migrinter, 2008, n°1, Poitiers.

40 Hily M-A., « Les migrations comme objet de recherche », in Akoka K., Gonin P., Hamelin D. (dir.), Migrants d'ici et d'ailleurs. Du transnational au local, 2009, Ed. Atlantique, Poitiers, p. 36.

41 Migreurop, Atlas des migrants en Europe. Géographie critique des politiques migratoires, 2009, Armand Colin, Paris. p. 25.

42 Ibid. p. 27.

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considérer qu'un changement, dans les représentations que l'on se fait d'une communauté, est le corollaire d'un changement de pratique à son égard.

Les Roms sont toujours très largement marginalisés et discriminés en Roumanie. Le terme « Tsigane » est souvent employé de manière péjorative. Notons que les Roms discriminent, également, les « non-Roms » : les « Gadje ». Malgré cela, je tiens à préciser que des politiques publiques ont été lancées pour tenter de lutter contre ce phénomène. Le gouvernement roumain et l'Agence Nationale pour les Roms (ANR) ont lancé le projet Stop prejudecatilor despre etnia roma (SPER) en mai 2007. Ce projet est financé par les fonds européens Phare (fonds de pré-adhésion et de passage aux fonds structurels). Comme nous le voyons ici, les Roms sont identifiés et comptabilisés comme appartenant à « l'ethnie Rom ». Tout le paradoxe de cette situation réside dans le fait que cette « identification » peut également être la pierre angulaire de discriminations. Ces politiques publiques font suite aux recommandations de l'UE en matière de respect des Droits de l'Homme. Une grande partie de la société roumaine reste méfiante par rapport à ces politiques.

Les évolutions de l'imaginaire collectif français peuvent expliquer, en partie, les évolutions des pratiques de retour des ressortissants roumains. Ces derniers s'adaptent à leurs nouveaux statuts et aux nouvelles représentations dont ils sont affublés. L'OFII adapte également ses pratiques aux évolutions des représentations des Roumains, et notamment des Roms roumains. La communauté Rom roumaine est aujourd'hui considérée comme « refoulable » et occupe le premier rang des bénéficiaires d'ARH.

C) Démarche scientifique et méthode de recherche

1) Les démarches et méthodes mises en pratique

Pour cette enquête de terrain, je me suis rendue en Roumanie du 22 février au 10 avril 2010.

a) Suivi de l'actualité

Seulement dix jours avant mon arrivée à Bucarest, le secrétaire d'État aux affaires européennes, Pierre Lellouche, se rendait en Roumanie. Il s'était déplacé pour obtenir l'engagement du gouvernement roumain, de prendre en charge la réinsertion des Roms reconduits en Roumanie. Cette visite a eu d'importantes retombées médiatiques. Lors de la conférence de presse qui a suivi la rencontre de Pierre Lellouche avec Emil Bloc, premier Ministre roumain, la criminalité a été présentée comme la raison principale du retour des Roms en Roumanie. Or, nous savons que la cause de ces retours est la situation de « grande précarité » des migrants. Par ailleurs, ces retours ont été présentés comme des expulsions, et non comme des retours humanitaires. Cette conférence de presse, tout comme ses nombreuses retombées médiatiques ont été une source d'information

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importante pour cette étude. En effet, cela m'a permis de prendre en compte la question de la criminalité, car présente dans tous les discours, politiques et médiatiques, ainsi que dans l'Opinion publique.

Le 8 mars 2010, une affaire de détournement d'aides sociales britanniques a éclaté. Cette affaire concernait une jeune femme, Rom roumaine, surnommée par certains journalistes « la reine des Tziganes »43. La militante pour les droits des Roms a été arrêtée pour avoir détourné presque trois millions d'euros, au profit de familles roms installées dans le nord de Londres. Cette affaire a provoqué un réel battage médiatique. Le même jour, le 8 mars 2010, le campement rom de Massy-Palaiseau était attaqué et incendié. Cet événement est passé inaperçu dans les médias.

Le sommet européen de Cordoue, portant sur les Roms et les Gens du voyage, s'est tenu les 8 et 9 avril 2010. Au terme de cette rencontre, la « déclaration de Cordoue » assurait que de nombreux engagements avaient été pris, mais l'absence des représentants des États européen a minimisé l'impact qu'ils pourraient avoir. Seules l'Espagne (actuelle présidence de l'UE), la Belgique et la Hongrie (futures présidences de l'UE) et la France se sont engagées a respecter la déclaration de Cordoue. De plus, cette absence peut être entendue comme le désintérêt des États européens pour la cause Rom.

Le suivi de l'actualité m'a donc donné l'occasion d'étudier les formes de gestion des migrations et de gestion des Roms qui tendent à être mises en place en Europe.

b) Réalisation d'entretiens semi-directifs

Dans le cadre de cette étude, il me fallait interroger les pratiques et les discours que les acteurs mettent en place. N'ayant pas encore eu l'occasion de rencontrer des acteurs de la migration que j'étudie, ma connaissance du phénomène n'était que théorique. Alain Blanchet et Anne Gotman écrivent que « l'entretien s'impose chaque fois que l'on ignore le monde de référence, ou que l'on ne veut pas décider à priori du système de cohérence. [...] Quant aux résultats visés, l'enquête par entretien ne peut prendre en charge que des questions causales, les « pourquoi », mais fait apparaître les processus et les « comment ». [...] L'entretien révèle la logique d'une action, son principe de fonctionnement. »44 Ne connaissant pas le monde de référence et cherchant à découvrir le « comment » du retour des roumains en Roumanie, l'entretien est la méthode de recherche que j'ai sollicitée.

La migration de retour implique trois types d'acteurs : les migrants roumains, les structures officielles (ou para-officielles) en charge de l'immigration et les associations indépendantes d'aide

43 http://www.adevarul.ro/actualitate/eveniment/Regina_tiganilor_a_gaurit_bugetul_Regatului_Unit_0_221378433.ht ml [Site consulté le 10/03/2010]

44 Blanchet A., Gotman A., L'enquête et ses méthodes. L'entretien, 2007, Armand Colin, Paris, p. 37.

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aux migrants. Ces différents acteurs interagissent tous selon des stratégies et des objectifs différents. Il est donc important d'essayer d'appréhender le point de vue de tous les acteurs. A. Blanchet et A. Gotman exposent le but des enquêtes sur les représentations et les pratiques. « Ces enquêtes, qui visent à la connaissance d'un système pratique (les pratiques elle-même et ce qui les relie : idéologies, symboles, etc...) nécessitent la production de discours modaux et référentiels, obtenue à partir d'entretiens centrés d'une part sur les conceptions des acteurs et d'autre part sur les descriptions pratiques. »45 J'ai effectué des entretiens semi-directifs. L'intérêt des entretiens semi-directifs est qu'ils permettent de n'aborder que des sujets qui nous sont utiles, sans diriger la parole des intervenants. M'intéressant aux conceptions et aux pratiques des acteurs, les axes de discussion se sont bornés à ces deux éléments, tout en laissant la parole libre, à l'interlocuteur. J'ai également questionné les acteurs, sur leurs opinions concernant la visite de Pierre Lellouche à Bucarest et le sommet de Cordoue.

L'OFII m'avait signifié ne pas être en mesure de me communiquer, ni l'identité des bénéficiaires d'ARH, ni les statistiques les plus récentes concernant ces programmes. C'est auprès des associations indépendantes que j'espérais pouvoir obtenir ces informations. Ces associations travaillent au coté des migrants, et peuvent être témoins des pratiques de reconduite à la frontière. Leurs discours concernant ces pratiques sont très certainement différents de ceux produits par les structures officielles. Je pensais que ces associations étaient en mesure de me communiquer les éléments qui me sont nécessaires pour élaborer un échantillon représentatif de la population roumaine bénéficiaire d'ARH46. Je n'ai obtenu aucune information susceptible de me permettre de réaliser un tel échantillon. Je n'ai pas, non plus, réussi à obtenir un entretien avec l'OFII ou avec des migrants.

Avant le départ sur le terrain, j'ai rencontré S.F., secrétaire de l'Association de Soutien aux Familles Roumaines de Palaiseau (ASFRP). Nous avons conversé pendant 20 minutes, dans un café parisien, le 20 février 2010. Nous avions convenu de nous revoir, à mon retour, pour que je puisse découvrir le campement Rom de Massy-Palaiseau.

Arrivée sur le terrain, j'ai tout d'abord tenté d'entrer en contact avec les ONG conventionnées par l'OFII pour prendre en charge la réinsertion des migrants. Leurs coordonnées sont disponibles sur le site internet de l'OFII. Par téléphone, la secrétaire de l'association Hatnutza, de Satu Mare m'a répondu n'avoir aucun contact avec des migrants rentrés de France et ne plus travailler avec l'OFII. Aucun membre de cette association n'a accepté de me rencontrer. Par contre, un des membres de la fondation Kelsen, de Baia Mare, a accepté de me rencontrer. Je me suis donc rendue à Baia Mare.

45 Blanchet A., Gotman A., L'enquête et ses méthodes. L'entretien, op. cit., p. 30.

46 Ces éléments sont, l'âge des personnes, leur sexe, leur ethnie, leur région d'origine, leur capital culturel et économique. Cette liste n'étant pas exhaustive, la recherche de terrain me permettra de la réajuster.

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Une fois sur place, les bureaux de la fondation étaient fermés. J'ai téléphoné au même numéro et une personne m'a expliqué que tous les membres de la fondation étaient en déplacements, ou malades, et que personne ne serait en mesure de s'entretenir avec moi. Il m'a bien été notifié qu'il n'était pas nécessaire d'insister. Après de rapides recherches, j'ai découvert dans un article de la presse locale de 200647, que la fondation Kelsen est soupçonnée de détournement de fonds publics. Il n'est donc pas étonnant que ses membres aient, finalement, refusé de m'accorder un entretien. De même, la fondation Crimm de Bucarest a tout de suite refusé de me rencontrer. Enfin, seule la présidente de l'association Generatie Tanara, de Timisoara, a accepté de s'entretenir avec moi. L'entretien s'est déroulé le 26 mars 2010, dans le bureau M.P., et a duré une heure. M.P. avait tenu a laisser la porte ouverte et nous n'avons pas cessé d'être interrompues.

Ensuite, j'ai recherché quelles étaient les ONG travaillant avec les migrants et/ou avec les Roms, dans les villes où se situent les ONG mandatées par l'OFII. À Satu Mare, je n'en ai trouvé aucune. À Baia Mare, j'ai pris contact avec Mh., présidente de Clubul Tinerilor Romi. J'ai rencontré Mh. le 5 mars, dans un café de Baia Mare. L'entretien a duré une heure et demi, en roumain. Mh. connaissait une famille rom qui revenait de France. Il m'était impossible d'être présente lorsque Mh. rencontrerait cette famille, deux semaines plus tard. J'ai donc communiqué à Mh., les thématiques que je souhaitais aborder avec ces migrants. Elle a pris en charge l'entretien et m'a envoyé un résumé des réponses de cette famille. À Bucarest, j'ai sollicité la fondation Parada, l'Agentia Nationala pentru Romi (ANR), Romani Criss, l'association Cultura si Pace, la fondation Soros et le collectif Migrants in Romania. Le président de la fondation Parada, I.J., a répondu, positivement, à ma requête. Je devais le rencontrer le 10 mars 2010, pour un entretien d'une heure, dans les locaux de la fondation. Lorsque je suis arrivée, I.J. s'était absenté et avait confié à S. et à A., la charge de répondre à mes questions. S. est une stagiaire française, A. est une assistance sociale de Parada. A. étant également francophone, l'entretien d'une heure s'est déroulé en français, dans la salle de réunion de la fondation. Lorsque I.J. est arrivé, il n'avait que dix minutes à me consacrer. Notre entrevue, en français, a eu lieu dans son bureau. Dan Oprescu Zenda, sociologue et membre de l'ANR a aussi accepté de me rencontrer. Nous nous sommes entretenus le 11 mars 2010, dans son bureau. Cet entretien en anglais a duré une heure et demi. De même, N., francophone de Romani Criss, a consenti à me recevoir le 12 mars 2010. Nous avons conversé une heure en français, dans les bureaux de son association. Les trois autres structures de Bucarest, que j'avais sollicitées, n'ont pas répondu à mes requêtes. À Timisoara, j'ai contacté l'association Parudimos, ainsi que certains de ces anciens membres ayant travaillé à l'étude de faisabilité de projet de réinsertion économique. J'ai également sollicité l'Institut Interculturel de Timisoara. Seuls les anciens membres de Parudimos ont

47 http://www.gazetademaramures.ro/fullnews.php?ID=5170 [Site consulté le 04/03/2010.]

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accepté de me rencontrer. E. est francophone. Notre entretien d'une heure, dans un café de Timisoara, s'est déroulé le 25 mars 2010, en français. J'ai rencontré D. le 27 mars 2010, dans un café. Notre entretien, en anglais, a duré une heure et demi.

À mon retour à Paris, je n'ai pas pu revoir S.F. qui était en déplacement. Elle m'a redirigée vers G., présidente de l'association. J'ai retrouvé G. le 13 avril 2010, à son domicile de Palaiseau. J.P., un membre de l'association qui était également témoin de l'incendie du campement, était présent. Cet entretien a duré une heure.

Au cours de cette étude, j'ai donc réalisé dix entretiens, auprès de douze personnes. J'ai réalisé leur retranscriptions complètes. Pour l'analyse de ces informations, j'ai repéré les thèmes et sous thèmes principaux, puis j'ai élaboré un code correspondant aux différents types de réponses que j'avais reçues. Cette codification m'a permis de mettre en évidence les réponses similaires de certains interviewés et ainsi, de réaliser trois groupes d'acteurs : les acteurs proches des théories de l'inclusion sociale, les acteurs proches des théories de la discrimination raciale, et les acteurs « modérés ».

c) Recherche bibliographique

Pour cette étude, je me suis tout d'abord intéressée à un contexte précis, le « retour forcé » des Roumains, en Roumanie. C'est en fonction de ce contexte que j'ai pu définir le cadre conceptuel dans lequel je me suis située.

Au fil des entretiens que j'ai eu l'occasion de réaliser, de nouvelles thématiques sont apparues. Pour les analyser, je n'ai cessé d'enrichir le cadre conceptuel. À cet égard, Dan Oprescu Zenda m'a beaucoup apporté : il m'a communiqué divers documents bibliographiques, ainsi que le fruit de ses propres recherches. L'article : « Another decade, another inclusion... (A few words on the decade of Roma's inclusion; a personal perspective from Rumania). »48 s'est révélé particulièrement pertinent, au regard des informations que j'ai collectées. Dans cet article, l'auteur démontre que dans le domaine de l'action sociale, destinée aux Roms, deux théories dominent : « the social inclusion theory (SIT) » et « the racial discrimination theory (RDT) ».

Les théories de l'inclusion sociale (SIT) remontent au XVIIIe siècle. Selon elles, les Roms sont des être humains « incivilisés », qui peuvent être « domestiqués » et transformés en « êtres-humains à part entière », au moyen de différentes techniques. Il est possible de « capturer » les nomades et de les forcer à se sédentariser. Il est ainsi nécessaire de leur fournir des logements, de nouveaux vêtements, des papiers d'identité, parfois même des noms. D'une manière générale, l'éducation est considérée comme un élément clé des théories de l'inclusion sociale. Pour qu'elles

48 Oprescu Zenda D., « Another decade, another inclusion... (A few words on the decade of Roma's inclusion; a personal perspective from Rumania) », Studia Univertatis Barbes-Bolyai, Bucarest, 2007, p. 79-90.

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aient un impact, il est nécessaire que les organisations porteuses de ces projets coopèrent avec les autorités, qu'elles soient locales ou centrales. L'auteur explique que trop souvent, les ONG roumaines partisanes des SIT ne sont que des compagnies commerciales, à peine déguisées en ONG. Parfois, ces structures peuvent se retrouver en opposition avec des ONG plus critiques vis-à-vis des autorités.

Les ONG plus critiques se sont souvent spécialisées dans la publication de rapports, dénonçant les discriminations raciales. Romani Criss en est un exemple intéressant. Lors de la création de cette ONG Rom, son but était « l'intervention sociale et le développement communautaire ». Cette organisation s'est récemment spécialisée dans la lutte contre les discriminations, sous l'influence du European Roma Rights Center (ERRC). Les militants pour les droits des Roms les plus radicaux sont des partisans des théories de la discrimination raciale (RDT). L'origine de ces théories vient du Bon sauvage, de Jean-Jacques Rousseau. Selon cette conception les Roms ne sont pas corrompus pas notre civilisation décadente. Ainsi, s'ils ne sont pas pleinement intégrés, dans nos sociétés occidentales, la faute en revient aux discriminations qu'ils subissent, et non à leur mode de vie.

2) L'empirisme de terrain

a) S'entretenir en plusieurs langues

Lors du premier entretien réalisé, nous avons conversé en roumain. Pour ma compréhension, Mh. a parfois dû se répéter ou parler plus lentement. Il est donc envisageable que Mh n'ait pas exprimé tout ce qu'elle voulait en une heure. Il est également fort probable que je n'aie pas relevé certains éléments signifiants, au cours de l'entretien. J'ai pris la liberté de traduire cet entretien en français.

Lors des entretiens en anglais et en français, les acteurs s'exprimaient dans un langue étrangère. Parfois, ils n'ont pas utilisé le mot juste. Parfois, la tournure de leurs phrases était incorrecte. Je me suis permise de corriger certaines erreurs, lors de la retranscription. Toutefois, j'ai taché de rester fidèle au sens que les acteurs avaient donné à leurs propos.

b) L'absence de l'OFII et des migrants

Avant mon départ en Roumanie, j'avais adressé deux courriers à l'OFII, sollicitant des entretiens. L'un était destiné à la direction territoriale de l'OFII de Poitiers. L'autre était adressé au siège de Paris, dans le but d'obtenir un rendez-vous avec le représentant de l'OFII à Bucarest.

Aucune réponse ne m'a été retournée et sur place, l'OFII de Bucarest n'a pas accepté de me rencontrer.

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Les migrants roumains ayant bénéficié des ARH sont quasi exclusivement des Roms. Toutefois, il est très délicat de tenter d'identifier les Roms en Roumanie. En effet, peu d'entre eux sont inscrits sur les listes électorales. De plus, lors d'une brève rencontre, une personne rom préfèrera se présenter comme « non-rom ».49 Ensuite, il faut identifier les Roms ayant migré en France, puis ceux ayant reçu des ARH. Cette entreprise s'avère très compliquée et son succès n'est pas assuré.

C'est pourquoi j'espérais pouvoir obtenir des contacts de migrants ayant été reconduits, dans le cadre d'ARH, par l'intermédiaire des ONG conventionnées par l'OFII pour prendre en charge leur réinsertion. Trois de ces quatre ONG ont refusé de me rencontrer. La présidente de Generatie Tanara, avec laquelle je me suis entretenue, n'a pas accepté de me communiquer ses contacts. M.P. n'a pas, non plus, consenti à me révéler combien de migrants avaient été reconduits par l'OFII, dans le comté de Timis.

Les anciens membres de Parudimos qui avaient travaillé avec des migrants à l'étude de faisabilité d'un projet de réinsertion, n'ont plus de contacts avec ces personnes. Ils supposent qu'ils sont repartis en France. En effet, une grosse majorité des migrants repartent en France assez rapidement. Différentes sources expliquent que 75 à 90 % des migrants reconduits par l'OFII seraient repartis.50

Tous ces éléments m'ont conduite à me demander en quoi le manque de cohérence politique du « programme de retour » mis en place pour les Roumains, favorise non seulement la circulation des populations, mais participe à masquer la réalité sociale de cette migration, empêchant une gestion appropriée de ce phénomène migratoire ?

Pour répondre à cette question, dans une première partie, j'axerai ma réflexion sur le manque de cohérence politique de ces programmes. En effet, ils incluent des acteurs très hétérogènes, sans réelle coopération entre eux. Ces différents acteurs ont des conceptions bien différentes de l'action sociale, des programmes de retour humanitaire et des aides à la réinsertion. De plus, l'absence de réinsertion favorise la mobilité des migrants.

Dans une seconde partie, je montrerai comment le manque de coopération entre les différents acteurs, conduit à une méconnaissance des communautés migrantes et de leur phénomène migratoire.

Enfin, je mettrai en avant, dans une troisième partie, les tentatives de gestion des mobilités des Roms. J'expliquerai en quoi, et pourquoi, ces tentatives ne sont pas appropriées aux

49 Fleck G., Florea I., Kiss D., Rughinis C., Come closer. Inclusion and exclusion of Roma in present day Romanian Society, Human dynamics, Bucharest, 2008, p. 10.

50 Annexe 1 : extraits d'entretiens.

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communautés qu'elles ciblent.

I) Les incohérences des programmes d'aide au retour

Le programme d'aide au retour humanitaire mis en place pour les ressortissants roumains présente un manque de cohérence politique, dû à l'hétérogénéité des acteurs, et à leurs représentations différentes des aides au retour et des aides à la réinsertion. En effet, certains acteurs mettent en avant le caractère volontaire et humanitaire des aides au retour, alors que d'autres acteurs les définissent comme forcées. De plus, les aides à la réinsertion sont très peu diffusées. Cela met en cause l'intérêt de leur existence.

A) Des acteurs hétérogènes

Trois types d'acteurs sont concernés par ces programmes d'aide au retour et de réinsertion en Roumanie. Les pouvoirs publics sont les instigateurs de ces programmes de retour, mais peuvent également proposer des alternatives. Les ONG et associations travaillent avec les migrants en amont et en aval de ces retours. Les migrants profitent de ces programmes ou les subissent.

1) Les pouvoirs publics

a) L'OFII

Le Service Social d'Aide aux Émigrants (SSAE) est créé en 1926; il est reconnu d'utilité publique en 1932. L'Office National d'Immigration (ONI) voit le jour en 1945 et devient l'Office des Migrations Internationales (OMI) en 1988. Le Fond d'action sociale (FAS), héritier du FAS algérien de 1958, il devient en 2001 le Fond d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (Fasild). En janvier 2005, l'OMI absorbe le SSAE pour devenir l'Agence Nationale d'Accueil des Étrangers et Migrants (ANAEM), (Le Fasild a pu refuser la fusion, alors que le SSAE n'a pas été en mesure de la refuser). Le but de cette Agence est d'être l'instrument d'une nouvelle politique d'immigration, associant immigration, accueil et intégration. Sylvain Chevron contextualise la création de l'Agence. « Au coeur « d'un véritable programme politique », la création de l'ANAEM par la loi de programmation du 18 janvier 2005 « s'inscrit donc dans un vaste mouvement de recomposition institutionnelle » qui l'englobe et la dépasse. »51 Sylvain Chevron explique que la collaboration entre assistants sociaux et anciens fonctionnaires de l'OMI (auditeurs) peut être complexe. En effet, leurs conceptions de « l'action sociale » sont parfois bien

51 Chevron S., La réforme des structures en charge de l'immigration. De l'ANAEM à l'OFII, L'Harmattan, Paris, 2009, p.15.

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différentes. Pour les assistants sociaux, l'action sociale « implique un nécessaire accompagnement de la personne qui peut parfois durer plusieurs mois. Pour les auditeurs, à partir du moment où il y a contact avec le public, il y a action sociale. »52 »

Le SSAE était l'une des vingt branches du Service Social International. En vertu d'une convention d'affiliation du 8 juin 2007, l'OFII a repris l'activité du SSI en France, en tant que bureau affilié. Les relations avec le SSI mobilisaient six personnes au sein du SSAE et ne mobilisent plus que deux personnes au sein de l'OFII. Le SSAE était donc plus impliqué dans le SSI que ne l'est l'OFII. « D'une manière plus générale, il semble que les « partenaires traditionnels des assistants seraient plus méfiants envers un établissement public qu'envers une association »53. L'action sociale de l'OFII s'en trouve défavorisée.

En 2006, le FASILD devient l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances et le service civil volontaire (Acsé). La réforme de ces institutions n'est pas achevée. Le rapprochement de l'accueil et de l'intégration que l'Agence devait opérer, n'est pas celui escompté. Ainsi par le décret n°2009-331 du 25 mars 2009 de modernisation pour le logement et la lutte contre l'expulsion, l'ANAEM absorbe une partie des compétences de l'Acsé et devient l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Au sein de l'OFII les assistants sociaux et les auditeurs ne s'accordent pas sur les missions de l'Office. En effet, « l'action sociale » n'est pas présentée dans le livret d'accueil que distribue l'Office et le film diffusé aux nouveaux arrivants l'évoque simplement. Sylvain Chevron affirme que « dans plusieurs directions territoriales, certains assistants auraient eux-mêmes créé des plaquettes de présentation. Mais le siège leur en a interdit la diffusion [...]. »54 Ainsi le terme « action sociale » ne signifie pas la même chose pour tous les travailleurs de l'Office. De plus, tous n'y accordent pas la même importance.

b) Le rôle des autorités locales

Les autorités locales peuvent avoir un rôle en amont et en aval de ces retours. En France, elles peuvent éviter ou encourager les évacuations, souvent préalables aux opérations de retour. Dans la région parisienne, des réponses politiques différentes ont été mises en place, d'un département à l'autre, d'une commune à l'autre. Les positionnements politiques des maires, des préfets, des conseillers généraux, etc, sont évidemment liés au traitement des populations roms, établies sur leurs circonscriptions. Si certaines communes acceptent l'établissement d'un campement, ce n'est jamais sans condition. La condition d'un nombre « raisonnable » de personnes,

52 Chevron S., La réforme des structures en charge de l'immigration. De l'ANAEM à l'OFII, op. cit., p.15. « Entretien avec Christine Rousselin, responsable du service social à la direction OFII de Paris Centre », p. 178.

53 Ibid., « Entretien avec Christine Rousselin, responsable du service social à la direction OFII de Paris Centre », p. 173.

54 Ibid., p. 171.

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a été évoqué par les trois acteurs interrogés, travaillant au sein de l'ASFRP. S.F., secrétaire de l'ASFRP témoigne :

S.F. - « [...] À Chilly-Mazarin, la mairie s'est radoucie et a accepté qu'ils s'installent, sous conditions (pas trop de...). Ils ont même acheté quelques cabanes pour les gens. Et puis le camp a grandi, les règles n'ont pas été respectées. »55

En effet, les communes considèrent qu'au delà d'un certain nombre, les campements ne seraient plus « gérables ». De mon point de vue, les autorités locales craignent le développement d'une organisation sociale propre au camp, qu'elles ne sauraient comment gérer.

De plus, les autorités locales élues doivent satisfaire leur électorat. Pour comprendre les actions mises en place par un homme politique, il faut essayer de cerner l'opinion du groupe qui l'a élu. Il est probable que les autorités locales se focalisent sur la question de la « taille du camp », car une petite communauté est peu visible. La visibilité d'une communauté attire l'attention de l'Opinion. En effet, dès que les camps deviennent trop importants et trop visibles, les riverains se plaignent, l'Opinion leur fait écho. Les autorités locales qui ne veulent pas fâcher leur électorat, s'assurent que des expulsions spectaculaires aient lieu.

Une étude sur la situation des Roms en Italie, menée par P. Arrigoni, E. Claps et T. Vitale s'est avérée particulièrement intéressante puisqu'elle m'a permise de comparer le cas français avec le cas italien. Les auteurs écrivent que « [les pouvoirs locaux] utilisent un répertoire d'instruments de l'action publique très limité, réductible au binôme « camps nomades et bidonville ». Sur le plan politique, ils obtiennent le consensus sous une forme démagogique, gouvernant par la criminalisation des groupes tsiganes. »56 Premièrement, ceci nous montre que les autorités locales, en Italie et en France57, n'ont pas une gestion très différente de ces populations. Ce n'est donc pas le nombre de personnes visé qui définit « l'action publique » mais bien la conception spécifique qu'ont les autorités des populations ciblées et de leurs besoins. Les villages d'insertion de Seine Saint-Denis en sont un bon exemple. Un petit nombre de familles (restreintes) est choisi. Les futurs villageois doivent accepter de ne rencontrer les membres de leur famille et leurs amis, qu'en dehors du village. Pour s'en assurer et veiller à ce que les villages ne se transforment pas en campements, des vigiles surveillent les lieux. Des caravanes sont attribuées aux familles. Lorsque des intervenants extérieurs viennent leur dispenser des cours d'alphabétisation et des formations

55 Annexe 1 : extraits d'entretiens.

56 Arrigoni P., Claps E., Vitale T., « Regards croisés. Anti-tsiganisme et possibilité de « vivre ensemble », Rom et Gadje en Italie », Études Tsiganes, n°35, juillet 2009, p. 83.

57 En Italie, les Roms et les Sinti sont la minorité la plus importante. Ils représentent 0,25 % de la population, contre 0,6 % en France.

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civiques, les familles sont réunies dans la salle polyvalente du village. Lorsqu'une famille a franchi une étape dans son parcours d'insertion, un bungalow lui est attribué. Lorsque tous les membres de la famille (restreinte) sont prêts à s'insérer dans la société française, ils peuvent quitter le village. Cette initiative nous montre bien des choses. Les pouvoirs publics ont une connaissance très limitée des communautés roms et de leurs organisations familiales. Les villages sont constitués de caravanes et de bungalows. Dès lors, la question est de savoir quelle est la différence entre un campement et un village. Seule la salle polyvalente et la présence d'un vigile nous permettent de différencier l'un de l'autre. Cette salle est un lieu important du village d'insertion, puisque c'est là que l'enseignement de la vie dans la société française, est prodigué aux familles. Cependant, il est également possible d'installer une salle de ce type dans les campements préexistants. Dès lors, on peut se demander si la présence d'un vigile est l'atout principal de ce projet. Malgré ses contradictions, le projet remporte certains suffrages, et représente l'intérêt d'être « un début ».

Selon « the European Union Agency for Fundamental Rights » (F.R.A), le manque de projets appropriés à ces communautés est généralisé en Europe. « The findings of the research show little evidence of any specific strategy or measures developed by public authorities in receiving countries to integrate Roma EU citizens from other Member States. »58

Enfin, en Roumanie, les pouvoirs publics et les autorités locales sont encore très largement corrompus et souvent inactifs. De plus, ils sont absents des programmes de réinsertion des Roms. La société civile semble n'avoir aucun contre-poids face à eux. Sur neuf personnes interrogées en Roumanie, dont huit Roumains, cinq personnes ont cité ce problème.

E. - « L'autorité locale, elle a le pouvoir. [...] Ici à Timisoara, à la préfecture il y a un bureau de parlementaires. Ils ne font rien. [...] »59

D. - «I was very surprised when I went to the local authorities and talked about the program, nobody knew anything about it. It was a program done by one side, to have effect on two sides.»60

Les pouvoirs publics français sont ici également mis en cause, puisqu'ils ne coopèrent pas, avec les autorités locales roumaines, dans le cadre des programmes de réinsertion économique.

2) Les ONG et le milieu associatif

Les acteurs interviewés dans le cadre de cette étude ont été regroupés dans trois catégories.

58 F.R.A., The situation of Roma EU citizens moving to and settling in other EU Member States, Confenrence Editions, Autriche, 2009, p. 7-8.

59 Annexe 1 : extraits d'entretiens.

60 Ibid.

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Ces catégories ont été réalisées au vu des modèles théoriques formulés par Dan Oprescu Zenda (SIT et RDT). Ces modèles théoriques ne s'appliquent pas de manière absolue à une ONG ou une personne. Nous faisons tous des compromis, nous évoluons, c'est pourquoi j'utilise les termes de « dominante SIT » et « dominante RDT ». Chez certains des acteurs m'ayant accordé un entretien, il m'était impossible de dégager une tendance, une dominante. J'ai nommé ces acteurs les « modérés ». Sur un total de onze acteurs, quatre sont placés dans la catégorie « à dominante SIT », cinq sont modérés et deux d'entre eux sont dans la catégorie « à dominante RDT ».

a) Les acteurs interrogés « à dominante SIT »

J'ai placé dans cette catégorie les membres de l'ASFRP, (G, S.F., J.P.), ainsi que M.P., présidente de Generatie Tanara.

Le premier élément qui m'a permis de regrouper ces acteurs dans une même catégorie est le fait qu'ils sont les seuls à ne pas être défavorables aux ARH et aux villages d'insertion.

J.P. - « Nous on s'oriente plus vers des modèles qui ont été faits en Seine-Saint-Denis, des villages d'insertion. Le problème de ces villages c'est qu'il y a un gardiennage. [...] C'est ça qui pose un problème aux autres associations parce qu'ils considèrent que c'est un camp d'internement, les grands mots et tout. Sauf que nous on voit une situation zéro, et là on voit une situation qui est mieux que zéro. »61

Ces acteurs ne sont donc pas défavorables aux programmes mis en place par les autorités. Il n'est donc pas surprenant qu'ils s'avèrent être les interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics. Selon D. Oprescu Zenda, cet élément est essentiel pour définir les SIT.

J.P. - « Le problème qu'on rencontre, c'est un petit peu comme en politique, il y a des partis extrêmes qui sont contre tout, mais qui n'arriveront jamais au pouvoir, parce qu'ils n'ont aucune solution. Ils tapent tout le temps. Et puis il y a ceux qui essayent de faire quelque chose. Forcément c'est une négociation. On a gagné des points avec le Maire de Massy, on essaye de s'en servir pour la prochaine fois. On va essayer d'avoir une réunion avec le Préfet. Il faut négocier, mais dans tous les cas on ne peut pas donner toutes les libertés. »62

Les acteurs de cette catégorie sont les moins enclins à reconnaître des spécificités

61 Annexe 1 : extraits d'entretiens.

62 Ibid.

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communautaires, ou ethniques, aux groupes roms. Ils considèrent que tous les hommes sont égaux

et qu'aucun particularisme n'est justifiable. Ceci explique également leur position d'interlocuteurs

privilégiés des autorités.

M.P. - « Regarde, les associations de... les associations qui s'occupent de personnes Roms sont des associations avec lesquelles les Roms ne sont pas toujours intéressés de collaborer. [...] Quand on parle des Droits de l'Homme, peu importe qu'il soit Rom, qu'il soit Roumain, qu'il soit Juif ou Allemand, l'homme est Homme. Sinon, quand on commence à penser comme ça, on finit avec le trafic de femmes, avec le trafic d'enfants, avec des hommes qui sont obligés à mendier, avec des femmes qui sont obligées à mendier, et spécialement les enfants qui sont envoyés dans beaucoup beaucoup d'affaires. Nous vivons dans un monde qui aujourd'hui est détruit, sans valeur morale. La famille est déjà une institution périmée et nous avons besoin de retourner à des valeurs morales saines, et donc de famille. »63

Comme nous pouvons le voir ici, pour M.P., la reconnaissance de spécificités communautaires serait néfaste aux valeurs morales de la société. À plusieurs reprises M.P. a suggéré un lien entre les migrations roms et la criminalité. Ce lien est courant dans les médias et dans les discours politiques, il l'est toutefois moins dans le milieu associatif. Cet élément est notable car il nous permet de faire une distinction entre les points de vue des membres de l'ASFRP et celui de M.P. La présidente Generatie Tanara insiste sur l'importance des trafics, J.P. insiste sur leur visibilité.

J.P. - « Il y a 90 % qui respectent les règles et il y a 10 % qui... Et même ici,

le problème c'est qu'on ne voit que les 10 %, dans tous les cas. »64

Cette différence de conception peut être due, tant aux opinions personnelles des acteurs, qu'à leur culture.

b) Les acteurs interrogés « modérés »

Cette catégorie est formée des membres de Parada interrogés (S., IJ., A.), de E., ancienne membre de Parudimos et de Mh., présidente de Clubul tinerilor Romi. Il ne m'a pas été possible de dégager une tendance chez ces acteurs. Cela ne signifie pas que leurs conceptions de l'action sociale

63 Annexe 1 : extraits d'entretiens.

64 Ibid.

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et humanitaire s'accordent, mais simplement qu'elles représentent un compromis entre les

conceptions SIT et les conceptions RDT.

Ces acteurs ont un point commun notable. Ils jugent les ARH inutiles et n'hésitent pas à en

plaisanter.

A.- « C'est normal, là-bas, tu arrives à survivre, ici tu n'as rien. Si en plus

on te donne de l'argent pour le voyage, c'est « oh, la France m'aime bien !

[...] En tout cas donner de l'argent, ça ne va pas apporter grand-chose. »65

Qu'ils soient Roms ou non, ces acteurs ont des opinions modérées sur la question de

l'autonomisation de la cause Rom. Ils pensent qu'il est nécessaire de travailler avec des Roms pour toucher leur communauté. Les individus avec lesquels ils travaillent sont des exemples d'insertion, des « non-traditionnels » ayant adopté le mode de vie du groupe majoritaire. Pour A., les Roms doivent s'adapter à la société, pour I.J., l'adaptation doit être réciproque.

A.- « [...] Le père il doit développer des activités, des petits jardins, pour avoir un peu d'argent et envoyer les enfants à l'école. S'il envoie pas ses enfants à l'école, il n'aura pas l'argent pour le jardin. [...] Il faut s'adapter. Si tu t'adaptes, si tu travailles bien, on peut être collègues.[...] Ils ont un autre style de vie. [...] Ils ne peuvent pas être comme nous. [...] Il y a des règles, c'est une société, c'est comme ça, mais il faut s'adapter, sinon ciao. [...]Pour être honnête en ce moment ça ne marche pas trop mais avant, quand on devait aller voir les enfants, dans la rue, on avait avec nous, dans nos équipes, un animateur socio-éducatif qui arrivait d'entre eux. »66

I.J. - « Je pense que tout le monde devrait être impliqué. Parada n'a pas une approche exclusive, sur une communauté. [...] Il faudra aussi que eux-même ils s'adaptent, qu'ils adaptent leur mode de vie. C'est une adaptation continue et réciproque qu'il faut mais il faudrait se connaître mieux déjà. »67

J'ai pu, au cours des entretiens, cerner une forme « d'infantilisation » des « Roms traditionnels », chez ces acteurs. Les « traditionnels » doivent être éduqués afin de connaître les codes de la société et de s'y insérer, pleinement. E. est rom, elle se présente cependant comme une « non-traditionnelle ». Lorsqu'elle relate les relations entre les Roms et la Croix-Rouge, durant l'opération de retour en Roumanie organisée par l'ANAEM, elle infantilise les Roms

65 Annexe 1 : extraits d'entretiens.

66 Ibid..

67 Ibid..

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« traditionnels ».

E. - « Ils étaient très bien. Les gars [de la Croix-Rouge] ils étaient bien, ils étaient sympas. Les gens ils faisaient des soucis, ils avaient que des problèmes : « j'ai faim... », tout ça ! « Et je vais aller faire pipi » et je ne sais pas quoi. Mais les gars ils étaient très bien. Ils avaient de la patience, oui ça va, c'était bien. »68

c) Les acteurs interrogés « à dominante RDT »

Seuls deux acteurs m'ayant accordé un entretien apparaissent dans cette catégorie. Il s'agit de N., membre de Romani Criss et de D., ancien membre de Parudimos.

Tous deux sont très critiques, vis-à-vis des ARM et des aides à la réinsertion en Roumanie. N. - « Premièrement, le programme de l'ANAEM, il n'est pas efficace, deuxièmement, les Roms sont les seuls pour lesquels ils font le rapatriement en groupe. Les autres nations ou les autres peuples, ça se fait en demande individuelle. »69

Ainsi, il n'est pas surprenant de constater que les relations de ces acteurs avec les pouvoirs

publics ne sont pas des plus cordiales.

N. - « Je crois que les États-Nations maintenant ils veulent contrôler tout. La question Rom c'est quelque chose qui rend hystérique et qui donne plus d'eau à leurs moulins nationalistes. [...] Il n'y a pas de mécanisme qui nous permette d'influencer la politique locale. Par exemple en Roumanie, le baron local c'est le maire qui occupe tout l'espace et tu ne peux pas faire beaucoup contre lui. »70

Tout comme les « modérés », ces acteurs considèrent que les Roms éduqués doivent montrer l'exemple et qu'il est nécessaire de travailler avec des Roms pour communiquer avec les communautés. Les modérés pensent que les Roms éduqués doivent se faire l'exemple d'une insertion réussie. Pour les acteurs à dominante RDT, les Roms éduqués doivent prouver aux Roumains que leurs représentations sur les Roms sont mauvaises.

N. - « Je crois que nous, les Roms qui sont éduqués, c'est à nous de nous

multiplier. Assumer notre identité, d'une, et que les gens qui sont comme

68 Annexe 1 : extraits d'entretiens.

69 Ibid.

70 Ibid.

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nous, fassent pression au niveau local et au niveau national, qu'ils soient porteurs d'une parole et que les majorités les voient comme des exemples que leurs perceptions sont mauvaises. »71

Si des dissensions sont observables, dans les conceptions de l'action sociale et humanitaire,

des différents acteurs du milieu associatif, des invariants sont également notables. Le besoin d'une

plus grande cohésion des différentes parties est apparu dans tous les entretiens. La mise en place de

tables rondes au sujet des Roms migrants a été définie comme nécessaire par J.P., G., S.F. et D. J.P. - « Encore une fois, le problème qu'on rencontre pour les aider dans leur quotidien, pour les aider plus loin, c'est que tous les partenaires qui travaillent autour des Roms ont des grosses différences d'objectifs. C'est contre productif arrivé à un moment. »72

Tous les acteurs interrogés ont exprimé le besoin d'impulsions internationales pour que la situation des Roms en Europe s'améliore. Cependant, ils estiment que l'action sociale doit, pour être concrète, être locale. Néanmoins, la désillusion des acteurs envers les actions internationales est variable. Les acteurs à dominante RDT sont les plus confiants à l'égard des actions internationales, peut-être parce qu'ils ont moins d'opportunités de travail avec les autorités locales.

S.- « Moi, sur les répercussions, je ne sais parce que je n'ai pas trop regardé. Au moins ça veut dire qu'ils prennent en compte le fait que ce n'est pas le problème que de la Roumanie et qu'ils prennent en compte que c'est un problème européen. C'est des peuples qui bougent donc c'est des peuples qui sont plus européens, que d'un seul pays. »73

Enfin, aucun des Roms roumains, que j'ai rencontrés dans le cadre de cette étude, ne sont des « traditionnels ». Ils composent l'élite des Roms éduqués, qui se sont « détachés de la tradition ». Mh. - « Et puis il y a les Roms traditionnels et les Roms non-traditionnels. Moi je ne suis pas une « pure », je ne porte pas de jupe, tu vois ?! »74

E. - « Et comme tu as vu déjà si tu es allé à Romani Criss, il y a d'autres Gitans qui sont super bien, super éduqués, plus que moi, beaucoup plus que

71 Annexe 1 : extraits d'entretiens.

72 Ibid..

73 Ibid.

74 Ibid.

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moi. Je suis fière d'eux, de chacun. Ils ont cassé la tradition. »75

Au sein du milieu associatif, des conceptions différentes de l'action sociale et humanitaire existent. Cependant, le besoin d'une plus grande coopération des différentes parties a été affirmé par tous les acteurs interrogés.

3) Les migrants

Marc Parant explique que ces aides « favorisent le retour au pays d'immigrants prêts à y retourner de toute façon, par choix personnel, et forcent d'autres individus à un retour au pays qu'ils ne souhaitent plus, notamment à cause du décalage de mode de vie et de liberté individuelle. »76 En fonction des personnes reconduites, un même programme peut donc prendre la forme d'un retour forcé, ou volontaire. Certains d'entre eux subissent cette situation. D'autres y ont trouvé le moyen de rentrer « gratuitement », tout en ayant de quoi revenir. Si une personne parvient à bénéficier d'une ARH, plus d'une fois, sa migration peut prendre une forme de circulation migratoire. Les ARH sont distribuées et signées, dans un climat d'urgence et en l'absence de traducteurs. Il n'est donc pas rare que les noms de certains bénéficiaires, ne soient pas correctement orthographiés sur les documents. Ces personnes sont donc enregistrées dans l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France, (AGDREF) sous un nom erroné. Il me paraît ici important de noter que si certains Roumains utilisent l'OFII et les ARH pour rentrer en Roumanie gratuitement, l'OFII, lui, utilise les Roumains pour « faire du chiffre » et ainsi montrer l'efficacité de ses programmes77. S'il n'y avait plus personne à reconduire, les ARV et les ARH perdraient leur raison d'être.

L'entretien, réalisé par Mh., auprès d'une famille Rom ayant migré en France s'avère pertinent dans ce contexte. Mh. l'a résumé et je l'ai traduit. En Roumanie ils ne réussissent pas à survivre avec huit enfants, il n'y a pas de travail et pas assez d'argent pour survivre. [...] Ils sont partis en France pour aider les enfants. Là-bas il y a une plus grande chance de se débrouiller, l'argent à une autre valeur. [Le père] est mécanicien, il répare des voitures et la paye est meilleure [en France] qu'en Roumanie. [...] [En France, la famille] vivait dans une caravane de Rom, ce n'était pas facile, il y avait une grande misère, sans eau, etc... mais c'est mieux qu'en Roumanie. Il n'y avait pas de problème avec les autorités, ils ont même reçu les allocations de l'État français qui s'assurent de la survie des enfants quand on a pas de travail. [...] Quand ils sont revenus de France, avec la famille (frères, soeurs, parents) ils ont payé des dettes. Ils connaissent l'OFII mais

75 Ibid.

76 Parant M., « Échecs et illusions des politiques d'aide au retour », Hommes et migration n°1223, Janvier-février 2000. p 85.

77 Romeurope, Témoignage sur le déroulement des opérations de retour organisées par l'ANAEM. Rapport 2008.

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ça ne convient pas pour ceux qui veulent rester en France, et pas en Roumanie. Ils aimeraient bien rester chez eux, en Roumanie, mais ils n'ont pas de maison, pas de travail, la famille s'appauvrit et ils n'y peuvent rien. Leur seul espoir est de rester en France, pour l'avenir des enfants. [...] Ils ne veulent pas rester en Roumanie, parce qu'ils n'ont aucune chance de survivre, s'ils ne réussissent pas en France, ils sont décidés à partir dans un autre pays avec les enfants, mais plus en Roumanie.78

Bien que cette famille affirme vouloir rester en France, elle s'est installée dans la mobilité, sans le concours de l'OFII. Si cette famille avait pu bénéficier de l'aide au retour humanitaire, cela n'aurait probablement pas changé son mode de vie, mais simplement accéléré le mouvement. De plus, cette famille exprime son désir de partir, en France ou ailleurs. Ceci est extrêmement significatif. En effet, je peux en déduire que si l'État français décide de freiner le mouvement des populations roms, les migrants ne s'arrêteront pas de circuler, ils iront ailleurs. Ils sauront s'adapter à nouveau aux politiques mises en place à leur encontre.

Si les migrants doivent s'adapter aux politiques mises en place à leur encontre, cela implique que ces politiques ne leur sont pas adaptées. Les migrants ne sont pas consultés pour l'élaboration des projets leur étant destinés. F.R.A écrit à ce propos : « The research found little evidence of Roma involvement in the design and implementation of responses to their situation, particularly within the context of local authority interventions. [...]although individual Roma activists who are country nationals are very often the key (or only) source of support for Roma from other Member States. »79 Nous avons vu que les Roms, rencontrés dans le cadre de cette étude, forment l'élite Rom. Bien qu'ils se battent pour la reconnaissance des droits des Roms, parfois, ils ne connaissent que très peu les communautés qu'ils doivent aider.

Pour conclure, les conceptions des différents acteurs engagés dans les ARH et les aides à la réinsertion, de ce que représente l'action sociale et humanitaire, divergent. Au sein même de l'OFII, les assistants et les auditeurs ne s'accordent pas sur ce terme. Les autorités locales ont un répertoire d'action très limité et doivent prendre en compte l'opinion de leur électorat. Les différentes ONG et leurs membres ont, eux aussi, des représentations des besoins des communautés aidées, et des actions à mettre en place, qui peuvent être discordants. Enfin les migrants sont absent des cercles décisionnels, avec lesquels ils n'ont aucun dialogue. Ceci implique que les politiques et les actions mises en place à leur endroit, ne leur sont pas adaptées.

78 Annexe 1 : extraits d'entretiens.

79 F.R.A., op. cit., pp. 73-74.

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B) Des aides au retour controversées

Les programmes d'aide au retour humanitaire peuvent être perçus de différentes manières. Ils aident les migrants à quitter les campements dans lesquels ils sont installés dans la région parisienne et à rentrer chez eux. Cependant, ils prennent également la forme d'expulsions du territoire français.

1) Les aides au retour en pratique

De nombreuses associations travaillant auprès des étrangers en France, et notamment des Roms roumains et bulgares, relatent des situations qui ne relèvent en rien du domaine de l'aide humanitaire. Le collectif national des Droits de l'Homme Romeurope80 publie des rapports, tous les ans, sur les conditions de vie des Roms en France, dans lesquels de nombreuses associations81 apportent leur témoignages. Bien que tous ces acteurs soient impliqués directement dans cette question, la multitude des témoignages donne, à mon sens, un crédit non négligeable à ces propos. Nous savons que les ressortissants roumains, repartis dans le cadre d'une ARH, sont « quasi exclusivement des Roms ». Ceci confirme, tout d'abord, qu'il y a effectivement une sélection opérée entre les Roumains qui peuvent rester en France, et les autres. Ensuite, cela me porte à croire que le critère de « grande précarité » est un prétexte pour cibler les Roms.

Les forces de police accompagneraient l'ANAEM sur les campements. Des « Obligations à quitter le territoire français » (OQTF) et des « Arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière » (APRF) sont remis par les services de la préfecture. L'ASAV (association pour l'accueil des voyageurs) en témoigne82. « Le dispositif policier mis en place était le suivant : encerclement du site, une dizaine de camions de CRS, 7 fourgons de police [...], un délégué de la sous-préfecture, 2 bus de 55 places [...] avec chacun une remorque à l'arrière pour les bagages, un groupe de traductrices et des travailleurs sociaux du centre d'hébergement de Vaujours. » La direction de l'éloignement de l'OFII se défend de cette collaboration. En effet, les dirigeants de cette section de l'OFII disent ne travailler ni avec les forces de l'ordre, ni avec les préfectures. Or, « la

80 Romeurope, Témoignage sur le déroulement des opérations de retour organisées par l'ANAEM., op. cit.

81 ALPIL (Action pour l'insertion sociale par le logement) - AMPIL (Action Méditerranéenne Pour l'Insertion sociale par le Logement) - ASAV (Association pour l'accueil des voyageurs) - ASET (Aide à la scolarisation des enfants tsiganes) - Association de solidarité avec les familles roumaines de Palaiseau - CIMADE (Comité intermouvements auprès des évacués) - CLASSES (Collectif Lyonnais pour l'Accès à la Scolarisation et le Soutien des Enfants des Squat) - FNASAT-Gens du voyage - Hors la Rue - LDH (Ligue des Droits de l'Homme) - Liens Tsiganes - MDM (Médecins du Monde) - MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) - Mouvement catholique des gens du voyage - PARADA - PROCOM (Agence Européenne de Promotion et Communication) - Rencontres tsiganes - RomActions - Réseau de soutien Rroms de St Etienne - Romeurope Val-de-Marne - Une famille un toit 44 - URAVIF (Union régionale des associations voyageurs d'Ile de France) Et les Comités de soutien de Montreuil et de St Michel-sur-Orge ainsi que le Collectif de soutien aux familles roms du Val d'Oise et des Yvelines et le Collectif des sans papiers de Melun.

82 Romeurope, Témoignage sur le déroulement des opérations de retour organisées par l'ANAEM., op. cit., p. 4.

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redynamisation du retour [...] nécessite en outre de « sensibiliser les directeurs territoriaux sur la nécessité d'être au plus près des préfectures » et notamment de leurs pôles de compétence « immigration-retour » qui viennent d'être mis en place. [...] Et ce d'autant plus que ce sont les préfets qui sont juridiquement responsables des mesures de retour qu'ils décident. »83

Après l'évacuation des terrains occupés par les Roms, et en l'absence de solutions de relogement, les ARH sont proposées aux personnes, avec à la clef, un hébergement jusqu'au départ (dans le meilleur des cas). Parfois, des familles avec des enfants en bas-âges, des femmes enceintes, des personnes âgées, sont laissées sans abri, bien qu'encadrées (au sens propre) par les autorités. Les ARH sont donc proposées aux personnes dans des moments de grand dénuement. Il est possible que ce dénuement soit provoqué et utilisé, par les services de l'État, pour atteindre leur objectif de retour des personnes. Le réseau de solidarité Rroms de Saint Etienne dresse un bilan des premières opérations de retour, entre septembre et octobre 200784. Après avoir décrit la coordination ANAEM/ forces de l'ordre, le réseau affirme que « c'est comme cela que le préfet a réussi à faire partir soixante-six personnes entre fin août et début octobre, dont des familles avec des enfants scolarisés depuis plus d'un an. Ainsi le préfet de la Loire [...] est en passe d'atteindre le quota qui lui a été fixé : il en est à 129 expulsions/rapatriements sur 150 (87 %), dont la moitié sont des Roms roumains partis avec le dispositif de l'ANAEM. »

Souvent, à la signature des documents qui se déroule le plus souvent en l'absence de traducteur, les papiers d'identité sont confisqués par l'ANAEM. Ils ne seront rendus qu'en Roumanie. Ces interventions sont faites très tôt le matin, voire dans la nuit. Les personnes sont réveillées par la police qui les menacerait, dans certains cas, s'ils refusent de signer. Dans d'autres cas les ARH sont signées en garde à vue. À l'inverse l'ANAEM aurait rejeté des demandes d'aide au retour en invoquant le fait qu'une famille non francophone et sans autorisation de travail, serait bien intégrée.

Les départs se déroulent donc, selon ces témoignages, dans une situation d'urgence. L'intérêt d'une telle urgence est peut-être de s'assurer qu'aucun « retour en arrière » ne soit possible. En effet, les personnes n'ont pas le temps de s'adresser à des associations d'aide juridique aux étrangers, ni de mettre en place des recours.

Le 8 mars 2010, le campement de Massy sur lequel, environ 300 personnes, vivaient depuis septembre 2008, a été attaqué par un groupe de 40 à 50 hommes. Il s'agirait d'un règlement de comptes. Romeurope a rédigé un rapport sur cette agression.85 « Environ dix policiers municipaux

83 Chevron S., op. cit., pp. 206-207.

84 Romeurope, Témoignage sur le déroulement des opérations de retour organisées par l'ANAEM., op. cit., p. 7.

85 Romeurope, Agression, maintien forcé dans un gymnase et retour volontaire contraint des familles roms roumaines de Massy (Essonne). Du 8 au 11 mars 2010.

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sont arrivés, selon les témoignages, en même temps ou très peu de temps après les agresseurs. Toutes les personnes affirment que la police municipale a assisté à toute la scène mais n'a rien tenté pour empêcher l'agression, ce qui a contribué par la suite à accroître leur peur [...]. »86 Au cours de cette agression, un incendie s'est déclaré. Des témoins auraient indiqué que « les policiers municipaux incitaient même les personnes à mettre le feu le plus rapidement possible aux baraques. »87. Or, les membres de l'ASFRP que j'ai rencontrés et qui étaient présents lors de ces évènements m'ont affirmé que les forces de police n'avaient pas incité les agresseurs. À la suite de l'incendie, les 300 personnes qui vivaient sur ce terrain, accompagnées de membres d'associations ont entamé une marche vers la Mairie de Massy. C'est alors que le sous-Préfet de l'Essonne a annoncé qu'un gymnase municipal était ouvert pour accueillir les sinistrés. Romeurope affirme que « les moyens prévus pour leur accueil ont été dramatiquement insuffisants. »88 L'ASFRP m'a signalé qu'il y avait eu un manque de nourriture pendant la nuit, mais qu'il avait été rapidement comblé. Les personnes sont restées trois jours dans le gymnase. « Au départ, les entrées et sorties des personnes et des associations dans le gymnase étaient libres. A partir de l'arrivée de l'OFII à 14h, le mardi 9 mars après-midi, les entrées et sorties ont commencé à être contrôlées et restreintes. A partir du mercredi 10 mars à 8h, le gymnase a été totalement fermé jusqu'au soir à 18h30. »89 Romeurope atteste donc d'un enfermement des personnes dans le gymnase. L'ASFRP n'a pas perçu la situation de la même manière.

G. - « Il y a eu, le troisième jour la police qui empêchait les gens d'aller et de venir. Alors, ça c'est peut-être pénible parce que ça pouvait donner l'impression qu'ils enfermaient les gens. Ils mettaient en avant le fait que pendant qu'ils faisaient les dossiers, ils ne voulaient pas qu'il y ait d'appel d'air. [...] On a ressenti une sensation d'enfermement le troisième jour. Mais il n'y a pas eu d'enfermement dans le gymnase, il y a eu un accueil. »90

Bien que G. garantisse qu'il n'y pas eu d'enfermement, les faits semblent prouver le contraire. En effet, le fait que la police ait empêché les gens d'aller et de venir est suffisant, à mes yeux, pour qualifier cette action d'enfermement. De plus, le fait qu'il y ait un « appel d'air » ne serait pas un problème si ces retours étaient volontaires et humanitaires. Ainsi, il est possible que cet enfermement ai eu comme finalité, le retour de toutes ces personnes en Roumanie. Une quinzaine

86 Ibid., p. 3.

87 Romeurope, Agression, maintien forcé dans un gymnase et retour volontaire contraint des familles roms roumaines de Massy (Essonne). , op. cit., p. 3.

88 Ibid., p. 5.

89 Ibid., p. 7.

90 Annexe 1 : extraits d'entretiens.

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de personnes, seulement, ne serait pas repartie en Roumanie. Ces quelques familles n'ont pas pu récupérer leurs effets personnels épargnés par l'incendie, car la police a rasé les restes du campement, dès le 11 mars, au matin.

Ceci appuie l'hypothèse selon laquelle, le but de la coopération entre les forces de police et l'ANAEM est d'intimider les personnes, pour les fragiliser. Ces éléments sont en faveur de l'hypothèse d'un retour forcé. Cependant, le fait que Romeurope et l'ASFRP, membre de Romeurope, n'aient pas le même point de vue sur ces évènements est révélateur. Ainsi, un même retour peut être perçu différemment par les différents observateurs, selon leurs conceptions respectives de ce que signifie « l'action sociale et humanitaire ». Le témoignage de E. illustre bien cette remarque.

E. - « Ils étaient volontaires, tous. [...] C'est parce que la mairie, les flics, la gendarmerie, la Croix Rouge et l'ANAEM ils sont venus sur le campement les expulser avec le... le papier officiel. Ils disaient le prix et « si vous voulez partir, rentrer pour trois mois... vous voulez ou non ? » »91

2) Les aides au retour en questions

a) Qu'est-ce qu'un retour forcé ?

Véronique Lassailly-Jacob, dans l'article Migrants malgré eux, une position de typologie92 a défini les migrations volontaires et forcées. Elle y oppose les déterminants de la migration pour différencier ces deux types de migration.

Selon ces catégories, la situation économique et sociale des personnes peut-être la raison d'un départ volontaire qui ne provoque pas de cassure avec la société quittée. L'enjeu pour le migrant est, dans ce contexte, l'amélioration de sa situation. Au sein du groupe concerné, une sélection est opérée entre ceux qui partent et ceux qui restent. De plus, le déplacement est encadré par des structures, des organismes officiels. En revanche, les migrations forcées se font dans une situation de « chaos », il n'y a pas de structures officielles qui les prennent en charge, ce qui justifie l'intervention de travailleurs humanitaires. Ces migrations provoquent une cassure nette avec la société de départ. Dans ce cas, le départ est perçu comme problématique. Les structures familiales traditionnelles s'en trouvent bouleversées et les populations déplacées encourent un risque de marginalisation. Selon ces catégories, les retours volontaires et forcés sont théoriquement, facilement distinguables. Il semble ici intéressant de tenter d'analyser la situation que j'étudie, au

91 Annexe 1 : extraits d'entretiens.

92 Lassailly-Jacob V., Marchal J-Y., Questel A., op. cit.

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prisme de ces catégories.

Le cas du retour des Roumains est particulier puisqu'il ne correspond, ni à l'une, ni à l'autre de ces catégories. Les retours des Roumains entraînent des ruptures nettes avec la société de départ. Ces retours sont perçus comme problématiques. Ils peuvent bouleverser les structures familiales et causer une certaine marginalisation des personnes. Les associations de soutien aux migrants et aux « communautés minoritaires » sont nombreuses en France. En revanche, en Roumanie, ce type de structures est peu développé et peu efficace. De retour en Roumanie, les Roumains se retrouvent le plus souvent seuls. En effet, les associations mandatées par l'OFII n'effectuent que très rarement le suivi social qu'elles sont tenues de mener. Ces éléments assimilent ces retours à des retours forcés. Néanmoins, il faut noter que les Roumains sont encadrés par une agence officielle, jusqu'au lieu d'arrivée, où des organismes mandatés par cette agence, prennent le relais, en théorie. Selon les catégories définies par V. Lassailly-Jacob, ces retours seraient alors considérés comme volontaires.

Une fois encore, nous pouvons mettre en évidence que le retour des Roumains en Roumanie, dans le cadre des ARH peut être envisagé comme volontaire et humanitaire ou comme forcé, selon le point de vue de l'observateur.

b) En quoi ce programme de retour est-il humanitaire ?

Rappelons, tout d'abord, que l'ANAEM s'est formée par l'absorption du SSAE dans l'OMI. Ainsi, des assistants sociaux du SSAE travaillent au sein de l'ANAEM, devenu OFII. Les assistants sont nécessaires à l'OFII pour justifier l'existence des ARH et des aides à la réinsertion. Nous avons vu que les assistants sociaux n'ont pas la même conception de l'action sociale que les auditeurs. « Certaines assistantes sociales se plaignent de ne pas vraiment faire de l'accompagnement social : « pour le retour humanitaire notamment, c'est un entretien de routine, très déclaratif et on ne peut pas faire de l'accompagnement social ». D'autres, au contraire, estiment que « les assistantes sociales ont tout à fait leur place lors de ces entretiens car c'est une aide pour le migrant à se positionner, à réfléchir à son projet migratoire »93. Ainsi, tous les assistants sociaux ne sont pas d'accord, quant au rôle qu'ils doivent tenir et au caractère social des ARH.

Le fait que l'ANAEM, puis l'OFII aient repris l'activité du SSI permet de légitimer l'emploi du terme « social », pour définir ses actions. Cela permet également de s'assurer la collaboration de certaines organisations, dites humanitaires, rattachées au SSI.

M.P. - « On a commencé à collaborer avec l'ANAEM, parce que je suis correspondante du Service Social International et le SSI français était

93 Chevron S., La réforme des structures en charge de l'immigration. De l'ANAEM à l'OFII, op. cit., « Entretien avec Julie Guivarch, assistante sociale à la direction OFII de Paris Centre et avec Elisabeth Géradin, adjoint social à la direction OFII de Toulouse. », pp. 182-183.

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incorporé à l'ANAEM. »94

Dans le contexte des ARH, la participation et le soutien logistique apporté par la Croix-Rouge, justifie l'appellation « humanitaire ».

N. - « L'implication de la Croix-Rouge aussi c'est questionnable. C'est la Croix Rouge qui fait la logistique de ça, et ça, c'est pas humanitaire du tout. C'est plus politique. »95

Enfin, si l'ARH était un programme humanitaire, les personnes reconduites ne ressentiraient pas le besoin de repartir et personne n'utiliserait ce programme à plusieurs reprises. Or, comme nous l'avons abordé en introduction, les Roumains sont devenus les premiers bénéficiaires des ARH. Ceci est, en partie, causé par le fait qu'ils en profitent plusieurs fois. Cela permet à l'OFII de « faire du chiffre », légitimant ainsi l'existence de ces programmes. J. Costa-Lascoux, explique également, que « le nombre alimente toujours les fantasmes : les uns l'utilisent pour asséner des arguments d'autorité, [...] les autres recourent aux effets d'échelle et de masse pour impressionner les esprits, ainsi que le pratiquent les mouvements populistes, afin de laisser croire à une « invasion étrangère ». »96 Cependant, la mise en place de l'AGDREF change d'ores et déjà la donne.

Les ARH et les aides à la réinsertion sont des programmes distincts. Il est possible de les cumuler mais très peu de personnes semblent recevoir les aides à la réinsertion97. Les ARH se destinent à des personnes vivant dans une situation de « grande précarité ». Or, le niveau de vie en Roumanie est inférieur au niveau de vie français. L'Opinion et les pouvoirs publics acceptent volontiers le fait que les migrants quittent la Roumanie pour tenter d'échapper à la misère. Dès lors, si la situation des migrants était si terrible en Roumanie, le fait de les reconduire dans leur pays d'origine ne serait pas une action humanitaire. Pour que ces reconduites soient humanitaires, il faudrait qu'un seul et même programme prenne en charge le retour et la réinsertion, pour s'assurer que la réinsertion ne soit pas optionnelle.

C) Des aides à la réinsertion improductives ?

Comme nous venons de la voir, sans les aides à la réinsertion, les programmes d'aide au retour ne peuvent pas être humanitaires. Ce sont des associations locales, qui sont chargées par l'ANAEM d'effectuer un suivi social des personnes, puis de réaliser une étude de faisabilité du projet de réinsertion économique du migrant. Ce suivi social semble très difficile à obtenir en

94 Annexe 1 : extraits d'entretiens.

95 Annexe 1 : extraits d'entretiens.

96 Costa-Lascoux J., « Quels étrangers la France accueille-t-elle ? », Hommes et migrations, n°1261, juin 2006, p. 1013.

97 L'OFII ne publie pas ses statistiques concernant les aides à la réinsertion.

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Roumanie.

De retour en Roumanie, nombreux sont ceux qui espèrent recevoir cette aide. En effet, D. m'a confié que les personnes reconduites n'avaient pas été informées du fait qu'il fallait monter un projet pour recevoir les aides à la réinsertion. Selon l'Atlas des migrants en Europe98, moins de 1 % des 8 470 Roumains retournés avec l'ANAEM en 2008 ont bénéficié d'une aide à la réinstallation. L'OFII ne publie pas ses statistiques concernant les aides à la réinsertion. Les ONG locales conventionnées par l'OFII pour redistribuer les aides à la réinsertion ne connaissent que leurs propres statistiques et n'ont aucun moyen d'avoir une vision plus globale de la situation. D. m'a expliqué avoir tenté d'en savoir plus sur ce programme.

D. - «I found out that for all the people that were sent back the year before, only 10 or 15 actually got the money.»99

Les chiffres que D. a obtenus ne sont que des estimations mais ils démontrent la très faible diffusion des aides à la réinsertion. M.P., présidente de Generatie Tanara, ONG directement conventionnée par l'OFII, est restée très vague lorsque je lui ai demandé combien de personnes avaient, effectivement, reçu cette aide.

M.P. -[Long silence.] « Je peux dire que les personnes qui arrivent et qui sont repérées chez nous, ils ne repartent pas parce que nous sommes très attentifs avec le programme médical, avec le programme de scolarisation, avec le programme social de réinsertion, avec le programme culturel que nous pouvons faire... de septembre 2000 à aujourd'hui je pense qu'il y a les trois-quarts qui sont repartis. [...] Quand je peux aider une personne à rentrer dans son pays d'origine, et avoir un parcours de vie très normal dans son pays d'origine... c'est déjà quelque chose d'exceptionnel pour la Roumanie, parce que je suis ONG, je suis une association non-gouvernementale. [...] [Les migrants], ils ne sont pas toujours tous sérieux, dommage. »100

Le premier constat concernant l'aide à la réinsertion est qu'elle est très peu diffusée. Deuxièmement, cette faible diffusion paraît volontaire. Une fois sur place, les migrants et les opérateurs locaux doivent entrer en contact, sans l'intermédiaire de l'OFII101.

M.P. - « Nous nous chargeons de faire les recherches dans les

98 Migreurop, op. cit., p. 93.

99 Annexe 1 : extraits d'entretiens.

100Ibid.

101Biro J.,Ba A., Charles, C. Mission CCFD-GISTI en Roumanie. mai 2008.

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communautés, nous sommes en contact avec le maire, nous avons une convention avec la ville de Timisoara et nous parlons avec les autorités locales et les autorités locales nous disent qu'il y a telle situation, et après je cherche à l'ANAEM et je discute avec eux de la possibilité de faire un projet. Nous allons voir les autorités locales et ensuite les familles, parce que les autorités locales aussi peuvent avoir leur vision et leur intérêt. Nous rencontrons les familles après avoir une très bonne connaissance de leur situation. [...] De nombreuses fois nous avons été en mesure de faire un projet pour les personnes en tant qu'association. Je peux te prouver que nous avons envoyé les cadeaux, les boites avec les vêtements et les différentes choses nécessaires pour les personnes. »102

Nous pouvons voir, grâce à ce témoignage, que pour Generatie Tanara, les termes « suivi social » et « aide à la réinsertion » correspondent à de l'aide d'urgence. De plus, l'OFII, qui est pourtant le seul organisme en Roumanie sachant exactement combien de personnes sont revenues et d'où elles venaient, n'intervient que dans la dernière étape du processus. Les ONG doivent donc, rentrer en contact, avec les communautés roms de leur localité. Les ONG roms sont celles qui communiquent le plus aisément avec ces communautés. Or, l'OFII n'en conventionne aucune.

D. - «They contracted an NGO in Baia Mare to do the social reintegration of the people in Timisoara and Timis county. They don't know anything about Timis county, about the local communities and how we run things here. Also, the romanian NGOs, they don't know anything about Roma.»103

Baia Mare est à plus de 400 km de Timisoara et il faut plus de 7 heures de bus et plus de 13 heures de train pour aller d'une ville à l'autre. Rappelons que cette aide à la réinsertion est l'un des cinq axes du programme 301 « développement solidaire et migration » du ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire. En d'autres termes la réinsertion des migrants doit profiter au développement local des régions. Le fait que l'OFII ait contracté une ONG de Baia Mare pour prendre en charge la réinsertion des migrants de Timisoara, nous montre, que rien n'est fait pour qu'une réelle réinsertion locale ait lieu.

Les projets doivent être d'ordre individuel. Une commission est chargée d'évaluer les dossiers et de les sélectionner. Qui est membre de cette commission ? Est-elle en France où en Roumanie ? Quels sont les critères retenus ? J'ai tenté de trouver des réponses à ces questions sur le

102Annexe 1 : extraits d'entretiens. 103Ibid.

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terrain.

M.P. - « [Les critères à respecter pour les projets de réinsertion sont] dans une convention qu'il nous faut respecter. Les conventions sont confidentielles, parce que nous travaillons pour les personnes, non ? [...] Elle a été rédigée en collaboration avec la Suisse, avec le secrétariat général [du SSI]. »104

Des critères existent mais M.P. n'a pas souhaité me les communiquer. D., s'occupait de l'étude de faisabilité des projets de réinsertion, au sein de Parudimos. L'ONG de Baia Mare, conventionnée par l'OFII, leur avait, en effet, sous-traité cette tache, pour les migrants originaires de Timisoara. D. n'a pas eu la chance de prendre connaissance de ces critères.

D. - «We had sent the business plan to be checked and they told us : « it's missing this, it's missing that». [...] I asked : «what are the rules ? You have

some guild line or some specific criteria to be used when you right down the business plans ?» - «No, no.» Any, they don't have any rules, nothing.»105

Ainsi, les aides à la réinsertion ne sont que très peu diffusées et que cette faible diffusion est volontaire.

Nous savons que les ARH ne sont pas humanitaires s'il n'y a pas de réelle réinsertion des migrants en Roumanie. Une réelle réinsertion des migrants entraînerait un développement local et stabiliserait, peut-être les populations. Une chose est sûre, sans réinsertion, il n'y a ni retour humanitaire, ni expulsion. Au contraire, les ARH, sans aide à la réinsertion, ne font que favoriser la circulation migratoire des roms roumains.

D.- «Maybe if they re-discuss the program and they put on the table all the factors, all the institutions involved in that... it will be better. Right now, it's just a joke. The French government tries to show to the French population that : «we send them back».»106

Conclusion de partie

L'hétérogénéité des acteurs et le manque de communication entre eux sont, en partie, responsables des incohérences politiques des programmes d'aide au retour. De plus, la mise en place des aides au retour et des aides à la réinsertion par les acteurs est elle aussi incohérente. En effet,

104Annexe 1 : extraits d'entretiens. 105Ibid.

106Ibid.

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ces programmes ne favorisent pas le retour des populations migrantes dans leur pays d'origine, mais elles favorisent leur mobilité.

Dès lors, on peut se demander quel est le but de ces programmes ? Ne s'agit-il que de satisfaire un électorat ? Si tel est le cas, pourquoi dépenser tant d'énergie (et d'argent) à reconduire des populations ayant la liberté de circulation sur le territoire européen ?

II) Vers une circulation migratoire

Les aides à la réinsertion sont très peu diffusées. Il n'y a donc pas de réelle réinsertion des migrants en Roumanie. Ainsi, l'argent des ARH est utilisé par de nombreux migrants pour revenir en France. Premièrement, je présenterai le phénomène migratoire favorisé par les ARH. Ensuite, j'exposerai le fait que cette migration est peu ou mal connue des pouvoirs publics et du monde associatif. Enfin, au travers de l'exemple de la précarité, je montrerai comment la méconnaissance des situations auxquelles font face les populations migrantes, peu entrainer l'incompréhension de leur mobilité.

A) Un phénomène migratoire répandu

Au fil des entretiens que j'ai conduits au cours de cette étude, la mobilité des migrants est apparue comme un thème central. Cette forme de mobilité est appelée « circulation migratoire »107. Tout d'abord, une définition de ce phénomène migratoire s'impose. Ensuite, je présenterai des extraits d'entretiens révélant l'importance de ce phénomène.

1) Définition

L'intensité de la circulation est liée au statut du migrant. Plus il est facile pour lui de se déplacer légalement, plus l'intensité des déplacements sera grande. Il est possible d'utiliser ce concept pour étudier les échanges, les flux et les transferts de fond des migrants. N. Kotlok et H Guezenger le font dans leur étude sur « la circulation migratoire entre la France et le Portugal ».108

M. K. Dorai, M-A. Hily et F. Loyer ont aussi exposé les différents types de circulation migratoire. Elle peut être, par exemple, la conséquence d'une installation définitive dans le pays d'origine ou d'une migration temporaire, dans le cadre d'un emploi à durée déterminée109. Ces auteurs décrivent la perspective de Robin Cohen. Selon lui, cette migration est « temporaire et non une conséquence à l'installation définitive des migrants dans leur pays d'accueil, tel qu'on le trouve

107Diminescu D. (dir.), Visibles mais peu nombreux. Les circulations migratoires roumaines, op. cit., p. 1. 108Guezenger H., Kotlok N., Sous la direction de Simon G., La circulation migratoire entre la France et le Portugal, Mémoire de maitrise, Poitiers, 1993.

109Dorai M. K., Hily M-A., Loyer F., Bilan des travaux sur la circulation migratoire, MIGRINTER, 1997

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dans les recherches françaises. »110 Cette perspective correspond au phénomène migratoire que les ARH favorisent. Le « va-et-vient » des migrants s'intensifie, les migrants « s'installent dans la mobilité ». « La migration n'est plus vécue comme une rupture ou une parenthèse mais comme une partie intégrante d'une organisation sociale. »111 La migration devient un mode de vie et le réseau migratoire s'autonomise par rapport aux sociétés d'accueil et de départ.112 à mesure que les populations s'installent dans la mobilité, l'insertion dans le pays d'accueil n'est plus désirée. Alain Tarrius démontre que « le couple « migration/territoire » fait aujourd'hui autrement sens que le couple « immigration/insertion ». »113 Ainsi, l'insertion dans le pays d'accueil ne devrait plus être la seule réponse à la présence de populations migrantes, légalement.

Ainsi, ce concept peut également servir la réflexion sur les stratégies et les savoirs-faire des migrants. C. Arab écrit à ce sujet que des « aventuriers ont su développer des stratégies migratoires pour contourner les politiques migratoires de plus en plus restrictives des pays du Nord, comme si la circulation migratoire répondait à l'assignation à résidence, à l'exclusion et aux ruptures qui pouvaient exister entre le migrant et le non migrant. »114 Cette « réponse » est une adaptation des migrants aux politiques migratoires. Puisque les Roms roumains, bénéficiaires des aides au retour, ne reçoivent pas d'aides à la réinsertion, ils profitent des ARH pour rentrer dans leur pays d'origine et revenir à peu de frais. Selon M. K. Dorai, M-A. Hily et F. Loyer, Michel Poinard considère que « avec l'abolition des distances, le retour périodique au pays, comme la réception des expatriés, rythment l'année des communautés installées çà et là, tandis que le volume et l'ampleur des déplacements excitent la concurrence des industriels du transport. »115 Dans le contexte du retour des Roumains, l'OFII défie toute concurrence et participe à l'augmentation du volume et de l'ampleur des déplacements des Roumains. En effet, les ressortissants roumains sont des citoyens de l'UE. Ils ont la liberté de circulation sur le territoire européen. Il est donc impossible pour l'OFII d'apporter de réelles limites à leur circulation et de leur refuser l'entrée sur le territoire français. Catherine Wihtol de Wenden explicite ce phénomène. « Beaucoup de migrants aspirent à circuler sans nécessairement se sédentariser définitivement, et beaucoup de pays d'accueil croient résoudre ainsi le difficile problème de l'intégration. [...] Plus les frontières leur sont ouvertes, plus ils circulent et moins ils s'installent car ils peuvent aller et venir. »116 En effet, la possibilité qu'ont certains migrants de « partir » et de « revenir », offre une alternative à l'émigration. M. Morokvasic

110 Dorai M. K., Hily M-A., Loyer F., Bilan des travaux sur la circulation migratoire, op. cit., p. 66.

111Ibid., p. 33.

112Ibid., p. 52.

113Tarrius A., « Territoires circulatoires et espaces urbains », in Morokvassic M., Rudolph H. (dir.), Migrants. Les

nouvelles mobilités en Europe, L'harmattan, Paris, 1996, p. 93.

114Arab C., « La circulation migratoire : une notion pour penser les migrations internationales », op. cit., p. 23. 115Dorai M. K., Hily M-A., Loyer F., Bilan des travaux sur la circulation migratoire, op. cit., pp. 70-71. 116Wihtol de Wenden C., La globalisation humaine, op. cit., p. 38.

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précise que cette alternative est attrayante, dans la mesure où « elle leur épargne l'investissement psychologique et financier, ainsi que le choc culturel qu'implique toujours une tentative d'installation dans un autre pays, ne serait-ce que pour une durée limitée. »117 Ainsi le départ n'est plus synonyme d'émigration et l'arrivée n'est plus synonyme d'installation. Il est important de noter que le territoire ciblé par l'enquête de M. Morokvasic s'étend sur toute l'Europe de l'Est et des Balkans. Elle explique que seulement 30 % des personnes interrogées se disent prêtes à émigrer.

Ainsi, cette forme de migration touche les Roms roumains, et d'une manière plus générale, les ressortissants de pays de l'Europe Orientale.

2) Exemples

Les Roms roumains migrants circulent. Ils passent quelques mois en France puis rentrent chez eux et repartent, quand ils ont réuni assez d'argent pour le voyage. Si un migrant a reçu une ARH, il possède déjà le pécule suffisant pour revenir en France. Le temps passé en Roumanie sera donc plus réduit. Les acteurs de cette migration que j'ai rencontrés m'ont tous fait part de cette mobilité.

D. - «A lot of people come home, in order to see the family. They get some money and they go back. 80 % of them went back to France, they are still in France right now. [...] The problem is that those settlement are like small communities, they know each other, they know where to go. If you don't try to work with them over there, to send them back is useless. They are not more a Romanian problem that a French problem... they are... for two weeks, after two weeks, they are a French problem again.»118

D. met ici en avant, le fait que sans réelle insertion en France, ou réinsertion en Roumanie, les ARH ne font que favoriser et intensifier le phénomène de circulation migratoire. En effet, cette migration est présente et tend à s'imposer comme un mode de vie. Pour Catherine Wihtol de Wende, « beaucoup de ces nouveaux migrants aspirent davantage à la mobilité qu'à l'installation définitive. »119 G., directrice de l'ASFRP, en a fait part au cours de notre entretien.

G. - « La famille à F., ça fait huit ans qu'elle fait l'aller-retour. Elle est là, avec son mari, et puis ils s'en vont. On ne les voit plus. Et puis elle revient avec sa fille et ses petits enfants. Là ça fait depuis le mois de décembre qu'elle est venue avec sa fille et ses petits enfants. Là ils vont partir au mois

117Morokvasic M., « Entre l'est et l'ouest, des migrations pendulaires », in Morokvassic M., Rudolph H. (dir.), Migrants. Les nouvelles mobilités en Europe, L'harmattan, Paris, 1996, p. 148.

118Annexe 1 : extraits d'entretiens.

119Wihtol de Wenden C., La globalisation humaine, op. cit., pp. 50-51.

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de mai. [...] Il y a des gens comme ça, comme le monsieur qui boite. Il est parti. Il est arrivé en 2006, ils ont été expulsés. Il est parti, il est revenu et là il est reparti de nouveau... Ils vont revenir. »120

Bien que visible, cette circulation migratoire est parfois mal comprise ou peu reconnue. Les pouvoirs publics, comme les acteurs associatifs, peuvent se sentir dépourvus face à un phénomène qu'ils ne saisissent pas.

B) Une migration peu reconnue

Les autorités ainsi que la société civile semblent accepter difficilement qu'une population puisse ne pas désirer s'installer. Le mode de vie des Roms migrants n'est que rarement reconnu comme tel. Nous verrons, dans un premier temps, l'incompréhension existante face aux migrations roms. Ensuite, nous aborderons le manque de connaissance de cette population, dont font preuve les autorités, ainsi que la société civile.

1) Une mobilité mal comprise

Il me semble nécessaire de clarifier un premier mal-entendu : la confusion entre nomadisme et circulation migratoire. Dans les deux cas, la mobilité est un mode de vie. P. Arrigoni, E. Claps et T. Vitale illustrent cette distinction entre ces deux phénomènes migratoires dans leur étude sur les Roms et Gadje en Italie.121 « Seulement 8% (mais c'est un chiffre surévalué) pratiquent encore une forme qui s'apparente au nomadisme, ne consistant toutefois jamais en un vagabondage sans but, mais représentant plutôt des déplacements cycliques qui sont effectués pour des raisons de travail ou de commerce à l'intérieur d'espaces bien définis. »122 Ce qui, à mon sens distingue ces deux formes de mobilité, ce sont les espaces d'installation. Le nomadisme est une migration dans laquelle de multiples lieux sont des étapes d'un seul et même mouvement. La circulation migratoire, pratiquée par les Roms roumains ne relie que deux espaces : un espace d'installation dans le pays d'accueil et un espace d'installation dans le pays de départ. Les migrants ne changent d'espace d'installation dans le pays d'accueil, que s'ils doivent s'adapter à de nouvelles politiques publiques, plus restrictives à leur égard. Cette confusion due au « mode de vie nomade » se retrouve également dans l'amalgame qui est fréquemment fait entre Rom et Gens du voyage. Le terme « Gens du voyage » correspond à une catégorie juridique française qui comprend des français ayant choisi un mode de vie nomade. Il sont en majorité d'origine tsigane, du groupe Manouche. Cet amalgame est

120Annexe 1 : extraits d'entretiens.

121Arrigoni P., Claps E., Vitale T., « Regards croisés. Anti-tsiganisme et possibilité de « vivre ensemble », Roms et Gadje en Italie », op. cit.

122Arrigoni P., Claps E., Vitale T., « Regards croisés. Anti-tsiganisme et possibilité de « vivre ensemble », Roms et Gadje en Italie », op. cit., p. 81.

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très souvent réalisé entre ces deux communautés, dans les ordonnances d'expulsion, les discours

politiques, les médias, et l'imaginaire collectif.

S.- « Oui mais parce que ici, les Roms ont un mode de vie très très différent.

En France on n'a pas de... Ce qui pourrait s'apparenter en France, c'est les

gens du voyage, par exemple. Parce que la différence, plus que de l'ethnie,

elle vient du mode de vie. »123

Les conséquences que cette confusion engendre sont multiples. Cette confusion masque la réalité sociale de cette migration. Dès lors, la mise en place de politiques publiques appropriées à la mobilité de ces communautés devient problématique. P. Arrigoni, E. Claps et T. Vitale mettent en évidence, dans leur étude, le danger d'un tel amalgame. « Il peut amener à défendre et justifier l'idée du « campement de nomades » en tant que politique appropriée et désirée par les destinataires eux-mêmes. »124 Il me semble que les villages d'insertion sont des exemples de ce type de politique du « campement de nomades ».

Il y a un second mal-entendu majeur, concernant les migrants Roms. Lorsque leur mobilité est reconnue par les pouvoirs publics et les acteurs associatifs, il est souvent entendu que leur migration doit aboutir par l'installation et l'insertion des migrants, dans le pays d'accueil. « Le migrant devient immanquablement celui qui tend, et tarde, à nous rejoindre. »125

G. - « Là ils ne nous sollicitent que pour les aider à partir. La fille et les petits enfants ils vont rentrer avec l'OFII, mais elle et son mari ils sont déjà partis, ils n'ont plus le droit. On lui dit : si tu viens, fais ta vie mais n'amène pas tous tes enfants à chaque fois avec toi. Tu fais ce que tu veux mais nous on ne peut pas prendre en charge ce va-et-vient, cette vie que tu as, de voyage. Si tu as un projet, tu nous dis, on t'aide à le mener, mais elle s'en va quelques mois, elle revient. Ça fait huit ans qu'elle fait ça. »126

Certaines familles ne souhaitent ni rester en Roumanie, ni s'installer en France. J-M. Belorgey explique qu'« un certain nombre d'entre eux n'ont peut-être pas envie d'être de bons « franchouillards », ils veulent peut-être séjourner en France tout en gardant un double rattachement. »127 Beaucoup de travailleurs sociaux, qu'ils soient publics ou privés, semblent dépourvus face à cette forme de migration qu'ils ne comprennent pas. L'ASFRP, dont G. est

123Annexe 1 : extraits d'entretiens.

124Arrigoni P., Claps E., Vitale T., « Regards croisés. Anti-tsiganisme et possibilité de « vivre ensemble », Roms et

Gadje en Italie », op. cit., p. 91.

125Tarrius A., « Territoires circulatoires et espaces urbains », op. cit., p. 95.

126Annexe 1 : extraits d'entretiens.

127Belorgey J-M., « Réactions sur la politique d'accueil », Hommes et migrations, n°1261, juin 2006, p. 42.

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présidente, se mobilise pour tenter de trouver des fonds, pour aider ces personnes, qui ne peuvent plus bénéficier de l'OFII, à rentrer chez elles. Ils ne le feront qu'une fois car ils ne peuvent pas « prendre en charge ce va-et-vient ». Nous pouvons déceler l'incompréhension de G., face à cette famille qui reviendra, malgré tout, et qui ne semble pas intéressée par le développement d'un projet en France.

2) Une population migrante méconnue

Le terme « Rom » regroupe des communautés bien différentes. Dans une première partie, je tenterai de mieux définir cette population. De nombreuses idées reçues subsistent à l'encontre des Roms. Nous verrons quels sont les stigmates qui les touchent toujours, à l'heure actuelle.

a) Les enjeux de la définition d'une population

Les Roms forment le groupe tsigane le plus important d'Europe. Le terme Rom est souvent considéré comme une dénomination « politiquement correcte » des Tsiganes. G. Fleck, I. Florea, D. Kiss et C. Rughinis soulignent la complexité que représente la définition d'un groupe. « While in survey questions and in our discussions we often use the ethnonym «Roma», it is important to keep in mind that this is still contested in Romanian society, also by Roma people themselves, and Tigani is still widely used by Roma and non-Roma alike - although with different meanings and connotations. »128 Sauf exceptions, ils sont tous sédentaires et sont loin de former une population homogène. En effet, il y a au sein de ce groupe, de multiples communautés et de fortes inégalités sociales et économiques. Les différentes communautés ne sont pas nécessairement liées les unes aux autres. Le sentiment d'appartenance à l'une de ces communautés est parfois plus fort que le sentiment d'appartenance au groupe Rom. Les auteurs mettent en lumière le fait que 45 % des Roms interrogés se considèrent « Rom romanisés », 23 % se définissent comme « simplement tsiganes » et 32 % se réfèrent à une communauté « (Rudari, Cãldãrari, Ursari, etc) ».

Ceci nous permet d'affirmer que l'appartenance d'une personne au groupe Rom n'est pas une donnée fixe. Certaines personnes ont des origines tsiganes mais ne se considèrent pas, ou ne sont pas considérées, comme tel. À l'inverse, certaines personnes n'ont aucune origine tsigane mais se considèrent, ou sont considérées comme tel. L'écart que l'on peut parfois observer entre la manière dont une personne se définit et la manière avec laquelle elle est définie par les autres, est révélateur du caractère subjectif de l'appartenance d'une personne à un groupe, ou à une ethnie. « Categories of classification such as ` Roma' are not fixed or immutable; they may be expanded or contracted to include or exclude. [...] Therefore, the author suggests that the stigma of the Gypsy identity takes

128Fleck G., Florea I., Kiss D., Rughinis C., Come closer. Inclusion and exclusion of Roma in present day Romanian Society, op. cit., p. 63.

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precedence over the stigma of extreme poverty, and in some cases the poor actually become classified as Gypsy. »129 Ainsi, être Rom ou Gipsi peut, pour certaines personnes se résumer à être pauvre. Dès lors, ce groupe n'est plus perçu par ces personnes comme une ethnie, mais comme une classe. Il est très délicat de tenter de définir qui sont les Roms et ce qui fait d'eux des Roms. Le seul critère valable, à mon sens, est la manière dont les personnes se considèrent. Il ne s'agit pas seulement de la manière dont elles se définissent, mais ce qu'elles ressentent. Lors des recensements roumains, les personnes doivent s'autodéclarer de telle ou telle ethnie. Au cours des périodes pendant lesquelles les discrimination subies par les Roms sont les plus intenses, le nombre de personnes déclarant être Rom, est faible. Lors d'une période plus calme, ce chiffre augmente. Le dernier recensement en Roumanie fait état de 500 000 Roms présents sur le territoire. Certaines ONG déclarent qu'ils sont jusqu'à 2 000 000, sur un total de plus de vingt-et-un millions d'habitants130.

Comme nous venons de le voir, cerner qui sont les Roms et quel est leur mode de vie n'est pas une tache facile. Cela demande d'aller à la rencontre des personnes et d'essayer de comprendre ce qui sous-tend leur sentiment d'appartenance. Les pouvoirs publics, ainsi que les ONG et le milieu associatif ne semblent faire cet effort que très rarement.

b) La stigmatisation de cette population

D'après Vincent Geisser131, les Roms et les gens du voyage sont victimes d'une discrimination qui « vient d'en haut ». Les Roms sont marginalisés et discriminés, dans toute l'Europe et dans toutes les couches de la société. Néanmoins, cette marginalisation est beaucoup plus marquée en Roumanie, qu'en France. Par conséquent, il est probable que si la situation ne s'améliore pas en Roumanie, les Roms reviendront en France.

Samuel Delépine explique que « la population tsigane migrante, à l'image des tsiganes en général, subit une stigmatisation constante qui les associe à une population inassimilable, en marge et mettant en danger l'équilibre d'un modèle de société qui a fait ses preuves. »132 Ils sont exclus parce que leur mode de vie n'est pas réductible à celui d'un État, bien que leur présence sur ces territoires, date parfois, de plusieurs siècles. Un parallèle peut être ici effectué avec ceux que Hannah Arendt à nommé les Sans-État, ou Stateless. Elle définit ces personnes comme étant en

129 Fleck G., Florea I., Kiss D., Rughinis C., Come closer. Inclusion and exclusion of Roma in present day Romanian Society, op. cit., p. 8.

130Le dernier recensement roumain date de 2002, il faisait état de 21 680 974 habitants.

131Geisser V., « Un anti-tsiganisme venu d'en haut : le rôle central des élites politiques dans la fabrication du préjugé », Migrations société, volume 19 n°109, 2007.

132Delépine S., « Les Roms migrants en France, ou comment faire d'une population en danger, une population dangereuse ». Colloque international, La fabrique de populations problématiques par les politiques publiques, Nantes, juin 2007.

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rupture avec leur société d'origine et tout à la fois exclues de la vie politique et sociale du pays dans lequel elles résident, à la marge du système. Marie-Claire Caloz-Tschopp écrit à ce sujet : « En étant colonisé par le système d'États-Nations mondialisé et dominant, l'espace est en quelque sorte saturé. Si quelqu'un est exclu d'un endroit, il est exclu de partout ; il n'a plus de place puisque tout le monde à les mêmes références, les mêmes règles. »133 Ainsi, si les Roms sont exclus d'un pays de l'Europe, c'est d'Europe qu'ils sont exclus. De cette affirmation, on peut déduire que c'est au niveau européen, que des solutions doivent être pensées, pour permettre à cette communauté de trouver sa place.

Au cours des entretiens réalisés pour ce travail, les acteurs ont parfois « infantilisé » la population rom. Elle est définie comme une population qu'il faut encadrer et qui ne peut être laissée à elle-même.

J.P. - « On en parlait encore hier entre nous : il y a deux solutions. Ils s'installent ici et on les laisse vivre comme ils sont là-bas. Sauf que ça on ne peut pas le faire. On s'est retrouvé à Massy avec un campement ingérable. 300 personnes, c'est pas possible. Ça va tant qu'ils sont en petits groupes. »134

Tout comme des enfants, ils sont décrits comme « ingérables » si trop nombreux. Dans plusieurs entretiens, la perspective selon laquelle il faut contrôler cette population, a émergé. Selon cette perspective, il faut imposer des limitations au grossissement d'un camp. En effet, plus un groupe est important, plus il est difficile de le contrôler.

S.F. - « Par exemple, sur les campements, notre gros problème, c'est que dès qu'il y a quelqu'un qui s'installe, il y d'autres familles qui s'installent. Les camps grossissent énormément et après on ne peut plus rien faire.[...] Ils s'organisent très mal entre eux...[...]On a l'impression qu'ils fonctionnent par grandes familles, familles élargies. [...] Des fois on a l'impression qu'il y en a un qui ressemble à un chef. [...] »135

Cet extrait met, également, en exergue, la méconnaissance du milieu associatif et de la société civile, à l'encontre du schéma familial rom. L'expression utilisée par S.F., « avoir l'impression », révèle le fait que l'association n'a pas échangé avec la communauté à ce sujet. En Roumanie, comme en France, le terme « famille proche » désigne les parents et les frères et soeurs.

133Caloz-Tschopp M-C., Les Sans-État dans la philosophie d'Hannah Arendt, 2000, Payot, Lausanne. p. 419. 134Annexe 1 : extraits d'entretiens, p.

135Ibid, p.

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Lorsque nous nous référons à une « famille élargie », il s'agit des oncles, des tantes et des cousins. Les Roms ont une conception différente de ce que représente ces termes. Leurs familles proches sont nos familles élargies. Leurs familles élargies sont des communautés. Le cas des villages d'insertion est intéressant dans ce contexte. Le fait que les membres de la famille élargie (dans l'acceptation de ce terme, partagée par la majorité de la société française) ne soient pas autorisés à rendre visite à leurs proches, nous montre que les pouvoirs publics ne reconnaissent pas, non plus, ce schéma familial. Or, cette reconnaissance est nécessaire pour que ce type d'action fonctionne.

Cette citation de S.F. est également intéressante par rapport à l'organisation hiérarchique des communautés roms. S.F. nous dit que « parfois, il y en un qui ressemble à un chef ». Ainsi, l'existence d'un chef au sein du groupe est devinée, mais elle n'est pas reconnue. Il est envisageable d'utiliser la position de leader d'un des membres du groupe pour rentrer en contact avec la communauté. Les auteurs de l'étude Come Closer nous en font part. « One significant issue confronting Roma communities is the confusion between formal and informal leadership. In many communities formal, elected leaders - such as local authorities - rely on informal leaders to communicate with the Roma citizens and to help implement policies. [...]Localities with Roma experts employed in the local administration have a greater probability of having best practice programs involving Roma. »136 Il est donc envisageable d'utiliser la position de leader d'un des membres de la communauté. Cela s'avère également judicieux.

En France, il serait d'autant plus judicieux de reconnaître un leader, ou un porte parole, mais peu de personnes parlent le roumain. En effet, il est plus facile de communiquer avec une personne qui parle peu notre langue, qu'avec un groupe.

J.P. - « Sinon, nous notre problème c'est pour communiquer. Il y a une fille

d'un autre association qui parle bien le Roumain mais bon... »137

La stigmatisation que subissent les Roms est, en partie, due au manque de connaissances qu'ont les pouvoirs publics et les acteurs associatifs de cette communauté, de son mode de vie et de son organisation sociale. Une meilleure communication entre les différentes parties est nécessaire pour lutter contre cette méconnaissance. Sans une meilleure connaissance, et une meilleure reconnaissance des spécificités de cette communauté, la mise en place de programmes appropriés à leurs cultures est fortement compromise.

136Fleck G., Florea I., Kiss D., Rughinis C., Come closer. Inclusion and exclusion of Roma in present day Romanian Society, op. cit., p. 199-212.

137Annexe 1 : extraits d'entretiens.

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C) La précarité en question

La circulation migratoire des Roms roumains est mal comprise car la population migrante est peu connue. Au cours de cette étude, huit acteurs ont mentionné l'existence d'un lien entre la migration des Roms et la précarité dans laquelle ils vivent. J'ai eu l'occasion de constater que la question de la précarité est, également, source de confusion. En effet, la précarité peut être perçue comme la cause, ou la conséquence de cette migration.

1) La précarité : cause de la migration ?

Sept personnes interrogées dans le cadre de cette étude, ont mentionné la précarité en tant que cause de la migration. La précarité est, pour ces acteurs, le facteur répulsif qui pousserait les migrants hors de Roumanie. La comparaison entre le niveau de vie en Roumanie et le niveau de vie en France est souvent opérée. La différence de niveau de vie entre les deux pays est présentée par ces acteurs, comme l'un des principaux facteurs, de cette migration.

Mh. - « Au moment où ils passent une frontière étrangère, ils voient ce qu'ils

n'ont pas ici. Ils communiquent, les Roms de la communauté. S'ils entendent

que là-bas c'est bien, ils s'y rendront puisqu'ils ne pensent pas que ça puisse

être mieux ici. »138

En Roumanie, la vie est réputée plus difficile à l'étranger. Mh. exprime ici un sentiment répandu dans la société roumaine. De nombreux Roumains sont pessimistes quant à la capacité qu'ont les pouvoirs publics de mettre en place des actions efficaces, qui soient en mesure d'améliorer le quotidien des citoyens. Dès lors, je pense que le manque de confiance en un avenir meilleur, est un facteur répulsif à prendre en compte. Il est probable que ce facteur est plus décisif que la précarité en elle même. La référence à la communication entre les membres de la communauté est importante. Elle évoque la capacité d'adaptation du groupe et la mise en place de stratégies migratoires pour tenter d'échapper à la misère. C'est ainsi la volonté d'améliorer sa situation qui est présentée comme un élément décisif de ce phénomène migratoire.

D. - «If you don't have enough to live and you starve, what do you do ? And if you know that a friend of yours lives pretty well abroad, you'll go abroad. [...] I've seen families who are living in... I don't know how to call them... places to live in, because those are not houses. They make a hole in the ground and they put something like a cover and they live like that. I was in communities where the people don't have enough to eat. They live in a small

138Annexe 1 : extraits d'entretiens.

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village, where there is no big places or no big cities around where they can go beg to bring money to buy food. [...] Because first of all, most of them didn't go to school, don't have a job and a lot of them don't have papers, ID papers.»139

Ce que D. exprime dans cette citation est contradictoire. Une fois encore, la comparaison entre le niveau de vie en Roumanie et le niveau vie à l'étranger est présentée comme l'une des causes de la migration. D. compare une personne « mourant de faim » en Roumanie et une personne vivant aisément, à l'étranger. Toutefois, les personnes qui meurent de faim en Roumanie et qui ne possèdent pas de pièces d'identité, ne peuvent pas quitter le territoire roumain. Pour obtenir des papiers d'identité en Roumanie, il faut être en mesure d'attester d'un domicile fixe. De nombreuses familles n'ont pas de maison. Certaines familles ont une maison, construite de leurs mains et dont ils n'ont aucun acte de propriété. Selon D., environ 50 % des Roms roumains possèdent une pièce d'identité. Les plus pauvres n'ont donc, ni les moyens logistiques, ni les moyens financiers nécessaires à l'entreprise d'une migration. La comparaison entre le niveau de vie moyen en Roumanie et le niveau de vie moyen des pays de l'Europe occidentale atteste encore d'un écart significatif. L'écart entre la valeur du Leu et celle de l'Euro est, également, importante. De nombreux Roumains ne croient pas à l'amélioration de leur situation dans leur pays d'origine. Ces facteurs sont certainement des éléments majeurs de l'installation dans la mobilité de certains Roms roumains. En effet, tous ne peuvent pas faire ce choix. Ils n'en ont pas les moyens. Il serait vain de croire que Roms migrants en France sont les plus pauvres, fuyant la misère.

S.F. - « Il y a une famille qu'on a vu dans différents campements, au fil des expulsions. Ils ont eu envie de retourner en Roumanie, parce qu'ils ont une maison là-bas. Et, bon, bah ils sont revenus. On comprend pas toujours, bien, pourquoi ils reviennent. J'imagine que... En tout cas ce qu'ils disent c'est que c'est plus dur en Roumanie, qu'ici. »140

Cette citation de S.F. illustre parfaitement le paradoxe que je présentais au paragraphe précédent. Cette famille vient en France parce que la vie est plus dure en Roumanie. Pourtant, ils possèdent une maison dans leur pays d'origine et vivent dans un campement, lorsqu'ils séjournent en France. Par conséquent, la dureté de la vie ne semble pas une cause de la migration, mais une conséquence.

139Annexe 1 : extraits d'entretiens.. 140Ibid.

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2) La précarité : conséquence de la migration ?

Seulement un des acteurs interviewés s'est exprimé à propos de la précarité en tant que conséquence de la migration.

S. - « Tu sais c'est pas forcément mieux là-bas. Quand j'étais à Paris le week-end dernier, j'ai voulu prendre des photos des Roms que j'ai croisé dans la rue tellement... Enfin ils sont dans des situations terribles. »141

S. est l'un des deux seuls acteurs, rencontré dans le cadre de cette étude, ayant eu l'occasion de travailler en France et en Roumanie. Seules deux personnes, dans un échantillon de douze personnes, connaissent la situation des migrants, aux deux pôles de leur migration. Nous avons vu que le milieu associatif, tout comme les pouvoirs publics, méconnaissent le mode de vie des migrants et leur forme de mobilité. Dès lors, nous pouvons expliquer cette méconnaissance par le fait que de nombreux acteurs de cette migration ignorent tout un pan de cette circulation migratoire. Une fois de plus, le manque de dialogue entre les différentes intervenants semble être la cause de l'incompréhension des autorités et de la société civile, envers le phénomène migratoire pratiqué par les Roms roumains.

L'étude de 2008, Come Closer,142 sur les conditions de vie des Roms, en Roumanie s'intéresse particulièrement aux phénomènes migratoires. Elle montre que le « potentiel de migration » d'un Rom est généralement plus élevé que celui d'un « non-Rom ». Les habitants de l'ouest du pays et de la région de Bucarest sont ceux ont les plus forts « potentiels de migration » du pays. Dans ces régions, les Roms migrent deux fois plus que les « non-Roms ». « For medium-term and long-term migration, as well as emigration, potential of Roma is around twice as high, while for short-term migration it is more than three times as high, meaning that the Roma are more prepared to commute daily or weekly. This shows that the Roma in our sample are prepared to migrate under much harder conditions than their non-Roma counterparts. »143 Ce travail montre que les Roms interrogés sont plus enclins que leurs compatriotes « non-Roms », à entamer une migration de court terme, dans de plus dures conditions. Ces auteurs considèrent que lors d'une entreprise de migration, les conditions de vie du migrants s'améliorent avec le temps passé dans le pays d'accueil. Autrement dit, pour s'enrichir rapidement dans le pays d'accueil, il ne faut pas dépenser l'argent gagné. Il faut être capable d'économiser pour avoir quelque chose à rapporter dans son pays. J. Fijalkowski énonce le fait que de nombreux migrants ne désirent pas changer

141Annexe 1 : extraits d'entretiens.

142Fleck G., Florea I., Kiss D., Rughinis C., Come closer. Inclusion and exclusion of Roma in present day Romanian Society, op. cit., 2008.

143Ibid., pp. 178-179.

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durablement de société. « Soit, elles viennent tâter le terrain, soit elles profitent des occasions d'améliorer leur pouvoir d'achat et de gagner un second salaire, mais sans vouloir pour autant abandonner définitivement leur pays natal. »144 Ainsi, la migration a pour but l'augmentation du niveau de vie des migrants. Dès lors, les conditions de vie difficiles et la précarité, seraient des conséquences de la migration.

Dans cette perspective, les migrants seraient prêts à vivre dans des conditions précaires, un temps donné, dans l'intention d'augmenter leur niveau de vie, d'agrandir la maison, d'investir dans des biens ou dans une entreprise. Les auteurs de l'étude Come Closer confirment cette assertion. « The data collected indicates the fact that the first priority of the Romanians is aimed at improving their living conditions, the investment in the house or apartment where they stay/live. [...]Building a new house or moving into a better house, together with the intention to purchase lands or opening a business are some of the current investment practices of the Romanian migrants. [...] We can say that, in particular, the migrants from the rural communities see the countries of destination as places where they can make money, not as countries where they could spend the rest of their life. »145

Conclusion de partie

Certains Roms roumains émigrent de Roumanie dans l'intention d'améliorer leur mode de vie. Cependant, dans de nombreux cas, la finalité de cette migration n'est pas l'installation dans le pays d'accueil. Le pays d'accueil est une étape par laquelle certains migrants peuvent s'enrichir, dans le but d'améliorer leurs conditions de vie en Roumanie. Pour s'enrichir sur une courte période, il faut être capable d'économiser. Pour économiser en migration et être en mesure de rapporter de l'argent dans leur pays de départ, les migrants sont prêts à vivre dans des conditions précaires, dans les pays d'accueil.

La circulation migratoire de nombreux Roms roumains est due à la volonté de ces personnes de voir leurs conditions de vie s'abonnir en Roumanie. Ils ne souhaitent ni s'installer dans le pays d'accueil, ni voyager incessamment. Si les autorités et la société civile semblent méconnaitre ce phénomène, cela tient certainement du fait qu'un manque de dialogue est observable entre les différentes parties impliquées dans cette migration. Ce manque de communication engendre une incompréhension et une stigmatisation du mode de vie des Roms.

144Fijalkowski J., « Transformer la politique européenne en matière de migration : une nécessité », in Morokvassic M., Rudolph H. (dir.), Migrants. Les nouvelles mobilités en Europe, L'harmattan, Paris, 1996, p. 83.

145Sandu D. (dir.), Living abroad on a temporary basis, Fundatia pentru o societate deschida, Bucharest, 2006, p. 7580.

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Par conséquent, la mise en place d'actions publiques, sociales et/ou humanitaires, destinées aux Roms et appropriées à leur mode de vie, paraît compromise.

III) Vers une gestion globale des migrations roms roumaines ?

Les actions mises en place à l'encontre des Roms migrants ne leur sont pas adaptées. Nous allons voir, dans une première partie les formes des politiques migratoires récemment mises en place par le gouvernement français. L'impact de ces politiques est limité. D'autres formes de gestion des mouvements migratoires doivent être pensées. En effet, « [une gouvernance globale des migrations se dessine] car les gouvernements qui essaient de régler la question à l'échelon bilatéral ou régional y échouent. »146 Les Roms sont présents dans toute l'Union européenne. Les actions mises en place à leur égard doivent être conçues au niveau communautaire. Nous verrons, dans une seconde section, les tentatives existantes de gestion communautaire, des populations Roms. Enfin, nous aborderons quelques pistes de réflexion pour d'éventuelles politiques futures.

A) Immigration et intégration, l'État français reprend le contrôle

Depuis les années 2000, l'État français a entamé une « refonte » des politiques migratoires et de leurs instruments. Par ces réformes, l'État affirme son réengagement dans la gestion de l'immigration et de l'intégration. Je présenterai, tout d'abord, les orientations nouvelles de la politique migratoire française, insufflées par le discours présidentiel du 14 octobre 2002. Ensuite, j'exposerai la visite de Pierre Lellouche en Roumanie, les 11 et 12 février 2010.

1) Le Discours présidentiel du 14 octobre 2002.

Le discours présidentiel du 14 octobre 2002 a annoncé les nouvelles orientations générales de la politique migratoire française. Plus précisément, ce discours manifeste une volonté publique de relance des aides au retour.

a) De nouvelles orientations

Le 14 octobre 2002, à Troyes, le président de la République Jacques Chirac annonce les nouvelles orientations de la politique publique française. L'État s'engage dans la voie de la décentralisation et affirme l'importance d'une démocratie locale.

Le président rappelle la « tradition universaliste française ». « Mais si toutes les communautés ont leur place dans la Nation, aucune ne saurait faire écran entre la République et les citoyens qui la composent et qui composent le peuple français, chacun avec les mêmes droits et

146Wihtol de Wenden C., La globalisation humaine, op. cit., p. 10.

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les mêmes devoirs. »147 Les communautés ont le droit de cité, mais pas le communautarisme. L'intégration à la française « s'adresse à des personnes et non à des groupes ».148 Chacun est libre de ses croyances et de ses traditions, mais celles-ci doivent rester dans la sphère privée. Dans ce discours, Jacques Chirac reconnaît l'existence d'un défaut d'intégration et le met en relation avec les violences urbaines et le thème de « l'insécurité ». « J'ai, avec le Gouvernement, trois priorités : la sécurité et le droit dans les cités, la politique de la ville et l'intégration. »149 Ce lien est possible puisque certaines zones urbaines, concentrant tous les problèmes, sont ciblées. Ainsi, l'État reconnaît la présence d'inégalités territoriales, et non commautaires.

Pour lutter contre ces inégalités, une discrimination positive, visant à l'égalité des chances sera instaurée, notamment dans les écoles. « L'enjeu éducatif majeur des prochaines années sera de mettre fin à cette situation d'échec qui ferme l'avenir à tant et tant de jeunes dans notre pays. »150 Une autorité supérieure sera crée pour lutter contre toutes les formes de discrimination.151 De plus, il est question de « sécuriser les écoles ». Une fois encore, le thème de « l'insécurité » est mis en relation avec l'immigration. Mettre en avant un lien entre ces deux thématiques permet aux pouvoirs publics de mettre en place des politiques d'immigration restrictives.

Dans ce discours, le président de la République énonce qu'une politique d'intégration plus efficace se construit au travers de la lutte contre les discriminations et du renfort d'une politique de sélection et de contrôle des entrées sur le territoire. « La France est depuis toujours un pays d'accueil. Mais, si l'on veut pouvoir maintenir cette tradition généreuse et nécessaire, il est essentiel que la loi et nos frontières soient respectées par tous. »152 Ainsi, la lutte contre l'immigration illégale doit être renforcée. Le droit d'asile sera réformé pour lutter contre les « faux demandeurs d'asile ». « Ce droit fondamental est aujourd'hui trop souvent détourné de son objet, à cause de la longueur et de la complexité inacceptable des procédures. »153 Le droit d'asile va être restreint. Le contrôle de l'intégration des migrants entrés légalement sur le territoire sera, également, intensifié. Il s'agit de rappeler au migrant qu'il a des droits et des devoirs envers l'État français. Un contrat d'accueil et d'intégration (CAI), engageant l'État et le migrant, sera mis en place. « Je souhaite ainsi, qu'à l'instar de ce qui existe chez certains de nos voisins, chaque nouvel arrivant

147 http://www.elysee.fr/elysee/elysee.fr/francais_archives/interventions/discours_et_declarations/2002/octobre/discour s_du_president_de_la_republique_prononce_a_troyes.1560.html [Site consulté le 18/04/2010]

148Chevron S., La réforme des structures en charge de l'immigration. De l'ANAEM à l'OFII, op. cit., p.10. 149 http://www.elysee.fr/elysee/elysee.fr/francais_archives/interventions/discours_et_declarations/2002/octobre/discour s_du_president_de_la_republique_prononce_a_troyes.1560.html [Site consulté le 18/04/2010]

150Ibid.

151La haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) est créée par la loi du 30 décembre

2004.

152 http://www.elysee.fr/elysee/elysee.fr/francais_archives/interventions/discours_et_declarations/2002/octobre/discour

s_du_president_de_la_republique_prononce_a_troyes.1560.html [Site consulté le 18/04/2010]

153Ibid.

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s'engage dans un véritable contrat d'intégration comprenant notamment la possibilité d'accéder à des formations et à un apprentissage rapide de notre langue. »154 L'OFII se charge aujourd'hui des formations civiques et linguistiques dispensées dans le cadre du CAI.

Ce discours annonce donc le réengagement de l'État dans l'accueil et l'intégration des migrants. Dès lors, un contrôle plus accru de l'immigration légale et illégale est en marche. L'intégration des primo-arrivants « choisis » sera facilitée, tout comme celle des populations issues de l'immigration. Les frontières seront plus surveillées, pour s'assurer que les migrants « subis », les illégaux, n'accèdent pas au territoire français. Les expulsions des migrants ayant bravé nos frontières illégalement, s'accélèreront, ainsi que les retours volontaires. En définitive, ce discours présente une conception binaire des migrations internationales : « intégration dans le pays d'accueil/ retour au pays d'origine ». Cette conception binaire ne prend pas en compte les nouvelles formes de mobilité, telle que la circulation migratoire. M. Morokvasic explique que « face à ces mobilités, l'Occident a peu de solutions autres que restrictives à offrir. »155

b) Le retour des aides au retour

Ce discours préfigure du regain d'intérêt étatique envers les programmes d'aide au retour. Le retour est une forme de gestion possible des migrations légales ou illégales. Comme nous le savons, le retour peut être forcé, volontaire ou humanitaire. Les aides au retour sont devenues, depuis la décennie 2000, l'une des actions primordiales de l'OFII. « L'augmentation du nombre de bénéficiaires des aides au retour et à la réinstallation est une des priorités assignées par l'État à l'OFII, faisant de cette activité, jusqu'alors « anecdotique », une action essentielle de l'accueil des étrangers. »156 Sylvain Chevron met en évidence l'impulsion donnée par l'État pour redynamiser les aides au retour, devenues l'une des actions prioritaires de l'OFII.

Or, ces programmes ne sont pas nouveaux et ont été délaissés par les bénéficiaires pendant les années 1980 et 1990. Pour Gaye Petek-Salom157 cela s'explique par le fait que les aspects humanitaires, psychologiques, affectifs et culturels des migrations, ne sont pas pris en compte par ces programmes. De plus, les volets « formation et développement économique régional » de tels programmes avaient un coût trop élevé pour qu'ils soient réellement développés à grande échelle.

Ainsi, pour s'assurer l'efficacité des programmes d'aide au retour, il fallait prendre en compte les aspects humanitaires, psychologiques, affectifs et culturels des migrations. D'autre part, il était

154 http://www.elysee.fr/elysee/elysee.fr/francais_archives/interventions/discours_et_declarations/2002/octobre/discour s_du_president_de_la_republique_prononce_a_troyes.1560.html [Site consulté le 18/04/2010]

155Morokvasic M., « Entre l'est et l'ouest, des migrations pendulaires », op. cit., p. 120.

156Chevron S., La réforme des structures en charge de l'immigration. De l'ANAEM à l'OFII, op. cit., p. 202. 157Petek-Salom G., « Peut-on encore parler de politique de réinsertion ? » Hommes et migrations, n°1236, mars-avril 2002. p. 53 à 57.

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nécessaire d'instaurer une réelle réinsertion économique, sociale et professionnelle des migrants, pouvant être la source d'un développement régional. Nous avons vu que cet aspect du retour reste, encore aujourd'hui, quasi inexistant. Les mêmes erreurs ont été reproduites. Par conséquent, il est probable que les programmes d'aide au retour soient délaissés, comme ils l'ont été dans les années 1990.

Nous avons vu que les ARH favorisent la circulation migratoire, lorsqu'elles ne sont pas accompagnées d'aides à la réinsertion. La finalité des ARH n'est donc pas le retour définitif des populations dans leur pays d'origine. Je supposais, en conclusion de la première partie, que la finalité des aides au retour, pouvait être la satisfaction d'un électorat. En effet, les Roms roumains sont les bénéficiaires majoritaires des ARH. De plus, ils pouvaient utiliser l'OFII plusieurs fois, pour rentrer en Roumanie. Leur circulation permet à l'OFII de « faire du chiffre ». Ainsi, le gouvernement peu avancer à son électorat un chiffre annuel de reconduites à la frontière, satisfaisant. Cependant, la mise en place de l'AGDREF 2, depuis janvier 2009, empêche les migrants de bénéficier plus d'une fois des ARH. En effet, les empreintes digitales des personnes, reconduites par l'OFII, sont relevées et stockées dans l'AGDREF. Ainsi, le nombre de Roumains reconduits en Roumanie, dans le cadre d'ARH, va très rapidement diminuer. Si le but des ARH n'est pas de satisfaire un électorat, quel est-il ? Quel est l'avenir des aides au retour ?

2) La visite de Pierre Lellouche

Le secrétaire d'État aux affaires européennes, Pierre Lellouche, s'est rendu à Bucarest les 11 et 12 février 2010. Il s'est entretenu avec Emil Boc, Premier ministre, Marko Bela, vice-Premier ministre, Teodor Baconschi, ministre des Affaires étrangères, Bogdan Mazuru, son homologue ainsi qu'avec Viorel Hrebenciuc, président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des députés.

Le Premier ministre roumain s'est engagé à désigner un secrétaire d'État chargé de la réinsertion des Roms. Le gouvernement roumain a également annoncé être prêt à renforcer la coopération entre les deux pays pour la lutte contre le trafic d'êtres humains. En effet, un lien est souvent opéré par les pouvoirs publics, ainsi que l'Opinion, entre criminalité et migrations roms. Le site du Ministère des affaires étrangères relate ces engagements. « Au cours de sa visite, Pierre Lellouche a notamment abordé avec ses interlocuteurs roumains les modalités d'un approfondissement de la coopération franco-roumaine en matière de lutte contre le trafic d'êtres humains ainsi que les perspectives de renforcement des politiques d'intégration des minorités en Roumanie, y compris dans un cadre européen. »158 Lors de la conférence de presse qui a suivi cette

158 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/roumanie_238/france-

roumanie_1213/visites_8988/deplacement-pierre-lellouche-roumanie-11-12.02.10_79849.html [Site consulté le

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rencontre, Pierre Lellouche a annoncé la création d'un groupe de travail juridique, entre les deux pays. Ce groupe de travail devra répondre aux besoins « de gens reconduits à la frontière ou expulsés »159 et qui reviennent pour « se livrer à différents trafics ».160 À cela, le secrétaire d'État ajoute qu' « il y a le principe sacré de la libre circulation mais il y a aussi un autre principe sacré qui est celui des droits de l'Homme, et donc il faut mettre fin au trafic (d'êtres humains) car c'est bien ce dont il s'agit. »161 Pierre Lellouche ne sous-entend pas l'existence d'un lien entre migration et Rom et larcins, il l'affirme. Les migrants Roms sont considérés comme des trafiquants présumés et c'est pour cela qu'il faut s'assurer de leur réinsertion en Roumanie. Leur migration est clairement présentée comme alimentant les trafics. Cette affirmation est, d'une part non fondée, d'autre part réductrice. Des délits ont lieu au sein des communautés Roms. Des délits ont lieu au sein de toutes les communautés. Définir la migration rom comme étant la source de trafics en tout genre, est une essentialisation dangereuse. Plus généralement, criminaliser les migrants d'Europe de l'Est est courant. « Certes le commerce de drogues, de substances radioactives, le trafic d'hommes et de femmes, le vol de voitures, sont des activités criminelles et comme telles doivent être réprimées. Mais elles ne sont le fait que d'une petite minorité des gens qui voyagent »162. Ainsi, cette essentialisation stigmatise toute une population et justifie le désir des autorités françaises de se décharger du « problème Rom ». De nombreuses associations et ONG163 se sont mobilisées pour condamner de tels propos. Romani Criss en fait partie.

N. - « On a protesté contre cette visite et contre la conférence de presse qui a eu lieu après cette visite, parce que le premier ministre roumain et aussi le ministre des affaires étrangères, ils ont souligné l'identité ethnique en connexion avec la criminalité. »164

Le groupe de travail est également chargé de « résoudre le problème des bidonvilles

14/04/2010]

159 Dépêche AFP : FRA - Roumanie-France-immigration-UE-24/07.

160Ibid.

161Ibid.

162Morokvasic M., « Entre l'est et l'ouest, des migrations pendulaires », op. cit., p. 148

163Active Watch-Press Monitoring Agency, Roma Civic Alliance of Romania (ACRR), Asociation ACCEPT, Center for Legal Resources, Euroregional Centre for Oublic Initiatives, The network of the Roma Civic Alliance (Romani CRISSS, Centrul Rromilor AMARE RROMENTZA, Asociaþia 'DIVANO-ROMANO', Asociaþia Agenþia de Dezvoltare Comunitarã INTER-ACTIVA, Association 'anse Egale', Asociaþia 'ROMII ROMACANI', Fundaþia Ruhama, Asociaþia Parudimos, Asociaþia Roma ACCESS TOMIS, Asociaþia anse Egale pentru Femei °i Copii, Centrul Tinerilor Romi 'Amare Suno', Asociaþia anse Egale pentru Romi °i Sinti ADOSER/S, Alianþa pentru Unitatea Romilor, Asociaþia 'O Del Amenca', Asociaþia Thumende, Asociaþia Romilor Ursari.), Asociaþia Comunitarã Împreunã, Asociaþia Generaþia 2008 Bra°ov, Asociaþia Ketaness 2005 Giurgiu, Asociaþia Pro Nobis, Asociaþia Romii in Europa, Centrul de Dezvoltare Comunitarã Neamþ, Organizaþia Amare Prhala Cluj-Napoca, Policy Center for Roma and Minorities, TRUST - Tinerii Romi pt Unitate Solidaritate si Transparenta, Uniunea Democraticã Culturalã Valea Jiului.

164Annexe 1 : extraits d'entretiens.

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démontables de Paris [qui posent des problèmes] de nuisance et autres aux Parisiens ».165 Pierre Lellouche présente ici la migration de retour, comme étant la solution au défaut d'intégration de ces populations. Ainsi, les Roms installés en France ne sont pas destinés à s'intégrer dans la société française. Pour ce représentant de l'État, la seule solution à leurs problèmes d'exclusion en France est le retour dans leur pays d'origine.

Ainsi, le gouvernement français prend en charge les retours en Roumanie et le gouvernement roumain doit s'assurer que les migrants restent en Roumanie. Lors des entretiens réalisé au cours de cette enquête, pas un des douze acteurs interrogés ne s'est monté confiant ou optimiste vis-à-vis d'un futur engagement de l'État roumain, dans la réinsertion des Roms.

I.J - « On a rencontré le secrétaire d'État Lellouche. Il devait venir ici à Parada, finalement on l'a rencontré lors d'un diner à l'ambassade, aussi

bien lui que sa délégation. [...]Moi je suis, enfin disons pas pessimiste mais

je ne suis pas extrêmement optimiste sur l'efficacité du gouvernement Roumain. »166

I.J. doute de l'efficacité du gouvernement. M.P. doute même de l'existence d'un réel engagement. M.P. - « Je peux avoir les accords ? Tu as les accords ? [...] Tu n'es pas habituée à la déclaration politique ? C'était un engagement de principe parce que le gouvernement roumain, il n'est pas capable de payer les pensions pour les retraités et il va payer la réinsertion ? [...] »167

Ainsi, M.P. se méfie de l'existence de ces engagements ainsi que de la capacité du gouvernement

roumain à mettre en oeuvre un tel projet. M.P. et D. ne croient pas que le gouvernement roumain est

en mesure de soutenir financièrement la réinsertion des migrants roms.

D. - «Dear, it's not going to change anything. For example, the Romanian government and the ANR have a program in which they give scholarships. The program started two years ago. I know people who are working on that project and they are not payed for six months, for the work they are doing. They don't get their salary, and they work ! Do you thing they are going to pay for Roma social reinsertion ??»168

Nous savons que sans réinsertion des migrants dans leur pays d'origine, les ARH favorisent

165Dépêche AFP : FRA - Roumanie-France-immigration-UE-24/07 166Annexe 1 : extraits d'entretiens.

167Ibid. 168Ibid.

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la circulation migratoire. C'est pourquoi Pierre Lellouche s'est rendu en Roumanie, pour obtenir l'engagement du gouvernement roumain de s'impliquer dans la réinsertion des Roms. En effet, l'investissement du gouvernement roumain dans de sérieux programmes de réinsertion favoriserait la réinstallation des migrants en Roumanie. Cependant, comme nous venons de le voir, les acteurs interrogés ne sont pas très confiants en la capacité du gouvernement roumain à tenir ses engagements.

Depuis les années 2000, l'État français s'est réengagé dans la gestion de l'immigration et l'intégration. La volonté d'une meilleure intégration des migrants « choisis » est affirmée. Parallèlement à cela, la lutte contre les migrations « subies » est renforcée. Deux parcours sont proposés au migrant : l'installation ou le départ. De mon point de vue, Pierre Lellouche préconise le départ, avec installation définitive en Roumanie, pour les migrants Roms. Jusqu'alors, aucun projet adapté à la circulation des migrants Roms n'a été évoqué.

B) Tentatives de communautarisation de l'intégration des Roms

Les communautés roms sont dispersées sur l'espace européen. De nombreuses communautés vivent dans des conditions précaires. Elles ont un taux d'alphabétisation et de scolarisation faible et ont un accès au marché du travail limité. Globalement, les problèmes rencontrés par les Roms sont les mêmes dans tous les pays européens où ils sont installés. Bien que ces problèmes demeurent, ils touchent différemment les communautés d'un pays à l'autre. Cette différence est, en partie, due au diverses politiques publiques nationales, des États européens. Nous avons vu que les politiques nationales d'immigration et d'intégration, ne sont pas en mesure de s'adapter à la mobilité des migrants. Ainsi, la gestion des mobilités roms doit être pensée au niveau communautaire. Premièrement, nous aborderons la question d'une intégration à l'européenne. Dans un second temps, nous verrons quelles sont les initiatives communautaires destinées aux Roms.

1) Pour une intégration à l'européenne ?

La communautarisation de la politique migratoire européenne est en marche, bien que limitée par la volonté des États d'affirmer leur souveraineté. Cette politique communautaire est relative au droit d'entrée et d'asile sur le territoire européen, ainsi qu'au contrôle des frontières et à la lutte contre l'immigration illégale. De nombreux chercheurs affirment que les politiques migratoires restrictives, mises en place en UE, ne sont pas adaptées aux mobilités actuelles. J. Fijalkowski en fait partie. « Il faut aussi appliquer une politique migratoire flexible, bien que régulée, qui aurait pour objectifs l'égalité des chances et l'institution de conditions de vie dignes et humaines dans

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toute l'Europe. »169 En effet, il est possible d'instaurer des politiques migratoires flexibles, qui favoriseraient une intégration à l'européenne. Catherine Wihtol de Wenden expose l'absence d'européanisation des politiques d'intégration. « Dans le partage des compétences qui préside à la gestion européenne des politiques migratoires, l'intégration fait partie de la subsidiarité : elle est décidée à l'échelon national ou local, à la différence de l'européanisation de la décision relative aux politiques d'entrée et d'asile. »170 Ainsi, différents modèles d'intégration sont présents en Europe.

Au sein de l'UE, bien que l'intégration demeure du domaine national, l'intégration des Roms est l'objet d'attentions particulières. Depuis 1998, le Conseil de l'Europe171 ne cesse de réunir des groupes de travail, des forums, et des comités d'experts sur la situation des Roms en Europe. Des projets ont été rédigés et des suggestions ont été émises. La situation des Roms n'a pas évolué significativement. E., ancienne membre de Parudimos en fait part.

E. - « J'ai travaillé au Conseil de l'Europe pendant une petite période, et j'ai vu que au niveau européen il ne se passe pas grand chose. [...] Bon c'est vrai que c'est très important que au niveau de l'Europe il y ait des mouvements, des impulsions. C'est très important ça, pour l'image, pour essayer de changer la vie des gens. [...] Mais ils ne vont pas dans les pays européens voir ce qui se passe, vraiment. »172

E. met ici en évidence la distance qui subsiste entre le Conseil de l'Europe et les pays européens. Cette distance est la raison pour laquelle les décisions européennes n'ont pas d'influence directe sur le quotidien des citoyens européens. En effet, sans une réelle connaissance de la situation des Roms au sein de chaque pays européen, il est impossible de mettre en place des actions appropriées à leur mode de vie et aux sociétés qui les accueillent.173

Des fonds européens existent pour promouvoir l'intégration des Roms et Tsiganes.

S. - « L'Europe aimerait bien que les Roms restent en Roumanie et se réinsèrent en Roumanie. L'argent il est pour ça aussi. »174

Pour S., stagiaire de l'association Parada, l'UE soutient l'intégration des Roms en Roumanie, pour limiter leurs déplacements. Que cela soit une réalité ou non, les fonds européens n'ont pas un impact important en Roumanie. « In the case of the Roma EU citizens this lack of measures is arguably

169Fijalkowski J., « Transformer la politique européenne en matière de migration », op. cit., p. 83.

170Wihtol de Wenden C., La globalisation humaine, op. cit., p. 191.

171www.coe.int

172Annexe 1 : extraits d'entretiens.

173Cette affirmation est, également, valable pour tout autre type de communauté.

174Annexe 1 : extraits d'entretiens.

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more striking considering that Roma are generally acknowledged to be one of the most vulnerable groups of citizens in the EU. [...] This includes the lack of use of the Structural Funds and in particular the European Social Fund to support Roma inclusion and addressing discrimination and exclusion through information and awareness-raising campaigns. »175 En Roumanie, la mauvaise utilisation des fonds européens est un réel handicap à l'intégration des Roms. Pour recevoir des fonds, de fausses ONG sont crées, de faux projets sont rédigés et de faux rapports d'activité sont produits. L'exemple de l'association Kelsen est tout à fait caractéristique de ce type de détournement des fonds européens. Tous les acteurs que j'ai rencontré en Roumanie, ont évoqué ces détournements, lorsque l'enregistrement de notre conversation était arrêté. Ces malversations sont une réalité. Elles freinent la mise en place d'une gestion appropriée de l'intégration des Roms. Cela nous montre que les organes dirigeants de l'UE ne sont pas au fait du système roumain et des nombreuses malversations qui y perdurent. Tout cela pourrait être évité si la distance était réduite entre les organes dirigeants de l'UE et les pays membres.

Une intégration à l'européenne n'existe pas encore. Cependant, une réelle volonté de gestion communautaire des populations roms est observable, bien que globalement inefficace.

2) Des sommets européens sur les Roms et les Gens du voyage

Un Forum européen pour les Roms et les Gens du voyage176 a été créé en 2004, avec le soutien du Conseil de l'Europe. Depuis 2005, le Conseil de l'Europe est également partenaire de ce forum, qui demeure une instance autonome. Ce forum a une finalité tout à fait inédite. Il a pour but d'offrir aux Roms de tous pays européens « la possibilité de participer aux prises de décision sur des questions les concernant et d'influencer ces décisions, ouvertement et officiellement, dans le cadre d'une relation spéciale avec le Conseil de l'Europe. »177 Le désir de faire participer les populations ciblées par des politiques nationales et/ou européennes, à la conception de ces politiques est évidement louable. Le Forum, bien que n'étant pas en mesure de résoudre tous les problèmes auxquels les Roms sont confrontés, est une organisation nécessaire à la meilleure prise en compte du mode de vie des migrants.

Toutefois, en juillet 2008, la Commission européenne178 publie un rapport qui montre que les Roms continuent de faire l'objet de discrimination et d'exclusion sociale en dépit des efforts déployés pour les intégrer. Le 16 septembre 2008, un premier sommet européen sur les Roms est organisé à Bruxelles. Les mêmes observations sont formulées : les discriminations et l'exclusion

175F.R.A., The situation of Roma EU citizens moving to settling in other EU member States, op. cit., p. 64. 176www.ertf.org

177 http://www.coe.int/t/dg3/romatravellers/ertf_fr.asp

178 http://ec.europa.eu

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dont les Roms sont victimes restent des réalités. La Commission invite l'UE et ses États membres à prendre des mesures communes pour favoriser l'intégration des Roms dans la société et annonce la tenue d'un second sommet sur les Roms. Ce second sommet a lieu à Cordoue, les 8 et 9 avril 2010. Lors de ce sommet, les ONG et les représentants Roms participent directement aux débats. L'objectif du sommet était de faire le point sur la situation des Roms en Europe et de réaffirmer l'engagement de l'Union européenne en faveur de l'intégration des Roms, par, notamment, la promotion de l'utilisation des fonds structurels de l'UE. La plupart des ministres européens invités était absent179. Cela n'a pas encouragé les observateurs extérieurs, à être confiants en la capacité de ce sommet d'améliorer l'intégration des Roms en Europe. Néanmoins, il est trop tôt pour tenter de mesurer l'impact de ce sommet sur les conditions de vie des Roms.

Lorsque j'ai rencontré N. (employée de Romani Criss), un mois avant le sommet, elle ne semblait déjà pas très optimiste quant aux retombées de ce sommet. Elle reconnaît néanmoins l'importance de ce type de rencontres dans la prise en compte internationale, du besoin d'une gestion nouvelle des communautés Roms.

N. - [Éclats de rire.] « Non pas cette question! Je serai là-bas et... [Soupirs.] [...] Mais bon, c'est bien qu'il y ait plusieurs États qui aillent là-bas et que les associations Roms aient la possibilité de protester contre plusieurs questions [...] qui se posent dans plusieurs États membres de l'Union européenne. [...] » 180

Des impulsions internationales sont une nécessité. Cependant, pour I.J., président Parada, pour

qu'une action soit concrète et efficace, elle doit être locale.

I.J. - « Ça devrait apporter une meilleure prise en compte, déjà, de la question, du problème, aussi bien au niveau institutionnel, des États, qu'au niveau des populations. [...] Ce n'est pas que au niveau gouvernemental, que le problème va se résoudre. [...] Sur du concret, il faut une vision d'ensemble. Il faut avoir une stratégie, dégager des pistes. Il faut travailler aussi au niveau local, au cas par cas. »181

Ainsi, ces sommets réaffirment le besoin d'une gestion commune de l'intégration des Roms en Europe. Cette gestion commune devra être en mesure de développer la coopération entre l'UE, les États européens, les ONG de toutes tendances politiques et les communautés roms. L'UE et les

179Seules l'Espagne, la Belgique, la France, la Finlande, la Hongrie, la Macédoine, la Bosnie-Herzégovine, et la Serbie étaient représentés par des ministres ou des secrétaires d'État.

180Annexe 1 : extraits d'entretiens.

181Ibid.

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États européens doivent coopérer pour s'assurer que les projets soient adaptées aux différentes sociétés européennes. Ensuite, la coopération avec les communautés est une condition nécessaire de la mise en place d'une gestion de l'intégration des Roms, appropriée à leur mode de vie. Pour finir, une réelle coopération entre les différentes parties, est une disposition fondamentale d'une mise en oeuvre locale des actions décidées au niveau communautaire.

C) Des pistes d'action

Les modèles de gestions des populations migrantes, fondés sur le binôme « intégration dans le pays d'accueil/retour au pays d'origine » ne sont plus suffisants face aux nouvelles formes de mobilité en Europe. Trouver des alternatives est nécessaire. M. Morokvasic attestait déjà de cette nécessité, en 1996. « Les politiques centrées essentiellement sur l'intégration des sédentarisés, ou sur le rejet des nouveaux candidats à l'immigration, pourraient s'orienter vers la gestion des mobilités. »182 De plus, les questions d'intégration des sédentaires et des circulants doivent être traitées au niveau communautaire, dans une totale coopération des différents acteurs européens, nationaux et locaux. Dans un premier temps, nous allons questionner l'avenir des aides au retour. Ensuite, nous verrons en quoi « l'intégration des mobilités » roms au « système européen » serait profitable à l'UE.

1) La fin des aides au retour ?

Les aides au retour peuvent être de véritables chances pour le migrant de reconstruire sa vie dans le pays d'origine, à condition qu'elles respectent le principe de réinsertion sociale, économique et professionnelle. Les programmes de retour mis en place par la France, depuis les années 1970, ne respectent pas ce principe. En effet, nous savons que les aides à la réinsertion économique ne sont pas diffusées. Quant à la réinsertion sociale et professionnelle, elle est inexistante. Parfois, les programmes ont été délaissés par les bénéficiaires. Parfois, ils ont été utilisés par les bénéficiaires pour s'installer dans la mobilité. Jamais, ils n'ont été efficaces.

Comme nous l'avons vu précédemment, la mise en place de l'AGDREF condamne les aides au retour humanitaire. Pour Sylvain Chevron, les programmes d'aide au retour parasitent même l'action principale de l'OFII : l'accueil. « Il semble d'ailleurs qu'il y ait lieu de redéfinir les actions de l'Office insusceptibles de se rattacher à la mission centrale d'accueil et d'intégration car elles contribuent par là même à diluer ses priorités et ses moyens : la participation de l'OFII aux programmes d'aide au retour peut être examinée dans la mesure où rien n'impose que l'Office en charge de l'accueil soit chargé des retours au pays et de la mise en oeuvre des actions de

182Morokvasic M., « Entre l'est et l'ouest, des migrations pendulaires », op. cit., p. 154.

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codéveloppement. »183 Les aides au retour tendent à être délaissées par l'OFII. De nouvelles formes de gestion des migrations doivent être trouvées.

De plus, il est fondamental que le codéveloppement devienne un enjeu majeur des futurs politiques migratoires, et non une de leurs conséquences éventuelles. Cette observation n'est pas nouvelle et ne cesse d'être réaffirmée par les chercheurs. Les programmes d'aide au retour trouveraient, certainement, un regain d'intérêt, s'ils étaient capables d'associer retour, réinsertion et codéveloppement. Le migrant deviendrait un lien essentiel entre le pays d'origine et le pays d'accueil, entre les différents opérateurs socio-économiques locaux, et plus globalement, entre les deux communautés.

Selon Catherine Wihtol de Wenden :« le thème d'une gouvernance globale des migrations, lancé à l'initiative des Nations Unies, cherche à répondre au défi de la combinaison des migrations et du développement dans les pays d'accueil et de départ (« faire de la migration un instrument de développement sans substituer le développement à la migration ») en vue d'une plus grande cohérence des politiques. »184 Ainsi, pour que les politiques migratoires soient plus cohérentes, elles doivent associer migration et développement. De plus, la gouvernance des migrations doit être globale. Dans le cadre de cette étude, cela signifie donc que les migrations Roms doivent être gérées au niveau communautaire, de sorte qu'elles soient génératrices de développement.

2) Pour une « intégration des mobilités » roms

Les différentes tentatives de gestion communautaire des communautés roms se focalisent sur l'intégration, l'inclusion des Roms au sein des États européens. Mais une fois encore, le concept d'intégration est dominé par une pensée sédentariste. En effet, au lieu de tenter d'y apporter des limites, sans succès, il est possible d'envisager une intégration des formes de mobilités roms au « système Europe ».

Dès lors, nous pourrions tous profiter de ces migrations, et de leurs aspects économiques, sociaux et culturels. J. Fijalkowski illustre l'intérêt économique que représenterait une gestion appropriée de ces migrations. « Ces « pendulaires » présentent un intérêt qui dépasse la coopération transfrontalière. [...] Pourquoi ne pas programmer autrement l'arrivée de ces travailleurs étrangers d'un genre nouveau si cela coïncide aussi avec l'intérêt des pays qui les envoient ? »185 Toutes les parties engagées dans un phénomène migratoire peuvent y trouver un intérêt, notamment économique. En 1954, Robert Montagne défendait déjà l'adaptation du système économique du pays d'accueil au va-et-vient des populations algériennes migrantes. Il explique qu'il

183Chevron S., La réforme des structures en charge de l'immigration. De l'ANAEM à l'OFII, op. cit., p. 164. 184Wihtol de Wenden C., La globalisation humaine, op. cit., p. 217.

185Fijalkowski J., « Transformer la politique européenne en matière de migration : une nécessité », op. cit., p. 83.

est envisageable d' « employer quatre employés pour trois postes : ce système permettrait aux émigrés de faire des séjours prolongés dans leur village en Algérie tout en ayant un emploi rémunérateur en France. L'émigré peut ainsi concilier travail en France et charges familiales en Algérie. »186 Plus de soixante ans après, les politiques régissant l'emploi des travailleurs immigrés ne sont toujours pas adaptées aux mobilités des migrants.

M. Morokvasic dépeint les intérêts sociaux et culturels qu'il est possible de dégager de la circulation migratoire des Roms. Elle explique que l'espace européen se construit des différences culturelles, ainsi que de l'échange et de la création de nouvelles diversités. L'espace européen est une mosaïque en perpétuelle évolution. Par conséquent, « on peut penser que certains groupes particulièrement mobiles contribuent à la création de l'européanité, même si, sur le plan local ou national, ils peuvent se trouver marginalisés, discriminés et à la périphérie, comme le sont les pendulaires rencontrés. »187 Ainsi, la mobilité des Roms et leur dispersion à travers l'Europe peuvent, également, être la source de l'apparition d'un sentiment communautaire.

Conclusion de partie

Comme nous l'avons vu avec l'exemple français, les modèles actuels de gestion des migrations se contentent d'envisager le binôme « intégration dans le pays d'accueil/retour au pays d'origine ». Or, l'installation des migrants dans la mobilité, doit être prise en compte. Pour ce faire, des politiques d'intégration des migrations roms doivent être conçues au niveau communautaire. Il est nécessaire que ces politiques soient mises en place, au travers d'une entière coopération des différents acteurs. Les migrations sont une source d'enrichissement social, culturel et économique, pour chacun. Ainsi, il faut être en mesure d'associer migration et développement et de favoriser l'échange culturel. Au lieu de tenter de freiner ces migrations, il faut savoir les « intégrer au système européen ».

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186Dorai M. K., Hily M-A., Loyer F., op. cit, p. 81. 187Morokvasic M., op. cit., p. 149.

70

Conclusion

Les acteurs du « retour » des Roms roumains en Roumanie, dans le cadre des ARM sont très hétérogènes. Cette hétérogénéité est l'une des causes de l'incohérence des programmes d'aide au retour. En effet, les différents intervenants de cette migration ont des conceptions différentes de l'action sociale et humanitaire, de la réinsertion et de l'intégration. De plus, cette migration de retour se doit d'être volontaire et humanitaire. Or, les méthodes utilisées par les pouvoirs publics pour encadrer ce déplacement dénotent d'une migration forcée. Enfin, les programmes d'aide à la réinsertion ne sont pas diffusés et s'avèrent improductifs, voire contreproductifs.

En effet, sans aides à la réinsertion, l'argent versé aux migrants bénéficiaires des aides au retour ne leur permet pas de se sédentariser. Dès lors, il peut servir à financer le retour, en France. Ainsi, les ARM n'aident pas les migrants à se réinstaller en Roumanie, mais elles favorisent leur circulation migratoire.

L'absence d'échanges entre les migrants et les autres acteurs de leur migration, est notable. De plus, les migrants ne sont pas, ou peu, impliqués dans la gestion de leur propre mobilité. De ce fait, les pouvoirs publics et le milieu associatif méconnaissent les migrants, leur mode de vie et leur phénomène migratoire. Or ce phénomène migratoire existe depuis les années 1990. Ainsi, le manque de cohérence entre les différents acteurs participe à masquer la réalité sociale de cette migration. Ainsi, puisque ce phénomène migratoire n'est pas reconnu, il ne peut pas être pleinement prit en compte par les politiques migratoires actuelles.

Des programmes communautaires de gestion des populations Roms, respectant leur mode de vie et leurs mobilités, ont été mis en place. Des fonds européens sont versés à cet effet. Cependant, ces programmes ont un impact très restreint. En avril 2010, au sommet de Cordoue, le constat de la détérioration de la situation des Roms, en Europe, a été établi. Ces programmes ne sont pas efficaces car ils sont trop détachés des réalités nationales et locales. Ces réalités sont variables, d'un pays européen à l'autre. « La complexité de la combinaison des acteurs pour la constitution d'un régime international des migrations est liée au fait que le champ de la société civile face à l'État est dispersé dans les pays d'accueil sur ce sujet et que les migrants ont peu de soutiens de la société civile dans leurs pays de départ. »188 La mise en place de politiques migratoires communautaires adaptées aux mobilités des migrants, ainsi qu'aux diverses sociétés européennes, est donc très complexe.

Le renforcement de la cohésion et de la coopération entre tous les acteurs de la migration

188Wihtol de Wenden C., La globalisation humaine, op. cit., p. 224.

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des Roms est donc un réel défi. Relever ce défi est nécessaire pour l'instauration de politiques migratoires, respectant les mobilités et étant bénéfiques pour tous les intervenants. Une meilleure connaissance des populations migrantes est primordiale à l'amélioration de la cohésion et de la coopération entre les acteurs de cette migration.

Ainsi, il est important d'étudier les communautés roms migrantes, avant de mettre en place des projets leur étant destinés. Pour ce faire, il est essentiel d'aller à la rencontre des migrants. L'enjeu est de comprendre comment ils se définissent, vis-à-vis des Roms et des non-Roms. Il s'agit également d'appréhender leur mode de vie, leurs schémas familiaux, leurs traditions et enfin, ce à quoi ils aspirent. De plus, il me semble judicieux de rencontrer les migrants aux différents pôles de leur migration. En effet, cela permettrait de mieux saisir le phénomène migratoire de cette population, ainsi que les différents contextes locaux au sein desquels ils évoluent. De mon point de vue, le renforcement de la cohésion et de la communication entre les partis favorise la mise en place de politiques migratoires et de politiques d'intégration, qui respectent les mobilités, et les modes de vie des migrants. Nous devons être en mesure de redéfinir le terme d'intégration, avec et pour les migrants.

C'est dans cette perspective que j'aimerais situer mon étude de deuxième année de Master, afin de permettre aux différents acteurs de mettre en place, conjointement, des actions respectant les différents modes de vie.

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Annexes

Annexe 1 : extraits des entretiens réalisés.

Entretien avec S. F., Association de soutien aux familles Roms de Palaiseau : Dans un café de Paris,vendredi 19 février 2010, durée : 30 minutes.

- « [...] On aide aussi à la scolarisation. Batailler avec les mairies pour qu'elles acceptent d'inscrire les enfants. Ça commence à se faire. Et puis, on a aussi une autre bataille, c'est de bousculer les autorités, qu'elles soient Conseil Municipal, Conseil Général, Conseil Régional, de harceler le préfet, pour faire une table ronde, que tout le monde discute ensemble et qu'on reconnaisse que ces gens ils sont là, et qu'ils ne partiront pas. [...] »

- « Vous parliez des villages d'insertion, qu'ils étaient contestés... »

- « [...]Le Conseil Général, a [...] voté des sommes très importantes, je ne sais plus si c'est un million ou deux millions d'euros, pour des projets de villages d'inser..., pour des projets de résorption de bidonvilles. [...] Il y a une sélection des familles qui sont supposées être déjà en voie de pouvoir, pas s'intégrer, j'aime pas le mot, mais d'avoir plus envie de... de... de faire quelque chose. Ces villages de réinsertion, ils sont très contrôlés. Par exemple, sur les campements, notre gros problème, [à voix basse] c'est que dès qu'il y a quelqu'un qui s'installe, il y a d'autres familles qui s'installent. Les camps grossissent énormément et après on ne peut plus rien faire. Dans les villages d'insertion, c'est vrai que c'est exagéré, les familles ne peuvent pas recevoir leur famille. [...] Ça c'est vrai que c'est contestable. Mais on voudrait que quelque chose s'amorce, que quelque chose commence.[...] »

- « Est-ce que vous savez sur quels critères les familles sont sélectionnées ? »

- « [...] Je pense que le premier critère c'est que les enfants soient scolarisés régulièrement, que les parents aient fait des recherches de travail, certainement la durée de séjour en France.[...] Il y a une famille qu'on a vu dans différents campements, au fil des expulsions. Ils ont eu

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envie de retourner en Roumanie, parce qu'ils ont une maison là-bas. Et, bon, bah ils sont revenus. On comprend pas toujours, bien, pourquoi ils reviennent. J'imagine que... En tout cas ce qu'ils disent c'est que c'est plus dur en Roumanie, qu'ici.[...] »

- « Vous avez déjà assisté à des opérations d'évacuation des campements ? »

- « Ah oui ! Oui ! Bah c'est l'horreur, c'est l'horreur. Les gens sont prévenus. Des gens partent avant et d'autres restent jusqu'au bout. Donc ils rassemblent leurs affaires. À Lagny, la municipalité socialiste, avec une maire adjointe communiste, avait accepté que les Roms expulsés de Palaiseau (ce sont deux communes mitoyennes) s'installent dans le bois brûlé. Dans le bois, il y avait de la place et un point d'eau. Bon, c'était à condition que le campement n'augmente pas. Finalement le campement a augmenté, l'expulsion a été faite. La police les a raccompagnés, avec leurs bagages, jusqu'au RER. Et puis après, on prend les pelleteuses... »

- « On les raccompagne jusqu'au RER, avec une destination ou c'est un départ sans destination ? »

- « Non, c'est « qu'ils s'en aillent ! ». Le maire de Palaiseau avait dit « je n'en veux pas ». voilà... c'est tout le temps comme ça. [...] C'était un parking, tout près du RER. Ils sont restés là pendant plus d'un an. Le jour où l'expulsion s'est faite, [...] la police les a vraiment forcé à prendre un train qui allait à Corbais, ou d'autres trains qui allaient à la gare du Nord. Finalement c'étaient les seules destinations dites. Qu'ils partent, qu'ils partent loin. Il n'y a jamais de destination donnée puisqu'il n'y a pas de point de chute. [...] Quand les expulsions sont annoncées, ils cherchent des terrains. Il y en a qui cherchent des terrains reculés, où on les voit pas. Il y en a qui cherchent à louer des terrains. Dans ces cas là, on entre en contact avec le propriétaire, mais ça n'a jamais marché. [...]On avait de bonnes relations avec la police sur ces terrains donc ils nous ont accompagné sur le terrain à Villebeau. [...] Et là, rien n'était prévu, c'était au milieu des champs, il n'y avait même pas de quoi se cacher. Le maire est venu tout de suite, les habitants sont venus tout de suite, il a fallu repartir le soir même,

retour à Chilly-Mazarin où la mairie s'est radoucie et a accepté qu'ils s'installent, sous conditions (pas trop de...). Ils ont même acheté quelques cabanes pour les gens. Et puis le camp a grandi, les règles n'ont pas été respectées. Ils ne voulaient pas que les enfants mendient dans la rue mais en même temps ils ne voulaient pas scolariser les enfants. [...] »

- « Est-ce que c'est vous qui faites la démarche d'aller vers les Roms, ou c'est eux qui viennent vers vous ? Est-ce qu'ils ont des associations qu'ils organisent entre eux ou est-ce qu'ils s'adressent à vous individuellement ? »

- « Ils s'organisent très mal entre eux...enfin... J'imagine qu'ils doivent se... ouais... on communique mal puisqu'ils parlent mal [français] et puis alors nous, pas du tout [roumain]. [...] Ils savent où demander de, demander de... de l'aide. Sur Palaiseau c'est nous qui avons fait les premiers pas. [...] »

- « Et est-ce qu'il y a une sorte « d'association Rom des Roms de Palaiseau » , si vous voyez ce que je veux dire ? »

- « [...]On a l'impression qu'ils fonctionnent par grandes familles, familles élargies. [...] Des fois on a l'impression qu'il y en a un qui ressemble à un chef. [...] »

Entretien avec Mh., ONG Clubul Tinerilor Romi.

Dans un café de Baia Mare, vendredi 05/03, durée : une heure et demi. (Traduit du Roumain)

Mh. - « [...] En ce moment les jeunes vont au lycée, ils font des études. Nous on travaille au niveau des professeurs, on essaye de faire évoluer la manière dont les jeunes Roms sont traités dans les écoles. [...] Par exemple, moi j'ai travaillé avec la mairie qui m'a donné des contacts, etc... Il y a un homme extraordinaire qui travaille à la mairie et qui a choisi de travailler avec les jeunes. [...] Il y a de la discrimination qui demeure et si les enfants ne peuvent pas aller à l'école, ils ne pourront pas trouver un bon travail. [...] Les familles Roms sont installées à la marge des villes, en communautés. »

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- « Est-ce que vous avez eu l'occasion de travailler avec la fondation Kelsen de Baia Mare,

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qui s'occupe de la réinsertion des Roms rentrant de France ? »

Mh. - « Je ne connais pas cette organisation [ Kelsen] et je n'ai pas entendu parler des programmes qui t'intéressent. [...] Au moment où ils passent une frontière étrangère, ils voient ce qu'ils n'ont pas ici. Ils communiquent, les Roms de la communauté. S'ils entendent que là-bas c'est bien, ils s'y rendront puisqu'ils ne pensent pas que ça puisse être mieux ici. [...] D'un autre coté, il y a des Roms qui sont professeurs, docteurs, politiciens, journalistes, juristes, avocats, professeurs d'Université. Il y en a qui travaillent en mairies, qui sont experts locaux des Roms en préfecture. Nous parlons là d'une catégorie de Rom, qui sont intégrés dans la société, qui ont une petite affaire, qui ont de quoi vivre. [...] Et puis il y a les Roms traditionnels et les Roms non-traditionnels. Moi je ne suis pas une « pure », je ne porte pas de jupe, tu vois ?! Il y en a qui restent traditionnels, qui gardent les métiers traditionnels. Ceux qui vivent au village travaillent jour après jour pour gagner de quoi vivre aujourd'hui, qui ne peuvent pas penser à demain et qui ne créent pas de problèmes. [...]Il y a des cas où les gens se sont bien intégrés en France, ou en Italie, ou ailleurs. C'est vrai aussi qu'il y en a qui causent des problèmes et qui vivent très bien sans faire d'efforts. Il y a des gens qui te disent que le travail, ça ne leur plait pas. Mais on ne peut pas vivre comme ça, même si ça ne te plait pas tu dois... Pour résoudre le problème il faut commencer à penser à une solution, mais personne ne le fait. Le problème est au niveau national, central, au niveau du gouvernement. Le gouvernement roumain est très fort pour les déclarations, mais en vrai il n'aide personne. [...] »

« Qu'est-ce que vous en pensez du sommet de Cordoue ? »

Mh. - « Ce ne sera que pour la presse. Nous, ici, tous les jours, on fait des choses concrètes. [...] J'ai invité une famille Rom, qui vit à quelques dizaines de kilomètres. Ils n'ont pas de téléphone, alors si je les croise un jour, je leur fixe un rendez-vous. Donc là je leur ai dit de venir. C'est une famille de 8 enfants. Ils sont allés en France et ils sont revenus mais je ne sais pas comment, c'est peut-être avec le programme qui t'intéresse... Si tu veux tu me donnes des questions et je les pose pour toi ? »

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- « Oui, ça serait très gentil de votre part. »

Lors du festival qui se déroulait deux semaines après ma visite à Baia Mare, M. a rencontré la famille dont elle m'avait parlé. Elle leur a posé ces quelques questions que je lui avais transmises et m'a retourné les réponses par e-mail. J'avais présenté ces questions comme des « thématiques » sur lesquelles j'espérais que cette famille me donne son point de vue. (Les questions et réponses sont traduites du Roumain.)

Questions à la famille rom roumaine ayant séjourné en France :

- « Pourquoi avez-vous quitté la Roumanie ?Pourquoi avez-vous choisi la France ? »

- « En Roumanie ils ne réussissent pas à survivre avec 8 enfants, il n'y a pas de travail et pas assez d'argent pour survivre. »

- « Comment c'était en France ? (l'endroit où vous viviez, le travail, l'école, les problèmes, les soutiens, les relations avec la police et la préfecture, les relations avec la population...) »

- « Ils sont partis en France pour aider les enfants. Là-bas il y a une plus grande chance de se débrouiller, l'argent a une autre valeur. Il est mécanicien, il répare des voitures et la paye est meilleure [en France] qu'en Roumanie. »

- « Pourquoi êtes-vous partis de France ? Dans quel contexte êtes vous rentrés ? ( si vous étiez seuls/si vous étiez avec l'OFII). »

- « [La famille] vivait dans une caravane de Rom, ce n'était pas facile, il y avait une grande misère, sans eau, etc... mais c'est mieux qu'en Roumanie. Il n'y avait pas de problème avec les autorités, ils ont même reçu les allocations de l'Etat français qui s'assurent de la survie des enfants quand on a pas de travail. »

- « Quel est votre situation depuis que vous êtes revenus en Roumanie ? »

- « Quand ils sont revenus de France, avec la famille (frères, soeurs, parents) ils ont payé des dettes. Ils connaissent l'OFII mais ça ne convient pas pour ceux qui veulent rester en France, et pas en Roumanie. Ils aimeraient bien rester chez eux, en Roumanie, mais ils n'ont pas de maison,

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pas de travail, la famille s'appauvrit et ils n'y peuvent rien. Leur seul espoir est de rester en France, pour l'avenir des enfants. »

- « Voulez-vous rester en Roumanie ou voulez-vous partir de nouveau ? Si vous voulez partir de nouveau, où ? »

- « Ils ne veulent pas rester en Roumanie, parce qu'ils n'ont aucune chance de survivre, s'ils ne réussissent pas en France, ils sont décidés à partir dans un autre pays avec les enfants, mais plus en Roumanie. »

Entretiens à la fondation Parada de Bucarest. Mercredi 10 mars 2010.

[Le président de la fondation à Bucarest m'avait donné rendez-vous à 14 heures, m'expliquant qu'ils avaient une réunion à 15 heures. Il est absent quand j'arrive dans les bureaux de l'association, mais une stagiaire française (S.) et une employée francophone (A.) ont été chargées de m'accueillir et de répondre à mes questions, jusqu'à l'arrivée du président. Un autre employé non francophone était présent pendant notre entrevue.]

Entretiens avec S. et A.

Salle réunion, durée : une heure.

- « Est-ce que vous pourriez me parler de votre travail dans l'association, pour commencer ? »

A. - « [...] Pour un petit il faut trouver la famille, faire la médiation avec la famille, voir s'ils veulent l'accepter, s'ils ne l'acceptent pas. Pour un grand il faut un boulot, faire les papiers, faire la relation avec la police s'il y a des amendes. [...] »

[Une personne suivie par Alina entre dans le bureau. La conversation reprend spontanément sur les aides au retour en Roumanie. ]

A. - « C'est normal, là-bas, tu arrives à survivre, ici tu n'as rien. Si en plus on te donne de l'argent pour le voyage, c'est « oh, la France m'aime bien ! » »

S. - « Tu sais c'est pas forcement mieux là-bas. Quand j'étais à Paris le

week-end dernier, j'ai voulu prendre des photos des Roms que j'ai croisé dans la rue tellement... Enfin ils sont dans des situations terribles. »

A. - « En tout cas donner de l'argent, ça ne va pas apporter grand-chose. [...] Il faut donner du travail, mais pas seulement du travail, quelque chose à faire, à construire soi-même. On donne des aides, des aides, des aides, on parle, on parle, ça ne sert à rien. Tu donnes des choses à faire, avec des consignes précises. Sinon tu peux pas y arriver, c'est que du blabla. Il y a des travaux de construction, de réhabilitation, parce que écrire, c'est moyen. OK, apprendre à écrire et lire en même temps qu'ils font ces travaux. [...] Vous vous donnez beaucoup d'aides quand même. [...] »

S. - « [...] Je pense que passer par le travail c'est une bonne solution. Les gens ça leur donne un but, une raison d'être.[...] »

A. - « [...] Le père il doit développer des activités, des petits jardins, pour avoir un peu d'argent et envoyer les enfants à l'école. S'il envoie pas ses enfants à l'école, il n'aura pas l'argent pour le jardin. »

S. - « Tu veux dire que les aides doivent être conditionnelles ?! »

A. - « C'est ça. Parce que c'est facile de demander. Moi aussi j'aimerais, tu vois, demander, rester à la maison et tricoter. Mais il faut assumer des responsabilités. [...] Moi aussi je veux bien faire des bébés et avoir des aides, mais moi j'ai contribué pour avoir des aides. [...] Il faut s'adapter. Si tu t'adaptes, si tu travailles bien, on peut être collègues. Mais si tu travailles pas et qu'en plus tu fais des bêtises, non ! [...] Mais on ne parle pas de nos enfants. On parle des personnes... pour qui c'est difficile. Ils ont un autre style de vie. Ça c'est sûr. Ils ne peuvent pas être comme nous. Maintenant il faut construire quelque chose ensemble. Il y a des règles, c'est une société, c'est comme ça, mais il faut s'adapter, sinon ciao. [...] Pour être honnête en ce moment ça ne marche pas trop mais avant, quand on devait aller voir les enfants, dans la rue, on avait avec nous, dans nos équipes, un animateur socio-éducatif qui arrivait d'entre eux. [...] »

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S. - « Je suis assez d'accord avec ce point de vue. Si tu dis qu'il faut des

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associations que « Roms », comme ils arrivent dans un autre pays dont ils ne connaissent rien, je ne suis pas sûre qu'ils auront l'idée d'aller, par exemple, créer une association ou un truc comme ça. Je ne sais pas s'il y a beaucoup d'exemples de Roms bien insérés en France. Ils n'ont pas les moyens et l'énergie de monter une asso. [...] »

- « [...] Ici, il y a l'Agence Nationale pour les Roms, il y a des choses concrètes qui sont faites et qui sont dirigées vers les Roms ou vers une communauté, en particulier. »

S. - « Oui mais parce que ici, les Roms ont un mode de vie très très différent. En France on a pas de... Ce qui pourrait s'apparenter en France, c'est les gens du voyage, par exemple. Parce que la différence, plus que de l'ethnie, elle vient du mode de vie. En France, il y a bien quand même, des actions spécifiques pour les gens du voyage. Il y a des associations, des terrains spécifiques pour eux. Il y a une telle différence de mode de vie qu'il peut être en effet plus adapté d'avoir des actions particulières. [...] L'Europe aimerait bien que les Roms restent en Roumanie et se réinsèrent en Roumanie. L'argent il est pour ça aussi. »

A. - « [...]Pour survivre, il faut assurer d'abord à sa famille quelque chose à manger. Si on dit « tu amènes tes enfants à l'école et nous on t'aide à survivre », alors là oui... [...] Ils ne voient pas la normalité comme nous on la voit : avoir une famille, avoir une maison. [...] Ça existe la douche, ça existe le savon, c'est bon. Tu dois être propre, tu vois ? Pour moi c'est le minimum si tu veux être accepté. [...] »

- « [...]Qu'est-ce que vous avez pensé de la visite de Pierre Lellouche ? »

S.- [Rires] « Il a dit qu'il allait visiter Parada, et après il a dit qu'il venait pas, et après il a dit qu'il venait, mais dans deux heures et en fait il n'est pas venu. Tous les employés de Parada sont restés une heure et demi de plus à l'asso. »

A.- « Sans être payé. »

S.- « C'est pas la bonne question. Une autre question. »

- « Qu'est ce que vous attendez du prochain sommet européen de Cordoue, en avril ? »

S.- « Moi, sur les répercussions, je ne sais parce que je n'ai pas trop regardé. Au moins ça veut dire qu'ils prennent en compte le fait que ce n'est pas le problème que de la Roumanie et qu'ils prennent en compte que c'est un problème européen. C'est des peuples qui bougent donc c'est des peuples qui sont plus européens que d'un seul pays. »

A.- « Je ne sais pas, ça me donne l'impression qu'on créé beaucoup de trucs sur un sujet qui... OK, c'est important, c'est vital. En même temps, si on parle, on parle, on parle, la pratique, elle est où, le concret ? C'est sympa, on se réunit ici, on parle... »

[Une réunion va bientôt se tenir dans la salle où nous nous trouvons, des employés commencent à s'installer. Le directeur entre dans la salle et m'invite à le suivre dans son bureau pour que nous discutions rapidement avant le début de la réunion.]

Entretien avec I.J., Directeur de Parada : Dans son bureau, durée : 10 minutes.

- « Est-ce que vous connaissez un petit peu les programmes d'aide au retour mis en place par la France pour reconduire les Roumains en Roumanie ? »

I.J. - « Oui mais de façon, disons anecdotique, sans avoir approfondi la chose. On a rencontré le secrétaire d'État Lellouche. Il devait venir ici à Parada, finalement on l'a rencontré lors d'un diner à l'ambassade, aussi bien lui que sa délégation. [...] Je crois savoir qu'il y a un encouragement financier, autant pour soutenir un projet de vie, de retour, que pour payer le retour. »

- « Voilà. Il y a une certaine somme pour le voyage et une autre aide que l'on peut recevoir si l'on monte un projet de réinsertion économique, et que le projet est accepté. Mais le gouvernement roumain s'est engagé après la visite de Pierre Lellouche à prendre en charge la réinsertion. »

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I.J. - « Moi je suis, enfin disons pas pessimiste mais je ne suis pas

extrêmement optimiste sur l'efficacité du gouvernement Roumain. [...] C'est peu-être un problème européen, si on veut, mais c'est un problème roumain aussi, au moins tout autant. C'est vrai que la réinsertion ou l'insertion des Roms qui sont partis doit se faire au niveau local et c'est là que le bas blesse. [...] »

- « En parlant de « problème européen », que pensez vous du sommet européen de Cordoue en avril, ce qu'il pourrait ou devrait apporter ? »

I.J. - « Ça devrait apporter une meilleure prise en compte, déjà, de la question, du problème, aussi bien au niveau institutionnel, des États qu'au niveau des populations. [...] Ce n'est pas que au niveau gouvernemental que le problème va se résoudre. [...] Sur du concret il faut une vision d'ensemble. Il faut avoir une stratégie, dégager des pistes. Il faut travailler aussi au niveau local, au cas par cas. [...] Je pense que tout le monde devrait être impliqué. Parada n'a pas une approche exclusive, sur une communauté. [...] En Roumanie les Roms ont toujours eu un mode de vie à part. Il y avait plusieurs types de communautés Roms, en fonction de la manière dont ils gagnaient leur vie. Ils vivaient plus ou moins de façon traditionnelle. Leurs débouchés professionnels ont disparu parce que la société industrielle de consommation a évolué de façon que l'artisanat n'a plus cours. Voilà. Il faudra aussi que eux-mêmes ils s'adaptent, qu'ils adaptent leur mode de vie. C'est une adaptation continue et réciproque qu'il faut mais il faudrait se connaître mieux déjà. »

Entretien avec D.O.Z., sociologue à l'Agentia Nationala pentru Romi. Bureau de D.O.Z, Bucarest, le jeudi 11/03/2010, durée : une heure et demi.

[Cet entretien d'une heure et demi, en anglais, n'a malheureusement pas pu être enregistré, pour des raisons techniques. Je tâcherai ici de présenter un résumé aussi fidèle que possible des opinions exprimées par D.O.Z. Lorsque des mots ou expressions sont présentés ici entre guillemets, il s'agit des termes exacts employés par D.O.Z., traduits en français. Ces déclarations ne reflètent pas les positions officielles de l'Agence, mais bien le point de vue de l'interviewé.]

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Au début de la conversation, D. O. m'a expliqué que, dans le domaine de l'intégration des

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Roms, deux théories dominent : « the social inclusion theory (SIT) » et « the racial discrimination theory (RDT) ». Il présente ces théories dans l'article : « Another decade, another inclusion... (A few words on the decade of Roma's inclusion; a personal perspective from Rumania) »189, présenté en introduction.

D.O.Z. considère que le sommet européen de Cordoue n'aboutira à rien. Il ne croit pas en l'efficacité des accords internationaux ou bilatéraux, puisqu'aucun engagement précis n'y est pris par les parties. Il pense que les « actions concrètes efficaces » ne peuvent être mises en place qu'au niveau local et national.

Pour D.O.Z., Pierre Lellouche a joué les naïfs lors de sa visite à Bucarest, en prétendant que la misère est le principal facteur de cette migration. Selon lui, ce sont les Roms plus compétitifs et

les plus aisés qui partent. Les moins compétitifs n'ont pas de quoi survivre en Roumanie, ils n'ont

donc pas les moyens d'émigrer. De plus, bien que leur condition ne soit pas visiblement meilleure en France, les migrants sont prêts à accepter cette situation car elle n'est que temporaire. Les

migrants passent trois mois en France puis rentrent au pays avec les bénéfices que la « mendicité en

euros » rapporte. « Ils construisent une autre tour au château puis repartent. » D.O.Z. définit la migration des Roms de « pendulaire » et ajoute que l'OFII travaille à faciliter cette migration

« pendulaire » en donnant aux personnes assez d'argent pour revenir. De plus, lorsque les migrants

expliquent qu'ils ont quitté leur pays à cause de la misère, il est concrètement impossible de vérifier ce fait. Cette « histoire » s'avère donc « parfaite » pour les migrants comme pour les autorités

locales qui feignent de la croire. Si Pierre Lellouche feint de croire à cette « histoire », c'est pour plaire à son électorat qui souhaite entendre parler d'expulsions. En tant que secrétaire d'État aux Affaires européennes, P. Lellouche a besoin de trouver des Européens expulsables. Le secrétaire d'Etat Roumain aux affaires étrangères, a confié à D.O.Z. que Pierre Lellouche était très insistant, voir en colère pendant les rencontres.

Le gouvernement roumain a donc accepté de signer mais ne changera rien. D.O.Z. considère que le lien effectué entre « retours humanitaires » et « criminalité », dénote d'un procédé couramment employé par les politiciens : « criminaliser toute une population à cause du comportement d'une partie de ses membres ». En effet, selon lui, les Roms sont peu nombreux dans les domaines de la prostitution, du trafic d'êtres humains, ou du grand banditisme. Les Roms seraient essentiellement coupables de petits délits. D.O.Z. explique que les Européens de l'ouest sont choqués par la mendicité des Roms car ils sont habitués aux jeunes hommes avec une guitare et un chien, mais pas aux femmes et enfants.

189Oprescu Zenda Dan, « Another decade, another inclusion... (A few words on the decade of Roma's inclusion; a personal perspective from Rumania) », Studia Univertatis Barbes-Bolyai, Bucarest, 2007, p. 79-90.

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D.O.Z. pense que le concept d'ethnie sert surtout les politiciens et justifie les politiques, qu'elles soient en faveur ou à l'encontre des communautés. L'importance d'un parti représentant une communauté dépend de l'importance de cette communauté. Mais une ethnie n'est pas figée. En Roumanie, à chaque recensement, la population déclare de quelle ethnie elle fait partie. Selon les périodes et les courants de l'opinion publique, être Rom est plus ou moins « fashionable ». Ainsi, les statistiques de population peuvent varier de manières très significatives d'un recensement à l'autre. Il insiste également sur le rôle des médias dans la construction du désir d'appartenir à une communauté.

Entretien avec N., Romani Criss :

Dans les bureaux de Romani Criss, Bucarest, le vendredi 12/03/10, durée : une heure.

- « Vous avez entendu parler de la visite de Pierre Lellouche... »

- « Ah bien sûr. On a protesté contre cette visite et contre la conférence de presse qui a eu lieu après cette visite, parce que le premier ministre roumain et aussi le ministre des affaires étrangères, ils ont souligné l'identité ethnique en connexion avec la criminalité. [...] En 2009 nos collègues de France, ils sont venus ici pour documenter les projets de réinsertion financés par l'ANAEM. Premièrement, le programme de l'ANAEM, il n'est pas efficace, deuxièmement, les Roms sont les seuls pour lesquels ils font le rapatriement en groupe. Les autres nations ou les autres peuples, ça se fait en demande individuelle. [...] L'implication de la Croix Rouge aussi c'est questionnable. C'est la Croix Rouge qui fait la logistique de ça, et ça, c'est pas humanitaire du tout. C'est plus politique. [...] »

- « Est-ce que vous avez eu l'occasion dans vos études de rencontrer un bénéficiaire de l'aide à la réinsertion ? »

- « Moi personnellement pas, mais un de mes collègues, qui était dans l'équipe précédente avec les français, ils ont rencontré à Timisoara une famille qui a eu cette aide, mais en même temps c'est pas efficace. Ils ont eu des animaux, pour les faire grandir, ils ont acheté les animaux mais après ils ont mangé les animaux parce qu'ils n'ont pas eu d'argent pour les soutenir. [...] C'est mieux d'utiliser cet argent en France et d'avoir des projets d'intégration sociale pour les Roms, que de les renvoyer comme ça.

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De toute façon, il y en a beaucoup qui sont partis et retournés en France. [...]Si tu ne peux pas contrôler, arrête toi de rapatrier comme ça. [...] Je crois que les États-Nations maintenant ils veulent contrôler tout. La question Rom c'est quelque chose qui rend hystérique et qui donne plus d'eau à leurs moulins nationalistes. »

- « Maintenant, à la suite de la visite de Pierre Lellouche, le gouvernement Roumain est sensé prendre en charge la réinsertion des Roms Roumains en Roumanie. »

N. - « [...] Il y a eu en 1993 un programme comme ça. C'était en partenariat avec l'Allemagne. [...] Ils avaient fait des centres de conversions professionnelles, mais... Pas trop de rendement. »

- « Donc, vous n'êtes pas très optimiste concernant l'implication du gouvernement roumain. »

N. - « C'est de la politique, tu sais. Ils disent des choses qu'on attend toujours. »

- « Oui. Et qu'est-ce que vous pensez du sommet européen de Cordoue ? »

N. - [Éclats de rire.] « Non pas cette question! Je serai là-bas et... [Soupirs.] [...] Mais bon, c'est bien qu'il y ait plusieurs États qui aillent là-bas et que les associations Roms aient la possibilité de protester contre plusieurs questions [...] qui se posent dans plusieurs États membres de l'Union européenne. [...] »

- « Est-ce que vous pensez que les problèmes de discrimination doivent être réglés au niveau local, national, international ? Comment vous voyez ce... »

N. - « ...En Europe de l'Ouest, les militants des Droits de l'Homme, pas seulement des Roms, sont beaucoup centrés sur la responsabilité des autorités civiles en ce qui concerne les violations des Droits de l'Homme. [...] Ça c'est bien, mais d'un autre coté, les activistes de l'ouest ils ne sont pas assez connectés aux expériences des autres pays. [...] De l'autre coté tu as l'Europe de l'est qui n'a pas des institutions assez fortes. Il y a des lois anti-discrimination, mais les autorités locales n'ont pas de responsabilité.

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Ils font ce qu'ils font, ce qu'ils veulent. Il n'y a pas de mécanisme qui nous permette d'influencer la politique locale. Par exemple en Roumanie, le baron local c'est le maire qui occupe tout l'espace et tu ne peux pas faire beaucoup contre lui. [...] »

- « En terme de militantisme, pour changer le type de discours qui lie retours et criminalité, est-ce que vous pensez qu'il faut agir sur les représentations qui généralisent ou qu'il faut agir sur les comportements qui justifient ce type de discours ? »

N. - « [...] Je crois que nous, les Roms qui sont éduqués, c'est à nous de nous multiplier. Assumer notre identité, d'une, et que les gens qui sont comme nous, fassent pression au niveau local et au niveau national, qu'ils soient porteurs d'une parole et que les majorités les voient comme des exemples que leurs perceptions sont mauvaises. [...] Mais j'espère que les associations de français elles vont les aider les migrants roms à se mobiliser... mais j'ai des débats avec les associations françaises et ça c'est bien. »

Entretien avec E., ancienne employée de Parudimos :

Dans un café de Timisoara, le jeudi 25/03/2010, durée : une heure.

E. - « [...]J'ai fait un voyage avec l'ANAEM. C'était intéressant ce voyage. J'ai travaillé avec une association qui s'appelle « Jeunes Errants » et on avait travaillé avec un groupe de migrants qui vivait sur un campement. Ce groupe là, un jour, il devait partir, revenir en Roumanie avec, tu sais le dispositif de l'ANAEM où les Roms ils étaient payés pour revenir en Roumanie. [...] Moi aussi j'étais très curieuse de savoir comment ça se passait, mais c'était intéressant. Ils étaient sages tous. Bon, « sages », ils ne peuvent pas être très « sages », mais bon... Il n'y avait pas de problèmes avec eux. [...] Ils étaient volontaires, tous. »

- « Oui ? Ils avaient fait la démarche... »

E. - « C'est parce que la mairie, les flics, la gendarmerie, la Croix Rouge et l'ANAEM ils sont venus sur le campement les expulser avec le... le papier officiel. Ils disaient le prix et « si vous voulez partir, rentrer pour trois

mois... vous voulez ou non ? » [...] Après cette journée, je pense qu'il s'est passé une semaine, peut-être, je ne me souviens plus. [...] C'était mieux pour eux, non ? [...] Ils pouvaient rentrer avec l'argent, parce qu'avant ils étaient sur un campement. [...] Mais les Roms, là chez vous ils se sentent mieux parce que vous pensez différemment. Vous êtes plus civilisés que nous. [Rires] Donc, ils se sentent plus libres. [...] »

- « Qu'est-ce que vous pensez de l'implication de la Croix Rouge ? »

E. - « Ils étaient très bien. Les gars ils étaient bien, ils étaient sympas. Les gens ils faisaient des soucis, ils avaient que des problèmes : « j'ai faim... », tout ça ! « Et je vais aller faire pipi » et je ne sais pas quoi. Mais les gars ils étaient très bien. Ils avaient de la patience, oui ça va, c'était bien. [...] »

- « D'accord... Est-ce que vous avez eu l'occasion de suivre comment se passe les programmes de réinsertion et le suivi social, après le retour en Roumanie ? »

E. - « C'était L. qui s'occupait de ça. [...] Il y avait une autre association, à Cluj, qui faisait exactement le plan de faisabilité et nous c'était la partie où on aidait les Roms à faire un projet. [...] »

- « Oui... Et est-ce que vous savez quels étaient les critères de faisabilité ou de sélection des projets ? »

E. - « Je vais donner un exemple pour que tu comprennes. Quelqu'un voulait faire un petit magasin, OK mais si cette personne n'est allé que trois ans à l'école, elle n'est pas capable de gérer un petit business. [...]Si tu vis dans un village, qu'est-ce que tu peux faire ? Il y avait des gens qui avaient choisi de faire des petites fermes, d'élever des animaux, mais il y avait un problème. Ils avaient acheté les vaches, les moutons, les chèvres, mais après il y a eu une maladie et il y a plein d'animaux qui sont morts. C'était très difficile de faire quelque chose avec les sous de l'ANAEM, très difficile. [...] »

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- « Est-ce que dans le travail que vous faisiez, vous travailliez avec Generatie Tanara ? »

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E. - « Ok. Je ne peux pas te dire grand chose parce que ils étaient insignifiants Generatie Tanara. Je ne sais pas ce qu'ils faisaient. Je sais que P. elle avait essayé de parler avec eux, mais elle n'a pas pu. Ils n'étaient pas très ouverts. Et puis si tu es étudiante... Si tu as un badge, tu viens de GITSI, oui ça va, mais sinon... [...] J'étais une fois avec L. dans la communauté, pour voir comment ça se passe. Ils étaient très, très fâchés parce que l'ANAEM ils n'étaient pas accessibles pour eux. Il n'y avait personne qui pouvait les aider, l'association de Baia Mare non plus, l'association de Cluj non plus. Nous on était les seuls qui parlaient avec eux, qui voulaient les aider, mais pas avec beaucoup de résultat. Après ils sont rentrés en France, pas tous mais plein. [...] »

- « Vous avez entendu parler de la visite de Pierre Lellouche ? Qu'est-ce que vous pensez que ça va changer dans la manière dont les programmes de réinsertion sont mis en place ? »

E. - « Franchement, pas grand chose. [...] À mon avis, franchement, je pense que cette visite c'était... Enfin il y a plein de visites de ce genre qui sont très bien... devant la presse et c'est tout. [...] J'ai travaillé au Conseil de l'Europe pendant une petite période, et j'ai vu que au niveau européen il ne se passe pas grand chose. »

- « Et le sommet européen de Cordoue qui va se tenir en avril... »

E. - « [...] Ils vont parler Audrey. Ils vont signer des partenariats, ils vont savoir que telle partie a eu un entretien, ils vont montrer le désir d'aider la société civile... C'est tout. [...] Bon c'est vrai que c'est très important que au niveau de l'Europe il y ait des mouvements, des impulsions. C'est très important ça, pour l'image, pour essayer de changer la vie des gens. [...] Ils ne vont pas dans les pays européens voir ce qui se passe, vraiment. [...]Je te dis ça pour te faire comprendre qu'on avait tous le désir de s'impliquer dans ce travail, mais je suis partie parce que j'étais fatiguée de me battre avec des moulins à vent. C'était très difficile. »

- « C'était quoi les problèmes que vous rencontriez, les barrières ? »

E. - « L'autorité locale, elle a le pouvoir. [...] Ici à Timisoara, la préfecture

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il y a un bureau de parlementaires. Ils ne font rien. [...] Et comme tu as vu déjà si tu es allé à Romani Criss, il y a d'autres Gitans qui sont super bien, super éduqués, plus que moi, beaucoup plus que moi. Je suis fière d'eux, de chacun. Ils ont cassé la tradition. »

Entretien avec M.P., directrice de Generatie Tanara :

Bureau de M.P., Timisoara le vendredi 26/03/2010, durée : une heure.

[Cet entretien s'est déroulé dans le bureau de M., qui a choisi de garder la porte ouverte. Avant le début de notre entretien, je demande à M. si ça la dérange que j'enregistre notre conversation, en lui expliquant que c'est plus facile pour moi si je n'ai pas besoin de prendre des notes. M. me répond qu'elle ne pense pas que ce soit plus facile pour la conversation. Je lui propose alors de ne pas enregistrer la conversation, mais elle refuse.]

- « Comment avez-vous commencé à collaborer avec l'OFII ? »

M.P. - « On a commencé à collaborer avec l'ANAEM, parce que je suis correspondante du Service Social International et le SSI français était incorporé à l'ANAEM. [...] Nous sommes spécialisés pour travailler avec les mineurs non accompagnés et pour les familles en besoin. [...] Notre collaboration c'est les mineurs et les personnes qui veulent se rapatrier, nous faisons un programme social pour eux. Nous cherchons à aider ces personnes en Roumanie, avec la scolarisation, avec la réinsertion familiale, avec le logement, quand les mineurs ne peuvent pas rentrer dans leur famille d'origine. C'est préparer un programme de réinsertion pour la personne. »

- « D'accord. Il y a des critères à respecter pour les programmes... ? »

M.P. - « C'était dans une convention qu'il nous faut respecter. Les conventions sont confidentielles, parce que nous travaillons pour les personnes, non ? Nous sommes opérateurs d'aide à la personne, comme ça tout est fait en confidentialité, pour pas déranger l'identité de la personne, pour ne pas déranger la route de la personne qui a besoin de rentrer dans une vie normale. [...] Elle a été rédigée en collaboration avec la Suisse, avec le secrétariat général en Suisse. [...] »

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- « Quels types de projets vous... »

M.P. - « ... Quel types de projets ? [Sur un ton irrité]. Les projets pour les mineurs et pour les familles en situation de risque. Je l'ai dit au premier moment. »

- « Oui, oui. Mais je voulais vous parler des projets de réinsertion économiques soutenus par l'ANAEM, qui doivent aider les personnes à se... »

M.P. - « ... Ok, mais je suis une association qui aide les personnes avec une petite aide de la part de l'ANAEM, parce que je suis en contact avec les personnes pour deux, trois, quatre, cinq années après que je prends en charge une personne. [...] C'est pas quelque chose qu'on a comme ça. [En claquant des doigts.] »

- « Sur toutes ces personnes que vous avez aidées, qui revenaient de France, est-ce qu'il y en a beaucoup qui sont reparties, en France ? »

M.P. -[Long silence.] « Je peux dire que les personnes qui arrivent et qui sont repérées chez nous, ils ne repartent pas parce que nous sommes très attentifs avec le programme médical, avec le programme de scolarisation, avec le programme social de réinsertion, avec le programme culturel que nous pouvons faire... de septembre 2000 à aujourd'hui je pense qu'il y a les trois-quarts qui sont repartis. [...] Quand je peux aider une personne à rentrer dans son pays d'origine, et avoir un parcours de vie très normal dans son pays d'origine... c'est déjà quelque chose d'exceptionnel pour la Roumanie, parce que je suis ONG, je suis une association non-gouvernementale. [...] [Les migrants], ils ne sont pas toujours tous sérieux, dommage. Il faut un projet pour avoir une motivation. [...] »

- « Les migrants qui reviennent de France, que vous aidez, comment est-ce que vous avez leurs contacts ? Est-ce que c'est l'OFII qui vous donne une liste de nom, est-ce que c'est ces personnes qui viennent jusqu'à vous ? »

M.P. - « Heu...[Soupir]. Nous nous chargeons de faire les recherches dans les communautés, nous sommes en contact avec le maire, nous avons une

convention avec la ville de Timisoara et nous parlons avec les autorités locales et les autorités locales nous disent qu'il y a telle situation, et après je cherche à l'ANAEM et je discute avec eux de la possibilité de faire un projet. Nous allons voir les autorités locales et ensuite les familles, parce que les autorités locales aussi peuvent avoir leur vision et leur intérêt. Nous rencontrons les familles après avoir une très bonne connaissance de leur situation. [...] De nombreuses fois nous avons été en mesure de faire un projet pour les personnes en tant que association. Je peux te prouver que nous avons envoyé les cadeaux, les boites avec les vêtements et les différentes choses nécessaires pour les personnes. »

- « Est-ce que vu avez eu l'occasion de travailler avec Parudimos lorsqu'ils travaillaient sur des études de faisabilité de projets pour le programme de l'ANAEM ? »

M.P. - « Regarde, les associations de... les associations qui s'occupent de personnes Roms sont des associations avec lesquelles les Roms ne sont pas toujours intéressés de collaborer. [...] Il y a les Roms qui sont très riches et les Roms qui sont pauvres et pour les Roms pauvres, je préfère ne pas délimiter. Quand on parle des Droits de l'Homme, peu importe qu'il soit Rom, qu'il soit Roumain, qu'il soit Juif ou Allemand, l'homme est Homme. On fait des programmes pour lesquels on a pas besoin de découper. Regarde le droit d'exister, c'est pour tout le monde. Sinon, quand on commence à penser comme ça, on finit avec le trafic de femmes, avec le trafic d'enfants, avec des hommes qui sont obligés à mendier, avec des femmes qui sont obligées à mendier, et spécialement les enfants qui sont envoyés dans beaucoup beaucoup d'affaires. Nous vivons dans un monde aujourd'hui détruit, sans valeurs morales, la famille est déjà une institution périmée et nous avons besoin de retourner à des valeurs morales saines, et donc de famille. La famille doit avoir sa place dans un échafaudage constructif d'État. Non ? La famille est la base d'un État sanatos. Non ?... Adeverat ? »

- « ...Et bien... »

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M.P. - « Adeverat sau nu ? »

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- « Da... inteleg ce... »

M.P. - « Alors, une question ? »

- « Vous devez savoir que Pierre Lellouche, le secrétaire d'État français aux affaires européennes est venu à Bucarest le mois dernier... »

M.P. - « En Roumanie ? » - « En Roumanie. »

M.P. - « Je peux avoir les accords ? Tu as les accords ? [...] Tu n'es pas habituée à la déclaration politique ? C'était un engagement de principe parce que le gouvernement roumain, il n'est pas capable de payer les pensions pour les retraités et il va payer la réinsertion ? [...] Mais tu parles anglais ? [...] I think that all the collaboration with ANAEM, and now with OFII is very good and very serious. It didn't change anything when it changed from ANAEM to OFII. I work for ten years with them and I can't say it changed. I think the people are very motivated and serious. »

Entretien avec D., ancien employé de Parudimos :

Dans un café de Timisoara, le samedi 27/03/2010, durée : une heure et demi.

[La conversation commence dans la rue, alors que nous nous dirigeons vers un café. D. m'explique que le premier problème qu'il a pu constater à propos des programmes de réinsertion économique, est que les personnes reconduites n'avaient pas été informées du fait qu'il fallait monter un projet pour recevoir les aides à la réinsertion.]

- «The second problem was the fact that they contracted an NGO in Baia Mare to do the social reintegration of the people in Timisoara and Timis county. They don't know anything about Timis county, about the local communities and how we run things here. Also, the romanian NGOs, they don't know anything about Roma. When they found out about us, they came to us and proposed us to subcontract the social reintegration. [...]I found out that for all the people that were sent back the year before, only 10 or 15 actually got the money. [...] We had sent the business plan to be checked and they told us : « it's missing this, it's missing that». The French

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ambassador came to visit the local authorities with the ANAEM [...] With two friends we had invited someone from TV5 International. [...] They didn't give money, but they gave pigs and cows and sheep... They gave the food for the animals but there was a problem. They gave animals to people who didn't have a land to raise them up. [...] ANAEM had given the animals and put the people to sign contracts in which they say that they will not cut any animal, they will develop the business. Now the problem that came out was that people have very large families and they need something to eat, they don't have a business or a job... [...] Our colleague told them : «call the veterinarian from the village and tell him that the pig is dieing, he will cut it and when the guy comes there, it will be already cut and that's all». [...]To my point of view, the program for Romania was a big waste of money. [...] A lot of people come home, in order to see the family. They get some money and they go back. 80 % of them went back to France, they are still in France right now. [...] I was very surprised when I went to the local authorities and talked about the program, nobody knew anything about it. It was a program done by one side, to have effect on two sides. Many people were very surprised when they found out that there is no Roma involved in the program. I didn't think they would come and pick up all Roma NGO or only Roma NGO but they could pick a person, a Roma guy or a Roma person who knows the communities, who knows the region. [...] Maybe if they re-discuss the program and they put on the table all the factors, all the institutions involved in that... it will be better. Right now, it's just a joke. The French government try to show to the French population that : «we send them back». [...] The problem is that those settlement are like small communities, they know each other, they know where to go. If you don't try to work with them over there, to send them back is... they are not more a Romanian problem that a French problem... they are for two weeks, after two weeks they are again a French problem. [...]»

- «Did anybody tell you what were the criteria to validate a plan ?»

D. - «No, no. No criteria. I asked : «what are the rules ? You have some guild line or some specific criteria to be used when you right down the

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business plans ? - No, no.» Any, they don't have any rules, nothing. [...]» - «What do you think is the main reason that make people want to leave ?»

D. - «If you don't have enough to live and you starve, what do you do ? And if you know that a friend of you lives pretty well abroad, you'll go abroad. [...] I've seen families who are living in... I don't know how to call them... places to live in, because those are not houses. They make a hole in the ground and they put something like a cover and they live like that. I was in communities where the people don't have enough to eat, and if you live in a small village, where there is no big places or no big cities around where they can go beg to bring money to buy food. [...] Because first of all, most of them didn't go to school, don't have a job and a lot of them don't have papers, ID papers. [...]»

- «Have you heard of Pierre Lellouche's visit in Romania ?»

D. - «Dear, it's not going to change anything. For example, the Romanian government and the ANR have a program in which they give scholarships. The program started two years ago. I know people who are working on that project and they are not payed for six months, for the work they are doing. They don't get their salary, and they work ! Do you thing they are going to pay for Roma social reinsertion ??»

Entretien avec G. Directrice de l'Association de soutien aux familles Roms de Palaiseau et J.P. Membre de l'association :

Domicile de G. Mardi 13/04/10, durée : une heure.

J.P. - « Donc tu reviens de Roumanie, c'est ça ? Nous on ne sait même pas des fois sur le terrain, des Roms, des Roumains, il y en a qui se prétendent Roumains, Roms... Comment ils le voient, eux, il y a quelque chose qui... à part être moins bien habillé ? Et encore... Sur le moment on croit que Rom/ Roumain, c'est pas important. »

G. - « On se dit qu'ils vont être contents de venir traduire pour les autres. Et puis il n'en est pas question. »

J.P. - « Sinon, nous notre problème c'est pour communiquer. Il y a une fille d'un autre association qui parle bien le Roumain mais bon... Encore une fois, le problème qu'on rencontre pour les aider dans leur quotidien, pour les aider plus loin, c'est que tous les partenaires qui travaillent autour des Roms ont des grosses différences d'objectifs. C'est contre productif arrivé à un moment. On en parlait encore hier entre nous : il y a deux solutions. Ils s'installent ici et on les laisse vivre comme ils sont là-bas. Sauf que ça on ne peut pas le faire. [...] On s'est retrouvé à Massy avec un campement ingérable. 300 personnes, c'est pas possible. Ça va tant qu'ils sont en petits groupes. [...] Il y a 90 % qui respectent les règles et il y a 10 % qui... Et même ici, le problème c'est qu'on ne voit que les 10 %, dans tous les cas. [...] Nous on s'oriente plus vers des modèles qui ont été faits en Seine-Saint-Denis, des villages d'insertion. Le problème de ces villages c'est qu'il y a un gardiennage. Le principal problème c'est que comme ils vivent en famille, ils sont suivis. Ils sont suivis par différents partenaires pour la scolarisation, pour travailler, pour tout ça. Ils ont au départ des caravanes et après des bungalows. Sauf qu'ils ne peuvent pas faire venir la famille dedans, enfin pas toute la famille. Donc ils doivent se voir à l'extérieur. C'est ça qui pose un problème aux autres associations parce qu'ils considèrent que c'est un camp d'internement, les grands mots et tout. Sauf que nous on voit une situation zéro, et là on voit une situation qui est mieux que zéro. [...] Le problème qu'on rencontre, c'est un petit peu comme en politique, il y a des partis extrêmes qui sont contre tout, mais qui n'arriveront jamais au pouvoir, parce qu'ils n'ont aucune solution. Ils tapent tout le temps. Et puis il y a ceux qui essayent de faire quelque chose. Forcément c'est une négociation. On a gagné des points avec le Maire de Massy, on essaye de s'en servir pour la prochaine fois. On va essayer d'avoir une réunion avec le Préfet. Il faut négocier, mais dans tous les cas on ne peut pas donner toutes les libertés. Ceux qui disent ça, s'ils étaient vraiment dans cette situation, ils reviendraient en arrière. Ils disent qu'il faut laisser faire les Roms, mais s'ils habitaient à côté, ils n'auraient peut-être pas le même avis, le même état d'esprit. [...] »

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- « Les familles que vous suivez ici, elles sont ici depuis longtemps ? »

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G. - « La famille à F., ça fait huit ans qu'elle fait l'aller-retour. Elle est là, avec son mari, et puis ils s'en vont. On ne les voit plus. Et puis elle revient avec sa fille et ses petits enfants. Là ça fait depuis le mois de décembre qu'elle est venue avec sa fille et ses petits enfants. Là ils vont partir au mois de mai. Là ils ne nous sollicitent que pour les aider à partir. La fille et les petits enfants ils vont rentrer avec l'OFII, mais elle et son mari ils sont déjà partis, ils n'ont plus le droit. On lui dit : si tu viens, fais ta vie mais n'amène pas tous tes enfants à chaque fois avec toi. Tu fais ce que tu veux mais nous on ne peut pas prendre en charge ce va-et-vient, cette vie que tu as, de voyage. Si tu as un projet, tu nous dis, on t'aide à le mener, mais elle s'en va quelques mois, elle revient. Ça fait huit ans qu'elle fait ça. Elle va, elle vient, elle va, elle vient. Il y a des gens comme ça, comme le monsieur qui boite. Il est parti. Il est arrivé en 2006, ils ont été expulsés. Il est parti, il est revenu et là il est reparti de nouveau... Ils vont revenir. Ils se font expulser tout le temps.

- « Je crois savoir que vous avez été témoin de ce qui s'est passé après l'incendie du camp de Massy ? »

G. - « [...] Il y a eu un véritable accueil de la population. La Croix Rouge a fait un travail extraordinaire. Ils ont apporté les lits, les duvets. Ensuite le deuxième jour, l'OFII se présente, demandant qui voulait partir. Tu parles, je savais qu'il y avait énormément de gens qui voulaient partir parce que je faisais des attestations pour l'OFII, disant que je connais les gens depuis plus de trois mois. Je voyais tout ce monde qui était là et même des gens qui étaient là depuis moins de trois mois. Ils me disaient : « tu vois G. on part. » Ils étaient contents de partir. Et il y en avait d'autres qui ne voulaient pas partir. Il y avait plein de monde. Le troisième jour, le matin, ces mêmes personnes qui disaient qu'elles ne voulaient pas partir, par le fait que le frère, la mère partait... Il y a eu un phénomène d'attirance et tout le monde s'est inscrit. À part... une quinzaine de personnes... »

J.P. - « ... Et encore, parce qu'ils ont loupé leur avion. »

G. - « C'est pour te dire ce qui est étonnant, c'est qu'en l'espace de trois

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jours on a pu libérer deux avions. On a pu organiser les départs vers l'ambassade pour ceux qui n'avaient pas de papiers. Deux cars ont été mis en place. Deux avions qui repartent en Roumanie, en l'espace de trois jours. Et quand tu demandes au Ministère d'installer des cabanes conséquentes ou quand tu demandes d'assainir un passage, tu n'as rien. [...] Il y a eu le fait que les associations, même Romeurope, elles ont dit qu'il y a eu enfermement dans le gymnase. Il n'y a pas eu d'enfermement. Il y a eu, le troisième jour la police qui empêchait les gens d'aller et de venir. Alors, ça c'est peut-être pénible parce que ça pouvait donner l'impression qu'ils enfermaient les gens. Ils mettaient en avant le fait que pendant qu'ils faisaient les dossiers, ils ne voulaient pas qu'il y ait d'appel d'air. Pour que d'autres personnes qui viennent de l'extérieur ne puissent pas entrer et faire des demandes. C'était peut-être dans un raisonnement logique mais pour nous ça a été dur. Même si les associations pouvaient aller et entrer. [...] C'est le troisième jour que l'OFII a mis le paquet pour faire les papiers et que la police a... si vous voulez ils filtraient s'il y avait quelqu'un qui voulait fumer, il fallait qu'il sorte avec nous. On a ressenti une sensation d'enfermement le troisième jour. Mais il n'y a pas eu d'enfermement dans le gymnase, il y a eu un accueil. »

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Annexe 2 : ARV, ARH 2006

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Annexe 3 : ARV, ARH 2007.

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Annexe 4 : ARV, ARH 2008.

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Résumé

Depuis 2007, les ressortissants roumains présents sur le territoire français peuvent être reconduits en Roumanie par l'OFII, au moyen d'aides au retour humanitaire. Les Roumains bénéficiaires de ces aides au retour sont « quasi exclusivement » des Roms.

Dans ce contexte, ce travail étudie les stratégies mises en place par les différents acteurs de cette migration. Les aides au retour humanitaire, élaborées par les pouvoirs publics, manquent de cohérence, car elles ne prennent pas en compte les stratégies migratoires des migrants. Les Roms roumains bénéficiaires d'aides au retour, utilisent l'argent qui leur ait versé, pour amplifier leur circulation migratoire. Ce phénomène migratoire est peu connu et mal compris par les pouvoirs publics et le milieu associatif.

Tous les acteurs ont des conceptions différentes de leur pratiques, ainsi que des stratégies conçues par les autres intervenants de cette migration de « retour ». Ce sont, également, ces conceptions que ce travail tente d'étudier, au travers des entretiens réalisés avec douze acteurs du milieu associatif.

Mots clefs :

Retour, circulation migratoire, politique migratoire, aide au retour, action sociale et humanitaire.

Summary

Since 2007, Romanian citizens can be escorted back from France, to Romania, by the French Office for Immigration and Integration, by means of humanitarian repatriation grants. Romanians benefiting of those repatriation grants are «almost only» Roma.

In this context, this paper studies the strategies set up by the different actors of this migration. The humanitarian repatriation grants elaborated by the authorities are inconsistent, because they do not take into account the migratory strategies of the migrants. The Romanian Roma benefiting of repatriation grants use the money they receive to intensify their migratory circulation. This migratory phenomenon is not well known and misunderstood by the authorities and the NGO.

All the actors have different conceptions of their own practice, as well as the strategies conceived by the other participants of the returning home migration. This paper attempts to study those different conceptions, thanks to twelve interviews of NGO workers.

Key words :

Return, migratory circulation, migratory policies, repatriation grants, social and humanitarian action.






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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore