5.3. Répartition spatiale
L'indice de Blackman et de Green présentent
l'inconvénient de décrire la structure spatiale à
l'échelle du plus proche voisin, les interactions au-delà du plus
proche voisin sont ignorées (Stoyan & Penttinen, 2000). Pour pallier
à cette difficulté, nous avons utilisé pour étudier
la répartition spatiale des espèces de valeur, la densité
relative de voisinage ? (Condit et al, 2000) qui parait être une
meilleure méthode. La densité relative de voisinage est un indice
qui n'exprime pas la structure des peuplements seulement en termes de valeurs
moyennes ou de distribution, mais qui décrit la structure spatiale de
manière continue. Cet indice peut être comparé à la
fonction K de Ripley mais n'est pas une fonction cumulative de la distance
d'observation comme celle de Ripley (Condit et al., 2000). La densité
relative de voisinage permet des investigations spatialement explicites des
interactions entre les arbres sur de grandes échelles de distance.
A cet effet, la densité relative de voisinage indique
que dans un rayon de 10 m la distribution de Cola millenii et de
Dialium guineense est agrégative dans les deux forêts
étudiées. Au-delà d'un rayon de 10m plus
précisément entre 10 m et 30 m, les individus de ces deux
espèces sont relativement dispersés, quelle que soit la
forêt. La population de Afzelia africana dans la forêt de
Bonou a une distribution agrégative mais tendant vers une dispersion.
Par contre à Itchèdè, Afzelia africana dans un
rayon de 10 m est relativement dispersés. Au-delà d'un rayon de
10 m plus précisément entre 10 m et 30 m les individus de
Afzelia africana sont relativement dispersés, quelle que soit
la forêt considérée. Ces résultats sont
différents de ceux de Bonou et al. (2009) sur la caractérisation
structurale des formations végétales hébergeant
Afzelia africana dans la forêt classée de la Lama au Sud
du Bénin. Bonou et al. (2009) trouvent que les valeurs des indices de
Blackman et de Green indiquent un regroupement très faible des individus
de l'espèce. Cependant, il note que quelques regroupements des individus
sont parfois observés mais sur de faibles étendues
généralement de moins d'un quart d'hectare. Nos résultats
se rapprochent de ceux trouvés par Fandohan (2006) dans la forêt
classée de Wari-Maro qui a noté une répartition
aléatoire avec une tendance à l'agrégation pour de faibles
rayons (30 m) autour de tout point arbitrairement fixé au sein de la
population.
Le développement des plantes dans l'espace est à
la base des phénomènes fondamentaux que sont la
régénération forestière, et l'extension des
écosystèmes forestiers.
36
Mais les modalités de la dissémination des
graines sont certainement parmi les facteurs décisifs qui règlent
le comportement d'une espèce au sein d'un groupement
végétal (Comita et al., 2007 ; Nishimura et
al., 2008 ; Mussenac, 2009).
Les stratégies de dispersion des graines adoptée
par une plante peuvent être liées à l'agent de dispersion.
Ainsi, Cola millenii et Dialium guineense sont des
espèces sarcochore (Diaspores totalement ou partiellement charnues). Ils
ont généralement besoin des animaux en particulier les frugivores
pour se disséminer (zoochorie), ce qui explique la raison pour laquelle
on retrouve des individus de ces espèce au-delà de 10 m. La
structure spatiale agrégative observée chez ces deux
espèces peut être liée à une faible activité
des agents de dispersion. Afzelia africana par contre est une
espèce barochore (Diaspore non charnue, lourde). Ses graines ne se
disséminent pas par nature sur de longue distance. A cause de sa faible
distance de dispersion, les graines se retrouvent en agrégats autour de
l'arbre « mère » (Menaut et al., 1990; Collinet, 1997; Barot
et al., 1999). Nishimura (2008) en étudiant la répartition
spatiale et écologique des Fagaceae dans la forêt de Sumatra
(Indonésie), remarque qu'une espèce peut avoir sur une distance
donnée une première distribution qui est agrégative et sur
une distance plus longue grâce aux agents de dispersion une
deuxième distribution qui est aléatoire. La dissémination
des graines par les animaux permet d'augmenter la probabilité que les
espèces colonisent des milieux plus favorables (Thompson et Willson
(1978) cité par Nishimura et al. (2008)). Si la distribution
agrégative est donc observée dans la forêt de Bonou et pas
dans celle d'Itchèdè, c'est parce que les conditions
stationnelles ne s'y prêtent pas. La forêt d'Itchèdè
dans un état de dégradation poussée n'offre plus
l'écosystème favorable à Afzelia africana. Mais
pour que Afzelia africana se retrouve sur une distance
supérieure à 10 m, il a fallu l'action disséminateur des
animaux, rongeurs et herbivores en particulier.
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