Conclusion
On peut donc observer que la représentation de la femme
a toujours existé, au fil des siècles et des cultures. On peut
également remarquer qu'elle a rarement été parfaitement
réaliste, ce qui soulève la question du pourquoi. En ces
époques plus ou moins lointaines, seuls les riches et les personnages
importants étaient représentés, mais la communication se
faisait aussi vers le peuple. Il s'agissait de mettre en valeur
l'exceptionnelle beauté de ces modèles, de montrer ainsi leur
supériorité, et pour cela il fallait souvent s'éloigner de
la réalité. En faisant de tels portraits, on mettait en valeur un
côté divin, une justification de leur statut social, une
impression de domination et de supériorité en vue
d'impressionner.
La beauté était donc une prise de pouvoir de la
classe dominante, à une époque où elle était la
seule à pouvoir être donnée à voir,
représentée, pour des raisons de coût puisque seuls les
portraitistes pouvaient le faire.
Les inventions des XIX et XXème siècles (la
photographie) puis les progrès technologiques galopants ont mis à
la portée de tout un chacun la possibilité de se mettre en
scène, de se représenter et se donner à voir ; le moyen de
manipuler par l'image s'est donc déplacé et de nouveaux outils se
sont créés, puisant dans les nouvelles connaissances
médicales et scientifiques : les bienfaits du sport, les
compléments alimentaires, la chirurgie esthétique, etc... Puisque
le désir de beauté devenait une aspiration de masse, les moyens
de communication se sont diversifiés, intensifiés,
démocratisés, traquant les consommateurs potentiels dans leur
quotidien (radio, télé, affiches, Internet, etc...) sans
répit .
Aujourd'hui, si la représentation de la femme n'est pas
plus réaliste, elle a en tout cas un autre but.
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Chapitre II : La notion de beauté
féminine aujourd'hui dans la publicité, une omniprésence
et un dictat auquel on ne peut pas échapper.
Introduction
Dans la société actuelle, la
représentation de la femme est partout et sous diverses formes, ceci
largement aidé par la révolution industrielle et
l'évolution immense de la technologie. Si à des époques
plus anciennes, l'image de la femme qui était communiquée
n'était pas toujours fidèle à la réalité, on
va pouvoir constater qu'aujourd'hui ce n'est pas non plus le cas. Ceci prouve
que ce ne sont pas les techniques de représentation qui sont mises en
cause, mais bien les intentions de ceux qui les utilisent.
La publicité et la société entretiennent
entre elles des liens complexes : la publicité sert souvent de filtre
pour identifier les tendances qui se manifestent au sein de la
société. Elle constitue un miroir des évolutions sociales
dont nous allons nous servir pour déchiffrer les codes actuels.
En terme de consommation de biens symboliques, les
médias audiovisuels accaparent actuellement une partie importante du
budget temps que les individus consacrent à ce que les sociologues
définissent comme appartenant aux « pratiques culturelles ».
Son omniprésence explique en partie la force de la pression sociale
véhiculée par la publicité.
« La télévision touche à l'essence
de la démocratie. (...) Dès que l'on tire sur un fil, c'est toute
la société qui vient, avec ses histoires, ses drames et ses
rêves. » 9
9 La folle du logis : La
télévision dans les sociétés
démocratiques, Jean-Louis Missika et Dominique Wolton, Gallimard,
1983.
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II.1. La représentation du corps à
travers l'imaginaire social
Un affaiblissement général des valeurs
politiques, religieuses et morales dans la société occidentale se
trouve à l'origine du pouvoir de la publicité et de son impact
sur la population aujourd'hui. Cela a alors engendré le
développement d'autres valeurs, celles véhiculées par une
société de consommation, et dont se nourrit le discours
publicitaire.
Le consommateur est devenu un spectateur passif, il s'investit
énormément dans l'image véhiculée par la
publicité et se trouve en quête désespérée de
son identité.
Envisager le corps sous l'aspect de son image est
forcément chargé de multiples représentations culturelles.
Le XXe siècle est une époque où l'heure est à
l'hédonisme et où l'effort n'est pas mis en valeur, « la
discipline est dévalorisée au bénéfice du culte du
désir et du plaisir et de leur accomplissement immédiat.
(É) L'introduction du plaisir dans la diététique et la
médecine représente une véritable révolution, car
elle transgresse la tradition chrétienne ». 10
La communication publicitaire s'est approprié cette
idéologie hédoniste en créant des déclinaisons : le
plaisir, le confort, le bien-être, et autres jouissances
personnelles...
On se doit donc « de respecter son corps » et de
combattre par tous les moyens (sportifs, diététiques,
médicaux...) son vieillissement et sa dégradation.
Cet imaginaire promeut l'idée que l'individu est devenu
susceptible d'être fabriqué et/ou réparé. Les
médias contemporains convergent tous vers ce même point et nous
envahissent de « conseils de beauté » qui sont censés
apporter la beauté à chaque femme, en luttant entre autres contre
le vieillissement, l'embonpoint, etc. S'auto transformer résume la
perception contemporaine du corps. La publicité a vite fait de s'en
emparer et présente des produits qui aident à
l'auto-manipulation.
Le corps montré à travers les médias est
toujours gracieux, musclé, bronzé, souple et
élancé, et fait office d'étalon de mesure de la perfection
corporelle. Les corps exhibés sur les images publicitaires
placardées autour de nous provoquent chez la population le désir
de changer l'image de leur corps dans l'espoir d'approcher une certaine «
qualité esthétique ».
La publicité offre des modèles de femmes
toujours plus jeunes, plus parfaites, et suggère ainsi à chacun
un contrat tacite : si nous suivons ce que nous dit la publicité, nous
nous approcherons de
10 A quoi rêvent les années 90. Les nouveaux
imaginaires; consommation et communication, Pascale Weil,1993, Seuil,
Paris.
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ces êtres sublimes qui peuplent nos écrans.
D'une façon générale, il semble
désormais entendu qu'on ne doit pas se contenter du corps que l'on a et
qu'il incombe à chacun de le perfectionner, de le prendre en
main.
Notre société à tendance à
réduire le corps à une vision matérialiste de la personne,
et conduit à l'envisager comme un enjeu narcissique majeur
d'amélioration esthétique. Malgré la libération
sexuelle, le corps n'est pas pour autant mieux accepté, on le voit plus
comme quelque chose à corriger.
Le nouvel imaginaire social du corps se retrouve dans la
publicité et donne à la société des modèles
à suivre. Celui-ci devient force d'argument dont le but est de stimuler
un comportement d'achat auprès du récepteur, c'est ce que j'ai pu
largement observer pendant mon stage.
Le directeur de l'agence donne les directives et les
critères : femme jeune (la trentaine), grande, mince, beau teint
(physique mannequin), assez bronzée pour avoir l'air en forme mais pas
trop pour ne pas paraître « typée ». Les catalogues Home
Store étaient les supports qui demandaient le plus de modèles
féminins, et avec des critères très rigoureux. Si parfois
le directeur de l'agence laissait passer mes choix qui « sortaient un peu
de l'ordinaire », c'est l'annonceur qui ne manquait pas de me rappeler
à l'ordre, sans pour autant me donner d'explication. En effet, le sujet
est délicat : comment expliquer que l'on préfère ne pas
utiliser d'autres physiques de femmes, en restant politiquement correct ? Nous
avons ici la preuve, au coeur de la création publicitaire, qu'il y a un
malaise lorsqu'il faut justifier de ses choix. Cette situation met le doigt sur
le fait que l'on sait que l'on choisit d'imposer un modèle, mais les
raisons sont assez embarrassantes car peu morales : frustrer pour faire
acheter.
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