II.2. La marchandisation du corps : pression sociale et
santé
La pression publicitaire visant à étendre des
pratiques esthétiques chez les femmes est considérable : des
gélules à l'autobronzant, des crèmes raffermissantes aux
régénérateurs cellulaires, des huiles amincissantes aux
actifs végétaux, des crèmes anti-rides aux soutiens-gorge
capables de modeler notre corps.
Un des exemples qui pourrait illustrer cette situation est
l'épilation. Une femme non épilée ne se montre pas, ni
à la télévision, dans une publicité quelconque, ni
au cinéma. Cette pression se ressent également dans le domaine
professionnel pour le recrutement, et dans la société en
général, jusque dans son entourage intime. Les magazines
féminins martèlent sans cesse des arguments poussant à
s'épiler toujours plus pour des raisons hygiéniques et
esthétiques. Or les raisons hygiéniques mises en avant sont
fausses, le rôle des poils étant justement de contrôler la
sudation. Par ailleurs, outre l'épilation, l'usage de déodorants
déséquilibre le fonctionnement naturel du corps, empêche la
bonne évacuation des toxines, et utilise pour cela des agents comme les
sels d'aluminium, qui sont cancérigènes.
Cette propagande n'a bien entendu d'autre but que de vendre
des produits dépilatoires auxquels il faudra ajouter des produits
anti-odeurs et anti-sueurs outre des produits apaisants après-rasage ou
post-épilatoire.
On peut remarquer la façon insidieuse dont la
publicité agit bien au-delà du support publicitaire
identifié comme tel. Elle élimine du champ visuel ce que l'on
veut éradiquer et le remplace par des modèles, et elle sait
qu'elle est d'autant plus efficace qu'elle est relayée par une pression
sociale et psychologique (cercle d'amis, famille, conjoint, relations
professionnelles, etc).
Un des symptômes majeurs de notre société
est l'artificialisation et l'aseptisation du corps, et le rejet de la nature,
qui est contradictoire avec la vague actuelle du « bio » et de
l'importance accordée à la santé. L'épilation en
est un bon exemple.
Le bronzage fait partie des critères
à respecter. Les médecins dermatologues sont
particulièrement bien placés pour se rendre compte à quel
point la frénésie du bronzage - ce signe extérieur de
bonheur- peut conduire à des imprudences. Les rayons ultraviolets sont
cancérigènes chez l'humain, et médicalement parlant, le
bronzage n'est pas un signe de santé,
mais une réaction de la peau révélant
qu'elle a subi des dommages cellulaires profonds. Les cas de cancers de la peau
ont plus que doublé depuis 1980. Plus de 68 000 nouveaux cas sont
diagnostiqués chaque année rien qu'au Canada. 11
Les régimes ne cessent de répéter aux
femmes que leur corps est un objet imparfait qui a besoin d'un travail constant
et d'un grand investissement de leur part. « 35 % des jeunes filles de 6
à 12 ans avaient déjà suivi au moins un régime et
que 50 à 70 % d'entre elles croyaient souffrir d'embonpoint alors que
leur poids était tout à fait normal »12. En
tentant d'atteindre un idéal de beauté inaccessible, les femmes
mettent plus que leur budget en danger : leur santé physique et
psychologique. Les femmes et les filles constamment exposées à
des images de corps féminins d'une impossible minceur risquent de
développer de mauvaises habitudes alimentaires, une mauvaise estime de
soi, ou même des dépressions.
« Maigrir est perçu par plusieurs filles comme le
moyen d'améliorer leur estime de soi. Les jeunes filles tentent en
moyenne de contrôler leur poids dès l'âge de neuf ans.
Sauter le déjeuner, suivre un régime, fumer la cigarette et
pratiquer un sport de manière intensive font partie des méthodes
employées par ces jeunes pour maigrir. L'activité physique, plus
saine que la cigarette et les régimes pour contrôler son poids,
sert malheureusement parfois à maigrir au point d'atteindre un poids
inférieur à la normale au lieu d'aider à garder un poids
normal et sain. »13
Le corps est utilisé dans un but marchand pour vendre
des produits ou services comme des soins en salon ou des interventions
chirurgicales. Il serait faux de croire que le corps est valorisé,
même s'il est montré sous toutes ses coutures et qu'il ne quitte
pas notre champs de vision, car il n'est pas considéré comme
acceptable tel qu'il est.
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11 Etude menée par le Gouvernement du
Québec, le Ministère de la Santé et des Services sociaux
en 2004.
12 Étude menée par le magazine
américain Teen en 2003.
13 Étude de l'Institut canadien de la recherche
sur la condition physique et le mode de vie, 2004.
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