Source : Isabelle
Attané et Magali Barbieri « La démographie de l'Asie de
l'Est et du Sud-Est des années 1950 aux années 2000
», Population 1/2009 (Vol. 64), p. 7-154. URL
:
www.cairn.info/revue-population-2009-1-page-7.htm.
Cette variabilité à forte amplitude de la
durée des transitions démographiques fait qu'il existe une grande
incertitude sur la période de temps au cours de laquelle
l'équilibre va se restaurer. La possibilité que cette
période soit naturellement longue ou alors allongée par des
interférences externes (guerres ou épidémies dans les pays
en développement), a renforcé l'argumentaire du courant des
interventionnistes. Ceux-ci prônent l'action face à une expansion
démographique forte dans des pays menacés par le piège de
la pauvreté, et ne disposant pas de structures socio-économiques
conséquentes.
I.2.2.2- Interventionnisme et politiques de population
Les néomalthusiens recommandent l'interventionnisme
pour freiner la croissance de la population, de manière à avoir
un ajustement entre le nombre de personnes et les ressources disponibles. Les
mesures doivent être prises à toutes les échelles, depuis
l'unité familiale pour s'étendre à tout le pays. Pour y
arriver, les néomalthusiens pensent qu'une adhésion volontaire
des ménages à cette action est souhaitable, mais n'excluent pas
l'utilisation des moyens coercitifs en cas de refus de se conformer à
cette régulation démographique. Pour Paul Ehrlich:
« Nous ne pouvons pas seulement traiter les symptômes du
cancer de la croissance de la population, le cancer lui-même doit
être extrait »15(*)
C'est à cet effet que les politiques de population
antinatalistes ont été élaborées. Celles-ci sont un
ensemble de mesures qui incitent une population à faire moins d'enfants.
Les moyens utilisés sont la contraception, les interruptions volontaires
de grossesses dans les pays où cette pratique est autorisée,la
stérilisation et divers avantages aux familles peu nombreuses tels que
le versement d'allocations ou des avantages fiscaux. La planification familiale
joue un rôle majeur car c'est dans les bureaux de son réseau que
la promotion de ces moyens antinatalistes est effectuée. Les politiques
coercitives ont également été expérimentées,
notamment en Chine avec la politique de l'enfant unique. Mais
l'efficacité de ces politiques ne fait pas l'unanimité. Il est
reproché à leur promoteur de circonscrire le problème du
nombre élevé d'enfant à l'offre des méthodes
contraceptives exclusivement, sans s'attarder sur la demande de celles-ci.
L'offre étant ici l'accès aux moyens de contraception tandis que
la demande concerne la volonté des populations cibles à avoir un
nombre limité d'enfants. En effet, même si les moyens
contraceptifs sont disponibles, l'objectif peut ne pas être atteint si
les ménages n'ont aucune motivation à limiter
numériquement leur progéniture.
Cela pose implicitement la question des déterminants de
la demande d'enfants dans un pays, dont certains théoriciens et
praticiens ont affirmé que le niveau de développement est l'un
des facteurs les plus importants à prendre en compte. Dans cet ordre
d'idée, lors de la Conférence mondiale sur la population de
Bucarest en 1974, le slogan suivant lancé lors des débats, devint
célèbre : « Le développement est le
meilleur moyen contraceptif ».
Le corollaire est que la relation entre le
développement et la croissance démographique serait plurivoque.
Il existerait donc une interdépendance entre les deux concepts. C'est ce
sur quoi repose le consensus beaucoup plus contemporain sur les relations entre
le développement et la croissance démographique. Cette approche
fait état d'un enchevêtrement d'interdépendances que l'on
ne peut analyser que dans le cadre de deux systèmes dont les indicateurs
interagissent entre eux : le système démographique et le
système de développement.
II- Croissance démographique et
développement : analyse des interactions à travers le
système caractéristique
Sur la base d'observations empiriques des variables
démo-économiques et indépendamment des facteurs spatial et
temporel, l'on s'est aperçu que les indicateurs de développement
avaient une influence sur les variables démographiques. C'est le cas
patent du niveau d'instruction de la mère qui a une incidence sur la
mortalité infanto-juvénile, ou encore sur l'indice
synthétique de fécondité (ISF).
Tableau : mise en évidence de l'effet
du développement sur la démographie
Source : Philippe Hugon « Variables
démographiques et éducation en Afrique ou le mirage des Objectifs
du millénaire pour le développement », Mondes en
développement 2/2008 (n° 142), p. 83-96.
Ce type de constat a été fait sur les relations
cause à effet d'autres indicateurs de développement sur des
variables conditionnant l'expansion démographique (santé et
baisse de la mortalité, etc.). D'où la conclusion suivante de
Jacques Véron, démographe et spécialiste des interactions
entre population et développement : « L'histoire
démo-économique montre que l'opposition radicale entre
malthusiens et anti-malthusiens doit être dépassée. Une
approche moins idéologique conduit à privilégier l'analyse
des interactions entre toutes les formes de changements qui affectent une
société. On sort alors du cadre des déterminations simples
et de la linéarité ».16(*)
Il s'impose alors une autre approche d'étude qui est
celle des systèmes. En effet, un système étant un
ensemble d'éléments
interagissant entre eux selon certains principes ou règles17(*), il apparait que cette
approche est un cadre de référence permettant de mieux optimiser
les analyses sur les relations « développement vs croissance
démographique ». Il s'agit de systèmes dont les
principes ou règles ne sont pas figés mais évoluent en
fonction du temps, de l'espace, du contexte. Ainsi des évènements
spécifiques peuvent améliorer une situation dans un lieu à
un moment donné et dans un contexte bien précis, et la
dégrader sous des cieux différents ou identiques en d'autres
circonstances. Goran Ohlin fait d'ailleurs savoir à ce sujet :
« La longue série d'évènements qui ont
marqué l'expansion démographique au cours de l'histoire indique
avant tout qu'il est impossible d'assigner à la population un rôle
unique. A certaines époques son évolution a été
liée à la mise en valeur de nouveaux territoires .... En d'autres
temps, l'accroissement inexorable d'une population a engendré la
misère et les troubles... »18(*).
Un système se caractérisant par ses
éléments constitutifs et les interactions entre ces derniers, il
serait donc intéressant de présenter les enchainements
théoriques qui régissent le système
« démographie vs développement ».
Tout l'intérêt de cette présentation découle du fait
que les analyses subséquentes concerneront les relations entre la
croissance démographique et le développement dans le contexte de
l'Afrique subsaharienne.
* 15 (Paul Ehrlich
cité dans le livre Population et développement, Jacques
Véron, Presse Universitaire de France, Paris, 1994).
* 16 (Population
et développement, Jacques Veron, édition P.U.F, 1991, page 21,
Paris)
* 17
(Définition tirée de Wikipédia,
http://fr.wikipedia.org/wiki/Syst%C3%A8me)
* 18 Goran
OHLIN (1926-1996), « Régulation démographique et
développement économique », page 58, Centre de
Développement de l'Organisation de Coopération et de
Développement Economique, Paris, 1967.
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