B. Portée et limitations :
La non-intervention vise principalement un résultat.
C'est ce qui explique que le contrôle de son application s'attache moins
aux matériels mis en oeuvre qu'aux conséquences de leur
utilisation.
Par contraste, le non-recours à la force met en cause
immédiatement les moyens de l'action, que certains textes comme les
résolutions 2625(xxv), 3314 (xxix) et 36/ 103 prennent le soin
d'énumérer avec force détails.
Les Etats ne peuvent donc pas dissimuler des cas de recours
à la force derrière une construction juridique à des fins
de légitimation. Le principe de non-intervention, lui est souvent
contour ou camouflé au moyen d'alibis divers comme la défense
d'un droit appartenant à l'auteur de l'intervention (affaire de
détroit de Corfou, raid israélien sur Entablé en 1976), le
consentement de l'Etat tiers (intervention français au Tchad entre 1965
et 1979 ; intervention de l'URSS en Afghanistan en 1979 ; des
Etats-Unis à la Grenade en 1983), les nécessités
humanitaires (intervention français au Zaïre en 1978).
IL en est ainsi parce que l'histoire et la construction
juridique du principe de non-intervention portent encore à le
définir en fonction des intérêts de l'Etat et des buts
qu'il poursuit. Or la société internationale est
hétérogène et les finalités des Etats,
contradictoires.
IL en résulte que la non-intervention demeure à
certains égards, comme l'intervention, « l'instrument par
excellence de la défense et de l'illustration des zones
d'influence ».
Le principe est d'un usage si varié qu'il est parfois
même surpris à servir des causes pour lesquelles il n'est pas
fait. Destiné en effet à assurer le respect de la
souveraineté des Etats et des peuples, le principe de non-intervention
est pourtant utilisé dans certains cas comme instrument de protection de
souverainetés impopulaires.
Dans l'affaire des biens britanniques au Maroc espagnol
(Maroc / Royaume -uni) ayant donné lieu à la sentence du
1er mai 1925, Max Huber avait affirmé comme une proposition
d'évidence : « il est incontestable qu'à un
certain point, l'intérêt d'un Etat de pouvoir protéger ses
ressortissants et leurs biens doit primer le respect de la souveraineté
territoriale, et cela même en l'absence d'obligations
conventionnelles ». Et d'ajouter que ce droit d'intervention a
été revendiqué par tous les Etats, et que seules ses
limites peuvent être discutées.
IL est clair que la non-intervention n'est pas un principe
d'éviction du droit international servant de police d'assurance contre
toute réaction d'un Etat tiers ou de la communauté
internationale face aux infractions internationales qui révoltent la
conscience universelle.
Mais l'intervention unilatérale qui substitue par
la force la solution nationale d'un Etat à la politique d'un autre ne
correspond pas aux exigences d'une intervention licite.
La CIJ l'a rappelé dans son premier arrêt au
fond rendu dans l'affaire du détroit de Corfou évoqué
ci-haut. Si dans l'affaire du personnel diplomatique et consulaire des Usa
à Téhéran la cour a soigneusement évité de
condamner la malheureuse opération militaire de sauvetage tentée
sans succès par les Usa en 1980, c'était pour ne pas donner le
sentiment d'absoudre le comportement inadmissible des mollah qui retenaient des
otages américains en violation des règles les plus essentielles
du droit international et au mépris des résolutions du conseil de
sécurité ainsi que l'ordonnance de la cour du 15 décembre
1979.
Mais la CIJ ne perd pas de vue le principe de
non-intervention puisqu'elle déclare ne pas manquer d'exprimer le souci
que lui inspire l'incursion américaine en Iran.
Le principe est assorti naturellement des tempéraments
qu'appelle la sauvegarde de l'ordre public international. En bref, le principe
de non-intervention ne cède pas devant les préoccupations
humanitaires lorsque celles-ci servent de prétexte à la poursuite
d'intérêts nationaux particuliers.
En pratique, deux motifs ont été
traditionnellement avancés pour justifier l'intervention et
l'ingérence d'un Etat sur le territoire et dans les affaires
intérieures d'un autre Etat. L'une concerne ce que l'on appelle
« intervention sollicitée » par les autorités
légitimes, l'autre est « l'intervention
d'humanité ».
Depuis peu, enfin, l'affirmation internationale d'un
« devoir d'ingérence humanitaire », souvent mal
interprété par des médias avides de formules, a
renouvelé l'attention portée aux limites du principe de
non-ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat
souverain31
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