Enracinements polynésiens d'hier et d'aujourd'hui dans l'archipel de Nouvelle Calédonie( Télécharger le fichier original )par Tomasi TAUTU'U Université de Nouvelle Calédonie - Master 2 arts, lettres et civilisations option francophonie 2012 |
D. Affirmations identitaires à travers des parcours historiquesL'identité ici est l'ensemble des caractères propres et fondamentaux à une culture. La Nouvelle Calédonie vit actuellement, une période charnière dans un contexte politique particulier qu'est l'Accord de Nouméa. Cet accord politique, est le résultat ou la conséquence de 150 ans d'histoire coloniale entre l'Etat français et les communautés autochtones de l'archipel calédonien. Entre l'arrivée du James Cook, en 1774 et la prise de possession par la France en 1853 d' « OPAO 287(*)», les communautés mélanésiennes ont subit, soit, des transformations visibles dans leur société, mais ont su aussi, exploiter à leur guise les nouveaux arrivés dans l'échiquier politique traditionnel d'antan. En 1998, l'Accord dit « de Nouméa » jettent les bases d'une politique consensuelle dont l'objectif est le partage du pouvoir pour une autonomie élargie voire une indépendance associée à la France. L'Etat cède au gouvernement local plusieurs compétences de façon échelonnées. A l'heure où nous écrivons ces lignes, des pourparlers se font à Paris, concernant la prise en main de l'enseignement du second degré par le territoire. Les communautés autochtones, les descendants des colons, les communautés migrantes, adhèrent en grande majorité à ce projet ambitieux autour d'idées fortes que l'on retrouve dans les discours des personnes publiques ou civils : celles « du vivre ensemble », « de communauté de destin » et « de destin commun » ou « d'une Citoyenneté Calédonienne »288(*). Concernant notre patrimoine historique, Frédérique Angleviel nous rassure quand il écrit : « Les graves troubles politiques qui secouèrent le Caillou durant la décennie 1980 obligèrent ainsi les ressortissants des communautés allogènes à se plonger dans l'histoire, seule l'épaisseur du temps étant à même de leur attribuer une certaine légitimité. Parallèlement, cette conscientisation entraîna la nécessaire prise en compte des relations conflictuelles qui caractérisent cette colonie de peuplement.289(*) » Effectivement, certains historiens calédoniens ont abordé des sujets autrefois « tabous » et pour ne citer que quelques uns de ces auteurs : Jean Louis BARBANCON qui a publié plusieurs ouvrages à partir de 1991 dont : « le pays du non dit » , « la terre du Lézard » en 1995 , « le javelot brisé » en 1997 et a soutenu une thèse en 2000 sur la colonisation pénale au XIXème siècle. Jean VAN MAI290(*) dès 1980 a publié sur l'histoire de sa propre communauté intitulé : « Chân Dang : Les tonkinois de Calédonie au temps colonial ». Jean-Luc Maurer a publié en 2006 sur la communauté indonésienne de Nouvelle-Calédonie : « les javanais du Caillou291(*) » et aborde la question de l'immigration et de son intégration à la société calédonienne. Sous le patronage de l'Association pour la commémoration du centenaire de la Présence Japonaise en Nouvelle Calédonie. Kobayashi, Tadao a publié un livre dont le sujet est : « les japonais en Nouvelle Calédonie » : histoire des émigrés sous contrat292(*) quant à Mehdi Lallaoui il a écrit sur le : « Kabyles du Pacifique293(*) » en 1994 en hommage aux descendants kabyles du pays. Concernant les populations océaniennes, le retour aux sources historique a été tardif. Seule, l'association « Tavaka » composée de personnes originaires de Wallis et Futuna, ont fait un travail de recherche historique important, un travail entrepris depuis 2005 et une exposition de photos et un livre collectif rassemblant leur trouvaille a été inaugurée au centre culturel Tjibaou le 25 juillet 2009. Cette initiative a eu l'opportunité de retisser les liens de manière officielle entre la communauté wallisienne et les communautés kanak représentées par le Sénat coutumier, ces liens traditionnels qui ont été relativement rompus par plusieurs siècles de colonisation française. La relation particulière entre Ouvéa Lalo et Uvéa Mamao a été une occasion de faire revivre le mythe de Kaukelo, ancêtre commun fondateur de plusieurs clans et chefferies d'Ouvéa. Cet évènement marque en fait une démarche identitaire, contrairement aux autres communautés allogènes, cette démarche est fondée non seulement sur des valeurs historiques mais notamment sur des valeurs culturelles fortes, ce qui rend la démarche intéressante, singulière et authentique. Concernant l'identité propre aux Kanak, nous laisserons le précurseur des premiers signes identitaires kanak s'exprimer. Jean Marie Tjibaou évoque l'origine de l'emploi du mot « kanak » comme concept identitaire : « Le terme kanak, tel que nous l'avons adopté aujourd'hui, c'est une prise de position par rapport à la colonisation. Nous avons été reconnu au début ; le capitaine Cook a fait la coutume au gens qu'il a trouvés, les kanak. Puis, avec la colonisation, nous sommes devenus des « sales kanaks », avec les missionnaires nous étions des « Mélanésiens ». Quand on a commencé à prendre en considération les revendications kanak, et surtout en 1951, quand les kanak ont voté et qu'ils ont eu la majorité à l'assemblée, nous sommes devenus les « autochtones ». « Mélanésiens », « Autochtones », nous sommes fatigués d'être baptisés différemment par des gens qui ne nous connaissent pas. Alors nous avons décidé, à travers la revendication d'indépendance, que nous nous appellerions « kanak » et que notre pays ce serait « Kanaky ».294(*) Nous savons que l'identité kanak a été officiellement reconnue depuis 1988 à la signature des accords de Matignon. Puis elle a été avalisée dès 1999 avec l'accord de Nouméa mettent les kanak sont au centre du dispositif. Or, on peut lire dans le cahier de note de Jean Marie Tjibaou, un appel à une identité à l'échelle de l'Océanie dès 1984 : « J'appelle les plus vieux peuples d'Océanie à se joindre à nous dans ce pilou qui nous met en communion avec l'esprit de la montagne rouge. J'appelle les fils et les petits fils de Maui et tout ceux, sortit de Hawaïki, ont essaimé pour donner la vie à la mer et aux îles de Polynésie. J'appelle la Micronésie pour qu'elle rassemble la Polynésie et la Mélanésie. J'appelle en dernier, les gens de la maison de Manus, d'Irian Jaya, de Papouasie, de Salomon, de Fidji, de Vanuatu, à faire résonner de leur pas le caillou mélanésien.295(*) » Ce sentiment d'appartenance à « l'Océanie » a émergé véritablement avec la création du premier parti politique wallisien et futunien mené par Kalépo Muliava en 1989 intitulé : Union Océanienne. * 287 Nom d'origine polynésienne donné par les indigènes, à l'arrivée des Européens pour désigner sans doute la région nord de la Grande Terre. * 288 Or, ces idées s'apparentent à des slogans politiques et idéologiques en contradiction à d'autres réalités locales qui perdurent depuis longtemps que sont : La suprématie du holding international, les inégalités socio économiques, la xénophobie et les affrontements ethniques, l'antinomie culturelle et notamment « non dit » et de l'amnésie historique. * 289 Angleviel F., Historiographie de la Nouvelle Calédonie, Sciences Humaines et Sociales, Editions Publibook Université (E.P.U) 362 p. ; p. 183. * 290 Jean Van Maï est né en 1940.Enfance à la Mine Chagrin en Nouvelle-Calédonie, où ses parents, des Tonkinois, furent employés à leur arrivée sur le Caillou. Scolarité à Nouméa. Bibliographie : Chân Dang: Les Tonkinois de Calédonie au temps colonial. Nouméa: Société d'Études historiques, 1980.Fils de Chân Dang. Nouméa: Éditions de l'Océanie, 1983.Nouméa... Guadalcanal. Nouméa: Éditions de l'Océanie, 1988.Chapeaux de paille (Pilou-Pilou 1). Nouméa: Éditions de l'Océanie, 1998.L'Île de l'oubli (Pilou-Pilou 2). Nouméa: Éditions de l'Océanie, 1999.La Ville aux mille collines (Pilou-Pilou) Nouméa: Éditions de l'Océanie, 2002. * 291 Jean-Luc Maurer, Les Javanais du Caillou : Des affres de l'exil aux aléas de l'intégration. Sociologie historique de la communauté indonésienne de Nouvelle-Calédonie, 2006. * 292 Voir aussi Dany Dalmayrac Après le succès de son roman Les sentiers de l'espoir, Kanak et Nippo-Kanak en 2003, publie son dernier recueil de nouvelles littéraires intitulé, La petite bicyclette et autres Nouvelles japonaises et calédoniennes en 2008. * 293 Mehdi Lallaoui, Kabyles du Pacifique, Edition Au nom de la mémoire, Bezons, France ,1994. * 294 Cibau Jean Marie Tjibaou, Kamo pa Kavaac, ADCK, p. 52. * 295 Op.cit. p 38. |
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