Enracinements polynésiens d'hier et d'aujourd'hui dans l'archipel de Nouvelle Calédonie( Télécharger le fichier original )par Tomasi TAUTU'U Université de Nouvelle Calédonie - Master 2 arts, lettres et civilisations option francophonie 2012 |
2. Un objet évanescentNotre projet d'étude aurait pu être centré sur Ouvéa17(*), la plus petite et la plus septentrionale des îles Loyauté, et plus particulièrement sur les communautés parlant le « fagaouvéa »- langue polynésienne, vivant aux deux extrémités de l'île. Les origines « polynésiennes » de ces communautés sont attestées et reconnues par les différents chercheurs en Sciences Sociales qui ont abordé ce sujet. Effectivement, l'histoire des premiers contacts entre les Européens et les habitants de ces contrées a déjà été abordée de manière remarquable et détaillée, par Raymond LEENHARDT18(*) , ouvrage édité dans les années cinquante. Egalement, le contact des Loyaltiens avec les missionnaires a fait l'objet de son étude. Par ailleurs, l'historien Jacques IZOULET a récemment publié chez L'harmattan : « l'histoire de la Mission d'Ouvéa » concernant cette même période, après avoir publié un livre sur la mission de Lifou. La question de la présence « polynésienne » lors des premiers contacts avec les premiers navigateurs, a été évoquée de manière parcellaire par l'historien Georges PISIER. La période dite précoloniale à ce sujet a été largement abordée notamment par Claude Rozier, d'une manière synthétique dans son ouvrage : « La Calédonie Ancienne »19(*). Ce dernier a rassemblé la plupart des écrits des premiers Européens en contact avec les populations autochtones et les a classé de manière chronologique (de 1774 à 1853) sans pour autant en critiquer ou en discuter les données. En outre, Jean GUIART dans les années soixante a effectué un travail ethnologique considérable dans lequel le cas d'Ouvéa a été largement abordé. Nous l'invoquerons fréquemment en référence, dans notre étude. HOLLYMAN20(*) et Jules GARNIER21(*) par contre, sont les seuls à notre connaissance à avoir travaillé sur cette question spécifique mais dont nous n'avons pu avoir les ouvrages sous les mains malheureusement. Ce premier, et plus récemment Ozanne Rivière du Lacito22(*), ont tout deux réalisé un travail d'ordre linguistique. D'autres auteurs anglophones ont étudié « les premiers contacts en Nouvelle Calédonie ». Il s'agit par exemple, de Bronwen DOUGLAS23(*), qui a étudié l'histoire des contacts de la population de Balade. K.R HOWE24(*) au début des années 70, a abordé quant à lui, la période 1840-1900 concernant les premiers contacts des Loyaltiens, en particuliers des Ouvéens avec les marins, les missionnaires, et plus particulièrement avec le gouvernement colonial de l'époque. Effectivement, les Universités anglophones de la région Pacifique ont depuis longtemps amené leurs chercheurs en Sciences Sociales à s'intéresser de près aux problématiques spécifiques à l'Océanie centrées sur les populations autochtones, et notamment de la Nouvelle-Calédonie. La dernière en date est une étude archéologique faite à Ouvéa, en particulier dans l'extrême sud de l'île à Mouli dans les années 90, effectuée par Michael T. CARLSON25(*). Cet auteur anglophone confirme par exemple l'adaptabilité des « Polynésiens » dans un environnement « pauvre » en terre cultivable. Leur présence à long terme dans de si petites îles dénuées de tout démontre que ces « voyageurs des mers » avaient la capacité d'adaptation tout en respectant les populations en présence. C'est à partir de ces îlots inhabités habituellement que les infiltrations vers les hautes terres déjà occupées, ont pu se faire à la manière de la stratégie d'occupation militaire dite du « saut de puce » que l'armée américaine durant la seconde guerre mondiale dans le Pacifique26(*)a employée de manière efficace. En tout état de cause, nous avons décidé de traiter les réseaux dits « polynésiens » dans l'ensemble de l'archipel calédonien, dans un souci de compréhension en partant du postulat que les Océaniens et en particulier les « anciens Polynésiens » ont une faculté de mobilité constante et permanente qui constitue ainsi une caractéristique sociale fondamentale. Cloisonner cet objet d'étude dans un micro espace défini n'a pas de portée significative. Une question de fond doit être évoquée : peut-on parler de « Polynésien » au passé ? Ce mot n'est-il pas un concept moderne ? Quelle est son origine ? Y a-t-il un sens d'évaluer le degré de présence « polynésien » dans la période dite précoloniale dans l'archipel calédonien? * 17 Ouvéa porte le même nom de l'île de Wallis, nommé « Uvéa » par ses habitants mais orthographié différemment. * 18 Raymond H. LEENHARDT, Au vent de la Grande-Terre- les îles Loyautés de 1840 à 1895. Cette version historique est critiquée par K.R HOWE qui a écrit sur le même sujet : Les îles Loyautés- Histoires des contacts culturels (1840-1900) : il dit à ce propos : « l'auteur se borne à décrire les grandes lignes des activités des missions protestantes. L'histoire des îles Loyautés est en conséquence traitée de façon restreinte. Il faut ajouter que l'ouvrage est souvent inexact sur le plan des faits et non sans préjugés à l'égard des Pères Maristes et spécialement de l'administration française. » (p 8 de son livre en bas de notes) * 19 Claude ROZIER, La Calédonie ancienne, Ed. Fayard, Paris, 1990, 319 p. * 20 HOLLYMAN, Polynesian influence in New Caledonia, juin, 1970. * 21 Jules GARNIER, Les migrations polynésiennes, leur origines, leur itinéraire, leur étendu, leurs influences sur les australasiens de Nouvelle Calédonie. * 22 Le Laboratoire de Langues et Civilisations à Tradition Orale (en abrégé LACITO) est une unité mixte de recherche (UMR 7107) en partenariat entre le Centre national de la recherche scientifique, l' université de Paris-III et l' université de Paris-IV. Située dans le Centre André-Georges Haudricourt du campus CNRS de Villejuif, elle regroupe environ 50 personnes. * 23 DOUGLAS, Bronwen : « Histoire des contacts de la population de Balade », traduction dans le bulletin N 10, SEHNC ,1972. * 24 HOWE K.R, Les îles Loyautés- Histoires des contacts culturels (1840-1900) * 25Michael T. CARLSON Contacts et échanges inter culturels à Ouvéa (titre version français) (Iles Loyauté, Nouvelle Calédonie), University of Hawai'i ARCHIVES, 2002. * 26 Cette stratégie de « saut de puce » consistait à occuper les îlots et les îles une à une. S'implanter dans l'île occupée en maintenant une présence militaire et débarquer dans l'île la plus proche et ainsi de suite. |
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