Lecture structurale de "Vautrin" d'Honoré de Balzac( Télécharger le fichier original )par Nour El Houda BOUDEMAGH Université Mentouri -Constantine- Algérie - Master 2 sciences des textes littéraires 2012 |
Introduction générale :« La dernière chose qu'on trouve en faisant un ouvrage et de savoir celle qu'il faut mettre en premier. » Blaise Pascal Les Pensées, fragment 19. Connu comme étant le père des arts, le théâtre existe depuis la nuit des temps et dans toutes les civilisations. De tradition européenne, né en Grèce antique, c'est une forme d'expression qui tient à la fois de la littérature écrite et du spectacle. C'est un genre protéiforme complexe et varié. Roland Barthes le définit dans Essais critiques comme : « Une sorte de machine cybernétique, qui émet des messages à communiquer. Au repos, celle-ci est cachée derrière un rideau. Mais dès qu'on la découvre, elle se met à envoyer à votre adresse un certain nombre de messages. Ces messages ont ceci de particuliers,.....vous recevez en même temps six à sept informations du décor, du costume, de l'éclairage, de la place des acteurs, de leur geste, mimiques et paroles. »1(*). Nous constatons alors que « l'essence du théâtre » -pour reprendre un titre d'Henri Gouhier- est visuelle et auditive. C'est un art qui utilise divers moyens d'expressions : corporel, vocal, gestuelle au niveau du comédien, plastique au niveau de la mise en scène et textuelle au niveau du dramaturge. A ce propos Roland Barthes ajoute: « [le théâtre] est une épaisseur de signes et de sensations qui s'édifie sur la scène à partir de l'argument écrit. »2(*). La notion de théâtre renvoie ainsi à un système de signes indissociables du texte qui est une forme saisie du langage littéraire lié à la population des "lecteurs" formulant leurs idées, racontant leurs histoires ou l'Histoire. C'est cette complémentarité entre le monde fictif et le monde réel qui suscite notre curiosité. Cependant beaucoup diront que se même monde utopique est accessible dans d'autres genres littéraires comme le roman ou la poésie, mais ils oublient que le propre du théâtre est de rendre présente une fiction peinte par un décor bien réel et fictif à la fois, jouée par des comédiens incarnant des personnages fictifs mais vivants sur scène dans un corps réel, agissant et bien vivant. C'est ce qui nous éloigne des "êtres de papier" du roman. Le texte théâtral peut être le produit d'un dramaturge de renom tel Shakespeare, Corneille, Molière, Racine, Hugo....ou bien la confection d'un dramaturge sorti de l'ombre comme Honoré de Balzac. Effectivement, au milieu de cette pléiade de dramaturges Balzac apparaît semblable à un novice, passé de son art de la prose à celui de la scène et du spectacle. Il a légué aux simples apprenants que nous sommes une matière première pour des études qui peuvent expliquer d'avantage son côté imprégné dans/de sa société et son amour pour sa représentation. Il déclare à ce propos : « Il n'y a pas de possible que le vrai au théâtre, comme j'ai tenté de l'introduire dans le roman »3(*). Ce principe prôné par Balzac, se montre encore une fois sous forme d'un drame romantique en cinq actes en prose intitulé Vautrin. Le choix de notre sujet a été essentiellement motivé par un questionnement au sujet duquel des éclaircissements sont nécessaires. De prime à bord notre choix s'explique par le simple goût que nous affichons pour la production de ce dramaturge, nous abondons donc dans le même sens qu'Arniel Denis selon qui : « parler d'un auteur, c'est reconnaître que cet auteur mérite qu'on en parle ; c'est non seulement affirmer son goût pour lui, mais aussi combattre pour qu'on lui reconnaisse la place qu'il mérite »4(*). Aussi, c'est la clarté du style et la manière qui a laissé entrevoir le XIXe siècle avec tous ses revers qui ont consolidé ce choix. La question que nous nous sommes posée après une première lecture de cette pièce théâtrale est inhérente à son aspect social et historique. Vautrin, comme la majorité de la production balzacienne nous peint d'une façon assez réaliste la société française de la première moitié du XIXe siècle avec, son histoire, ses moeurs ses valeurs et ses vices. Cela dit nous pouvons nous poser la question suivante : Comment la composition de ce drame représente-t- elle la structure de la société française de la première moitié du XIXe siècle ? Signalons par ailleurs la présence marquante de l'infratextualité qui vient nous soutenir dans nos premières hypothèses. Du fait que Vautrin n'est pas seulement le principal personnage de ce drame, mais aussi le personnage de plusieurs romans constitutifs de la Comédie humaine, nous invoquerons le cas du Père Goriot. D'un point de vue méthodologique notre travail sera structuré en deux grands volets : Le premier comportera la partie théorique dans laquelle nous convoquerons les outils nécessaires à notre analyse : En commençant dans un premier temps par analyser le titre selon les fonctions que propose G. Genette, afin de dégager l'aspect social qui imprègne cette pièce théâtrale. En la mettant en relation avec un roman du même auteur : Le Père Goriot. En suite, nous présenterons quelques notions opératoires du répertoire théâtral que nous estimons primordiales pour notre analyse. Pour en fin, dégager l'homologie entre les deux structures interne et externe au texte que nous présente Lucien Goldmann par le biais de l'analyse d'un élément important de l'intra-texte : le personnage et cela selon P. Hamon et P. Pavis. Le deuxième volet contiendra la partie pratique que nous entamerons avec la présentation de l'auteur et le corpus de notre analyse, pour ensuite étudier l'oeuvre proprement dite. * 1 Roland Barthes, Littérature et signification : Essais critiques, Seuil, 1981, p : 258. * 2 Ibid. P41. * 3 Correspondances, Garnier, t, III, p : 475. * 4 A. Denis, Julien Gracq, Paris, Ed. Seghers, 1978, p 12 |
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