B - ESQUISSE D'OUTILS DE GESTION DES CONTRATS
Analysant la problématique de la gestion des
contrats, Lavagnon A.IKA reprenant (Muriithi et Crawford, 2003) laisse entendre
que : « La littérature est (...) muette sur la façon
d'adopter les outils et techniques de gestion de projet importés. Il est
temps de remédier à cette question. Quels sont les concepts,
outils et techniques de gestion de projet disponibles
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84
pour les gestionnaires africains des projets d'aide?
Quel est leur degré d'application actuelle? Quelle est la force de la
relation entre l'utilisation de ces outils et techniques de gestion de projet
et le succès des projets (...) ?
En effet, ce triple questionnement soulève la
difficulté ou l'absence d'objectivité et de certitude qu'il y
aurait à penser qu' appliquer les techniques qui ont fonctionné
ailleurs en Europe donnera à coup sûr des résultats
efficaces dans le contexte Africain tant les particularités
existent.
Néanmoins en guise de suggestion, les
spécialistes de la gestion des projets ainsi que certains chercheurs
dans le domaine du développement, ont proposé des outils et
techniques qui permettent de bien suivre l'exécution des
contrats.
Les principaux outils et techniques usuels sont
:
- Un ordonnancement logique des tâches,
- Une affectation des responsabilités
- Un diagramme de Gantt83 ,
- la courbe en S ;
- Une matrice RACI84 (R=Responsabilité,
A=Autorité, C=Consulté, I=Informé)
Illustration de la matrice RACI : Tableau 3 et 4
ci-dessous.
Tableau 3.
MATRICE DES RESPONSABILITES
|
Exemple de taches
|
Entreprise
|
Maitre d'ouvrage
|
Représentant Maitre d'ouvrage
|
Maitre d'oeuvre
|
Notification des marchés
|
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|
|
|
Préparation des marchés
|
|
|
|
|
Formulation du contrat
|
|
|
|
|
Réunion de démarrage
|
|
|
|
|
Elaboration du dossier d'exécution
|
|
|
|
|
83 Les étapes sont inspirées de Genest,
B.-A., Nguyen, T. H. : Principes et techniques de la gestion de projets, Laval,
Sigma Delta, 2002.
84 Institut
supérieur Africain pour le développement de l'entreprise (ISADE),
« Actes du séminaire international sur la passation des
marchés : gestion et suivi des contrats », Dakar, novembre
2012.
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85
Tableau 4.
MATRICE DES COMPETENCES
|
A
C T
I
V
I T E S
|
RACI
|
EXPERTS CLES
|
Chef projet
|
Expert 1
|
Expert 2
|
Expert 3
|
Expert 4
|
DEFINIR
|
A
|
R
|
I
|
I
|
I
|
CONCEVOIR
|
I
|
A
|
R
|
C
|
C
|
ELABORER
|
I
|
A
|
R
|
C
|
C
|
TESTER
|
A
|
I
|
I
|
R
|
I
|
La matrice de responsabilité RACI est un outil
simple qui permet de lister l'ensemble d'acteur d'un projet et leur niveau
d'implication. Elle évite les situations de confusion des taches au
cours de la période de réalisation de
l'activité.
La matrice de compétence RACI quant à
elle, permet de faire une gestion optimale des potentialités de tous les
intervenants dans la mise en oeuvre de l'action.
En tout état de cause, bien que convaincu qu'il
n'existe pas une formule magique dont l'application seule suffirait à
réussir la gestion d'un projet à l'instar du PFTT, une
démarche qui tienne compte des exigences professionnelles peut
contribuer efficacement à l'atteinte des objectifs escomptés.
C'est dans ce sens que Lavagnon A. Ika souligne que la gestion des parties
prenantes est une préoccupation majeure en gestion de projet. Elle l'est
encore plus en gestion des projets de développement, compte tenu de la
nature même des objectifs de développement, de leur
délicatesse et de la multitude des parties prenantes. Comme on peut le
voir avec Diallo et Thuillier (2004), les principales parties prenantes,
à l'exception des sous-traitants, des bureaux d'études et experts
sont au nombre de sept :
1. Le coordonnateur de projet lui-même, souvent
un fonctionnaire, responsable du volet opérationnel du
projet;
2. Un chargé de projet (task manager)
basé au siège de l'institution multilatérale qui finance,
superviseur responsable de la bonne exécution du projet et du respect
des procédures de l'agence par la cellule nationale de gestion de
projet;
3. Un supérieur hiérarchique, souvent
un haut fonctionnaire ou le ministre à qui le coordonnateur rend compte
localement;
4. L'équipe de projet, laquelle est sous la
férule du coordonnateur;
5.
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86
Le comité de pilotage qui constitue une
interface avec l'ensemble de l'appareil institutionnel local concerné de
près ou de loin par les projets;
6. Les bénéficiaires ou
clients;
7. Le public en général.
La description ci-dessus reflète bien
l'architecture du PFTT dans chaque pays pilote. Pourtant, il pouvait en
être autrement pour plus d'efficacité en conférant aux
cellules d'exécution et du suivi une autonomie de gestion dont le
coordonnateur, en d'autres termes, le chef cellule du suivi de
l'exécution serait Maitre d'ouvrage délégué, et par
conséquent comptable des résultats de la mise en oeuvre du
projet.
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88
Au terme de cette étude où il
était question de montrer que la gouvernance multi-niveaux
élaborée dans le cadre du Projet de facilitation du transport et
du transit en zone CEMAC contribue significativement à la
réalisation rapide de l'intégration régionale, il est
important au moment de conclure notre analyse d'en rappeler les principales
articulations.
L'un des constats de départ était que
les pays de l'Afrique centrale douze ans après l'entrée en
vigueur du traité instituant la CEMAC, ne parviennent pas à
s'intégrer économiquement pour diverses raisons, dont on peut
évoquer entre autre, l' absence de convergence des politiques publiques
en matière de développement, l'existence des tracasseries de
toutes sortes le long du corridor du transit, le marché
intracommunautaire peu développé, le manque de
compétitivité des produits au niveau mondial etc.
De ce constat et à l'avantage de l'adoption du
PFTT en 2006, par les chefs d'Etat de la zone CEMAC, sa mise en oeuvre
effective en 2008, avec la disponibilité des premiers financements, nous
avons posé le problème de l'intégration sous
régionale en termes de gouvernance multi- niveaux , en mettant en
exergue l'implication des acteurs multilatéraux, bilatéraux et le
secteur privé qui tiennent une part importante dans l'agenda des
mutations socio- économiques (décentrement du pouvoir de
décision au plan horizontal), autrefois défini exclusivement par
les acteurs nationaux ou supra- nationaux dans un contexte qui reflétait
deux stratégies de gestion des affaire publiques ( la centralisation et
la concentration du pouvoir fortement hiérarchisé au plan
vertical).
Pour aborder la problématique et fournir une
réponse à la question de recherche, nous avons fait recours
à la méthode systémique qui nous a permis de prendre en
compte tous les éléments favorisant une bonne analyse du sujet.
Celle-ci a été soutenue par une technique qualitative de collecte
de données qui a facilité l'interprétation de l'expertise
fournie par la Banque mondiale d'une part, et d'autre part, une technique
quantitative de collecte des données qui nous a permis d'examiner
l'exécution concrète du projet grâce aux sondages
d'opinions, aux entretiens directifs auprès des acteurs du projet,
l'expérience d'autres praticiens des projets de développement
financés par des fonds autres que ceux du budget d'investissement public
des Etats.
L'analyse de ces éléments, mieux encore
l'exploitation de notre base de données a abouti aux principaux
résultats suivants :
- La gouvernance multi- niveaux en construction dans
le cadre du Projet de facilitation du transport et du transit en zone CEMAC,
est un levier accélérateur de l'intégration de la zone, si
tous les objectifs du développement sont atteints à la fin du
projet par les différents acteurs en charge du suivi de
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son exécution (aménagement de
l'infrastructure routière, aménagements des voix du chemin de
fer, amélioration des conditions des voyageurs, réalisation de
l'union douanière, entrée en vigueur des textes communautaires
régissant le transit des marchandises) ;
- Avec l'implémentation de cette
stratégie régionale de développement qui est manifestement
novatrice (de gouvernance à gouvernance multi-niveaux), salutaire pour
l'Afrique centrale, nous somme en présence de la remise en cause de la
conception selon laquelle, se sont seules les élites gouvernementales
qui élaborent et mettent en oeuvre les programmes et politiques de
développement ;
- Nous retenons qu'au centre de cette stratégie
s'exerce une double influence par les partenaires financiers sur les Etats d'un
coté, et de l'autre la Commission de CEMAC. Une dépossession de
leur monopole sur la maitrise de l'agenda de l'intégration, ce qui donne
lieu à l'émergence d'autres acteurs privés qui jouent un
rôle déterminant dans les mutations socio-économiques de la
sous-région. Un transfert idéologique du bailleur de fonds vers
les gouvernements et les citoyens des Etats impliqués au projet,
élaboré en amont et devenu effectif en par l'application des
procédures élaborées par ses soins.
En fin, pour tenir compte des améliorations
importantes au plan économique que ce projet devrait apporter aux pays
de la zone CEMAC ( la chute des prix générés par les
coûts du transport élevé des produits alimentaires dans les
pays de l'hinterland, la réduction du coût d'entretien des moyens
de transports grâce à l'amélioration de l'infrastructure
routière, la facilitation des échanges intra et extra
communautaire, l'éradication des pratiques anormales par les
différents intervenant de la chaîne logistique du transit des
marchandises...), les insuffisances qui ralentissent encore la mise en oeuvre
de ce projet (faible coordination des unités de suivi de
l'exécution, maitrise approximative des procédures du bailleur de
fonds en matière de passation des marchés par les membres des
sous commissions d'analyse, manque de professionnalisme chez certains agents
des unités de gestion du projet...) devraient être
surmontées par la prise en compte des pistes de solutions contenues dans
cette analyse, sans prétention d'avoir épuisé son
diagnostic ou même les recettes thérapeutiques à lui
administrer.
Pour autant, on n'aura pas après la
réalisation totale du Projet, bouclé la boucle du
développement de l'Afrique centrale, si on ne se tourne pas
résolument vers nos valeurs culturelles pour y penser notre
développement. Noël, disait dans ce sens : « la culture
est la
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clé du développement »,
c'est peut être en se réappropriant notre « culture
»85 que l'Afrique va définitivement s'engager vers une
croissance économique durable et soutenable.
Essoh Elamé (2008), semble être de cet
avis quand il déclare : « C'est à travers une perspective
interculturelle du développement (...) qu'on pourra en finir avec le
mythe du développement à sens unique, en reconnaissant les
bienfaits des techniques et savoir faire locaux, et en respectant
l'organisation socioculturelle locale à travers une approche holistique
reposant sur une participation de la population dans l'élaboration et
l'exécution de la planification ».
85 « Sur une base économique et
intellectuelle si fragile, l'arrivée de l'homme blanc, caravanier,
trafiquant, explorateur, puis missionnaire et soldat, provoqua l'effondrement
des valeurs (des traditions et des religions) africaines, qui reliaient l'homme
à la terre - respectée - , à ses ancêtres , à
sa famille étendues à son clan. (...)
L'homme blanc apprend aux Africains à lire et
à écrire, organise une société urbaine,
jusque-là peu connue. Il opprime et exploite l'homme noir. Et
cependant tout ce qu'il apporte est aussitôt reconnu comme «
supérieur » sans la moindre discussion, puisqu'il est le maitre.
L'africain apprend les langues de l'Europe cherche à raisonner comme
Descartes ou Bacon, se sert des biens de consommation européenne...
».
René Dumont, Marie-France Mottin : «
L'Afrique étranglée » éd. Du Seuil, 1980 et 1982,
p36.
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