B- Déficit démocratique et gestion du
pétrole au Nigéria :
Le Nigéria connait le second coup d'Etat de son
histoire le 26 juillet 1966, avec le général Yacubu GOWON comme
nouveau président. Cet officier, un Yorouba né en 1934, est
choisi par des paires originaires du nord pour diriger le gouvernement
militaire et réorganiser le système fédéral. Le
pays connait alors un certain dynamisme de sa production
pétrolière qui passe pour la première fois au dessus de la
barre des 400 000 barils par jour (417,6 000 barils par jour soit presque le
double de la production un an avant).188 Le pétrole, qui
vient pour une bonne partie de la région sud-est du pays (dans le Golfe
de Biafra où se trouve Port Harcourt en pays Ibo), irrigue
alors l'économie de ses revenus substantiels. En mai1967, les
autorités politiques émettent le voeu de scinder la région
en trois Etats, privant ainsi les Ibo de tout accès à la
mer et les écartant des zones pétrolifères. Cette
décision, avec le massacre d'Ibo dans le nord du pays la
même année, sera à l'origine de la sécession du
183 - Voir Juan J. Linz, An autoritarian regime: the case of
Spain, in Erik Allardt and Yrjo Littunen (eds), cleavages, Ideologies and
party systems, Helsinki, Westermarck society, 1964; reprinted in Erik allardt
and stein Rokkan (eds), Mass Politics: studies in political sociology, New
York, Free Press, 1970.
184 -Cf. « Nigéria ». Microsoft
®Encarta® 2009, [DVD]. Microsoft Corporation, 2008.
185 - Le cas de Sani Abacha est une illustration claire de
l'esprit de prédation de la rente pétrolière qui a de tout
temps animé les dirigeants politiques au Nigéria.
186 - Philippe Copinschi, « Rente
pétrolière, géopolitique et conflits. », in
Questions internationales n° 2, juillet-Aout 2003, p.43.
187 - Cf. « Nigéria ». Microsoft
®Encarta® 2009, [DVD]. Microsoft Corporation, 2008.
188 - Voir Akin Iwayemi, « le Nigéria dans le
système pétrolier international » in Nigéria, un
pouvoir en puissance, p.20.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 39
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Biafra menée par le lieutenant-colonel « Emeka
» OJUKWU. Celui-ci, soutenu par la France mais aussi par la
Chine,189 proclamera la sécession et l'indépendance de
la république du Biafra. Ce sera le début d'un des plus
violents conflits armé en Afrique, la « Guerre du Biafra »,
qui fera plus d'un million de victimes. Ce conflit constitue un moment
privilégié pour observer la gabegie et la gestion opaque des
revenus du pétrole qui a caractérisé les gouvernements
militaires au Nigéria.
Le conflit du Biafra est un moment privilégié
d'observation de la gestion politique et opaque des ressources
pétrolières au Nigéria. Si la guerre a eu des motivations
ethniques, la lutte pour le contrôle des ressources
pétrolières en a été un facteur déterminant.
La participation, officielle ou non, de grands consommateurs comme la France,
la Chine, l'Angleterre ou les Etats-Unis traduit du caractère
stratégique de cette guerre. Le soutien de l'Angleterre ou des
Etats-Unis aux autorités fédérales participait de la
défense de leurs intérêts pétroliers dans le pays.
Il fallait éviter que les abondantes ressources
pétrolières de la région ne tombent entre les mains de
puissances adversaires comme la Chine ou la France. Le général
Yacubu s'emploiera à assujettir le Biafra, qui finalement sera vaincu en
1970. Le gouvernement militaire fédéral va ensuite tenter de
moderniser l'économie nigériane, mais sera confronté
à une grande inflation suite à la hausse des prix du baril dans
les années 1970. Incapable de la juguler et surtout de remettre, selon
sa promesse, le pouvoir aux civils, il est renversé à son tour en
1975 lors d'un coup d'Etat « pacifique ». Il se refugie en
Angleterre, puis au Togo à partir de 1984.
La gestion du pétrole par le régime du
général Sani ABACHA à partir de 1993, sera tout aussi
empreinte de considérations personnelles et de grande opacité.
L'élection, cette année là, du milliardaire Moshood ABIOLA
à la présidence de la république, jugée
irrégulière, est annulée. Le chef de l'Etat sortant
Ibrahim BABANGI-DA décide de mettre sur pied un gouvernement de
transition avec ABACHA comme ministre de la défense. En novembre, soit
cinq mois après l'installation du gouvernement provisoire, celui-ci
décide de s'emparer du pouvoir. Il met alors en place un gouvernement
militaire qui fait de la gestion du pétrole un secret d'Etat. Aux
récriminations des populations des régions
pétrolières, l'Etat répond régulièrement par
la violence. L'exécution de l'écrivain Ken SARO WIWA et de huit
autres militants Ogoni, qui réclamaient plus de transparence
dans la gestion du pétrole, est un des moments les plus dramatiques du
régime du général ABACHA. Ce dernier fini par
mettre le Nigéria au ban de la société internationale
à cause de sa politique subjective et brutale. La période de
gouvernement du général-président a connu une
recrudescence des actes de corruption et de détournements des fonds. On
estime à près de 4 milliards de dollars (dont 90% issus des
revenus pétroliers) la somme qu'il aurait lui-même
détourné pendant son mandat à la tête du
pays.190
Le pétrole a donc revêtu un caractère
pleinement stratégique sous les régimes militaires. Dans leur
gestion du pétrole, ils ont privilégié des
intérêts stratégiques,
189- Cf. « Nigéria ». Microsoft
®Encarta® 2009, [DVD]. Microsoft Corporation, 2008.
190 - Cf. Ian Garry et Terry Lynn Karl, Le fond du baril.
Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, catholic relief
ser-vices, Juin 2003, p.26.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 40
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
géopolitiques ou politiques à même
d'assurer une stabilité à leur pouvoir, plutôt que le
bonheur des populations. La misère s'est alors aggravée, pendant
ces épisodes d'autocratie de l'histoire nigériane, mais aussi la
corruption, les détournements de fonds et l'incurie des multinationales
dans la gestion de leurs activités. C'est donc avec un certain espoir
que les populations ont accueilli le retour à la démocratie en
1999. Des efforts d'ouverture en matière de gouvernance
pétrolière ont dès lors été
observés.
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