2.1.4. L'évolution des attentes de l'enseignant : de
la restitution de connaissances à l'élaboration d'un travail de
recherche
2.1.4.1. L'évolution de l'évaluation de
la licence à la maîtrise
A l'entrée en maîtrise, Gérard et Gremmo
(2008) remarquent que l'étudiant se trouve dans un nouveau type
d'évaluation différent de celui auquel il était
accoutumé dans les trois premières années universitaires.
En effet, la temporalité de l'évaluation en maîtrise se
situe maintenant à deux niveaux : l'évaluation est continue,
puisque l'élaboration d'un mémoire de recherche implique une
évaluation continue du directeur de mémoire tout au long de
l'année et une autoévaluation permanente de l'apprenti chercheur
sur son propre travail de recherche. L'évaluation est également
finale, par le biais de l'épreuve orale, la soutenance, qui se
déroule en fin d'année. Ce changement dans la temporalité
de l'évaluation entraîne une évolution dans l'organisation
de cette évaluation. Alors qu'en licence, c'est l'enseignant qui
prépare, organise et planifie l'évaluation, en maîtrise,
c'est à l'étudiant de construire son propre calendrier de
recherche en se fixant un échéancier conjointement avec son
directeur de mémoire. Il se fixe des objectifs afin de valider son
travail de recherche dans les temps qui lui sont impartis. C'est
également à lui de choisir un sujet de recherche dans la plupart
des cas, puis de construire un mémoire de recherche en vue d'une
évaluation finale et d'une soutenance orale.
Selon Gérard et Gremmo (2008), « l'étudiant
passe d'une structure évaluative hétérodirective
c'est-à-dire organisée par l'enseignant, à une structure
évaluative autodirective où c'est à lui de prendre en
charge l'organisation de son évaluation continue et terminale
(Gérard et Gremmo (2008 : 42).
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2.1.4.2. L'évolution des compétences de
la licence à la maîtrise
Gérard et Gremmo (2008) ont constaté que de la
licence à la maîtrise, les attentes en termes de
compétences évoluent, puisque le directeur de mémoire
attend de l'étudiant de maîtrise qu'il se forme à la
recherche par la recherche. Ainsi, les stratégies d'apprentissage que
l'étudiant a pu développer pendant les années
antérieures (principalement mnésiques), ne lui servent plus,
elles ne lui permettent pas de développer les compétences de
recherche requises pour valider son mémoire de recherche, puisque la
formation à la recherche par la recherche se réalise par
l'expérience de l'activité et non par la restitution de
connaissances (Gérard et Gremmo, 2008). De même, le travail de
restitution auquel l'étudiant est accoutumé ne lui sert plus dans
l'élaboration de son mémoire de recherche. L'exercice est ici
différent. L'étudiant doit alors découvrir les nouvelles
compétences à acquérir pour que son travail de recherche
corresponde aux attentes scientifiques de son directeur de mémoire
à savoir : être capable de construire une démarche de
recherche, être capable de rédiger un écrit scientifique,
etc. (Gérard et Gremmo, 2008).
De la licence à la maîtrise, l'étudiant
passe, d'une logique de restitution de connaissances à une formation
à la recherche par la recherche. Ainsi, pour Le Bouëdec et La
Garanderie (1993 : 57),
« passer le cap du premier cycle, ne suffit pas à
l'étudiant pour réussir la suite de son parcours universitaire,
encore lui faut-il passer aussi le cap de la maîtrise. Ce passage dans
une nouvelle structure formative, est source de nombreux abandons ».
Beaucoup d'étudiants très à l'aise
jusque-là (DEUG et licence) dans les enseignements dont ils tirent un
éclairage pour eux important, se heurtent en maîtrise à une
logique de formation assez radicalement différente, qui les
déroute beaucoup. Ils estiment que :
« le nombre de mémoires ou de thèses jamais
achevés, le gâchis social et universitaire qui en découle,
serait, à eux seuls, des raisons largement suffisantes pour
s'intéresser sur l'accompagnement et le suivi des études
doctorales d'une part, et sur les stratégies
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de formation à la recherche par l'autoformation d'autre
part » (Le Bouëdec et La Garanderie, 1993 : 12)
Ils soulignent que :
« l'étudiant qui entre en maîtrise confronte
non seulement à un nouveau rapport au savoir mais également
à un nouveau rapport à l'enseignant par l'introduction d'une
nouvelle relation pédagogique duale, celle de direction de
mémoire » (Le Bouëdec et La Garanderie, 1993 : 12).
Le Bouëdec et La Garanderie (1993) se sont
intéressés également aux relations entre l'étudiant
et son directeur de mémoire depuis l'accompagnement du mémoire de
recherche jusqu'à son aboutissement c'est-à-dire jusqu'à
la soutenance. Ils sont arrivés à la conclusion que la plupart
des étudiants qui collaborent bien avec leurs directeurs de
mémoires réussissent mieux leurs mémoires de recherche.
Tous ces travaux ont eu le mérite de décrire les
stratégies d'apprentissage des étudiants aux 1er et
2è cycles universitaires en général et
spécifiquement au passage de la licence à la maîtrise. Il
découle de ces études, la difficulté de rupture entre la
licence et la maîtrise car l'étudiant a des problèmes
à comprendre les nouvelles exigences de la recherche en maîtrise
(difficultés individuelles). Ainsi, il lui faut un temps pour s'y
adapter avant de se familiariser à la nouvelle situation. Ce processus
est long et nécessite un investissement personnel de la part de
l'étudiant.
Cependant aucun de ces travaux n'a abordé
spécifiquement les difficultés d'ordre socio-économique et
institutionnel que rencontrent les étudiants dans l'élaboration
de leurs mémoires de recherche. La recherche est perçue par les
étudiants comme relèvant du mystère. Or, le travail
universitaire est centré sur la recherche par la recherche. Celle-ci
devient inévitable pour tout étudiant qui désire
poursuivre plus loin ses études universitaires.
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Ainsi, nous souhaitons aborder dans notre étude, les
difficultés d'ordre socio-économique, institutionnel et
individuel que rencontrent les étudiants dans l'élaboration de
leurs mémoires de recherche.
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