LA THÉORIE DES
REPRÉSENTATIONS SOCIALES
DÉFINITION DES
REPRÉSENTATIONS SOCIALES
HISTORIQUE
L'origine des représentations sociales peut remonter
jusqu'à Durkheim et son concept de « représentation
collective »(1895). Durkheim avait introduit ce thème
pour montrer la primauté du social sur l'individuel. En effet, il
distinguait les « représentations
collectives » des « représentations
individuelles ». « Si l'on peut dire, à
certains égards, que les représentations collectives sont
extérieures aux consciences individuelles, c'est qu'elles ne
dérivent pas des individus pris isolément, mais de leur concours
; ce qui est bien différent » (Durkheim, 1898, p.20). Les
« représentations collectives »
étaient partagées par l'ensemble d'une société,
elles étaient stables et résistaient au temps contrairement aux
« représentations individuelles » qui
faisaient l'objet de variations considérables. Mais c'est en 1961 que
Moscovici élabore la théorie des
« représentations sociales ». Moscovici
utilise la notion de « représentation
sociale » dans son étude consacrée à
l'image de la psychanalyse dans la société française. Pour
Moscovici les opinions et les mentalités sont en perpétuels
changements et ne sont pas partagées par tous les membres d'une
société au même moment. Le concept de
« représentations sociales » occupe une
place intermédiaire entre les « représentations
collectives » et les
« représentations individuelles »,
elles sont consensuelles dans le cadre d'un groupe mais pas à
l'échelle de toute une société et elles sont stables mais
peuvent quand même évoluer au fil du temps ou accueillir des
variations individuelles.
DÉFINITION
Les représentations sociales sont
généralement définies comme des « connaissances
de sens commun » dans le sens où elles incluent l'ensemble des
croyances et connaissances produites et partagées par les membres d'un
groupe, à propos d'un objet. Les représentations sociales, en
psychologie sociale ont été définies comme un savoir
commun à un groupe, « une forme de connaissance
socialement élaborée et partagée, ayant une visée
pratique et concourant à la construction d'une réalité
commune à un ensemble social ou culturel » (Jodelet, 1989,
p. 53). Elles sont un lieu privilégié de la
pensée sociale. « L'expression de pensée sociale
désigne à la fois la spécificité de la
pensée quand elle prend pour objet les phénomènes sociaux
et la détermination constitutive de cette pensée par des facteurs
sociaux. » (Rouquette, 1998, p.13) La pensée sociale se
distingue de la pensée rationnelle, en ce que la pensée
rationnelle est une pensée mise en oeuvre par les experts, les
scientifiques, elle est fondée sur une logique universelle alors que la
pensée sociale est une pensée propre à chaque groupe. Les
représentations sociales sont constituées d'un ensemble de
normes, valeurs, croyances, opinions et attitudes inhérentes à un
groupe. Elles sont des constructions mentales de la réalité,
propres à chaque groupe. En effet les représentations sociales
des uns, ne sont pas celles des autres, elles peuvent différer selon les
positions sociales ou idéologiques. C'est là, la
différence entre les représentions collectives de Durkheim qui
sont partagées par tous et les représentations sociales qui sont
partagées à l'intérieur d'un groupe.
FONCTIONS
Les représentations sociales ont pour fonction
principale d'interpréter la réalité en entretenant des
rapports de symbolisation et en lui attribuant de la signification. Il
n'existe pas, à priori, de réalité objective, toute
réalité est représentée, un objet n'existe, que
part la vision d'un groupe de cet objet. C'est la relation entre le sujet et
l'objet qui détermine l'objet, l'individu ou le groupe s'approprient la
réalité en la reconstruisant dans son système de valeurs.
Une représentation est toujours une représentation de quelque
chose pour quelqu'un. Toute représentation est donc une forme de vision
globale et unitaire d'un objet. Mais les représentations d'un objet
vont au delà d'une simple image de la réalité, ce sont des
constructions, Moscovici les appelle des « remodelages
mentaux » qui font intervenir plusieurs mécanismes
sélectifs, tels que des associations dues au processus
d'évocation, des filtrages. Mais c'est une activité qui est
socialement marquée, elle se réalise dans le groupe. Les
représentations sociales sont donc, à la fois cognitives et
sociales. En effet une représentation est élaborée par des
sujets actifs à travers des processus cognitifs mais ces processus
cognitifs sont déterminés par le contexte social dans lequel
elles sont élaborées. La construction d'une représentation
sociale suppose une intervention des modèles, croyances, normes et
valeurs du groupe. Les représentations sociales sont des constructions
sociocognitives. Elles restructurent la réalité pour
permettre une intégration à la fois des caractéristiques
objectives de l'objet, des expériences antérieures du sujet et de
son système d'attitudes et de normes. Les représentations
constituent un ensemble de croyances, de savoirs, d'opinions et d'attitudes
construites par des groupes, par le biais d'interactions à propos d'un
objet. Les informations issues de l'objet sont catégorisées,
transformées, corrigées de façon à donner, à
créer une réalité concrète pour le sujet. Elles
sont donc le résultat d'une reconstruction de la réalité
à laquelle le sujet est confronté.
Selon Moscovici, une représentation sociale comporte
trois dimensions: Elle comporte à la fois des éléments
relevant des attitudes, de l'information mais aussi du champ de
représentation :
1. Des attitudes, car les représentations sociales
comportent des éléments permettant au sujet un positionnement,
positif ou négatif par rapport à l'objet de la
représentation.
2. De l'information, en effet une représentation
contient et organise un certain nombre de connaissances sur l'objet de la
représentation. Ces connaissances peuvent être plus ou moins
fondées, précises ou stéréotypées.
3. Finalement le champ de représentation
définit l'ensemble des informations cognitives et affectives
organisées et structurées.
Elles fonctionnent comme des systèmes
d'interprétations de la réalité, elles lui attribuent des
significations. L'activité de reconstruction est socialement
marquée, elle ne peut pas se manifester indépendamment du champ
social dans lequel elle s'insère. Le remodelage de l'objet est
régulé socialement, il fait intervenir des croyances, des
modèles, des normes auxquelles le groupe adhère. C'est parce
qu'elles sont générées collectivement qu'elles peuvent
être partagées par les membres d'un même groupe. Cependant
il faut noter qu'une représentation sociale se fait à propos d'un
objet lui-même social, c'est-à-dire un objet qui constitue un
enjeu pour le groupe, sur lequel les sujets sont amenés à porter
des jugements, des opinions.
Comme nous l'avons dit plus haut une représentation
fonctionne comme un système d'interprétation de la
réalité, elle régule les relations entre les individus et
leur environnement, et représente un guide pour l'action. Nous pouvons
dire que, « chaque fois que nous acquérons ou modifions
une représentation sociale nous changeons par la même occasion un
certain nombre de comportements dirigés vers les autres et vers nous
même. » (Moscovici, 1986, cité par Beauvois et al,
In Perspectives cognitives et conduites sociales) Elles déterminent et
orientent les comportements des individus, mais elles sont elles-mêmes
modifiables par nos comportements et nos pratiques. Les
représentations sociales jouent un rôle fondamental dans la
dynamique des relations sociales et dans les pratiques car elles
répondent à quatre fonctions (Abric, 1994, p.15):
1. La fonction de savoir
Les représentations sociales permettent de comprendre
et d'expliciter la réalité, en intégrant les connaissances
acquises dans un système de valeurs auxquelles les sujets
adhèrent. Elles facilitent la communication sociale, en constituant
«un cadre de référence commun» (Abric, 1994, p.15), qui
rend possible les échange sociaux.
2. La fonction identitaire
Les représentations sociales définissent
l'identité, en permettant aux groupes et aux sujets de se situer dans le
champ social. Elles permettent aussi de sauvegarder la
spécificité de son groupe et son image positive car conforme
à son système de valeurs et de normes.
3. La fonction d'orientation
Les représentations sociales guident les comportements
et les pratiques. Les représentations peuvent déterminer pour le
sujet, dans une situation donnée la démarche cognitive qui va
être adoptée. Elles produisent aussi un système
d'anticipation, déterminant par avance les interactions dans une
situation. Finalement les représentations sont aussi prescriptives,
elles définissent ce qui est bien vu, tolérable ou inacceptable.
4. La fonction justificatrice
Les représentations sociales permettent à
posteriori de justifier les prises de position et les conduites des sujets dans
une situation donnée.
Les représentations sociales supposent donc une
activité de reconstruction du réel, et font intervenir des
processus socio cognitifs, elles sont caractérisées par une
double composante, cognitive et sociale. Cette fonction constitutive de la
réalité est rendue possible par deux processus :
l'objectivation et l'ancrage.
L'OBJECTIVATION
L'objectivation est le processus par lequel le groupe va
naturaliser l'objet, c'est-à-dire le rendre concret. Ce processus
simplifie les éléments d'informations, et concrétise les
notions en les résumant à grands traits à partir d'une
logique interne au groupe. L'information est simplifiée et
remodelée pour s'inscrire dans la logique du groupe, l'objectivation
permet donc une économie cognitive. L'objectivation passe par deux
étapes, la première est la sélection perceptive, par
laquelle certaines informations sont retenues et d'autres sont rejetées
ou ignorées. La sélection perceptive peut donc être
assimilée à une fonction de filtrage selon laquelle les
informations congruentes avec les valeurs du groupe seront retenues. La
deuxième est la décontextualisation par laquelle les
éléments retenus sont isolés de leur contexte pour prendre
une signification globale plus proche des attentes du groupe.
L'ANCRAGE
L'ancrage est le processus qui permet l'enracinement social de
la représentation, c'est à dire l'intégration de l'objet
dans un ensemble de connaissances préexistantes. La construction de la
représentation étant une activité sociale c'est en
référence aux croyances et valeurs du groupe qu'elle
s'opère et auxquelles elle doit être liée. Par ce processus
on rend familier ce qui est étrange en construisant la
représentation à l'aide de croyances, valeurs et savoirs qui sont
inhérents au groupe. L'ancrage permet d'accrocher quelque chose de
nouveau, l'objet de la représentation, à quelque chose d'ancien,
le système de valeurs du groupe.
Une représentation sociale est donc une forme de
connaissance de la réalité, et l'activité par laquelle
cette connaissance a été construite. Selon les termes d'Abric
(1987, p.64), une représentation sociale est à la fois
« le produit et le processus d'une activité mentale par
laquelle un individu ou un groupe reconstitue le réel auquel il est
confronté et lui attribue une signification ».
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