Paragraphe 2 : Etat des lieux de base et observations de
stage
Etant l'étape initiale du processus de ciblage de la
problématique, nous avons réalisé l'état des lieux
de base à partir de la restitution des mécanismes de
fonctionnement des structures visitées lors du stage en
général et de la situation à améliorer en
particulier.
Nous nous sommes intéressés en l'occurrence aux SA
et au SCF
de la DGE.
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FISCALES INTERNATIONALES 13
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I- La Direction des Grandes Entreprises
La DGE traite les dossiers des entreprises réalisant un
chiffre d'affaires annuel hors taxe, dont le montant est supérieur ou
égal à trois cent millions (300 000 000) de francs CFA, quelle
que soit la nature de leurs activités conformément à
l'arrêté n° 018/MEF/DC/SGM/ DGID/DLC du 1er
février 2011 fixant les limites de chiffre d'affaire des régimes
d'impositions. A la date du 31 octobre 2011 la DGE avait à sa charge la
gestion de 704 dossiers répartis entre les deux Services d'Assiette (SA
n°1 et SA n°2). Un apurement du répertoire de la DGE
a donc été réalisé.
La répartition de ces dossiers est faite suivant les
secteurs d'activités :
- Le Service d'assiette n°1 est chargé de 332
dossiers (pharmacies, industries, Bâtiments et Travaux Publics, commerce
général, et quelques négoces)
- Le service d'assiette n°2 des 372 autres dossiers
(cliniques, banques, sociétés d'assurances, les
sociétés de GSM, le reste des négoces et les
sociétés de prestations de services).
La répartition des dossiers par secteurs
d'activités s'avère être une bonne méthode
de répartition des dossiers. Les Services d'Assiette disposent
de 18 gestionnaires soit 9 gestionnaires par SA qui sont chargés entre
autres du contrôle sur pièces des dossiers et de l'imposition
primaire. Nous remarquons que vu le nombre de gestionnaires et de dossiers par
SA, un gestionnaire de la SA n°1 gère en moyenne 37 dossiers et
celui de la SA n°2 gère en moyenne 41 dossiers. Ce qui explique en
partie le fait que tous les dossiers ne soient pas contrôlés de
façon ponctuelle et sur pièces chaque année par les deux
SA de la DGE.
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Tableau 1 : Situation des contrôles
ponctuels et sur pièces
Services
|
Année 2010
|
Année 2011
|
|
Dossiers achevés
|
Dossiers programmés
|
Dossiers achevés
|
SA1 et SA2
|
588
|
383
|
546
|
316
|
Taux
d'exécution
|
65.13
|
57.87
|
|
Source : SA1 et SA2/DGE
Il se pose ici le problème de sous-effectif
des inspecteurs-gestionnaires en service dans les SA de la DGE en
considération du grand nombre de dossiers à traiter.
Le Service de Contrôle Fiscal est chargé de la
vérification générale de la comptabilité des
entreprises dont les dossiers sont gérés par la DGE et de la
vérification de la situation fiscale personnelle des dirigeants et des
associés de ces entreprises. Il est animé par 06
inspecteurs-vérificateurs et un chef de service. Il se pose un
problème de sous-effectif des inspecteurs-vérificateurs
vu l'importance de ce service qui est à la fin de la chaine du
contrôle fiscal et qui reçoit tous les dossiers a à
risque » transmis par les différents Services d'Assiettes de
la DGE. Malgré toute la motivation et le dévouement que
ces agents manifestent pour l'exécution de leurs tâches,
ils n'arrivent pas véritablement à exercer comme il se
doit leur travail.
Les agents du Service de Contrôle fiscal sont
appelés à être sur le terrain c'est-à-dire dans les
entreprises pour effectuer soit un contrôle sur place (en deux
demi-journées) ou une vérification générale de
comptabilité (en trois mois). Ces agents se déplacent très
souvent avec leurs propres moyens de déplacement, parce que
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les véhicules devant être mis à leur
disposition pour qu'ils puissent accomplir convenablement les tâches
n'existent pas. Dès lors un problème d'équipement
des services de la DGE en moyens de déplacement se pose.
Le SCF doit disposer d'assez d'informations pour pouvoir
effectuer tous les recoupements nécessaires pour un contrôle
efficace. Il travaille dès lors à l'interne en étroite
collaboration avec la Brigade d'Enquêtes Fiscales (BEF) de la Direction
Nationale de Vérification et d'Enquêtes Fiscales (DNVEF) et
à l'externe avec la Direction Générale des Douanes et des
Droits Indirects (DGDDI), la Direction Générale du Budget et la
Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité
Publique (DGTCP). Une liaison ayant pour base l'échange
d'informations entre ces différents services existe et est très
utile. Par ailleurs, dans le cadre de l'échange d'informations
entre la DGID et la DGDDI un logiciel du nom de « SYDONIA »
a été conçu et installé. Les
inspecteurs-vérificateurs du Service de Contrôle Fiscal de la DGE
dans l'exercice de leurs fonctions sont appelés à ''questionner''
ce logiciel sur le montant des importations effectuées par une
entreprise au cours d'un exercice comptable. Il arrive très souvent que
ce logiciel donne un montant largement inférieur à celui que le
contribuable a lui-même déclaré. Par ailleurs, il est
souvent difficile tant pour les inspecteurs gestionnaires que pour les
inspecteurs- vérificateurs d'accéder entre autres, au
Système Intégré de Gestion des Finances Publiques (SIGFiP)
qui permettrait de connaître le montant des prestations de services
réalisées au cours d'une année par une entreprise pour le
compte de l'Etat. Il se pose ici le problème de la
fiabilité de «SIDONIA» et de la difficulté
d'accès aux bases de données du «SIGFiP ». Ce
qui révèle entre
autres les limites des outils informatiques tels qu'ils sont
exploités aujourd'hui par le Service du Contrôle Fiscal.
Le SCF devrait travailler comme c'est le cas en France avec
d'autres services publics comme la Caisse Nationale de Sécurité
Sociale (CNSS) par exemple et disposer d'informateurs officieux comme en
dispose la DGDDI et qui sont appelés « Clébés
». Cela permettrait de disposer d'une part de plusieurs sources
d'informations et de résorber d'autre part dans une certaine mesure
le problème de recoupement des informations.
Les contrôles ponctuels des filiales de multinationales
ont montré que celles-ci disposent des moyens informatiques et
technologiques performants. C'est ainsi que l'utilisation de la
comptabilité informatisée était pratiquée par ces
sociétés bien avant que l'administration fiscale ne s'efforce de
prendre la mesure de la situation sans pour autant pouvoir disposer des outils
adéquats pour un contrôle efficace. Les entreprises s'approprient
les nouveaux logiciels de gestion comptable au fur et à mesure qu'ils
sont créés alors que l'administration fiscale met beaucoup plus
de temps pour acquérir ces moyens qui se trouvent parfois
dépassés au moment de l'acquisition puisque les nouvelles
technologies évoluent très rapidement. Il se pose donc un
problème d'inadéquation des outils de contrôle mis à
la disposition des inspecteurs-gestionnaires et des
inspecteurs-vérificateurs.
C'est dans ce cadre que des séances de
formation en cours de carrière et de recyclage sont souvent
organisées par la DGID, à travers le CFPI. Ces formations
animées par des experts nationaux et internationaux ont pour
but d'informer les inspecteurs des nouveaux moyens de fraude et
d'évasion fiscales utilisés par les entreprises pour
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échapper au paiement de l'impôt. Ainsi, il a
été organisé début décembre 2011 une
formation pendant environ trois semaines sur les notions de
«comptabilité informatisée» et de
«prix de transfert». Mais il se pose dès lors
le problème du suivi et de la pérennisation de ces
formations. En l'occurrence la dernière en date n'a
été suivie que par les inspecteurs-vérificateurs de la
DGE, du CIME-LITTORAL et de la BVIR.
La charte du contribuable vérifié qui situe
aussi bien l'Administration que les contribuables sur leurs droits et leurs
obligations existe depuis 2005 à la DGID. Il a été
recommandé par les missions du Fonds Monétaire International
(F.M.I.) de joindre cette charte aux avis de vérification avant leur
notification. La mise en oeuvre de cette recommandation est respectée
par l'administration fiscale. Nous pouvons déduire qu'il y a un
renforcement des dispositions préliminaires du contrôle
fiscal.
Nous avons constaté que les inspecteurs-gestionnaires
et les inspecteurs-vérificateurs arrivent tant bien que mal à
travailler sur les dossiers qui ont été programmés pour la
vérification générale de comptabilité et qui leur
sont imputés. Ils travaillent parfois à deux ou à
trois sur un dossier « complexe » et en parfaite symbiose pour que le
travail ne souffre d'aucune irrégularité. Par ailleurs,
nous avons remarqué que les inspecteurs-vérificateurs
malgré toute leur bonne volonté, sont limités dans leur
capacité à rechercher les détails qui permettraient de
relever certaines irrégularités. Pour les grosses entreprises et
filiales de multinationales, certains détails du fonctionnement ne
peuvent être compris et maîtrisés que par des hommes
avertis. Ce besoin de connaissance et de maitrise de détails des charges
s'impose surtout à l'occasion du contrôle des filiales des firmes
multinationales dont les sièges seraient dans des paradis
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fiscaux ou non. Un manque d'informations et de
connaissances sur les questions de paradis fiscaux, de fraude et
d'évasion fiscales internationales a été noté par
exemple ; ce qui pose le problème de la non
maitrise du concept des paradis fiscaux, de leurs
caractéristiques et de leurs stratégies de fonctionnement par les
inspecteurs-vérificateurs en particulier et par un grand nombre des
inspecteurs des impôts en général. Or une meilleure
connaissance de ces juridictions permettrait de les identifier, de connaitre
leurs moyens et méthodes d'intervention et d'envisager par la suite une
lutte contre leur utilisation. Nous notons à la suite de ce constat,
l'inexistence par exemple des inspecteurs vérificateurs
spécialisés dans les contrôles des compagnies d'assurance,
des banques, des sociétés de brasserie, des
sociétés cimentières, des sociétés des corps
gras etc.... à dimensions multinationales. Ce qui révèle
une absence de spécialisation des inspecteurs gestionnaires et
des inspecteurs vérificateurs.
Dans sa gestion fiscale, un groupe peut chercher à
gonfler les bénéfices d'un établissement situé dans
un état peu imposé en diminuant corrélativement ceux qui
seront dégagés au Bénin. Il peut jouer pour cela sur
les prix de transfert à l'occasion des échanges des
biens et services. Les techniques sont souvent connues mais pas
maitrisées :
- ventes à prix insuffisant ou achats à prix
excessif ;
- redevances d'un taux excessif, voire pour services fictifs
;
- avance à faible intérêt ou sans
intérêt ;
- abandons de créances injustifiés ;
- charges communes non réparties ou mal
réparties.
Des filiales de firmes multinationales installées au
Bénin et usant de ces techniques ne se contentent dès lors que de
payer l'impôt
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B.I.C. minimum ou des montants d'impôts sur la base d'un
résultat fiscal anormalement bas. Les chiffres d'affaires sont
très susceptibles d'être manipulés aux fins de
réduire l'assiette imposable par le jeu des transactions à
l'intérieur d'un groupe, tout en faisant subsister au sein du groupe, un
bénéfice important qui sera peu ou pas imposé. Mais la
complexité du mécanisme de ces transactions pose quelques
problèmes quant à leur maîtrise par les inspecteurs lors du
contrôle fiscal. Nous notons, la non maîtrise des
techniques des prix de transfert utilisées par les filiales des firmes
multinationales.
Certains des problèmes identifiés plus haut
expliquent en partie le faible taux constaté de couverture des
contrôles externes du SCF par rapport au nombre de dossiers
programmés dans une année.
Tableau 2 : Situation des dossiers
programmés pour la vérification générale de
comptabilité par le SCF des quatre dernières années.
Années
|
2008
|
2009
|
2010
|
2011
|
Eléments
|
|
|
|
|
Nombre de dossiers programmés pour
la vérification générale
|
101
|
82
|
123
|
135
|
Nombre d'inspecteurs au
|
|
|
|
|
SCF
|
08
|
06
|
06
|
07
|
Nombre de dossiers ouverts
|
58
|
77
|
47
|
82
|
Nombre de
dossiers effectivement vérifiés/approuvés
|
37
|
40
|
57
|
38
|
Taux de vérification générale de
comptabilité effectué et approuvé par rapport au
nombre de dossiers programmés
|
36,63
|
48,78
|
46,34
|
28.15
|
Source : SCF/DGE
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La DGE dispose d'une salle des archives ;
mais cette salle était gérée par un agent chargé de
suivre les mouvements des dossiers. Cet agent a été
affecté et n'a pas été remplacé ; ce qui fait
qu'aujourd'hui les mouvements des dossiers ne sont pas suivis. Nous
déplorons ici l'absence d'un mécanisme cohérent de gestion
des postes et des emplois.
Après avoir présenté l'état des
lieux de la DGE, nous restituerons les mécanismes de fonctionnement de
la DLC.
|