WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La pratique du pentecôtisme et le développement intégral des fidèles lushois

( Télécharger le fichier original )
par Armand PASULA N'KUKITER
Université de Lubumbashi - Diplôme d'études approfondies 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

0.3 Etat de la question

La ville de Lubumbashi et beaucoup d'autres villes congolaises se caractérisent depuis quelques années par une abondante activité religieuse. Curieusement, très peu d'études scientifiques sont consacrées jusqu'à présent au pentecôtisme dans cette agglomération5(*).

D'une manière générale, un séminaire scientifique organisé par la Faculté des Sciences Sociales, Politiques et Administratives de l'Université de Lubumbashi en 1990 sur la problématique des sectes religieuses au Zaïre (Congo-Kinshasa) a mis en exergue l'importance et l'ampleur du pluralisme religieux en ce temps-là.

Aujourd'hui, beaucoup de choses ont changé. Par conséquent, certains échos issus de ce forum sont dépassés étant donné le caractère dynamique du phénomène religieux dans ce pays.

En ce qui concerne particulièrement le pentecôtisme en dehors de Lubumbashi, il faut avouer que plusieurs études de cas existent surtout en Amérique du Nord (milieu d'origine) et en Amérique du Sud, principalement au Brésil.

En effet, dans une réflexion commune, Pierre Joseph LAURENT et Claudio FURTADO6(*) étudiant le pentecôtisme brésilien au Cap-Vert, trouvent que l'Eglise Universelle du Royaume de Dieu du Cap-Vert, avec près de 20.000 fidèles sur 475.000 habitants (soit 4%), connaît, depuis une décennie, un réel succès dans ce pays archipel catholique à plus de 93%. La modernisation rapide du pays (devenu, depuis janvier 2008, un pays de développement) renvoie à un moment particulièrement instable. L'embellie économique conduit à une réforme importante de la culture capverdienne et une augmentation des inégalités sociales, ressenties par certains comme une forme de souffrance. L'Eglise Universelle répond à l'inquiétude et au doute engendrés par cette situation et ressentis plus fortement par certains groupes de population, par la promotion d'une identité positive, qualifiée de « garantie ». En tant qu'entreprise religieuse, l'Eglise pousse ses membres à s'approprier du changement comme d'un fait inéluctable de société. Par la promotion d'une morale de la conviction liée à un procès de la responsabilisation, l'Eglise met en avant la réussite individuelle qui devrait, dans la foulée libérer le croyant des anciennes formes de la solidarité, notamment celles liées à la « vieille société capverdienne ».

Cette étude nous intéresse au plus haut point dans la mesure où elle décrit d'abord la situation socio - économique difficile que traverse la population capverdienne avec un taux de pauvreté estimé par le PNUD à 36,7% et celui de pauvreté extrême à 19,7%, soit un total de 56,4% de la population (PNUD 2005)

Cette situation a presque obligé les populations d'adhérer massivement aux Eglises pentecôtistes considérées comme des entreprises qui promettent la libération sociale de ces populations. Ceci est un cas presque identique à celui que nous analysons à Lubumbashi, dans le cadre de ce mémoire.

Depuis l'oeuvre pionnière de E. Léonard, publiée au début des années 1950, de nombreux chercheurs se sont attachés à rendre compte des causes et des transformations socioculturelles induites par l'expansion pentecôtiste en Amérique latine. Deux ouvrages parus à la fin des années 1960 ont marqué de leur empreinte les études effectuées sur ce thème.

En effet, Emilio WILLEMS, comparant les cas chilien et brésilien, estime que l'expansion pentecôtiste dans la classe dominée (1967) est liée à la désagrégation du système oligarchique et au processus de migration des campagnes vers les villes qui l'accompagne. Car, dans les zones urbaines où s'organisent des mouvements sociaux en faveur de la démocratisation, les circonstances permettant la dissidence religieuse seraient plus favorables qu'en milieu rural. E. WILLEMS tient alors le pentecôtisme pour un facteur de modernisation des sociétés, en vertu de la rupture que suppose l'adhésion à ce mouvement religieux d'avec le système de valeurs et les pratiques religieuses du catholicisme populaire, qui nourrissaient jusque là les représentations de l'exercice du pouvoir7(*).

A la même époque, Christian Lalive d'EPINAY8(*) publie les résultats de son enquête sur l'essor du pentecôtisme au Chili, dans laquelle il constate que l'expansion du mouvement connaît une accélération lors de la grande dépression en 1930. Alors que le déclin de sa société traditionnelle, fondée sur l'exploitation de grands domaines, incite les populations à migrer vers les villes (qui connaissent à cette époque un fort taux de croissance), l'industrialisation du pays ne parvient pas à fournir des emplois à tous les nouveaux arrivants. D'importantes aires de pauvreté vont ainsi se constituer. Le succès du pentecôtisme auprès de ces larges couches de populations à l'abandon est interprété par l'auteur à partir de ce caractère anomique d'une société en transition. Le pentecôtisme proposerait en effet à ses membres une reconstruction idéalisée de la société traditionnelle, constituant ainsi une réponse religieuse communautaire à cet état d'anomie sociale.

Le sociologue historien Francisco Cartaxo ROLIM9(*), un dominicain brésilien, publie ainsi en 1985 une thèse soutenue à la fin des années 1970 sur la formation et l'implantation du pentecôtisme au Brésil. Dans son dernier ouvrage, cet auteur prolonge ses analyses antérieures du phénomène pentecôtiste en distinguant le niveau de la production religieuse, c'est-à-dire le processus de reformulation des croyances religieuses en fonction des expériences personnelles et celui du système social, celui-ci étant entendu comme l'organisation et le fonctionnement des Eglises. L'auteur constate alors qu'au Brésil, les Eglises pentecôtistes se sont toujours tenues à l'écart du monde politique considéré comme l'incarnation de l'impureté et des compromis du monde, s'abstenant ainsi, à la différence de leurs consoeurs chiliennes, de prendre ouvertement parti pour les militaires. Cette méfiance à l'égard de la politique persiste jusqu'aux années 1980 quand les Eglises dites néo-pentecôtistes cherchent à faire élire des députés sur la base de l'appartenance religieuse.

F.C. ROLIM interprète par ailleurs, à partir de la même dichotomie entre interprétation personnelle et orientation institutionnelle, la participation de nombreux pentecôtistes aux Ligues Paysannes, ces associations formées au début des années 1960 dans le Nordeste par de petits producteurs résistant au processus de concentration foncière. L'auteur avance que c'est la pratique sociale, et non la pratique religieuse, qui construit peu à peu la conscience sociale. Cette perspective écarte l'hypothèse selon laquelle les pentecôtistes des Ligues pourraient trouver dans leur système de croyances et de pratiques religieuses des éléments justifiant leur implication dans les luttes sociales. Bien au contraire, leur participation aux Ligues précède ici nécessairement la reformulation du sens de l'engagement social en termes religieux. Ces pentecôtistes, sur la base de l'expérience personnelle et quotidienne des inégalités sociales, seraient alors conduits à défier un temps la hiérarchie d'Eglises prônant la soumission aux autorités. Dans la plupart de ces analyses, le pentecôtisme apparaît comme un courant religieux par nature conservateur, autoritaire et aliénant.

L'étude d'un autre scientifique de confession protestante, le sociologue Paul FRESTON10(*), a également permis de porter des appréciations plus mesurées sur les conséquences de l'expansion pentecôtiste. Dans une thèse soutenue en 1993, il analyse le vote des évangéliques aux différentes élections pour dégager les changements survenus dans leur attitude à l'égard de la politique. L'auteur constate que les élections de l'assemblée constituante de 1986 marquent l'émergence dans la vie politique brésilienne des évangéliques qui, jusque là, s'en tenaient éloignés. L'image par la presse des députés élus est celle d'un groupe conservateur, peu compétent et clientéliste. De fait, les évangélistes, dont une très faible minorité est de gauche ou de centre-gauche, soutiennent, lors de l'élection présidentielle de 1989, Fernado COLLOR, candidat de la droite. Cette récente politisation des évangélistes a parfois été interprétée comme la formation d'une nouvelle droite chrétienne comparable à la New Christian Right américaine. Mais l'auteur souligne que, contrairement au cas américain, le discours des évangéliques brésiliens n'a aucun contenu idéologique et que le groupe n'est pas soutenu par une base militante. La présence des évangéliques, et en particulier des pentecôtistes, sur la scène politique traduit moins, selon P. Freston, la défense d'un projet de société que le résultat d'une stratégie de croissance religieuse, basée sur un effort de différenciation face à la gauche catholique et la perception correcte d'une communauté religieuse pauvre mais en pleine expansion devant un Etat fort et au service des entrepreneurs.

La mise à l'écart du président COLLOR en 1992 et les scandales politico fonciers auxquels ont été mêlés ceux qui l'ont appuyé ont toutefois, remarque P. Freston, favorisé la formation en 1991 d'un mouvement évangélique progressiste, auquel cet auteur appartient, dont les membres adhèrent au PT (parti des travailleurs) et s'engagent aux côtés de LULA, le candidat de gauche lors de l'élection présidentielle de 1993. Cette gauche évangélique se caractérise par des positions politiques progressistes tout en étant théologiquement conservatrice et plus insérée dans la vie des Eglises. Bien qu'aucun (ou peu) de pentecôtistes participent pour l'instant à ce mouvement, écrit P. Freston, leur rôle politique dans un contexte de misère croissante pourrait passer à travers de nombreuses transformations, d'autant que la défense d'une orientation théologique conservatrice lèverait le principal obstacle à leur adhésion. L'auteur n'écarte donc pas l'hypothèse que les pentecôtistes, dont le vote profite encore aujourd'hui largement aux candidats de droite, ne parviennent à trouver dans le fondamentalisme les bases d'un engagement politique appuyant les luttes sociales.

Les études de David STOLL et de David MARTIN établissent d'abord un constat : celui de l'avancée inexorable en Amérique latine du protestantisme dont le nombre d'adhérents devrait dépasser, selon leurs projections statistiques, celui des catholiques au début du XIXème siècle.

Sur la base d'une minutieuse description des bases américaines du mouvement évangélique, les auteurs dressent un portrait des différentes tendances qui le constituent et des conséquences de leurs interventions en Amérique latine.

En s'interrogeant sur les raisons du succès du pentecôtisme, D. Martin insiste sur son caractère indigène et indépendant, cette capacité à devenir natif qui lui permet de constituer un réseau social protecteur et reproduit quelques-unes des solidarités et des structures d'autorité. A ce point de vue d'analyse, force est de constater que la figure du pasteur, dans les Eglises pentecôtistes, prend souvent les traits d'un patron et que les relations nouées dans une congrégation s'apparentent au système clientéliste. Mais, argumente D. Stoll, la résignation à laquelle semble encourager le message évangélique, d'ailleurs plus compatible avec la posture habituelle des pauvres que celui de la théologie de la libération, sert souvent de protection cachant la résistance culturelle.

L'étude publiée par André CORTEN11(*) en 1995 répond en analysant les catégories du discours pentecôtiste, et en les mettant en relation avec celles de la théologie de la libération ainsi que celles de la gauche brésilienne. Suivant en cela la théologie de la libération, le pentecôtisme trouve, selon l'auteur, l'une de ses sources dans ce qu'il qualifie de romantisme théologique, une réalité discursive de l'émotion. La théologie de la libération, émue par la souffrance des pauvres, a fait de ces derniers une catégorie emblématique d'un projet : vivre dans la passion des pauvres en intime union avec la passion du Christ. Quand l'Eglise des pauvres se laisse prendre dans la logique cléricale et devient une élite des couches populaires coupée de plus démunis, le pentecôtisme reprend cette notion en transformant l'émotion pour les pauvres en une « émotion des pauvres ». Les manifestations émotionnelles y sont en effet nombreuses (parler en langues étrangères, musique, chant, exorcisme,...) mais, surtout, la nouvelle adhésion n'entraîne pas un changement dans les conduites, et encore moins une conscientisation comme l'entendait la théologie de la libération. Il s'agit simplement de nommer la réalité du monde des miséreux pour l'invalider par la conversion.

La lecture de ces différents travaux laisse apparaître une divergence dans l'interprétation du pentecôtisme. En cherchant à dessiner des tendances générales et à dégager les caractéristiques de ce phénomène religieux, les études sociologiques sont amenées à travailler, même si c'est pour les dépasser, à partir de couples de termes antinomiques : aliénation ou démocratisation, tradition ou modernité, renforcement ou résistance. Pour leur part, les monographies montrent les failles d'une approche fondée sur ces catégories d'analyse, en soulignant l'ambivalence du pentecôtisme dans l'usage qu'en font les populations. Ces diagnostics contradictoires proviennent en grande partie de l'adoption de perspectives traitant d'aspects distincts de la réalité : ce qui est de l'ordre des structures institutionnelles et le sens dont elles sont investies par les acteurs sociaux.

Il semble pourtant difficile d'affirmer que l'expansion de ce mouvement religieux conduit invariablement au renforcement des pouvoirs en place ou même à l'uniformisation socioculturelle. Dès que des situations particulières sont considérées (donc au niveau microsocial), la complexité de l'ensemble pentecôtiste devient évidente. La littérature anthropologique donne non seulement des exemples d'engagement des pentecôtistes dans les luttes sociales, mais aussi elle montre également le travail d'intégration d'éléments rituels provenant d'autres systèmes religieux.

* 5 Il s'agit précisément de quelques travaux de fin du 1er cycle de graduat et mémoires de licences en sociologie, antérieurs à nos oeuvres citées plus haut, qui, en général, ne nous ont pas fourni des informations nécessaires pour la présente étude.

* 6 P.J. Laurent, et C. Furtado, « le pentecôtisme brésilien au Cap-Vert », in Archives des sciences sociales des religions, n° 141, Janvier-mars, 2008, 53° année, pp. 113-129.

* 7 http://nuevomundo.revues.org/document 6O3. html

* 8 http://nuevomundo.revues.org/document 6O3. html

* 9 http://nuevomundo.revues.org/document 6O3. html

* 10 http://nuevomundo.revues.org/document 6O3. html

* 11 http://nuevomundo.revues.org/document 6O3. html

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand