Conclusion partielle
Le chapitre que nous venons d'évoquer ci-haut s'est
donné comme mission principale de faire une description de
l'Archevêque de Kinshasa en éclairant son organisation, son
fonctionnement et ses structures de base.
Notre recherche s'est orientée également vers
l'organisation des services de la communication pastorale, non plus comme
simple publication des informations ou pour la propagation de l'Evangile, mais
surtout dans une perspective de communication institutionnelle globale et
stratégique.
Le constat et les résultats de cette analyse de
l'exercice de la communication dans le sens des exigences du marketing
religieux, permet de baliser le chemin en vue d'une analyse critique froide du
discours cible de l'Archevêque de Kinshasa. Particulièrement de
s'assurer si ce discours s'est affiché indispensable pour le marketing
religieux de l'église catholique de Kinshasa. Telle sera l'orientation
que prendra notre analyse du discours à partir d'un protocole
méthodologique propre.
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CHAPITRE TROISIÈME : ANALYSE CRITIQUE DU CONTENU
DU DISCOURS D'INTRONISATION DE L'ARCHEVÊQUE DE KINSHASA
3.1. Introduction
Au terme de notre étude sur le discours comme enjeu du
marketing religieux, notre troisième chapitre s'intéresse
à l'analyse critique du discours-phare dont il est question pour cette
recherche.
Section 1 : Approche méthodologique
Nous allons nous référer à deux analyses
: du contenu et pragmatique qui vont cimenter le protocole
méthodologique approprié de cette étude.
1. Analyses de contenus et Pragmatique - ANALYSE DE
CONTENU
C'est une technique de recherche qui permet la description
objective, systématique et quantitative du contenu du discours pastoral
de l'Archevêque de Kinshasa. Nous relèverons les différents
usages applicables à celle-ci.
En effet, ces usages suivent donc le modèle de
communication classique : l'émetteur ; le processus d'encodage, le canal
; le récepteur.
A côté de ces facteurs classiques de la
communication, notre étude devra en outre ressortir les trois domaines
liés aux usages du message, ses antécédents et ses
conséquences.
i. les caractéristiques du message :
constituent les réponses à plusieurs
questions fondamentales :
a. le quoi ? : vise à chercher à
connaître les variations dans le temps d'un contenu ; les relations
entre les valeurs connues (idéologiques, cachées) et le contenu
manifeste du texte ; confronter les normes ou les critères
d'évaluation connu du message pastoral étudié. Il sera
question de confronter les fonctions de communication émise lors de ce
discours avec
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l'objectivité dévolue à tout discours de
prise officielle des fonctions (qui est censé être
programmatique).
b) Le comment ?: va permettre de relever la forme et le
style de ce message.
c) À qui ?: cette question vise à
mettre en exergue les récepteurs de ce message. L'idée de base
ici est qu'un « texte peut refléter intentionnellement les
attitudes, les comportements ou encore la culture du récepteur.
ii. Les antécédents du message :
permettent de sous-entendre la question « pourquoi a- t-on
écrit ? ». cela exhume les intentions avouées ou non-
avouées de l'auteur de ce discours, l'Archevêque de Kinshasa,
Monseigneur Laurent MONSENGWO Pasinya.
iii. Les conséquences du message : l'analyse
répond à la question : « quels sont les effets de cette
communication ? ». A ce propos, il importe de se rappeler que ces effets
prévus ne sont pas toujours ou en définitive ceux auxquels on
s'attend.
Cette recherche prendra en outre un volet purement pratique au
niveau des différentes étapes de cette analyse du contenu : la
préanalyse, la catégorisation, le codage et comptage,
l'interprétation.
1. La préanalyse
En se référant à Okomba,
nous dirons que la préanalyse est « l'analyse flottante parce
qu'à ce niveau, le chercheur sait ce qu'il a à faire en terme
d'orientation. Il sait où il veut aboutir, ce qu'il ne sait pas
pourtant, c'est ce que doit constituer le matériau de sa recherche
»64.
Cependant, la préanalyse aboutit à la
constitution du corpus de la recherche. Celle-ci consiste à une certaine
réorganisation des documents spécifiques sur lequel va s'appuyer
l'analyse et qui va permettre de répondre à la question de la
recherche au niveau de la problématique.
64 OKOMBA, W., Op. cit., p. 10.
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Il est recommandé que les séries des documents
qui feront partie du corpus soient complètes, qu'elles soient
adaptées à l'objet de la recherche ; et qu'elles soient
homogènes.
2. La catégorisation
C'est le traitement qu'on va appliquer au corpus afin de
dégager les significations pertinentes. Okomba relève cinq
exigences au stade de la catégorisation, à savoir :
a) Les catégories doivent répondre à la
question de la recherche ou l'objectif de l'étude.
b) Les catégories doivent être objectives,
c'est-à-dire rigoureusement construites avec toutes les règles
possibles. Elles doivent permettre à d'autres chercheurs dans les
mêmes conditions que nous de parvenir à construire les mêmes
catégories.
c) Les catégories doivent être exhaustives :
tous les éléments du corpus doivent pouvoir être
classés quelque part.
d) S'en tenir à l'exclusivité complète :
un élément ne peut être classé dans une et une seul
catégorie.
e) Chaque catégorie doit respecter un seul principe de
classification pour chaque élément (typologie).
D'où la formulation d'éléments qui aident
à faire la catégorisation : la substance du sujet (la
matière traitée), la forme d'expression (le ton utilisé :
fort, modéré), l'intensité du sujet traité.
3. Le codage et comptage
C'est le recours à trois unités qui permettent de
capturer le contenu. Ces unités
sont :
- L'unité d'enregistrement qui est la plus
petite de l'analyse de contenu que le chercheur va utiliser et examiner. Elle
n'est pas constante. C'est-à-dire
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qu'elle varie selon l'objet de la recherche. Pour notre
étude, l'unité d'enregistrement est le mot et le thème.
- L'unité de contexte : c'est la plus grande
unité dans laquelle s'insère l'unité d'enregistrement.
Nous nous référerons pour notre cas au paragraphe (§).
- L'unité de numérotation est
l'unité que l'on utilise pour compter les unités
d'enregistrement. D'habitude, on confond l'unité de numérotation
à l'unité d'enregistrement parce que celui-ci implique
nécessairement celui-là.
4. L'interprétation
Il est question à cette étape de l'analyse du
contenu de dégager les conséquences de l'analyse. Il s'agit
d'évaluer les résultats grâce à une opération
logique et en tirer les conclusions. Il y a une notion d'inférence qui
est fondamentale, c'est une conséquence que l'on tire de l'analyse de
contenu en prenant en considération d'autres critères.
Pour notre étude, notre préoccupation portera
sur la comparaison entre l'objet de la recherche (contenu) et d'autres
contenus.
L'analyse globale de ce discours nous conduit à relever
dans ce message d'autres éléments significatifs nous permettant
de vérifier de quelle manière le discours de l'Archevêque
de Kinshasa assure sa promotion et/ ou celle de l'Eglise catholique toute
entière.
Au delà des étapes traditionnelles de l'analyse
du contenu de discours, nous allons nous appuyer sur des recherches des deux
auteurs, Uli Windisch et Catherine Kerbrat-Orecchioni, qui ont mis en valeur
certains éléments marquant la subjectivité de l'auteur
d'un discours.
Pratiquement cela va se réaliser de la manière
suivante :
Tout d'abord, nous allons mettre en exergue les personnes :
les pronoms personnels, les adjectifs possessifs, les pronoms possessifs, les
pronoms et adjectifs démonstratifs, etc.
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Ensuite, les adverbes du type ici/ maintenant comme les
adverbes de lieu, de temps et certains compléments circonstanciels. Les
temps verbaux seront également épinglés : le
présent, le passé composé, le futur (le futur
antérieur), l'imparfait, le plus-ce-que parfait.
En dernier lieu, notre attention sera orientée vers les
subjectivèmes axiologiques, les modalisateurs -d'approximation et de
certitude- et les déictiques.
Cela dit, par rapport à Catherine Kerbrat-Orecchioni,
notre recherche entend relever dans ce discours de référence :
-les déictiques, les subjectivèmes, alors que
Uli Windisch fait appel à des marques discrètes ? On peut centrer
notre travail sur le lexique en mettant en évidence si possible, les
termes injurieux, dévalorisants, péjorés
(vitupérants) ; les verbes déclaratifs ; les verbes de jugement ;
les diverses formes de négation ; les propos non assumés, les
restrictifs.
Uli Windisch nous invite aussi à nous intéresser
de manière particulière aux marques graphiques : les guillemets,
les tirets, les parenthèses, les points d'exclamation, les points
d'interrogation, les points de suspension, les virgules, les majuscules, les
parties du discours « en gras », etc.
Aussi, cet auteur insiste-t-il sur les stratégies
discursives dont le plus importantes vont de la « citation d'une
autorité légitimée, à la citation d'une
autorité illégitimée » dans ce cas du discours
rapporté direct ou la citation. Pour le discours rapporté
indirect, il convient de prêter attention à la reformulation des
propos adverses. Et enfin, ré-qualifier les différentes formes de
négation et de réfutation.
- Les différentes formes de négation et de
réfutation :
c. La rectification : on cherche à rectifier
un contenu précédemment asserté par un rival.
d. La réfutation propositionnelle : on
cherche à réfuter un énoncé adverse ;
elle s'accompagne d'une justification ou d'une explication.
e.
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La réfutation prépositionnelle porte
sur les présupposés de l'énoncé contesté.
Ici, l'auteur ne désire même pas pénétrer les
arguments de l'adversaire ; il conteste les fondements mêmes du discours
adverse. Tout se passe comme si le locuteur voulait éviter d'entrer dans
le jeu de l'adversaire, l'expression « de toute façon »
(quelque...que) en témoigne.
f. Le démasquage : le but est de porter le
non-dit de l'adversaire au su du public. On veut rétablir la
vérité qu'on affirme, vérité occultée par le
discours adverse.
g. Le masquage consiste à chercher à
supprimer, taire, voire masquer les aspects de son idéologie qui ne
correspondent pas à la sensibilité du moment.
h. La concession, c'est l'adhésion apparente
et initiale à quelques énoncés adverses, puis
manipulation. Le but à ce niveau est de ravir le public rival, en
faisant semblant de défendre ses arguments. On fait dire, en conclusion,
le contraire aux énoncés adverses. Il est possible de recourir
à deux formes de concessions : la concession très brève,
mais portant sur un contenu essentiel du discours adverse ; et ensuite, des
véritables assauts contre tous les arrangements de l'adversaire. Ces
assauts sont un élément fondamental car la concession n'est
qu'une stratégie.
i. Ironie et simulation : le but de ces deux figures
est de ridiculiser la personne du rival et son discours. On ne cherche pas
à contre-argumenter. On fait donc apparaître les autres stupides,
ridicules et on se montre soi-même intelligent. Ceci s'appelle coup
double. C'est une constante dans le discours conflictuel.
En effet, il sied de retenir que la transformation ironique
s'opère à différents niveaux :
- Sens général du discours de l'autre ;
- Sens de certains mots-clés ;
- Forme du discours ;
- Transcription de certains phénomènes
d'intonation. Par exemple, dans le champ politique, dans une perspective
électorale, on peut dire d'un candidat qu'il est « un génie
politique !», « la force tranquille ! ». Tel est le cas du
Président Kabila Joseph lors des élections
générales en 2006.
En général, il y a des marques graphiques :
«... », !,... qui font appel à la simulation du discours
adverses dans le but avoué de l'intégrer. Mais il faut une
connaissance du
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contexte et de la situation extralinguistiques. On fait comme
si on était d'accord avec l'adversaire, mais ce n'set que pour mieux le
rejeter, en faisant rire.
j. La représentation fantasmatique, c'est la
conclusion par une sorte de condensé péjoratif (transformation
en un autre monstrueux). C'est-à-dire on reconstruit l'image de l'Autre
qui n'a plus rien avoir avec son discours. Le locuteur véhicule de
l'adversaire l'image qu'on veut de lui.
k. La stratégie de la guerre invisible : la
cible de l'attaque, l'adversaire n'apparaît jamais explicitement. Le
discours prend une forme didactique et se présente comme purement
informatif. Il faut là encore une connaissance du contexte et de la
situation extralinguistique.
- ANALYSE PRAGMATIQUE
Cette analyse voit ses débuts avec John L. Austin
(1970). Il s'opposait à la vériconditionnalité du
descriptivisme, qui consiste à considérer un énoncé
dans le rôle de déscription de l'état de chose sous le
prisme du critère du vrai et du faux. Il distingue alors deux types
d'énonciation :
- Les énonciations constatives
- Les énonciations performatives.
Selon Lukunku65, une
énonciation est constative si elle ne tend qu'à décrire un
événement. Elle est performative si elle décrit une action
du locuteur et surtout si l'énonciation accomplit par elle-même
cette action. C'est le cas de promettre, léguer, baptiser, ordonner
(prêtre) à, aimer, haïr...
En fait, c'est le contexte d'énonciation qui permet
aussi de distinguer les constatives des performatives.
Austin estime en effet que tout énoncé est un
acte de langage. D'où la définition de la pragmatique
linguistique « comme étant l étude de l'usage des
énoncés que font les locuteurs. Elle vise à
déterminer ce que l'on peut faire en se servant de la parole.
65 LUKUNKU, M., V., Notes d'Analyse du
langage, Kinshasa, Cedesurk-IFASIC, 1eres licences, 2008, pp.55-68.
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Toutefois, il faut admettre à la suite de Lokunku, une
tripartition originale de l'acte de langage en :
- L'acte locutoire ou le fait de dire quelque chose ;
- L'acte illocutoire ou l'acte effectué en disant
quelque ou valeur de ce qu'on fait en disant quelque chose ;
- L'acte perlocutoire ou obtention de certains effets par la
parole.
Chaque acte de langage comprend à son tour trois
degrés : phonétique (production des sons particuliers
des phones), phatique (production des messages dans un code
linguistique donné) et rhétique (production d'un
énoncé ayant un sens, une référence plus ou moins
déterminée.
Cependant, notre étude va relever dans ce discours de
l'Archevêque de Kinshasa, les actes de langage selon la classification de
Searle. Celui-ci définit une taxonomie comprenant cinq classes
générales : les assertifs, les directifs, les promissifs, les
expressifs et les déclaratifs.
En fait, John Searle (1972) propose d'analyser les actes de
langage par rapport aux dimensions de variation significative : le but
illocutoire, la direction d'ajustement entre les mots et le monde,
l'état psychologique exprimé
- Le but illocutoire est l'intention qu'a le locuteur
d'accomplir par sa énonciation, telle ou telle acte illocutionnaire.
- La direction d'ajustement entre les mots et le monde
: il y a un double mouvement qui s'y produit : l'illocution qui rend les
mots conformes au monde (les croyances : assertions, l'affirmation, les
postulations, etc.) ; et il y a d'autre part, l'illocution rendant le monde
conforme aux mots (l'intentionnalité : promettre, menacer, prêter
serment, s'engager, etc.)
- L'état psychologique exprimé : le
locuteur exprime à ce niveau une certaine attitude à
l'égard du contenu proportionnel de son énoncé. Lukunku
affirme que cet état psychologique correspond à la condition de
sincérité de l'acte (ordre, requête, commandement, demande,
prière, supplication).
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John Searle classifie les actes illocutionnaires en :
1) Assertifs
-But : engager la responsabilité du locuteur
(à des degrés divers) sur l'existence d'un état de chose,
sur la vérité de la proposition exprimée.
-Direction : des mots au monde
-État exprimé : la croyance que (p)
est vraie.
2) Directifs
-But : tenter (à des degrés
variés), de la part du locuteur de faire quelque chose par
l'auditeur.
-Direction : du monde aux mots
-Etat exprimé : la volonté que
l'auditeur accomplisse une action définie par le contenu
professionnel.
3) Promissifs
-But : obliger le locuteur (toujours à des
degrés variés à adopter une certaine conduite future.
-Direction : va du monde aux mots
-Etat exprimé : l'intention de la part du
locuteur d'effectuer l'acte décrit par le contenu proportionnel.
4) Expressifs
-But : exprimer un état psychologique dans
les conditions de sincérité à propos d'un état de
chose spécifié par le contenu proportionnel.
-Direction : presque la vérité est
présupposée.
-Etat exprimé : les divers états
psychologique que l'on exprime en accomplissant les actes illocutoires de cette
classe (remercier, féliciter, s'excuser, déplorer, se plaindre,
etc.).
5) Déclaratifs
-But : mettre en correspondance le contenu
proportionnel avec la réalité l'accomplissement réussi
garantissant que le contenu proportionnel correspond au monde.
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-Direction : tentative de rendre conforme au monde.
-Etat exprimé : il y a l'intention du locuteur
de rendre par l'énonciation la transformation immédiate.
C'est-à-dire la responsabilité partagée par et le locuteur
et l'interlocuteur quant à la réalisation de l'état de
chose. Par exemple : baptiser, bénir, déclarer, marier.
Actuellement nous allons procéder à
l'application de cette méthodologie sur notre cadre de
référence, le discours de l'Archevêque de Kinshasa lors de
sa prise de possession canonique.
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