SECTION 2 : PRESENTATION, ANALYSE ET
INTERPRETATION DES RESULTATS
Pour confirmer notre hypothèse selon laquelle la
majorité de couples de la République Démocratique du Congo
vit en union libre et que le législateur congolais face à cette
recrudescence ne peut garder silence, favorisant ainsi le laisser-aller. Nous
avons procédé à une enquête. Ladite enquête
s'est déroulée sur l'avenue Caravane, dans la commune de Nzanza
à Matadi dans la Province du Bas Congo.
Nous avons sélectionné un échantillon de
50 couples vivant sur cette avenue. Parmi les raisons qui nous ont
poussé à choisir cette avenue, nous avons la forte
densité de la population et la précarité de vie des
personnes qui l'habitent.
Par forte densité il faut entendre une forte
concentration de la population et par précarité de vie il faut
entendre les moyens financiers que possèdent les personnes qui habitent
cette avenue c'est-à-dire que ces moyens financiers devraient leur
permettre de pouvoir se marier légalement en versant la dot et en
suivant la procédure régulière pour l'enregistrement du
mariage ; faute de ces moyens elles sont contraintes de choisir l'union
libre comme mode de conjugalité.
Pour bien mener notre enquête nous avons établi
des fiches d'enquête qui contenaient le numéro d'ordre du couple
enquêté, les noms et post-noms ; les situations matrimoniales
des couples, le nombre d'enfants ; l'année de début de vie
commune ainsi que les diverses observations sur les couples c'est-à-dire
les raisons qui les poussent à choisir de vivre en union libre ou en
mariage.
Nous avons également procédé à
l'interview libre, laquelle nous a permis de parler en personne à la
population de notre échantillon afin de lui expliquer la manière
dont elle devrait remplir la fiche, y compris pour lui expliquer les raisons
fondamentales de notre enquête afin d'éviter la réticence
de cette dernière à nous livrer les informations fiables dont
nous avions besoin.
A l'issu de celui-ci nous avons obtenu les résultats
suivants :
§1 Présentation des données
Tableau n° 1 : Répartition des couples
par rapport à leur situation matrimoniale
Nombre de couples enquêtés
|
Couples mariés
|
Couples en union libre
|
50
|
15
|
35
|
Source : données recueillies au cours de
l'enquête
§2 Analyse des données
Parmi les résultats que nous avons, nous n'avons pu
dégager que 15 couples légalement mariés et 35
couples vivant en union libre.
Nous avons voulu comprendre pourquoi cet écart ou
mieux, ce qui est à la base de cette recrudescence des unions de fait
par rapport au mariage.
En posant des questions pertinentes aux couples non
mariés, certains nous ont révélé clairement qu'ils
se considèrent comme mariés légalement en disant que
l'homme s'est déjà présenté chez les parents de la
femme avec quelques casiers de bière sans qu'il y ait versement de la
dot. Parmi ces couples il y en avait dont la grossesse de la femme a
précédé, occasionnant ainsi cette communauté de
vie ; il y avait aussi ceux dont l'exagération du coût de la
dot et les interdictions familiales de ne pas se marier avec les descendants
d'une tribu quelconque déterminée étaient à la
base de cette communauté de vie et pour les autres, ils
considèrent cette situation comme étant précaire ou
passagère et qu'ils cherchent des moyens pour légaliser leur
union.
Nous avons recueilli les propos suivants des personnes
vivant en union libre:
§ Monsieur Mavinga nous a tenu les propos
suivants : nous nous sommes présenté chez les parents, les
deux familles se sont réunies et ont donné leurs consentements
quant à notre union donc nous ne sommes pas en marge de nos coutumes
respectives. A la question de savoir s'il connaissait quand même qu'il
existe une loi qui organise et protège le mariage en l'occurrence le
code de la famille? Il répondu qu'il le connaît très bien.
A la question de savoir pourquoi avaient-ils choisi l'union libre, avec les
conséquences qui peuvent en découler ? Il a répondu
que ces unions (mariages) que vous vantez parfois ne sont même pas plus
stable que nos unions (unions libres) nous n'avons rien à envier sur
ces gens là. Une dernière question lui a été
posée, celle de savoir s'il était d'accord que le
législateur congolais prenne une loi spéciale qui organiserait et
protégerait l'union libre ? Il a répondu que ce serait un
salut pour eux, un moyen très efficace pour lutter contre les
inconvénients surtout patrimoniaux liés à la rupture de
l'union libre.
§ Monsieur Lufundusu Bamba Patou nous a tenu les propos
ci-après : nous sommes encore des jeunes et vous le savez
très bien que la jeunesse est sacrifiée dans notre pays, nous
n'avons pas d'emploi fiable, nous vivons dans l'informel c'est-à-dire
dans la débrouillardise. Comment pourrons- nous réunir les moyens
possibles pour faire face à ces dépenses du mariage ? C'est
ainsi que nous vivons jusqu'aujourd'hui en concubinage ; nous ne l'avons
pas voulu mais c'est la grossesse qui a fait que nous soyons ensemble et comme
on s'aime tous les deux on n'a plus envie de se séparer. Si on pouvait
trouver les moyens nécessaires pour se marier on le fera. Nous lui avons
demandé cette somme d'argent s'élève a combien et quelles
sont ces dépenses précisément ? Il a répondu
que c'est d'abord la facture qui englobe les biens que les parents de la fille
demandent qui s'évalue à 1500 $ ainsi que d'autres
préparatifs du mariage qui lui semblent vraiment un casse tête.
Une dernière question lui a été posée pour boucler
notre conversation, celle de savoir s'il était d'accord que le
législateur congolais prenne une loi spéciale organisant et
protégeant l'union libre. Sa réponse était « oui
nous sommes d'accord que l'Etat congolais puisse examiner notre situation en
adoptant une loi spéciale sur l'union libre, vu la
précarité de la situation des jeunes congolais qui sont
sacrifiés, qui n'ont même pas les moyens pour honorer leurs
partenaires... ».
§ Monsieur Mangietimona Patrick quant à lui,
nous a tenu les propos suivants : moi je n'avais pas voulu cette
situation, ce sont les parents de ma concubine qui n'avaient pas voulu recevoir
ma dot du fait que moi je suis Muyombe et eux sont des gens de Bandundu. Le
père de la fille voulait que sa fille se marie nécessairement
avec quelqu'un de Bandundu. Il menaçait même de maudire sa fille
si celle-ci se mariait avec moi, nous étions obligé de vivre en
cachette parce que l'on s'aimait beaucoup et en cohabitant en cachette la
grossesse s'en est ensuivie. Finalement le père ne pouvant plus garder
sa fille avec ma grossesse était tenu de venir la déposer chez
moi ne voulant pas toujours recevoir ma dot. Par respect pour mon
beau-père je ne pouvais pas forcer sa main par la justice c'est comme
ça que jusqu'à présent nous sommes encore en union libre.
Nous lui avons demandé s'il était d'accord que le
législateur congolais adopte une loi spéciale qui organiserait et
protégerait les rapports patrimoniaux des partenaires lors de la
rupture. Il nous a répondu que cette loi sera la bienvenue pour nous.
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