Section 2. La reprise en main de la réforme du
secteur de la sécurité par le gouvernement congolais
(période après les élections de 2006)
Pour assurer le retour a la paix dans ce pays meurtri par une
dizaine d'années de guerres, l'organisation des élections
paisibles fut un premier défi. Le deuxième auquel devait faire
face le gouvernement de la république demeurait la réforme du
secteur de la sécurité.
Après les élections de 2006, le nouveau
gouvernement, se prévalant de sa légitimité populaire,
s'est engagé dans la redéfinition de ses rapports avec ses
partenaires internationaux. En
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18 Dylan Hendrickson et Missak Kasongo, La réforme du
secteur de la sécurité en République Démocratique
du Congo : enjeux stratégiques, Issue Paper No. 4: Security Sector
Reform, Center on International Cooperation, p. 5.
effet, bien d'acteurs politiques congolais estimaient que le
leadership cédé au CIAT dans la conduite de la réforme du
secteur de la sécurité hypothéquait a bien d'égards
la souveraineté nationale. Cette attitude justifia la
préférence accordée à la coopération
bilatérale en lieu et place de celle multilatérale qui
prédominait jusqu'alors. A l'argument maintes fois avancé par les
partenaires extérieurs que la RSS ne progresserait pas en raison
notamment de l'absence d'un mécanisme de coordination, les
autorités congolaises rétorquaient en présentant le
travail du CIAT qui pour, elles, n'étaient point un exemple de
succès. D'autre part, la communauté internationale n'a
cessé de réclamer alors au gouvernement de produire une approche
spécifiquement congolaise de la réforme.
L'absence d'un mécanisme de coordination au niveau
national favorisa l'émergence de l'approche bilatérale qui, pour
certains, permettait a l'Etat congolais de s'afficher directement et de faire
valoir plus facilement ses préférences. Une subdivision de fait
du travail s'imposa alors : le gouvernement congolais travaille avec la Chine
dans la réforme de l'armée, le Japon intervient dans la
réforme de la police tandis que la Suède prend le lead dans la
réforme de la justice... Bien d'autres partenaires jouent de rôles
mineurs dans l'un ou l'autre secteur. On soulignera ici l'engagement de
quelques pays africains en appui à la réforme du secteur de la
sécurité au Congo : l'Angola et l'Afrique du sud par exemple.
Mais la prolifération d'arrangements bilatéraux s'installait sans
une réelle cohérence dans les activités :
différents standards de formation, absence de doctrine de défense
unique et incompatibilités notoires dans les matériels militaires
fournis...
Cette politique gouvernementale eut notamment pour effet
l'amenuisement de l'influence des Nations Unies dans le secteur de la
réforme du secteur de la sécurité. Il devenait dès
lors difficile, malgré les moyens importants engagés par la MONUC
(transformée en MONUSCO le 1er juillet 2010), de faire émerger
une cohérence internationale au milieu de ces différentes
approches nationales difficiles à concilier. Une autre illustration du
coup porté à la coopération multilatérale dans le
domaine qui nous occupe est la manifestation des divergences entre la Banque
Mondiale et le Ministère de la défense nationale dans la conduite
des opérations de DDR en Ituri engagées en application des
accords de paix signés avec les groupes armés locaux. Alors qu'un
travail était déjà engagé avec ce premier
partenaire, un autre fut initié avec les nationaux pour mener un
programme parallèle, sous la direction du Programme National de
Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (PNDDR). Cette
opportunité fut utilisée pour réorienter les
activités de réintégration vers un nouveau programme de
sécurité communautaire.
Une autre divergence est illustrée sur l'application
des mesures d'embargo prises par le Conseil de sécurité des
Nations Unies sur la RDC. Ces mesures furent initialement prises pour casser
l'économie de la guerre qu'entretenaient divers groupes armés.
Alors même que la résolution du Conseil de sécurité
comportait une exception en ce qui concerne les acquisitions par le
gouvernement national qui devait armer les brigades intégrées ;
dans les faits, le gouvernement fut soumis a de limitations qu'il ne lui
était pas pratiquement facile d'organiser l'armement de ses troupes.
Une troisième illustration fut l'émergence des
deux plans sur la réforme de l'armée différents et presque
en compétition : le plan conçu par les FARDC avec l'appui des
experts internationaux parmi lesquels un nombre important venant de EUSEC et
qui prônait une approche classique de la RSS et celui du Ministère
de la défense nationale prônant la constitution d'une armée
forte engagée dans la consolidation de la paix et la stabilisation de
l'est du pays.
A tout ceci s'ajoute l'opinion largement partagée par
bon nombre d'officiers supérieurs et généraux des FARDC
qui considèrent la RSS comme le cheval de Troie pour certains
partenaires internationaux qui pourraient s'en servir pour imposer au pays leur
modèle personnel de réforme.
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Il convient de souligner que ces divergences se sont
apaisées mais leur survenance a eu l'effet principal d'alourdir la
marche en avant du processus, de le compliquer d'avantage et surtout de
faire
perdre du temps. Une position de consensus fut
présentée, par la partie congolaise, a l'occasion de la Table
ronde sur la RSS durant laquelle le Ministère de la défense
nationale présenta le Plan national défense. Mais encore une
fois, il fut noté le peu d'empressement du gouvernement congolais dans
la création d'une structure de supervision et de coordination de la
réforme de l'armée ouverte aux partenaires extérieurs.
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