Apéritif et sociabilité. Etude de la consommation ritualisée et traditionnelle de l'alcool( Télécharger le fichier original )par Anaà¯s Gayot Université d'Aix-en-Provence - Master 1 d'anthropologie sociale et culturelle 2007 |
c- L'apport nutritionnel des boissons fermentéesLes remèdes à l'alcool pourraient être une suggestion aux premiers penchants raisonnés des anciens pour les boissons fermentées. Si l'on se limite à ses propriétés médicinales, cet attrait pour le vin comme pour la bière s'expliquerait également pour son apport nutritionnel. Dans ce cas, l'alcool permettait de lutter contre la mal nutrition à une époque où le régime alimentaire n'était que très peu varié. Le chercheur anthropologue Dominique Fournier aborde cette question "des vertus nutritionnelles et des fonctions reconstituantes" procurées par les boissons fermentées "indispensable au travailleur de force"28(*). Philippe Gillet affirme qu'"une large part d'entre elles sont considérées comme des aliments à part entière". En effet "en buvant, on se restaure comme en mangeant". L'historien et gastronome ajoute que les fonctions nutritives de ces boissons étaient telles que certains voyageurs (dont il parle) attribuent l'embonpoint dans certaines régions où l'on abuse d'alcool29(*). Ce constat éluciderait le changement de statut social et l'image que l'on se fait de l'alcool "dégradant", dans une société qui n'a plus les mêmes besoins alimentaires qu'à l'Ancien Régime et où l'assainissement des eaux s'est généralisé (dans les pays développés). Les questions sanitaires ont joué un rôle primordial dans l'intégration de l'alcool de nos sociétés judéo-chrétiennes. Il me semble que l'apéritif et son acceptation au sein des membres des collectivités soient passés par cet aspect religieux, hygiénique et éthique. Véronique Nahoum-Grappe mentionne en note cet aspect séducteur du "boire médical" que suggèrent les termes d'"apéritif" et de "digestif"30(*). Les affiches publicitaires, dans l'ouvrage de Gilbert Fabiani31(*), illustrent autant les spécificités régionales des boissons que leurs vertus. Manger et boire n'est pas un acte simplement physiologique. Il fut, néanmoins, autant associé au divin, qu' à la fête et qu'à ses vertus. Boire, encore plus que manger, amplifie la charge symbolique de l'imaginaire religieux. Par ses effets enivrants, l'alcool incite à la communion, il donne le sentiment d'être uni, une impression de symbiose. Les cultes, dans lesquels l'alcool revêt une place singulière, se sont souvent éteints dans nos sociétés. En revanche, dans la perpétuation des traditions ancestrales, actuellement, ils perdurent sous des formes différentes et souvent connotés religieusement. Ils peuvent se manifester de manière moins cérémoniale, dans une certaine intimité : souvent lors de réunions familiales, à des moments spécifiques de la vie. Les fêtes patronales ont également relayé les cérémonies anciennes, dans ce cas toute la communauté est conviée mais les raisons de l'évènement ont souvent été oubliées. L'alcool est ainsi ancré historiquement à nos habitudes sociales et culturelles. * 28 _ FOURNIER, Dominique. 1995. « Ferments de culture ». In S. Bessis (dir.) : Mille et une bouches : Cuisines et identités culturelles. Paris : Autrement, p. 37. * 29 _ Les voyageurs Locatelli (LOCATTELI, 1905. Voyage en France, Paris) en Bourgogne et Lister (LISTER, 1873. Voyage de Lister à Paris en 1698, Paris : éditions françaises) à Paris au sujet des liqueurs fortes et des boissons sucrées. * 30 _ NAHOUM-GRAPPE, Véronique. 1989 b. « "Boire un coup..."», Terrain, n°13, (Boire). * 31 _ FABIANI, Gilbert. 2002. Élixirs et boissons retrouvés. Barbentane : Équinoxe. |
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