M.M.S.H. d' Aix-en-Provence
Master 1 d'anthropologie sociale et culturelle
Parcours 3
Apéritif et sociabilité
Études de la consommation ritualisée et
traditionnelle de l'alcool
Présenté par Anaïs Gayot, sous la direction de
Valérie Feschet
Septembre 2007
Introduction
Un apéritif en famille
Boire et manger, une sociabilité autour de la table
De l'anthropologie du boire à l'anthropologie de
l'alimentation
Une pratique résistante au temps
1ère partie - L'alcool à
travers l'histoire
I - Les boissons fermentées dans l'histoire des
civilisations
A - Le lien entre les dieux et la consommation d'alcool
a- Les premières traces d'alcoolisation
b- L'héritage gréco-romain
c- Le symbole du christianisme
B - La convivialité des banquets et symposions
a- L'enjeu politique et social des banquets
mésopotamiens
b- La philosophie des banquets grecs
c- L'abondance romaine
d- Les festins du Moyen Âge
C - Breuvages aux vertus élémentaires
a- L'eau impure
b- Vin et bière comme remède
c- L'apport nutritionnel des boissons fermentées
II - Le paradoxe religieux : un impact sur la relation
à l'alcool
A - Du rituel d'hospitalité...
a- Le vin, la boisson privilégiée
b- L'alliance par le vin
B - ... au péché
a- De sévères répressions
b- L'ivresse, un péché mortel
c- Une guerre contre les cabarets
2ème partie - L'apéritif
à travers l'histoire et l'anthropologie de l'alimentation
I - L'émergence de l'apéritif dans l'histoire de
l'alimentation
A - Du médical à la saveur
a- L'aspect thérapeutique des boissons
apéritives
b- L'impact de l'influence publicitaire
c- La valeur gustative des boissons
B - L'évolution des moeurs de table : du Moyen
Âge à aujourd'hui
a- Le début d'une révolution des principes de
table
b- Standardiser les modes de vie et "civiliser" le peuple
c- L'estime de soi
C - L'alliance des vins et des mets : une évolution
gastronomique
a- Le "coup d'avant" du "service à la
française"
b- L'expansion de la restauration hors foyer
c- Plaisir et gastronomie
II - Une documentation spécifique à
l'apéritif
A - Les descriptions des spécialités
apéritives : une source ethnographique a- Les livres de recettes
b- La diversité des apéritifs : du vin au
cocktail
1- Le vin populaire
2- La mode des cocktails
c- Les traditions régionales vues par les manuels de
gastronomies
1- Les tendances fruitées du Nord-Est
2- Les vertus médicinales des plantes des hautes
montagnes
3- Les saveurs méditerranéennes
4- L'origine des boissons apéritives dans l'Ouest
5- La valorisation du patrimoine régional
B - Les sources analytiques
a- L'anthropologie de l'alimentation
1 - Incorporer un aliment
2 - Les fonctions sociales de l'alimentation
3 - Le concept de "gastro-anomie"
4 - La structuration du temps
b- La philosophie du savoir-vivre
1 - La sobriété et le bon goût
2 - Les règles de la conversation
3 - Entre savoir-vivre et rituel
3ème partie - L'apéritif et
ses normes sociales
I - Un espace temps privilégié et
divertissant
A- "l'heure de l'apéritif"
a- Le temps de boire un verre
b- La pause des travailleurs
c- L'apéritif au sein du repas
1- L'ajustement des temps de repas
2- L'apéritif comme loisir
B - L'impact du milieu sur les manières de consommer
a- Le café, un lieu de consommation divertissant
b- La tendance des "apéros" au foyer
II - Des fonctions sociales et culturelles
A - Un jeu de rôle défini. Hommes et femmes face
à l'alcool : des stéréotypes en phase d'évoluer ?
a- Le partage des taches domestiques b- Le boire viril
c- Le carcan du boire féminin
B - L'apéritif, un révélateur
d'identité culturelle et socioprofessionnelle
a- La confrontation de deux cultures du boire
b- Appartenir à un groupe
C - Les règles du savoir-vivre et du savoir-boire dans
la socialisation
a- La cohésion du groupe
b- L'apéritif dans les manuels de savoir-vivre
c- Le savoir-recevoir
d- Les enjeux du savoir-boire
4ème partie - Limites et ouvertures
du champ d'étude
I- Les limites de l'anthropologie du boire
A - L'apéritif : une boisson alcoolisée
a- L'ambiguïté du phénomène
d'alcoolisation
b- Le déterminisme des sciences biologiques
c- Le recours à l'analyse des comportements
B - La question de l'ivresse
a- Ivresse et socialisation
b- Les normes de l'ivresse
c- L'apprentissage de l'ivresse
d- Entre intégration et désintégration
C - Le tabou de l'alcoolisme
a- La naissance d'un concept
b- Alcoolisme et pathologie
c- Alcoolisme et anthropologie
II - L'apéritif, un champ d'étude vaste
à explorer
A - La personnalité régionale des
manières de boire
a- De nettes oppositions
b- Des exemples de moeurs régionales
B - L'étude du don
a- Le don comme convenance
b- Le système des "tournées"
c- Une obligation informelle
C - La problématique du seuil
a- Une frontière symbolique
b- Entre mesure et démesure
Conclusion
Bibliographie
À propos des auteurs
Introduction
* Un apéritif en famille
La consommation d'alcool, en France, est culturellement mais
aussi historiquement ancrée dans les habitudes sociales et familiales.
Chaque région cultive son cru ou au moins donne une attention
particulière à une boisson préconisée. Dés
lors, un savoir-boire se transmet indéniablement de
génération en génération. C'est cet aspect qui m'a
orientée vers la question de l'apéritif, en tant que moment de
sociabilité enraciné dans les us et coutumes français.
L'intérêt de ma recherche s'explique par le
caractère familier de l'apéritif, intrinsèquement
lié à sa dimension transmissible. On peut le prendre avant le
déjeuner dominical ou à l'occasion de visites impromptues ou non
à l'heure convenue. Boire un apéritif permet avant tout d'offrir
une boisson et un moment de détente, convergeant avec un certain nombre
de conventions sociales. Il s'est avéré que, dans un contexte
particulier, l'apéritif a pris pour moi une forme rituelle : ma grand
mère réunissait sa famille, un soir dans la semaine, souvent le
vendredi. Au début de manière informelle, puis de manière
ponctuelle pour s'établir comme un moment indispensable à
l'élaboration de la semaine. L'apéritif était alors un
moyen pour elle de se sociabiliser puisque ce moment était
également ouvert aux amis de ses enfants et petits-enfants. Par
l'intermédiaire de l'alcool, elle devenait le centre de cette
réunion et avait une certaine popularité aux yeux des jeunes qui
en appréciaient l'usage.
L'exemple de cet apéritif matriarcal regorge de valeurs
chargées symboliquement : le devoir ponctuel de se réunir en
famille, le respect des règles d'alcoolisation, l'offrande d'alcool
donnant lieu à la détente et à la parole et rapprochant
les générations. On peut y voir également l'idée
d'accomplir l'unification familiale autour d'un personnage "pilier".
* Boire et manger, une sociabilité autour de la
table
Les motifs à prendre un apéritif sont divers et
la moindre occasion peut être justifiée sans connotation
péjorative mais au contraire très socialement valorisée.
De la simple rencontre imprévue à l'organisation
élaborée d'un dîner, l'alcool tisse le lien social. Il
donne un air de fête aux réunions comme aux retrouvailles.
D'où lui vient une telle popularité ? Son pacte avec la table
n'aurait-il pas un effet sur les représentations qu'on lui octroie ?
Religieuses, séculières, médicales ou festives, les
pratiques traditionnelles de la consommation de boissons alcoolisées se
sont, au cours de l'histoire, multipliées. Elles ont donné lieu
à des significations particulières pour le consommateur, parfois
à travers des rites qui ont émergé. Les pratiques
ritualisées les plus traditionnellement répandues se situent sans
aucun doute autour de la table. L'apéritif en occupe une place
considérable puisqu'il amorce la cérémonie du recevoir, du
repas ou de l'entrevue selon le contexte. Dans une culture où la
gastronomie s'impose, l'art et la manière de déguster mets et
boissons nécessitent des codes. Au même titre que le choix du vin
accompagnant les plats ou du digestif proposé à la fin du repas,
l'apéritif est une pratique sociale et culturelle codifiée par
des normes. Ces codes ne jouent-ils pas un rôle
prépondérant dans le procédé des échanges ?
À la maison, dans un bar ou dans n'importe quel lieu de
rencontre (restaurant, salle des fêtes, banquet, cercle, vernissage, lieu
de travail...), l'"apéro" peut être une habitude quotidienne ou
hebdomadaire. Il est souvent lié à un évènement,
plus ou moins important. De ce fait, l'apéritif fait l'objet d'un
cérémonial qui le caractérise. Il aurait pour but, d'un
point de vue médical, d'"ouvrir" l'appétit, comme le
suggère l'étymologie du mot. Son sens actuel lui donne une place
d'une autre importance : celui de communiquer, de rapprocher, de resserrer des
liens, de communier. Ainsi, l'alcool dans sa prise traditionnelle et
ritualisée, ne serait pas négligeable dans les rapports entre
individus et avec le monde. Il est, en effet, l'occasion de se réunir
entre amis, collègues ou en famille "autour d'un verre" pour se
détendre et échanger des idées, tout en grignotant. Le
moment de l'apéritif est un moment convivial mêlant divers
ingrédients pour que l'ambiance "prenne". Les saveurs du palais,
l'ébriété légère et les interactions sont de
connivence. Les langues se délient, l'atmosphère se
réchauffe et s'harmonise, la magie de ce moment privilégié
se dégage, parfois dans la passion des conversations, d'autre fois, dans
une douce complicité. Dans tous les cas, toujours rythmé par le
levé des verres qui s'entrechoquent et par le toast porté
à la "santé" de chacun.
* De l'anthropologie du boire à l'anthropologie de
l'alimentation
Le thème de recherche "apéritif" n'est pas un
thème très développé en anthropologie. Un bon
nombre d'ouvrages aux disciplines diverses comme l'histoire, la sociologie, la
psychologie et l'anthropologie survolent néanmoins le sujet. Le plus
souvent ils étudient la sociabilité dans les cafés ou
dénombrent et décrivent les consommations de catégories de
personnes. Quand on aborde un sujet dont la connotation est festive et
ambiguë par ses effets, il n'est pas surprenant que la littérature
aboutisse régulièrement au problème des dérives que
cela engendre parfois. Pour l'anthropologue Jean-Pierre Castelain1(*), les manières de boire
sont aussi des manières de vivre. Ici, l'anthropologie de
l'alcoolisation démontre que l'alcoolisme n'exclut pas la
sociabilité dans un endroit où la boisson alcoolisée est
fortement généralisée dans certain milieu
socioprofessionnel. Nous verrons que la norme française, quant aux
manières de boire, varie selon le groupe d'appartenance.
L'histoire et l'anthropologie du boire tente de montrer que
l'acte de boire (de l'alcool) est une action anodine. Il fait partie
intégralement aux moments de sociabilité et de festivité
organisés par les collectivités. Les monographies historiques ont
permis d'approfondir le sujet. Elles mettent le doigt sur les origines du lien
entre la fête et la consommation de boissons alcoolisées. On
tentera de comprendre de quelle manière la boisson alcoolisée
prend cette place de façon si évidente. L'ouvrage de Gilbert
Garrier2(*), par exemple,
évoque le parcourt complexe du vin depuis la civilisation gallo-romaine
jusqu'à aujourd'hui. Michel Faucheux3(*), quant à lui, aborde l'aspect festif du boire
dans le cérémonial de la table. L'apéritif est
évoqué, mais surtout quand il est question de la nature des
boissons. Ses vertus thérapeutiques et médicinales lui sont alors
attribuées. Quand il est question de ses effets portant atteinte
à la morale et à l'ordre public, le rôle de l'Église
est prégnant.
Ces ouvrages n'intègrent pas explicitement
l'apéritif dans sa dimension alimentaire et ordinaire. C'est pourquoi,
une documentation moins "scientifique" mais à valeur ethnographique
viendra alimenter notre recherche. La documentation gastronomique telle que le
Larousse gastronomique4(*) ou L'atlas de la France
gourmande5(*)
proposent des spécialités régionales, des
descriptions et des définitions de boissons apéritives. Les
livres de recette ainsi que les manuels de savoir-vivre et des manières
de table sont également bénéfiques. L'histoire et
l'anthropologie de l'alimentation s'offre à nous pour continuer à
explorer le sujet. Elle permet d'observer l'impact de l'évolution des
manières de table sur le rapport à l'alimentation. Elle
complète la documentation du boire d'un point de vue de la structuration
de la société au travers des repas. On se demande alors quel est
l'avenir pour l'"heure de l'apéritif" devant la mutation du
modèle traditionnel du repas français ?
Le champ d'étude du thème de
recherche propre à l'apéritif, est vaste. Qu'il s'agisse de
l'histoire et de l'anthropologie du boire ou de l'alimentation, de l'histoire
des moeurs, de la documentation gastronomique, l'apéritif peut
être étudié sous des angles multiples. Cet éventail
n'est-il pas un handicap pour la recherche ? N'allons nous pas nous
éloigner du vif du sujet pour simplement l'effleurer ?
* Une pratique résistante au temps
Quelque soit le milieu socioculturel, l'apéritif a su
s'implanter dans chaque foyer, tout en s'adaptant aux besoins de son
époque. Sa persistance au temps, son ancrage culturel et sa
popularité lui pourvoit une valeur traditionnelle. De quelle
manière l'apéritif a-t-il séduit la totalité de la
population en France ? Comment s'est-il généralisé en tant
que moment favorisant les liens sociaux, moment conforme aux normes sociales et
morales ? Je tenterai de répondre à cette question par le biais
de quatre angles de recherche.
Une approche historique et religieuse constitue un premier
point. Elle porte sur la relation des hommes avec l'alcool en
général. Il semble que les effets de l'alcool
révèlent l'aspect spirituel que les hommes entretiennent avec la
boisson. L'apéritif est une pratique culturelle où l'on
s'alcoolise. Je souhaite donc d'abord étudier l'objet "alcool" pour
trouver les origines de la pratique mais aussi ce qu'elle symbolise
inconsciemment.
La seconde perspective de recherche s'appuiera essentiellement
sur l'émergence du concept dans l'histoire de l'alimentation.
Aujourd'hui, l'apéritif fait l'objet d'un protocole, propre aux normes
issues de la société moderne. Il n'en demeure pas moins qu'il
s'est façonné au fil du temps en accord avec l'évolution
des pensées sociétales. Il serait intéressant de
comprendre de quelle manière une telle pratique fut instaurée
dans la société française comme indispensable à
l'élaboration de tout type de réception. Comment est-il devenu si
populaire pour s'exprimer hors de son contexte de table ?
Si le concept "apéritif " semble être une
notion claire et homogène pour tous français, est-il pour autant
pris selon les mêmes règles et pour les mêmes raisons ? La
connotation conviviale et l'attribution de valeurs socialisantes, permettent
à la tradition apéritive, la transmission de valeurs communes
structurant la vie en société par le biais de pratiques
ritualisées très codifiées. On peut alors se demander
quelles sont ces valeurs communes, que supposent-elles ? Comment s'organisent
et se traduisent les rendez-vous apéritifs ? Qu'apportent-ils à
la société ?
La recherche bibliographique permettra d'étayer la
réflexion et ouvrira d'autres portes. Les informations obtenues par
l'anthropologie du boire sont conséquentes. Ne constituent-elles pas un
obstacle dans la mesure où les manières de boire y sont parfois
décrites d'un point de vue pathologique ? C'est pourquoi, bien que
l'apéritif ne se réduise pas uniquement à son absorption
d'alcool, il serait maladroit d'omettre l'ambiguïté qu'il cause. Il
est possible d'étudier le moment de l'apéritif sous cet angle de
recherche comme il est possible de l'étudier sous d'autres aspects. Ce
que je tenterai de faire en guise d'ouverture.
1ère partie - L'alcool à travers
l'histoire
L'habitude de prendre un apéritif n'est pas une coutume
récente. Elle est liée à un passé fort
attaché aux multiples effets procurés par l'alcool. Avant
d'aborder en profondeur le thème précis de l'apéritif, je
commencerai donc par traiter le sujet de l'alcool en général. Je
propose d'analyser les consommations culturelles et conviviales des boissons
alcoolisées et ce qu'elles ont impliqué. Nous verrons que les
moindres occasions festives nécessitent la présence d'alcool. Il
est d'ailleurs peu probable de concevoir un repas de fête sans son
apport. On peut se demander pour quelles raisons les festivités
requièrent tant sa présence. Je m'intéresserai à la
notion historique des boissons. La place des boissons alcoolisées dans
l'alimentation et la manière dont les hommes les ont consommées
donnent, dans un premier temps, une vision globale à la recherche. Je
pourrai ainsi évaluer les changements d'attitude et d'opinion
vis-à-vis des boissons alcoolisées. Le second point, concernant
la position de l'Église, nous y aidera.
Parcourir l'histoire, pour suggérer des
hypothèses sur les fondements de l'apéritif, relève de
l'approche religieuse et de l'histoire sociale et médicale de
l'alimentation.
I - Les boissons fermentées dans l'histoire des
civilisations
Les conduites alimentaires sont certainement
antérieures à la maîtrise du feu, il y a 500 000 ans. Selon
les préhistoriens, la maîtrise du feu permit, en premier lieu,
à l'homme de faire cuire les aliments. Jean-Louis Flandrin, auteur d'une
véritable encyclopédie de l'alimentation, expose le premier
rôle de tous procédés culinaires. Cuire, assaisonner,
mariner, broyer, trancher, filtrer mais aussi le séchage et le fumage
des viandes, le salage et toutes sortes de fermentations, permettaient de
"rendre les aliments digestes et non nocifs, autant ou plus que d'en
améliorer le goût"6(*). Déjà, la maîtrise du
procédé de fermentation permit d'améliorer
l'hygiène de vie des hommes. La découverte de la fermentation
métamorphose la vie des hommes. Ils créent des potions aux vertus
"magiques", leur permettant d'accéder à un rang supérieur,
proche des divinités. La boisson enivrante prend alors une dimension
religieuse mais aura tendance à se répandre en un usage quotidien
et récréatif.
Ce bref regard sur la préhistoire montre que les
boissons fermentées et leurs effets sur le psychisme ont suscité
un intérêt à toutes époques. C'est pourquoi
l'histoire des boissons alcoolisées peut se révéler
intéressante pour notre recherche.
A - Le lien entre les dieux et la consommation d'alcool
S'il est impossible de dater les premiers contacts avec les
boissons fermentées, on sait que l'homme a utilisé l'alcool comme
objet indispensable à l'élaboration de rites spécifiques.
L'ivresse permettait d'entrer en contact avec les divinités. Les
exemples les plus connus l'attestent. Lorsque les Grecs honoraient Dionysos,
relayé par le Bacchus des Romains, ou encore lors de la
célèbre eucharistie dans le christianisme au cours de la
Cène. Toutes sortes de cérémonies spirituelles faisaient
appel à une force surnaturelle et sacrée. Comme de nombreux
chercheurs, Paul Balta, évoque ce passé lié au boire en
Méditerranée7(*). Je tenterai, à mon tour, de retracer un bref
historique des anciens modes de consommations, pour rendre compte de ce lien
énigmatique.
a- Les premières traces d'alcoolisation
Quelque soit la discipline, les recherches autour du boire
peuvent proposer un détour spatio-temporel. Je m'appuierai
essentiellement sur les analyses du sociologue Robert Chapuis8(*). La compréhension du
rapport aux aliments solides ou liquides trouve parfois une explication dans
l'histoire. On remarque qu'un peu partout dans le monde, on a donné aux
boissons fermentées un statut important au mode alimentaire. 300 avant
Jésus-Christ, les Péruviens fabriquaient de la bière de
maïs. En Inde, environ 1500 ans avant notre ère, les fidèles
absorbaient un mélange de vin, de lait, d'eau et de miel, pour
s'associer à l'ivresse divine. Dans l'Égypte pharaonique la
bière était la boisson nationale, le repas s'appelait alors
"pain-bière". Les Égyptiens produisaient des vins
réputés, moins populaires toutefois que la bière, et
réservés aux classes élevées de la
société ainsi qu'au culte divin. Le sociologue indique que la
fabrication du vin, dans cette région daterait de 3000 ans avant
Jésus-Christ. La bière est également
appréciée chez les Sumériens, en effet, à Babylone
"Nidaba" était la déesse de la bière, 4000 ans
avant notre ère. Dans l'Ancienne Mésopotamie, nous indique
l'historien Michel Faucheux, le "banquet des dieux fonde le monde et le
souverain humain, à l'imitation de la tablée divine,
réunit ses sujets autour d'un festin pour mieux asseoir son
pouvoir"9(*). La table
est ici la source de la cohésion religieuse, politique et familiale.
On pourrait multiplier les références des
représentations du sacré entre l'alcool et l'accès au
divin. Toutefois si l'alcool est présent dans toutes les régions
du globe, il n'a pas eu le même succès qu'en Occident
jusqu'à aujourd'hui.
b- L'héritage gréco-romain
L'anthropologue Martine Xiberras10(*) retrace l'histoire des
psychotropes, celle de leur usage et de leur connaissance dans les
civilisations. Elle entreprend une recherche pour mettre en lumière les
affinités entre ce qu'elle nomme les "Phantastica" et chaque
territoire. Tenons-nous au choix de l'Occident et son goût
privilégié pour les "Inibriantia". Ce sont les
propriétés doubles de l'alcool conduisant à l'euphorie
puis à la sérénité béate, qui ont
intéressé la sensibilité occidentale. Ces états
modifiés de conscience permettent, comme le suggère Martine
Xiberras, "cette libération de l'âme de ses entraves
terrestres, et procurent cette illumination intérieure, due au contact
avec les formes surhumaines"11(*).
Ce sont les Grecs et leur culte voué à Dionysos
qui scelle le lien des Européens avec l'alcool. Ce dieu du vin et de la
musique est réputé pour son action d'exaltation sur les hommes et
par ses cérémonies orgiastiques. Il prend possession de ses
fidèles grâce à l'intermédiaire de ses pouvoirs ou
de ses attributs pour leur donner l'enthousiasme et le dépassement de
soi. La vigne et le vin firent ainsi, dans la Grèce Antique, l'objet
d'une grande vénération, procurant l'ivresse mais aussi la
richesse. Ils sont un symbole de puissance et de majesté divine, un
signe de prospérité et de possession de la terre. Cette culture
du vin sera reprise par les Romains. Ces derniers exploiteront le vin à
des fins commerciales et étendront ainsi leur vigne sur les terres de
Provence12(*). Les
Romains, comme les Grecs, honoraient le dieu du vin, Bacchus, et Patina,
déesse de la boisson. Les dieux, regardant les hommes manger,
protègent la maison et s'assurent de la bonne marche du repas. En
échange, les hommes nourrissent les dieux en leur donnant en offrandes
prières et aliments ou en se livrant à des libations de
vin13(*).
c- Le symbole du christianisme
La civilisation gréco-romaine lègue un riche
héritage au christianisme. En effet, la Bible également abonde en
référence à la vigne, symbolisant le terroir, le
patrimoine, l'abondance, la fertilité du sol et la
fécondité. Le vin devient alors le trait d'union entre le monde
divin et la communauté humaine. La transformation de l'eau en vin par le
Christ fait du vin le symbole naturel de ce dernier. Mais, comme nous le
précise l'historien Jean Verdon14(*), si l'Église l'attentionne, sa diffusion
profane est autant populaire. Avant l'ère chrétienne, la
première représentation du vin incarnait la force fusionnelle
entre le groupe et l'au-delà. Au départ, la recherche de
l'ivresse correspondait à une démarche universelle souvent lors
de manifestations festives à caractère religieux. Ensuite,
souligne Robert Chapuis, le commerce profitera du succès du vin pour
exporter le "bon vin". Peu à peu sa valeur religieuse, s'en
jamais disparaître complètement, ira en décroissant.
On constate que les hommes, les boissons fermentées et
les dieux forment un trio spécifique où chacun trouve sa place.
On y repère une compréhension logique de l'ordre cosmique. Les
hommes, en tant que créateur d'une substance "magique", soumis aux
forces de la nature ; les boissons fermentées, permettant la rencontre
avec l'au-delà ; et les dieux, donnant un sens à ces
échanges, régulateurs de tensions. Quoi qu'il en soit, les
boissons fermentées, particulièrement le vin, véhiculent
symboliquement la vie.
B - La convivialité des banquets et symposions
Boire et manger est un acte essentiel à la survie de
l'homme. La nourriture (aliments et boissons) revêt, de ce fait, un
caractère spirituel. Les hommes établissent des règles
culinaires et hygiéniques. Ils organisent des temps pour s'alimenter
donnant lieux à des réunions familiales et tribales. Ces
réunions sont l'occasion de remercier et de faire honneurs aux dieux.
Mais un caractère profane s'en dégage également,
permettant des entretiens concernant les préoccupations familiales et
politiques. Le caractère profane accompagne le sacré, il est
nécessaire à l'organisation et au fonctionnement de la
communauté. Jean-Louis Flandrin souligne : "On pense
généralement que le comportement alimentaire de l'homme se
distingue de celui des animaux non seulement par la cuisine - plus ou moins
étroitement liée à une diététique et
à des prescriptions religieuses - mais par la convivialité et les
fonctions sociales du repas"15(*). Se nourrir est ainsi une activité sociale et
culturelle, les banquets en constituent le point d'orgue. Voyons ce que les
historiens nous enseignent à ce sujet.
a- L'enjeu politique et social des banquets
mésopotamiens
Dés le début du troisième
millénaire à Sumer et au plus tard au deuxième
millénaire dans d'autres régions de Mésopotamie et de
Syrie, Jean-Louis Flandrin note que d'innombrables textes attestent l'existence
de "banquets aux rites précis". Il s'agit essentiellement de
banquets des dieux ou de princes. Ces banquets sont indispensables à
l'élaboration d'une société où l'on tente
d'harmoniser les rapports entre hiérarchies et entre associés :
"Manger et boire ensemble, cela servait déjà à
conforter l'amitié des égaux, à renforcer les relations du
seigneur avec ses vassaux, ses tributaires, ses serviteurs, et mêmes les
serviteurs de ses serviteurs. De même, à un moindre niveau social,
les marchands scellaient leurs accords commerciaux au cabaret, devant un
« pot » "16(*). L'alcool ("les boissons
fermentées, cervoise, bière forte, boissons de dattes
fermentées, vin, etc.") est caractéristique de la fête
et de la relation conviviale.
En collaboration avec Jean-Louis Flandrin, Francis
Joannès présente les deux fonctions essentielles des
réjouissances mésopotamiennes à Sumer, en Babylonie ou en
Assyrie. Celles de se réunir en un groupe célébrant sa
solidarité et la mise en place d'un cérémonial. Quelque
soit le type de banquets _ réunissant les dieux, la cour royale ou des
particuliers _ les convives sont regroupés par ensembles distincts. Ces
ensembles sont le signe de l'"expression d'une hiérarchie
omniprésente"17(*). La circulation des mets et boissons entre les
groupes donne lieu à des échanges de politesse. La retenue est
une qualité essentielle à ces réunions. Bien que la
consommation de boissons alcoolisées soit primordiale, il est tout aussi
important de savoir se tenir correctement, pour le plus grand respect des
convives. Les fonctions sociales du banquet mésopotamien sont ainsi
régies par un ensemble de règles de courtoisie, auxquelles il
sied de se conformer.
b- La philosophie des banquets grecs
Si les banquets mésopotamiens exigent la
sobriété, les banquets grecs ne sont pas aussi rigoureux quant
à l'ivresse. Le vin, ce présent de Dionysos, était
apprécié par-dessus tout par la civilisation grecque. Elle
développe d'ailleurs une véritable "philosophie de la table
centrée autour du vin"18(*). La civilisation grecque permet à la vigne
d'imposer sa royauté au monde occidental. Si Dionysos instaure à
travers le vin une sorte de passion où l'homme exerce une violence
contre lui-même et autrui, le vin est aussi un principe de philosophie et
de socialité. C'est à partir de Platon que le banquet devient
symposion (une réunion de buveurs exclusivement masculins, où la
consommation de vin incite à philosopher). Loin de l'ivresse violente
dionysiaque, il devient "un espace pacifié d'où la vigueur
héroïque et brutal des anciens banquets homériques a
été chassé"19(*).
Je me suis amplement appuyée sur les récits de
Michel Faucheux qui décrit avec précision le déroulement
de ces soirées. Les Grecs, dit-il, boivent peu en mangeant. Le vin est
servi avant et après le repas. L'ancêtre de l'apéritif, une
coupe de vin aromatisé appelée propoma, est d'abord
proposée avant que le repas commence. Puis, ils se réunissent
entre amis pour boire exclusivement du vin dans un symposion, en
prolongement du dîner. Ce dernier répond à de règles
définies. On commence par des libations en l'honneur de Dionysos. C'est
le président du banquet, ultérieurement élu, qui fixe le
dosage d'eau et de vin20(*). Il décide du nombre de coupes servies aux
participants. On boit alors à la santé de chaque convive. Lors de
ces banquets, on joue la démocratie. D'une part avec l'élection
du président dont la tache est de modeler un ensemble de
libertés, de mesures et une harmonie citoyenne ; d'autre part à
l'occasion des grandes discussions. Le vin devient le médium avec lequel
l'homme philosophe. Il se questionne sur sa condition humaine, sur la
réalité, il fait de la politique et parle de l'amour. Le banquet
grec se caractérise par la recherche constante de la
vérité.
c- L'abondance romaine
Il en est autrement pour la civilisation romaine qui accorde,
lors de ses banquets, une place nettement plus importante aux plats servis et
à leur profusion. Parce que les Romains sont amateurs de bons vins, ils
sont tout de même servis en abondance "selon les rites de la
commissatio qui achève toujours la cena"21(*), mais ils ne possèdent
pas la même valeur que dans le symposion. Le banquet grec est un espace
de vérité alors que le festin romain illustre une philosophie de
la gloutonnerie, une philosophie du ventre. La quantité et la
démonstration des mets prédominent la saveur et le goût.
D'une certaine manière, la civilisation romaine tend à
s'éloigner des dieux par leur talent d'invention culinaire et par la
maîtrise du corps, alors que les Grecs sont en perpétuelle
communion avec les dieux par le biais de la boisson.
d- Les festins du Moyen Âge
Au Moyen Âge, on ne mange plus allongé mais assis
à une grande table. Fêtes religieuses, mariages,
évènements de toutes sortes sont prétexte à
festoyer. Les festins sont également soumis aux saisons. La fin du
printemps, l'été et l'automne sont des périodes
d'abondance et l'occasion de banquets. L'importance d'un festin tient à
l'abondance des mets. Le nombre de buffets se succédant varie en
fonction du caractère plus ou moins exceptionnel de
l'évènement. Toutes documentations propres à la cuisine
médiévale, précise qu'elle se caractérise par ses
saveurs épicées. Concernant les boissons, les épices
permettent de camoufler des goûts indésirables. Par ailleurs, la
recette du vin cuit fut mise en oeuvre pour améliorer le goût des
vins verts et acides22(*).
On commence, nous rappelle les historiens Jean Verdon ou
Michel Faucheux, le repas par un apéritif et le vin est servi à
la demande des convives. Ce sont des vins forts et sucrés que l'on sert
durant les banquets, les mariages (même pour les familles plus pauvres)
ou lors de la réception de personnages importants. Ces circonstances
particulières entraînent la consommation de breuvages liquoreux,
comme l'hypocras. Cette boisson s'obtient en ajoutant au vin, miel et
épices.
Il semble que la boisson "apéritive" s'inscrit dans un
contexte festif, donnant lieu à des préparatifs et des
raffinements. Elle apparaît alors, non pas comme une boisson de prestige
mais, comme une boisson que l'on apprécie pour sa douceur au goût
à des moments légers et privilégiés de la vie
collective.
Quelque soit la civilisation et l'époque, les
réunions plus ou moins orgiaques manifestent l'entente au sein d'une
communauté. Alimenter par des spectacles théâtraux et
musicaux, le lien social s'exprime autour de la table où les cinq sens
sont en éveil. Elles sont le symbole de l'organisation de la
société et l'idéologie vers laquelle elle tend. Les
rapports entre les hommes et la hiérarchie s'expriment au travers des
banquets, ne serait ce que par la place des convives. Les mets et boissons
consommés, lors de ces fêtes, expriment la
prospérité de la communauté et l'idée d'un bien
être dans une société organisée régit par des
règles.
C - Breuvages aux vertus élémentaires
La bibliographie montre les vertus alimentaires et
bénéfiques pour la santé, des effets de l'alcool. Ces
vertus sont des critères non négligeables à l'enracinement
de l'alcool dans la culture occidentale.
a- L'eau impure
Durant l'antiquité, l'épuration des eaux s'est
imposée difficilement. Peu de personnes avaient accès à
l'eau potable. Au Moyen Âge, en Provence, seul certains
privilégiés avaient des puits dans leur jardin23(*). On se méfiait alors,
précise la psychologue Martine Morenon, des "boissons non
fermentées [qui] étaient consommaient avec
prudence" car l'eau était vecteur de maladie. D'ailleurs, Louis
Pasteur considérait le vin comme "la plus saine des boissons"
et il remarqua que les "eaux étaient souillées et vite
corrompues par les germes, ceux-ci ne se développaient pas dans le vin,
boisson toujours bactériologiquement stérile et donc
salubre"24(*).
L'alcool était alors un excellent moyen de lutter contre l'absorption
d'eaux naturelles impures mauvaises pour la santé. Ainsi, dans
l'imaginaire collectif, l'alcool s'approprie des valeurs vertueuses et ne
pût qu'être élevé à un rang supérieur
puisque bienfaiteur.
b- Vin et bière comme remède
Dans son ouvrage Boire au Moyen Age, Jean Verdon
consacre son premier chapitre à l'eau. On réalise rapidement que
si l'eau est répandue, le vin est la boisson favorite des hommes au
Moyen Âge. Les hommes "trempent" ou "baptisent" leur vin d'eau car c'est
le vin qui constitue la boisson normale à cette époque. On se
méfiait de l'eau, contrairement au vin consommé parfois comme un
médicament. Les médecins étaient habitués à
le prescrire avec précaution et en petite quantité. Les vins doux
sont réputés "chauds et nourrissants", alors que les
vins amers sont considérés comme "froids et donnant de
l'appétit"25(*). Les effets vantés de l'absorption du vin sont
principalement : refaire la chaleur du corps et des membres, dissiper les
mauvaises humeurs, déboucher les conduits du foie, de la rate, des reins
et de la vessie et il facilite la digestion. Tous les médecins sont
d'accord pour mettre en garde contre les excès, mais les vertus du vin
l'emportent sur les dangers provoqués par l'abus26(*).
La bière avait aussi un avantage sur l'eau puisqu'elle
aide à se prémunir contre les épidémies. Saint
Arnould, un évêque de Soisson à la fin du XIe
siècle, est devenu le "patron des brasseurs" en
découvrant que les buveurs de cervoises étaient beaucoup moins
sujets aux coliques que les buveurs d'eau. Il permit ainsi aux malades de
guérir du choléra en leur faisant boire de la
bière27(*).
c- L'apport nutritionnel des boissons
fermentées
Les remèdes à l'alcool pourraient être une
suggestion aux premiers penchants raisonnés des anciens pour les
boissons fermentées. Si l'on se limite à ses
propriétés médicinales, cet attrait pour le vin comme pour
la bière s'expliquerait également pour son apport nutritionnel.
Dans ce cas, l'alcool permettait de lutter contre la mal nutrition à une
époque où le régime alimentaire n'était que
très peu varié. Le chercheur anthropologue Dominique Fournier
aborde cette question "des vertus nutritionnelles et des fonctions
reconstituantes" procurées par les boissons fermentées
"indispensable au travailleur de force"28(*). Philippe Gillet affirme
qu'"une large part d'entre elles sont considérées comme des
aliments à part entière". En effet "en buvant, on se
restaure comme en mangeant". L'historien et gastronome ajoute que les
fonctions nutritives de ces boissons étaient telles que certains
voyageurs (dont il parle) attribuent l'embonpoint dans certaines régions
où l'on abuse d'alcool29(*).
Ce constat éluciderait le changement de statut social
et l'image que l'on se fait de l'alcool "dégradant", dans une
société qui n'a plus les mêmes besoins alimentaires
qu'à l'Ancien Régime et où l'assainissement des eaux s'est
généralisé (dans les pays développés).
Les questions sanitaires ont joué un rôle
primordial dans l'intégration de l'alcool de nos sociétés
judéo-chrétiennes. Il me semble que l'apéritif et son
acceptation au sein des membres des collectivités soient passés
par cet aspect religieux, hygiénique et éthique. Véronique
Nahoum-Grappe mentionne en note cet aspect séducteur du "boire
médical" que suggèrent les termes
d'"apéritif" et de "digestif"30(*). Les affiches publicitaires,
dans l'ouvrage de Gilbert Fabiani31(*), illustrent autant les spécificités
régionales des boissons que leurs vertus.
Manger et boire n'est pas un acte simplement physiologique. Il
fut, néanmoins, autant associé au divin, qu' à la
fête et qu'à ses vertus. Boire, encore plus que manger, amplifie
la charge symbolique de l'imaginaire religieux. Par ses effets enivrants,
l'alcool incite à la communion, il donne le sentiment d'être uni,
une impression de symbiose. Les cultes, dans lesquels l'alcool revêt une
place singulière, se sont souvent éteints dans nos
sociétés. En revanche, dans la perpétuation des traditions
ancestrales, actuellement, ils perdurent sous des formes différentes et
souvent connotés religieusement. Ils peuvent se manifester de
manière moins cérémoniale, dans une certaine
intimité : souvent lors de réunions familiales, à des
moments spécifiques de la vie. Les fêtes patronales ont
également relayé les cérémonies anciennes, dans ce
cas toute la communauté est conviée mais les raisons de
l'évènement ont souvent été oubliées.
L'alcool est ainsi ancré historiquement à nos habitudes sociales
et culturelles.
II - Le paradoxe religieux : l'impact sur la relation
à l'alcool
La culture occidentale a subi une vague d'influence en
matière d'alcoolisation. L'alcool fut d'abord un médium pour
vénérer les dieux, puis un remède fréquemment
prescrit par les médecins ou un réconfort pour le travailleur de
force. Aujourd'hui, il est d'un côté diabolisé en tant que
"fléau social", d'un autre côté il a les faveurs de la
gastronomie. Hier comme aujourd'hui, nos pratiques subissent des influences,
voire des pressions. La religion, la politique et la médecine se
nourrissent les unes des autres pour faire véhiculer des valeurs
sociales communes32(*). Un
facteur marquant joue dans l'évolution des pensées, celui de la
religion. Puisque que la bibliographie s'y est souvent
référée, je tenterai, ici, de comprendre quel a
été le rôle de la religion, dans une société
où le culte voué à Dieu est intimement lié au vin.
L'influence de la doctrine chrétienne, dans notre société,
eut un impact relatif sur les attitudes, les habitudes et les ressentis. Il
semblerait que la morale instaurée par la religion s'accorde avec les
pratiques actuelles de l'apéritif, dans son cadre le plus
traditionnellement répandu.
A - Du rituel d'hospitalité ...
La place de la religion dans le boire et le manger est une
approche incontournable de la recherche. En effet, les moines étaient
réputés (de manière positive contrairement aux sorciers)
pour leur connaissance des vertus des plantes. Les breuvages apéritifs,
autrefois consommés à des fins thérapeutiques, entraient
dans leur composition. Les moines et des membres du clergé,
étaient aussi présents dans le domaine viticole.
a- Le vin, la boisson privilégiée
Sociologues, anthropologues ou historiens accordent une place
relative à l'influence de l'Église dans le déroulement de
notre lien avec la boisson alcoolisée et, dans un premier temps, avec le
vin. Les Romains ont importé la culture du vin, mais c'est la liturgie
eucharistique qui le fait connaître. Le vin devient la boisson
chrétienne par excellence. Robert Chapuis nous révèle que
la christianisation de la Gaule s'exprime sous la forme d'une "croisade du
vin" (boisson chrétienne) "contre la bière"
(boisson symbole du paganisme)33(*). Les chrétiens s'allient donc avec
succès au vin. Les évêques deviennent très tôt
les premiers viticulteurs des cités, veillant à la fois à
l'entretien du vignoble et au commerce du vin. Le siège épiscopal
du Moyen Âge se fonde alors dans ces lieux viticoles où l'on peut
accomplir l'office divin. Il est une source de revenu importante. Il est aussi
un lieu d'hospitalité où en échange de services rendus
dans les vignes, le voyageur peut faire une halte et se restaurer. Le
rôle du vin prend une fonction importante d'"utilité
sociale"34(*). Il est
de coutume de l'offrir à l'hôte. Plus l'invité est une
personne appartenant à une catégorie élevée, plus
on est fier de l'accueillir avec son meilleur vin, que l'on nommait "le vin
d'honneur". Le vignoble, pour le monastère, revêtait alors un
titre de gloire. Aussi, la renommée d'un vin était
attribuée grâce à plusieurs arguments et le plus grand
honneur pour un vignoble était qu'il soit le fournisseur du roi.
b- L'alliance par le vin
La sociologue Anne Gotman, dans « Alcool et
hospitalité », décrit cette alliance temporelle,
exprimée par l'alcool, entre "l'intégration de l'hôte
et sa séparation nécessaire"35(*). Le vin est ainsi la récompense de
l'hospitalité et l'hospitalité est considérée comme
un "rite d'intégration". L'alcool en est l'objet central et
intermédiaire. Il contribue donc à l'intronisation et au premier
contact de la mise en relation. C'est là que le rôle actuel de
l'apéritif prend tout son sens. Cette tradition d'offrir du vin à
l'hôte s'est perpétuée jusqu'à aujourd'hui. Elle
s'est peut-être même affinée puisque le vin n'est plus la
boisson exclusive. Les boissons varient selon le moment de la journée.
S'il fait chaud on préfèrera proposer un rafraîchissement.
Le café ou le thé sont les boissons conforment aux visites de
milieu de matinée ou d'après midi, plus communément en
hivers. Quant à l'apéritif, il est souvent offert si la visite a
lieu avant le repas, surtout en fin d'après midi. Quoi qu'il en soit, il
est d'usage d'offrir "quelque chose à boire" à l'hôte de
passage.
Devant les récits comptant l'histoire des vignobles
français et l'émergence de nouvelles traditions dans les
manières de boire, on constate une période ambivalente quant
à la perception de l'alcoolisation. De la fin du Moyen Âge,
où on élabore ce qui deviendra plus tard les
apéritifs36(*), au
XIXe siècle, période des premières campagnes
anti-alcooliques.
B - ... au péché
Devant les regards sociaux dont Véronique Nahoum-Grappe
fait allusion dans un article intitulé « Les "santés"
du crocodile en larmes, ou quelques hypothèses sur l'histoire du
buveur », l'historienne et anthropologue s'interroge sur l'histoire
du buveur. L'"ivrogne", le regard de ses voisins mais aussi les
autorités religieuses, morales et scientifiques, par des constats et
jugements, ont constamment influencé l'image des "buveurs". Si la
tendance bourgeoise a contribué à cette image par des
réprobations mondaines (décrites dans la prochaine partie), les
condamnations morales et religieuses ont fortement pesé sur les
représentations collectives de l'enivrement.
a- De sévères répressions
Le procédé de la distillation et la plupart des
apéritifs sont conçus par les moines. Ces derniers ont un lien
privilégié avec le vin, en revanche l'Église condamne
fermement l'ivrognerie. Les historiens Gilbert Garrier ou Thierry Fillaut, pour
ne citer qu'eux, évoquent cet interdit de l'ébriété
dénoncée dans les sermons au peuple. Qu'il s'agisse de la
période gallo-romaine, du Moyen Âge ou du XIXe
siècle, les prêtres proscrivent les toasts portés aux
vivants, aux morts, aux saints et aux anges. Les évêques
vitupèrent dans leurs sermons contre l'ivrognerie qui "use le corps
et dégrade l'âme" relève Gilbert Garrier37(*). En effet, au Moyen
Âge le peuple s'enivrait beaucoup lors des fêtes. Hormis ces
moments, les dérives de l'ivresse furent l'objet d'une
sévère répression. Par ailleurs, Charlemagne puis
François 1er avaient institué des peines allant des
châtiments corporels à l'exil38(*). Aussi, les blasphèmes dus à l'ivresse
étaient jugés plus graves que les homicides ou autres
inconvénients provoqués par l'ébriété.
b- L'ivresse, un péché mortel
"S'enivrer est un péché capital"
explique Thierry Fillaut. Dans Les veillées d'un
presbytère publiées à Vannes en 1848, l'historien
cite les fautes conduites par l'ivresse : "perte de temps, paroles
obscènes ou insensées, chansons infâmes, médisances,
calomnies, violation du secret, actions impudiques, blasphèmes,
colères, rixes, homicides, vols, outrages faits aux pères et
mères, négligence de ses devoirs, mépris des lois de
l'Église, scandale du prochain et peut-être encore bien d'autres
péchés."39(*) La pensée religieuse est ainsi présente
dans les textes moraux et normatifs, le Dictionnaire des cas de
conscience, régulièrement mentionné par les
chercheurs, réprouve les comportements excessifs faisant offense
à Dieu. Celui du Père Pontas, paru en 1758, condamne l'ivresse
comme un "péché mortel". Il dit : "si le vin est un
présent de Dieu l'usage immodéré du vin est une invention
du Diable"40(*). Il
est toutefois considéré comme un réconfort pour le
travailleur, une récompense de l'effort.
c- La guerre des cabarets
La bataille des forces religieuses et morales, parfaitement
décrite par l'ethnologue Jocelyne Bonnet et par l'historien Gilbert
Garrier, est fixée sur les consommateurs. Les cabaretiers sont, quant
à eux, davantage méprisés puisqu'ils servent leurs
boissons à toutes heures, jours de fête et dimanche inclus. Mais
pire encore, le cabaret fait concurrence à l'église et occasionne
bruit et désordre. Il est alors perçu comme une "contre
Église", comme "la perte et la ruine de nos
paroisses"41(*),
comme le "parlement du peuple"42(*), que l'on cherche à fermer le dimanche.
L'approche moralisante des temps de repos tentera, dans sa lutte contre le
péché, de faire fermer les débits de boissons et de
règlementer les distractions traditionnelles (consommation d'alcool et
fréquentation des cabarets, chants et danses, fréquentation des
spectacles...)43(*).
Toutefois les interdits ne cessent d'être violés, le peuple est
trop attaché à la détente et aux divertissements que
procurent ces lieux. Il est clair que la consommation d'alcool suscite la
crainte du pouvoir catholique et du pouvoir politique par extension. Ce dernier
ne cessa d'augmenter les taxes liés aux débits de boissons.
Lucienne Roubin expose les difficultés des chambrettes qui sont pour la
plupart des "cabarets clandestins"44(*). Boire collectivement dans des endroits
appropriés permet au peuple de se réunir, entraîne la
solidarité autour de l'alcool, favorise les conversations
contestataires, et ce dont craint le plus les autorités est sans doute
l'éveil des consciences. Les réunions alcoolisées sont
finalement perçues comme un contre pouvoir qu'il est
préférable de maîtriser.
Le pouvoir ecclésiastique a ainsi conditionné
durant de nombreux siècles les manières de boire. Les traces de
ce façonnement des idées sont imprégnées dans les
mémoires collectives. Qu'elle soit bonne pour la santé ou au
contraire un poison pour le corps et l'esprit, la boisson alcoolisée
revêt une double connotation toujours présentes dans les
comportements. Bien que les moeurs aient évolué, nos gestes,
paroles, actes et pensées sont ancrés et régis par un
passé chargé d'interdits d'ordre moral.
Aujourd'hui, aller boire un apéritif à la sortie
du travail, n'est-ce pas une manière conventionnelle et
tolérée par tous, pour décompresser ? N'est-ce pas une
adaptation sociale à une pression morale et religieuse anciennement
exercée ? Lorsqu'on étudie la question du boire au travers la
pensée religieuse, on s'intéresse finalement à une
anthropologie politique qui explore, nous rappelles Lionel Obadia,
"les institutions, formes du pouvoirs, luttes des idées et des
hommes, mouvements anti et pro-alcooliques..."45(*). Effectivement, l'ambivalence
dans laquelle se trouve la réflexion accordée aux boissons
alcoolisées répond également à des enjeux
économiques et politiques important que la littérature ne
rapporte étrangement que succinctement.
On repère clairement la place des boissons
fermentées dans les sociétés, depuis au moins
l'époque sumérienne. Elles contribuent fortement à la
cohésion du groupe, en s'intégrant régulièrement
aux repas et aux fêtes religieuses, politiques ou autres. Pour revenir
sur notre problématique précise, on remarque que ce travail
historique met en valeur l'aspect thérapeutique des apéritifs et
de l'alcool en général. On comprend mieux les "à votre
santé !". Cette phrase qui résonne à chaque toast est
finalement en décalage avec les idées actuelles
définissant l'alcool comme mauvais pour la santé. Les gestes et
les expressions du boire, si souvent empruntés lors de
l'apéritif, sont le signe de la présence d'un passé enfui
dans les mémoires mais toujours prégnant. On a vu comment les
rôles positifs, attribués à l'alcool, se sont si fermement
installés. La culpabilité, sentiment propre à
l'idéologie chrétienne, de boire des boissons enivrantes, a
probablement pu s'annihiler, ou s'atténuer, si on leurs accordait des
raisons moralisantes et justifiées. Amado Millan évoque ainsi la
question du scrupule alimentaire. Il place les boissons alcoolisées
transparentes et les boissons pétillantes au plus haut degré de
scrupule. Le contrôle social permet alors de maintenir l'ordre
alimentaire et évite la transgression des normes46(*).
2ème partie - L'apéritif à travers
l'histoire et l'anthropologie de l'alimentation
Dans les manières alimentaires, l'imprégnation
ancienne des valeurs transmises et enseignées est telle, qu'on oublie
parfois l'origine de gestes, de paroles ou de pratiques, pour agir
mécaniquement. "Incorporer" des aliments, et plus encore des
boissons alcoolisées, c'est, nous dit Claude Fischler,
"incorporer" matériellement et symboliquement tout un
imaginaire. Participer à un apéritif, boire une boisson provoque
en chacun la représentation d'un moment enseigné par une
tradition culturelle et familial, mais aussi fantasmé. Cette perception
imaginée provient d'une histoire commune véhiculée par
divers supports (oral, écrit, télévisé...).
Aujourd'hui, l'apéritif, intimement lié aux
habitudes de table, fait d'autant plus l'objet de préparations
imaginatives, qu'on le retrouve dans les milieux les plus variés de la
société française. Comment, au fil du temps, s'est-il si
parfaitement associé à l'organisation des habitudes alimentaires
? D'ailleurs, quelle est sa place dans l'alimentation actuellement ? La
documentation nous donnera quelques éléments de réponses.
Nous verrons, par une documentation historique son cheminement dans
l'alimentation française. Par une bibliographie plus variée
(ouvrages anthropologiques, livres de recettes et de savoir-vivre), nous
poserons le regard actuel d'une pratique très en vogue.
I - L'émergence de l'apéritif dans
l'histoire de l'alimentation
Lorsque l'on se réfère à l'histoire, on
s'aperçoit que l'apéritif recouvre plusieurs visages. En effet,
il existe une marge conséquente entre ce que l'on nommait
apéritif au XIIIe siècle et l'apéritif que l'on
connaît aujourd'hui. Le premier est un terme de médecine ancienne.
Il désigne des "médicaments qui ouvrent les voix
d'épuration, c'est-à-dire les sudorifiques, diurétiques,
purgatifs ", nous enseigne Le Robert Dictionnaire Historique de la
Langue Française47(*). Loin du sens qu'on lui confère
aujourd'hui, l'apéritif est une boisson souvent accompagnée
d'"amuse-gueules"48(*). On le prend avant le repas et de nombreux bars
exploitent le concept en proposant toutes sortes de formules. Le "happy hour"
en est une. Il attire la clientèle souvent de dix-huit à
vingt-et-une heures. Durant ce lapse de temps, dés que le client
achète un apéritif, l'établissement lui offre le
même.
Comme nous l'avons constaté dans la partie
précédente, les boissons fermentées se sont
progressivement imposées au paysage alimentaire et spirituel des
traditions humaines. Quand est-il alors pour l'apéritif ? Quelle est son
histoire et qu'est-ce qui a pu faire sa particularité, celle
d'être pris avant le repas, et sa singularité, celle d'être
valorisée socialement ?
A - Du médical à la saveur
Il est intéressant de voir l'évolution d'une
pratique. Celle de l'apéritif est rebondissante. Voyons, ici, les divers
visages qu'il revêt.
a- L'aspect thérapeutique des boissons
apéritives
Les boissons apéritives sont constituées
à base de plantes reconnues pour stimuler l'appétit. On les
utilisait au Moyen Âge à des fins thérapeutiques et non
gastronomiques car on croyait aux vertus des vins herbés ou
épicés. Peu de temps après, apparurent seulement "les
hypocras, les vermouths, les amers et les vins doux"49(*). Aujourd'hui encore, le
génépi, désignant la liqueur comme la plante, est reconnu,
nous explique Pierre Lieutaghi, par tous les briançonnais comme une
véritable panacée50(*). Dans ces régions des Hautes Alpes le climat
est rude. De nombreuses liqueurs à base de plantes telles que le
génépi, mais aussi la gentiane, l'hypose, le genièvre, le
tulissage, la guimauve etc. sont des remèdes ancestraux contre les
"coups de froid"51(*). Ceci dit, même si ces alcools n'étaient
pas encore utilisés avant le déjeuner et le dîner, les
Romains buvaient des vins dans le même but d'ouvrir l'appétit.
"Ils [les apéritifs] s'inscrivent dans la très
ancienne lignée des vins parfumés des Romains et des vins
miellés et aromatisés des tables médiévales, comme
l'hypocras. Leur fonction était bien déjà
d'éveiller l'appétit" nous renseigne l'historien Gilbert
Garrier52(*). Du
XVIe au XIXe siècle, les muscats et les champagnes
doux s'installent progressivement. Ils seront très
appréciés après 1870. C'est d'ailleurs à la fin du
XIXe siècle que les boissons apéritives se
répandent, continue l'historien. Elles prennent leur statut actuel, par
le biais de la littérature d'une part, et par les nombreuses campagnes
publicitaires vantant les mérites de ces vins apéritifs.
b- L'impact de l'influence publicitaire
En 1900, explique Gilbert Garrier, le vin français se
vend mal. Pour relancer le marché de l'alcool, on n'hésite pas
à faire appel aux sciences médicales. Certes des plantes aux
"qualités médicales incontestées" composent ces
breuvages : des vins (Quinquina, Byrrh, Guignolet etc.)
préconisés pour leurs vertus, sont dits "tonifiants",
"toniques" et "régénérateurs". Entre la
fin du XIXe siècle et le début du XXe
siècle, les formules : "Appétit, force et plaisir, chaque
jour buvez du Byrrh", "Au quina, au fer et à la viande",
"Dubo, Dubon, Dubonnet" sont des slogans qui affluent53(*). Les apéritifs sont
recommandés pour tous. On offre une image positive de la femme
élégante, distinguée et "mondaine", buvant un
verre. Ce sont alors des slogans, cette fois-ci, à connotation sexuelle
qui fleurissent. On peut voir des affiches où un médecin et une
demi-mondaine vante un apéritif, "l'absinthe parisienne", en
proposant aux passants : " Bois donc, tu verras après"54(*). Ces campagnes,
relançant le commerce de l'alcool, font l'apanage des distillateurs.
Soulignons que "cette vogue des apéritifs" coïncide avec
les campagnes massives anti-alcooliques55(*). Le concept d'anti-alcoolisme apparaît par
ailleurs durant cette même période de la seconde moitié du
XIXe siècle. L'alcoolisme, dont Véronique
Nahoum-Grappe évoque, est considéré comme "maladie du
corps et tare sociale"56(*). Si l'ivresse est condamnée par les textes
religieux et moraux, elle ne l'est pas médicalement car "le geste
de, l'invitation à, « boire un coup » est anodin moralement et
bénéfique physiquement, puisqu'il s'agit le plus souvent de boire
du vin ou de l'eau-de-vie, boissons qu'un médecin peut
prescrire"57(*).
c- La valeur gustative des boissons
Aujourd'hui, boire un "verre" n'est plus connoté par sa
représentation médicale, bien qu'elle en soit toujours
imprégnée. La saveur des breuvages est plutôt mis en avant.
Ainsi, Jean-Pierre Albert, dans un article intitulé « La
nouvelle culture du vin »58(*), ou encore les « manières de
boire » de Thierry Rosso59(*), exposent cette tendance de la
"dégustation". Les goûts et les odeurs remplacent l'atout
médical des boissons. Les "clubs d'oenologie" ou encore les
"« bars à vin »", se multiplient.
On souhaite devenir des amateurs et connaisseurs de vin. Éduquer son
palais, boire intelligemment, distinguer le bien-boire du mal-boire par sa
connaissance gustative est une attitude promue. Une affiche publicitaire,
récemment, explore cet aspect gustatif. Deux grands verres de
bière de marque Leff, et des assiettes garnies
d'"amuse-gueules" suggèrent d'apprécier la qualité de leur
boisson, enrichi par le slogan : "Autant de saveurs que
d'apéritifs".
On réalise à quel point les prescriptions et
influences médicales ou scientifiques, ainsi que les promoteurs des
ventes d'alcool ont joué (et joue toujours) un rôle primordial
dans le mouvement des comportements sociaux et dans les représentations
collectives. Les arguments du XIXe siècle, prônant les
effets sur la santé et sur la libido, ne pouvaient que porter ses fruits
sur les manières de concevoir et d'approcher les boissons enivrantes.
C'est justement parce qu'elles sont enivrantes et la cause de désordre
public, social et moral, que les boissons alcoolisées suscitent toujours
de l'ambivalence de la part, notamment, des instances religieuses. Cependant,
diabolisé ou vénéré, l'alcool va au delà des
questions religieuses, économiques ou sanitaires. Il est, en effet,
ancré dans les pratiques populaires. Les arguments se succèdent
et évoluent dans le temps, pour répondre aux besoins du
consommateur.
Prendre un apéritif aujourd'hui ne suscite pas
l'improbation de la société, bien au contraire. Comment a-t-il
réussi à supplanter la vague anti-alcoolique du XIXe
siècle ? Comment sommes-nous passés du médical à la
saveur ?
B - L'évolution des moeurs de table : du Moyen
Âge à aujourd'hui
Savoir se tenir à table, connaître les codes et
les règles sont des comportements assimilés au fur et à
mesure du temps, dans un objectif précis. Manger sur une table, se
servir d'une fourchette et d'un couteau, boire dans un verre ou encore manger
dans une assiette individuelle, sont des comportements acquis. Je m'appuierai
essentiellement sur l'ouvrage de Norbert Élias, La civilisation des
moeurs60(*),
pour comprendre quelle idéologie est à l'origine de ce
processus de changements des moeurs de table. Il y énonce des
préceptes datant du XIIIe siècle et les analyse, dans
un chapitre intitulé « Comment se tenir à table ».
a- Le début d'une révolution des
principes de table
Trois termes, explique Norbert Élias, marquent trois
étapes d'une évolution sociale : la "courtoisie", la
"civilité" et la "civilisation".
C'est au Moyen Âge que l'on se préoccupe des
façons de se tenir à table, en particulier au moment de la
chevalerie féodale. À cette période, on mange avec les
mains, la serviette de table n'est pas d'usage et le pain la remplace, les
convives ont un verre pour deux, on mange dans un plat commun, etc. De nombreux
changements se mettent doucement en place pour accéder à ce que
Norbert Élias appelle la "civilisation des moeurs". Entre les
XIIe et XVe siècles, on tente de codifier les
manières de se tenir à table, à l'aide de guides de
savoir-vivre. Souvent établis par les membres du clergé ou des
poètes, ils demandent aux "enfants" d'adopter des attitudes
respectables. On parle alors de "courtoisie". Apprendre à se
contenir, créer un véritable art des convenances sociales
orientent le comportement de l'homme en société. Selon Michel
Faucheux, ces nouvelles manières tendent à renforcer le lien
social par un idéal de partage de règles dites
"civilisatrices"61(*). Un
manuel de savoir-vivre du XVe siècle indique : "Enfant,
se tu faiz en ton verre / Souppes de vin aucunement / Boy tout le vin
entierement / Ou autrement le gecte à terre"62(*). L'exemple de ce vers est
explicite. Respecter les règles d'hygiène était
préférable, quand on sait que, lors d'un repas, deux personnes
buvaient dans un même verre. Norbert Élias tente de nous montrer,
dans son ouvrage, qu'au fil des années et des siècles, les
indications se perfectionnent. Au Moyen Âge, par exemple, on
préfère boire d'un trait. En revanche, à la Renaissance,
on s'applique à boire de petites gorgées.
b- Standardiser les modes de vie et "civiliser" le
peuple
La modification des moeurs de cour s'opère à
travers les siècles, elle fait naître le sentiment de ce qui est
honteux et dégoûtant. Elle privilégie alors le
"raffinement". Être digne de la classe à laquelle on
appartient nécessite la soumission à des règles de
"civilité". Ces manières, d'abord associées aux
classes supérieures de la société cherchant à se
distinguer des autres classes, sont transmises, "médiatisées" par
des manuels de savoir-vivre. Elles sont destinées a priori à
l'aristocratie provinciale, désireuse de suivre les dernières
modes de la cour. Suite à la Révolution, les bourgeois
s'enrichissent et accèdent à un niveau social plus
élevé. Ces mêmes manuels vont alors leur permettre d'imiter
l'élite à laquelle ils s'identifient.
On assiste à une transformation rapide des
manières de table entre le XVIe et XVIIIe
siècle. Les "contraintes sociales s'exercent sur les convives visant
à des normes nouvelles en matière de savoir-vivre et de tenue
à table"63(*).
Suivre ces normes, c'est respecter son rang, c'est être des gens
"civilisés". Contrairement à l'aristocratie, la classe
bourgeoise, à une époque des "lumières" où l'on
souhaite réduire les inégalités sociales, veillera
à standardiser les modes de vie. Aussi, les milieux
ecclésiastiques contribuent avec d'autres, à vulgariser les
usages de la cour, afin de "civiliser" le peuple. Dans une
société non laïque, l'Église se donne la
responsabilité d'éduquer les couches inférieures. Elle
trouve dans ces "modèles", l'expression de ses valeurs : la
normalisation et la réglementation des comportements, la maîtrise
des affects, la discipline modérée sont propres à la
morale chrétienne. C'est ainsi qu'à la fin du XVIIIe
siècle, comme le rappelle Norbert Élias, les manières de
table et le savoir-vivre sont acquises par les classes dirigeantes. Elles sont
en train de se généraliser à la société tout
entière, bientôt "civilisée".
Jean-Nicholas Deumeunier qui récapitule, à la
fin du XVIIIe siècle, le savoir anthropologique de son temps,
nous explique succinctement en quoi consiste les solennités accompagnant
le repas : "Quelques unes sont relatives à la propreté, on en
institua d'autres pour entretenir l'esprit des sociétés et se
donner mutuellement des marques d'amitié"64(*). Contrairement à
Norbert Élias, l'auteur apporte une explication concrète aux
"cérémonies" de table. L'importance de l'hygiène
dans un premier temps, les manifestations de considération qu'implique
une société digne dans un second temps.
c- L'estime de soi
La ritualisation de notre vie actuelle et quotidienne s'est
ancrée dans un processus temporel et hiérarchique. Boire et
manger en société, faire partie d'un groupe , entraînent
des règles. La bienséance doit alors être respectée
pour manger et boire en compagnie, ce que maints auteurs ont enseigné
à travers les époques. Aujourd'hui, les différentes formes
de savoir-vivre semblent être stabilisées. Évidemment, il
existe des variantes entre les classes sociales. Celles-ci, néanmoins,
sont moins flagrantes qu'auparavant. Les inégalités sociales ne
sont pas bien vues dans notre société moderne. Aussi,
l'imprégnation de ces codes, l'ethnocentrisme qui en découle, est
tel que les sociétés modernes font souvent l'amalgame entre la
pauvreté et la tradition. On cherche à se conformer aux
convenances, devenues des normes, pour ne pas se sentir étranger aux
moeurs de la société, voir même provoquer le
dégoût chez l'autre.
La pratique ritualisée de l'apéritif s'enclave
dans ce dynamisme. Elle s'insère dans cette volonté
d'acquérir des règles raffinées dictant une attitude qui
ne dérange pas. L'invitation à l'apéritif, nous le
verrons, requière un dispositif particulier de savoir-faire,
d'acquisitions de règles pour mettre à l'aise les convives.
Finalement, la convivialité recherchée se situe dans l'estime de
soi, insinué par le regard des hôtes.
L'adoption des heures de repas, la composition de ceux-ci,
l'alliance des plats et des vins, les manières de table et l'ordre des
plats servis aident à l'entendement du modèle alimentaire. Il est
le résultat d'un processus de standardisation soumis à une
volonté de différencier le "sauvage" du "civilisé".
Voyons quel a été le poids de la gastronomie naissante dans cet
environnement. Quelle place donne-t-on à l'apéritif ?
C - L'alliance des vins et des mets : un impact pour la
gastronomie
La fin du Moyen Âge est un moment précurseur dans
l'évolution des moeurs. Dans ce même temps, et
particulièrement le XIXe siècle, la place de l'alcool
sera désormais incorporée à la gastronomie
française.
a- Le "coup d'avant" du "service à la
française"
Jusqu'alors, l'héritage des tables du Moyen Âge
offrait de nombreux plats dont on avait le choix, mais le vin ne s'apportait
que si on en demandait. On buvait alors pour assouvir la soif en début
et fin de repas, ou d'un trait à la santé ou en l'honneur
à autrui65(*). Le
sociologue Jean-Pierre Poulain nous éclaire sur les origines de
l'apéritif66(*).
Durant l'Ancien Régime, les aristocrates utilisaient une
procédure de services en trois tables successives. On la nomme le "grand
service à la française". Ces services suivent des règles
précises. De nombreux plats sont à la disposition des convives
qui grappillent dans les séries de mets. Chaque service, continue le
sociologue, se découpe en trois "coups". Le coup d'avant est servi lors
du premier service. On boit un vin ordinaire souvent coupé d'eau, tout
au long du repas. Alors que pour le coup du milieu et le coup d'après,
les vins varient. Le coup d'avant est clairement perçu comme
l'ancêtre de l'apéritif contemporain. Accompagné de hors
d'oeuvres, le coup d'avant, nous rappellent les textes anciens, détenait
des qualités apéritives. Notons que selon sa place à
table, on était plus ou moins avantagé dans le choix des mets.
La hiérarchie sociale s'exprime explicitement dans cette organisation.
C'est pourquoi après la Révolution, le "service à la
Russe", dans les années 1880, nous précise Michel
Faucheux67(*), prend le
relais du "service à la française" médiéval. Le
"service à la Russe" se caractérise par une succession de plats
individuels, en un ordre préétabli, dans un menu unique. La
qualité sera donc privilégiée à la quantité.
Bien qu'il s'accompagne de l'idéologie
égalitaire pré-révolutionnaire, ce changement de statut
prend forme avec l'essor d'une nouvelle société qui souhaite se
distinguer par les valeurs de la table. Le choix de mets, accompagnés de
vins de renommés et à la mode comme le champagne68(*), permet cette distinction.
b- L'expansion de la restauration hors foyer
La tradition associant plats et vins fut empruntée
à une "montée en puissance de la restauration hors
foyer"69(*) dont le
XVIIIe siècle se caractérise. Avant la naissance du
restaurant moderne, les auberges sont très répandues. Se sont des
débits de boissons alcoolisées, destinées aux voyageurs,
auxquels on servait des repas. Mais l'objet principal de ce commerce
était de proposer du vin, de la bière ou de l'eau-de-vie.
Jean-Robert Pitte précise que ces établissements,
"destinés à une convivialité bruyante", servaient
davantage des plats simples et bon marché plutôt que des plats
élaborés70(*). On pourrait voir, dans ce genre de structure, un
héritage aux "bars tapas" contemporains.
L'expansion des restaurants s'effectue avec l'habitude
aristocratique de prendre de bons repas aux restaurants. Ces derniers suivent
le modèle du "service à la Russe". Le nombres de plats
étant réduits, on propose des vins d'accompagnement. Il n'y a pas
encore une recherche véritable entre vins et mets. Il faut savoir que ce
n'est qu'au début du XIXe siècle que les vins auront
la particularité d'être associés aux plats. Gilbert Garrier
fait un excellent résumé de ces changements précurseurs de
nouvelles manières de table : "La levée progressive des
intérêts religieux, la recherche de la distinction aristocratique
par la table et la cave, l'émergence d'une bourgeoisie fortunée
désireuse de copier les habitudes des grands, les opinions émises
par les écrivains et des artistes ont contribué, dans la seconde
moitié du XVIIIe siècle, à la mise en place de
nouveaux rapports sociaux et culturels avec le vin. Par la caution des
gastronomes, un lien est désormais établi entre la cave et la
table : il ne cessera de se renforcer au XIXe siècle de la
bourgeoisie triomphante et au XXe siècle des nouveaux
raffinements dans l'art de vivre"71(*).
c- Plaisir et gastronomie
Jean-Anthelme Brillat-Savarin (1755-1826),
considéré comme le premier et le plus grand des gastronomes,
excelle en matière de gastronomie, de savoir recevoir, et de
savoir-vivre. Il vante les plaisirs de la table et attache la moindre
importance aux détails de celle-ci, jusque dans l'ordre des boissons.
Ainsi, lors d'un repas, il est recommandé de commencer par les boissons
"les plus tempérées" et de finir avec les
"plus fumeuses et parfumées"72(*). Boire du bon vin, apprécier les
délicatesses de la table, la dégustation sont des qualités
requises. La convivialité, le goût, l'alcool qualitatif et la
sobriété sont les éléments nécessaires aux
soirées bourgeoises que propose cette nouvelle culture du boire.
Pierre Andrieu73(*), quant à lui, en 1939, dans une
"théorie et pratique de l'ordonnance des vins dans le menu",
conseille d'ouvrir l'appétit par un bon champagne ou du vin blanc sec.
Incontestablement, l'apéritif se répand avec finesse dans ces
réceptions où les plaisirs du goût en sont indissociables.
A cet égard, Didier Nourrisson invoque "le début d'une
révolution des pratiques du boire", quand il fait l'étude
des romans de l'humaniste Eugène Sue (XIXe siècle), il
ne peut s'empêcher de remarquer "la présence de vins
apéritifs". Il précise que le personnage Dr Gasterini est un
bon vivant qui sait marier les vins aux mets74(*). Selon lui, l'éloge du boire et de la
gourmandise, chez Sue, "doit se comprendre dans une perspective
sociale" puisque la consommation alimentaire relance les industries dont
elles dépendent. De ce fait, elle permet d'améliorer les
conditions de vie, en matière de besoins et d'envies alimentaires, des
masses. Un souci d'ordre social et humaniste se précise à cette
époque au travers l'alimentation. Il accompagne logiquement
l'évolution des comportements de la table et la volonté de
généraliser ces comportements à l'ensemble de la
société.
La gastronomie s'est imposée progressivement dans le
paysage français, d'abord à travers l'aristocratie puis la
bourgeoisie "triomphante", pour se généraliser à
l'ensemble des familles de tous les milieux sociaux. Cette gastronomie ne
favorise pas seulement les préparations culinaires et ses associations
avec le vin. Elle privilégie également la rencontre, les
conversations, l'art de recevoir et le savoir-vivre. L'apéritif
s'inscrit dans cette conception idéologique.
La naissance des apéritifs s'est établie
à une époque en constante mutation. La qualité et le
goût supplantent la quantité et le médical. La
volonté de s'élever dans un monde où l'on tente de
contrôler ses émotions autant que la matière, renforce le
pouvoir des classes supérieures qui sont un modèle pour le reste
de la société.
Le bouleversement des données économiques et
sociologiques sont survenues avec l'industrialisation, les pensées
humanistes et les progrès de la médecine. Ces
éléments sont venus révolutionner les comportements
sociaux surgissant. L'apparition de l'apéritif prend forme dans ce
dynamisme culturel et idéologique. Il continue aujourd'hui encore
à s'affiner, à travers les diverses pratiques qu'on lui
accorde.
II - Une documentation spécifique à
l'apéritif
Les sciences humaines et sociales proposent une documentations
diversifiées sur les questions du boire. Excepté l'article de
René Clarisse75(*)
et le rapport de presse conduit par Jean-Pierre Poulain76(*), seulement quelques lignes,
parfois un paragraphe, sont consacrés au sujet précis de
l'apéritif. Il est alors souvent cité en exemple venant alimenter
les arguments d'une alcoolisation en dehors ou intégrant le
repas77(*). Dans les
textes anciens, sa valeur est tantôt positive par son rôle
médical, tantôt négative quand on s'y réfère
pour dénoncer les ravages de l'alcool. Les récits, plus
récents, lui confèrent une dénomination assez positive
liée à la famille, aux amis et à la sociabilité. Je
vais distinguer, dans ce chapitre, deux types de documentations. Une
documentation descriptive à valeur ethnographique et les sources
analytiques.
A - Les descriptions des spécialités
apéritives : une source ethnographique
Les sources ethnographiques sont abondantes. On les retrouve
plus précisément dans des livres cherchant à revaloriser
un patrimoine culturel à travers des recettes
"retrouvées"78(*).
On les retrouve également dans des guides alimentaires ou dans des
dictionnaires spécialisés dans l'alimentation et la gastronomie.
Des ouvrages anthropologiques sont aussi des sources descriptives
essentielles.
La France, multiculturelle quant au choix de ces breuvages
apéritifs ou non, offre une diversité de boissons. On les
apprécie selon des préférences régionales
liées à l'agriculture _ et donc au sols producteurs _ ou aux
lieux de production de l'alcool. Les exemples du champagne à Reims, du
pastis à Marseille, ou encore du vermouth à Chambéry, nous
prouvent qu'"avant de passer à table, la France, se montre - une
fois de plus - multiple"79(*). Chaque région de France honore de
manière traditionnelle et singulièrement une ou des boisson(s)
apéritive(s). Quelles sont-elles ? Pourquoi de telles
préférences ? En quoi sont-elles révélatrices d'un
sentiment identitaire ?
a - Les livres de recettes
L'effervescence des manuels de recettes apéritives
confirment que "le rituel de l'apéritif", est une pratique courante en
France. L'expression "rituel de l'apéritif" s'est d'ailleurs
vulgarisée par l'intermédiaire de ces ouvrages.
La mode des réceptions apéritives appartient
à la sphère privée et donne la possibilité de
proposer une multitude de boissons et de "mises en bouche". Le raffinement se
doit d'être pensé. Vins Apéritifs Maison de
Marie-Françoise Delargière et Chantal James80(*), ou encore L'heure de
l'apéritif de Georgeanne Brennan81(*), proposent des compositions de boissons. Elles
suggèrent également des astuces pour que la réunion
apéritive soit originale et prenne des allures de fête. Bougies,
napperons, verres et bouteilles décorés sont
suggérés. Dans Vins Apéritifs Maison, on
préfère nommer les apéritifs "vin maison",
"vin parfumé", "élixir de convivialité",
"bonheur à savourer" ou encore "saveurs à
déguster"82(*). Ces ouvrages prennent des formes de manuel de
savoir-vivre notamment quand Marie-Françoise Delargière et
Chantal James suggèrent aux lecteurs : "Si vous voulez honorer la
personne la plus âgée d'un repas de famille, réservez-lui
le plus beau verre de votre collection"83(*).
Devant le regard obscur des ouvrages de
"société", la documentation gastronomique donne un autre regard
sur les pratiques ritualisées et traditionnelles de la consommation
d'alcool. Elle propose un éventail de recettes, des recettes de
cocktails et d'apéritifs, des diversités locales, des conseilles
de mariage entre plats et boissons. Elle incite au boire, sous-entendant le
"bien-boire" et le rôle majeur de la dégustation des saveurs. On
ne parle pas d'"alcoolisation" mais de convivialité et de goût. En
effet, l'objectif de ces guides cherche à transmettre l'art de la
convivialité et de la réception à travers les plaisirs du
palais. L'objectif est aussi de permettre de retrouver un savoir-faire perdu.
À l'inverse des manuels de savoir-vivre, le concept de gloutonnerie ou
de modération ne sont jamais invoqués. Ils ne font pas l'objet du
contenu de ces volumes, qui sont surtout des appels à la détente.
b- La diversité des apéritifs : du vin au
cocktail
Les français semblent être attachés au
moment de l'apéritif. Il est parfois tant attendu,
qu'Annie-Hélène Dufour, décrivant l'ambiance des
cafés de Provence durant cet intervalle, le définit comme un
"moment où le café devient forum"84(*). Le café devient le
lieu où l'on peut, plus facilement qu'au domicile, lister les boissons
consommées.
1- Le vin populaire
Si l'on répertorie les bouteilles dans un bar, on
s'aperçoit rapidement que les boissons apéritives devancent en
nombre le reste des boissons. Déjà, en 1902, dans les anciennes
Chambrettes des provençaux, Lucienne Roubin, dénombre
les liquides. Lors de l'approvisionnement de fond de la cave de la chambrette
de la Bâtie-Neuve, elle y compte : "593 litres de vin, 15
litre d'eau-de-vie, 10 litres d'absinthe, 5 litres d'amer Picon, 3 litres de
curaçao, 3 litres de grenadine, 2 litres de sirop d'orgeat, 4 litres de
vermouth, 4 litres de cassis, 2 litres de chartreuse, 2 litres de rhum, 2
litres de gentiane, 1 litre de malaga, 2 litres de citronnade" ;
complété un mois et demi plus tard de : "4 bouteilles de
Pernod, 1 litre de Bitter, 2 litres de liqueur jaune, 2 bouteilles de
china-china, 2 bouteilles de cognac, 1 bouteille de Genepy, 1 bouteille de
Kirsch, 1 bouteille de peppermint, 1 bouteille de ratafia, 4 bouteilles de
grenadine, 4 bouteilles d'orgeat, 36 litres d'eau-de-vie jaune, 10 litres de
citronnade, 11 litres de gentiane"85(*). Remarquons que la consommation de boissons
apéritives se place après la consommation de vin et d'eau-de-vie.
La diversité des alcools se trouve cependant dans les apéritifs.
Cette chambrette, que l'on pourrait définir aujourd'hui comme un cercle
voir même, plus communément, comme un bar associatif, comptait 94
adhérents. Bien que les chambrettes n'ouvraient que le soir et le
week-end, on entrevoit la diversité des produits consommés et
donc des préférences de l'époque. Il serait
intéressant de comparer ces chiffres à un approvisionnent actuel
sur diverses régions.
2- La mode des cocktails
Aujourd'hui, il apparaît qu'en France la consommation de
"cocktail" a pris le pas sur la consommation de vin qui est devenue
plus sélective. Comme l'anthropologue Claude Fischler, le directeur de
l'Organisation International du Vin, Robert Tinlot repère ce constat. Il
semblerait que l'on consomme moins d'alcool, mais, qu'en contre partie, on
s'intéresse davantage à ce que l'on boit86(*). Les consommations
évoluent vers "le haut de gamme"87(*). Jacqueline
Freyssiney-Dominjon et Anne-Catherine Wagner remarquent un changement plus
structurel des pratiques de consommation. Elles ne seraient pas sans rapport
avec la modernisation des manières de boire en France qui se rapproche
des tendances des autres pays industrialisés. En effet, il existe en
France un recul du vin et du cidre au profit du whisky, de la vodka et de la
bière. Les jeunes, explique également Claude Fischler, n'aiment
pas le goût de l'alcool, d'où le succès des cocktails au
goût fruité mais avec les effets de l'alcool88(*).
D'origine américaine, né vers la fin du
XIXe siècle, le cocktail fut très prisé par les
parisiens entre les deux guerres. Le cocktail est un mélange d'alcool et
de différents éléments, en proportions variables :
"liqueur, jus de fruits, sirop, aromates..."89(*). La variété de
ces mélanges est alors indénombrable. Notons que l'alcool n'est
pas indispensable à ses préparations. On les sert "secs"
ou "allongés", on les appelle alors "short drinks" ou
"long drinks". On les prépare à l'aide d'un
"shaker". Aujourd'hui, comme l'apéritif, il
désigne autant la boisson que le caractère spécifique
lié à une soirée. D'ailleurs, Berthe Bernage, dans son
ouvrage des Convenances et bonnes manières, ne fait pas la
distinction entre les "cocktails" et les "apéritifs",
quand elle explique en quoi consiste ce genre de soirée90(*).
Georgeanne Brennan, quant à elle, propose distinctement
trois catégories de boissons apéritives. Les apéritifs
à base de vin (rouges, rosés, blancs ou mousseux et de vin doux
plus ou moins renforcé en alcool), les apéritifs à base
d'alcool aromatisé aux herbes et épices (pastis et campari) et
les boissons apéritives à base de fruit avec ou sans
alcool91(*).
Quoiqu'il en soit, peut-on réellement rattacher une
boisson spécifique à un moment particulier ? L'apéritif
prend t-il son sens ou se caractérise t-il uniquement par les boissons
proposées à cet effet ? A contrario, une boisson peut-elle
être exclusivement confectionnée à un usage apéritif
?
c- Les traditions régionales vues par les
manuels de gastronomies
Parcourons maintenant la France, pour découvrir les
spécialités régionales des apéritifs traditionnels
et ainsi s'interroger sur les représentations symboliques des
différentes boissons. Les ouvrages anthropologiques n'étant pas
très riche concernant les coutumes apéritives régionales,
je me cantonnerai aux descriptions faites par Sylvie Girard et Élysabeth
de Meurville dans L'atlas de la France gourmande92(*),
complétées par celles du Larousse
Gastronomique93(*).
1- Les tendances fruitées du Nord-Est
Dans le Nord de la France, on consomme surtout le
genièvre. C'est une eau-de-vie94(*) très aromatique préparée avec
les baies du genévrier. Née en Hollande, elle est apparue en
France par Dunkerque pendant la seconde moitié du XVIIIe
siècle. Les gens du Nord (les "Ch'tis") sont également
de fervents buveurs de bière, reconnu par le label : "bières
spéciales du Nord".
La région de la Champagne Ardenne se distingue par son
très réputé champagne, mis au point au XVIIe
siècle par le bénédictin Pierre dom Pérignon.
Précisons que cette boisson "sera servit frais à une
température d'environs 8° dans des flûtes qui mettent en
valeur sa mousse et préserveront son bouquet ", et que "les
amateurs préfèrent le déguster en début de
repas"95(*). Le
ratafia est aussi une spécialité de cette région.
Tout le Nord-Est de la France semble apprécier les
eaux-de-vie de fruit. La Lorraine s'est spécialisée dans la
production de mirabelle, suscitant quelques conflits entre Messins et
Nancéens96(*).
L'Alsace, quant à elle, fait pousser des cerisiers destinés
à la fabrication du Kirsch (les cerisiers donnant les meilleures
eaux-de-vie étant ceux qui poussent sur les flancs des Vosges). Les
eaux-de-vie de prunes, de mûres, de fraises, de pêches et plus
rarement de l'eau-de-vie de houx font aussi le renommée de la
région. Fougerolles, en Franche-Comté, se proclame "la
capitale du Kirsch" (élaboré à partir de guignes, de
poires, de framboises, de baies...). Cette région montagneuse se
distingue par ses nombreuses plantes au vertus médicinales et
très aromatisées, tel que la liqueur97(*) de sapin. Pontarlier, continue
L'atlas de la France gourmande, fut la capitale de l'absinthe. L'anis
de Pontarlier (qui est une eau-de-vie de gentiane, à base d'anis verte,
d'hypose, de mélisse...), lui succéda après son
interdiction. Enfin, mise au point au XIXe siècle, la
crème de cassis est la spécialité dijonnaise. On peut lui
ajouter de l'eau-de-vie de vin ("mêlé-cass") ou du vin
blanc ("vin blanc cassis") ou encore du bourgogne rouge
("communard").
2- Les vertus médicinales des plantes des hautes
montagnes
En Savoie, "Le Vermouth de Chambéry", vin
d'herbes datant du XVIe siècle, connu son essor au
XVIIIe siècle par les piémontais et en 1821
grâce au distillateur Chavosse. Il mis au point un vermouth de sa
composition.
Plus au sud, dans le Dauphiné et le Vivarais, c'est la
"liqueur des Chartreuses" définit comme un "élixir
de longue vie" qui caractérise la région.
Décryptée au XVIIIe siècle, après un
siècle de recherche, cette liqueur verte, composée de plus de 130
plantes, connut dés le XIXe siècle une
"renommée mondiale".
Comme le Jura, on trouve du génépi dans les
hautes montagnes. Ce sont ses vertus médicinales qui firent la
renommée des Basses et Hautes Alpes, explique l'ethnologue Annie-Marie
Topalov98(*) et Denise
Delcour dans un ouvrage ethnobotanique99(*). Aujourd'hui, pour ses vertus apéritives et
digestives, l'essence de la gentiane est un tonique amer entrant dans la
composition de nombreux apéritifs, suggère le Larousse
Gastronomique100(*).
3- Les saveurs méditerranéennes
Le pastis, très associé à la ville de
Marseille, serait l'alcool le plus consommé en France. Datant seulement
de 1938, il est apparut suite à l'interdiction de l'absinthe en 1915. On
le boit allongé d'eau. Sa teinte troublée lui aurait valu son
nom. En provençal, "pastis" qualifie une situation
embrouillée101(*). Le pastis est si lié aux Marseillais que le
chercheur Laurent Marie considère Marseille "dans la constitution
d'un imaginaire culturel populaire"102(*) indissociable au pastis, au basilic, à
l'aïoli, à la bouillabaisse, aux cigales et à Pagnol.
En Corse, l'un des apéritif les plus
apprécié est le "Cap Corse", composé de gentiane,
myrtille, fève de cacao, colombo, écorce d'orange amère,
écorce de quinquina, et vin. Sa vertu : "faire tomber la
fièvre" !103(*). La myrte et le cédrat sont des liqueurs
également très typiques provenant d'un arbrisseau du maquis.
4- L'origine des boissons apéritives dans
l'Ouest
C'est dans L'atlas de la France gourmande que Sylvie
Girard et Élysabeth de Meurville nous conte le parcourt et les anecdotes
liés aux préparations des boissons. Celles-ci datant parfois du
XVIe siècle.
Dans le Tarn, la liqueur de menthe est une
spécialité de Revel. Elle est tonique et parfumée. On la
connaît plus dans le monde sous la marque "Pippermint Get". Elle
est mise au point en 1796. L'armagnac, eau-de-vie de vin, demeure ancré
dans les "traditions gasconnes, artisanales, divers et rustiques".
L'izarra Basque signifie "étoile", la recette a
été achetée au XIXe siècle à de
vieilles dames. Jaune ou vert, on le concocte à partir de nombreuses
plantes. L'apéritif typique de Bordeaux est la Marie Brizard. Cette
anisette de Bordeaux est "à boire fraîche sur des
glaçons". En Auvergne, on aime la grande gentiane jaune, dont on
tire les liqueurs à partir de la racine. Les limousins
préfèrent la liqueur de noix. En Charente, un vigneron charentais
du XVIIIe siècle distilla son vin qu'il n'arrivait plus
à vendre. Il obtint le cognac. Le guignolet est une liqueur de cerise
qui a pour patrie l'Anjou. Le muscadet est né à Nantes au
XVIIe siècle. Le cidre appartient autant aux Bretons qu'aux
Normands. Les Normands ont pour eux le calvados, qui se boit plutôt
à la fin du repas ou avec son café sur "le zinc". La
bénédictine est une liqueur très aromatique de
couleur jaune. Elle est un élixir inventé au XVIe
siècle par un bénédictin et retrouvé par un
commerçant fécanpois en 1863.
5- La valorisation du patrimoine régional
Il apparaît que les XVIIIe et XIXe
siècles sont une époque favorable quant à l'explosion des
découvertes de boissons apéritives variées. Chaque
région a su imposer sa spécialité. Chaque maison a ses
pratiques et ses secrets quant à l'assemblage des ingrédients. Il
en résulte un élan régional qui a permis l'acquisition
d'une renommée grâce à la fabrication d'alcool. Sa valeur
symbolique créée par l'aspect ancestral, thérapeutique et
secret des apéritifs y apparaît "mystique". Elle donne
l'impression d'un voyage dans le temps. Les apéritifs, comme les
digestifs, par leur caractère très varié, d'un point vue
gustatif, mais aussi au niveau de leur couleur ou de leur texture, ont permis
de redynamiser le marché de l'alcool. Il ont également
aidé à revaloriser une identité régionale, au
même titre que les recettes culinaires et des produits alimentaires comme
le fromage ou la charcuterie par exemple. Ces derniers étant d'ailleurs
souvent consommé en accompagnement au moment de boire l'apéritif.
Le caractère historique et artisanal de ses boissons renforce leur
valeur économique et culturelle. Elles deviennent une compensation
à l'industrialisation. Les traditions gastronomiques locales ont ainsi
un intérêt pour, ce que nomme Jean-Pierre Poulain, "le
tourisme vert"104(*).
À travers ces documents descriptifs, on remarque que
les boissons apéritives suivent une tradition spécifique aux
valeurs du terroir. Elles répondent à des normes propres à
la culture française et ses mutations. Comme tout
phénomène de mode, la consommation de boissons fermentées
passe par des périodes plus ou moins attractives. La qualité, la
marque, la substance, le degré d'alcool, les effets sont des
critères évalués. Les influences politiques et
médiatiques, l'influence de modèles à copier et plus
généralement l'évolution de la société dans
un système mondial contribuent aux choix des tendances gustatives.
Néanmoins, on constate une recrudescence des valeurs du patrimoine rural
à travers son alimentation. Les alcools traditionnels sont alors, autant
ou plus, des produits recherchés par les touristes que par les
autochtones.
B - Les sources analytiques
La documentation analytique concernant l'apéritif est
moins importante. On la retrouve, cependant, dans les ouvrages d'anthropologie
de l'alimentation. Le sujet est abordé de manière
détournée. On parlera davantage de la boisson au sein du repas ou
du cérémonial du repas.
a- L'anthropologie de l'alimentation
L'apéritif peut être une pratique isolée
mais généralement il fait partie du cérémonial du
repas. L'intérêt de l'anthropologie de l'alimentation se
révèle dans ce contexte puisqu'elle réintègre la
place de la boisson alcoolisée au sein du régime alimentaire.
Elle ne cantonne pas uniquement l'alcoolisation à un acte de
consommation. Au contraire, les fonctions économiques et sociales, ainsi
que le rôle symbolique des boissons sont mis en avant. Boire et manger
est loin d'être un acte aux conséquences exclusivement
biologiques. Les raisons cérémonielles et sociales sont
également fondamentales dans la pratique alimentaire.
1 - Incorporer un aliment
Boire et manger, c'est incorporer les propriétés
des aliments mais aussi des symboles et de l'imaginaire. En ce sens, Claude
Fischler explique que "l'incorporation fonde
l'identité"105(*). Elle fonde l'identité individuelle par
l'absorption d'aliments qui nous modifient de l'intérieur. Elle fonde
l'identité collective et donc l'altérité par le partage
d'une même nourriture au sein du groupe. De tous les aliments, l'alcool
est certainement celui qui, dans "le principe d'incorporation", a la
fonction symbolique et imaginative la plus puissante. Les effets psychotropes
et l'histoire de chaque boisson permet à l'alcool d'accéder
à ces fonctions. L'anthropologue nous donne l'exemple de la consommation
de whisky. Cette boisson véhicule un imaginaire résultant de la
littérature et du cinéma anglo-saxon de l'après
guerre106(*). Cette
intériorisation symbolique a par ailleurs favorisé la diffusion
sociale du Scotch, en provoquant des différences au sein des classes
sociales. Elle a instauré une hiérarchisation définie par
la qualité et par le prix de la boisson.
2 - Les fonctions sociales de l'alimentation
L'ethnographie, avec le fonctionnalisme britannique, mis
l'accent sur les fonctions sociales de l'alimentation plutôt que sur les
aspects religieux, précise Claude Fischler. Le rôle alimentaire,
dans la socialisation des individus à l'intérieur d'un groupe,
s'exprime à travers un système qui s'articule autour de
règles et de normes alimentaires propre à chaque culture. Les
règles d'ordonnancement des repas, la préparation culinaire, le
service, les transgressions, les prescriptions et les prohibitions jouent un
rôle sur les jugements moraux. Les manières de consommer sont des
éléments qui contribuent à l'organisation sociale d'un
groupe. En effet, l'alimentation est un fait social dont l'analyse, nous
rappelle Jacques Barou, peut renvoyer "à la question de
l'appartenance sociale, culturelle ou communautaire de ceux qui
s'alimentent"107(*). Les pratiques alimentaires sont régies par
la communauté et c'est socialement qu'elles prennent leur sens et leur
fonction. Aussi, boire un apéritif seul ou en compagnie ne revêt
pas la même fonction ni la même signification au niveau des
représentations. Bien que boire un apéritif seul, pour
décompresser de sa journée de travail, n'est pas mal jugé,
le "boire ensemble" est plus valorisé. Le genre, dans ce cas de figure,
est un facteur à prendre en considération.
Tous ces modes et modèles nécessaires à
la vie collective permettent, selon Claude Rivière, la
"ritualisation du manger"108(*) et la transmission de valeurs morales, culturelles
et sociales par la famille. De ce fait, les pratiques solitaires seraient-elles
considérées comme "anomiques" ?
3 - Le concept de "gastro-anomie"
Un concept mis en valeur et fort exploité par les
anthropologues ressort : la "gastro-anomie"109(*). La déstructuration
des modèles standards du repas et des habitudes alimentaires
traditionnelles est favorisée par la société moderne et
industrialisée. Jean-Pierre Poulain, reprenant le raisonnement de Claude
Fischler, distingue deux grandes structures comportementales : "le
commensalisme alimentaire" _ dans lequel le repas est fortement
ritualisé par la structure sociale _ et "le vagabondage
alimentaire" _ où les prises alimentaires sont fractionnées
et individualisées110(*). Face à cette réalité, on peut
se demander où se situe le moment de l'apéritif et quel est son
avenir dans une société où les pratiques individuelles
progressent ? L'enjeu économique prend une place
prépondérante dans ce phénomène social.
4 - La structuration du temps
Dans ce système aux enjeux socio économiques, la
notion de l'espace temps111(*) est impérative en anthropologie de
l'alimentation. Se nourrir demande une organisation spatiotemporelle
quotidienne. Effectivement, les usages par lesquels s'organisent et se
structurent la société sont soumis aux rythmes sociaux
définis par les deux états de la société : celui du
temps de travail et celui du temps libre. Le repas (comme le moment de
l'apéritif), ponctue la journée, ce que les chercheurs tentent
d'analyser dans l'ouvrage Le temps de manger : Alimentation, emploi du
temps et rythmes sociaux112(*). Le rapport entre les besoins
physiologiques et les rythmes sociaux fait ainsi l'objet de nombreux
questionnements. Pourtant, si les boissons alcoolisées ne sont pas
indispensables aux besoins de l'organisme humain, l'alcool, comme le souligne
Henriette Touillier-Ferabend113(*), est un aliment qui structure socialement le temps.
L'anthropologie sociale et l'anthropologie de l'alimentation
ouvrent de nombreuses portes à notre réflexion.
L'apéritif, en tant qu'aliment, est un produit et un acte culturel qui
structure socialement le temps par ce que l'on nomme les "pauses" du quotidien.
Il est parfaitement intégré à la vie collective
française. Sa vulgarisation dans les manuels de cuisines (comme nous
l'avons vu précédemment) et dans les manuels de savoir-vivre (ce
que nous traiterons plus loin) en est la preuve.
b- La philosophie du savoir-vivre
L'apéritif, en tant que moment de convivialité
et de sociabilité, entre dans le champ des bonnes manières de
vivre. Les relations sociales sont soumises à des règles, des
bonnes et des mauvaises façons de se conduire sont
énoncées pour vivre en conformité avec la
société à laquelle on appartient.
1 - La sobriété et le bon goût
Le moment de l'apéritif n'échappe pas aux
règles de savoir-vivre. Celles-ci, nous explique Dominique Picard, ne
reposent pas seulement sur la sobriété mais "sur tout un jeu
de valeurs comme l'amabilité, la finesse, la modestie, la distinction,
la propreté, la modération, la dignité, la
sobriété, le sens de la justice..."114(*).
Qu'il s'agisse de Jean-Anthelme Brillat-Savarin, d'Emmanuel
Kant ou de Dominique Picard, tous, dans la description des attitudes à
adopter en société, condamnent l'ébriété.
Les aphorismes de Jean-Anthelme Brillat-Savarin sont explicites. L'un d'entre
eux : "Ceux qui s'ingurgitent et s'enivrent ne savent ni boire ni
manger"115(*),
dénonce l'avidité et la voracité. Pour ce grand gastronome
du XVIIIe siècle, l'art et la manière de boire et de
manger sont des valeurs primordiales au fondement de la vie en
société, de la civilité. Le goût en fait partie.
Apprécier la saveur des aliments relève autant de la connaissance
des usages du monde que les règles de politesse. Le bon goût (quel
qu'il soit) s'associe aux bonnes manières et s'ajuste ainsi à la
sociabilité.
2 - Les règles de la conversation
Les rencontres autour d'un repas ou d'un verre n'ont pas
seulement pour objet la "satisfaction physique" mais le "plaisir
social dont chaque individu doit sembler n'être que le
véhicule" écrit Emmanuel Kant116(*). La sociabilité
autour de la table amène indubitablement à des manières de
se tenir, à la normalisation et à des règles de
conversation. En tant qu'élément de culture, la conversation,
précise Dominique Picard, demeure l'activité noble qui symbolise
la convivialité à laquelle il est bon de participer. Emmanuel
Kant approfondit la réflexion. Il prescrit la discrétion dans un
groupe de convives. Il considère que l'aspect privé et intime de
la réunion autour de la table instaure la confiance, la franchise et la
confidentialité. Il n'empêche qu'il est incorrect pour un convive
de rester silencieux. Celui-ci met mal à l'aise. Un convive qui garde la
mesure, nous explique le philosophe, "représente un
observateur qui fait attention aux fautes des autres". Puisque la boisson
"délie la parole", la suspicion pourrait se jeter sur le
silencieux117(*).
3 - Entre savoir-vivre et rituel
L'apéritif, en tant que réunion d'un groupe de
convives autour d'un objet (boisson), répond aux mêmes exigences
du savoir-vivre au cours d'un repas ou d'une réception. Il n'est pas
étrange qu'un bon nombre d'ouvrages parle de "rite" de l'apéritif
comme ils parlent de "rite" de table ou "rite de repas". Comme dans de nombreux
sujets anthropologiques dans lesquels on s'intéresse à une
pratique codifiée et répétitive, la question du "rituel"
se pose. Les manuels de cuisine ou de savoir-vivre utilisent ce terme de la
même manière qu'il a pu être banalisé dans le langage
courant. Claude Rivière invoque les "rites profanes"118(*) pour qualifier les
règles constituant les normes culturelles alimentaires dans le
savoir-vivre. Contrairement aux idées de René Clarisse, qui
cherche à démontrer que l'apéritif est un rituel
social119(*), comme
Sylvie Fainzang, on préfèrera parler de "pratiques
ritualisées". Bien que la question soit intéressante, je
m'arrêterai à ce constat. Selon moi, notre objet d'étude
n'entre pas dans ce champ. Néanmoins, ce raisonnement sur les
règles du savoir-vivre et le "rite", me conduisent à me demander
si cette ritualisation des manières de table fonde le savoir-vivre, ou
bien est-ce le savoir-vivre qui fonde les pratiques ritualisées ?
Des sources ethnographiques aux sources analytiques de
l'anthropologie de l'alimentation, le sujet de l'apéritif est
abordé de façon plus ou moins légère. C'est une
littérature qui touche de plus prés la coutume, dans le fond
comme dans la forme. L'apéritif est décrit comme une boisson et
analysé comme une pratique sociale et culturelle. Il est tantôt un
produit à vendre et vanté, tantôt un moment à
partager confiné par des normes à respecter.
Cette seconde partie est riche de renseignements. L'histoire
et l'anthropologie de l'alimentation orientent la réflexion
au-delà de l'aspect spirituel et festives des boissons
fermentées. L'apéritif est avant tout une nourriture,
intégré au régime alimentaire français. L'histoire
de l'alimentation nous informe sur l'évolution d'une pratique
émergeante au sein du repas, lui-même en perpétuel
mouvement. On remarque que le long processus du changement des manières
de table remanie le statut de l'apéritif. Sa charge thérapeutique
a quasiment disparu et il est essentiellement devenu un moment convivial
où l'on apprécie de boire une boisson. On peut se demander si les
progrès de la médecine moderne n'ont pas eu, également, un
effet direct sur la représentation de ce moment
privilégié. La bibliographie explorée traite la question
de façon diverse et propose de nombreuses perspectives. La valorisation
de la pratique en est une. Elle passe par la connaissance des produits
consommés et de règles propres à l'alcoolisation et
à la sociabilité autour de la table.
3ème partie - L'apéritif et ses normes
sociales
En termes de données scientifiques et statistiques,
l'apéritif est considéré comme une prise alimentaire, au
cours de la journée, en dehors des trois repas principaux. Il
s'intègre parfaitement à la dynamique des pratiques sociales,
d'autant plus qu'il est plus ou moins institutionnalisé et soumis
à des règles de ritualité. De ce fait, l'étude d'un
moment tel que l'apéritif nous conduit indubitablement, à travers
l'anthropologie sociale et culturelle, à des questions de
temporalités, de rythmes, d'environnements, de genres, d'interdits et de
licences, de contextes, de formes sociales et culturelles, de système de
transmission. Si la littérature anthropologique reste encore mince,
précisément sur ce sujet, il n'en demeure pas moins que
l'apéritif est une coutume française très répandue.
Un sondage rappelle que 90% des français déclarent prendre
l'apéritif au moins une fois par semaine.120(*)
En France, aller boire un apéritif est donc devenu une
banalité connue et pratiquée par tous. Si l'apéritif se
caractérise par des "lois" communes, les pratiques ne sont pas
uniformes, dans la mesure où les circonstances varient selon les
personnes avec qui on partage ce moment, selon le lieu, l'heure, la saison et
l'objet de la rencontre apéritive. Quelles sont les normes auxquelles il
convient de se tenir pour ne pas être dans l'interdit social ? Que
révèlent-elles ?
I - Un espace temps privilégié et
divertissant
La société s'organise de façon
homogène par l'intermédiaire de règles communes. Ces
règles progressent dans le temps et s'adaptent aux nouvelles exigences
socio-économiques. Le moment de l'apéritif suit les mouvements
des rythmes sociaux induits par la standardisation des horaires de travail et
par conséquent, par les heures de repas. Si l'apéritif se
définit par sa place dans un temps déterminé, il prend des
formes différentes selon les facteurs environnementaux.
A - "L'heure de l'apéritif"
L'anthropologie du boire et de l'alimentation évoquent
toutes deux la ponctuation de la journée par des activités
contraignantes ou ludiques. La première discipline favorise l'analyse
des "pauses cafés", la seconde préfère se concentrer sur
l'évolution des prises alimentaires. L'apéritif entre en jeu dans
ces conceptions, puisqu'il constitue autant une pause sommaire qu'un moment
précédent le repas. Jean-Pierre Poulain dans une recherche
auprès de personnes organisant des apéritifs, note que, devant la
progression de la pratique, "l'apéritif est passé d'un
produit consommé à un moment
privilégié"121(*). L'apéritif est un acte
répétitif qui vient ponctuer les moments charnières de la
vie sociale. Il rythme le cérémonial du repas en
l'amorçant. Il scinde la journée ordinaire de travail en
soulignant les fins de demi-journées. Il annonce la fin de la semaine de
travail. Ou encore de manière "extra" ordinaire il marque un
évènement. En somme, il est le symbole des vacances, des moments
de détentes et de loisirs.
a- Le temps de boire un verre
Comme le digestif lors d'un repas permet de bien se quitter,
l'apéritif permet de bien commencer la réception. De la
même manière que pour l'apéritif des étudiants, dont
Jacqueline Freyssiney Dominjon et Anne-Catherine Wagner122(*) rapportent les propos, le
guide de savoir-vivre de Sabine Denuelle123(*) précise qu'il aide à faire patienter
en attendant les derniers invités et à instaurer l'ambiance. Les
étudiants expliquent que l'apéritif désigne plutôt
un type de boissons consommées tout au long d'une soirée, qu'un
moment pour le boire. Il est alors dans ce cas lié à la
fête.
L'apéritif est autant un moment programmé
collectivement qu'un moment spontané non réfléchi à
l'avance. Véronique Nahoum-Grappe nomme ce second moment "le boire
occasionnel". L'historienne et anthropologue expose le détour
improvisé du buveur du XVIIIe siècle (que l'on peut
restituer à notre époque). Il se permet de casser le rythme
prévu de ses taches et de son itinéraire pour aller "boire un
coup" : "une pause dans le travail, une rencontre lors d'une promenade, une
fatigue ou une lubie peuvent entraîner le buveur à la
consommation"124(*). L'heure à laquelle on
s'arrête prendre un verre, coïncide généralement avec
l'heure de l'apéritif, dans la mesure où l'on est soumis à
l'ordre des activités sociales. Cette manière occasionnelle de
boire est sans doute la plus caractéristique de la société
urbaine occidentale. Devant la contrainte des emplois du temps chargés
des citadins, elle offre une prise de pouvoir du sujet sur son temps, elle
permet "un clivage d'avec l'organisation dominante du monde
social"125(*).
b- La pause des travailleurs
Les trois pauses au cabaret dans la longue journée de
travail de l'ouvrier parisien ou lyonnais du XVIIIe siècle,
ne sont plus de l'ordre de l'occasionnel mais de l'habituel. Gilbert Garrier
décrit le rythme des consommations de l'ouvrier : "il ouvre à
six heures par un gobelet de vin blanc, la coupe avec une chopine de clairet
sur son frugal repas de midi et la clôt vers dix-neuf heures par un pot
fraternellement partagé"126(*). L'alcool est parfaitement inséré
à la journée de travail et au rythme quotidien de la vie urbaine.
Cette habitude quotidienne se retrouve également chez les dockers
havrais étudiés, à la fin des années 80, par
Jean-Pierre Castelain. Leur journée est ponctuée par les pauses
"casse-croûte" dans les débits de boissons. Elles
s'intègrent parfaitement au déroulement du travail et à
l'organisation des échanges sociaux. Ces pauses constituent le moment
idéal pour échanger des informations127(*). L'apéritif, ici, se
confond aux autres modes de consommations marquant la rupture du temps de
travail.
Nous pourrions continuer la liste des descriptions de ces
pauses-café. Des militaires aux travestis algériens
(évoqués dans Désirs d'ivresse : alcool, rites et
dérive de Carmen Bernand), les chercheurs s'accordent sur le fait
que l'apéritif, ou l'alcool, marque l'alternance entre le temps de
travail et le temps de repos. Les ouvriers sont, dans la majorité des
recherches, l'exemple le plus cité. Est-ce un moyen de montrer la
corrélation entre les obligations utilitaires et matérielles
qu'impliquent le temps de travail et les pauses méritées qui en
découlent ? Est-ce que cette corrélation ne s'exprime pas chez
des cadres supérieurs ? Je ne le pense pas. En tous cas, il est certain
que cela suscite moins d'intérêts. Ou encore, est-ce une
manière de souligner une alliance permettant de surmonter la
fatalité des durs labeurs de la vie ? Un "coup de pouce" qui efface les
inégalités sociales ? Nonobstant, quelque soit la profession,
l'âge ou le sexe, la consommation de boissons alcoolisées
structure socialement le temps et les relations interpersonnelles. Elle permet
de créer des temps de sociabilité, des occasions collectives et
de renforcer la solidarité des travailleurs et partenaires. Des
préférences implicites, du moment pour boire, sont en harmonie
avec les pratiques du groupe social.
c- L'apéritif au sein du repas
La temporalité est souvent évoquée en
anthropologie de l'alimentation. La prise alimentaire traditionnelle se
définissant par un horaire défini, la question de la
déstructuration des repas lié à la société
moderne et industrielle se pose. Où se situe la place de
l'apéritif dans ces formes de repas anomiques ? Si le temps de repas
n'est plus respecté, l'apéritif pourrait se différencier
totalement du repas. Mais il est encore trop tôt pour la bibliographie
actuelle d'analyser la question. En effet, il ne s'agit encore que d'une
légère progression vers des habitudes dites "anomiques". Claude
Fischler explique qu'effectivement la majorité des français
(environs 80% de la population) reste dans le schéma traditionnel dans
lequel on mange à heure fixe128(*).
1- L'ajustement des temps de repas
"Les trois repas sont l'héritage du XIXe
siècle, pendant lequel s'opère un ajustement des horaires
alimentaires en fonction des nouvelles conditions de la vie professionnelle et
sociale" souligne Claude Rivière129(*). La standardisation des repas a donné lieu
à l'uniformisation des comportements et des rythmes sociaux.
L'élaboration progressive des règles du protocole, incluant les
horaires de la table, pourrait ainsi être considérée comme,
ce que qualifie Stephen Mennell, un "symptôme de
rationalisation"130(*). Ce qui permettrait de rejeter certaines pulsions et
satisfactions. La structuration du temps, dit-il, est un produit de la
société, subissant l'impact du besoin alimentaire. Le temps de
l'alimentation est alors un moment à part, écarté des
autres activités. Toutefois, Claude Fischler explique que
"l'alimentation quotidienne tend à subir de plus en plus l'emprise
de l'univers du travail". La cantine ou le "restaurant d'entreprise",
l'explosion de la restauration rapide (pour manger vite), les produits
industriels modernes (pour cuisiner vite) sont des facteurs qui favorisent la
désintégration du repas socialisé. C'est pourquoi selon
l'anthropologue "l'alimentation ne structure plus le temps, c'est le temps
qui structure l'alimentation"131(*). De ce point de vue, le repas socialisé et
ritualisé reprend sa place lorsqu'il s'inscrit dans des temps de
loisirs. L'apéritif s'épanouira dans ce contexte.
2- L'apéritif comme loisir
Le rythme hebdomadaire dans lequel prend forme le repas
quotidien familial se différencie nettement du rythme plus lent des
week-ends. Ceux-ci donnant lieux à des rencontres autour de la table et
à des repas plus élaborés. C'est lors de ces invitations
entre amis, de ces réunions de famille où le temps n'est plus
compté que le repas devient une cérémonie fort
ritualisée. L'apéritif s'exprime alors, nonchalamment et avec
soin, dans ce contexte. C'est le moment propice pour se faire plaisir par
l'échange et en savourant le contenu de la boisson. En effet, il
apparaît que selon les circonstances plus ou moins importantes, qu'il
s'agisse d'une fête religieuse ou profane, qu'il s'agisse d'une
réunion plus ou moins intime ou officielle, l'apéritif donne le
ton à la festivité, aussi bien par la qualité de la
boisson que par la qualité de l'échange relationnel. Le dimanche
est le jour opportun de l'apéritif. Selon Jocelyne Bonnet,
l'apéritif du dimanche suit une très ancienne tradition marquant
l'espace-temps festif de ce jour. Si le samedi soir semble être favorable
à l'apéritif entre amis, le dimanche midi réunit la
famille éparpillée la semaine132(*). Le premier ne précède pas
automatiquement le repas à l'inverse du second. L'apéritif
solennel, suivi du repas, semble être un moment privilégié
dont la volonté est de marquer un jour ou un évènement
particulier.
En semaine, quand il est spontané, l'apéritif
s'inscrit rarement dans l'articulation apéritif/repas. Cela s'explique
par les contraintes journalières des horaires de travail ou des
obligations familiales. Alors que le week-end est propice à la
détente, aux discussions qui peuvent ainsi se prolonger et même
s'il n'est pas prévu, peut se poursuivre par un repas "à la
bonne franquette"133(*). Ce constat n'est toutefois pas une
réalité pour les jeunes sans enfants et les
étudiants134(*).
B - L'impact du milieu sur les manières de
consommer
Prendre l'apéritif chez soi ou dans un café
n'exprime pas tout à fait la même chose. Le lieu tant que les
personnes avec qui on partage un verre sont des éléments à
considérer. Le comportement adopté en dépend.
L'intimité de l'espace privé peut permettre
certaines libertés. Cependant si la réunion est familiale le
respect qu'exige le protocole des générations, en retire.
L'espace public, quant à lui, donne lieu aux regards extérieurs
et donc suppose un caractère réservé aux réunions
et suggère quelques retenues. Néanmoins, le café est un
lieu qui reste tolérant et admet ainsi certains débordements, en
comparaison avec le lieu de travail ou le restaurant plus conventionnels. La
nature des fréquentations, chics ou populaires des lieux, agit sur les
codes s'exprimant différemment. La sociabilité, le partage et la
convivialité liés à ce moment ne revêtiront pas la
même symbolique. "Chaque lieu peut ainsi être
considéré comme une sorte de "territoire" sur lequel on a plus ou
moins de droits et de devoirs"135(*).
a- Le café, un lieu de consommation
divertissant
Il ressort involontairement de la recherche bibliographique,
une documentation centrée sur la sociabilité dans les
cafés. On remarque rapidement que la boisson n'est pas la chose que l'on
vient chercher dans un café. Bien que l'heure de l'apéritif
attire toujours plus de monde. C'est un lieu qui marque une coupure avec le
lieu de travail et le foyer familial. Il permet ainsi la détente, la
rencontre et les discussions. Excepté la consommation de boissons qui
est obligatoire, deux fonctions "ludiques" principales sont mises en avant dans
les cafés provençaux étudiés par
Annie-Hélène Dufour136(*) : la discussion et le jeu. Des discussions
sérieuses, portant sur "les nouvelles locales, nationales,
économiques, politiques, sportives" alimentant "les
conversations souvent polémiques et bruyantes du comptoir", aux
discussions légères, décrites par l'ethnologue telle une
"fête verbale", chacun trouve sa place. Le plaisir
d'être ensemble prédomine le reste. Des journaux mis à la
disposition des consommateurs et la télévision contribuent aux
échanges quotidiens centrés sur l'événement sportif
et politique. Une sorte de théâtralisation propre à chaque
café s'exprime. Du premier rôle du patron aux rôles
principaux et secondaires des consommateurs, l'ambiance dégagée
attire des publics appropriés.
Si le café est un lieu propice aux discussions parfois
passionnées, le jeu également régule les relations. Il est
un paramètre essentiel au choix d'un établissement : cartes,
dés, boules, jeux électroniques, baby-foot, ping-pong, P.M.U sont
autant d'éléments permettant la distinction des
fréquentations. Ainsi, les Chambrettes provençales du
début du siècle dernier, rassemblent les hommes pour plusieurs
raisons. Cet espace exclusivement masculin, permet aux hommes d'être plus
ouverts envers leurs congénères et donc d'être moins
complexés pour exprimer leur sentiment. On se console et se
délasse en toute impunité. Le jeu est également essentiel
à cette sociabilité masculine. Le jeu de carte, le billard, et
les parties de boules sont les divertissements favoris dont on n'oublie pas de
mettre en jeu "bouteille de vin", "vin chaud" ou
"café à goutte" selon les saisons137(*).
Pour attirer la clientèle, on propose diverses
soirées à thème, comme le suggère la sociologue
Anne Steiner, dans les cafés de Belleville. Devant le changement de ce
quartier en rénovation, les propriétaires et gérants
doivent relancer leur commerce. Ils font preuves d'inventivité et de
dynamisme : "« apéros concerts », soirée
poésie, animations diverses qui attirent le soir une clientèle
jeune"138(*). Le
moment de l'apéritif semble captiver un maximum de gens dans les
cafés. Il reste un lieu opportun pour se rencontrer et pour commencer
les soirées. Bien que l'on cherche à charmer une clientèle
assez diversifiée, un nombre d'éléments l'oriente dans des
lieux plus que d'autres. L'âge, le genre, la condition sociale et le
style de vie, ou encore les heures de fréquentation et même
parfois le choix de boissons conditionnent le choix des différents
établissements. Les opinions politiques, souligne Patrick Le Guierrec,
favorisent ces choix. Dans le bourg étudié par l'anthropologue,
la population du "bar « socialiste »" se distingue
de celle du "bar des « Blancs »" ou de celui des
"« chasseurs »139(*).
Aller "boire l'apéro" est sans doute le meilleur
prétexte pour s'échapper de son quotidien. Néanmoins, la
raison pour laquelle on fréquente un lieu public ne semble pas
résidée dans cette unique activité. Non pas que la
consommation d'alcool ou d'autres boissons ne soit pas sans
intérêt. Elle doit seulement se joindre à l'échange,
occasionné par la rencontre et les loisirs, pour prendre la valeur qu'on
lui connaît. Sans quoi, son caractère en deviendrait morose et
l'on préfèrerait peut-être rester chez soi.
b - La tendance des "apéros" au foyer
Contrairement à toutes mes données, l'unique
document faisant référence à l'apéritif à
domicile est celui de Jean-Pierre Poulain. En effet, ce sociologue,
spécialiste de l'alimentation s'intéresse au
phénomène d'"alimentarisation" de l'apéritif,
donnant parfois lieu à une "culinarisation". Par
conséquent, le chercheur s'intéressera davantage aux
apéritifs découlant des invitations à domicile. Ceux-ci
mettent en évidence l'importance des mets préparés
à cet effet et les manières de recevoir.
Bien que ma recherche bibliographique se réfère
quasiment exclusivement aux lieux publics, Jean-Pierre Poulain précise
que contrairement à l'augmentation de la restauration hors foyer,
l'apéritif tend de plus en plus à se prendre chez soi. Il ajoute
que le nombre de cafés est passé de 79 000 en 1983 à 50
740 en 2000. Devant cette baisse, le sociologue met en parallèle, ce
qu'il nomme, la "privatisation" de l'apéritif. Elle est mise en
lien avec l'augmentation des invitations à domicile. Ce
déplacement de l'extérieur vers l'intérieur des foyers
s'exprimerait, d'abord tout doucement, à partir de la fin de la seconde
Guerre Mondiale et se serait largement amplifié aujourd'hui.
On reconstitue alors l'espace public dans l'espace
privé. L'apéritif, que l'on prenait sur la table haute de la
salle à manger ou de la cuisine, se prend dans un salon muni de
canapés, de fauteuils et d'une table basse. La télévision
aurait-elle un lien avec cette mutation ? L'aspect confortable alliant
intimité et liberté de créer sa propre ambiance sans
contraintes, serait-il la cause de ce dynamisme ? Cette
"privatisation", ajoute-t-il, s'inscrit dans la tendance du
"nesting" vu comme l'évolution du "cocooning" des
années quatre-vingt. "Le cocooning s'apparente à un
phénomène de repli sur soi et de recentrage sur la maison
(...). Par contre le nesting du début des années 2000,
désigne un retour des individus vers une maison moins
cloisonnée, (...) plus ouverte sur la famille et les
amis"140(*).
L'espace privé est ici mis en avant. Il concerne avant tout des
invitations familiales ou entre intimes, puisque faire entrer quelqu'un dans
son intérieur c'est lui dévoiler une partie de soi. Aussi,
préfère-t-on prendre l'apéritif dans des cafés
comme premier rendez-vous car il demande moins d'implication, renchérit
le sociologue.
Face au conformisme grandissant et aux lois sur
l'alcoolisation de plus en plus stricte, il est fort possible que la tendance
des pratiques privées s'accentue. Dans cette même lignée,
les actions du type "repas de quartier" ou "apéritifs de quartier" sont
des initiatives venant contrebalancer cette tendance, afin de relancer la
sociabilité.
On réalise l'impact de l'espace temps sur le
comportement et les envies de chacun. Ainsi, le confirme Dominique Picard :
"dans la mise en scène de la convivialité, l'espace et le
temps ne sont pas de simples décors, mais des éléments qui
participent à la définition des situations."141(*) L'alcoolisation
nécessite d'un espace et d'un temps précis, conjugués par
la société pour exister en toute légitimité.
L'apéritif, par la stabilité de ses horaires et de ses espaces,
est une expression évidente de cette nécessité sociale. De
plus, il peut s'exprimer de diverses manières, ce qui amplifie
l'engouement occasionné et la persévérance de la pratique.
Pour être socialement accepté comme un acte traditionnel et donc
respecté par tous, il doit répondre à des conditions
enracinées dans le temps.
II - Les fonctions sociales et culturelles de la
coutume
Bien que le système de pensée mondial tend
à s'uniformiser depuis les grandes vagues de colonisations, chaque
société continue à fonctionner selon ses propres
règles. Des règles qui évoluent certes, mais qui sont
définies par une forme de logique ancestrale. Aussi, face à
l'histoire ancienne et tumultueuse des modes d'absorption d'alcool, chaque
catégorie de personne a su adopter des comportements, en matière
d'alcoolisation, convenant parfaitement à leur statut et aux situations.
Comment se traduisent ces attitudes préconisées pour être
en accord avec les normes sociales françaises ? Quel rôle joue
l'apéritif dans ces conduites d'alcoolisation ?
A - Un jeu de rôle défini. Hommes et femmes
face à l'alcool : des stéréotypes en phase
d'évoluer ?
Si la mixité progresse dans les sociétés
occidentales, des différences significatives préexistent selon le
genre dans les façons de pensées, de se tenir et d'agir. Les
manières de boire et les activités s'y attachant, sont un exemple
imparable mettant en évidence ce type de ségrégation.
a- Le partage des taches domestiques
La pratique apéritive met en valeur les distinctions
sexuelles, aussi bien dans le choix des boissons que dans la distribution des
rôles. En effet, on attribut facilement les tâches culinaires aux
femmes alors qu'on réserve aux hommes tout ce qui touche aux boissons
alcoolisées. La répartition des taches domestiques
s'établissant naturellement au sein des couples classiques. Claude
Rivière décrit ce partage complémentaire dans les
ménages. Les femmes font les achats, elles semblent connaître
parfaitement les goûts de la famille, les manques et les besoins de
chacun. Elles s'occupent davantage de l'approvisionnement, des
préparations culinaires et de la décoration de la table. Quant
aux hommes, l'ethnologue leur confère un rôle plus centré
que celui des femmes et spécifique au domaine de l'alcool. Le choix des
vins accompagnant le repas, le service des apéritifs, du
pousse-café et des cigares sont des activités typiquement
masculines142(*). Ces
notions peuvent paraître dépassées, pourtant dix ans plus
tard, Jean-Pierre Poulain établit le même constat. Il observe,
dans les apéritifs au domicile, la préparation et la mise en
scène de l'apéritif au travers de la nourriture et des
accessoires enjolivant la table par les femmes. Les hommes sont, eux,
associés au choix et au service des alcools. Le sociologue va même
jusqu'à spécifier ce moment comme un "moment
privilégié pour la maîtresse de maison". Elle peut
participer pleinement à la réception des invités puisque
les va-et-vient à la cuisine sont restreints par la commodité des
préparatifs alimentaires143(*). Notons que ces clichés sont propres aux
habitudes familiales et non aux apéritifs d'étudiants et de
célibataires.
b- Le boire viril
Les manières de boire et le choix des boissons
répondent également à des normes précises selon son
appartenances sexuelles. Il est encore fréquent d'associer l'alcool
à la virilité. Cette vision du boire exclut totalement les femmes
et privilégie les corporations masculines. Ainsi, dans le bourg de
Scrignac, les femmes ne sont pas admises dans les bars, excepté à
l'occasion des fêtes patronales, explique Patrick Le Guirriec. D'ailleurs
la rue et les alimentations, où elles se rencontrent pour faire leurs
achats et discuter, sont des espaces dans lesquels les hommes ne
préfèrent pas s'attarder. Par contre, la mairie, le garage et le
bistrot sont les lieux de l'activité masculine par excellence. On y
discute politique ou travail, c'est pourquoi les femmes n'ont rien à y
faire. De plus, une consommatrice pourrait facilement être accusée
de négliger son foyer, alors qu'un homme qui ne fréquente pas le
bistrot est condamné à l'"isolement social"144(*).
Cette forme de machisme liant alcool et virilité est
encore plus marquant dans certains corps professionnels. Des enquêtes
établies par Robert Chapuis, dans des villes de France, en 1989,
démontrent cette réalité. "Boire de l'alcool, c'est
d'abord être un homme, passer avec succès une sorte de brevet de
virilité, épreuve d'initiation supplémentaire
proposée au jeune lors de son 1er emploi". Ce
constat, d'après le sociologue, est une réalité pour 20%
des hommes interrogés145(*). Cet aspect viril est également décrit
par Jean-Pierre Castellain. Le travail dure et physique des dockers
s'accompagne systématiquement d'alcool, lui conférant ainsi des
attributs virils et fraternels.
Il est aussi question d'honneur dans ces manières de
boire, qui constitue de ce fait une épreuve puisqu'il s'agit de boire
beaucoup mais "comme un homme", c'est-à-dire ne pas mettre en
scène une ivresse corporelle décadente146(*). Les
"compétitions à boire" symbolisent cette quasi
obligation de boire toujours plus. Elles sont un moyen de prouver sa force, de
mieux connaître son compagnon de boisson et soi-même, par la
maîtrise de son corps et de son caractère.
c- Le carcan du boire féminin
Si cette sociabilité masculine est socialement
valorisée et renforce l'identité virile, il en est autrement pour
les femmes. Elles sont d'ailleurs le plus souvent exclues des bars, de ces
métiers dures et des compétitions à boire. Cependant, bien
que l'on ne parlera pas de corporation féminine dans le boire, les
femmes aussi participent aux festivités alcoolisées.
On dit de la femme ivre qu'elle perd sa vertu. Elle est ainsi
plus dénoncée socialement que l'homme ivre. Le boire
modéré et le savoir-boire s'exprime et prend forme
peut-être davantage à travers le boire féminin. Les femmes,
analyse Véronique Nahoum-Grappe, se doivent alors de boire des boissons
légères, douces et sucrées "comme elle(s)".
L'exemple du vin de Champagne est explicite : ses bulles, sa distinction, son
aspect précieux et ses effets légèrement euphoriques
conviennent parfaitement à notre imaginaire de la femme qui boit avec
distinction selon des codes qui ne la dénigrent pas. Contrairement
à la "pocharde", la "poissarde", la "buveuse"
ou "l'ivrognesse" qui ne s'accorde pas avec la représentation
de la femme épouse, mère nourricière et gardienne du foyer
dont les femmes ont du mal à se défaire.147(*)
Comme la dégustation de vin à table, le moment
de l'apéritif correspond à ce type de boire modéré
et distingué féminin. Par ses normes, ses codes et ses
convenances, il intègre parfaitement les femmes dans le jeu de
l'échange et de la convivialité mais à certaines
conditions. Le neuropsychiatre Jean Rainaut repère ces
différences sexuelles suscitées par les normes de
l'alcoolisation. La consommation des boissons alcooliques répond
à des normes de quantité, de lieu, de fréquence, de
vitesse, de qualité, ou de manière de consommer. Il est
préférable pour les femmes de boire au cours du repas, dans les
espaces privés, accompagnée par un ou plusieurs hommes, sans
boire successivement des verres d'un trait, préférant le kir au
pastis, assises à une table plutôt que debout au comptoir,
etc.148(*).
Les règles de la distinction sexuelle en matière
d'alcoolisation tendent à s'amoindrir. Les interdits, en termes de
représentation, sont également moins rigides. Pourtant, ces
"quelques idées reçues" caractérisent le boire
féminin, qui est cantonné dans les préjugés plus
profondément que le boire masculin. De ce fait, pour reprendre le
raisonnement ironique de Véronique Nahoum-Grappe, si la belle femme ne
boit pas, l'homme fort doit savoir boire. On peut se demander pourquoi ces
clichés perdurent ? N'est-ce pas par la complaisance d'une certaine
complémentarité dans des jeux de rôle féminins et
masculins ?
B - L'apéritif, un révélateur
d'identité culturelle et socioprofessionnelle
Comme n'importe quelle pratique favorisant le regroupement,
l'apéritif encourage les réunions entre pairs et les
revendications culturelles souvent exprimées par une boisson
emblématique.
a- La confrontation de deux cultures du boire
Un petit détour dans l'histoire s'impose, pour rendre
compte des premiers jugements moraux portés sur les pratiques
culturelles hétérogènes. Les manières de boire et
les particularités contextuelles du boire en constituent un excellent
exemple. Deux manières de boire complètement différentes
se sont côtoyées en Europe. Celles des civilisations
Gréco-romaines et celles des Celtes. Également, sont nées
deux formes de vénérations symbolisées par le fruit de la
fermentation : le raisin et le vin pour les Romains, la pomme et le cidre pour
les Celtes. Chacun, nous informe Stewart Lee Allen, en vouant un culte à
sa boisson totem, renforçait l'identité du groupe au travers
cette boisson149(*). La
boisson est un marqueur d'identité, fonctionnant sur les
représentations symboliques communautaires. Dans le but de diaboliser
les païens, explique Robert Tinlot, l'Église catholique romaine
aurait fait de la pomme le fruit défendu alors qu'il s'agissait
"sans doute du raisin"150(*).
Il est évident que devant le choc culturel des
civilisations, la normalité chez certains, n'était que bizarrerie
pour d'autres. Face à des modes d'absorption qui diffèrent, la
pratique commune (ici celle de consommer une boisson fermentée) est
reconsidérée. Elle apparaît étrange pour les
observateurs détenant leurs propres codes, leurs propres modes de
représentation, imprégnés de valeur. Il est naturel
d'étiqueter d'emblée la coutume nouvelle rencontrée,
explique l'anthropologue Maryon Mac Donald151(*). Quand les Romains ou les Grecs observent les
habitudes ritualisées du boire des Gaulois, enrichit Gilbert Garrier,
ils dénoncent leur comportement de "soiffard". Les Gaulois
buvaient de manière épisodique, rapidement et en grande
quantité. Ils s'enivraient volontairement et surtout buvaient du vin
pur. Ces manières de boire sont condamnées par les Romains qui
les considéraient, de ce fait, comme des "barbares". "Boire
en barbare, ce n'est pas boire beaucoup ni souvent, c'est boire le vin pur, en
solitaire ou dans une convivialité orgiaque bien éloignée
du strict rituel des symposia et des banquets"152(*). Estimés comme des
buveurs "civilisés", les Romains et les Grecs buvaient
modérément et surtout coupaient leur vin avec de l'eau, ce qui,
pour eux, était un critère de civilisation.
Cette culture de la consommation sophistiquée de
l'alcool se retrouve plus tard au XVIIIe siècle comme je l'ai
décrit précédemment. Pareillement, le constat de la
rencontre de deux cultures de la boisson suscitait de vives critiques d'ordre
moral. Celle de la Bretagne rurale ("un monde de consommation d'alcool
épisodique, célébratoire, et quantitatif"),
et celle des voyageurs "instruits" côtoyant le " monde
de convivialité de salon"153(*). Cette confrontation continue finalement
aujourd'hui encore, quand Guy Caro en 1990 organise le colloque à
Rennes, et multiplie les études concernant le boire excessif en
Bretagne.
b- Appartenir à un groupe
Cette dissonance dans les manières de boire ne
s'explique pas seulement par des conflits culturels. Elle se perçoit
également dans les différences sociales. L'alcool favorisant
l'état sectaire d'un groupe. D'après l'enquête menée
dans le cafés par Annie-Hélène Dufour, l'heure de
l'apéritif, du midi comme du soir, correspond au retour du travail. La
fréquentation des bars, à ce moment de la journée devient
alors un véritable lieu de passage et par conséquent un moment de
pause mêlé de sociabilité. Patrick Le Guirriec nous en fait
une description lors de son étude à Scrignac. La
fréquentation des cafés, dans ce bourg communiste breton, a une
valeur de sociabilité et d'intégration à la vie sociale et
politique. Ce lieu, débiteur d'alcool, devient donc
"obligatoire" si l'on veut participer à la vie publique et
faire parti intégralement de la communauté. Il semblerait que des
codes spécifiques de l'alcoolisation sociable soient
régulés par les classes socioprofessionnelles. Dans ce cas
particulier, ce sont les petits cultivateurs qui fréquentent
quotidiennement les cafés. À l'île de Balz (Nord du
Finistère), Patrick Le Guirriec note que les cultivateurs ne les
côtoient que le dimanche, contrairement aux pêcheurs et aux
retraités de l'île. Il apparaît ici que "les
manières de boire sont propre à chaque communauté et sont
susceptibles de varier lorsqu'on change de culture"154(*). Il en est de même
quant à la nature des boissons. Le groupe social des "petits
cultivateurs", ouvriers et paysans, boit plutôt du "gros
rouge" tandis que le groupe social des "notables locaux" s'en
abstiennent.
L'appartenance à un groupe social se détermine,
dans ce contexte, à travers ce que l'on boit. Elle donne
l'opportunité au groupe d'affirmer son identité. L'ethnologue
Agnès Jeanjean enquête à Montpellier auprès des
"employés au Service d'Égouts de Montpellier"155(*). Les employés
s'autorisent des pauses café pendant leur journée de travail.
Bien que les travailleurs n'ont pas installé de "hiérarchie
officielle" entre eux, la nature des consommations diverge quelque peu
selon les groupes. Sans évoquer le café du matin, l'ethnologue
constate que les égoutiers consomment plutôt de la bière et
parfois du vin et du pastis. Les cadres en revanche, optent souvent pour de la
bière, du pastis ou du whisky quand il s'agit de boissons
alcoolisées. Sinon ils s'accommodent au groupe en buvant sirop, limonade
ou café. Contrairement aux égoutiers, les rencontres entres
cadres ne sont pas uniformes. Selon l'entente partagée, ils pourront
parfois s'attarder à l'heure de l'apéritif. Chose impossible pour
les égoutiers. Ceux-ci ne pouvant pas se permettre de se faire trop
remarquer par l'arrêt de leur camion trop voyant. La variante des alcools
consommés n'est pas vraiment significative, excepté
peut-être la différence de coût entre le vin et le whisky,
permettant pour les plus aisés le choix d'une boisson socialement et
symboliquement valorisée. Dans tous les cas, boire l'apéritif
présente un bon prétexte pour les deux groupes de
s'arrêter. Mais il n'est pas seulement un prétexte pour boire, il
est un moment où l'on continue d'échanger sur son activité
et où les employés "expriment et défendent des
conceptions du travail et d'eux-mêmes". C'est par ce moyen qu'ils
revalorisent leur identité professionnelle.
Comme les ethnologues Maryon Mac Donald ou Patrick Le
Guierriec, le psychiatre Guy Caro synthétise cette réalité
liant de manière quantitative ou qualitative, chacun à une
boisson156(*).
Effectivement l'âge, le sexe, le milieu professionnel, social et
culturel, "influencent sensiblement" les rapports entretenus avec ces
liquides tant prisés et éveillant tant de polémiques.
C - Les règles du savoir-vivre et du savoir-boire
dans la socialisation
Au cours de mes lectures, la distinction entre
dégustation et gloutonnerie est mis en lumière. Savoir vivre en
société et apprécier de vivre en collectivité,
c'est pouvoir assimiler ces notions. Cette satisfaction passe par des
règles à suivre, de manière à être en
harmonie avec son groupe. Les règles de l'alcoolisation sont ainsi
soumises à une volonté de partager un moment
privilégié entre amis, famille, intimes, collègues ou
simples connaissances. Le plaisir gustatif et socialisant découle alors
du respect des règles du savoir-vivre.
a- La cohésion du groupe
On peut considérer l'apéritif comme une
activité structurante et organisatrice du lien social, à partir
du moment où les individus suivent des règles communes. Ces
règles de la pratiques apéritives fondent les normes de
l'alcoolisation de la société française. Par le biais d'un
modèle culturel d'alcoolisation, elles deviennent dés lors
socialisantes. Ainsi, le savoir-boire comme le savoir-vivre fonctionne, nous
dit Dominique Picard, comme "tous rituels sociaux"157(*). Répondre aux
mêmes codes renforce la cohésion d'un groupe et permet de
l'opposer à un autre groupe. En partageant un même
"rite", les individus se sentent proches et solidaires. Le
savoir-vivre permet de rendre compte des différences entre membres de
catégories par des pratiques apprises. Ainsi, renchérit le psycho
sociologue, les codes du savoir-vivre "bourgeois" n'ont pas cours dans d'autres
milieux ou prennent d'autres formes. D'ailleurs, l'apéritif rassemble
plutôt des voisins ou des amis des milieux populaires158(*).
b- L'apéritif dans les manuels de
savoir-vivre
Des manuels de savoir-vivre suggèrent, souvent de
manière succincte, les façons de concevoir l'apéritif. Des
nuances selon les époques et auteurs semblent se révéler.
Si l'apéritif se répand après la seconde guerre mondiale,
il apparaît qu'au début des années soixante,
l'"apéritif" n'est pas un terme très réputé.
Effectivement, Berthe Bernage, dans un ouvrage datant de 1962159(*), consigne au lecteur qu'il
vaut mieux éviter le mot "apéritif", sans donner de raisons.
Était-il un mot à consonance péjorative car trop populaire
? Cette connotation n'apparaît plus dans le guide du savoir-vivre des
années quatre-vingt-dix de Sabine Denuelle160(*). Dans les deux cas, il y a
une confusion entre le cocktail et l'apéritif. Une seconde divergence se
situe au niveau du temps. Le premier précise que l'on doit attendre tous
les convives avant que le "maître de maison" serve à
boire. Le second précise que l'apéritif aide à faire
patienter en attendant les derniers arrivants. Enfin, il apparaît
clairement qu'il est plus actuel de servir des petits plats cuisinés en
accompagnement alimentaire (mini-pizzas, canapés...) en faveur des
traditionnels gâteaux apéritifs (amandes grillés,
cacahouètes...).
c- Le savoir-recevoir
De manière générale, l'importance
réside dans la manière de recevoir ces invités par
l'intermédiaire de la qualité des boissons et de la
manière de les servir. Porto, Whisky, Cinzano, Raphaël, Vermouth,
Byrrh, Pernod sont les apéritifs traditionnels. On peut aussi servir du
champagne dans des coupes ou des flûtes qui conservent plus longtemps au
vin son pétillement. Les jus de fruits ne sont pas omis et l'on
précise qu'ils doivent se servir dans des grands verres. Les liqueurs et
les vins chauds se servent dans des petits verres. Le punch ou la sangria,
"boissons exotiques", rajoute Sabine Denuelle, peuvent être
prévu dans des verres à vins. Une fois les préparatifs
ajustés, les boissons sont toujours servies soigneusement par le
maître de maison161(*). Ce dernier donne le signal pour boire en levant son
verre à la santé de ses hôtes162(*). On peut considérer
le toast comme le top départ à la consommation d'alcool, qui,
précise Carmen Bernand, ennoblit de façon formel le geste du
boire. L'anthropologue décrit le toast comme "une forme de
dédicace de la boisson effectuée par un homme". On doit
suivre des gestes précis : le verre doit être rempli, on
lève son verre, la posture du corps est cambrée, on prononce une
allocution et enfin on boit ou on fait semblant. D'après les manuels
français de savoir-vivre, il est préférable de porter le
toast avec du vin.
Ces règles de savoir-vivre, sous-entendant le respect
des règles des manières de recevoir et d'être reçu,
sont plus ou moins respectées selon le milieu dans lequel on est
convié. Chaque étape est codifiée : "la manière
de lancer les invitations, le choix du menu, la façon de dresser la
table, d'accueillir les invités, de les placer et même de les
pousser gentiment dehors s'ils s'incrustent". Comme le souligne Dominique
Picard, "cet « art de recevoir » a son corollaire en
« l'art d'être reçu ». Car l'invité
n'est pas passif et le couple que forment l'hôte et l'invité
illustre bien la complémentarité des rôles dans le
savoir-vivre."163(*). Bien que l'apéritif demande moins
d'obligeance qu'un dîner, le savoir-boire est une qualité requise
quelque soit le milieu.
d- Les enjeux du savoir-boire
La question du savoir-vivre, et plus précisément
celle du savoir-boire, se mêle aux questions délicates du plaisir
et de l'enjeu moral qu'il induit. Claude Fischler explique que "le choix
des aliments et le comportement du mangeur sont inévitablement soumis
à des normes religieuses, médicales, sociales, et donc
sanctionnés par des jugements"164(*). Comme le sucre ou la viande, l'alcool est
marqué par l'ambivalence car ils sont associés au plaisir et
à des usages sociaux fondés sur le don, le partage et à
des circonstances festives. C'est pourquoi, la consommation solitaire de ces
produits est réprouvée et même culpabilisée,
continue Claude Fischler. Par conséquent, seul l'usage convivial et
sociable des sucreries comme de l'alcool est légitime. Dans cette
même perspective, le glouton comme l'ivrogne sont perçus comme des
transgresseurs. Ils ne répondent pas à la règle du partage
"qui est la substance même du lien social"165(*). Ils menacent la
sociabilité élémentaire dans la mesure où ils
accaparent et dévorent. La nécessité de festoyer et de
trinquer joue donc son rôle dans la représentation du
savoir-vivre, garant du lien social.
Offrir de l'alcool reste en France le modèle le plus
répandu de comportements socialisants, à condition qu'il
réponde aux normes dictées par la société.
Comme toutes pratiques sociales et culturelles,
l'apéritif répond à des règles communes.
L'écoute et la régularité de ces normes font de
l'apéritif une pratique fortement codifiée. C'est justement parce
qu'elle est codifiée et répétitive que des manuels
emploient à tort, ou naïvement, le mot "rite" ou "rituel" pour
qualifier cette coutume. Toute habitude n'est pas rituelle. Les normes
actuelles de l'habitude française de prendre un apéritif seraient
nées dans l'Algérie coloniale. Les soldats, nous dit Carmen
Bernand166(*), prirent
l'habitude d'ajouter de l'eau à l'absinthe. L'alimentation au moment de
l'apéritif, nous dit Jean-Pierre Poulain167(*), est quelque chose de
récent, il daterait des années 1960. Avant, l'apéritif
n'était qu'une prise liquide. On constate que les normes de
l'apéritif sont constamment en mouvement. C'est pourquoi il pourrait
être intéressant de travailler sur les nouvelles normes de
l'apéritif. La documentation a, effectivement, donné des
informations intéressantes surtout concernant les périodes du
XIXe et XXe siècle mais trop peu au
XXIe siècle.
4ème partie - Limites et ouvertures du champ
d'étude
Tout un pan de la littérature sur le boire
évoque les attributs sanitaires et dangereux pour la santé des
boissons alcoolisées. L'apéritif étant une boisson
alcoolisée n'échappe pas à ces constats relativement
contemporains. Mais notre sujet ne se réduit pas à ces analyses
théoriques. C'est pourquoi, après avoir étudié
l'aspect alcoolisé de la boisson apéritive, dans un second temps,
il sera intéressant d'évoquer de nouvelles possibilités
d'études. Nous verrons que la documentation parcourue regorge
d'informations, parfois contradictoires mais souvent complémentaires.
I- Les limites de l'anthropologie du boire
Des Notes sur la fonction sociale de l'alcool de
Claude Fischler168(*)
à l'Histoire sociale et culturelle du vin de Gilbert
Garrier169(*), les
manières de boire sont étudiées sous des angles divers.
Régulièrement, reviennent les thèmes de l'alcoolisme, de
l'ivresse et des dérives, qui sont abordés avec précision
par des travaux englobant des disciplines variées. Ces
caractéristiques propre au boire170(*), bien qu'elles participent à la
compréhension du système dans lequel se trouve la pratique
sociale de l'apéritif, ne sont pas représentatives de cette
sociabilité, mais il est important d'en tenir compte.
Précisons que le substantif "boire", nous dit Lionel
Obadia dans un article de Socio-Anthropologie, ne dissocie
pas l'objet de la pratique : "le « boire »
recouvre tout autant la substance elle-même (la boisson) que les
pratiques sociales et significations culturelles qui entourent sa consommation
et qui confèrent au « boire » alcoolisé (ici,
au boire) son originalité."171(*)
A - L'apéritif : une boisson alcoolisée
La recherche bibliographique du sujet "apéritif" et par
conséquent celle des consommations ritualisées et traditionnelles
de l'alcool, m'a naturellement orientée, dans un premier temps, sur les
questions du boire. Divers spécialistes traitent ces questions.
a- L'ambiguïté du phénomène
d'alcoolisation
L'alcoolisation, tel un "processus", nous dit Robert
Chapuis172(*), est un
sujet très étudié qui n'est guère dissocié
des problèmes d'alcoolisme. Désirs d'ivresse : alcool, rites
et dérive est un ouvrage collectif dirigé par Carmen
Bernand173(*). La
majorité des auteurs sont des anthropologues et des sociologues. Ils
décrivent et analysent les différentes manières de boire
dans leur contexte. De l'alcoolisme au Bien Boire, dirigé par
Guy Caro174(*),
réunit de nombreux spécialistes tels que des psychiatres, des
anthropologues, des alcoologues ou encore des historiens. Les problèmes
liés aux excès d'alcool, particulièrement en Bretagne, y
sont traités. Les spécialistes tentent d'objectiver la question
en prônant une consommation mesurée. La monographie de
Véronique Nahoum-Grappe : La culture de l'ivresse175(*), analyse minutieusement les
comportements culturels de l'état d'ébriété, au
sein de notre société. Ces trois ouvrages sont des exemples
significatifs de la pensées occidentales actuelles. Ils évoquent
les valeurs positives de l'alcool soulignées par les mots rite, bien
boire et culture. Cependant, les mots dérive,
alcoolisme, ivresse composant également le titre, entachent
l'attribution précédente. Par ce procédé, les
auteurs expriment-ils la crainte de valoriser une pratique qui suscite des
dégâts d'ordre social et sanitaire ?
b- Le déterminisme des sciences biologiques
L'alcoologie est, par définition, une discipline
médicale traitant l'alcoolisme et sa prévention. En France, elle
ne fut que tardivement étudiée par les sciences sociales,
contrairement aux États-Unis. Les sciences humaines et sociales, nous
explique l'anthropologue Lionel Obadia176(*), ont alors du trouver leur place dans les
"prédéterminations" des sciences biologiques.
Comme Lionel Obadia le fait, Claudine Fabre-Vassas, dans un
article de 1989177(*),
expose clairement le piège dans lequel se confine l'analyse des
pratiques d'alcoolisation. L'influence des sciences de la vie, qui
évaluent précisément les effets d'une absorption, heurte
la réflexion anthropologique. Depuis le XIXe siècle le
concept d'alcoolisme est tellement imprégné dans les pays
industriels qu'il est difficile pour les sciences sociales d'en faire
abstraction. Aussi, nous dit Claudine Fabre-Vassas, la notion
d'"anomie" fut très souvent employé et avec elle le
constat de conduites de désordre et asociales liées à
l'alcool. Ne plus suivre les codes et les normes de la société
provoque l'exclusion du buveur.
c- Le recours à l'analyse des comportements
Pour recentrer la recherche anthropologique, de manière
objective, extirpée du travail des biologistes, Mary Douglas,
citée par Claudine Fabre-Vassas, opte pour l'analyse des comportements,
au travers la boisson consommée du groupe. Des questions relatives au
rituel, à la place cérémonielle due au partage et à
l'échange symbolique, au rôle de la boisson dans les relations
sociales, pourront voir le jour. L'ébriété comme la
pathologie, pourront être examinées de nouveau, sous un angle
différent.
L'étude de l'apéritif en tant que moment de
sociabilité entre dans ce champ. Et, si parfois aller "boire
l'apéritif" s'accompagne d'abus d'alcool, l'ivresse reste collective
s'inscrivant alors dans un principe d'organisation et de valeur. Notons que les
dictionnaires définissent l'apéritif comme une boisson
alcoolisée consommée avant le repas et par extension comme un
moment de la journée. Aucune allusion au fléau alcoolique ou
à l'ivresse n'est décrite. Au contraire, on parle de
"fraîcheur" dans l'apéritif du matin et de "puissance
de pensée" et de "sagesse" dans l'apéritif du
soir178(*). On porte
l'accent sur la composition des apéritifs, leurs vertus et leurs
goûts particuliers et divers. La littérature romanesque, quant
à elle, rectifie cette vision. Elle fait amplement allusion aux
dérives et excès causés par les pauses apéritives,
largement décrit dans Le populaire à table : Le Boire et le
Manger au XIXe et XXe siècles179(*). Des professeurs
d'universités reprennent et analysent les descriptions du boire et du
manger des personnages de la littérature et des films populaires. Une
distinction très nette se fait entre l'alcoolisme et la gloutonnerie, la
mesure et la dégustation.
Bien que l'apéritif ne désigne pas
systématiquement l'ivresse, et suggère au contraire la
tempérance et la bienséance, nous ne pouvons délaisser
cette question qui fait l'objet d'une conséquente bibliographie.
B - La question de l'ivresse
L'apéritif désigne la boisson alcoolisée
et le moment durant lequel on le boit. Cette double attribution ne le confine
pas dans un carcan exclusivement lié à l'alcool, puisqu'on peut
participer à un apéritif sans s'alcooliser. Mais la règle
veut que des boissons alcoolisées soient proposées (sinon on
parle plutôt de thé, de goûter, de "casse-croûte"
etc.). Par sa dénomination première, elle implique la
consommation d'alcools "doux", "sucrés", "amers", "liquoreux", ou
d'alcools forts. Par conséquent l'apéritif s'accompagne toujours
d'ivresse, ne fusse-t-elle légère.
a- Ivresse et socialisation
Véronique Nahoum-Grappe180(*) élabore une
réflexion à ce sujet. Par le biais de l'histoire et
l'anthropologie du boire elle démontre que l'imaginaire social du buveur
et la perception actuelle est le résultat d'une longue construction
historique. L'acte de boire est alors un geste banal qui regorge de valeurs
positives liées à son passé. L'ivresse occasionnée
fait elle-même partie de ce passé. Comme l'une des
conséquences du boire, elle est une évidence, une banalité
à l'intérieur d'une même culture. L'auteur la nomme alors :
La culture de l'ivresse, puisqu'elle constitue une norme. Elle se
référencie à Mary Douglas qui précise que
"l'ébriété exprime aussi une culture, dans la mesure
où elle prend toujours la forme de comportements appris, hautement
élaborés, qui varient d'une culture à l'autre (...) La
teneur générale de la perspective anthropologique, c'est que la
fête est normale dans la plupart des cultures et que l'alcool est un
adjuvant non moins normal de la fête. Boire est essentiellement un acte
social accompli dans un contexte social reconnu. Si l'on doit mettre l'accent
sur l'abus d'alcool, le travail de l'anthropologue suggère alors que la
façon la plus efficace de le contrôler passe par la
socialisation"181(*). La sociabilité de l'apéritif entre
dans ce processus de socialisation. L'ivresse procurée par un
apéritif convivial est légitimée par la norme sociale, par
une conduite répétée.
Puisqu'il est une pause dans la journée du travailleur,
il en devient une récompense. C'est pourquoi l'ivresse ne peut pas
être l'équivalent de l'ébriété des grandes
fêtes. Le moment propice de l'apéritif peut cependant être
choisi de manière imprévisible pour fêter une bonne
nouvelle ou pour se consoler quand elle est mauvaise.
L'ébriété est alors tolérée par tous.
b- Les normes de l'ivresse
Le "savoir social particulier du boire"182(*), nous rappelle
Véronique Nahoum-Grappe, s'organise naturellement autour de
règles, de représentations et de significations. Malgré la
relative tolérance face à l'ivresse, des moments
appropriés pour s'enivrer sont préconisés : le moment de
l'apéritif en est un, à la fin d'un repas de fête et le
moment le plus opportun reste le soir. Une ivresse qui n'est pas à sa
place fait "sale", "désordre", elle "souille", au sens où
l'anthropologue Mary Douglas l'entend. L'ivresse doit être en harmonies
avec les pratiques sociales183(*). De la même manière, l'ivresse n'est
pas recommandée aux femmes. Bien que celles-ci prennent leur place lors
des festivités, leur statut est différent. D'ailleurs, le
savoir-boire est une "louange virile"184(*) dans le sens où il
s'agit autant de savoir "tenir l'alcool", c'est-à-dire savoir boire
beaucoup, que de contrôler l'excès et la manière
d'être ivre. La déchéance est une "défaite
identitaire" pour l'homme mais encore plus pour la femme. A ce propos,
Emmanuel Kant, dans Anthropologie d'un point de vue pragmatique,
consacre un passage de son oeuvre à l'ivresse. Il évoque
"l'insouciance et la témérité " que procure
l'ivresse et que "les femmes, les gens d'Église, et les Juifs"
ne doivent pas atteindre ou ne pas laisser paraître puisqu'ils sont
"dans un état d'infériorité civique". Le regard
de la communauté sur les valeurs qu'ils inspirent ne leur permet pas
cette relâche que produit l'alcool185(*).
Le regard philosophique d'Emmanuel Kant nous apprend beaucoup
sur la psychologie du buveur et sur les effets des boissons. Il distingue
"l'ivresse taciturne" provoquée le plus souvent par la
bière. C'est une ivresse qui a quelque chose de honteux puisqu'elle ne
favorise pas les relations sociales et la discussion. Alors que celle due au
vin, entraîne la joie et le bavardage. Le philosophe expose un certain
nombre de règles et manières de se tenir, telle que la
maîtrise de soi, et en explique les raisons. Celles des règles du
savoir-recevoir exigent que les invités repartent repus et satisfaits.
La sobriété est souvent peu probable, néanmoins la
maîtrise de soi prouve un respect à l'égard du groupe avec
qui on a bu et une estime de soi186(*). Véronique Nahoum-Grappe ajoute que le
spectacle de l'ivresse perturbe le jeu des définitions sociales,
qu'elles soient sexuelles, identitaires, culturelles ou hiérarchiques.
c- L'apprentissage de l'ivresse
L'expérience de l'ivresse est, pour la
société occidentale, une épreuve qui s'apprend entre
paires. Si la famille initie le jeune adolescent, et dans certains milieux
socioculturels l'enfant, autour de pratiques traditionnelles, on initie
plutôt au goût et à une consommation modérée.
Mais cette première approche avec l'alcool n'est qu'une introduction
avant que le jeune ne devienne adulte. L'analyse de Robert Chapuis187(*) clarifie cet apprentissage
naturel et valorisé dans les familles. Il met en avant le concept
d"alcoolisation" et l'héritage culturel dans lequel grandit chaque petit
français. Selon le sociologue, la transmission des pratiques alcooliques
joue un rôle prépondérant dans la perception que l'on a de
la "réalité-alcool". L'acte de boire ensemble est
associé au temps fort de la convivialité sociale et familiale. En
dehors du contexte familial, le jeune adolescent expérimente les
états d'ivresse. Il s'éloigne ainsi des valeurs
enseignées. Dans l'étude des manières de boire des
étudiants de Jacqueline Freyssiney-Dominjon et Anne-Catherine Wagner,
l'adolescent de 13 et 17 ans découvre l'alcool et l'ivresse. Cette
découverte, pour le jeune adulte, est une pratique structurante de la
sociabilité188(*). La période étudiante est un moment
propice aux expériences d'ivresses. Aussi, l'apéritif familial ne
suffit plus à assouvir le "désir d'expérimentation des
choses de la vie adulte"189(*).
Il apparaît clairement que ce sont les effets de
l'alcool qui intriguent les jeunes pratiquants et non son goût. La
consommation de boissons alcoolisées est-elle un moyen d'échapper
à la réalité, comme le suggère Robert Chapuis, ou
une motivation exclusivement sociale, comme le soulignent Jacqueline
Freyssiney-Dominjon et Anne-Catherine Wagner ?
d- Entre intégration et
désintégration
L'anthropologue Claude Fischler résume clairement le
paradoxe de l'alcool. Il s'agit en effet d'une question de dose (celle-ci
étant soumise aux usages d'une culture). À faible dose, l'alcool
a une fonction sociale car elle désinhibe naturellement les individus.
Elle efface provisoirement et facilite la communication. En levant les
"obstacles formels" temporairement, l'alcool est
"intégrateur". En revanche, à forte dose il
devient "désintégrateur", dans le sens où la
personne trop ivre s'éloigne des comportements socialement
attendus190(*).
Ces conduites socialement rejetées atteignent leur
paroxysme lorsqu'elles provoquent des désordres et des dommages.
L'historien Jean Verdon191(*) explique comment au Moyen Âge, des querelles
provoquées par l'enivrement collectif peuvent se poursuivre par des
rixes ou pire par des crimes. À ce sujet, des enquêtes ont
démontré que des récits de violences et de meurtres sont
précédés par une consommation excessive d'alcool. On
pourrait expliquer cette association par le fait qu'à cette
époque, l'ivresse est une circonstance atténuante
fréquemment invoquée.
Si la question de l'ivresse ne constitue pas l'objet de la
recherche, elle en compose un élément. La littérature,
nous le voyons, y fait souvent allusion. On la traite, par ailleurs, de
nombreuses façons : anthropologues, sociologues, philosophes,
historiens, psychologues ou médecins s'intéressent aux effets
directs de l'alcool sur le corps comme sur les relations sociales. Hier comme
aujourd'hui les anecdotes affluent. Le regard sur l'ivresse suscite le rire ou
le dégoût. La "pocharde", souligne Véronique
Nahoum-Grappe, inquiète, gène, alors que
l'ébriété masculine amuse192(*). La mesure comme
l'idée que boire en groupe est la norme à laquelle on doit
adhérer, sont des facteurs qui s'ajoutent à ces jugements de
valeur. L'ivresse s'accompagne d'idées préconçues, qui ne
semblent pas s'écarter de la règle de l'apéritif. Une
personne qui boit vite, trop et seule se voit rapidement marginalisée.
La question de l'alcoolisme se pose et à une autre échelle, celle
de l'abstinence.
C - Le tabou de l'alcoolisme
L'objectif de mon étude ne se centrait nullement sur
les problématiques que supposent l'alcoolisme et le "fléau
social" dont il fait l'objet. Mais les sciences sociales, quand elles
étudient le "boire", y font trop souvent allusion pour que cette
question soit négligée. Bien que les conduites d'alcoolisation
peuvent être excessives et revêtir un caractère
pathologique, pourquoi les chercheurs ont-ils tant de mal à offrir une
autre réalité _ complémentaire _ à ce
phénomène ?
a- La naissance d'un concept
Un détour historique nous apprend que c'est Magnus Huss
qui inventa le concept d'"alcoolisme" en 1849. On pense dés lors
différemment l'excès d'alcool. Effectivement, l'"ivrognerie"
avant le XIXe siècle était jugée moralement
mais très rarement institutionnellement. La médicalisation de
l'alcoolisation, faisant de l'alcoolisme une maladie psychiatrique à la
fin du XIXe siècle, marque une nouvelle ère dans la
manière de concevoir le buveur. Indépendamment de l'ivresse, la
toxicité de la molécule d'éthanol pour l'organisme est
mise à jour. Les grandes polémiques entre addiction
déviante et plaisir festif prennent donc naissance à cette
période.
La médicalisation du phénomène est, d'une
part, attribuée au fait que l'on a dénoncé la
déchéance morale de certaines personnes trop alcoolisées
comme facteur de la criminalité, d'après Robert Chapuis193(*). D'autre part,
considérant que l'"ivrognerie" touchait principalement les couches
populaires, ou du moins se sont elles que l'on désignait ainsi,
l'alcoolisme, nous rappelle Jean-Pierre Castellain, apparut quand la
bourgeoisie fut à son tour "victime des effets négatifs de
ses apéritifs"194(*). Notons qu'à cette période, il est
courant de boire de l'absinthe. Cette boisson, consommée en
apéritif et interdit pour ses ravages occasionnés, pour sa folie
engendrée, était très prisée. De nombreux ouvrages
y font références, les récits de descriptions de
scènes où l'on s'alcoolise abondent, notamment dans Le
populaire à table : Le Boire et le Manger au XIXe et
XXe siècles. Antoine Court décrit avec
précision les breuvages absorbés par le personnage Alphonse
Allais. L'absinthe se boit à 17 heures en apéritif. Ce
garçon, qui appréciait toutes sortes de boissons, admet que les
apéritifs sont des "cochonneries" qui "démolissent
la santé". Mais il ne peut s'en passer195(*). La sociologue Anne Steiner,
explique que dans les cafés de Belleville au XIXe
siècle, les blanchisseuses se font payer la "zézette"
(mélange d'absinthe et de vin blanc) par la patronne. Alors qu'au
contraire, les femmes qui ne travaillent pas, buvant absinthe ou autre alcool
fort dans un bar, font figure d'alcooliques196(*). Le bien-boire est, sans conteste, l'ami du
travailleur ou de la travailleuse. L'alcoolisme, lui, est lié "aux
transgressions des normes du groupe"197(*). L'apéritif se répand à cette
période. Le concept d'alcoolisme également. La littérature
s'empare du premier et la médecine du second. La main mise de la
médecine sur ce phénomène, à long terme, n'a-t-elle
pas altéré la recherche ?
b- Alcoolisme et pathologie
Lionel Obadia, dans un article intéressant, dont le
titre explicite « Le "boire" : une anthropologie en
quête d'objet, un objet en quête d'anthropologie »198(*), ne s'y trompe pas. Le
privilège de l'approche biomédicale ne laisse que peu de place
à la collaboration transdisciplinaire. L'impact des idées selon
lesquelles l'alcoolisation revêt une dimension "pathologique",
sur la réflexion des sciences sociales, est tel, qu'il est difficile de
s'en défaire. L'apport transdisciplinaire de l'alcoologie est alors
prégnant. Selon l'anthropologue, il en résulterait un double
intérêt : "Le premier consiste évidemment dans le fait
d'accorder les violons de la recherche sur les enjeux et politiques sanitaires
en ouvrant à la compréhension du phénomène complexe
qu'est l'alcoolisme. Le second réside dans la formulation de
modèles combinatoires associant les aspects biochimiques et
socioculturels, les facteurs environnementaux et les mécanismes de
socialisation, la psychologie du buveur et l'identification de phases
singulières, socialement signifiantes, de l'alcoolisation". Il est
ainsi nécessaire que les sciences de l'homme se distinguent des
conceptions médicales. Elles analysent autrement les manières de
s'alcooliser, sans pour autant exclure l'approche biomédicale. À
travers l'histoire, les contextes et les significations d'une pratique sociale
et culturelle, telle que l'apéritif, dans ce cas précis
l'anthropologie tente de s'en affranchir. On peut considérer
qu'actuellement le regard social porté sur "le spectacle du buveur
est d'autant plus oblique que la menace d'une pathologie spécifique a
été objectivée par la science"199(*). Les sciences sociales
pourront-elles rectifier le tire pour que cette perception soit plus
nuancée ?
c- Alcoolisme et anthropologie
L'anthropologie sociale et culturelle donne
l'opportunité à l'anthropologie du boire d'analyser les conduites
d'alcoolisation inscrites dans des pratiques codifiées et signifiantes.
Ces conduites culturelles, révélatrices de normes, sont
étudiées par Patrick Le Guirriec dans un bourg de Bretagne. Selon
lui, l'alcoolisme ne peut pas être expliqué culturellement.
L'ethnologue termine son article en affirmant : "lorsqu'on passe des
manières de boire à la dépendance, on atteint très
vite les limites de l'ethnologie ". Il continue par : "rien ne
permet d'affirmer que l'alcoolisation est un phénomène
culturel"200(*).
Ces affirmations me paraissent excessives, d'autant plus que l'alcoolisme est
définit différemment selon les groupes d'appartenance. En effet,
l'exemple de Jean-Pierre Castellain, contredit les affirmations de Patrick Le
Guirriec. Cet anthropologue travaille en centre hospitalier. Dans son ouvrage
Manières de Vivre, Manières de Boire, sur le terrain, il
cherche à se situer entre le "tout médical" de l'alcoologie et le
"tout culturel" de l'anthropologie. Se dire alcoolique, dit-il, c'est admettre
l'individualisme et la culpabilité par rapport au reste de la
communauté. Ainsi, "les « symptômes
alcooliques » ne sont reconnus qu'après la rupture
préalable du lien social et l'exclusion de la
communauté"201(*). L'alcoolisme est tabou pour les dockers du Havre
parce que l'alcool fonde la corporation virile et fraternelle des travailleurs.
L'alcool agit comme moyen d'ouverture aux autres et comme une
possibilité d'échanges. Dans sa fonction positive il est porteur
de l'expression d'une relation au collectif. L'"abstinent" ne peut être
qu'exclu, comme l'usage individuel, marquant ainsi négativement la
rupture de ce lien.
La discipline anthropologique, on le voit, tente de
décrire une réalité sociale et culturelle dans laquelle il
serait plus correct de parler de processus d'alcoolisation. La
réalité "pathologique" ne peut pas être niée par
l'ethnologie. Sylvie Fainzang en fait l'expérience, en orientant ses
recherches sur "une ethnologie du déboire" dans laquelle elle
est en contact avec des anciens alcooliques202(*). Un article de Caroline Magny, est encore plus
explicite. L'ethnosociologue souhaite réintégrer l'objet
d'étude anthropologique "alcoolisme en France" en tenant compte
du point de vue des alcooliques et abstinents mais également celui des
membres de leur famille. Elle souhaite, pour une recherche plus
générale, ouvrir le champ d'étude sur le milieu
socioprofessionnel comme sur l'environnement médical des personnes
étudiées203(*).
Ces trois exemples montrent qu'il est possible
d'étudier de manière ethnologique la "maladie alcoolique". Au
travers l'analyse de la sociabilité autour de l'alcool, il est possible
d'observer des comportements à tendance alcoolique, comme d'autres
comportements, les "abstinents" par exemple. Ceux qui ne boivent pas d'alcool
sont, en effet, autant perçus comme suspects que ceux qui boivent trop
et seul. Robert Chapuis expose cette réalité qu'il dénonce
comme étant "la contrainte sociale à consommer de
l'alcool"204(*).
L'alcoolisation est ainsi sujette à des normes
précises auxquelles il faut se plier pour ne pas se voir exclure. Ces
normes ne sont-elles pas le résultat de l'ambiguïté que
suppose l'alcool ?
L'anthropologie du boire aide à l'entendement des
réalités de l'alcool, de ses valeurs positives comme
négatives. Cependant une partie de la bibliographie délimite
l'objet de la recherche à sa dimension alcoolique, ce qui n'est certes
pas rien, mais d'autres perspectives sont à envisager pour ne pas donner
des éléments de réponse stéréotypés
à la problématique. Aussi, bien que la pratique apéritive
soit un moment où l'on s'alcoolise, le plus souvent, il est avant tout
un acte social marqué par la convivialité.
II - L'apéritif, un champ d'étude vaste
à explorer
La consommation ritualisée et traditionnelle de
l'alcool peut être étudiée sous divers angles. Notre
intérêt anthropologique pour l'aspect convivial et sociable d'une
pratique telle que l'apéritif réduit cette infinité de
points de vue. Le champ d'étude reste vaste et il est impossible
d'analyser toutes les perspectives en profondeur. On peut néanmoins
envisager quelques possibilités d'ouvertures. De nombreux points
périphériques touchent chaque objet d'étude. Trois points,
dont il aurait été captivant d'approfondir la recherche, ont
attiré mon attention. Les comportements régionaux, le don et les
limites supposées par la pratique sociale sont des thèmes parfois
effleurés par la bibliographie entreprise. Ils méritent
d'être succinctement repris.
A - La personnalité régionales des
manières de boire
La documentation aborde, souvent de façon superficielle
et fugitive, les goûts et les attitudes régionaux. Je vais tenter
de les mettre en avant. Il me semble qu'une étude plus approfondie des
pratiques actuelles pourrait nous apprendre beaucoup sur les
particularités régionales.
a- De nettes oppositions
Étrangement, la recherche bibliographique m'a souvent
amenée vers deux directions dans les manières de boire. La
première est consacrée à l'alcoolisme des bretons et la
seconde au boire et au manger en Méditerranée. Ce sont deux
régions de France très distinctes par leur opposition
géographique, les influences que cela suppose, leur climat (favorisant
telle ou telle production) et forcement dans les pratiques sociales comme dans
les manières de concevoir la vie. Les différences et les
manières de boire locales sont-elles si éloignées au sein
d'un même pays ? Peut-on définir une identité culturelle
d'un lieu, au travers ses manières de boire et de son alliance avec un
breuvage plus qu'avec un autre ? Étudier le moment de l'apéritif
en tant qu'acte de sociabilité est un excellent moyen de mettre en
évidence et en comparaison ces divergences. Ces dernières,
supposées par la relation particulière à l'alcool,
s'exprimeraient avec l'"âge", le "sexe", les
"groupes professionnels et sociaux", d'une part, et d'autre part
"selon les productions, cultures et traditions régionales et
nationales" nous explique Guy Caro205(*). Les sociologues et anthropologues constatent
effectivement des différences significatives entre les régions,
sans que, précise Lionel Obadia, "ces variations ne trouvent
statistiquement d'explication"206(*). Il serait donc intéressant de recourir
à des descriptions fines des manières de faire. Les
particularités régionales pourront être
évaluées à travers l'observation des habitudes, des
traditions et des moments de consommation.
b- Des exemples de moeurs régionales
Robert Chapuis tente de repérer quelques
généralités dans des régions de France. Une place
particulière à la coutume du boire et à ce qu'elle
représente pour la vie sociale des familles est d'autant plus
valorisée que l'on doit suivre les moeurs de la communauté afin
de pleinement l'intégrer. Par exemple, le sociologue remarque qu'en
Vendée "un besoin de boire collectif (...) est
considéré comme sacré ou presque"207(*). Le boire fait donc partie
du conformisme social imposé aux familles. Dans le Nord on admet que les
femmes comme les hommes ont l'habitude quotidienne de boire de la bière.
En Bretagne, Robert Chapuis concède la réputation d'ivrogne aux
bretons par les écrivains voyageurs du XIXe siècle.
Lors de grandes fêtes l'ivresse bénéficiait de l'indulgence
sociale. Comme nous l'avons décri dans la seconde partie (II A c),
chaque région privilégie une sorte de boisson totem. On voit
clairement des représentations liées à la boisson et donc
des comportements qui persistent à la globalisation identitaire
nationale et européenne208(*).
Des études quantitatives ont été
avancées dans ce domaine. Les statistiques en évoquent les faits.
Pourtant, sans établir de fausses vérités ou des
stéréotypes, l'étude délicate des comportements
régionaux, en matière de consommation traditionnelle et non
pathologique de l'alcool, pourrait s'avérer fructueuse et riche en
données qualitatives autant que quantitatives.
B - L'étude du don
Recevoir pour l'apéritif, offrir l'"apéro", se
retrouver au café autour d'un verre à l'apéritif etc.,
sont des occasions répandues de participer à une
sociabilité conviviale riche en communication et relation. Le partage
d'un moment de détente est alors prétexté par la boisson
bue en commun. Ces entrevues sont soumises à des règles
communément adoptées, notamment décrites dans les ouvrages
de savoir-vivre. Une règle fondamentale pour l'harmonie des relations
est celle de la réciprocité, celle du don et du contre-don. En
effet, l'attente tacite d'un retour de faveur est encore plus explicite quand
il s'agit d'une invitation ou d'une boisson offerte. On "rend" l'invitation de
convives en décalé alors qu'on "remet" la boisson (le plus
souvent alcoolisée) dans l'immédiat.
a- Le don comme convenance
L'alcool est figuré comme un cadeau de
l'hospitalité par Anne Gotman. Il constitue l'échange entre
l'hôte et le visiteur en soudant la relation. L'usage veut que le premier
offre à boire tel un présent et que le second l'accepte en
réponse. La sociologue évoque cette "obligation
réciproque" qu'exige le fait de "donner à boire et
boire"209(*). Par
cette contrainte, la relation amicale entre donneur et receveur
s'établit. De même, apporter du vin lors d'une invitation à
dîner signifie l'anticipation du convive sur cet échange. Une
autre réciprocité s'exprime dans les règles de
l'invitation à prendre un verre : accepter le verre offert c'est
s'engager à boire la totalité de son contenu, explique le
gastronome français Alexandre Grimod de La Reynière210(*). Il s'agit également
d'apprécier la valeur du don tel un art de vivre, en prenant la peine de
déguster la boisson proposée en guise de remerciement et de
reconnaissance. Dans cet perspective relevant de la sphère
privée, on est devant un échange de don matériel et d'un
contre-don immatériel.
b- Le système des "tournées"
La "tournée" dans les cafés provençaux,
décrit à l'heure de l'apéritif tel un rite par
Annie-Hélène Dufour211(*), obéit à de nombreux codes.
Précisons qu'il s'agit d'une sociabilité masculine dont les
femmes sont généralement exclues. À partir du moment
où l'on intègre un groupe dans lequel se succède des
"tournées", la coutume veut que l'on s'engage à contribuer
à cet échange jusqu'à ce que le tour complet soit
révolu. Ainsi, chaque convive "paye sa tournée". Il est alors
préférable que le contenu des tournées soit
équitable. L'équilibre financier mais aussi la connivence des
états d'ébriété sont assurés. Patrick Le
Guirriec, par ses observations en milieu rural breton, repère
également "l'échange et la
réciprocité"212(*) existant entre collègues de travail, aussi
bien dans le fonctionnement des équipes de travail qu'à
l'intérieur des cafés. Les lois de la "tournée"
répondent, comme en Provence, à des règles précises
qu'il est préférable de se plier pour ne pas être
ridiculisé publiquement. Ne pas rendre la tournée offerte peut
être la source de petites frictions.
c- Une obligation informelle
Cette tradition est caractéristique du système
de don / contre-don étudié par Marcel Mauss. Nombre de chercheurs
s'y réfère en observant ce devoir auquel on ne peut
échapper. Offrir, accepter et rendre sont les obligations qui prouvent
la bonne intégration au groupe de buveurs et l'acceptation des
règles collectives auxquelles tous doivent contribuer. On remarque ainsi
que cet échange de dons sous " forme
désintéressée et obligatoire en même
temps "213(*)
est ancré dans la sociabilité des bars. L'abstinent, dans cet
enjeu, est perçu comme un étranger qui ne participe pas à
ces échanges d'alcool. Celui qui ne boit pas d'alcool subit ainsi la
"pression sociale normative" mentionnée par Robert
Chapuis214(*). Par
conséquent, le "buveur d'eau" se voit écarté du
cercle. Le système intégratif du don pourrait dans ces conditions
se révéler comme une forme d'intolérance.
Plus généralement, l'acte de boire et d'offrir
à boire s'inscrit, souligne Robert Chapuis, dans une pratique
d'échange. Cet échange passe, en premier lieu, par la
communication et par la boisson comme un trait d'union à la relation
établie. Il révèle ainsi la valeur socialisante de la
boisson au même titre que la parole. C'est pourquoi refuser une
invitation à boire ou négliger de retourner une invitation n'est
pas convenable dans les moeurs de la sociabilité occidentale. Cela
équivaut implicitement à "refuser l'alliance et la
communion"215(*).
De là, dépend subséquemment la cohésion du micro
groupe renforcée par ce système de dons et de contre-dons.
L'apéritif est le moment idéal pour mettre en
avant, de manière spontanée mais codifiée, ces
échanges. Bien qu'elle soit fortement conseillée, si la
réciprocité n'est pas obligatoire c'est qu'on l'a convenue par
avance. En revanche, sans être énoncée, il est d'usage de
rendre l'invitation à l'apéritif dans un temps
indéterminé, quand celle-ci s'organise en lieu
privé216(*).
C - La problématique du seuil
De manière conventionnelle, se retrouver pour boire
l'apéritif ne signifie pas que l'on va s'enivrer. Au contraire,
l'ivresse n'est pas le but recherché et l'apéritif est surtout un
prétexte à la sociabilité qui se maintient grâce
à la sobriété. L'émergence des apéritifs non
alcoolisés "Mister cocktail" atteste cette réalité. La
question du seuil est une notion pleine d'intérêt pour notre
sujet. Elle s'exprime à deux niveaux distincts : d'une part à
travers sa place dans un espace temps donné et d'autre part sur les
effets encourus par l'absorption d'alcool.
a- Une frontière symbolique
La littérature sur le boire fait souvent
référence à cette question du seuil, en évoquant
l'action d'intermédiaire de la boisson alcoolisée. Cette
dernière, nous dit Carmen Bernand, permet à
"l'étranger de franchir le seuil qui le sépare de son
amphitryon"217(*).
L'apéritif en tant que pratique donnant lieu à la suggestion
à boire joue un rôle d'autant plus symbolique qu'il introduit la
rencontre. L'alcool permet ainsi de se rapprocher, de faire connaissance,
d'entrer en relation. L'étrangeté et l'intimité se
côtoient, la frontière est levée par l'échange du
geste de boire. L'apéritif invite à dépasser cette
frontière, comme l'on peut franchir la porte d'un lieu. Celui du
café encore plus qu'ailleurs, nous fait passer dans une autre
réalité et répond à des étapes
soulignées par la boisson. De plus, le fait de boire à un moment
précis de la journée, avant midi et avant le couché du
soleil accentue le sentiment de franchir une frontière autant
relationnelle que spatiotemporelle.
b- Entre mesure et démesure
Un second point, d'une autre envergure, est à mettre en
lumière. La question du seuil se réfère également
à l'état d'ébriété dans lequel peut
éventuellement s'adonner le groupe de buveur. La mesure et la
démesure sont des comportements à adopter plus ou moins
strictement selon le contexte. L'apéritif, en soi, est plutôt un
moment de détente propice à la communication et à
l'échange relationnel nécessitant une retenue appropriée.
L'excès d'alcool engendré par une consommation collective
provoque des conduites démesurées, explique Véronique
Nahoum-Grappe. Ces situations sont alors programmées par le groupe dans
certaines occasions qui se répètent et auxquelles le sujet ne
peut que difficilement échapper218(*). La maîtrise de soi reste, néanmoins,
l'attitude conventionnelle à adopter. Le risque d'ivresse se joue sur un
fil et l'enjeu est de ne pas dépasser la limite définie
implicitement par la société, par les règles de la
sociabilité. Pour Antoine Furetière "le seuil de la
démesure se situe au troisième coup"219(*) auquel cas les
"dégâts" commencent. Pourtant, allusionne
Emmanuel Kant, "la frontière de la maîtrise de soi" peut
facilement être franchie puisque la rencontre conviviale sollicite la
satisfaction commune induisant, quand il s'agit d'une invitation, que
l'hôte reparte "pleinement satisfait"220(*).
L'apéritif répond à des normes plus ou
moins souples et non formelles. Il se situe dans un espace temps précis
qui implique une attitude à tenir. Encadré par des horaires, par
des lieux et par des activités (le travail et le repas), il n'est pas
conforme de dépasser un certain seuil au risque d'être en
décalage avec la société.
Le thème de l'apéritif pourrait, on le voit,
être étudié dans des directions multiples. À travers
les spécificités régionales, une recherche sur les
comportements pourrait établir des types de personnalités
culturelles propres aux coutumes locales. Quant au concept de don, l'accent est
mis sur l'aspect relationnel suggéré par une coutume ancestrale
du boire. En revanche, on se focalisera, par le biais de l'étude du
seuil, sur les limites de la pratique régies par des lois sociales. La
liste des perspectives d'études pourrait être longue car la
bibliographie survole de nombreux points.
Cette partie montre la double facette d'une pratique sociale
et culturelle dont l'objet principal est l'alcool. La bibliographie propre
à l'apéritif propose des informations touchant
régulièrement les dérives de l'alcool. Cet état de
fait constitue une limite à notre recherche dont l'objectif était
d'analyser les objets légitimes de l'alcoolisation. La bibliographie
propose également des ouvertures innombrables qui, là aussi, ne
permettent pas une étude entièrement approfondie de
l'apéritif. Cette réalité nous enferme, mais permet des
objectifs de terrains très variés.
Conclusion
Malgré les premières difficultés
à trouver la documentation en anthropologie, il s'avère que nous
sommes en possession de riches informations. La recherche bibliographique sur
le thème "Apéritif et sociabilité" est finalement un sujet
aux possibilités infinies. En cherchant, dans un premier temps, des
sources auprès de l'histoire de la pratique apéritive, j'ai pu
voir son évolution. Les étapes, par lesquelles elle est
passée, sont liées aux transformations du régime
alimentaire. Elles sont aussi indissociables au fait que la boisson
apéritive est, à l'origine, une boisson alcoolisée. Une
réflexion sur le boire alcoolisé était donc
nécessaire.
Au fil des lectures, un obstacle s'est posé à
l'encontre de l'étude culturelle et non pathologique de la pratique. On
réalise que l'alcool est confiné dans des représentations
sociales liées à un passé fortement
déterminé par une morale chrétienne. Celle-ci se bat, avec
l'aide d'autres institutions, contre les états subversifs de la
société. Il n'est donc pas étonnant de remarquer que le
concept d'alcoolisme soit apparu à la même époque que les
premières allusions littéraires aux pratiques apéritives,
telles que nous les connaissons aujourd'hui. En effet, l'apéritif n'a
pas toujours eu une dénomination valorisée par la
société. Un film du début du XXe siècle,
cité par Didier Nourrisson221(*), s'intitule "Apéritif, l'Héritage
qui détruit la race". Un autre exemple illustre cette diabolisation
: un article de 1926 parut dans La presse sociale par M. Lettule
dénonce : « L'apéritif, maladie sociale ».
À cette époque la coutume prenait forme et comme toute
nouveauté, avant qu'elle soit régulée pour convenir
à l'ensemble de la communauté, on constate qu'elle suscita de
vives critiques. C'est pourquoi la tempérance est, depuis des centaines
d'années, le comportement attendu. La volonté de contrôler
les conduites excessives se retrouve analysée dans les sciences
médicales et dans les sciences humaines et sociales. La
sobriété est recommandée par les règles de
savoir-vivre et indirectement supposé par les manuels de recettes. La
dimension collective et conviviale de la pratique apéritive est alors
expressément exprimée par ces littératures. Les orgies et
beuveries ne sont plus à l'ordre du jour, au contraire la
"modération" est devenue une vertu contemporaine vantée dans les
publicités.
C'est la complémentarité disciplinaire de la
bibliographie qui a permis de riches renseignements et une meilleure
objectivité. Il apparaît clairement que l'apéritif, par son
aspect alcoolisé, est soumis aux exigences de la société
contemporaine. La bibliographie montre précisément l'ambivalence
dans laquelle se trouvent toutes pratiques culturelles où l'alcool a une
place prépondérante. On peut diviser la documentation en deux
sections. La première dénonçant les dérives
liées aux consommations d'alcool, la seconde décrivant les
manières de boire. Bien que l'apéritif soit ancré
culturellement dans les mentalités, il reste imbriqué entre un
savoir-vivre et une déchéance sociale. La religion et la
médecine influencées par la politique économique ont
contribué à cet amalgame. Le savoir-boire est
l'intermédiaire préconisé. Le directeur de
l'O.I.V.222(*) Robert
Tinlot "souhaite vivement que l'on apprenne à boire des boissons
fermentées de manière raisonnable"223(*). Il ne peut en être
autrement, l'économie de marché du vin représente des
ressources trop conséquentes pour satisfaire, par d'autres mesures plus
excessives, les professionnels de la santé. Ainsi l'apéritif
traditionnel, comme la consommation de vin à table, offrent une image
parfaite aux exigences économiques, libérales, sociales et
culturelles contemporaines.
L'anthropologie du boire fait écho à la boisson
alcoolisée que représente l'apéritif. Les ouvrages
touchant à l'alimentation se réfèrent, quant à eux,
à la prise alimentaire et à sa temporalité,
c'est-à-dire avant le repas.
Devant ce constat, il a été difficile de
réhabiliter la boisson et la pratique apéritive dans son contexte
alimentaire et sociale. Pourtant des documents divers évoquent
l'importance d'une pratique alimentaire telle que l'apéritif. Cette
coutume française est indéniablement une source de valeurs
positives de sociabilité. Ce que montre l'étude anthropologique
des manières de boire et l'anthropologie de l'alimentation. Ces valeurs
sont véhiculées par des règles de manières de table
et plus généralement des manières de faire. "Toutes
les civilisations, nous dit Léo Moulin, y compris les plus
primitives (selon nos critères Occidentaux), ont accordé de
l'importance au fait de manger et de boire. Toutes ont
célébré par des repas de mariages ou funérailles,
victoire sur l'ennemi ou naissance, accession à la puberté ou
venue du printemps. Nous ne mangeons pas n'importe quoi, à n'importe
quelle heure, n'importe comment, avec n'importe qui, fût-ce dans la vie
quotidienne. Que dire alors dans les grands moments de la
vie ?"224(*).
Léo Moulin souligne brièvement la place fondamentale que
revêt l'alimentation dans nos sociétés. Notamment, son
importance lors de moments clés, bénéfiques au
fonctionnement de la communauté. Il apparaît clairement que
respecter les règles du boire et du manger, c'est respecter les normes
et l'organisation sociale. En respectant ces normes, la cohésion et
l'identité du groupe se fortifie et perdure. D'ailleurs, la culture
alimentaire de l'être humain est l'un des pôles fondamental
à la structure de son identité. L'apéritif, en tant
qu'élément conjugué ou détaché du repas, est
entaché de préceptes culturels et identitaires.
Au travers de l'étude des consommations nationales et
régionales, au moment de l'apéritif, une identité
culturelle des manières de boire et de manger pourrait ressortir.
À ce propos, une chose apparaît rarement dans ma recherche : la
description de l'alimentation autour de la boisson, puisque actuellement
l'apéritif se caractérise par cette alliance. D'autre part, la
description de la valorisation nationale ou régionale des boissons et
nourritures typiques de l'apéritif ne suffisent plus. Les habitudes
apéritives ne se cantonnent pas aux simples traditions régionales
mais au contraire proposent des boissons et des mets toujours plus originaux
dans leur élaboration. Il n'est pas rare d'observer des
apéritifs, au café comme à la maison, dont les
thèmes affluent. On emprunte, alors, les traditions culinaires et
gustatives d'autres pays, qui offrent des perspectives élargies pouvant
probablement troubler le sens actuel de l'apéritif à proprement
parler. On pourrait se demander, dans une recherche plus affinée,
quelles sont les nouvelles formes de tendances consommatrices qui se
manifestent lors de rencontres apéritives ? Mes lectures n'ont pas
été fructueuses à ce sujet c'est pourquoi il pourrait
être bon d'ouvrir ce champ d'étude. Bien que l'apéritif ne
soit plus vraiment destiné à ouvrir l'appétit, comme sa
définition le suggère, il se prend avant le repas c'est pourquoi
il sous-tend la faim. Ainsi, pour s'adapter aux habitudes émergentes, on
a servi des mets en complément de la boisson apéritive :
traditionnellement des "gâteaux apéritifs" composés de
cacahouètes, amandes grillées, olives, "bretzels", et une
multitudes d'autres gâteaux secs et salées. Aussi, la
préparation de ces accompagnements s'est diversifiée avec le
temps. Les canapés et les amuse-gueules, aux préparations
élaborées, sont servies en guise de hors d'oeuvre. La tendance
actuelle s'oriente vers le multiculturalisme et l'on recherche de nouvelles
saveurs en restant chez soi. Les tapas, les mézés, le zakouski,
les "gnamagnamas" ou encore les "kémias" respectivement d'influences
espagnole, orientale, russe, africaine et nord africaine, sont autant de
saveurs à découvrir que des suggestions de soirées
apéritives à thème. Il semble que la pratique
apéritive évolue en concordance avec la progression du
modèle de repas anomique décrit par Claude Fischler. Le
grignotage apéritif peut alors parfois équivaloir à un
repas. "Les apéritifs
« dînatoires »" décrit par Jean-Pierre
Poulain225(*) en
constituent un parfait exemple.
Cette première recherche est la porte ouverte à
des analyses plus approfondies. Nous l'avons vu, les questions
régionales, le don, le seuil mais aussi l'alimentation ou encore
l'apéritif comme objet de transmission culturelle au sein des familles
pourraient être des sujets d'études. Ces approches seraient
davantage réfléchies sous l'angle d'une anthropologie de
l'alimentation. Ainsi un regard moins obscur serait envisagé.
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La Collective des Apéritifs à Croquer, [En ligne], URL :
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Consulté le 2 juin 2007.
* A propos des auteurs
Albert Jean-Pierre, Centre d'anthropologie
des sociétés rurales - Toulouse.
Amiel Christiane, Centre d'anthropologie des
sociétés rurales - Toulouse.
Balta Paul est directeur honoraire du Centre
d'études de l'Orient contemporain à Paris-III-Sorbonne.
Barou Jacques, C.E.R.A.T., Grenoble.
Bernand Carmen est anthropologue, professeur
à l'université de Paris X.
Bonnet Jocelyne est professeur d'ethnologie
européenne à l'université Montpellier III. Elle
crée en 1998 au Conseille de l'Europe un réseau européen
de coopération scientifique entre universitaires et chercheurs
francophones ethnologues et historiens, le réseau F.E.R. Eurethno, qui
tient chaque année un atelier européenne comparée.
Brécourt-Villars Claudine est
professeur de lettres à Paris. Se passionne pour la cuisine et la
gastronomie à travers les âges.
Brillat-Savarin (1755-1826), promoteur de la
gastronomie française.
Caro Guy est psychiatre, directeur de
recherche "Bretagne, alcool et santé" Rennes.
Castelain Jean-Pierre est anthropologue
à l'hôpital psychiatrique du Havre. Associé au Centre
d'ethnologie française et au C.E.T.S.A.H.
Chapuis Robert est sociologue.
Chaudat Philippe, U.M.R. - Technique et
Culture / C.N.R.S. - Paris.
Cheynet Hélène est Maître
de conférence, université Jean Monnet, Saint Étienne.
Clarisse René est psychosociologue.
Constans Ellens est professeur
émérite à l'université de Limoge.
Court Antoine est professeur à
l'université Jean Monnet, Saint Étienne.
Cuisenier Jean a été
successivement professeur à l'université de Tunis, directeur de
recherche au Centre national de recherche scientifique, directeur du
Musée national des arts et traditions populaires et du Centre
d'ethnologie française. Il est directeur de la revue trimestrielle
Ethnologie française.
Delcours Denise est analyste des
connaissances haut-alpines, en relation avec la flore.
Deumeunier Jean-Nicholas (XVIIIe
siècle), homme politique, "précurseur" de l'anthropologie
sociale.
Disegni Sylvia est professeur à
l'université Federico II, Naples.
Élias Norbert (1897-1990) philosophe
de formation et sociologue.
Fabre-Vassas, C.N.R.S. - Centre
d'anthropologie des sociétés rurales - Toulouse.
Fainzang Sylvie est ethnologue
Faucheux Michel est historien
Fischler Claude est chargé de
recherche au C.N.R.S. - C.E.T.S.A.P, groupe d'anthropologie de l'alimentation,
maison des sciences de l'homme, Paris.
Fournier Dominique est chercheur à la
Maison des sciences de l'homme au C.N.R.S.
Flandrin Jean-Louis est directeur
d'étude à l'E.H.E.S.S., professeur émérite à
l'université Paris VIII - Vincennes.
Garrier Gilbert est professeur
émérite d'histoire contemporaine à l'université
Lumière-Lyon-II. Il intervient aussi à l'université du Vin
de Suze-la-Rousse. Depuis sa thèse sur le Beaujolais, il a publié
de nombreux ouvrages sur l'histoire de la vigne et du vin.
Gillet Philippe est historien,
spécialiste de l'histoire du goût et des comportements
alimentaires.
Gotman Anne est chercheur en sociologie au
C.N.R.S.
Jeanjean Agnès, département
d'ethnologie - université de Nice - Sophia Antipolis.
Lee Allen Stewart est écrivain
globe-trotter, Amérique.
Le Guirriec Patrick est ethnologue,
spécialiste de la Bretagne.
Le Juez Brigitte est Maître de
conférence, Dublin City University.
Lieutaghi Pierre est attaché au
Muséum National d'Histoire Naturelle, Paris.
Mac Donald Maryon est anthropologue sociale
à l'université de Cambridge.
Marie Laurent est Maître de
conférence, National University of Ireland, Dublin.
Millan Amado, C.T.A. - facultad de
veterinaria, Universitad de Zaragosa
Millot Hélène est
Chargée de Recherche au C.N.R.S. de Lyon.
Mennell Stephen est directeur du Centre
d'Étude sur l'Europe Occidentale à l'université d'Exeter.
Morenon Martine est psychologue.
Moulin Léo est professeur
émérite aux universités de Louvain et de Namur et au
Collège d'Europe à Bruges, vice-président de la
Fédération internationale de la presse gastronomique et du vin.
Pitte Jean-Robert est professeur à
l'université de Paris IV - Sorbonne.
Nahoum-Grappe Véronique est
historienne et anthropologue, chercheur en sciences sociales, C.R.H. -
E.H.E.S.S. - C.N.R.S.
Nourrisson Didier est professeur à
l'I.U.F.M. de Lyon, professeur agrégé, docteur en histoire.
Obadia Lionel, faculté de sociologie
et d'anthropologie, université Lyon2 - Lumière.
Picard Dominique est professeur de
psychologie sociale à l'université Paris XIII.
Poulain jean-Pierre est sociologue
Rainaut Jean est spécialiste en
neuropsychiatrie.
Rivière Claude est professeur à
la Sorbonne, Paris V, il a été doyen de la faculté en
Guinée, fondateur du Togo du département de philosophie et
sciences sociales et directeur du laboratoire d'ethnologie de
l'université René-Descartes.
Rosso Thierry, laboratoire d'anthropologie
« Mémoire Identité et Cognition Sociale »
Université de Nice - Sophia Antipolis
Roubin Lucienne A. est anthropologue.
Segalen Martine est professeur de sociologie
à l'université Paris X.
Steiner Anne est sociologue à
l'université Paris X.
Stouff Louis est professeur d'histoire
médiévale à l'université de Provence à
Aix.
Tinlot Robert est directeur de l'O.I.V.
(organisation international du vin)
Topalov Anne-Marie est ethnologue,
chargée de recherche au C.N.R.S.
Touillier-Feyrabend Henriette, C.N.R.S.,
Centre d'Étude de l'Écriture. Paris.
Xiberras Martine est docteur en anthropologie
sociale et culturelle, diplômée de l'université René
Descartes, Paris V. Enseigne actuellement à l'université de
Toulouse-le-Mirail.
* 1 _ CASTELAIN,
Jean-Pierre. 1989. Manières de Vivre Manières de Boire :
alcool et sociabilité sur le port. Paris : Imago.
* 2 _ GARRIER, Gilbert.
1998. Histoire sociale et culturelle du vin. Paris : Larousse.
* 3 _ FAUCHEUX, Michel.
1997. Fêtes de table. Paris : Félin.
* 4 _ 2000. Larousse
Gastronomique, avec le concours du comité gastronomique
présidé par Joël Robuchon. Paris : Larousse.
* 5 _ GIRARD Sylvie,
MEURVILLE Élysabeth de. 1990. L'atlas de la France gourmande,
sous la direction de Jean Sellier. Paris : Jean Pierre de Monza.
* 6 _ FLANDRIN,
Jean-Louis et MONTANARI, Massimo (dir.). 1996. Histoire de
l'alimentation. Paris : Fayard, p. 24.
* 7 _ BALTA, Paul. 2004.
Boire et manger en Méditerranée. Arles : Actes Sud., p.
24-26.
* 8 _ CHAPUIS, Robert.
1989. L'alcool, un mode d'adaptation social ? Paris : L'Harmattan, p.
44.
* 9 _ FAUCHEUX, Michel.
1997. Fêtes de table. Paris : Félin.
* 10 _ XIBERRAS, Martine.
1989. La société intoxiquée. Paris : Meridiens
Klincksiek. Chap. II : « L'historicité des produits et les
toxicomanies classiques », p. 63-108.
* 11 _ XIBERRAS,
Martine. 1989. Ibid ., p. 68.
* 12 _ CHAPUIS, Robert.
1989. Op. cit., p. 47.
* 13 _ FAUCHEUX, Michel.
1997. Op. cit., p.21.
* 14 _ VERDON, Jean.
2002. Boire au Moyen Age. Tours : Perrin, p. 102.
* 15 _ FLANDRIN,
Jean-Louis et MONTANARI, Massimo (dir.). 1996. Op. cit., p. 25.
* 16 _ FLANDRIN,
Jean-Louis et MONTANARI, Massimo (dir.). 1996. Ibid., p. 59.
* 17 _ JOANNES, Francis.
1996. « Les fonctions sociales du banquet dans les premières
civilisations ». In J.L. Flandin (dir.) : Histoire de
l'alimentation. Paris : Foyard, p. 59.
* 18 _ FAUCHEUX, Michel.
1997. Op. cit., p. 40.
* 19 _ FAUCHEUX, Michel.
1997. Op. cit., p. 43.
* 20 _ Les Grecs, comme
les Romains, boivent leur vin mélangé à de l'eau.
* 21 _ FAUCHEUX, Michel.
1997. Op. cit., p. 52.
* 22 _ VERDON, Jean.
2002. Op. cit., p. 162. Cette recette, précise t-il,
est donné par l'auteur du Le Mesnagier de Paris.
Jean-Louis Flandrin explique (dans Fête gourmande : au Moyen
Âge. 1998. Paris : Imprimerie Nationale) que Le
Mesnagier de Paris est un riche bourgeois qui commence son
traité d'économie domestique par la partie culinaire. Cet un
ouvrage, composé à la fin du XIVe siècle, était
destiné à sa jeune épouse en lui fournissant une liste de
28 menus.
* 23 _ STOUFF, Louis.
1996. La table provençale : Boire et manger en Provence à la
fin du Moyen Âge. Le Pontet : A. Barthélemy.
* 24 _ MORENON, Martine.
« À votre santé ! », Cabinet de
psychologie de Martine Morenon, [En ligne], URL :
http://perso.orange.fr/martine.morenon/eauxnatu.htm.
* 25 _ VERDON, Jean.
2002. Op. cit., p. 160.
* 26 _ VERDON, Jean.
2002. Ibid., p. 272-273.
* 27 _ VERDON, Jean.
2002. Ibid., p. 71.
* 28 _ FOURNIER,
Dominique. 1995. « Ferments de culture ». In S.
Bessis (dir.) : Mille et une bouches : Cuisines et identités
culturelles. Paris : Autrement, p. 37.
* 29 _ Les voyageurs
Locatelli (LOCATTELI, 1905. Voyage en France, Paris) en Bourgogne et
Lister (LISTER, 1873. Voyage de Lister à Paris en 1698, Paris :
éditions françaises) à Paris au sujet des liqueurs fortes
et des boissons sucrées.
* 30 _ NAHOUM-GRAPPE,
Véronique. 1989 b. « "Boire un coup..."»,
Terrain, n°13, (Boire).
* 31 _ FABIANI, Gilbert.
2002. Élixirs et boissons retrouvés. Barbentane :
Équinoxe.
* 32 _ Ce que nous
analyserons plus en profondeur dans la dernière partie.
* 33 _ CHAPUIS, Robert.
1989. Op. cit., p. 51.
* 34 _ CHAPUIS, Robert.
1989. Ibid., p. 52.
* 35 _ GOTMAN, Anne.
2000. « Alcool et hospitalité ». In C.
Bernand (dir.) : Désirs d'ivresse : alcool, rites et
dérives. Paris : Autrement, p. 73.
* 36 _ Le chapitre sur
"les traditions régionales" de l'apéritif le témoigne.
* 37 _ GARRIER, Gilbert.
1998. Histoire sociale et culturelle du vin. Paris : Larousse,
p.37.
* 38 _ CHAPUIS, Robert.
1989. Op. Cit., p. 55.
* 39 _ FILLAUT, Thierry.
1990. « L'Église catholique et l'anti-alcoolisme en Basse Bretagne
à la veille de la 1ère guerre mondiale ». Paris :
l'Harmattan, p. 123.
* 40 _ GARRIER, Gilbert.
1989. Op. Cit., p. 114.
* 41 _ Abbés
Reguis. 1773. La voix du pasteur. Discours familier d'un curé
à ses paroissiens... Cité par GARRIER, Gilbert. 1989.
Ibid., p. 189.
* 42 _ Balzac. 1823.
Les Paysans. ... Cité par GARRIER, Gilbert. 1989.
Ibid., p. 185.
* 43 _ BONNET, Jocelyne.
2004. Dimanche en Europe. Strasbourg : éditions du Signe,
p.22.
* 44 _ ROUBIN, Lucienne
A. 1970. Chambrettes des provençaux : Une maison des hommes en
Méditerranée septentrionale. Paris : Plon, 61-62.
* 45 _ OBADIA, Lionel.
2006. « Le "boire" : une anthropologie en quête
d'objet, un objet en quête d'anthropologie »,
Socio-Anthropologie, n°15, (Boire).
* 46 _ MILLAN, Amado.
2000. « Le scrupule alimentaire : une approche
socio-culturelle ». In (dir.) : Alimentation et pratique
de table en Méditerranée, éd. GERIM, p.131-133.
* 47 _ DREY Alain
(dir.), TOMI Marianne, HORDÉ Tristan et al. 1998. Le Robert
Dictionnaire Historique de la Langue Française, tome 1 [A-E]. Paris
: Dictionnaire Le Robert, p. 160.
* 48 _
BRÉCOURT-VILLARS, Claudine. 1996. Mots de table, mots de bouche :
dictionnaire étymologique et historique du vocabulaire classique de la
cuisine et de la gastronomie. Paris : Stock, p. 34.
* 49 _ 2000.
Larousse Gastronomique, avec le concours du comité
gastronomique présidé par Joël Robuchon. Paris : Larousse,
p. 52.
* 50 _ LIEUTAGHI,
Pierre. 2004. « Plantes et histoire des
sociétés ». In G. Bëtsch et H. Cortot
(dir.) : Plantes qui nourrissent, plantes qui guérissent dans
l'espace alpin. Éd. De la librairie des Hautes Alpe, p. 24.
* 51 _ DELCOUR, Denise.
2004. « Savoir Populaire alpins. Soigner le "coup de froid" dans le
briançonnais ». In G. Bëtsch et H. Cortot (dir.)
: Plantes qui nourrissent, plantes qui guérissent dans l'espace
alpin. Éd. De la librairie des Hautes Alpes, p. 165-170.
* 52 _ GARRIER, Gilbert.
1998. Histoire sociale et culturelle du vin. Paris : Larousse, p. 275.
* 53 _ GARRIER, Gilbert.
1998. Ibid., p. 276.
* 54 _ NOURRISSON,
Didier. 1990. « Le discours par l'image : l'iconographie
anti-alcoolique ». In G. Caro (dir.) : De l'alcoolisme
au Bien Boire, tome 1. Paris : L'Harmattan, p. 115.
* 55 _ GARRIER, Gilbert.
1998. Op. Cit., p. 276.
* 56 _ NAHOUM-GRAPPE,
Véronique. 1990. « Les "santés" du crocodile en larmes,
ou quelques hypothèses sur l'histoire du buveur ». In
G. Caro (dir.) : De l'alcoolisme au Bien Boire, tome 1. Paris :
L'Harmattan, p. 106.Nous explorerons cet aspect dans la 4ème partie, "le
tabou de l'alcoolisme".
* 57 _ NAHOUM-GRAPPE,
Véronique. 1989 b. « "Boire un coup..."»,
Terrain, n°13, (Boire).
* 58 _ ALBERT,
Jean-Pierre. 1989. « La nouvelle culture du vin »,
Terrain, n°13, (Boire).
* 59 _ ROSSO, Thierry.
2006. « Manière de boire - L'apprentissage de la
dégustation dans les "bars à vin" »,
Socio-Anthropologie, n°15, (Boire).
* 60 _ ÉLIAS,
Norbert. 1973. La civilisation des moeurs. Paris :
Calmann-Lévy. Chap. IV : « Comment se tenir à
table ».
* 61 _ FAUCHEUX, Michel.
1997. Fêtes de table. Paris : Félin, p.84.
* 62 _ Cité par
ÉLIAS, Norbert. 1973. Ibid., p. 191.
* 63 _ ÉLIAS,
Norbert. 1973. Op. Cit., p. 228.
* 64 _ DEUMEUNIER,
Jean-Nicholas. 1988. L'esprit des usages et des coutumes des
différents peuples, tome 1, préface de Jean Pouillon. Paris
: Jean Michel Place, p. 22.
* 65 _ GARRIER, Gilbert.
1998. Op. Cit., p. 227.
* 66 _ POULAIN,
Jean-Pierre. 2005. « Nouveau regard sur les français et
l'apéritif », Rapport de presse de La Collective des
Apéritifs à Croquer, [En ligne], URL :
http://www.instantcroquant.com/upload/presse_20051125030.pdf,
p.6.
* 67 _ FAUCHEUX, Michel.
1997. Op. Cit., p. 85.
* 68 _ GARRIER, Gilbert.
1998. Op. Cit., p. 155.
* 69 _ BALTA, Paul.
2004. Boire et manger en Méditerranée. Arles : Actes
Sud, p.140.
* 70 _ PITTE,
Jean-Robert. 1996. « Naissance et expansion des restaurants ».
In J.L. Flandin (dir.) : Histoire de l'alimentation. Paris :
Foyard, p. 768-769.
* 71 _ GARRIER, Gilbert.
1998. Op. Cit., p. 227.
* 72 _ BRILLAT-SAVARIN,
Jean-Anthelme. 1982. Physiologie du goût. Paris : Flammarion, p.
19.
* 73 _ Pierre Andrieu,
1939. Les vins de France et d'ailleurs. Comment les choisir, les servir,
les déguster et les utiliser en cuisine. Paris : Flammarion.
Cité par Gilbert Garrier. 1998. Op. Cit., p. 285.
* 74 _ NOURRISSON,
Didier. 2005. « La gourmandise chez Sue, là où il y'a
Eugène, y'a du plaisir ». In M. Piarotas : Le
populaire à table. Le Boire et le Manger au XIXe et
XXe siècles. Saint-Étienne : Publications de
l'Université de Saint-Étienne, p. 181 et 184.
* 75 _ CLARISSE,
René. 1986. « L'apéritif : un rituel
social », Cahiers internationaux de Sociologie, vol. LXXX,
p. 53-61.
* 76 _ POULAIN,
Jean-Pierre. 2005. Op. Cit.
* 77 _ Nous explorerons
cet aspect dans la dernière partie.
* 78 _ voir l'ouvrage
FABIANI, Gilbert. 2002. Élixirs et boissons retrouvés.
Barbentane : Équinoxe.
* 79 _ GIRARD Sylvie,
MEURVILLE Élysabeth de. 1990. L'atlas de la France gourmande,
sous la direction de Jean Sellier. Paris : Jean Pierre de Monza, p. 24.
* 80 _ DELARGIERE,
Marie-Françoise, JAMES Chantal. 2002. Vins Apéritifs
Maison. Aix-en-Provence : Édisud.
* 81 _ BRENNAN,
Georgeanne. 1997. L'heure de l'apéritif. Traduit de l'anglais
et adapté par Valérie Julia. Paris : Flammarion.
* 82 _ DELARGIERE,
Marie-Françoise, JAMES Chantal. 2002. Op. Cit., p. 2.
* 83 _ DELARGIERE,
Marie-Françoise, JAMES Chantal. 2002. Ibid., p. 6.
* 84 _ DUFOUR,
Annie-Hélène. 1989. « Cafés des hommes en
Provence », Terrain, n°13, (Boire).
* 85 _ ROUBIN, Lucienne
A. 1970. Chambrettes des provençaux : Une maison des hommes en
Méditerranée septentrionale. Paris : Plon, p. 68.
* 86 _ TINLOT, Robert.
1990. « Les aspects culturels du vin ». In G. Caro
(dir.) : De l'alcoolisme au Bien Boire, tome 1. Paris : l'Harmattan,
p. 43.
* 87 _ FISCHLER, Claude.
1990. « Note sur les fonctions sociales de l'alcool ».
In G. Caro (dir.) : De l'alcoolisme au Bien Boire, tome 1.
Paris : l'Harmattan, p. 167.
* 88 _
FREYSSINEY-DOMINJON, Jacqueline, WAGNER, Anne-Catherine. 2003. L'alcool en
fête : Manière de boire de la nouvelle jeunesse
étudiante. Paris : L'Harmattan, p.20, et FISCHLER, Claude. 1990.
Ibid., p. 167.
* 89 _ 2000.
Larousse Gastronomique, avec le concours du comité
gastronomique présidé par Joël Robuchon. Paris : Larousse,
p. 294.
* 90 _ BERNAGE, Berthe.
1962. Convenances et bonnes manières : c'est tout l'art du
savoir-vivre. Paris : Gautier-languerau, p. 36.
* 91 _ BRENNAN,
Georgeanne. 1997. L'heure de l'apéritif. Paris : Flammarion,
p. 18.
* 92 _ GIRARD Sylvie,
MEURVILLE Élysabeth de. 1990. op. Cit.
* 93 _ 2000.
Larousse Gastronomique. Op. Cit.
* 94 _ Les eaux-de-vie
distillées industriellement se consomment quelquefois en cocktail ou en
apéritif (gin, vodka, whisky), alors que les eaux-de-vie naturelles,
distillées de façon artisanale et à l'arôme
prononcé se dégustent plutôt en digestif. (2000.
Larousse Gastronomique, Op. Cit., p. 414).
* 95 _ GIRARD Sylvie,
MEURVILLE Élysabeth de. 1990. Op. Cit., p.44.
* 96 _ GIRARD Sylvie,
MEURVILLE Élysabeth de. 1990. Op. Cit., p. 51.
* 97 _ Tout comme
l'eau-de-vie, la liqueur (boisson spiritueuse, obtenue par mélange
d'alcool et d'eau-de-vie avec des aromates) se boit pure à la fin des
repas, comme digestif, parfois allongée d'eau comme apéritif.
(Larousse Gastronomique, 2000 : 622).
* 98 _ TOPALOV,
Anne-Marie. 1998. La vie des Paysans Bas-Alpins à travers leur
cuisine. De 1890 à nos jours. Aix-en-Provence : Édisud, p.
70.
* 99 _ DELCOUR, Denise.
2004. « Savoir Populaire alpins. Soigner le "coup de froid" dans le
briançonnais ». In G. Bëtsch et H. Cortot (dir.)
: Plantes qui nourrissent, plantes qui guérissent dans l'espace
alpin. Éd. De la librairie des Hautes Alpes, p. 165.
* 100 _ 2000.
Larousse Gastronomique. Op. Cit., p. 521.
* 101 _ GIRARD Sylvie,
MEURVILLE Élysabeth de. 1990. Op. Cit., p105.
* 102 _ MARIE, Laurent.
2005. « Les oursins de l'Estaque : Le boire et le Manger dans les films de
Robert Guédiguian ». In M. Piarotas : Le populaire
à table. Le Boire et le Manger au XIXe et XXe
siècles. Saint-Étienne : Publications de l'Université
de Saint-Étienne, p. 266.
* 103 _ GIRARD Sylvie,
MEURVILLE Élysabeth de. 1990. Op. Cit., p. 109.
* 104 _ POULAIN,
Jean-Pierre. 1997. « Goût du terroir et tourisme vert à
l'heure de l'Europe ». In J. Cuisenier (dir.) :
Ethnologie Française, Pratiques alimentaires et identités
culturelles. Paris : Colin, p.18.
* 105 _ FISCHLER,
Claude. 2001. L'Homnivore : Le goût, la cuisine et le corps.
Paris : Odile Jacob, p. 66.
* 106 _ FISCHLER,
Claude. 1990. « Note sur les fonctions sociales de
l'alcool ». In G. Caro (dir.) : De l'alcoolisme au Bien
Boire, tome 1. Paris : l'Harmattan, p. 163.
* 107 _ BAROU, Jacques.
1997. « Dis-moi que manges... ». In J. Cuisenier (dir.) :
Ethnologie Française, Pratiques alimentaires et identités
culturelles. Paris : Colin, p. 7.
* 108 _ RIVIÈRE,
Claude. 1995. Les rites profanes. Paris : PUF, p. 197.
* 109 _ FISCHLER,
Claude. 2001. Op. Cit.
* 110 _ POULAIN,
Jean-Pierre. 1997. Op. Cit., p. 21.
* 111 _ La 3ème
partie consacre un chapitre à cette notion.
* 112 _ AYMAR Maurice,
GRIGNON Claude, SABBAN Françoise (dir.). 1993. Le temps de manger :
Alimentation, emploi du temps et rythmes sociaux. Paris : La Maison des
sciences de l'homme.
* 113 _
TOUILLIER-FERABEND, Henriette. 1997. « Des images pour
consommer ». In J. Cuisenier (dir.) : Ethnologie
française, Pratiques alimentaires et identités culturelles.
Paris : Armand Colin.
* 114 _ PICARD,
Dominique. 2003. Politesse, savoir-vivre et relations sociales. Paris
: PUF, p. 74.
* 115 _
BRILLAT-SAVARIN, Jean-Anthelme. 1982. Physiologie du goût. Paris
: Flammarion, p. 19.
* 116 _ KANT, Emmanuel.
1979. Anthropologie d'un point de vue pragmatique. Traduit par Michel
Foucault. Paris : Librairie philosophique J. Brin, p. 129.
* 117 _ KANT, Emmanuel.
1979. Ibid., p. 50.
* 118 _ RIVIÈRE,
Claude. 1995. Op. Cit., Paris : PUF.
* 119 _ CLARISSE,
René. 1986. Op. Cit.
* 120 _ Enquête
Sofrès auprès de 2000 personnes âgées de 15 ans et
plus, en février 2005. Cité par POULAIN, Jean-Pierre. 2005.
« Nouveau regard sur les français et
l'apéritif », Rapport de presse de La Collective des
Apéritifs à Croquer, [En ligne], URL :
http://www.instantcroquant.com/upload/presse_20051125030.pdf,
p. 1.
* 121 _ POULAIN,
Jean-Pierre. 2005. Ibid., p. 8.
* 122 _
FREYSSINEY-DOMINJON, Jacqueline, WAGNER, Anne-Catherine. 2003. Op. Cit.,
p. 32.
* 123 _ DENUELLE,
Sabine. 1999. Le savoir-vivre : guide des règles et des usages
d'aujourd'hui. Paris : Larousse, p. 68.
* 124 _ NAHOUM-GRAPPE,
Véronique. 1990. « Les "santés" du crocodile en larmes,
ou quelques hypothèses sur l'histoire du buveur ». In
G. Caro (dir.) : De l'alcoolisme au Bien Boire, tome 1. Paris :
L'Harmattan, p. 111.
* 125 _ NAHOUM-GRAPPE,
Véronique. 1990. Ibid., p. 113.
* 126 _ GARRIER,
Gilbert. 1998. Histoire sociale et culturelle du vin. Paris :
Larousse, p. 189.
* 127 _ CASTELAIN,
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* 182 _ NAHOUM-GRAPPE,
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* 204 _ CHAPUIS,
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* 214 _ CHAPUIS,
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* 216 _ RIVIÈRE,
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* 217 _ BERNAND,
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* 218 _ NAHOUM-GRAPPE,
Véronique. 1990. Op. Cit., p. 112.
* 219 _
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Cité par NAHOUM-GRAPPE, Véronique. 1989 b. « "Boire un
coup..."», Terrain, n°13, (Boire).
* 220 _ KANT, Emmanuel.
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* 221 _ NOURRISSON,
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au Bien Boire, tome 1. Paris : L'Harmattan, p. 115.
* 222 _ Organisation
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* 223 _ TINLOT, Robert.
1990. « Les aspects culturels du vin ». In G. Caro
(dir.) : De l'alcoolisme au Bien Boire, tome 1. Paris : l'Harmattan,
p. 42.
* 224 _ MOULIN
Léo, 1995. "Le bon plaisir", Mille et une bouche, cuisines et
identités culturelles, Paris : Autrement, p. 75.
* 225 _ POULAIN,
Jean-Pierre. 2005. « Nouveau regard sur les français et
l'apéritif », Rapport de presse de La Collective des
Apéritifs à Croquer, [En ligne], URL :
http://www.instantcroquant.com/upload/presse_20051125030.pdf,
p. 16.
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