REPUBLIQUE DU CAMEROUN Paix - Travail -
Patrie
REPUBLIC OF CAMEROON Peace - Work -
Fatherland
UNIVERSITE DE DSCHANG UNIVERSITY OF
DSCHANG FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES FACULTY
OF LAW AND POLITICAL SCIENCES
LA CONDITION JURIDIQUE DES ETRANGERS EN
ZONE CEMAC
Contribution au Diagnostic de l'intégration
personnelle en Zone CEMAC
Mémoire présenté et soutenu
publiquement en vue de l'obtention du Diplôme d'Etudes Approfondies
(DEA)
OPTION : DROIT COMMUNAUTAIRE ET COMPARE
CEMAC
Par : GATSI TAZO ERIC-ADOL Maîtrise
en Droit et carrières administratives
Sous la direction de :
M. BILONG Salomon,
Docteur en Droit Public,
Chargé de cours à la FSJP de
l'Université de Dschang
Juillet 2009
Et la supervision de : Pr ANOUKAHA
François, Agrégé des Facultés de
droit, Doyen de la FSJP de l'Université de Dschang
DEDICACE
A toi, mon enfant.
PRINCIPAUX SIGLES ET ABREVIATIONS
-Aff. : Affaire ;
-AUSCGIE : Acte Uniforme sur les
Sociétés Commerciales et les Groupements d'Intérêt
Economique ;
-CE : Communauté Européenne ;
-CEDEAO : Communauté Economique des Etats
de l'Afrique de l'Ouest ;
-CEE : Communauté Economique
Européenne ;
-CEMAC : Communauté Economique et
Monétaire de l'Afrique Centrale ;
CIPRES : Conférence Interafricaine de la
Prévoyance Sociale ;
-CJC : Cour de Justice Communautaire ;
-CJCE : Cour de Justice des Communautés
Européennes ; -GAJA : Grands Arrêts de la
Jurisprudence Administrative ; -Ibid. : Ibidem (même
article, même auteur) ;
-JOCE : Journal Officiel de la Communauté
Européenne ; -JOUE : Journal Officiel de l'Union
Européenne ; -OCAM : Organisation Comptable Africaine
et Malgache ;
-OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires ;
-Op. Cit. : Opere citare (cité plus haut,
ouvrage précité) ; -PAS : Programme d'Ajustement
Structurel ;
-PRR : Programme Régional des
Réformes ; -RCA : République Centrafricaine ;
-Rec. : Recueil de la jurisprudence de la Cour
de Justice des Communautés Européennes ; -SMIG :
Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti ;
-SPIC : Services Publics Industriels et
Commerciaux ;
-UDEAC : Union Douanière et Economique de
l'Afrique Centrale ;
-UE : Union Européenne ;
-UEAC : Union Economique d'Afrique Centrale ;
-UEMOA : Union Economique et Monétaire
Ouest Africaine ;
-UMAC : Union Monétaire d'Afrique
Centrale ; -ZEE : Zone Economique Exclusive.
SOMMAIRE
Introduction
PREMIERE PARTIE : Une prudente reconnaissance d'une condition
confortable des étrangers en zone CEMAC.
Chap. I : Consécration des libertés de circulation,
d'établissement et de prestation des services.
Chap. II : L'institution du principe de non discrimination dans
les domaines judiciaire, de l'enseignement, la recherche et la formation
professionnelle.
DEUXIEME PARTIE : Survivance des discriminations à
l'encontre des étrangers en zone CEMAC.
Chap. I : Les discriminations permises.
Chap. II : Les discriminations du fait unilatéral des
Etats
INTRODUCTION
e vaste mouvement de régionalisation progressive des Etats
qui se forment en Communautés remarqué à travers le monde
entier n'a pas épargné l'Afrique1. En effet, ce
mouvement initié en Europe depuis des décennies a
trouvé un terrain favorable sur le continent africain si bien
~
que les spécialistes n'hésitent pas à
parler d'un foisonnement et d'un enchevêtrement des institutions
sous-régionales africaines. Le « Africa must unite »
de KWAME NKRUMAH2 lancé au lendemain des
indépendances des Etats africains va en effet impulser cette
volonté de s'unir des peuples africains et va trouver un écho
singulièrement favorable puisqu'à défaut d'adopter une
unification globale et entière du continent, les ténors du
mouvement ont plutôt souscrit à une volonté prudente et
mesurée marquée par une unification par étapes du
continent dont les groupements sous-régionaux seraient les fondements.
C'est ainsi que furent créées diverses institutions avec pour
base les différentes régions et sous régions3.
Cette idée de faire de la proximité géographique
l'élément de regroupement ne manque pas d'intérêt
car il s'agit de bâtir les communautés ayant les mêmes
sources historiques, et fondées sur les mêmes espaces
géographiques, l'objectif étant de faire prévaloir
l'idée d'une appartenance commune.
C'est ce qui a donc présidé à la
création de la région Afrique Centrale car dans cette partie du
continent, tous les ingrédients étaient réunis pour
créer une communauté intégrative. Il s'agit ici des
éléments comme le passé colonial et l'héritage
colonial communs qui ont sans aucun doute favorisé la création de
l'UDEAC4 entre les Etats de cette partie du continent que sont le
Cameroun, le Congo, le Gabon, la RCA, le Tchad et la Guinée Equatoriale
qui y fera
1 On a assisté en effet à une
prolifération d'organisations régionales et
sous-régionales dans le monde, avec comme les principales, en Europe
l'Union Européenne (U.E) et l'Espace Economique Européen (EEE) ;
en Asie l'Association of South Asian Nations (ASEAN), la South Asian
Association for Regional Cooperation (SAARC), l'Asian Pacific Economic
Cooperation (APEC) ; en Amérique le Marché Commun
d'Amérique Centrale (MCAC), l'Association Latino-américaine
d'Intégration (ALADI) et l'Accord de Libre Echanges NordAméricain
(ALENA), et en Afrique le Common Market for Eastern and Southern Africa
(COMESA), l'Union du Maghreb Arabe (UMA), la South African Development
Community (SADC), la South African Custums Union (SACU), la Intergovernmental
Authority for Development (IGAD), la Communauté Economique des Etats de
l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), l'Union Economique et Monétaire Ouest
Africaine (UEMOA) et la Communauté Economique et Monétaire des
Etats de l'Afrique Centrale (CEMAC).
2 NKRUMAH (k) : L'Afrique doit s'unir, Paris
Présences Africaines, 1994.
3 Voir notes de bas de page n° 1.
4 L'UDEAC, Union Douanière et Economique des
Etats de l'Afrique Centrale est créée par un traité de
Brazzaville signé le 8 décembre 1964 et est entrée en
vigueur le 1er juin 1966
son entrée quelques années plus tard. L'UDEAC se
fixe comme objectifs l'établissement graduel d'un marché commun
en Afrique Centrale, l'élimination des entraves au commerce
inter-états, le renforcement de l'unité des économies en
présence et la participation, par la constitution d'un groupement
sous-régional, à la création d'un véritable
marché commun en Afrique Centrale. Pourtant, si lors des deux
premières décennies de son existence l'Union enregistre un
succès plus ou moins visible, l'on ne peut manquer de reconnaître
que la troisième décennie est plutôt marquée par une
crise économique généralisée qui oblige les Etats
à mettre plus l'accent sur leurs économies nationales à
travers les PAS imposés par le FMI, principal bailleur de fonds des
Etats de l'UDEAC qui se verra ainsi enfouie au fond d'un gouffre, si bien que
son échec est considéré comme indubitable. Les Etats
parties, conscients de cet état de choses et désireux de
continuer avec ce mouvement déjà entamé vont redoubler
d'efforts pour sortir de l'impasse. C'est ainsi qu'au terme de plusieurs
négociations, un projet de réformes5 à trois
volets consacrait la mise en place de la CEMAC6 qui remplace
l'UDEAC, avec comme volonté pour les Etats signataires de «
passer d'une situation de coopération qui existe déjà
entre eux, à une situation d'union susceptible de parachever le
processus d'intégration économique et monétaire ».
7 C'est dire si les Etats signataires témoignaient d'une
volonté de rompre avec les blocages enregistrés pendant la
défunte UDEAC et se proposaient de repartir sur de nouvelles bases
institutionnelles et organisationnelles seules susceptibles de garantir le
dynamisme de la Communauté.8 En effet, la structure
organisationnelle de la CEMAC est assez révélatrice de la
détermination des Etats, car elle comprend quatre institutions dont deux
exclusivement consacrées à l'intégration communautaire. Il
s'agit de l'UEAC, institution d'intégration économique et l'UMAC,
institution d'intégration monétaire9 chargées
chacune de réaliser l'intégration dans son domaine.
5 Le Projet Régional de Réformes (PRR)
fut adopté par les Etats parties de l'UDEAC à Yaoundé au
Cameroun en décembre 1991.
6 La CEMAC voit le jour le 18 mars 1996 à
N'Djamena au Tchad lors d'un sommet tenu entre les Chefs d'Etat de l'UDEAC.
7 Article 1er in fine du traité
instituant la CEMAC.
8 Voir dans ce sens NJEUFACK (R) : « Le
renouveau du cadre institutionnel décisionnel au sein de la CEMAC : vers
une Communauté plus dynamique ? » in Annales de la
Faculté des Sciences juridiques et Politiques de l'Université de
Dschang Tome 8 2004, pp 163 et suivants.
9 L'UEAC, Union Economique d'Afrique Centrale, et
l' UMAC, Union Monétaire d'Afrique Centrale sont prévues par le
Traité instituant la CEMAC, mais font l'objet de conventions
particulières les régissant signées toutes les deux le 5
juillet 1996 à Libreville au Gabon.
Le nouvel élan impulsé par le nouveau
législateur et la volonté des Etats parties sont à
quelques égards révélateurs de l'objet du présent
thème. En effet, cet objet est constitué par l'étude du
degré d'intégration en zone CEMAC. Il est question de fonder
cette étude sur le niveau de la volonté des Etats membres et
l'ampleur de la détermination du législateur communautaire, qui
constituent le baromètre de l'intégration en zone CEMAC.
Il importe dès lors de définir le terme
intégration. Le lexique des termes
juridiques10 entend par là « la fusion de certaines
compétences étatiques dans un organe super étatique ou
supranational ». La définition fournie par la doctrine est
similaire puisqu'elle le définit comme « le résultat
d'un processus au terme duquel les Etats initialement indépendants et
souverains sont partiellement ou totalement soumis à une autorité
politique commune », 11 ou encore « un processus
par lequel un groupe de Nations arrivent à prendre des décisions
qui lient tous les Etats membres au moyen d'institutions collectives
plutôt que nationales ». 12 Il s'agit plus
prosaïquement d'un processus qui vise le transfert de certaines
compétences par les Etats membres d'une institution à un organe
juridiquement supérieur à ceux-ci.
La CEMAC prévoit donc une intégration
complète basée sur les deux institutions précitées,
intégration qui devra aboutir à la création d'un grand
Marché Commun. Si les textes communautaires de la CEMAC
ne donnent pas une définition précise à la notion de
marché commun, on peut se référer à celle
donnée par la jurisprudence communautaire européenne qui la
définit comme « l'élimination de toutes les entraves aux
échanges intracommunautaires en vue de la fusion des marchés
nationaux dans un marché unique réalisant les conditions aussi
proches que possible de celles d'un véritable marché ».
13 Allant dans le même sens, le législateur européen
entend par marché commun un espace « caractérisé
par l'abolition entre les Etats membres des obstacles à la libre
circulation des marchandises, des services, des personnes et des capitaux
».14 C'est ayant cela à l'esprit que la CEMAC veut
bâtir un espace intégré en consacrant les deux types
d'intégration qui peuvent exister en matière économique,
à savoir l'intégration réelle et
l'intégration personnelle, encouragée en cela
par la communauté des destins des populations des pays membres.
10 Lexique des termes juridiques, Dalloz 2002.
11 KOVAR (R) : « L'ordre communautaire des
Communautés Européennes » in Jurisclasseur de droit
international N°2, 1979, p.4.
12 LINDEN BERG cité par SOLE-NGAKOUTOU dans
« Les tentatives d'intégration économique en Afrique
Centrale : du projet BOGANDA à la CEEAC », Mémoire IRIC
Yaoundé 1993, p.15.
13 CJCE 5 mai 1982, Schull, aff. 15/81
rec. pl. 409.
14 Article 14 du Traité de Maastricht
Par la première, nous entendons
l'intégration conçue sous le prisme de la libre circulation des
marchandises, des biens et des capitaux. Par la seconde,
à savoir l'intégration personnelle, il est
question d'assurer à tous les ressortissants des pays membres de la
CEMAC, en tant que ressortissants de cet espace, une condition aisée sur
toute l'étendue du territoire CEMAC, c'est-à-dire un
bien-être certain dans tous les pays qui constituent cet
espace.15 Le défi de la CEMAC sur cet angle n'est donc pas
des moindres car il faut assurer à l'étranger ressortissant de la
zone CEMAC une aisance certaine où qu'il se trouve sur le territoire de
la Communauté à travers une consécration directe des
privilèges, mais aussi, plus complexe, à travers une
harmonisation des législations et des politiques nationales des Etats
parties dans les matières visées.16
La notion d'étranger, terme central de
ce travail, mérite d'être précisée. En effet, si ce
mot désigne généralement un individu qui a une
nationalité autre que celle d'un pays donné, ou qui n'en a pas du
tout17, la nature de notre cadre d'étude commande que la
définition de l'étranger renferme une petite
spécificité ou une précision en raison de la nature du
droit communautaire dans lequel nous évoluons. Ainsi, l'étranger
au sens de ce travail désigne toute personne, ressortissant de la CEMC,
n'ayant pas la nationalité d'un Etat membre donné dans lequel il
se trouve, ou désire se rendre. Il ne s'agit donc pas des
étrangers penitur extranei, c'est-à-dire des
étrangers absolus, mais, plus simplement, des étrangers
communautaires, entendus comme des ressortissants CEMAC se rendant ou
résidant dans un Etat membre autre que le leur.
C'est dire que notre recherche se fixe pour cadre non
seulement la zone CEMAC c'est-à-dire l'ensemble du territoire CEMAC
couvert par les territoires des six pays la constituant, à savoir le
Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale, la RCA et le Tchad,
mais aussi le droit CEMAC entendu comme la législation communautaire
décrétée par
15 Le territoire de la CEMAC couvre quelque 2715344
km2 et la Communauté a une population évaluée à
environ 30 millions d'habitants.
16 Le préambule de la Convention
régissant l'UEAC affirme « la nécessité de favoriser
le développement économique des Etats grâce à
l'harmonisation de leurs législations et la mise en oeuvre des
politiques communes ».
17 Lexique des termes juridiques, Dalloz,
2002. La définition donnée par les textes nationaux des six Etats
de la CEMAC se réfère à celle-ci. V. loi N°97/012 du
10 janvier 1997 fixant les conditions d'entrée, de séjour et de
sortie des étrangers au Cameroun ; loi N°23-96 du 06 juin 1996
fixant les conditions d'entrée, de séjour et de sortie des
étrangers au Congo ; loi N°5/86 fixant le régime d'admission
et de séjour des étrangers en République gabonaise ; loi
du 13 mai 2011 portant réglementation de la nationalité
équato-guinéenne ; loi N°60/79 du 27 janvier 1960 relative
au séjour des étrangers sur le territoire de la RCA et le
décret N°211 du 4 décembre 1961 fixant les conditions
d'admission et de séjour des étrangers sur le territoire de la
République du Tchad et leurs modifications subséquentes.
les instances communautaires et les droits nationaux en ce qui
concerne la mise en application de la législation communautaire. Par
ailleurs, l'objet du sujet étant constitué par le souci du
bien-être des étrangers ressortissants communautaires dans les
pays de la Communauté, sont exclus de son objet les sujétions
imposées aux ressortissants communautaires sur le territoire de tous les
Etats membres par le droit communautaire (comme c'est le cas en matière
d'exécution des peines de justice prononcées par un tribunal
étatique sur un autre territoire étatique, ou encore de
coopération judiciaire pénale en matière de lutte contre
la criminalité ). Sont également exclues les dispositions
relatives aux catégories faisant l'objet de conventions internationales
particulières auxquelles ont adhéré les Etats membres de
la CEMAC à l'instar des réfugiés, tout comme les
dispositions relatives à la condition des étrangers au sens du
DIP.
L'intérêt suscité par ce travail est
perceptible à plus d'un titre. En effet, il est question d'apporter
notre contribution au diagnostic du degré d'intégration
communautaire en zone CEMAC car la réussite du mouvement
d'intégration au sein de la Communauté ne peut se passer de la
reconnaissance préalable d'une condition aisée de tous les
ressortissants communautaires quelle qu'en soit la nationalité et quel
que soit le lieu où ils se trouvent, l'intégration personnelle
conditionnant bien souvent l'intégration réelle. Par ailleurs
l'intérêt de ce sujet est également perceptible en ce sens
qu'elle implique une comparaison avec les modèles réussis
d'intégration communautaire qui pourraient nous fournir des perspectives
et des leçons à tirer.
Dès lors, la problématique qui se dégage
de cette étude est constituée par la question de savoir si
l'étranger ressortissant de la CEMAC bénéficie d'une
condition confortable dans les pays de la Communauté. En d'autres
termes, la CEMAC et les Etats qui la composent sont-ils
déterminés à assurer l'intégration personnelle de
la Communauté en garantissant à l'étranger ressortissant
de la Communauté, sur l'ensemble des territoires des Etats membres une
situation comparable à celle des nationaux ? En zone CEMAC, les
étrangers communautaires sont-ils également traités que
les nationaux ? Il est alors question pour nous de déterminer si le
ressortissant communautaire est, partout au sein de la Communauté, chez
lui et si en l'état actuel de l'intégration personnelle, on est
proche d'une nationalité communautaire. A cet effet, l'observation
à priori du mouvement d'intégration personnelle en zone CEMAC
montre une certaine lenteur et un retard dans la volonté des acteurs du
processus. Ces questions obligent également à reconnaître
que ce processus est témoin d'une
évolution à vitesse variable selon qu'on se trouve
dans l'un ou dans l'autre pays membre de la Communauté.
Pour y parvenir, deux approches méthodologiques
s'imposent à nous car il faudra combiner l'approche analytique qui nous
permettra de passer au peigne fin et de décrypter les dispositions
communautaires qui traitent de la situation des étrangers ressortissants
communautaires en zone CEMAC, et l'approche comparative qui nous permettra de
procéder à la confrontation des législations nationales en
ce qui concerne l'application des normes communautaires, mais aussi à la
comparaison du degré d'intégration personnelle avec les autres
expériences d'intégration communautaire qui peuvent nous servir
d'exemple ou de référence.
La question de la condition des étrangers en zone CEMAC
est donc une préoccupation capitale pour parachever le processus
d'intégration en Afrique Centrale. Le législateur communautaire
l'a compris, lui qui a pris des actes témoignant de ses efforts de
reconnaissance à l'étranger communautaire une condition
confortable (première partie). Cependant, des motifs de protection des
Etats ainsi que les réticences de ceux-ci à l'application du
droit communautaire amènent à observer une survivance des
discriminations à l'encontre de ces étrangers (deuxième
partie).
PREMIERE PARTIE UNE PRUDENTE RECONNAISSANCE D'UNE
CONDITION CONFORTABLE DES ETRANGERS EN ZONE CEMAC
Le droit communautaire est une variante atypique du droit
international en ce que dans le cadre du droit communautaire, les Etats parties
conviennent d'une dévolution de certaines de leurs compétences
à l'institution communautaire, ce qui déroge au droit
international classique. C'est ce qui explique que dans le cadre du droit
communautaire, on est souvent proche de la nationalité commune (ou
communautaire), ce que ne prétend pas faire le droit international
classique. La raison est que les Etats membres d'une organisation communautaire
entendent conférer à leurs ressortissants respectifs des droits
identiques et communs qui leurs sont reconnus en leur seule qualité de
ressortissants de la Communauté.
C'est ce qui est remarquable au sein de la CEMAC car les Etats
membres attestent de leur volonté de doter leurs ressortissants d'une
condition privilégiée sur le territoire de la Communauté
du fait de leur appartenance à celle-ci. La lecture des
différents textes épars communautaires nous permet de
déceler une volonté prudente des responsables de la CEMAC de
conférer à l'étranger ressortissant communautaire une
condition confortable dans tous les pays de la Communauté. Le geste est
qualifié de prudent non seulement parce que les droits consacrés
au profit des étrangers ressortissants communautaires ne le sont qu'en
direction de catégories précises et laissent de côté
les autres catégories d'étrangers, mais aussi en raison du fait
que ces droits ne couvrent pas tous les aspects de la vie des ressortissants.
Pourtant, au regard du modèle européen, et même de
l'exemple ouest-africain de la CEDEAO, une plus large reconnaissance des droits
en faveur des étrangers ressortissants communautaire s'impose.
Cependant, dans le cadre de la CEMAC, la prudence
observée dans la volonté du législateur peut trouver une
explication dans la relative jeunesse du mouvement d'intégration dans la
sous région qui veut éviter de tomber dans le même
piège de l'UDEAC,18 ce qui impose qu'une démarche
prudente soit adoptée dans l'optique d'une intégration
personnelle peut-être lente, mais sûre. Néanmoins, à
travers les textes communautaires, on perçoit une reconnaissance en
faveur de tout ressortissant communautaire de la faculté de se
déplacer sur le territoire de toute la Communauté, soit en tant
que travailleur, soit pour s'y établir, soit en tant que prestataire de
services (chap. 1). Par ailleurs, consciente de l'insuffisance de ce premier
mouvement dans l'optique d'une intégration personnelle réussie,
la CEMAC a bien voulu élargir le confort des ressortissants de la
Communauté à l'intérieur de celle-ci à des
18 Cf. introduction générale.
domaines aussi variés que la justice, l'enseignement, la
recherche et la formation professionnelle (chap. 2).
CHAPITRE I LA PRUDENTE CONSECRATION DES LIBERTES DE
CIRCULATION, D'ETABLISSEMENT ET DE PRESTATION DE SERVICES
Le traité instituant l'UDEAC consacrait
déjà le principe de la libre circulation des facteurs de
production au sein de l'Union, même s'il est resté très
évasif sur les précisions juridiques du concept. En effet,
à ce sujet, ledit Traité renvoyait purement et simplement aux
dispositions de la Convention sur la libre circulation des personnes et le
droit d'établissement signée par les Etats dans le cadre de
l'Union Africaine et Malgache, qui elle, n'était qu'une organisation
politique non durable regroupant les anciennes colonies françaises
d'Afrique.19 La Convention commune de Brazzaville20
marque une volonté politique de la part des Etats de conférer aux
ressortissants de l'Union la possibilité de se mouvoir sur toute son
étendue. Cependant, comme signalé plus haut, il ne s'agit que
d'une consécration qui ne tient en compte que les productifs, à
savoir, les touristes, hommes d'affaires, travailleurs et professionnels
indépendants.21
La CEMAC va continuer dans la même lancée et va
conférer la possibilité de se déplacer sans entraves dans
la Communauté à une catégorie bien
déterminée de personnes, d'où sa volonté est
qualifiée de prudente (section 1). Le législateur communautaire
considère en outre que le libre établissement ainsi que la libre
prestation des services constituent les corollaires de la libre circulation des
personnes22 (section 2). Il y a donc une nette évolution par
rapport à la Convention UDEAC précitée puisque celle-ci ne
prévoyait pas la libre prestation des services.
Section 1 : LA LIBERTE DE CIRCULATION
C'est l'aspect le plus saillant et sans doute le plus
important de tout processus d'intégration. En effet, la doctrine estime,
non sans raison, que la libre circulation des ressortissants d'une
Communauté intégrative marque bien souvent le pas propulseur qui
ouvre la voie à toutes les autres libertés
communautaires.23 C'est dire toute l'importance qui est
attachée à cette liberté à laquelle le
législateur communautaire a voulu rester fidèle. L'article 27
alinéa (a) de la Convention régissant l'UEAC fixe les tenants et
les aboutissants de cette
19 Cf GNIMPIEBA TONNANG (E) : La libre circulation
des personnes et des services en Afrique Centrale : entre consécrations
théoriques et hésitations politiques » in Juridis
Périodique N° 71 Juillet-Août-Septembre 2007, p.87.
20 Il s'agit de la Convention Commune sur la libre
circulation des personnes et le droit d'établissement dans l'Union
Douanière et Economique des Etats de l'Afrique Centrale signée
à Brazzaville le 22 décembre 1972.
21 Article 2 Convention précitée.
22 Ces trois notions sont traitées dans un seul
et même article, à savoir l'article 27 de la Convention
régissant l'UEAC.
23 HREBLAY (V) : La libre circulation des
personnes. Les accords de Schengen PUF Politique d'aujourd'hui,, 1997,
page 11.
liberté, et comme nous l'avons dit plus haut ne l'accorde
qu'aux seuls agents économiques (para. 1). Par ailleurs, de nombreux
droits sont rattachés à cette liberté de circulation
(para. 2).
Para. 1 : LE CARACTERE RESTRICTIF : LA LIBRE CIRCULATION DES
SEULS AGENTS ECONOMIQUES
Prévue à l'article 2 alinéa (c) au titre
des objectifs de l'Union Economique, la libre circulation est
échelonnée dans sa réalisation par les articles 4 et 5 qui
prévoient successivement son initiation au cours de la première
étape de cinq ans et son accomplissement à l'issue d'une
période de dix ans à compter de l'entrée en vigueur de la
Convention sur l'Union Economique. Elle est ensuite précisée
à l'article 13 comme condition de réalisation du Marché
Commun et n'est finalement vraiment traitée qu'à l'article 27.
Cet article est sans équivoque en ce sens qu'il ne parle de la libre
circulation que « des travailleurs ou de la main d'oeuvre ».
C'est dire que le législateur n'a voulu étendre cette
liberté qu'aux seuls agents économiques, contrairement à
ce qui a cours dans l'Union Européenne où la seule condition
exigée pour bénéficier de la libre circulation des
personnes est d'être ressortissant de l'Union.24 Seuls sont
donc bénéficiaires de la libre circulation en zone CEMAC les
travailleurs et la main d'oeuvre, et toute la difficulté réside
alors dans la définition de la notion de travailleur.
La tâche est d'autant plus ardue que les textes
communautaires ne donnent aucune définition à cette notion. Et
pour en cerner les contours, on doit recourir à celle donnée par
les textes nationaux en matière de travail, et aussi à celle
offerte par le droit communautaire européen à laquelle le droit
CEMAC devrait, en la matière, s'inspirer.
D'abord, la lecture combinée des dispositions des codes
de travail nationaux des Etats membres de la CEMAC25 permet de
considérer comme travailleur (ou salarié) toute personne physique
qui exerce une activité économique, que celle-ci découle
ou non de l'exécution d'un contrat de travail, le tout étant que
l'activité concernée « soit économique,
c'est-à-dire
24 Le propos mérite d'être
tempéré puisque l'état actuel de la libre circulation des
personnes en UE n'est que le résultat d'un travail progressif. En effet,
à une période du processus d'intégration en UE, on a
vécu un moment où seuls les travailleurs
bénéficiaient de l'application effective du principe de la libre
circulation des personnes énoncé par l'article 3 alinéa
(c) du traité instituant la Communauté Européenne.
Confère article 48 traité CE.
25 Il s'agit des articles 23 alinéa 1 de la
loi N°92/007 du 14 août 1992 portant Code de travail de la
République du Cameroun, 3 de la loi N°038/PR/96 du 11
décembre 1996 portant code de travail de la République du Tchad,
5 de la loi N°45/75 du 9 mai 1975 portant Code de travail du Congo, 16 de
la loi N°17/92 du 22 septembre 1992 portant Code de travail de la RCA et 4
de la loi N°17/92 du 17 janvier 1992 portant Code de travail du Gabon.
s'effectue contre rémunération
».26 C'est dire que pour tous les codes de travail
nationaux des Etats membres, le mode d'exercice de l'activité importe
finalement peu. Si cette définition de la notion de travailleur
donnée par les différents textes nationaux est assez
satisfaisante, il demeure que le risque reste dans ces Etats une dilution de la
notion. Il faut alors que cette notion ait une signification communautaire.
Pourtant, en instituant la libre circulation des travailleurs,
l'article 27 précité a bien voulu donner à la notion de
« travailleur » une portée communautaire. Il est
alors important qu'une définition précise de la notion soit
donnée de façon à avoir une ampleur communautaire, et de
ce fait éviter que chaque Etat membre ne donne au terme une
définition qui pourrait avoir pour effet de modifier son contenu et par
voie de conséquence de réduire le nombre de
bénéficiaires de cette liberté. A cet effet, on peut se
référer à la définition donnée par le juge
européen dans l'affaire Lawrie-Blum.27 Le juge
européen considère dans cette affaire qu'est un travailleur
« celui qui travaille sous la direction d'une autre personne et
obtient en contrepartie une rémunération ». Le droit
positif CEMAC a un intérêt certain à se conformer à
cette précision afin de ne tenir compte lors de la définition de
la notion de travailleur, que des trois critères retenus dans l'affaire
Lawrie-Blum, à savoir l'effectivité de l'activité (A), le
lien de subordination (B), et la rémunération (C).
A- La réalité et l'effectivité de
l'activité
La notion de travailleur ne doit concerner que ceux qui
exercent des « activités réelles et effectives, à
l'exclusion des activités tellement réduites qu'elles se
présentent comme purement marginales et accessoires
»28. Ainsi, sont couvertes les personnes qui
exercent une activité salariée à temps partiel, que les
ressources tirées de cette activité leur soient suffisantes ou
qu'elles soient obligées de les compléter par d'autres revenus
provenant d'autres sources. C'est dire que la faible productivité de
l'activité concernée ne peut concourir à priver à
la personne qui l'exerce la qualité de travailleur et du droit de libre
circulation.29
A signaler que la jurisprudence européenne ne
considère en revanche pas comme activités réelles et
effectives celles qui ne constituent qu'un moyen de réinsertion et de
rééducation qui permet à l'intéressé de
retrouver, à l'échéance, toutes ses capacités
physiques
26 MBENDANG EBONGUE (J) : Droit du travail et de la
prévoyance sociale, Cours polycopié de Licence Université
de Yaoundé II-Soa 1995/1996, p.14, cité par GNIMPIEBA TONNANG (E)
in article op. cit.
27 CJCE, aff. 66/85 Lawrie-Blum 3 juillet 1986
Rec.2121.
28 MARTIN (D) : La libre circulation des personnes
dans l'Union Européenne, Bruylant Bruxelles 1995, p.35.
29 Ibid
ou morales, même si ladite activité est
rémunérée.30 Une telle position nous semble
adéquate et transposable en zone CEMAC, surtout qu'au terme de cette
activité transitoire, l'intéressé peut parfaitement se
retrouver dans une catégorie lui permettant de bénéficier
de la libre circulation, à savoir qu'il peut décrocher un travail
ou se retrouver dans la situation d'un chercheur d'emploi.31
B- Le critère de subordination
Pour bénéficier de la qualité de
travailleur communautaire, la prestation doit être effectuée en
faveur d'une autre personne ou sous sa direction et peut importe que celle-ci
soit une personne physique ou morale. Bien plus, la qualité de
travailleur sera reconnue, nous semble-t-il, à une personne travaillant
pour une autre qui elle-même travaille sous la direction d'une
troisième.
En gros, on dira que l'existence d'un lien de subordination
doit être recherchée dans tous les critères et
circonstances qui peuvent caractériser les relations entre les parties,
à savoir la participation aux risques commerciaux de l'entreprise, ou
encore la faculté ou non de choisir ses propres horaires ou de recruter
ses propres assistants, la capacité de l'une des parties à donner
les ordres à l'autre, etc.
C- Le critère de rémunération
Ce critère de rémunération est satisfait
même si cette rémunération est inférieure au salaire
minimum interprofessionnel garanti (SMIG). Par ailleurs, peu importe l'origine
des ressources servant à la rémunération du travailleur,
qu'elles proviennent de l'activité exercée par le travailleur ou
de toute autre profession de l'employeur. Il faudra aussi considérer ce
critère comme rempli quelle que soit la forme de
rémunération. C'est dire que la rémunération peut
même être versée en nature (nourriture, logement,
habillement, etc.), elle n'en demeure pas moins une dès lors qu'elle
« peut être considérée comme une contrepartie
indirecte de la prestation fournie par l'intéressé
».32
Au demeurant, la notion de travailleur dans l'ordre juridique
communautaire de la CEMAC devrait bénéficier d'une
définition et une application extensives. Il est question de
conférer cette qualité à un nombre large de personnes et
d'éviter une interprétation trop
30 CJCE, Bettray, 6 juillet 1989, Rec. P.1621.
31 Voir infra, Para. 2, B, 1.
32 MARTIN (D): op. cit.
restrictive de cette notion qui contribuerait à limiter
les bénéficiaires de la libre circulation et des droits qui lui
sont attachés.
Para. 2 : LES IMPLICATIONS DE LA LIBRE CIRCULATION DES
TRAVAILLEURS
Il s'agit de parler ici des droits reconnus aux
bénéficiaires de la libre circulation. Les travailleurs
communautaires bénéficient ainsi de divers avantages qui leur
sont reconnus en leur qualité de travailleurs. Le législateur
communautaire reconnaît que pour que cette libre circulation soit
effective, il faut éliminer toutes les discriminations fondées
sur la nationalité (A), reconnaître au profit des travailleurs des
droits d'entrée, de se déplacer et de séjourner sur tous
les territoires des Etats membres (B).
A- L'interdiction des discriminations fondées
sur la nationalité
Cette interdiction découle de l'article 27, alinéa
(a) paragraphe 2 d'après lequel la libre
circulation des travailleurs implique « l'abolition
dans un délai maximum de cinq ans de toutes les discriminations
fondées sur la nationalité entre les travailleurs des Etats
membres, en ce qui concerne la recherche et l'exercice de l'emploi ».
Cette abolition des discriminations fondées sur la nationalité
participe d'une « extension du traitement national en faveur des
ressortissants de tout Etat membre se trouvant légalement sur le
territoire d'un autre Etat membre en vue d'y exercer une activité
salariéei3 et constitue une sérieuse limite
« du principe, bien établi dans la plupart des Etats, selon lequel
l'étranger n'a pas le même statut que le national
».34 Il est donc interdit à tout Etat membre de
fixer des conditions ou de les appliquer en direction des autres ressortissants
communautaires installés sur son territoire. L'interdiction
énoncée dans ces dispositions vaut autant en ce qui concerne la
recherche de l'emploi, son exercice, la rémunération ainsi que
toutes les autres conditions de travail. C'est dire que lors du recrutement des
travailleurs, des conditions supplémentaires ne doivent pas être
exigées des étrangers ressortissants de la Communauté, pas
plus d'ailleurs que ceux-ci ne peuvent bénéficier des avantages
moindres dans l'exercice de leur travail par rapport aux nationaux. En un mot,
et façon plus simple, on dira que les législations nationales des
Etats membres devront reconnaître aux travailleurs migrants d'origine
communautaire le droit de
33 Ibid, p.43
34 GUIMEZANES (N) : La circulation et
l'activité économique des étrangers dans la
Communauté Européenne. Droit communautaire droits nationaux
Nouvelles éditions Fiduciaires 1999, p.49.
rechercher et d'exercer une activité salariée
« conformément aux dispositions législatives,
réglementaires et administratives régissant l'emploi des
travailleurs nationaux ».35
Par ailleurs, l'application de l'interdiction des
discriminations fondées sur la nationalité en zone CEMAC doit
s'entendre de manière large, c'est-à-dire prendre en compte les
discriminations ostensibles et notoires à l'égard des
travailleurs migrants d'origine communautaire, mais aussi les discriminations
déguisées, c'est-à-dire « toutes autres formes
dissimulées de discriminations qui, par application d'autres
critères de distinction aboutissent en fait au même
résultat ».36 Il s'agit, à travers la notion
de discriminations déguisées, de sanctionner le moindre fait
discriminatoire qui aurait pour effet de mettre en mal la libre circulation des
travailleurs communautaires. C'est dans ce sens que la jurisprudence
européenne a pris le soin de préciser que compte tenu du
caractère impératif des dispositions relatives à
l'interdiction de discriminations, celle-ci s'applique indifféremment
aux législations émanant d'organismes publics que
privés.37 Cette position nous semble bonne.
L'interdiction des discriminations fondées sur la
nationalité inclut également la notion d'avantages sociaux et
fiscaux. En Europe, cette notion fait l'objet d'une réglementation
particulière,38 preuve de son importance capitale. La notion
d'avantages sociaux désigne ainsi « tous ceux qui, liés
ou non à un contrat d'emploi, sont généralement reconnus
aux travailleurs nationaux, en raison principalement de leur qualité
objective de travailleurs ou du simple fait de leur résidence sur le
territoire national et dont l'extension aux travailleurs ressortissants
d'autres Etats membres apparaît dès lors comme apte à
faciliter leur mobilité à l'intérieur de la
Communauté ».39 C'est donc une notion qui couvre
des réalités si diverses qu'une énumération
exhaustive devient sinon impossible, du moins très difficile. On dira
à titre indicatif que rentrent dans cette catégorie d'avantages
sociaux les différentes allocations octroyées aux travailleurs en
raison de leur situation particulière, les différentes
prestations sociales garantissant un minimum d'existence, l'inscription dans un
établissement à caractère social du pays d'accueil et la
jouissance des avantages fournis par cet établissement, etc., ainsi que
l'octroi des facilités de déplacement.
35 Article 48 paera.3 (c) (39 nouveau) du
traité UE
36 CJCE, Aff Sotgiu 152/73 12 février 1974 Rec.
P.153.
37 CJCE, Aff Walrave 8 juillet 1974 1405.
38 Article 7 para.2 du règlement 1612/68
d'application de l'article 48 (39 nouveau) du traité UE.
39 MARTIN (D) : Op. cit., p.167
B- Le droit de circuler, de séjourner et le
droit de demeurer
Ce sont les effets directs de la libre circulation. L'article
27, alinéa (a) para. 3 et 4 confère au travailleur migrant
d'origine communautaire la possibilité d'entrer, de se mouvoir et de
séjourner sur le territoire de tout Etat membre (1), et le droit de
demeurer établi sur celui-ci (2).
1- Le droit d'entrer, de déplacement et de
séjour
Tout travailleur communautaire bénéficie du
« droit d'entrée, de se déplacer et de séjourner
sur le territoire des Etats membres ».40 Cette disposition
vise à réaliser le libre accès des travailleurs à
des emplois offerts dans d'autres Etats membres de la Communauté en
interdisant toute restriction à leur déplacement à
l'intérieur des celle-ci, qu'il s'agisse des restrictions à
l'accès au territoire national, ou à la circulation à
l'intérieur de celui-ci. Il s'agit là du droit d'entrer et de
déplacement qui implique la reconnaissance au profit des travailleurs de
quitter le territoire de leurs pays d'origine respectifs et traverser les
frontières internes de la Communauté41 pour
s'installer sur le territoire des autres Etats membres sans se voir exiger
d'autres conditions que celles imposées par le législateur
communautaire, d'une part, et d'autre part d'y circuler librement une fois
entrés. Nul besoin pour cela que l'autorité compétente du
pays d'accueil délivre un visa pour l'entrée ou un laissez-passer
pour le déplacement.
D'autre part, le droit de séjour implique que le
travailleur migrant d'origine communautaire bénéficie du droit de
séjourner, c'est-à-dire de rester et de s'installer sur le
territoire de tout Etat membre où il travaille ou entend travailler. La
jurisprudence européenne précise que ce droit est acquis
indépendamment de la délivrance par l'autorité
compétente de l'Etat d'accueil de tout titre de séjour, la seule
condition requise étant l'exercice d'une activité
économique.42 Il s'agit d'une position louable car
subordonner ce droit à la délivrance par l'autorité
nationale d'un titre de séjour reviendrait à lui laisser
l'arbitrage et l'appréciation de qui serait ou pas apte à en
bénéficier, ce qui nous semble contraire à la
volonté du législateur communautaire.
40 Article 27 alinéa (a) para. 3 Convention
régissant l'UEAC.
41 Selon l'article 1 de la Convention d'application
de l'Accord de Schengen, sont frontières intérieures « les
frontières communes terrestres des parties contractants ainsi que leurs
aéroports pour les vols intérieurs et leurs ports maritimes pour
les liaisons régulières de transbordeurs qui sont en provenance
ou à destination exclusive d'autres ports sur le territoire des parties
contractantes, sans faire escale dans ces ports en dehors de ces territoires
».
42 CJCE, Aff. 495 Royer, 1976 ; CJCE Aff. 1263
Commission/Allemagne « logement », 1989.
Il importe de mentionner que tous ces droits doivent aussi
être reconnus au chercheur d'emploi. En particulier le droit de
séjour doit lui bénéficier, même si les textes
communautaires ne le prévoient pas expressément. Pourtant, si
leur statut de chercheur d'emploi commande une application un peu
particulière du droit au séjour, cela est dû au fait qu'ils
ne sont pas des travailleurs au sens plein du terme. Il convient tout de
même de leur accorder un délai raisonnable qui leur permettrait de
prendre connaissance sur le territoire de l'Etat membre d'accueil des offres
d'emploi correspondant à leur qualification professionnelle. Mieux
encore, si à l'issu de pareils délais, l'intéressé
rapporte la preuve qu'il continue de chercher un emploi, et surtout qu'il a de
sérieuses chances d'être embauché, il est convenable de le
laisser continuer à bénéficier de son droit de
séjour.
Quoi qu'il en soit, le ressortissant d'un Etat membre perd son
droit au séjour dans un autre Etat membre dès lors qu'il perd la
qualité de travailleur, c'est-à-dire lorsqu'il cesse d'avoir dans
ce pays un emploi salarié avec rémunération, à
moins de satisfaire aux conditions du droit de demeurer.
2- Le droit de demeurer établiLe
travailleur étranger ressortissant de la CEMAC a le droit de demeurer
établi dans le
pays d'accueil, même en l'absence d'un emploi
salarié dès lors qu'il satisfait « à la condition
d'y avoir exercé un ou plusieurs emplois pendant une période d'au
moins quinze ans, [ou] de pouvoir justifier de moyens de subsistance
».43 Le droit de demeurer établi constitue le
corollaire des droits de circuler et de séjourner, mais à la
différence de ceux-ci, celui-là intervient à la fin de la
qualité de travailleur, c'est-à-dire au moment où
l'intéressé cesse d'exercer une activité
économique. C'est donc une consécration louable qui donne la
possibilité au travailleur de demeurer dans son pays d'accueil une fois
son travail achevé, de faire et organiser sa vie dans un pays qu'il
connait désormais bien et dans lequel il pourrait avoir lié des
relations lui permettant de s'intégrer parfaitement. Il est tout de
même entouré de deux conditions alternatives :
> soit l'intéressé doit fournir la preuve
d'avoir exercé une ou plusieurs activités
économiques pendant au moins une durée de quinze
ans dans le pays d'accueil. Le texte ne précise pas si cette
période de quinze ans doit être continue ou alors si elle peut
être la somme des périodes successives et entrecoupées de
travail passées dans le
43 Article 27 alinéa (a) para. 4 Convention
régissant l'UEAC.
pays concerné. En l'absence de précision
textuelle, nous pensons que la deuxième alternative doit être
prise en compte pour rendre mieux compte du droit conféré ;
> soit l'intéressé doit, à
défaut de totaliser ces quinze ans, fournir la preuve des moyens de
subsistance propres qui lui permettront de mener une vie décente, ce qui
lui éviterait d'être une charge pour la société. La
nature et la consistance de ces moyens de subsistance doivent être
fixées par un règlement du Conseil des Ministres de l'UEAC. Ce
règlement est toujours attendu et nous déplorons le vide
laissé autour d'une notion aussi importante pour l'intégration
personnelle. Toutefois, nous plaidons pour une somme qui, sans être
exorbitante et de nature à écarter un trop grand nombre
d'étrangers communautaire, évitera tout de même que des
aventuriers sans revenus soient appelés à rester sur les
territoires des pays d'accueil à la charge de la société.
Quoi qu'il en soit, ce règlement doit plaider en faveur d'une
application unanime des modalités d'exercice de la liberté de
circulation et posera les bases d'une harmonisation des législations
nationales en la matière.
C- L'harmonisation des règles nationales en
matière sociale : une condition d'efficacité de la libre
circulation des personnes
Cette prescription imposée par le paragraphe 1 de
l'alinéa (a) article 27 de la Convention régissant l'UEAC vise la
facilitation du processus de libération des frontières internes
à l'égard des travailleurs communautaires. En effet, cette oeuvre
d'harmonisation des législations nationales constitue une garantie non
négligeable de l'effectivité de la libre circulation des
travailleurs et doit se faire à deux niveaux :
D'abord, il faut une harmonisation « des dispositions
pertinentes des codes de travail nationaux » qui commande une
collaboration entre les Etats membres en vue de mettre communément en
oeuvre les dispositions communautaires dans leurs législations
nationales sur le travail. Il s'agit à n'en pas douter d'une tâche
qui n'est pas des moindres et qui peut constituer le talon d'Achille de la
libre circulation des travailleurs en CEMAC. Heureusement, on est en droit
d'amoindrir notre inquiétude en ce sens car le travail
d'intégration juridique opéré par l'OHADA44
dans l'ensemble des pays de la zone franc, dont tous ceux de la CEMAC, plaide
forcement en faveur d'une unité de régime en ce qui concerne
44 L'OHADA (Organisation pour l'Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires) qui voit le jour en 1993 à Port Louis au
Sénégal vise la rationalisation et l'amélioration de
l'environnement juridique des affaires et des entreprises.
les dispositions relatives au travail dans les pays de la
CEMAC. Et pour cela, le projet d'Acte Uniforme sur le droit du travail dans
l'espace OHADA en cours d'étude serait la bienvenue en CEMAC.
Ensuite, l'harmonisation vise les « dispositions
législatives et réglementaires applicables aux régimes et
organismes de protection sociale ». Il s'agit ici d'une harmonisation
des dispositions relatives aux établissements et organes qui offrent aux
travailleurs toutes sortes d'avantages sociaux, ce qui pourrait fortement
conditionner la mobilité des travailleurs au sein de la
Communauté. La tâche est tout aussi grande ici, mais comme
précédemment, les Etats de la CEMAC sont en cela aidés par
les conventions internationales auxquelles ils font tous partie et qui viennent
à point nommé contribuer à l'harmonisation des
législations des organismes de protection sociale. Il s'agit des
Conventions OCAM45 dont les objectifs étaient au
départ, l'un de coordonner les systèmes nationaux de protection
sociale des pays membres, et l'autre de favoriser la coopération entre
les organismes nationaux de sécurité sociale ; et
CIPRES46 dont l'objectif est de relancer l'oeuvre d'harmonisation
entamée par la Convention OCAM.
La question se pose alors de savoir si l'harmonisation dont il
est question en zone CEMAC exige une refonte totale et la mise en place d'un
nouveau cadre législatif commun, ou alors une transposition pure et
simple des dispositifs OCAM et CIPRES. La doctrine pense à ce sujet
qu'une refonte totale du dispositif n'est pas nécessaire et que, le cas
échéant, la législation CEMAC sur la protection sociale
des travailleurs devrait, «tout en reprenant les principes
posés par les législateurs OCAM et CIPRES renforcer les
procédures d'harmonisation des législations internes des pays
membres »47, l'objectif étant de conférer au
travailleur migrant d'origine communautaire une condition presque
entièrement identique à celle du travailleur national.
Tous ces droits reconnus aux travailleurs communautaires
constituent des modalités d'application de la libre mobilité de
ces mêmes travailleurs au sein de la Communauté sans lesquelles
elle resterait purement théorique. En effet, c'est parce que le
travailleur est convaincu qu'il bénéficiera d'une condition
aisée une fois dans le pays d'accueil qu'il peut
45 La Convention OCAM (Organisation Comptable
Africaine et Malgache) a été signée le 8 septembre 1962
à Antananarivo à Madagascar, puis modifiée à
Kinshasa au Zaïre le 28 janvier 1975 et à Kigali au Rwanda le 10
février 1977.
46 La Convention CIPRES, Conférence
interafricaine de la Prévoyance Sociale.
47 GNIMPIEBA TONNANG (E) : Op. cit., p.87.
s'engager à rechercher un emploi dans ce pays. Il devra
néanmoins pour cela avoir l'instrument requis.
Para. 3 : LE PASSEPORT CEMAC : INSTRUMENT D'ELARGISSEMENT
DE LA LIBRE CIRCULATION EN ZONE CEMAC ?
Le passeport CEMAC est l'instrument de libre circulation des
personnes en zone CEMAC48. Sa délivrance relève de la
compétence des différents Etats membres qui le font «
dans les conditions habituelles de leur délivrance » en ce qui
concerne les modalités des passeports nationaux.49
L'institution de cet instrument de libre circulation semble
signifier que sa seule présentation suffise pour assurer à son
détenteur une libre mobilité au sein de la Communauté
puisque le texte parle d' « instrument de libre circulation
». Pourtant, une question nous interpelle : l'article 27 alinéa (a)
de la Convention régissant l'UEAC n'ayant institué une libre
circulation qu'en faveur des seuls travailleurs ou de la main d'oeuvre,
complété par les textes sur la libre circulation des acteurs de
l'enseignement, la recherche et la formation professionnelle, doit-on en
déduire que le passeport CEMAC n'est délivré qu'en leur
seule faveur ? La question est d'autant embarrassante que le règlement
instituant ce passeport CEMAC ne donne pas de précision explicite en ce
sens. Ceci étant, on pourrait partir d'une interprétation de la
formulation du règlement qui parle des « citoyens et
ressortissants des Etats membres de la Communauté
»50 pour conclure que le passeport CEMAC est
délivré à tous les ressortissants de la Communauté,
donc même aux non travailleurs. On en vient alors à ce que
l'institution du passeport CEMAC aurait pour effet et conséquence
d'élargir les bénéficiaires de la libre circulation qui
profiterait désormais à tout détenteur d'un passeport
CEMAC, celui-ci pouvant être délivré à tout citoyen
communautaire.
Si cette interprétation extensive du règlement
instituant le passeport CEMAC aurait pour effet d'élargir les
bénéficiaires de la libre circulation des personnes, il demeure
qu'il pose un problème d'interprétation par rapport au texte de
la Convention régissant l'UEAC qui est restrictif dans sa formulation en
ce qui concerne les bénéficiaires du droit à la libre
circulation. En effet, seuls sont pris en compte par ce texte les travailleurs
communautaires et on pourrait logiquement s'interroger sur le sens à
donner aux dispositions du présent
48 Article 1er du règlement
N°1/00-CEMAC-042-CM-04 du 20 juillet 2000 portant institution et
conditions d'attribution du Passeport CEMAC.
49 Article 2 in fine du règlement
précité.
50 Article 2 du règlement CEMAC
précité.
règlement. Celui-ci est donc extensif, celui-là
restrictif. Question : puisque l'application de l'un écarte l'autre,
lequel de ces deux textes doit être appliqué ? On serait
tenté de dire que le règlement soit appliqué puisqu'il
confère plus de droits aux étrangers ressortissants
communautaires. Mais cette solution est juridiquement erronée
puisqu'elle permettrait à un texte d'application relevant de ce qu'on
appelle le droit communautaire dérivé, en l'occurrence le
règlement instituant le passeport communautaire, d'être en
contradiction avec le texte originaire, relevant de ce qu'on appelle le droit
communautaire primaire, dont il n'est sensé fixer que les
modalités d'application.51 Ceci nous montre à souhait
que le passeport CEMAC est, en l'état actuel du droit communautaire,
inutile. En effet, pour que ce passeport soit, comme le règlement
l'indique, un instrument pouvant bénéficier à toute
personne qui le détiendrait, il faudrait que le traité instituant
l'UEAC soit modifié et institue une libre circulation de tous les
ressortissants communautaires sur le territoire de la Communauté. Nous
le préconisons fortement.
Il faut signaler que le passeport CEMAC n'est pas encore
entré en vigueur. En effet, prévu pour être appliqué
dès la signature du règlement,52 son entrée en
vigueur a sans cesse été différée à
l'initiative du Gabon et de la Guinée Equatoriale qui posent comme
conditions un renforcement des mesures de sécurité aux
frontières et une coopération policière plus
poussée. Ils se disent être les plus exposés à une
immigration forte et incontrôlée. A l'heure actuelle,
l'application du passeport CEMAC obéit à une double vitesse,
certains pays l'ayant déjà mis en circulation, et d'autres
hésitant encore à le faire. Cette double vitesse conduit
simplement à l'annulation de tout effet rattaché au passeport
communautaire puisqu'aucun pays qui ne le met pas encore en circulation ne
pourra admettre qu'il produise ses effets sur son territoire. Ceci nous
amène à nous demander si ce passeport ne constitue pas
plutôt un frein à la libre circulation des personnes en zone
CEMAC, et si une simple carte d'identité nationale ne pourrait pas
suffire à jouer le rôle de sésame pour l'accès dans
le territoire des Etats de la Communauté et la jouissance des droits y
afférents.
51 Article 26 de la Convention régissant
l'UEAC.
52Article 7 du Règlement
n°1/00-CEMAC-042-CM-04 du 20 juillet 2000 portant institution et
conditions d'attribution du passeport CEMAC.
Section 2 : LES LIBERTES D'ETABLISSEMENT ET DE
PRESTATION DE SERVICES
Libertés d'établissement et de prestation de
services sont deux notions voisines qui sont dans la plupart des cas
employés ensemble. En effet, ces notions renvoient à des
réalités bien proches en ceci que l'une et l'autre visent les
activités indépendantes effectuées par le ressortissant
étranger d'origine communautaire.
Para. 1 : LE LIBRE ETABLISSEMENT
En règle générale, le droit
d'établissement implique le droit pour les ressortissants communautaires
de s'installer sur le territoire d'un autre Etat membre que leur Etat
d'origine, de quelle que manière que ce soit, à concurrence
égale avec les nationaux dans le but d'exercer une activité
indépendante. Le législateur CEMAC consacre ce droit dans des
termes assez similaires lorsqu'il dispose que le droit d'établissement
entraîne « l'accès pour les investisseurs de la sous
région aux activités non salariées et à leur
exercice ainsi qu'à l'acquisition, la constitution et la gestion
d'entreprises dans les conditions définies par la législation du
pays d'établissement ».53 Une condition semble donc
s'imposer à la jouissance de ce droit, à savoir, comme le
reconnaît un auteur, « prouver son statut d'opérateur
économique ou plus précisément celui d'investisseur,
c'est-à-dire être propriétaire des capitaux ou d'un
patrimoine destinés à la création d'entreprises
».54 C'est dire que les bénéficiaires du
droit d'établissement sont limités (A), même s'il comporte
plusieurs variantes (B).
A- Les bénéficiaires du droit
d'établissement
La seule condition ayant déjà été
précisée, à savoir avoir les fonds suffisants et
nécessaires pour la création d'entreprises, il s'agit pour nous
ici de préciser ceux qui peuvent rentrer dans la catégorie des
« investisseurs » précisée par le texte. A ce
sujet, on dira qu'il est évident qu'il s'agit des personnes physiques,
c'est-à-dire les travailleurs salariés et la main d'oeuvre ainsi
que toutes les autres personnes physiques désireuses de créer des
entreprises sur le territoire de l'Etat choisi. Mais il faut reconnaître
que ces personnes physiques ne sont pas les seules bénéficiaires
de ce droit car il doit également être reconnu aux personnes
morales dans la mesure où celles-ci peuvent participer à la
création ou à l'acquisition du capital social
53 Article 27 alinéa (b) para.1 Convention
régissant l'UEAC.
54 GNIMPIEBA TONNANG (E) : Op. cit. ; p.89.
ou intervenir dans le cycle de vie d'une
société. On dira alors que le droit d'établissement
s'applique aux personnes morales dès lors qu'elles sont
constituées conformément au droit régissant la
création des sociétés dans un Etat membre, étant
entendu qu'un rattachement peut être décelé soit par
l'implantation du siège social de la société ou de la
personne morale, soit par la localisation de son administration centrale, soit
enfin par son principal établissement à l'intérieur de
l'espace CEMAC.
C'est dire que la notion d'«investisseurs »
utilisée par le législateur communautaire doit être
entendue de façon large, de manière à prendre en
considération les personnes physiques et morales, afin de leur faire
bénéficier des deux variantes du droit d'établissement.
B- Les variantes du droit d'établissement
De l'Union européenne à la CEMAC en passant par
l'UEMOA, le bénéfice du droit d'établissement
entraîne deux droits précis 55en ce sens que dans tous
ces espaces, il implique l'accès aux activités non
salariées (1) et la possibilité de créer et de
gérer les entreprises (2).
1- L'accès et l'exercice des activités
non salariées
La formation du Marché Commun CEMAC passe par la
reconnaissance au profit des ressortissants des Etats membres de la
possibilité d'exercer leurs activités économiques en
s'établissant en tout lieu quelconque du territoire de la
Communauté.
L'accès à une activité non
salariée suppose que le ressortissant concerné doive pouvoir
créer son centre d'activités économiques à
l'intérieur de l'Etat d'accueil sans autres conditions que celles
exigées aux nationaux. Ce droit vaut autant à l'égard d'un
indépendant établi à l'intérieur d'un Etat membre
et qui désire créer un centre d'activités dans un autre
Etat membre, qu'à l'égard d'un travailleur salarié
établi dans un Etat membre qui désire accomplir, en outre, un
travail indépendant, que ce soit dans le même Etat ou dans un
autre Etat membre. Il faut signaler que cet accès à une
activité non salariée peut se faire dans les domaines aussi
variés que l'industrie, le commerce, l'artisanat, l'agriculture et les
professions libérales.
L'exercice des activités non salariées doit
alors être conçu dans un sens très large car renferme aussi
toutes les conditions nécessaires pour le fonctionnement effectif des
activités créées. Interdictions est faite aux Etats
membres de faire obstacle, d'une manière ou d'une
55 Article 52 (43 nouveau) du traité CE, 92
para. 3 du traité UEMOA et 27 alinéa (b) para.1 Convention
régissant l'UEAC.
autre, à l'exercice des activités non
salariées par les ressortissants migrants d'origine communautaire. Ils
doivent procéder à la « suppression des restrictions
à la libertés d'établissement [et de] toute
gêne aux activités non salariées des ressortissants des
autres Etats membres qui consistent en un traitement différentiel des
ressortissants des Etats membres par rapport au nationaux, prévue par
une disposition législative, réglementaire ou administrative d'un
Etat membre ».56
2- L'acquisition, la constitution et la gestion
d'entreprise
Les ressortissants de la Communauté disposent en vertu
du droit d'établissement de la faculté d'acquérir une ou
plusieurs entreprises sur le territoire de tous les Etats membres de la
Communauté. C'est dire qu'ils peuvent acheter une entreprise mise en
vente pour quelque raison que ce soit dans le territoire d'un Etat autre que le
leur sans que leur qualité d'étranger leur soit un obstacle.
Ensuite, ils disposent de la faculté de constituer des
entreprises, c'est-à-dire de créer les sociétés,
tout comme ils disposent du libre choix de la forme juridique sous laquelle
leur entreprise sera constituée.
Enfin, la gestion d'entreprise créées ou
acquises est également consacrée comme le droit à eux
reconnu d'administrer lesdites entreprises selon les dispositions
législatives du pays d'établissement.
C'est le lieu de signaler que le droit d'acquisition, de
constitution et de gestion d'entreprises découlant du droit
d'établissement devrait également s'étendre à des
établissements secondaires tels que les agences, les filiales et les
succursales. Aussi, il faut dire que l'exécution de tous ces droits
d'après la législation de l'Etat d'accueil ne devrait pas causer
des difficultés d'application en CEMAC car la gestion, l'acquisition de
même que la constitution des sociétés dans tous les pays de
la CEMAC sont régies par les textes de l'OHADA, en l'occurrence l'Acte
Uniforme sur les sociétés commerciales et les groupements
d'intérêt économique. C'est dire, une fois de plus qu'on
assiste à une unité de régime en la matière dans
tous les Etats membres.
Au demeurant, le droit d'établissement confère
à tous les ressortissants communautaires une condition comparable
à celle des nationaux à travers l'interdiction des
discriminations fondées sur la nationalité. Même si les
textes ne le précisent pas, il est clair qu'il leur est reconnu le droit
d'entrer, de circuler et de séjourner librement sur le territoire de
56 MARTIN (D) : La libre circulation des personnes
dans l'Union Européenne, op. cit.
l'Etat d'accueil, faute de quoi cette liberté ne serait
que vains mots. En plus, il doit leur être reconnu le droit de demeurer
sur ce territoire dès lors que pour gérer une activité
libérale ou une entreprise commerciale, il est indispensable de pouvoir
s'établir sur le territoire de l'Etat d'accueil. On est donc en
présence d'une situation proche de celle conférée par la
libre circulation des travailleurs et de la main d'oeuvre. Le droit au libre
établissement est donc plus proche de la libre circulation des
travailleurs que de la libre prestation des services à laquelle il est
traditionnellement associé.
Para. 2 : LA LIBRE PRESTATION DES SERVICES
Cette liberté est assurée par l'article 27
alinéa (c) de la Convention régissant l'UEAC. Cependant, le
législateur communautaire n'a fait que consacrer ladite liberté
sans en définir précisément les contours. En se fondant
sur le droit communautaire comparé, nous tenterons de donner un contenu
précis à la notion (A) ainsi qu'à son champ d'application
(B).
A- La notion de prestation de services
La notion de prestation de services n'est pas aisée
à définir car c'est une notion qui intervient au carrefour des
autres libertés communautaires consacrées. Deux critères
sont souvent requis pour la définir :
D'abord, il faut qu'il s'agisse d'activités
économiques, c'est-à-dire des « services
quiinterviennent de façon directe dans les coûts de
production ».57 Ce premier critère est souvent
rempli par l'existence des bénéfices
générés par le service rendu. Cependant, pour
éviter toute confusion, le législateur européen
précise que les activités économiques en question ne sont
considérées comme services que pour autant qu'elles « ne
sont pas régies par les dispositions relatives à la libre
circulation des marchandises, des capitaux et des personnes
».58 En effet, il est évident que plusieurs aspects
de toutes ces libertés se rencontrent et la précision du
législateur européen intervient pour faire la part des choses.
Ensuite, le service objet de la prestation doit être
fait contre rémunération entendue comme la contrepartie fournie
par le destinataire, de commun accord avec le prestataire de service. C'est
dire qu'en principe, un service rendu gratuitement ou sans contrepartie ne
bénéficiera pas de cette liberté. Cependant, il faut
considérer que la contrepartie dont il s'agit ne doit pas
forcément être versée par les destinataires directs du
service rendu. L'exemple pris
57 Article 27 alinéa (c), para.1 de la
Convention régissant l'UEAC.
58 Article 60 alinéa 1 du Traité UE.
est celui d'une émission de télévision
par un organisme émetteur établi dans un pays membre, mais
diffusée par câble par une entreprise établie sur un autre
pays membre à ses clients. La doctrine estime qu'une telle
émission doit être « considérée comme un
service même dans le cas où les redevances ne sont pas
perçues par l'organisme émetteur ».59 Bien
plus, la contrepartie peut être fournie en nature.60
On dira alors que la libre prestation s'applique à des
services entendus comme des activités économiques
effectuées contre rémunération. Reste à
déterminer son champ d'application pour une compréhension
complète de la notion.
B- Le champ d'application de la libre prestation des
services
Ce champ d'application comprend deux éléments :
D'abord un champ d'application personnel. A ce sujet, la libre
prestation des services « bénéficie aux personnes
physiques et morales visées au paragraphe b ».61
C'est dire qu'autant une personne physique que morale peut prétendre
à cette liberté soit en tant que prestataire, soit en tant que
bénéficiaire ou destinataire de la prestation. C'est pourquoi la
doctrine parle, non d'une simple libre prestation de services, mais mieux,
« d'une libre circulation des prestataires et destinataires des
services ».62
D'autre part, un champ d'application matériel qui
commande que l'on s'attarde sur non pas la nature des services visées,
(ceci ayant déjà été étudié dans le
cadre de la notion même de prestation de services), mais sur la
caractéristique du service dont il est question. Et à cet effet,
pour qu'une prestation relève de cette liberté communautaire,
« ses éléments ne doivent pas se cantonner à
l'intérieur d'un seul Etat membre ».63
L'application de cette condition est relativement facile et rapidement admise
lorsque le prestataire de services se déplace lui-même sur le
territoire de l'Etat membre dans lequel réside le destinataire de la
prestation. C'est l'hypothèse ostensible. Cependant, il importe de
préciser que la libre prestation des services s'applique tout aussi
lorsque c'est le destinataire qui se déplace pour en
bénéficier soit sur le territoire de l'Etat membre sur lequel est
établi le prestataire, soit sur le territoire de l'Etat membre sur
lequel la prestation a été fournie. Ce qui compte alors, c'est
l'existence d'un élément transfrontalier, que celui-ci soit
constitué par le déplacement du
59 VIVANT (M) (Sous la direction de) : Droit
communautaire et liberté des flux transfrontières, LITEC
1988, p.19.
60 CJCE, Aff. 6159, Steymann, 1988.
61 Article 27 alinéa (b) para.2 de la
Convention régissant l'UEAC.
62 MARTIN (D) : La libre circulation des personnes
dans l'Union européenne, op. cit., p.94.
63 CJCE, Aff. 52/79 Debauve, 18 mars 1980, Rec.1980,
p.833.
prestataire ou du destinataire (ou des deux) ; ou, en
l'absence de déplacement de leur part, par le fait que c'est la
prestation elle-même qui traverse les frontières, ou encore par le
lieu d'exécution de la prestation dès lors que celle-ci n'a pas
été fournie dans l'Etat où sont établis le
prestataire et le destinataire.
Les droits reconnus aux bénéficiaires de la
libre prestation des services ne doivent pas être substantiellement
différents de ceux reconnus aux bénéficiaires de la libre
circulation des travailleurs et du libre établissement. Il leur est en
effet reconnu le droit d'entrer, de circuler et de séjourner librement
sur le territoire de l'Etat d'accueil, en plus de l'interdiction de
discriminations fondées sur la nationalité qui, dans ce cas, est
définie comme « l'élimination de toute discrimination
à l'encontre du prestataire de services à raison de sa
nationalité ou de la circonstance qu'il réside dans un Etat
membre autre que celle où la prestation est fournie
».64 Le législateur européen reconnaît
même au prestataire, sans préjudices des dispositions relatives au
droit d'établissement, le droit d'exercer pendant un temps et à
titre temporaire son activité sans le pays où la prestation est
fournie.65 Ceci est normal lorsqu'on sait que la libre prestation
des services peut concerner les activités qui couvrent une
période plus ou moins longue sans pour autant se confondre au libre
établissement.
Au terme de ce premier chapitre, on dira que le
législateur communautaire reconnaît aux ressortissants de la
Communauté des droits dont la consécration marque sa
volonté d'assurer au ressortissant étranger d'origine
communautaire une condition confortable où qu'il se trouve dans la
Communauté. Cependant, il est à regretter la restriction et
l'extrême prudence qui caractérise cette consécration en
ceci que les différents droits reconnus ne le sont qu'en direction d'une
catégorie restreinte de personnes, à savoir les agents
économiques. C'est dire que toute personne n'entrant pas dans cette
catégorie ne peut bénéficier de ces droits, ce qui
constitue, à n'en point douter, une limite sérieuse à
l'intégration personnelle dans la sous région. Le
législateur européen a, quant à lui, vite franchi cet
obstacle, lui qui reconnaît la libre circulation à tout
ressortissant européen, sans exigence de toute autre condition
supplémentaire. Toutefois, il faut reconnaître que ce mouvement de
libéralisation des frontières entamé par le
législateur CEMAC constitue une fondation à la consolidation de
la condition des ressortissants communautaires sur toute l'étendue de la
Communauté car il doit être suivi nécessairement par la
reconnaissance en leur faveur des autres droits dans des autres domaines.
64 CJCE Aff. 33/74, Van Binsbergen, 3 décembre
1974, Rec. 1975, p.1299.
65 Article 60, para.2 du Traité UE.
CHAPITRE II L'INSTITUTION DU PRINCIPE DE NON
DISCRIMINATION DANS LES DOMAINES JUDICIAIRE, DE L'ENSEIGNEMENT,
LA RECHERCHE ET LA FORMATION PROFESSIONNELLE
L'intégration communautaire en CEMAC, comme partout
ailleurs, commence par une reconnaissance des libertés traditionnelles
à des agents économiques. Pourtant, s'il est important de
conférer à ceux-ci une condition confortable et confortée
par le droit communautaire, l'intégration personnelle passe aussi - et
surtout - par la communautarisation des avantages à ceux qu'il est
désormais convenu d'appeler les « non actifs »,66
c'est-à-dire ceux qui n'interviennent pas dans le circuit
économique et par conséquent ne sont pas visées par les
dispositions relatives au travailleurs salariés ou à la main
d'oeuvre, à la libre prestation des services et au libre
établissement. Par ailleurs, et dans le même ordre d'idées,
il importe tout aussi de fonder une sorte de citoyenneté de la
communauté qui confère à tous les ressortissants
communautaires des droits certains où qu'ils se trouvent.
Le législateur communautaire en est parfaitement
conscient puisqu'à côté des libertés
économiques consacrées, il en a consacré d'autres dans les
domaines qui n'ont aucune relation avec le circuit économique
stricto sensu. Ainsi, tout en prévoyant un traitement
égal en matière d'enseignement, de la recherche et de la
formation professionnelle (section 1), il assure une certaine garantie à
l'étranger ressortissant communautaire dans le domaine judiciaire
(section 2).
SECTION 1 : L'ABSENCE DE DISCRIMINATION DANS LES
DOMAINES DE L'ENSEIGNEMENT, LA RECHERCHE ET LAFORMATION PROFESSIONNELLE
Les actions visant l'intégration personnelle dans ces
domaines sont révélatrices à plus d'un titre car elles
marquent un autre seuil franchi par le législateur communautaire qui
consacre alors les libertés autres que celles dites traditionnelles. Le
législateur communautaire traite de tous ces domaines dans un seul
article lorsqu'il parle de la « rationalisation et
l'amélioration des performances de l'enseignement notamment
supérieur, de la recherche et de la formation professionnelle
».67 Pourtant, le droit communautaire européen
parle de ces domaines dans des articles différents consacrés
à l'éducation, à la formation professionnelle et à
la recherche.68 La multitude des dispositions dans le droit
européen témoigne de leur état d'avancement en ces
matières, contrairement au contexte CEMAC où les actions
prescrites ne le sont encore qu'en des termes très
génériques, trop génériques. Il importe dès
lors de préciser les domaines respectifs de ces matières (para.
1) avant de s'attarder sur les actions qui ont été prises dans le
but de consolider l'intégration personnelle en ces matières
(para. 2).
66 CARTOU (L) : L'Union Européenne. Les
Traités de Paris - Rome - Maastricht, 2ème
édition, p.265.
67 Article 29 para.1 Convention régissant
l'UEAC.
68 Articles 123, 126, 127 et 130 F, G, H, I, K, l, M,
N, O, P du Traité de Maastricht.
Para. 1 : LE DOMAINE DES NOTIONS D'ENSEIGNEMENT, DE
RECHERCHE ET DE FORMATION PROFESSIONNELLE
Même si le législateur CEMAC comprime ces trois
notions dans un seul et même article, force est de reconnaître
qu'elles désignent des réalités diverses et fort
variées. Il faut donc les préciser les unes après les
autres.
A- L'enseignement
On pourrait considérer que l'enseignement constitue le
droit commun de ces matières et les autres les droits spécifiques
car de manière générale, l'enseignement pourrait englober
à la fois la recherche et la formation professionnelle. Qu'à cela
ne tienne, la précision des deux autres notions laisse entendre que
l'enseignement a un domaine précis.69 A ce titre, on dirait
que le législateur communautaire n'a pas la prétention de
créer une dimension communautaire de l'enseignement en ce sens qu'il ne
commande pas une harmonisation des dispositions législatives nationales
des Etats membres. En effet, il se borne à préciser que les
actions à entreprendre dans ce domaine comportent la «
coordination des programmes d'enseignement ».70 C'est dire
que la compétence communautaire dans la détermination du domaine
et du contenu de l'enseignement est sinon inexistante, du moins infime. Il
revient alors aux différents Etats membres à travers leurs
législations respectives, de donner un contenu à la notion
d'enseignement. Ainsi, l'organisation du système éducatif ainsi
que la fixation du contenu de l'enseignement, c'est-à-dire des
programmes relèvent de la compétence des législations
nationales, la Communauté n'intervenant que pour encourager la
coopération entre les Etats en complétant et en appuyant leurs
actions. A vrai dire, il est souhaitable que ce soit ainsi car comme le
souligne la doctrine, il s'agit de laisser libre cours aux Etats,
nécessaire pour respecter leurs diversités culturelles et
linguistiques, maintenir un système éducatif propre à
chaque Etat et qui reflète sa culture et son histoire, ce qui
représente une garantie du respect de l'identité
nationale.71 Dans ces conditions, l'exigence d'une
69 Les textes européens parlent de l'
« éducation » (Article 126 du Traité de
Maastricht). Soulignons que ce texte marque la première
consécration textuelle d'une politique européenne de
l'enseignement, le Traité instituant la CEE s'étant borné
à la formation professionnelle et laissé le soin à la
jurisprudence d'y inclure l'éducation stricto sensu.
70 Article 29 para.1 Convention régissant
l'UEAC.
71 CONSTANTINESCO (V), KOVAR (R) et SIMON (D) (Sous la
direction de) : Traité sur l'Union Européenne (Signé
à Maastricht le 7 février 1992) Commentaire article par article,
Economica 1995, p.347.
harmonisation des législations nationales en
matière d'enseignement serait comme une mesure ne tenant pas compte de
la spécificité des Etats membres.
Par ailleurs, si la détermination du contenu et des
programmes d'enseignement relève de la compétence
étatique, ce qui implique une diversité dans les programmes
d'enseignement dans les différents pays, il reste communément
admis que l'enseignement dans tous ces pays doit être entendu de
manière large de telle enseigne que soient pris en compte les
enseignements primaires, secondaires et supérieures, c'est-à-dire
inclure les structures comme les écoles, les lycées et
collèges et les universités pour autant qu'ils ne sont pas
compris dans la formation professionnelle.
B- La formation professionnelle
La formation professionnelle obéit aux mêmes
conditions que l'enseignement dans la mesure où la compétence
communautaire y est très restreinte et par voie de conséquence,
le plus gros travail à faire ressortit de la compétence des
législations nationales. C'est dire que la détermination commune
d'un contenu ou d'un domaine précis de la formation professionnelle ne
peut exister, ce chef de compétence étant vraisemblablement
dévolu aux législations étatiques
Tout de même, il y a une acceptation plus ou moins
affirmée du domaine de la formation professionnelle en ce sens que la
vérité est sensiblement la même quel que soit le pays
où on se trouve. Ainsi, on peut dire que la formation professionnelle
comporte un domaine qui couvre deux aspects :
D'abord, la formation professionnelle au sens restreint qui
englobe toutes les formations reçues par les ressortissants
communautaires et qui les prédisposent à un emploi. Il est
question ici de la formation initiale qui ouvre les portes à l'emploi.
La politique commune fait alors référence à ce niveau
à toutes les institutions qui offrent aux apprenants les connaissances
nécessaires pour leur insertion dans le marché de l'emploi.
D'autre part, la formation professionnelle couvre aussi les
enseignements qui n'ont pas pour but une insertion professionnelle, mais qui
interviennent en cours de vie professionnelle des concernés. A ce titre,
on peut distinguer le recyclage et le perfectionnement professionnels qui
interviennent dans le même emploi, sans que le concerné n'en ait
changé,72 mais aussi et surtout les enseignements qui
prédisposent à un changement de niveau de qualification
72 Cette distinction nous est inspirée par
la décision 63/266 CEE du Conseil du 2 avril 1963 portant
établissement de principes généraux pour la mise en oeuvre
d'une politique commune de formation professionnelle, JOCE 1963.
professionnelle en vue de « l'accès à
un niveau professionnel supérieur »,73 ceux qui
prédisposent à un changement de métier ou de profession,
c'est-à-dire à une « reconversion ou réadaptation
professionnelle ».74
Il s'agit donc de tout enseignement qui intervient dans tous
les niveaux de la vie professionnelle, et quels qu'en soient par ailleurs les
bénéficiaires, leur âge et leur niveau de
formation.75 La notion de formation professionnelle renferme alors
des situations fort diverses qui peuvent flirter avec l'enseignement.
La doctrine en est d'ailleurs inquiète, surtout des
interférences qui peuvent exister entre les notions d'enseignement et de
formation professionnelle. Le problème se pose à propos des
études universitaires dont on se demande si elles sont exclusivement
académiques ou exclusivement formation professionnelle. «
N'ont-elles pas le plus souvent ces deux aspects à la fois ?
»76 Une question qui vaut la peine d'être
posée lorsqu'on sait que la formation professionnelle n'existe que sur
la base de l'enseignement général, et que celui-ci trouve son
complément indispensable dans celle-là.77
C'est au regard de cette proximité des deux notions que
la doctrine propose comme critère de distinction de la formation
professionnelle par rapport à l'enseignement la technicité
et la spécificité des enseignements qu'elle
comporte. On dira alors que « c'est la spécificitédes
emplois visés par les techniques transmises par la formation qui lui
donne un caractère
professionnel relevant de la politique commune
».78 C'est donc à travers ces caractères que
la formation professionnelle se distingue de l'enseignement et forme un domaine
plus ou moins autonome, tout comme la recherche.
C- La recherche
Le domaine de la recherche est relativement aisé
à préciser car les interférences possibles avec les deux
autres domaines sont réduites. Ceci dit, la politique communautaire de
la recherche doit s'appliquer dans tous les niveaux ou degrés de la
recherche :
73 Décision N°63/266
précitée, 2ème principe G.
74 Ibid, 2ème principe F.
75 Ibid, 1er principe, alinéa 2.
76 CONSTANTINESCO (V), KOVAR (R) et SIMON (M) (Sous la
direction de) : Op. cit., p.361.
77 Comme souligné plus haut, le
traité sur la CEE ne prévoyait rien en matière
d'enseignement et il appartenait à la jurisprudence d'étendre le
régime de la formation professionnelle à l'enseignement en
général, notamment universitaire.
78 CONSTANTINESCO (V), KOVAR (R) et SIMON (M) (Sous la
direction de) : Op. cit., p.728.
> La recherche fondamentale, celle du chercheur pur qui
réside dans l'approfondissement de la connaissance de la nature, et qui
vise à étendre le champ de la connaissance scientifique ;
> La recherche appliquée, celle de
l'ingénieur qui a pour but de trouver les moyens de l'utilisation
pratique des découvertes de la recherche fondamentale,
c'est-à-dire se basant sur les produits et procédés
nouveaux ou nouvellement découverts. Il est question ici de
l'approfondissement de la connaissance ainsi que de toutes les vertus et
contours de produits de la connaissance scientifique ;
> Le développement technologique ou la mise au point
industrielle qui s'efforce par la conception des prototypes de préparer
l'exploitation industrielle et commerciale. Il s'agit de l'étude
débouchant sur la transformation des produits voués à
l'exploitation commerciale.79
La recherche concerne donc les niveaux différents et
échelonnés puisqu'elle part de la découverte pour aboutir
à l'exploitation commerciale, c'est-à-dire à sa
dernière destination.
Par ailleurs, la recherche couvre des domaines divers et
très étendus comme l'énergie, la santé publique, le
développement technologique, l'environnement et sa protection,
l'agriculture, l'industrie etc. A signaler que la liste est loin d'être
exhaustive car il s'agit à travers celle-ci de cibler tous les domaines
qui impliquent l'innovation scientifique et technique.
Le domaine de la recherche concerne aussi et enfin les
structures et institutions dans lesquelles elle peut être menée.
À partir des différents niveaux de la recherche que nous avons
exposés plus haut, on en vient à ce que la politique commune de
la recherche vise les structures comme les universités, les centres de
recherche et les entreprises, y compris les petites et les moyennes entreprises
dès lors qu'elles interviennent de quelque manière que ce soit
dans le circuit de la recherche. Toutes ces structures sont, à n'en pas
douter, les institutions à travers lesquelles la recherche naît,
se développe et s'accomplit et la garantie d'une bonne politique
communautaire en la matière ne peut être perçue qu'à
travers la communautarisation de leur fonctionnement en vue d'y assurer un
traitement égal de tous les ressortissants de la Communauté.
C'est le lieu de mentionner que l'article 29 de la convention
régissant l'UEAC est formulé en des termes trop
génériques qui ne rendent pas efficacement compte des politiques
communautaires en matières d'enseignement, de recherche et de formation
professionnelle. A
79 Ibid, et CARTOU (L) : L'Union
Européenne. Traités de Paris - Rome - Maastricht, op. cit.
p.419.
cela, il faut ajouter la pauvreté, voire la quasi
inexistence du droit dérivé communautaire en ces matières.
Pourtant, l'article 30 précise que le Conseil des Ministres arrête
des règlements, directives ou recommandations nécessaires
à la mise en oeuvre de ces dispositions. C'est pourquoi nous nous
referons presque entièrement à la construction européenne
en ces matières qui, à notre avis devrait largement inspirer la
CEMAC et l'amener à préciser les contours des différentes
notions et les modalités d'application des droits reconnus aux
étrangers d'origine communautaire.
Para. 2 : LES DROITS RECONNUS AUX ETRANGERS D'ORIGINE
COMMUNAUTAIRE EN MATIERES D'ENSEIGNEMENT, DE RECHERCHE ET DE FORMATION
PROFERSSIONNELLE
L'idée générale réside en ce qu'il
s'agit de cerner les contours des privilèges reconnus aux
étrangers ressortissants communautaires dans ces domaines. A cet effet,
on dira que le législateur communautaire a bien voulu en ces
matières conférer à ces étrangers une condition
privilégiée en leur reconnaissant les mêmes droits que les
nationaux. Ces droits vont de l'accès inconditionné dans des
établissements de tous les pays membres (A), à la reconnaissance
mutuelle des diplômes (C) en passant par la facilitation de la
mobilité de tous ceux qui interviennent en ces matières (B). La
consécration de tous ces droits a amené le Conseil des Ministres
à prendre un règlement en 200580 dont les objectifs
définis à son article 3 paragraphe 2 consistent à
« étudier toutes les questions relatives à
l'enseignement supérieur et à la recherche scientifique et
technologique » notamment en ce qui concerne les conditions de
mobilité des enseignants, chercheurs et étudiants, la
reconnaissance mutuelle des diplômes nationaux ainsi que les frais de
scolarité.
A- L'ouverture dans les mêmes conditions que les
nationaux des structures d'enseignement, de formation professionnelle et de
recherche
C'est une prescription de l'alinéa b de l'article 29 de
la Convention régissant l'UEAC qui dispose que les actions de la
Communauté en matière d'enseignement, de formation
professionnelle et de recherche impliquent « l'ouverture aux
mêmes conditions d'accès que les nationaux des
établissements d'enseignement à tous les ressortissants de
l'Union économique ». La formulation du texte semble
être restreinte et ne prendre en considération
80 Il s'agit du règlement N°10/05 portant
création d'une Conférence des Recteurs des Universités et
Responsables des Organismes de Recherche d'Afrique Centrale.
que les « établissements d'enseignement
». La question est de savoir si la notion «
établissements d'enseignement » doit être perçue
au sens restreint en exclusion des structures de formation professionnelle et
de recherche. A notre sens, cette notion doit être prise au sens large
pour englober les autres domaines afin de rendre plus dynamique le mouvement
d'intégration personnelle en toutes ces matières. Pourtant, le
règlement pris en application de ces dispositions est resté sur
les mêmes bases que l'article précité puisqu'il ne vise que
le domaine de l'enseignement supérieur en exclusion des domaines de
formation professionnelle et de recherche - notamment
appliquée.81 Ce règlement vise les structures
précises (1) et consacre des droits déterminés (2).
1- Les structures visées
Nous l'avons dit, le règlement N° 09/99
précité est un peu restrictif quant à son domaine car
l'article 1er ne vise que « les établissements
publics ou d'utilité publique d'enseignement supérieur »
des Etats membres. Deux conclusions sont alors tirées de ces
dispositions :
- D'abord, il est question des établissements
d'enseignement supérieur,
exclusivement. C'est dire que sont exclus du champ
d'application de ce règlement les établissements d'enseignement
primaire et secondaire, ceux de formation professionnelle ainsi que ceux
consacrés exclusivement à la recherche, c'est-à-dire les
organismes de recherche. Ceci est d'autant plus vrai que le règlement a
été pris en considérant « l'avis de la
Conférence ad hoc des ministres chargés de l'enseignement
supérieur réunis à Yaoundé en République du
Cameroun ».82 Et il est clair que la formation
professionnelle et la recherche - notamment appliquée - tout comme
l'éducation primaire et secondaire font l'objet dans tous les pays de la
CEMAC des ministères différents et distincts de ceux de
l'enseignement supérieur. Il s'agit pour nous d'une restriction
malheureuse qui concourt à restreindre le champ d'application des
libertés communautaires. Il serait louable que les structures exclues
soient prises en compte même sans prescriptions textuelles, en attendant
que la législation soit changée dans ce sens.
- Ensuite, il s'agit des établissements publics ou
d'utilité publique, puisque,
précise le règlement, « les
écoles à statut privé ne sont pas assujetties aux
dispositions du
81 Règlement N°09/99/UEAC-019-CM-02 du 8
août 1999 relatif au traitement national à accorder aux
étudiants étrangers ressortissants des pays membres de la
Communauté.
82 Préambule du règlement N°09/99
précité, para.4.
présent règlement ».83
C'est dire que ces dispositions ne sont appliquées qu'à
l'égard des établissements de l'Etat à l'instar des
universités, des centres universitaires et des structures
rattachées aux universités comme les Instituts Universitaires de
Technologie (IUT), etc. Ainsi, les établissements qui appartiennent
à des particuliers ne peuvent se voir imposer les dispositions de ce
règlement relatives aux droits qu'il consacre. L'exclusion des
écoles à statut privé nous semble contradictoire lorsqu'on
sait que les établissements d'utilité publique sont
concernés par cette disposition. En effet, il est clair que le statut
privé de certains établissements n'exclut pas pour autant qu'ils
puissent être d'utilité publique. C'est dire qu'à notre
sens, la seule condition d' «établissements publics ou
d'utilité publique » est suffisante.
2- Les droits consacrés
Le règlement a pour objet la reconnaissance aux
étudiants étrangers ressortissants communautaires d'une condition
comparable à celle des nationaux en matière de conditions de
scolarité. Et l'article 2 précise les domaines
concernés.
Il s'agit en premier des frais de scolarité. C'est dire
que ces frais de scolarité doivent être les mêmes pour les
étrangers et nationaux et interdiction est faite de prévoir un
traitement différentiel à leur égard à propos de
ces frais de scolarité. A ce sujet, la doctrine salue l'application
exemplaire du Cameroun en matière de droits universitaires. Le constat
fait est très positif en ce sens que les étudiants
étrangers ressortissants des Etats membres de la CEMAC ne paient que
50.000 (cinquante mille) FCFA de droits universitaires alors que les
étudiants étrangers non ressortissants de la CEMAC continuent de
payer au mois 300.000 (trois cents mille) FCFA selon le type
d'établissement universitaire fréquenté.84 A
cet égard, l'Université de N'Gaoundéré (dans
l'Adamaoua camerounais) a compté au cours de l'année
académique 2004/2005 1602 (mil six cent deux) étudiants tchadiens
sur un effectif total de 15.000 (quinze mille) apprenants.85
Il s'agit ensuite du bénéfice des oeuvres
universitaires qui doivent profiter aux étrangers dans les mêmes
conditions que les nationaux. Les oeuvres universitaires désignent
toutes les facilités et les programmes offerts par les
universités à tous leurs étudiants.
Il convient toutefois de mentionner que ces droits peuvent
être écartés au détriment des ressortissants des
autres pays membres par le pays d'accueil pour les raisons de protection
83 Article 3 du règlement N°09/99
précité.
84 ATEMENGUE (J. de N.) dans une interview
publiée sur le site Internet de xinhuanet.
85 Selon le journal d'informations N'Djamena Bi hebdo
N°955 du 6 juin 2006.
de l'ordre public, comme le reconnaît l'article 5 du
règlement. Ceci rentre dans le cadre plus large de la réserve
d'ordre public86.
B- La reconnaissance mutuelle des diplômes dans
les Etats de la Communauté
Il s'agit des diplômes marquant la fin de formation dans
les domaines de
l'enseignement, de la recherche et de la formation
professionnelle. Le législateur communautaire a pris la peine de
préciser cette consécration en des termes clairs lorsqu'il dit
que la politique commune en ces matières comporte « la
reconnaissance mutuelle des diplômes sanctionnant la formation
dispensée dans les institutions ».87 C'est une
consécration salutaire dans l'optique de la reconnaissance à
l'étranger d'origine communautaire d'une condition confortable dans tout
les pays de la Communauté. Ainsi, cette reconnaissance implique que les
diplômes obtenus au Gabon puissent servir au Tchad, ceux obtenus en RCA
puissent être utilisés en Guinée Equatoriale, sans qu'il ne
soit imposé une réadaptation ou toute autre condition requise au
titulaire. L'article 3 du règlement N°10/05 précité
va d'ailleurs dans le même sens en affirmant que la Conférence des
Recteurs et des Responsables des Organes de Recherche en Afrique Centrale doit
étudier les modalités de mise en oeuvre de « la
reconnaissance mutuelle des diplômes nationaux ».
La reconnaissance mutuelle des diplômes dans les
domaines de l'enseignement suppose que les diplômes sanctionnant
l'enseignement dans un pays donné puissent permettre à leur
titulaire de continuer leurs études dans un autre pays sur la base du
niveau d'étude constaté par ledit diplôme. Ainsi par
exemple, le titulaire du baccalauréat camerounais peut s'inscrire dans
une université congolaise sans aucune condition particulière.
C'est le lieu de saluer l'application de ce principe de reconnaissance mutuelle
des diplômes dans le domaine de l'enseignement par certains Etats de la
Communauté. C'est le cas du Cameroun où les diplômes
tchadiens de fin d'enseignement secondaire ouvrent la voie à
l'enseignement supérieur camerounais et vice versa.
D'autre part, cette reconnaissance revêt encore un
caractère plus important dans le domaine de la formation professionnelle
car entraîne l'acceptation d'un diplôme professionnel obtenu dans
un pays par un autre de la Communauté. Toute son importance
réside en ce qu'il
86 Cf. deuxième partie, chap. 1, section 1.
87 Article 29 para.1, alinéa 2 de la Convention
régissant l'UEAC.
s'agit « d'améliorer les possibilités
d'emploi des travailleurs dans le marché intérieur »88
commun. Ainsi, cette reconnaissance commande que le diplôme de
journalisme octroyé à un camerounais puisse lui permettre
d'accéder à une profession de journaliste en RCA, que le
congolais formé en science de l'éducation puisse enseigner au
Gabon, sur la base de son diplôme, (etc.) sous réserve des
restrictions de l'article 27 alinéa (a) para. 2 in
fine.89
La reconnaissance des diplômes au sein des pays de la
CEMAC demeure donc une priorité pour la Communauté et il faut
reconnaître qu'elle n'est pas facile à réaliser, puisque
cette reconnaissance ne peut se faire si les diplômes concernés
sont entièrement différents d'un pays à l'autre. C'est
pourquoi le législateur communautaire commande non pas l'harmonisation
des législations en matières d'organisation et de fonctionnement
des politiques d'enseignement, de recherche et de formation professionnelle -
ce qui est de la compétence exclusive des Etats-, mais une «
coordination des programmes d'enseignement, de recherche et de formation
professionnelle ».90 Un grand pas a été
franchi dans ce sens dans la Communauté à travers la mise sur
pied dans tous les Etats membres du système universitaire Licence-
Master- Doctorat (LMD) qui vise une certaine convergence dans les programmes
d'enseignement supérieur, afin que les diplômes les sanctionnant
soient proches, et par conséquent facilement reconnaissables à
travers tous les pays de la Communauté. La mise en place de ce
système LMD est saluée par un politologue camerounais qui,
à côté de l'uniformisation des diplômes obtenus dans
les universités précise que « cela fait qu'il y aura un
grand brassage des élites en formation et cela pourra faire naître
la conscience de l'esprit CEMAC et la conscience de l'appartenance à la
sous région ».91 Vu sous cet angle, la
reconnaissance des diplômes est une mesure qui peut fortement
conditionner la circulation des personnes dans la Communauté en ceci que
les personnes qui souhaitent se déplacer peuvent être
dissuadées si les titres dont ils sont titulaires ne sont pas reconnus
dans les pays d'accueil. On dira alors que la reconnaissance mutuelle des
diplômes est une modalité d'exercice de la libre circulation des
personnes en zone CEMAC, et plus particulièrement celle des
étudiants.
88 Article 123 du Traité UE.
89 Il s'agit des exceptions liées aux emplois
dans les secteurs public, parapublic et stratégique. Voir infra
2ème partie, chap.1 section 2.
90 Article 29 alinéa (c) de la Convention
régissant l'UEAC.
91 MPONDI (J-E), propos tirés d'une interview
accordée à la radio nationale camerounaise et publiée sur
le site Internet de xinhuanet.
C- La libre mobilité en matière
d'enseignement, de recherche et de formation professionnelle
La politique communautaire de la CEMAC en ces matières
serait incomplète si elle n'assurait pas une mobilité de tous les
acteurs intervenant dans ces domaines. L'article 29 de la Convention de l'UEAC
ne prévoit pas expressément92 cette mobilité,
mais la création d'un comité ayant pour but de veiller à
l'application de la libre circulation des personnes en zone CEMAC
témoigne de la volonté des dirigeants de la CEMAC d'y accorder
beaucoup d'importance. En effet, ce comité dénommé
«Comité du suivi et d'évaluation de la libre circulation des
personnes en zone CEMAC» crée en décembre 200793
a pour but de se pencher sur l'état d'avancement de la liberté de
circulation, l'objectif étant d'élargir cette liberté au
plus grand nombre de ressortissants possible. C'est ainsi qu'en décembre
2007, ce comité a prescrit la levée immédiate de
l'obligation de visa pour certaines catégories des ressortissants
communautaires et parmi les catégories visées se trouvent les
enseignants, les chercheurs agrégés auprès de la CEMAC
ainsi que les étudiants inscrits ou pré inscrits dans
les établissements agréés. Il s'agit d'une
mesure extrêmement importante dans la mesure oüelle
assure le libre déplacement de tous ceux qui interviennent dans le
domaine de
l'enseignement, la recherche et la formation professionnelle,
que ce soit les formateurs ou les formés. Cette volonté du
législateur a été aussi manifestée dans le
règlement N°10/05 précité qui attribue au titre des
objectifs de la Conférences des Recteurs d'Université et des
Responsables des Organismes de Recherche d'Afrique Centrale, celui
d'étudier toutes les questions relatives à la mobilité des
étudiants, chercheurs et enseignants de la Communauté. Elle va
plus loin d'ailleurs et vise même une harmonisation des conditions de
recrutement des enseignants et des chercheurs dans la sous
région94 , toute chose qui confortera leur déplacement
libre au sein de celle-ci.
Cette liberté de déplacement des
étudiants95 et formateurs implique que tous ceux qui rentrent
dans cette catégorie puissent se rendre sur les territoires des autres
Etats membres sans qu'il ne leur soit imposé l'exigence des
formalités de visa. Ainsi, en application de ce
92 Le Traité de Maastricht prévoit
formellement cette mobilité au titre des actions de la Communauté
dans les trois articles consacrés à ces matières. Il dit
en effet que la Communauté mène les actions visant «
à favoriser la mobilité des étudiants et enseignants
» (article 126 alinéa 2 para.2), « favoriser la
mobilité des formateurs et des personnes en formation » (article
127 alinéa 2 para.3), et à « stimuler la formation et la
mobilité des chercheurs de la Communauté » (article 130 G
alinéa (d)).
93 Par décision N°99/07-UEAC-070 U42 du
Conseil des Ministres de la CEMAC.
94 Article 3 alinéa 2 du règlement
N°10/05 précité.
95 La notion d'étudiant doit être
prise ici au sens large et englober non seulement les étudiants
d'universités, mais aussi toutes les personnes inscrites ou pré
inscrites dans les autres structures d'enseignement supérieur à
caractère professionnel ainsi que dans les centres de recherche.
principe, un enseignant équato-guinéen pourra se
rendre au Cameroun sans visa en vue de la formation des étudiants
camerounais dans son domaine. De même, un chercheur gabonais pourra se
rendre au Congo pour effectuer ses recherches sans que les autorités de
ce pays ne lui exigent la présentation d'un visa d'entrée. Toutes
ces mesures visent à créer et à renforcer le Marché
Commun de l'enseignement et de la recherche afin de mettre sur pied un vaste
espace au sein duquel ces matières auront une réelle dimension
communautaire et s'affranchiront de tous les obstacles étatiques.
Cependant, bien que tous s'accordent sur le bien fondé d'une telle libre
mobilité des acteurs intervenant dans les domaines de l'enseignement, de
la recherche et de la formation professionnelle, il convient de reconnaitre que
ce droit n'est pas encore transposé dans le droit positif de la CEMAC
puisqu'aucun texte de la CEMAC ne le consacre. Ce n'est donc pas encore un
droit imposable et nous le regrettons fortement. Par contre, il importe de
mentionner qu'à propos de levée immédiate de l'obligation
de visa pour les catégories d'étudiants, enseignants et
chercheurs, il faut saluer l'initiative et la réaction rapide des pays
comme le Congo et le Tchad qui ont déjà donné à
leurs administrations compétentes les instructions dans la mise en
application de ces mesures.96
La reconnaissance au profit des étudiants, et
chercheurs de la Communauté des droits dans les pays d'accueil s'inscrit
dans une logique générale qui commande l'action du
législateur communautaire, à savoir la formation progressive
d'une appartenance à un espace commun, ceci pouvant déboucher sur
la citoyenneté communautaire CEMAC qui en plus de ces domaines sus
évoqués consacre aussi des droits dans le domaine judiciaire.
Section 2 : L'ELIMINATION DES DISCRIMINATIONS DANS LE
DOMAINE JUDICIAIRE
C'est l'une des grandes avancées dans la condition des
étrangers ressortissants communautaires en zone CEMAC. En effet, le
législateur communautaire a fixé comme objectif de
conférer à tout ressortissant de la Communauté un
bien-être en ce qui concerne le domaine judiciaire. Et cette
volonté constatée du législateur CEMAC est encore plus
significative lorsqu'on sait que l'intégration judiciaire n'est pas l'un
des objectifs prioritaires de la Communauté, ceux-ci étant
constitués pour l'essentiel par le Marché Commun
(économique et monétaire). Pourtant, la consécration de
cette non discrimination dans le
96 Constat effectué à l'issue des
travaux du Comité de Suivi et d'Evaluation de la libre circulation des
personnes en zone CEMAC en date du 26 janvier 2008.
domaine judiciaire témoigne de la volonté non
contestable des responsables de la CEMAC de construire une intégration
complète, étendue à tous les secteurs de la vie
communautaire.
Le seul pan judiciaire jusqu'ici consacré par les
textes communautaires de la CEMAC était constitué par l'existence
d'une Cour de justice communautaire97 et la reconnaissance des
juridictions nationales comme juridictions de droit commun de la
Communauté.98 Mais ces dispositions n'étaient pas dans
le but de conférer en elles-mêmes une condition confortable des
étrangers d'origine communautaire dans le domaine judiciaire. Conscients
du vide existant, les Etats membres de la CEMAC ont, au cours de la 5eme
Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement qui s'est tenue à
Brazzaville au Congo, en date du 23 janvier 2004, adopté l'Accord de
coopération judiciaire entre les Etats membres de la CEMAC.99
Cet accord vise à faciliter la collaboration entre les Etats en ce qui
concerne le domaine judiciaire et à travers cela l'amélioration
de la situation des ressortissants communautaires sur le territoire des Etats
membres autres que les leurs. C'est en ce sens que l'Accord consacre un libre
accès aux juridictions nationales à tous les ressortissants de la
communauté (para. 1) et assure une exécution des décisions
de justice rendues en faveur d'un ressortissant sur le territoire d'un Etat
étranger (para. 2).
Para. 1 : UN LIBRE ET FACILE ACCES AUX JURIDICTIONS
NATIONALES
Il faut d'ores et déjà signaler que
l'accès aux juridictions nationales est ici pris au sens large.
L'idée est ici d'assimiler l'étranger ressortissant d'un Etat
membre de la Communauté qui se retrouve sur le territoire d'un Etat
membre à tout national de celui-ci. Il y a en la matière une
interdiction de discrimination fondée sur la nationalité, ce qui
est une solution louable en matière judiciaire au sein de la
Communauté. Cette interdiction de discrimination est remarquable
à deux niveaux différents : à l'accès aux tribunaux
stricto sensu (A), et au bénéfice de l'assistance
judiciaire (B).
97 Prévue par l'article 2 du Traité
instituant la CEMAC du 16 mars 1996 au titre des institutions de la
Communauté et faisant l'objet d'une convention propre
désignée Convention régissant la Cour de justice de la
CEMAC.
98 Reconnaissance déduite des articles 4 et 17
de la Convention régissant la Cour de justice de la CEMAC.
99 Ce même jour, un autre accord a
été adopté, à savoir l'Accord d'extradition entre
les Etats membres de la CEMA.
A- L'accès aux juridictions nationales par les
étrangers ressortissants communautaires
Cet accès peut être vu en deux temps : d'abord
l'accès par les justiciables, et ensuite l'accès par les
avocats.
1- Le libre accès des justiciables
étrangers dans les juridictions nationales
Il s'agit d'une prescription de l'article 5 de l'Accord de
coopération judiciaire précité qui assure aux
ressortissants de chaque Etat membre la possibilité de saisir les
juridictions de tout autre Etat membre dans les mêmes conditions que les
nationaux de cet Etat. Le texte est clair, puisqu'il est formulé en des
termes propres à éviter toute équivoque : « les
ressortissants de chacune des Hautes Parties contractantes auront, sur le
territoire des autres, un libre et facile accès auprès des
juridictions. ». En application de cette disposition, un gabonais
peut librement saisir une juridiction centrafricaine pour la défense de
ses droits sans que sa nationalité ne lui soit invoquée comme
obstacle, puisque, précise le texte, « il ne pourra, notamment
leur être imposé ni caution, ni dépôt sous quelque
dénomination que ce soit, à raison de leur qualité
d'étranger, soit du défaut de domicile ou de résidence
».100 C'est dire que cet accès ne doit pas
être conditionné par une quelconque exigence visant à
obliger ledit étranger à fournir une caution. Pourtant, on sait
que la tradition est d'imposer une caution à tout étranger qui
veut saisir une juridiction nationale, traditionnellement
dénommée `'caution judicatum solvi». C'est dire
à quel point cette disposition est importante au regard du processus
d'intégration humaine en zone CEMAC, ce qui concourt à renforcer
la solidarité entre les peuples des Etats parties et leur appartenance
à une même Communauté.101
Le législateur communautaire va plus loin en ne faisant
pas dépendre ces droits à la condition de domicile ou de
résidence. C'est dire que même si les ressortissants
étrangers n'ont ni domicile, ni résidence sur le territoire de
l'Etat dont ils saisissent la juridiction, l'accès ne peut leur
être refusé pour ce grief. Ceci est salutaire car
l'hypothèse est bien envisageable, celle des opérateurs
économiques qui ont des intérêts sur le territoire d'un
Etat membre sans pourtant y résider ou sans y être
domicilié. C'est donc un droit très large qui est reconnu
à tout ressortissant de la Communauté sur le territoire de tout
Etat membre.
Par ailleurs, ce libre accès est reconnu à tout
ressortissant étranger quelle que soit la nature de la juridiction
saisie puisque le texte parle de « juridictions tant administrative
que
100 Article 5 in fine de l'Accord de coopération
judiciaire précité.
101 Préambule du Traité instituant la CEMAC.
judiciaire », ce qui constitue une fois de plus
une avancée réelle sur la condition des étrangers au sein
de la Communauté. A titre comparatif, l'espace judiciaire
européen crée par la convention de Lugano102 est
limité en ce qui concerne son champ d'application matériel
puisqu'elle ne s'applique qu'en matière civile et commerciale, par
exclusion des affaires concernant les matières fiscales,
douanières ou administratives.103 Cette absence de
restriction témoigne du souci du législateur de donner à
cette liberté un domaine vaste de manière à permettre
à l'étranger concerné de défendre ses droits sur
tous les plans dans le pays d'accueil, ainsi que de se faire représenter
par un avocat de tout Etat membre.
2- L'accès libre des avocats
L'accord offre également la possibilité à
tout avocat d'un Etat membre de la CEMAC de plaider librement devant les
juridictions d'un autre Etat membre à l'occasion d'une affaire
déterminée y inscrite.104 C'est une innovation
formidable qui concourt à opérer un brassage des populations des
différents Etats membres, mais surtout à instaurer ou raffermir
la coopération judiciaire entre eux. Au regard des droits de l'homme,
c'est une mesure tout aussi importante qu'on peut d'ailleurs ranger dans le
principe général de droit du droit à un procès
équitable. En effet, chacun a le droit de choisir son avocat lors d'un
procès et l'institution de cette liberté vient tout simplement
garantir les droits des justiciables en éliminant toute discrimination
pouvant résulter soit de l'interdiction de tout avocat étranger,
soit de la fixation des modalités exigées en raison de la
qualité d'étranger de tout avocat ressortissant d'un autre pays
membre de la Communauté, discrimination pouvant déboucher sur la
violation du PGD sus évoqué.
Cependant, le législateur communautaire fait
dépendre l'exercice de cette liberté reconnue aux avocats
à la satisfaction de deux formalités :
> d'abord, les avocats dont il s'agit doivent être
inscrits au barreau de leur Etat d'origine;
> ensuite, ils doivent exercer selon la législation
de l'Etat d'accueil dès lors que le texte leur reconnaît cette
liberté à condition « pour eux de se conformer à
la législation de l'Etat où se trouve la juridiction saisie
».105 Il s'agit de la législation relative
à
102 Il s'agit de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988
entre quelques pays européens relative à la compétence
judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile
et commerciale.
103 Article 1er de la Convention de Lugano.
104 Article 6 de l'Accord de coopération judiciaire
précité.
105 L'in fine de l'article 6 de l'Accord de coopération
judiciaire précité.
l'organisation du procès, notamment l'ordre de passage
des parties et des avocats, le caractère inquisitoire ou accusatoire du
procès, bref toutes les règles relatives au fonctionnement de
l'audience et même au droit à l'assistance judiciaire.
B- L'égal droit à l'assistance judiciaire
L'article 7 de l'Accord reconnaît aux ressortissants de
chaque Etat membre le bénéfice de l'assistance judiciaire sur le
territoire des autres dans les mêmes conditions que les nationaux de cet
Etat. C'est dire que tout ressortissant d'un pays membre qui se trouve
impliqué dans une affaire devant une juridiction d'un autre Etat, qu'il
soit demandeur ou défendeur, a droit au bénéfice de
l'assistance judiciaire, à égalité de traitement que les
« nationaux eux-mêmes ». Signalons que l'assistance
judiciaire désigne la procédure grâce à laquelle un
plaideur aux revenus modestes bénéficie, pour faire valoir ses
droits en justice, du concours gratuit des avocats et officiers
ministériels et de l'avance par l'Etat des dépenses
occasionnées par l'instruction.106 C'est une suite logique du
libre accès de l'article 5 précité car ce ne serait pas
protéger les droits d'un étranger que de lui reconnaître un
droit de libre accès aux tribunaux étatiques d'un Etat de la
CEMAC et de ne pas lui accorder la possibilité de jouir des droits
reconnus aux nationaux de cet Etat. Une fois de plus, le législateur
communautaire s'illustre par son dynamisme puisqu'à travers cette
disposition, il continue dans son entreprise d'interdiction des discriminations
fondées sur la nationalité à l'égard des
ressortissants communautaires. Il est donc recommandé à tous les
Etats d'accorder le bénéfice de l'assistance judiciaire à
tout ressortissant communautaire qui se trouve devant une juridiction
étatique étrangère sans égard à sa
nationalité, comme s'il était ressortissant de cet Etat.
Il faut mentionner que le bénéfice de
l'assistance judiciaire est accordé à tous les ressortissants
communautaires à la condition qu' « ils se conforment à
la loi de l'Etat dans lequel l'assistance sera demandée
».107 C'est dire qu'ils doivent suivre la procédure
de demande de l'assistance judiciaire de l'Etat d'accueil, remplir les
conditions requises pour en bénéficier, telles que posées
par la législation de l'Etat dans lequel l'assistance est
demandée.108
106 Lexique des termes juridiques, Dalloz 2002.
107 L'in fine de l'article 7 de l'Accord de coopération
judiciaire précité.
108 Au Cameroun par exemple, l'assistance judiciaire est
réglementée par le décret N°76/521 du 9 novembre 1976
portant règlement de l'assistance judiciaire qui distingue entre
l'assistance judiciaire facultative et l'assistance judiciaire de plein droit.
La procédure à suivre est constituée par la demande
écrite ou orale adressée au secrétaire de la Commission
d'assistance judiciaire compétente qui peut alors, suivant le cas
l'octroyer ou la
A travers ces différentes consécrations du libre
accès aux juridictions étatiques par les ressortissants de tous
les Etats de la CEMAC, le législateur montre clairement son ambition de
reconnaître à l'étranger d'origine communautaire, partout
dans la Communauté, des droits comparables à ceux qu'il a chez
lui. Poursuivant sa logique, il garantit pareille aisance en ce qui concerne
l'application des décisions de justice.
Para. 2 : LA RECONNAISSANCE ET L'EXECUTION DES DECISIONS
JUDICIAIRES AU PROFIT D'UN RESSORTISSANT COMMUNAUTAIRE SUR LE
TERRITOIRE D'UN ETAT MEMBRE
Le souci du législateur de reconnaître au profit
de tout ressortissant communautaire une condition comparable à celle des
nationaux de tous les pays de la CEMAC dans leurs pays respectifs l'a
amené à consacrer le principe de la reconnaissance et de
l'exécution des décisions de justice rendues en faveur d'un
ressortissant communautaire sur le territoire d'un autre Etat que celui
où la décision a été rendue. Cette mesure
répond à ce que les auteurs ont appelé le principe nouveau
de la « libre circulation des jugements »109 qui
désigne le passage libre des décisions de justice à
travers les frontières. Si cette libre circulation marque davantage
l'idée d'une coopération judiciaire entre Etats de la CEMAC, nul
doute par ailleurs qu'elle concourt fortement à garantir aux
étrangers une condition aisée au sein de la Communauté en
ceci qu'elle leur permet de faire exécuter une décision de
justice rendue en leur faveur dans un Etat étranger membre de la CEMAC,
à travers la sécurité de leurs droits qu'elle leur apporte
et la simplification des formalités. Ceci dit, il importe de se pencher
successivement sur la reconnaissance (A) et l'exécution (B).
A- La reconnaissance des décisions judiciaires
Elle est déduite de l'article 14 de l'Accord
précité qui dispose qu'en matière civile et commerciale,
les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les tribunaux de
l'un des Etats membres ont de plein droit autorité de la chose
jugée sur les territoires des autres Etats membres. Plusieurs
conséquences y sont attachées :
refuser. Une fois l'assistance judiciaire octroyée,
elle peut être retirée s'il y a survenance des ressources
suffisantes ou découverte du caractère frauduleux de la
déclaration du bénéficiaire.
109 VOYAME (J) : « Traits caractéristiques et
principe de la Convention de Lugano » ; et PATOCCHI (PM) : « La
reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers selon la
Convention de Lugano » in L'espace judiciaire européen.
La Convention de Lugano du 16 septembre 1988, respectivement pp. 24 et
92
> d'abord, peu importe la nature et la dénomination
de la décision ; qu'elle soit un arrêt, un jugement, un
ordonnance, elle est reconnue sur le territoire des autres Etats membres
dès lors qu'elle émane d'une juridiction ;
> ensuite, peu importe que la décision soit
contentieuse ou gracieuse. C'est dire que les décisions rendues à
la suite de contestation entre deux parties tout comme celles rendues par le
juge en raison de son pouvoir d'imperium peuvent également être
reconnues sur le territoire des autres Etats membres ;
> enfin, la reconnaissance est de plein droit,
c'est-à-dire que comme le dit la convention
de Lugano,110 sans qu'il soit besoin d'introduire une
procédure particulière. L'étranger
est donc exempté de toute procédure
ultérieure qui le mettrait certainement dans une
position de faiblesse car différente de celle des
ressortissants de l'Etat où la décision
doit être reconnue. Par cette mesure, le législateur
assimile l'étranger au national.
Par rapport à l'étranger au pays où la
reconnaissance est invoquée, celle-ci entraîne des effets
considérables. La doctrine reconnaît qu'à cet effet,
« la décision étrangère reconnue déploie
en principe dans l'Etat requis les mêmes effets qu'elle a dans l'Etat
d'origine ».111 C'est dire que la décision a
autorité de la chose jugée sur le territoire de l'Etat requis. On
peut alors accorder à cette autorité de la chose jugée un
effet positif et un effet négatif.112
L'effet positif consiste en ce que la décision reconnue
sur le territoire de l'Etat requis peut être prise en
considération pour lui faire produire certains effets. On pourra par
exemple se baser sur ces décisions dans l'Etat requis pour
décider de la réhabilitation ou de l'amnistie en faveur des
intéressés. En conséquence, ceux-ci peuvent «
s'en prévaloir auprès de tout intéressé, personne
privée, autorité administrative ou juridiction de l'Etat
où la reconnaissance est invoquée »113.
L'effet négatif rattaché à
l'autorité de la chose jugée d'une décision sur le
territoire d'un Etat étranger est une application du principe «
non bis in idem » qui interdit alors que les faits sanctionnés
par une décision prise dans un Etat membre ne puissent faire l'objet de
nouvelles poursuites dans tout autre Etat membre. Le ressortissant
communautaire se trouve ainsi dans une situation comparable à celle dans
laquelle il se trouve quand il est dans son pays d'origine. En effet,
l'autorité de la chose jugée dessaisit le juge national
relativement à
110 Article 26 alinéa 1 de la Convention de Lugano.
111 PATOCCHI (PM) :Op. cit., p.116.
112 NGAPA (T) : « La coopération judiciaire
pénale dans la zone CEMAC », Mémoire DEA FSJP de
l'Université de Dschang, année académique 2005/2006,
p.83.
113 ISAAC (G) : Droit communautaire
Général, 4ème édition, MASSON Droit
Sciences Economiques, 1995, p.310.
l'affaire concernée. Le principe de la reconnaissance
mutuelle des décisions de justice commande que l'autorité de la
chose jugée dessaisisse les juges de tous les Etats membres si bien que
l'intéressé ne puisse être condamné sur le
territoire des autres Etats pour les mêmes faits.114
Il faut signaler tout de même que même si
l'autorité de la chose jugée est « de plein droit
», l'article 14 de l'Accord précité ne l'accorde que
pour autant que certaines conditions aient été satisfaites :
- La décision doit émaner d'une juridiction
compétente selon la législation de
l'Etat partie sur lequel elle a été
rendue.115 En guise de comparaison, la convention de Lugano n'exige
pas une telle condition.116 Il s'agit pour nous d'une condition
superflue puisque la décision évoquée ne peut être
rendue qu'en respect et en conformité des textes de procédure en
vigueur dans le pays dont elle émane. En plus cette condition est
pratiquement inapplicable puisque le pays dans lequel la décision est
invoquée n'a ni qualité, ni pouvoir pour se pencher sur un
éventuel vice de compétence soulevé devant elle contre la
décision évoquée et aucun tribunal supra étatique
n'est investi d'une telle compétence. Peut-être peut-on envisager,
pour régler cette situation, que le tribunal qui se trouverait dans une
telle situation sursoie à statuer et saisisse la juridiction normalement
compétente pour connaître d'une question de compétence dans
le pays où la décision a été rendue. Dans ce cas,
la décision de cette juridiction conditionnerait l'issue de la
procédure enclenchée devant le juge de l'Etat requis qui,
à ce moment et seulement à ce moment, pourra décider
d'accorder les effets de droit à la décision incriminée.
Le vice de compétence deviendrait alors pour lui une question
préjudicielle.
114 L'article 1305 du Code Civil demande à cet effet
une triple identité liée à l'objet, la cause et les
parties : « il faut que la chose jugée soit la même, que la
demande soit fondée sur la même chose, que la demande soit entre
les mêmes parties et formée par elles en la même
qualité ».
115 V. pour le Cameroun, l'ordonnance N°72/4 du 26
août 1972 et ses modifications subséquentes en ce qui concerne la
compétence des tribunaux de droit commun, et pour ce qui est des
juridictions l'ordonnance N°72/5 de la même date portant
organisation judiciaire militaire modifiée par la loi N°98/007 du
14 avril 1998 pour le tribunal militaire, la loi N°90/060 du 19
décembre 1990 pour la Cour de sûreté de l'Etat,
l'ordonnance N°72/7 du 26 août 1972 modifiée par la loi
N°84/1 du 14 janvier 1984 pour la Haute Cour de Justice et l'ordonnance
N°72/6 de la même date portant organisation de la Cour Suprême
modifiée par divers textes subséquents pour la Cour Suprême
; pour le Congo la loi N°022/92 du 20 août 1992 portant organisation
du pouvoir judiciaire au Congo ; pour le Gabon la loi N°7/94 du 16
septembre 1994 portant organisation de la justice, et la loi organique
N°9/94 du 16 septembre 1994 fixant organisation, compétence et
fonctionnement de la Cour judiciaire, des Cour d'appel et des tribunaux de
première instance du Gabon ; pour la RCA la loi N°60/183 du 23
janvier 1960 fixant l'organisation des tribunaux en RCA ; pour le Tchad, la loi
N°004/PR/98 portant organisation judiciaire au Tchad et toutes leurs
modifications subséquentes.
116 Article 28 alinéa 4 de la Convention de Lugano.
- La décision ne doit pas être contraire à la
jurisprudence des juridictions de
l'Etat où elle est invoquée. L'objectif ici est
d'éviter une contradiction dans le droit positif de l'Etat requis.
Là aussi il peut y avoir difficulté d'application dans le cas
où la jurisprudence n'est pas constante. Dans ce cas, il appartiendrait
à l'autorité saisie, qu'elle soit judiciaire ou pas de trancher
à la faveur de ses propres opinions.
- La décision doit être passée en force de
chose jugée, c'est-à-dire qu'elle ne doit
plus être susceptible d'aucun recours dans l'Etat dans
lequel elle a été rendue. L'objectif est d'éviter qu'un
effet reconnu à une décision devienne caduc et contradictoire
après une annulation éventuelle de la décision.
- Le procès à l'issue duquel la décision a
été rendue doit avoir offert aux parties
les conditions d'un procès équitable, notamment
en ce qui concerne les droits de la défense. Le problème qui est
susceptible de se poser ici est celui de déterminer qui est
compétent pour apprécier si un procès a offert toutes les
garanties d'un procès équitable. Le texte semble laisser libre
cours à l'autorité devant laquelle la décision est
invoquée d'apprécier. Dans ce cas, on est en droit de douter
qu'une telle condition soit souvent vérifiée, car elle pourrait
mettre à mal les relations diplomatiques entre le pays qui a rendu la
décision et le pays où celle-ci est invoquée et qui refuse
de la reconnaître pour défaut de procès
équitable.
- La décision ne doit pas être contraire à
l'ordre public de l'Etat où la reconnaissance est invoquée. Ceci
rentre dans le cadre plus large de ce qui est convenu d'être
appelé la réserve d'ordre public.117
Les mêmes conditions sont requises pour
l'exécution.
B- L'exécution des décisions judiciaires
sur le territoire des autres Etats
Rappelons d'entrée de jeu que l'exécution des
décisions judiciaires d'un Etat membre sur le territoire d'un autre Etat
membre en matière pénale ne rentre pas dans le cadre de notre
démonstration car elle concerne surtout l'exécution des peines
prononcées par une juridiction nationale dans les établissements
pénitenciers d'un autre Etat membre. Dans cet ordre d'idées, elle
ne confère pas de droits au profit d'un ressortissant étranger
car l'exécution des peines profite au premier chef au ministère
public et à la société entière. C'est dire que nous
nous limiterons aux décisions rendues en matières civile et
commerciale car leur seule exécution sur le territoire des autres Etats
membres est susceptible de leur conférer des droits dont l'exercice est
souvent hypothéqué par l'existence des frontières
étatiques.
117 Voir infra, section 1, chap.1 deuxième partie.
Ceci étant, il faut reconnaître que le
législateur européen a depuis le traité de Rome
posé les bases d'un tel droit lorsqu'il disposait : « les Etats
membres de la Communauté sont convenus d'assurer en faveur de leurs
ressortissants la simplification des formalités auxquelles est
subordonnée l'exécution des décisions judiciaires
».118 C'est donc sur cette base que la Convention de
Lugano a finalement consacré et posé les modalités
d'exercice de ce droit reconnu aux étrangers ressortissants
communautaires.119 Le législateur CEMAC ne s'est pas fait
prier pour se conformer à ce mouvement, lui qui a consacré ce
principe à travers les articles 14 et 15 de l'Accord de
coopération judiciaire précité. L'article 15
reconnaît en effet qu' « une décision
déclarée exécutoire sur le territoire d'un Etat partie
peut donner lieu à exécution forcée sur les biens du
débiteur dans les conditions prévues par les textes en vigueur de
l'Etat requis ». C'est dire que toute personne en faveur de qui une
décision de justice a été rendue et octroie un droit en
indemnisation contre une personne dont les biens se trouvent sur le territoire
d'un autre Etat, peut obtenir exécution forcée sur ces biens.
C'est une mesure qui concourt ne fois de plus à protéger les
droits des étrangers à travers une sécurisation des
ceux-ci, puisque l'exécution leur permettra de rentrer en possession de
leur dû dès lors que les conditions seront réunies.
S'agissant des conditions, on dira qu'elles sont les
mêmes qu'en matière de reconnaissance, à savoir
relativement à la compétence de la juridiction qui a rendu la
décision, la conformité à la jurisprudence de l'Etat
requis, le caractère définitif de la décision, l'exigence
d'un procès équitable et la conformité à l'ordre
public de l'Etat requis. Il faut donc noter que les mêmes
difficultés et remarques sont à noter.
Par ailleurs, l'in fine de l'article 15
précise que l'exécution forcée sur les biens du
débiteur est faite dans les conditions prévues par les textes en
vigueur de l'Etat requis. A ce sujet, aucune inquiétude quant à
la diversité possible des régimes d'exécution
forcée dans les Etats membres car le travail d'harmonisation juridique
opéré par l'OHADA plaide en faveur d'une unité de
régime dans tous les pays de la CEMAC. Précisément, en
matière d'exécution forcée, l'Acte Uniforme sur les
procédures simplifiées et les voies d'exécution
entré en vigueur le 10 juillet 1998 régit la matière dans
tous les pays de la CEMAC.
Pour ce qui est de la procédure, la décision est
déclarée exécutoire par « le président de
la juridiction du lieu d'exécution et qui aurait compétence
ratione materiae pour connaître
118 Article 220 alinéa 4 du Traité de Rome du 25
mars 1957.
119 L'article 31 de la Convention de Lugano pose « les
décisions rendues dans un Etat contractant et qui sont
exécutoires sont mises à exécution dans un autre Etat
contractant après y avoir été déclarées
exécutoires sur requête de toute partie intéressée
».
ce litige »120. Il doit être
saisi sur requête accompagnée, sous peine d'irrecevabilité,
des pièces suivantes : une copie de la décision avec toute les
conditions nécessaires pour l'authentifier, l'original de l'exploit de
signification de la décision ou de tout acte en tenant lieu, le
certificat du greffier dont émane la décision témoignant
que la décision est passée en force de chose jugée, et, le
cas échéant (en cas de décision par défaut), une
copie conforme par le greffier de la convocation ou de la citation de la partie
faisant défaut avec les preuves que cette convocation lui a
été signifiée en temps utile .121 Cette
dernière mesure vise notamment à s'assurer que le procès a
été équitable.
Enfin, c'est le lieu de dire que l'article 18 étend
cette exécution sur le territoire de l'Etat requis aux sentences
arbitrales lorsque les conditions sont réunies, toute chose qui concourt
à conforter la position des non nationaux au sein de la
Communauté.
En guise de conclusion, nous dirons que les secteurs de
l'enseignement, la recherche, la formation professionnelle, ainsi que le
domaine judiciaire constituent des secteurs où la législation
communautaire fait preuve des avancées réelles et
indéniables de l'intégration personnelle en CEMAC. La
consécration des droits et libertés au profit de tout
ressortissant communautaire, quel que soit le territoire de l'Etat dans lequel
il se trouve témoigne de sa volonté d'étendre la garantie
des ressortissants communautaires en dehors des libertés traditionnelles
de circulation, d'établissement et de prestation de service. Cependant,
il faut atténuer quelque peu le mérite de ces
consécrations, notamment en ce qui concerne le domaine judiciaire
puisque les avantages reconnus en la matière trouvent leur origine dans
l'Accord de coopération judiciaire entre les Etats de la CEMAC, texte
non encore entré en vigueur, faute de ratification de l'ensemble des
Etats membres. C'est dire qu'en toutes ces matières, les droits
nationaux, ou le cas échéant, les conventions bilatérales
continuent de les régir, en attendant que le texte communautaire entre
en vigueur. Malgré cela, on a toutes les raisons de rester optimiste car
le plus dur a déjà été fait et il ne reste plus
qu'à sensibiliser les Etats sur la nécessité d'une telle
ratification qui ne serait que bénéfique pour les
intérêts des ressortissants communautaires et au droit
communautaire en général. D'ailleurs, en pratique les Etats font
appel à cet Accord et l'évoquent pour réclamer certains
droits à l'égard des autres Etats. C'est donc dire que
malgré le fait qu'il n'est pas encore entré en vigueur, c'est un
texte qui produit déjà quelques effets.
120 Article 16 de l'Accord de coopération judiciaire
précité.
121 Article 17 de l'Accord de coopération judiciaire
précité.
DEUXIEME PARTIE LA SURVIVANCE DES DISCRIMINATIONS A
L'EGARD DES ETRANGERS RESSORTISSANTS DE LA COMMUNAUTE
L'intégration communautaire vise à assurer aux
populations des différents Etats membres un destin commun en consacrant
des droits qui leur sont reconnus à tous du seul fait de leur
appartenance à la Communauté. Le droit communautaire tend alors
vers ce qui peut être proche de la nationalité communautaire en ce
sens que tous les ressortissants communautaires bénéficient des
droits consacrés, où qu'ils se trouvent au sein de la
Communauté.
Cependant, les difficultés d'application de ce
principe, s'il était absolu, ont amené les concepteurs du droit
communautaire à reconnaître que du fait de la nature du cadre dans
lequel on se trouve, il est important de faire des restrictions à
l'application des droits reconnus dans un Etat donné par le droit
communautaire, aux étrangers, même ressortissants de la
Communauté. En effet, le droit communautaire ne reconnaît qu'un
certain nombre de prérogatives aux ressortissants communautaires, sans
égard à leur nationalité, mais n'a nullement la
prétention de créer une fédération d'Etats, et
encore moins un Etat fédéral.122 C'est ce qui explique
que « les frontières survivent, [et que] seul leur
franchissement se libéralise »123.
La conséquence de cet état de choses est que les
Etats conservent leur entière souveraineté et de ce fait, se
réservent une totale compétence en ce qui concerne certains
domaines soustraits du droit communautaire et qui par conséquent ne
peuvent pas être invoqués par les étrangers, même
ressortissants de la Communauté. C'est ainsi qu'il est admis que
certaines discriminations soient observées par les Etats membres
à l'encontre des étrangers ressortissants communautaires qui, sur
ce coup, prennent le statut d'étrangers simples ou étrangers
absolus en ce sens qu'ils sont traités au même titre que les non
ressortissants de la Communauté (chap. 1). Par ailleurs, compte tenu de
la conjoncture économique ambiante dans la sous région
couplée à la mauvaise volonté des Etats, certaines
discriminations sont le fait de ceux-ci qui prennent de manière
unilatérale des actes de nature à mettre à mal le principe
bien établi en droit communautaire de non entraves aux droits
consacrés et de non discrimination (chap. 2).
122 Cf. HREBLAY (V) : La libre circulation des personnes. Les
accords de Schengen, PUF, Politique d'aujourd'hui, p.72.
123 Ibid.
CHAPITRE I LES DISCRIMINATIONS AUTORISEES
Ce chapitre traite de toutes les discriminations
observées à l'encontre des étrangers ressortissants
communautaires et qui sont reconnues ou autorisées par le
législateur communautaire. Celles-ci s'expliquent par le fait que
l'état actuel du droit communautaire CEMAC ne vise pas une
nationalité communautaire qui commanderait une parfaite assimilation du
camerounais au gabonais, du congolais au tchadien, ou encore du centrafricain
à l'équato-guinéen. Ainsi, l'admission de ce traitement
différentiel permet de conserver un minimum d'intimité et de
souveraineté à chaque Etat membre, nécessaire pour son
fonctionnement idéal. Le législateur communautaire
européen a depuis admis l'existence de telles
discriminations.124 Son homologue de la CEMAC a vite fait
d'entériner cette position dont les explications peuvent être
liées les unes à la protection des Etats membres (section 1), et
les autres à la nature de certains emplois (section 2).
Section 1 : LES DISCRIMINATIONS TENANT A LA PROTECTION
DES ETATS MEMBRES
La protection ici est établie contre tout
étranger ressortissant communautaire ou tout droit consacré en sa
faveur qui, exercé, serait de nature à porter atteinte à
une valeur protégée de l'Etat en cause, que cette valeur
protégée relève du domaine social, économique,
sécuritaire ou même culturel. Leur justification est tirée
du fait que l'application du droit communautaire peut entraîner certains
problèmes liés au déplacement intra régional des
flux migratoires. Il s'agit de l'insécurité qui peut surgir par
exemple de la libération totale des frontières. Il devient alors
nécessaire que « chaque Etat conserve sa souveraineté
indispensable pour assurer la sécurité sur son territoire
»,125 même s'il faut pour cela mettre en veilleuse
l'application de certains principes communautaires capitaux. C'est sans doute
ce qui a commandé que le législateur communautaire consacre la
libre circulation des travailleurs d'origine communautaire « sous
réserve des limitations pour les questions d'ordre public, de
sécurité publique et de santé publique
»126 (para. 1), et institue d'autre part des
dérogations liées à l'adoption des mesures de sauvegarde
et les circonstances exceptionnelles (para. 2).
124 A travers ses différentes législations
successives, du Traité de Rome au Traité de Maastricht.
125 HREBLAY (V) : Op. cit.
126 Article 27, alinéa (a), para.3 in fine de la
Convention régissant l'UEAC.
Para. 1 : LA RESERVE D'ORDRE PUBLIC
La formule consacrée par le législateur
communautaire étant floue, il convient de l'éclaircir (A) avant
de préciser la compétence étatique en la matière
(B) et la nécessité d'un encadrement communautaire de la notion
(C).
A- La notion de réserve d' « ordre public,
de sécurité et de santé publique »
Le texte communautaire parle de réserve d' «
ordre public, de sécurité publique et de santé publique
», ce qui ne va pas sans poser de sérieux problèmes de
définition et d'interprétation des différentes notions de
part l'imprécision de leur contenu et leur caractère vaste.
La difficulté vient d'abord de ce que le triptyque
ordre, sécurité et santé publics entretiennent des
chevauchements qui peuvent amener à conclure à leur confusion, ou
au fait que l'un englobe les autres. En effet, les ordres juridiques des Etats
membres de la CEMAC, fortement inspirés par le droit administratif
français font tous de la sécurité publique un
élément de l'ordre public, à côté de la
tranquillité et de la salubrité publiques, ce qui pourrait faire
croire que ces notions renvoient toutes à la même
réalité. La doctrine estime d'ailleurs que « la notion
de sécurité publique se confond, au moins partiellement avec
celle d'ordre public »127 et la jurisprudence va dans le
même sens en déclarant que la formule consacrée par les
rédacteurs est redondante, avant de conclure à une certaine
identité des trois notions.128 Cette solution qui a par la
suite été largement approuvée autant en doctrine qu'en
jurisprudence est celle à laquelle nous souscrivons, ce d'autant plus
qu'on pourrait bien inclure la santé publique dans la notion de
salubrité publique en ceci que celle-ci vise à éviter tout
ce qui peut être une source d'insalubrité pouvant nuire à
la santé publique des populations. C'est dire qu'en parlant de
réserve d'ordre public, nous entendons y inclure la santé et la
sécurité publiques.
Quoi qu'il en soit, la réserve d'ordre public est un
motif bien souvent invoqué pour la restriction des droits et
libertés en droit interne et fait déjà, dans ce cadre,
couler beaucoup d'encre et de salive. En droit communautaire, elle revêt
une saveur particulière car elle permet aux Etats d'appliquer des
restrictions à l'application des libertés communautaires à
l'égard des étrangers, par exemple en leur interdisant
l'accès sur le territoire étatique ou en les y éloignant
de force, toute mesure qu'ils ne sauraient prendre à l'égard de
leurs
127 MARTIN (M) : La libre circulation des personnes dans
l'Union Européenne, op. cit., p.56.
128 La formule consacrée par le législateur CEMAC
est la même que celle utilisée par son homologue
européen.
ressortissants.129 La réserve d'ordre public
est donc une mesure qui interpelle au premier chef chaque Etat membre.
B- La compétence étatique en
matière d'ordre public
L'ordre public communautaire est constitué par les
ordres publics nationaux. En d'autres termes, si la réserve d'ordre
public est consacrée par les textes communautaires, il s'agit d'une
notion qui interpelle les Etats membres pris isolément. Ceci
entraîne le fait qu'en matière de réserve d'ordre public,
la compétence est presque entièrement reconnue aux Etats membres.
Il pourrait en réalité difficilement en être autrement car
« les impératifs de l'ordre public varient en fonction des
conditions sociologiques ».130 C'est dire qu'en la
matière, le noyau dur de la souveraineté étatique reste
intact quant au contenu à donner à la notion car «
l'Etat reste le seul compétent pour qualifier tel ou tel
intérêt comme étant fondamental
».131Ainsi par exemple, la notion d'ordre public
étant subjective, un Etat peut décider d'ériger en valeurs
d'ordre public les valeurs comme son patrimoine culturel, les valeurs morales,
les principes d'ordre éthique ou philosophique, selon sa convenance,
alors que de telles valeurs n'entrent pas dans l'ordre public d'un autre ; la
conséquence étant qu'une valeur faisant partie de l'ordre public
dans un Etat donné peut ne pas l'être dans l'autre. Il est
dès lors possible qu'on soit en présence d'une diversité
d'ordres publics au sein de la Communauté si bien qu'un encadrement
communautaire de la notion devient alors nécessaire.
C- L'encadrement nécessaire du contenu de la
notion d'ordre public
L'encadrement dont il est question ici a pour but
d'insérer la notion d'ordre public dans des limites communautaires
reconnues de tous en vue de fixer une délimitation communautaire des
contours de l'ordre public. Il s'agit d'éviter une dilution excessive de
cette notion qui apparaît être une boîte vide à
l'intérieur de laquelle les Etats membres peuvent tout mettre, et par ce
fait même porter un sérieux coup aux libertés
consacrées par le législateur communautaire. Le risque qu'il
convient d'éviter ici est de laisser une trop grande liberté aux
Etats membres pour la définition du contenu de l'ordre public, ceux-ci
pouvant profiter de la brèche offerte pour invoquer cette réserve
de façon intempestive et excessive qui pourrait nuire aux droits
consacrés en faveur des étrangers ressortissants communautaires.
La
129 MARTIN (D) : Op. cit., p.54.
130 Propos de l'avocat général dans l'affaire
Bonsignore CJCE 26 février 1975, Aff. 67/74, Rec. 1975 p.297.
131 KARYDIS (G) : « L'ordre public dans l'ordre juridique
communautaire : un concept à contenu variable », in Revue
Trimestrielle de Droit Européen (RTDE) N°1 janvier - mars
2002, p.4.
délimitation dont il est question ici doit
procéder par l'application d'une conception « communautaire
» et restrictive de la notion seule apte à garantir sa
véritable fonction. Le juge européen l'a d'ailleurs vite reconnu,
lui qui reconnaît en la matière « aux autorités
nationales compétentes une marge d'appréciation dans les limites
imposées par le traité ».132 Le droit
positif CEMAC devrait suivre cet exemple.
Dans cette optique, nous suggérons un encadrement qui
doit prendre en compte la caractéristique que doit présenter le
danger menaçant l'ordre public et à ce propos, deux
éléments sont à signaler :
- il faut que l'intérêt susceptible d'être
atteint soit un intérêt fondamental de la
société.133 C'est dire qu'un simple
intérêt banal ne peut justifier la prise d'une mesure
discriminatoire à l'encontre d'un étranger ;
- il faut ensuite que soit appliqué le principe de
proportionnalité à l'exception
d'ordre public national. Selon ce principe, les mesures
étatiques doivent être appropriées, adéquates et ne
doivent pas aller au-delà de ce qui est strictement nécessaire
pour sauvegarder l'ordre public. Il est question d'éviter les mesures
extrêmement graves prises exclusivement dans le but de se
débarrasser d'un individu en raison de sa nationalité, alors
même que le risque encouru, ou ce qui lui et reproché n'exige pas
la prise d'une mesure d'une telle gravité.
On retiendra alors que la notion de réserve d'ordre
public étant une notion assez vague, il importe de lui conférer
une application tenue et encadrée afin qu'elle ne soit pas
considérée comme le tombeau des libertés communautaires.
Une telle vigilance est aussi souhaitable en matière de mesure de
sauvegarde.
Para. 2 : EXCEPTIONS FONDEES SUR L'ADOPTION DES MESURES DE
SAUVEGARDE ET SUR LA THEORIE DES CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES
La mise en veilleuse des libertés communautaires peut
également être imposée à un Etat membre par
l'existence des difficultés qui rendent cette restriction souhaitable et
même indispensable. A l'étude, ces difficultés peuvent
être à la fois économiques (A) et politiques (B).
132 CJCE, Aff. 41/74 Van Duyn, 4 décembre 1974, Rec. 1975,
p.1351.
133 CJCE, Aff. 30/77, Bouchereau, 27 octobre 1977, Rec. 1977,
p.1999.
A- L'adoption des mesures de sauvegarde
La restriction fondée sur l'adoption des mesures de
sauvegarde est une possibilité offerte par l'article 22 de la Convention
régissant l'UEAC. Elle constitue une restriction à l'exercice des
libertés consacrées en ce sens qu'un Etat membre peut l'invoquer
pour déclarer ces libertés momentanément
inopérantes sur son territoire. Il faut reconnaître que ces
dispositions sur l'adoption des mesures de sauvegarde trouvent un champ
d'application plus favorable dans le cadre de la libre circulation des biens et
marchandises qui constituent l'intégration réelle.134
Mais force est de reconnaître qu'elle peut également intervenir au
chapitre des restrictions aux libertés communautaires et de
l'intégration personnelle voulue par les textes. Ceci est d'autant plus
vrai que le texte parle de « dérogations aux règles
générales de l'Union Economique ». Or, nous savons que
l'Union Economique de l'Afrique Centrale (UEAC), à travers la convention
la régissant traite certes de la libre circulation des biens et
marchandises, c'est-à-dire de l'intégration réelle, mais
aussi - et surtout, peut-on dire- de l'intégration personnelle et
à travers elle de la reconnaissance à l'étranger
ressortissant communautaire d'une condition confortable sur le territoire de
tous les Etats membres. C'est dire par exemple que l'article 22 peut être
invoqué pour faire obstacle à la libre circulation, ou encore au
droit de séjourner, ou au droit d'accéder sans discrimination
à un emploi salarié. L'hypothèse envisageable est celle
d'un Etat qui fait face à un problème de chômage excessif
de ses ressortissants et qui peut dès lors faire obstacle à
l'arrivée massive des étrangers sur son sol sur la base de cet
article, afin de résoudre le problème d'emploi qui se
pose135. Vu sous cet angle, la restriction des libertés
communautaires en vue de l'adoption des mesures de sauvegarde est une mesure
non dénuée de bon sens, mais qui suppose remplies un certain
nombre de conditions et fait l'objet d'un encadrement strict.
1- Conditions à l'adoption des mesures de
sauvegarde
Stricto sensu, une seule condition est requise :
l'existence des difficultés graves dans un ou plusieurs secteurs de la
vie économique de l'Etat qui l'invoque. C'est dire que pour que
l'adoption de telles mesures soit permise, il faut que l'Etat requérant
produise la preuve qu'il fait face ou qu'il rencontre des difficultés
importantes dans un domaine quelconque de son
134 Prévues aux articles 2 alinéa (c) et 13
alinéa (a) de la Convention régissant l'UEAC.
135 Notons que les partis politiques reconnus comme de
l'extrême droite européenne ont souvent invoqué ce motif
pour réclamer la mise entre parenthèses des libertés
communautaires. D'autres vont même plus loin et revendiquent la sortie de
l'Euro avec tous ses corollaires, notamment la fermeture des frontières
nationales au marché de l'emploi.
économie. A notre sens, ces difficultés peuvent
être constituées par exemple par l'existence d'un taux de
chômage surélevé, à condition que le problème
évoqué soit suffisamment grave et nécessite qu'une mesure
soit prise. Il faut donc exclure du champ d'application de cet article de
simples difficultés passagères dénuées d'un niveau
de gravité élevé. Cette précision en vaut la peine
car elle a pour but d'éviter qu'un Etat membre ne prenne pour alibi une
quelconque difficulté pour faire obstacle à l'application des
libertés communautaires sur son territoire. Les mêmes raisons
commandent l'encadrement strict dont cette mesure fait l'objet.
2- L'encadrement de l'adoption des mesures de
sauvegarde
L'encadrement témoigne ici de la rigueur qui entoure
cette mesure. En effet, le législateur communautaire n'entend pas faire
de cette mesure une porte ouverte aux dérogations de fait des Etats aux
dispositions communautaires. C'est pourquoi il a encadré cette mesure
à deux niveaux :
- en premier lieu, la mesure doit être autorisée par
le Conseil des Ministres. Cette
formalité interdit aux Etats d'adopter des mesures de
sauvegarde de façon unilatérale sans que aucune autorisation
explicite ne leur soit été accordée par le Conseil des
Ministres qui, au préalable, doit avoir été saisi par
l'Etat requérant à cet effet. C'est donc au Conseil des Ministres
qu'il revient l'appréciation car il doit juger et dire si en
l'espèce les conditions sont de nature à exiger une mesure de
sauvegarde. En plus, le texte précise que le Conseil des Ministres
statue en la matière à la majorité qualifiée.
- ensuite, la mesure prise, si elle est autorisée, doit
intervenir dans une durée
limitée. C'est quasiment évident car une
réserve prise sans délimitation temporelle aboutirait purement et
simplement à une négation du droit communautaire de la part de
l'Etat requérant. Cette précision est toutefois importante en
ceci qu'elle empêche les Etats de prendre de telles mesures sans y
adjoindre une limitation temporelle. En l'absence de précision textuelle
sur la durée, nous pouvons dire qu'à notre sens, il doit s'agir
d'une durée raisonnable qui permettra à l'Etat de faire face
à la difficulté qu'elle rencontre, sans pour autant renoncer
totalement à l'application des libertés communautaires.
A cela, il faut ajouter que le Conseil des Ministres, statuant
à la même majorité, « peut décider que
l'Etat concerné doit modifier, suspendre ou supprimer lesdites mesures
de sauvegarde et/ou de protection »136 selon que les
circonstances qui ont présidé à leur prise soient
atténues, ou tout simplement aient disparu. Dans cette dernière
hypothèse, la mesure
136 Article 22 para.3 de la Convention régissant
l'UEAC.
disparaît et les ressortissants communautaires
retrouvent leurs droits conférés par les textes communautaires,
lesquelles ne peuvent plus être mises à l'épreuve que par
l'existence des circonstances exceptionnelles.
B- Restrictions liées à la
théorie des circonstances exceptionnelles
La théorie des circonstances exceptionnelles est une
exception à l'application du droit tout court en ce sens qu'en pareilles
circonstances, le droit commun est remplacé par un droit spécial
et dérogatoire adopté pour y faire face. C'est pourquoi en tant
que motif dérogatoire du droit communautaire en général,
cela ne surprend guère. En effet, le texte communautaire qui le consacre
a une portée générale qui couvre toutes les dispositions
relatives à l'Union Economique, c'est-à-dire la
réalisation du Marché Commun dans son ensemble.137
En ce qui nous concerne, on dira que dans ces conditions,
l'Etat considéré pourrait valablement ignorer les droits
consacrés en faveur des ressortissants communautaires sur son
territoire, par exemple en y refusant l'accès ou à travers les
reconduites aux frontières, ou encore par des discriminations objectives
orchestrées à leur encontre et ceci, même à travers
une législation particulière spécialement discriminatoire
à leur égard. Il importe dès lors de s'appesantir sur la
nature que doivent revêtir les circonstances (1) avant de voir quelle
réaction est prévue pour y faire face (2).
1- La nature des circonstances
Il s'agit en quelque sorte de la définition de la
notion des circonstances exceptionnelles. De manière
générale les circonstances exceptionnelles désignent la
survenance des conditions de nature à gêner le fonctionnement
harmonieux des institutions étatiques par leur extrême
gravité, si bien que le recours à des règles
spéciales soit considéré comme inévitable. C'est
dire l'extrême gravité dont doivent faire preuve les circonstances
dont il s'agit. Il faut dire qu'en la matière, les textes nationaux sont
compétents pour désigner telle ou telle autre situation comme
circonstance exceptionnelle. Cependant, le législateur communautaire a
donné une idée sur la question lorsqu'il parle de «
troubles intérieurs graves affectant l'ordre public, [et de]
guerre ou tension internationale grave constituant une menace de guerre
».138 C`est dire que pour que les libertés
communautaires soient bafouées par un Etat sur la base de cet article,
la situation doit revêtir l'une de ces caractéristiques :
137 Article 81 para.1 de la Convention régissant
l'UEAC.
138 Article 81 in fine de la Convention régissant
l'UEAC.
Primo, il faut qu'il y ait des troubles
intérieurs graves affectant l'ordre public. A ce sujet, il faut dire que
l'ordre public dont il est question ici est le même qu'en matière
de réserve d'ordre public. Mais leur point de différence est
constitué par l'origine du trouble : alors que pour la réserve
d'ordre public, le trouble ou le risque du trouble vient des étrangers
à l'égard de qui la réserve est évoquée,
dans le cas de l'article 81, le trouble dont il s'agit a pour origine les faits
intérieurs à l'Etat qui l'invoque. Plus schématiquement,
on dira qu'en matière de réserve d'ordre public, il s'agit d'un
risque pour l'ordre public, alors que l'article 81 traite d'un trouble
déjà présent. Il peut alors s'agir des circonstances comme
des manifestations avec violences entre gouvernants et gouvernés, ou
encore entre les tribus d'un pays.
Secundo, ces mesures peuvent aussi être prises
en cas de guerre ou de tension internationale pouvant entraîner la
guerre. L'hypothèse ici prend donc en compte le caractère
international de la situation qui peut être soit une guerre
déjà ouverte, soit une tension pouvant y aboutir. La situation
doit alors impliquer un Etat membre avec un quelconque autre Etat, ou ne
même pas l'impliquer, mais dont il peut légitimement craindre les
conséquences.
Quoi qu'il en soit, il doit s'agir d'une situation assez grave
pour légitimer de telles discriminations. La compétence nationale
en la matière qui donne à chaque Etat la possibilité de
qualifier les situations pouvant entrer dans le cadre de l'article 81 ne doit
pas beaucoup inquiéter car la théorie des circonstances
exceptionnelles fait l'objet d'une conception quasi unanime de la part des
Etats de la CEMAC, influencés comme ils sont par le droit
français.139 En effet, se référant à ce
droit français, la quasi-totalité des pays de la
CEMAC140 conditionnent le recours à des mesures des
circonstances exceptionnelles à l'existence d'une situation
réellement exceptionnelle menaçant l'intégrité
territoriale de l'Etat, ou à la survenance de troubles portant
réellement atteinte à la sécurité publique. Et la
jurisprudence précise qu'il faut à cela qu'il y ait une
impossibilité pour l'Etat d'agir autrement que par des mesures
spéciales, et que ces mesures prises soient adaptées et
nécessaires au but poursuivi. C'est dire que les mesures doivent non
seulement être proportionnelles, mais aussi ne durer qu'autant que dure
la circonstance ayant commandé leur adoption. Toutes ces
précautions visent à éviter une application fantaisiste
des dispositions de l'article 81, ce qui constituerait un danger pour les
libertés communautaires, et c'est la raison pour laquelle l'adoption de
ces mesures par un Etat membre doit être suivie par une réaction
des autres Etats membres.
139 L'article 16 de la constitution française de 1958 et
la jurisprudence Heyriès (Conseil d'Etat, 28 juin 1918, GAJA
N°37).
140 C'est le cas de l'article 9 de la constitution camerounaise
du 18 janvier 1996 modifiée le 14 avril 2008.
2- La réaction à l'adoption des
mesures fondées sur les circonstances exceptionnelles
L'adoption des mesures fondées sur les circonstances
exceptionnelles constituant une limite à l'application des droits
communautaires, il est important que ces mesures soient retirées le plus
tôt possible et pour cela, il faut que les circonstances qui ont
présidé à leur prise disparaissent. C'est pour cette
raison que le législateur communautaire prévoit qu'en pareilles
circonstances, les Etats membres doivent se consulter « d'urgence en
vue de prendre en commun les dispositions nécessaires pour éviter
que le fonctionnement de l'Union Economique ne soit affecté par de
telles mesures » et que les droits reconnus aux étrangers
d'origine communautaire ne soient durablement enterrés. Cette
recommandation est salutaire pour le droit communautaire en
général et pour la condition des étrangers ressortissants
communautaires car, précise le texte, la consultation des Etats membres
doit se faire « d'urgence », c'est-à-dire de
manière à limiter dans le temps les circonstances qui
prévalent.
Cette réaction prompte des autres Etats membres peut
être inscrite au chapitre de l'entraide qui doit caractériser les
relations entre les Etats membres de la CEMAC, ceux-ci devant mutuellement se
serrer les coudes lorsque l'un d'entre eux rencontre des difficultés.
Ceci est presque naturel car dans le cadre d'une intégration
communautaire qui entraîne une sorte de communauté de destin,
« l'insécurité chez l'un des partenaires aura les effets
chez tous les autres ».141 Il convient tout de même
de souligner les insuffisances des mesures prônées par le texte
communautaire puisqu'il ne précise ni qui a l'initiative de la
réunion, ni quels organes étatiques doivent se réunir.
Pour combler ce vide, nous suggérons que tout Etat témoignant
d'un intérêt peut convoquer la réunion. Ainsi, l'Etat
faisant face aux difficultés est le mieux en même de convoquer la
réunion, mais il ne devrait pas seul avoir l'exclusivité de cette
initiative, laquelle doit être reconnue également à tout
Etat qui a de sérieuses raisons de craindre les conséquences de
cette situation. Tous les Etats sont donc interpellés. Par ailleurs, il
est raisonnable de penser que les ministres des affaires extérieures ou
étrangères des Etats de la Communauté sont les plus
indiqués pour se réunir.
Toutes ces discriminations doivent au demeurant faire l'objet
de deux considérations : il s'agit d'abord des mesures salutaires qui
tiennent compte des besoins de sécurité des Etats membres. Mais
de l'autre côté, il faut que leur application soit restrictive, de
peur de fournir à ces Etats un alibi facile pour faire exception
à l'application des libertés communautaires. Si
141 HREBLAY (V) : La libre circulation des personnes. Les
accords de Schengen, op. cit.
ces restrictions sont basées sur la protection des Etats,
il y en a qui visent plutôt des emplois précis qui sont soustraits
des libertés communautaires.
Section 2 : DISCRIMINATIONS FONDEES SUR LA NATURE DE
CERTAINS EMPLOIS
Il est question ici des exceptions à l'interdiction des
discriminations fondées sur la nationalité en matière
d'emploi des étrangers, en ce sens que le législateur
communautaire admet la possibilité pour les Etats de réserver aux
nationaux exclusivement certains emplois, notamment « dans les
domaines public, parapublic et stratégique ».142
Les raisons d'une telle exception sont connues. En effet, bien que le
législateur n'en donne aucune justification, il est communément
admis qu'il s'agit de préserver la souveraineté des Etats membres
en leur laissant le soin de réserver à leurs ressortissants
exclusivement certains emplois qui commandent un degré de rattachement
intense et une solidarité soutenue des titulaires à
l'égard de l'Etat, de même que la réciprocité des
droits et devoirs qui sont le fondement de la nationalité. Il est
question des emplois qui nécessitent un lien fort et étroit entre
ceux qui les exercent et l'Etat. En effet, il est évident que la nature
de certains emplois, de part leur forte implication dans la vie et le destin
d'un Etat, nécessite qu'ils soient pourvus par des personnes pouvant
représenter au mieux les intérêts de cet Etat et à
ce sujet, nul autre qu'un national de cet Etat ne peut efficacement effectuer
cette tâche.
Ceci dit, il convient de préciser que le texte
communautaire est libellé en des termes trop génériques et
aucune précision n'est fournie à propos du contenu de ces
restrictions (para. 1) qui, à notre avis, doit faire l'objet d'un
encadrement communautaire (para. 2).
Para. 1 : LES EMPLOIS VISES
La disposition communautaire est claire, mais est loin
d'être précise. C'est ainsi que le contenu à donner
à la notion « d'emplois dans les domaines public, parapublic et
stratégique » peut révéler des
difficultés en ce sens que la compétence nationale en la
matière peut amener les Etats membres à lui donner des contenus
divers et variés. Il s'agit des problèmes d'interprétation
que pourrait rencontrer le dispositif communautaire, chaque Etat membre
étant compétent pour donner un contenu à la notion.
Pourtant on aurait de bonnes raisons de penser que l'héritage commun du
droit administratif français qui influence la quasitotalité des
pays de la CEMAC plaidera en faveur d'une uniformisation du contenu de la
142 Article 27 alinéa (a) para.2 in fine de la Convention
régissant l'UEAC.
restriction. Or, la culture hispanophone de la Guinée
Equatoriale ajoutée au parcours des constructions administratives
nationales postindépendances nous oblige à reconsidérer
notre quiétude sur le contenu susceptible d'être donné
à cette notion.143 Ceci est d'autant plus vrai que les Etats
membres de la CEMAC peuvent considérer cette dérogation comme une
porte ouverte au non respect des libertés communautaires.
Tout compte fait, le texte parle d' « emplois dans
les secteurs public, parapublic et stratégique ». C'est une
formulation somme toute meilleure que celle utilisée par le
législateur européen, lui qui se contente de parler d' «
emplois dans l'administration publique ».144 On peut
considérer qu'il s'agit des emplois « qui comportent une
participation directe ou indirecte à l'exercice de la puissance publique
et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts
généraux de l'Etat ou des autres collectivités publiques
».145 Ces restrictions visent des emplois qui impliquent
fortement la puissance de l'Etat, c'est-à-dire, par exemple ceux dont
les titulaires disposent des prérogatives de puissance publique, ceux
dont les titulaires participent à l'édiction des actes
administratifs ; bref, les emplois qui, compte tenu des tâches et des
responsabilités qui leur sont inhérentes, sont susceptibles d'en
appeler à la puissance de l'Etat. A ce titre, on peut considérer
comme rentrant dans le champ d'application de cette restriction de l'article 27
alinéa (a) para. 2 in fine les dispositions traitant de
l'entrée dans les administrations publiques (administration nationale,
territoriale ou locale pour les pays ayant opté pour la
décentralisation) ou dans la fonction publique des Etats, aux forces de
l'ordre ( police, gendarmerie et militaires, bref les corps veillant à
la sécurité intérieure et extérieure), la justice,
l'administration fiscale et douanière, la diplomatie, et de
manière générale tous les domaines où ces personnes
occupent des postes organisés autour d'un pouvoir juridique de l'Etat,
d'un de ses démembrements, ou d'une personne morale de droit public se
rattachant à lui, qu'il s'agisse de la décentralisation
territoriale ou par services.
La diversité des constructions administratives
nationales peut finalement être un obstacle à la bonne application
de cette disposition. Il devient alors nécessaire d'encadrer cette
notion dans des limites précises.
143 GNIMPIEBA TONNANG (E) : « La libre circulation des
personnes et des services en Afrique Centrale : entre consécrations
théoriques et hésitations politiques », op. cit., p.97.
144 Article 48 para.4 (39 para.4 nouveau) du traité CE.
145 MARTIN (D) : La libre circulation des personnes dans
l'Union Européenne, op. cit., p.57.
Para. 2 : UN ENCADREMENT NECESSAIRE DE LA NOTION D' «
EMPLOIS DANS
LES DOMAINES PUBLIC, PARAPUBLIC ET STRATEGIQUE »
La nécessité d'un encadrement de cette notion
vient de ce qu'elle nous semble vague, ouvrant ainsi la voie à une
élasticité nocive pour le droit au travail communautaire. Cet
encadrement doit alors intervenir en la matière en zone CEMAC par
l'impulsion du Conseil des Ministres qui, à travers le droit
dérivé dont il a la compétence, doit donner à la
notion quelque peu vague d' « emplois dans les secteurs public,
parapublic et stratégique » des limites en vue d'éviter
son extrême extension par les Etats. En effet, le dynamisme qui doit
caractériser l'action intégrative en Afrique Centrale doit amener
cet organe à cantonner la dérogation dans une conception
restrictive qui va « limiter sa portée à ce qui est
strictement nécessaire pour sauvegarder les intérêts
qu'elle permet aux Etats membres de protéger
».146
Le mouvement souhaité ici a déjà
été expérimenté dans le cadre de l'Union
Européenne car la Commission Européenne est intervenue pour
donner à la notion
d' « emplois dans l'administration publique »
un contenu restrictif.147 Il consisterait à donner les
grandes articulations de la notion et fixer une définition, à
tout le moins, qu'elle devrait revêtir. A ce titre, et comme l'a fait la
Commission Européenne suivie en cela par la jurisprudence, il devrait
reconnaître que certains emplois, bien que pouvant rentrer dans le champ
d'application de la restriction, puissent valablement être offerts
à un étranger ressortissant communautaire, pour autant qu'ils
n'exigent pas une forte relation entre l'Etat et l'agent en question. Il peut
être question ici, par exemple des organismes chargés de
gérer un service public industriel et commercial (SPIC), tel que les
transports publics, la distribution d'électricité ou du gaz, les
compagnies de navigation aérienne, les postes et
télécommunications ou encore les organismes de radiodiffusion,
les services opérationnels de santé publique, l'enseignement dans
les services publics, quels que soient le niveau d'enseignement (primaire,
secondaire ou supérieur) et le type d'enseignement, la recherche au sein
des établissements publics de recherche. D'ailleurs, en ce qui concerne
l'enseignement, on peut dire que l'exemple est déjà donné
par certains Etats de la CEMAC en ce sens qu'ils disposent dans leurs rangs des
ressortissants d'autres pays membres. C'est le cas des pays comme le Congo ou
le Gabon où on rencontre bon nombre d'enseignants camerounais.
A noter que cette action pourrait être
bénéfique à plus d'un titre car outre la garantie offerte
à la libre circulation des travailleurs et leur droit à la non
discrimination, elle va
146 CJCE, Aff. Lawrie-Blum précitée.
147 Question écrite N°255/79 du 17 juillet 1979, JOUE
N°C.253 du octobre 1979, JO C 72 du 18 mars 1988, p.2.
favoriser l'action intégrative et la constitution du
Marché Commun dans d'autres domaines comme le déplacement et la
collaboration des chercheurs d'origine communautaire, l'harmonisation des
politiques des transports, la coordination des politiques d'enseignement
(etc.), toute chose qui favorisera l'intégration communautaire
sous-régionale.
Les discriminations permises aux Etats membres de la CEMAC par
le législateur communautaire obéissent au final à une
double réalité contradictoire : autant il est nécessaire
et même indispensable pour les Etats de leur laisser un minimum de
souveraineté nécessaire pour faire face à des situations
difficiles ou pour éviter que la présence sur leurs territoires
d'étrangers ressortissants communautaires ne soit un motif de
désordre social ; autant il est nécessaire et tout autant
indispensable de ne pas leur laisser une trop grande marge de manoeuvre en
matière de ces restrictions, le risque étant, pour l'une comme
l'autre nécessité, si elle n'était pas respectée,
d'entraîner la non application ou la non application correcte des
libertés communautaires et du droit communautaire. C'est dire qu'un
équilibre strict et mesuré s'impose à cet effet afin que
les intérêts dignes de protection des Etats ne puissent pas
occulter l'application tout autant digne de respect de ces libertés, par
le biais des faits et actes qui n'ont rien à voir avec le droit
communautaire et qui relèvent plutôt des égoïsmes
nationaux des différents membres.
CHAPITRE II DISCRIMINATIONS DU FAIT UNILATERAL DES
ETATS
L'application des libertés reconnues aux ressortissants
communautaires où qu'ils se trouvent sur le territoire de la
Communauté peut faire l'objet de sérieuses limites. Pourtant, si
les limites que nous venons d'étudier trouvent leur origine dans la
protection des Etats d'une part et dans le souci de leur témoigner la
reconnaissance de leur souveraineté dans certaines matières
d'autre part, il demeure que d'autres limites à la reconnaissance
inconditionnelle d'une condition confortable de l'étranger en zone CEMAC
peuvent trouver leur origine dans des comportements unilatéraux des
Etats membres de la Communauté. A travers ces comportements, ceux-ci,
par diverses manigances parviennent à imposer des discriminations
à l'encontre des étrangers en général, et ceux
ressortissants de la Communauté en particulier. Le fait est que
l'intégration en général et précisément
l'intégration humaine ne va pas sans entraîner les
mécontents dans toute communauté intégrative puisque
l'ouverture des frontières est susceptible de fragiliser le tissu social
de certains pays. C'est dire que les causes de pareilles discriminations sont
nombreuses et leurs manifestations très visibles (section 1). La
situation n'est pourtant pas irrémédiablement compromise car des
mécanismes ont été mis sur pied pour combattre le non
respect des prescriptions communautaires, auxquels il faut ajouter les
perspectives possibles (section 2).
Section 1 : LES CAUSES ET MANIFESTATIONS DES
DISCRIMINATIONS DU FAIT DES ETATS
Les discriminations orchestrées par les Etats membres
de la Communauté à l'égard des étrangers
ressortissants communautaires se traduisent par divers traitements
préférentiels à l'avantage des nationaux, ou par des actes
de nature à léser les ressortissants des autres pays membres.
Mais il s'agit là des manifestations (para.2) qui se situent
chronologiquement après les causes (para. 1) que nous devons
étudier au préalable.
Para. 1 : LES CAUSES DES DISCRIMINATIONS DU FAIT DES ETATS
En un mot, les obstacles étatiques à la
reconnaissance au profit des étrangers ressortissants communautaires
d'une situation comparable à celle des nationaux, trouvent leur origine
dans l'expression des égoïsmes étatiques. En effet, on a
beau chanter les avantages de l'intégration personnelle, les Etats
trouvent qu'il leur est nécessaire, voire vital d'instituer des
comportements discriminatoires à l'endroit de tout étranger, soit
pour des motifs économiques
(A), soit pour des motifs sécuritaires (B)148.
Il faut tout de même souligner ici que ces causes du reste sont les
mêmes qu'on peut invoquer pour les obstacles à
l'intégration en général.
A- Les motifs économiques
Le premier motif économique qu'on peut avancer pour
expliquer le refus de reconnaissance des Etats membres au profit de tous les
ressortissants communautaires des avantages conférés aux
nationaux réside dans la crise de leadership qui existe entre certains
Etats membres de l'Afrique Centrale.149 En effet, tous les pays ne
s'accordent pas sur le leadership naturel du Cameroun, et multiplient des actes
en vue de le déclasser et assurer seul le leadership de la sous
région. L'exemple de la Guinée Equatoriale est à cet
égard très édifiant car se basant sur son statut de
nouveau riche, elle multiplie des agissements dans le but de «
gérer son reclassement géostratégique international et sa
montée régionale dans un contexte de leadership et
d'hégémonie structurels et historiques du Cameroun
».150 Cette lutte pour le leadership est de l'avis de
certains auteurs151 une raison suffisamment lourde pour expliquer,
du moins en partie, les discriminations orchestrées en direction des
étrangers ressortissants communautaires.
Par ailleurs, le second motif économique est
constitué par le souci de protection de l'économie nationale et
par conséquent du tissu social. En effet, le droit communautaire
commande une libre circulation des travailleurs152 et ses
implications au nombre desquelles la non discrimination fondée sur la
nationalité en ce qui concerne l'accès et l'exercice de l'emploi.
Pourtant, la situation dans laquelle se trouve la quasi-totalité des
économies nationales des Etats de la CEMAC est de nature à les
pousser à une application restrictive des libertés
communautaires. L'extraversion des économies de la sous région,
la dévaluation du franc CFA de 1994, la mise sous ajustement structurel
ainsi que l'endettement des pays de la sous région sont autant de
facteurs qui rendent les économies des Etats de la CEMAC faibles
148 Il convient de noter ici que les détracteurs du droit
communautaire européen invoquent la fragilité du tissu
économique et les problèmes de sécurité pour
critiquer l'ouverture incontrôlée des frontières.
149 Il s'agit des Etats les plus riches de la Communauté.
On peut citer le Cameroun, le Gabon, la Guinée Equatoriale et dans une
certaine mesure le Congo.
150 CHOUALA (Y-A) : « La crise diplomatique de mars 2004
entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale : fondements, enjeux et
perspectives » in POLIS, Revue camerounaise science
politique, vol.12, numéro spécial 2004/2005.
151 Ibid.
152 Voir supra première partie, chap.1, section 1.
et fragiles.153 La conséquence est que tous
ces pays souffrent d'un taux de chômage élevé et la
priorité devient de l'éradiquer, même au mépris des
libertés communautaires. Dans ces conditions, la
pénétration des étrangers même ressortissants de la
Communauté constitue un facteur susceptible d'entraver la volonté
de ces Etats de lutter contre le chômage de ses ressortissants. Une fois
de plus, la Guinée Equatoriale nous offre un exemple frappant. En effet,
lors de l'inauguration d'un champ pétrolier de ce pays en début
d'année 2008, la population a signifié son mécontentement
du fait que plusieurs personnes de nationalité étrangère,
et en l'occurrence les camerounais, occupent des postes d'importance dans les
sociétés pétrolières au détriment des
nationaux.154
Le pétrole semble donc être un motif d'obstacle
à l'intégration personnelle en CEMAC puisque l'existence
d'importants gisements de pétrole sur le territoire d'un Etat pousse
celui-ci à refermer davantage ses frontières aux ressortissants
d'autres pays membres, redoutant que les flux migratoires importants en
provenance de ces Etats ne constituent un obstacle à la jouissance de
ses biens au profit de sa population. Vue sous cet angle, cette
xénophobie est expliquée par le souci de protéger l'ordre
social, car « la forte poussée de l'immigration aiguise les
tensions sociales internes liées à l'accès à
l'emploi et à la jouissance par les nationaux des opportunités
offertes par l'exploitation pétrolière ».155
La présence massive des étrangers, fussent-ils ressortissants
communautaires, s'analyse donc en un danger pour l'équilibre social,
à côté de la menace sécuritaire qu'elle peut
causer.
B- Les motifs sécuritaires
Les obstacles à l'intégration personnelle en
CEMAC peuvent aussi trouver une origine tout aussi plausible dans les soucis
sécuritaires présents au sein de la sous région et qui
peuvent être avancés par les uns et les autres. Mentionnons qu'il
ne s'agit pas ici de la sécurité au sens de la
sécurité publique que nous avons étudiée largement
au chapitre de la réserve d'ordre public. Ceci dit, ces motifs
sécuritaires peuvent englober deux réalités.
153 MBARGA NYATTE (D) : « La dynamique intégrative
en Afrique Centrale : perspectives et limites de la CEMAC » in Dynamique
d'intégration régionale en Afrique Centrale.
Intégration Afrique Centrale, Tome 1, PUY 2001.
154 Source
Cameroun.info.net.
155 CHOUALA (Y-A) : Op. cit., p.2.
1- Les instabilités politiques des
différents Etats
Tous les Etats de la CEMAC sont victimes des crises
identitaires qui peuvent nuire à toute politique d'intégration en
général et d'intégration personnelle en particulier. En
effet, face à de pareilles crises, les Etats de la CEMAC, non encore
politiquement solides intérieurement, peuvent négliger le
processus d'intégration. A ce titre, les dispositions communautaires ont
du mal à trouver une traduction sur le terrain puisque l'attention est
détournée au profit des crises internes.156
Au Cameroun, le renouveau de la question
fédérale se pose sans relâche, même si ces
dernières années, cette question se pose de manière moins
explicite. Tout compte fait, on a assisté à des vagues de
manifestations en vue d'exiger l'instauration du fédéralisme,
dont une première en février 1992 à divers endroits du
pays, et une seconde en début janvier 2003 dans la seule partie
anglophone du pays. Leur but étant unique : reconnaître la
naissance de la République du Cameroun Occidental
représentée par les deux provinces anglophones du Nord-Ouest et
du Sud-ouest.157
Au Tchad, il faut souligner la récurrence des combats
à divers endroits du pays opposants les forces gouvernementales et le
Mouvement pour la Démocratie et la Justice du Tchad.158 La
succession de ces combats dans le pays a encore été
démontrée en début d'année 2008 avec la tentative
de déstabilisation du régime en place.
Au Congo, on a assisté à de nombreuses
irruptions majeures de violence depuis 1993, qui ont eu plusieurs
manifestations : luttes partisanes articulées par des rivalités
personnelles entre leaders politiques, revendications politiques des
identités ethno régionales, violences urbaines,159
couronnées par la (re)prise du pouvoir suprême de l'Etat par voie
de coup d'Etat en 1997.
Au Gabon, la violence remarquée est purement politique
et se manifeste par des contestations de l'ordre politique existant et des
soulèvements populaires de mécontentement.160
156 A titre de comparaison, les Etats de l'UE connaissent
certes une insécurité perpétrée par les mouvements
séparatistes, mais sont assez armés pour lutter contre les forces
centrifuges d'une part et gérer les actions d'intégration d'autre
part, chose difficile pour les Etats encore en quête d'identité
nationale.
157 MBARGA NYATTE (D): Op. cit., pp. 363-364.
158 Ibid.
159 Ibid.
160 Ibid
En RCA, les mutineries successives ont entraîné
le pays dans un désordre où la violence sévit presque au
quotidien. Ces violences ont été couronnées en mars 2003
par un coup d'Etat militaire qui a débouché sur la reprise
violente du pouvoir.
En Guinée Equatoriale, la mésentente s'analyse
d'abord en une réclamation par certaines tribus, en l'occurrence les
Bubis, de l'obtention de meilleurs droits dans la distribution des revenus
pétroliers.161 Par ailleurs, on y a assisté aussi
à des attaques non moins violentes telles que le coup d'Etat
avorté de 1997 et des attaques violentes successives. Bien plus, le
spectre d'un coup d'Etat armé y plane sans relâche, et un auteur
de dire : « une évolution similaire [de la situation en
Guinée Equatoriale] à celle que connaissent le Delta
nigérian ou le Sud tchadien n'est pas exclue
».162
De manière générale, les revendications
identitaires et le contrôle des espaces peuvent sérieusement nuire
au processus d'intégration personnelle amorcé en zone CEMAC. La
violence qui en résulte en effet est propre à instaurer un climat
de non sérénité qui apparaît ainsi comme un frein
à tout acte d'intégration entre les Etats en ce sens que ceux-ci
détournent leur attention au profit des crises internes, tout en
négligeant par là même le mouvement d'intégration
entamé et qui doit être la priorité. Ainsi, le
phénomène de coupeurs de route au Cameroun, en RCA et au Tchad,
la multiplication des blocages particulièrement violents dans la sous
région sont toutes choses qui concourent à décourager tout
ressortissant de la Communauté désireux de se rendre sur les
territoires de ces Etats dont la tiédeur des relations peut constituer,
elle aussi, un obstacle au processus d'intégration personnelle.
2- Les tensions entre les Etats membres
Les relations tendues entre les différents Etats
membres de la CEMAC constituent également un motif de non application
des libertés communautaires. Le fait est que ce climat de tension entre
les Etats crée une méfiance et une xénophobie entre leurs
différents peuples si bien que l'un répugne à voir les
ressortissants de l'autre sur son territoire. Au sein de la CEMAC, une approche
historique nous fait découvrir que si les relations entre tous ces pays
de la CEMAC ne sont pas toujours au beau fixe, les véritables tensions
observées ont toujours mis en cause la Guinée Equatoriale avec
l'un de ses voisins.
161 ROITMAN (J) et ROSO (G) : « Guinée Equatoriale :
être « off shore » pour rester national » in Politique
Africaine N°81 mars 2001.
162 Ibid, p.14.
Les tensions entre la Guinée Equatoriale et ses
voisins163 durent depuis la période coloniale,164
mais elles ont persisté jusqu'aujourd'hui et constituent de nos jours un
frein sérieux à l'intégration personnelle. Bien plus, ces
tensions couvrent des aspects et des sujets aussi variés que les
problèmes frontaliers ou territoriaux, les problèmes
géostratégiques et les enjeux économico politiques de
leurs relations.
D'abord, avec le Gabon, la Guinée Equatoriale se
dispute les parcelles territoriales et maritimes relativement à leurs
frontières communes. Mais c'est à propos des îles
situées au large de leurs côtes que les problèmes
frontaliers entre ces deux Etats se sont le plus manifestés, notamment
concernant les îles équato-guinéennes de Banié,
Cocotiers, et Conga qui ont été annexées par le Gabon, ce
qui lui permettait de bénéficier d'une zone économique
exclusive (ZEE) importante et d'une large ouverture sur la mer.165
Par ailleurs, ces îles étant très riches en pétrole,
le Gabon a vite fait d'y installer manu militari sa
souveraineté, et même si un accord d'exploitation commune des
ressources de cette île a été signé entre les deux
parties, le Gabon n'a pas l'intention de restituer de si tôt la
souveraineté équato-guinéenne sur ces
îles.166
Ensuite, c'est avec le Cameroun que la Guinée
Equatoriale va avoir de plus graves tensions, moins en ce qui concerne les
frontières maritimes ou terrestres que pour ce qui est des
problèmes stratégiques et économiques. En effet,
l'alliance de la Guinée Equatoriale avec le Nigeria va réveiller
les craintes du Cameroun qui soupçonne celle-là de vouloir mettre
son territoire à la disposition de celui-ci pour perpétrer des
actes d'agression au Cameroun. Le Cameroun qui en réaction fera
construire une base militaire à Olam-Zé au Sud du pays sera
accusé par la Guinée Equatoriale d'abriter sur son sol des
dissidents équato-guinéens qui préparent une attaque
armée contre le régime en place.167 Plus
récemment encore, en 2004, la Guinée Equatoriale accusait le
Cameroun d'accepter sur son territoire des putschistes qui ont
163 Principalement entre le Cameroun et le Gabon, ses voisins les
plus proches et avec lesquels elle entretient les relations les plus
intenses.
164 Le Cameroun et le Gabon voulant l'un l'annexer
complètement et l'autre d'agrandir son territoire à son
détriment. Voir KOUFAN MENKENE (J) : « Un exemple de blocage du
processus d'intégration en Afrique Centrale : la persistance des
facteurs conflictuels entre la Guinée Equatoriale et ses voisins
francophones depuis 1979 » in Dynamiques d'intégration
régionale en Afrique Centrale. Intégration Afrique Centrale,
Tome 1, PUY 2001.
165 Ibid., pp.331 à 335.
166 Ibid., pp.338 et 339.
167 Ibid., pp.334 et 335.
l'intention d'amorcer un coup d'Etat, ce qui serait
susceptible de « déstabiliser non seulement la Guinée
Equatoriale, mais aussi toute la sous région d'Afrique Centrale
».168
Par ailleurs, une autre cause de xénophobie pouvant
naître entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale réside
dans l'implication de celle-ci dans le procès opposant celui-là
au Nigeria à propos de la presqu'île de Bakassi. En effet, en
prenant fait et cause en faveur du Nigeria, la Guinée Equatoriale a
lésé un pays avec qui elle partage le même espace
économique, mais aussi a attisé les tensions désormais
latentes qui existent entre eux.169
Enfin, l'autre cause de la froideur des relations entre ces
deux pays est constituée par « l'investissement des camerounais
dans les activités criminelles »170 en
Guinée Equatoriale, ou ce que certains ont appelé la «
feymania des camerounais »171 qui exaspère les
populations autochtones.172En effet, d'après les sources
judiciaires et policières,173 les gabonais sont outrés
par le taux très élevé de criminalité
observé chez les équato-guinéens et les camerounais.
D'après ces sources les ressortissants de ces deux pays sont
respectivement responsables de 16% et de 14% de crimes et délits commis
au Gabon.
Au demeurant, ces différentes discordes observables
entre les pays de la Communauté ont assurément une influence plus
que négative sur la volonté du législateur d'assimiler les
étrangers d'origine communautaire aux nationaux. En effet, la
conséquence de pareilles situations est que le processus
d'intégration est mis en veilleuse à la faveur des disputes, les
responsables des pays sacrifiant les libertés communautaires à
l'égard des ressortissants des pays avec lesquels ils sont en
délicatesse, ce qui instaure une xénophobie entraînant des
manifestations diverses.
Para. 2 : LES MANIFESTATIONS DES DISCRIMINATIONS DU FAIT
DES ETATS
La conséquence de ces discriminations est que le
ressortissant communautaire n'est pas, partout au sein de la Communauté,
chez lui. Il y a une non application volontaire des textes consacrant les
libertés communautaires et par voie de conséquence une
distinction entre les nationaux et les étrangers d'origine
communautaire. Les discriminations sont donc
168 Propos du ministre équato-guinéen des affaires
étrangères de l'époque, rapportée par le journal La
Nouvelle Expression N°1239 2004, p. 4. Voir CHOUALA (Y-A), op. cit.,
p.8.
169 CHOUALA (Y-A) : Op. cit., p.5.
170 Ibid., p. 2.
171 Pour reprendre es termes de KOUFAN MENKENE (J) et TCHUDJING
(C) op. cit., p.337.
172 Il faut cependant dire que les avis sont partagés
à cet effet, certains croyant que l'accusation est faite à tort
et n'est qu'un prétexte pour perpétrer à leur égard
des discriminations de toutes sortes, et d'autres que cette accusation est
juste et décrit justement le comportement des camerounais à
l'étranger.
173 Citées par KOUFAN MENKENE (J) et TCHUDJING (C) dans
l'article précité, p.343.
générales et étendues à tous les
domaines où les libertés sont consacrées. Cependant, on
peut considérer que certaines discriminations sont, de part leur
importance, leur gravité ou leur récurrence, plus significatives
que les autres si bien qu'il est important qu'on s'y attarde. C'est le cas de
la non harmonisation des législations nationales (A) et de la
récurrence des expulsions massives (B).
A- L'absence d'harmonisation des législations
nationales
La reconnaissance au profit de l'étranger ressortissant
communautaire d'une condition confortable passe inévitablement par une
harmonisation des législations nationales dans les matières
où les droits sont consacrés, analysée comme la
réception par les droits nationaux des dispositions communautaires. Il
s'agit d'une exigence formelle de la Convention régissant l'UEAC qui
dispose en effet que la réussite de l'intégration personnelle en
CEMAC implique une « harmonisation préalable dans un
délai maximum de cinq ans des règles relatives à
l'immigration dans chaque Etat membre, des dispositions pertinentes des codes
de travail nationaux [et] des dispositions législatives et
réglementaires applicables aux régimes et organismes de
protection sociale ».174 Pourtant, plus de cinq ans
après l'entrée en vigueur de la Convention, le constat est amer
et symptomatique de la mauvaise volonté des Etats et de la situation des
étrangers en zone CEMAC. L'harmonisation couvre trois domaines
différents et aucun d'entre eux n'a fait l'objet d'une telle
procédure dans les Etats. Il faut tempérer le propos
néanmoins en précisant qu'en matière sociale, le processus
d'harmonisation est à un stade plus ou moins avancé avec
l'intervention des Conventions OCAM et CIPRES qui offrent aux Etats parties une
unité de régime en la matière et auxquelles tous les Etats
de la CEMAC ont souscrit175, tout comme dans les matières
régies par le droit OHADA.
En matière d'immigration, les législations
nationales continuent d'être aussi fermées les unes que les
autres. En effet, elles continuent à ne faire aucun distinguo entre
l'étranger ressortissant communautaire et l'étranger non
ressortissant, et soumettent à tous des modalités administratives
complexes pour l'entrée et la circulation sur les territoires
étatiques.176
La remarque est tout autant amère en matière de
travail des étrangers dans les pays de la sous région et la
discrimination est ici flagrante. En effet, la lecture combinée des
dispositions relatives au travail dans ces Etats fait ressortir diverses
discriminations à l'égard des étrangers, quels qu'ils
soient, et qui se manifestent notamment par l'exigence du visa
174 Articles 27 alinéa (a) para.1 de la Convention
régissant l'UEAC.
175 Voir supra, première partie, chap.1, section 1,
para.2.
176 Voir note n° 17
administratif, d'une autorisation d'emploi, d'une attestation
pour certaines professions, de la fixation d'un quota pour travailleurs
étrangers, et dans certains pays, de la non disponibilité
préalable d'un travailleur national pour l'emploi
visé.177 En réalité, ce qui est reproché
aux Etats de la CEMAC, c'est moins de fixer des conditions
supplémentaires pour l'emploi des étrangers,178 que de
ne faire aucune distinction en direction des étrangers d'origine
communautaire.
Par ailleurs, si le reproche avancé aux Etats de la
CEMAC l'est à raison de leur comportement négatif,
c'est-à-dire leur abstention à l'harmonisation voulue par le
législateur communautaire, on a aussi constaté un comportement
positif qui s'analyse comme une limite à l'harmonisation. Il s'agit de
l'attitude de la Guinée Equatoriale qui a, en fin avril 2008, rendues
publiques les nouvelles modalités à remplir pour l'obtention de
la carte de séjour pour les camerounais vivant sur son territoire ainsi
que ceux qui aspirent s'y rendre. Désormais, ils doivent
témoigner des conditions comme avoir une autorisation du Gouverneur, une
attestation d'ouverture de compte, un certificat de bon voisinage, une
déclaration sur l'honneur, un certificat d'imposition, un certificat de
bonne conduite, une attestation de non endettement, etc.,179 toute
chose qui vise à ralentir considérablement le processus
déjà fortement amorcé de l'intégration
personnelle.
Toutefois, même si toutes les mesures nationales ne
rentrent pas en droite ligne de l'harmonisation voulue par le
législateur, et par conséquent lui sont contraires, on peut
néanmoins penser que la primauté et l'effet direct du droit
communautaire constituent des solutions envisagées pour non seulement
obliger les Etats à se plier à la nouvelle donne
communautaire,180 mais aussi permettre aux ressortissants
communautaires de l'invoquer directement, en ignorance des textes nationaux
contraires, et par voie de conséquence éviter les gestes de
xénophobie tels que les expulsions massives.
177 Il s'agit des articles 27 de la loi N°92/007 du 14
août 1992 portant code de travail du Cameroun, 2 du décret
N°93/571/PM du 15 juillet 1993 fixant les conditions d'emploi des
travailleurs de nationalité étrangère pour certaines
professions au Cameroun ; 21 alinéa (a) para.3 de l'ordonnance
N°90/001 du 29 janvier 1990 créant le régime de la zone
franche au Cameroun ; 67 et 493 de la loi N°038/PR/96 du 11
décembre 1996 portant code de travail de la République du Tchad ;
33 alinéa 2 de la loi N°45/92 du 9 mai 1992 portant code de travail
de la République du Congo ; et 104 et 105 de la loi N°03/94 du 21
novembre 1994 portant code de travail de la République du Gabon.
178 Même si ces dispositions entrent en contradiction
avec les deux conventions de l'OIT qui ont été ratifiées
par la quasi-totalité des pays de la CEMAC, à savoir la
Convention N°111 adoptée le 4 juin 1958 portant prohibition des
discriminations en matière d'emploi et de profession ; et la Convention
N°143 adoptée le 4 juin 1975 portant promotion de
l'égalité des chances et de traitement des travailleurs
migrants.
179 Source Mutations du 20 juin 2008.
180 GNIMPIEBA TONNANG (E) : « La libre circulation des
personnes et des services en Afrique Centrale : entre consécrations
théoriques et hésitations politiques », op. cit., p.87.
B- La récurrence des gestes de xénophobie
Les gestes de xénophobie sont tout d'abord
exprimés par les discours violents à l'endroit des
immigrés ressortissants communautaires. En effet, dans certains pays,
les dirigeants tiennent des discours particulièrement xénophobes
invitant leurs compatriotes à adopter des comportements inhospitaliers
à l'égard des ressortissants des autres pays de la
Communauté.181
Il s'agit ensuite de l'instauration des contrôles
intensifs et irréguliers aux frontières internes qui n'ont pour
effet que de limiter au maximum les déplacements intracommunautaires des
ressortissants communautaires ; ainsi que la récurrence des expulsions
massives qu'on a enregistrées dans la sous région. En effet,
depuis quelques années, la zone CEMAC est devenue le lieu par excellence
où se passent les expulsions de tous genres en direction des
étrangers ressortissants communautaires. Au moment où la libre
circulation des travailleurs, leur droit d'établissement et leur droit
de séjour doivent être de principe aujourd'hui, certains pays de
la Communauté se sont illustrés comme des « mauvais
élèves » dans le processus d'intégration humaine
de la CEMAC.182 En effet, la guinée Equatoriale et le Gabon
sont les deux Etats qui ont orchestré sur leurs territoires des
rapatriements forcés, parfois dans des conditions en marge du respect
des droits de l'homme.
Le constat fait état de ce que les camerounais et
équato-guinéens résidant au Gabon, et les sujets
camerounais et gabonais résident en Guinée Equatoriale vivent
dans une insécurité, constamment en butte aux tracasseries de
toutes sortes.183 Du coup, les immigrés qui y vivent sont
sous la menace permanente d'être un jour livrés à
l'arbitraire de la police ou à la vindicte des populations abruties par
un chauvinisme de pacotille et qui guettent la moindre occasion pour purger
leur pays des hôtes à problème. Du coup, de nombreuses
expulsions massives ou individuelles qui ont été
enregistrées au cours des deux dernières décennies dans
ces deux pays se sont multipliées.
Il faut signaler cependant que dans cette entreprise, la
Guinée Equatoriale est passée maîtresse puisque la
décennie passée a été marquée, du point de
vue de l'intégration personnelle par des expulsions successives des
ressortissants des autres pays communautaires
181 CHOUALA (Y-A) : Op. cit., qui prend l'exemple du
président équato-guinéen qui, parlant des camerounais,
disait « chacun de vous, en désignant ses compatriotes, doit
disposer d'une machette, de bâtons et de barres de fer pour frapper les
voleurs à la tête et qu'ils disparaissent ». Source AFP
Afrique du 15 août 2000.
182 Si les expulsions massives ont été
enregistrées dans certains pays et pas dans d'autres, on peut
l'expliquer en partie par la densité des flux migratoires très
élevée dans certains pays et moins dans d'autres.
183 KOUFAN MENKENE (J) et TCHUDJING (C) : Op. cit., p.343.
de ce pays. Des vagues d'expulsion sont donc constamment
organisées par le pouvoir de Malabo qui renvoie à chaque fois des
milliers des Camerounais et gabonais dans leurs pays respectif. C'est dire si
la situation des étrangers d'origine communautaire en CEMAC est parfois
diamétralement opposée à la prescription du
législateur, ce qui se passe sur le terrain étant
différent de la volonté des textes. Il devient alors important
que des mesures aient été prises pour éviter des
déraillements des Etats membres. Il s'agit déjà là
des solutions.
Section 2 : LA DIFFICILE RECHERCHE DES SOLUTIONS AUX
DISCRIMINATIONS ETATIQUES
L'idée ici est de montrer que l'application du droit
communautaire ne peut être efficace sans l'intervention des mesures
destinées à assurer son application effective. En effet, les
discriminations du fait des Etats sont pratiquement inévitables dans
toute communauté intégrative en raison de leurs
égoïsmes naturels, et il appartient dès lors au dispositif
communautaire de prévoir des mesures propres à faire face
à cela (para. 1). Par ailleurs, le dispositif communautaire en
matière de respect des droits des étrangers d'origine
communautaire présente des lacunes qu'il faut combler (para. 2).
Para. 1 : LA CJC , GARANT EFFICACE DES LIBERTES
COMMUNAUTAIRES ?
Il s'agit en fait de la Chambre judiciaire de la Cour de
Justice Communautaire qui se présente comme le protecteur des
libertés consacrées par le législateur communautaire. La
question se pose toutefois, au regard du dispositif communautaire, de savoir si
la protection de la Chambre judiciaire peut être effective et efficace.
La réponse doit être nuancée car le législateur a
tout de même prévu un contrôle juridictionnel des
activités de la Communauté en général (A),
même si celui-ci connaît de nombreuses limites (B).
A- Le contrôle juridictionnel des libertés
communautaires par la chambre judiciaire
Ce contrôle est déduit des compétences de
la Chambre Judiciaire de la CJC. En effet, la compétence de cette
chambre en matière de droits des ressortissants communautaires ressort
d'une lecture combinée de diverses dispositions éparses dans les
textes communautaires. Ainsi, la Chambre Judiciaire est compétente pour
assurer le respect des
droits dans la mise en oeuvre et l'application du droit
communautaire.184 S'il est vrai que ces dispositions ont
plutôt tendance à assurer la mise en oeuvre du droit communautaire
dans son ensemble, nul doute qu'elle vise, particulièrement en ce qui
nous concerne, le respect des libertés communautaires ; car la
conséquence est que la Chambre Judiciaire est compétente pour
connaître tous les cas où, par divers actes matériels ou
juridiques, les Etats membres entendent entraver à ces libertés
prévues par tout texte de la CEMAC.185 La Chambre judiciaire
se pose ainsi en gardienne de ces droits et veille à leur bon respect.
L'importance de ce contrôle juridictionnel des libertés
communautaires s'analyse à travers la saisine de la Cour (1) et ses
pouvoirs (2).
1- La saisine de la Cour
La large possibilité de saisir la Chambre Judiciaire
de la CJC constitue un gage de son efficacité en matière de
droits des ressortissants étrangers. En effet, l'article 14 de la
Convention régissant la CJC reconnaît un large droit de saisine de
cette chambre dès lors qu'il pose que celle-ci statue « sur
recours de tout Etat membre, de tout organe de la CEMAC, ou de toute personne
physique ou morale » justifiant d'un intérêt
légitime et certain de tous les cas de violation et de non respect des
dispositions du Traité et de ses textes subséquents. C'est une
mesure d'autant plus importante qu'elle donne la possibilité notamment
à toute personne physique victime d'un acte discriminatoire de la part
d'Etat membre d'accueil, d'obtenir la sanction de cet acte. En principe, la
nécessité d'un intérêt légitime ne devrait
pas être un obstacle car l'Etat congolais peut saisir la Chambre
Judiciaire pour un cas d'expulsion des gabonais au Tchad, tout Etat membre
ayant intérêt à ce que l'intégration personnelle se
développe sans embûche. La large ouverture du droit de saisine
jusqu'au simple citoyen s'analyse donc comme une mesure pouvant faciliter le
rôle de la Chambre car une saisine réduite ou politique aurait des
effets néfastes et limiterait les pouvoirs de la Chambre.
2- Les pouvoirs de la Chambre Judiciaire
C'est ici que la réelle efficacité de la Chambre
en matière de droits des ressortissants communautaires est le plus
appréciée car il faut savoir si de par les pouvoirs à elle
conférés, elle peut efficacement les protéger.
184 Article 5 alinéa 1 du Traité instituant la
CEMAC, 74 de la Convention régissant l'UEAC et 2 de la Convention
régissant la CJC.
185 Article 4 alinéa 1 Convention régissant la
CJC.
A cet effet, la première remarque est que la Convention
de la CJC dote les décisions rendues par la Cour de l'autorité de
la chose jugée et de la force exécutoire.186 Ce qui
veut dire qu'elles sont définitives et directement applicables à
l'égard de l'Etat défaillant sans qu'il soit nécessaire
d'engager une autre procédure à cet effet. C'est dire que
l'illégalité reconnue par la Cour d'un comportement
étatique discriminatoire à l'égard des autres
ressortissants communautaires doit entraîner la levée
immédiate ou sa sortie immédiate de l'ordre national, puisque,
poursuit le texte, « l'Etat membre dont l'acte a été
jugé non conforme au droit communautaire est tenu de prendre des mesures
nécessaires à l'exécution de la décision de la
Chambre judiciaire ».187 Cela implique, comme le souligne
un auteur, que « la constatation par la Cour qu'un Etat membre a
manqué à ses obligations communautaires implique pour les
autorités tant judiciaires qu'administratives de cet Etat, d'une part,
prohibition de plein droit d'appliquer la réglementation nationale
incompatible avec le droit communautaire et, d'autre part, l'obligation de
prendre toutes les dispositions pour faciliter la réalisation du plein
effet du droit communautaire ».188
Par ailleurs, en cas de saisine de la Chambre pour non respect
d'une liberté communautaire, elle peut ordonner le sursis à
exécution de l'acte ou du comportement querellé, par
dérogation au principe du recours non suspensif.189 C'est
dire qu'elle peut par exemple ordonner qu'il soit sursis à une
décision d'expulsion d'étrangers d'origine communautaire prise
par les autorités d'un Etat membre. Elle peut même, selon
l'article 24 de la Convention, prendre des mesures provisoires ou
conservatoires nécessaires pour sauvegarder les droits des
ressortissants communautaires se trouvant sur le territoire d'un Etat membre si
elle estime que de la prise de ces mesures dépend le respect de ces
libertés. Ces mesures permettent d'éviter que des actes
notoirement illégaux ne soient appliqués et que leur annulation
future ne soit pas suivie d'effet. Il s'agit d'éviter que des dommages
irréparables ou difficilement réparables ne se produisent.
Enfin, la compétence en matière
d'interprétation des articles 5 du Traité CEMAC et 17 et suivants
de la Convention régissant la CJC, notamment à travers son droit
d'auto saisine de l'article 19 de la Convention régissant la CJC,
constitue aussi une garantie du respect des libertés communautaires en
ce sens que son interprétation contribue à mettre fin aux
appréhensions erronées des Etats membres susceptibles de
restreindre ou d'éliminer les droits
186 Article 5 de la Convention régissant la CJC.
187 Article 16 alinéa 1 de la Convention régissant
la CJC.
188 BERGERES (M-C) : Contentieux communautaire,
3ème édition mise à jour, PUF 1998, p.203.
189 Article 23 de la Convention régissant la CJC.
consacrés.190 Ces interprétations
s'imposent donc aux Etats qui, en pratique, font montre d'entêtement en
raison de l'absence de contrainte.
B- L'absence du caractère contraignant des
décisions de la Cour : une limite à
son efficacité en matière de protection
des libertés communautaires
C'est en quelque sorte le talon d'Achille droit communautaire
CEMAC en général et plus encore en ce qui concerne le respect des
libertés communautaires. En effet, la capacité de tout juge
à protéger les droits des individus dépend de
l'applicabilité de ses décisions. Car à quoi servirait une
décision, aussi vénérable soit-elle, si elle n'a pas
vocation à s'appliquer ? C'est en fait ce qui est remarquable au sein de
la CEMAC car les décisions de la CJC sont dépourvues des mesures
d'accompagnement qui puissent obliger les Etats destinataires à
s'exécuter effectivement. A la place, les textes se bornent à
prévoir que les décisions de la Cour ont autorité de la
chose jugée et force exécutoire, sans pourtant prévoir des
mesures pouvant veiller à cette exécution effective, en termes de
moyens de pression ou de sanctions. Pourtant, le caractère
récalcitrant des Etats étant de principe en CEMAC en
matière de discriminations entre nationaux et étrangers, les
décisions de la Cour sont vouées à rester lettre morte et
les consécrations communautaires avec. Cet état de chose est due
au fait que l'ordre juridique communautaire fait forcément intervenir
ceux des Etats membres en termes de réception des dispositions
communautaires ainsi que des décisions rendues par les juridictions
communautaires car, dit un auteur, « la plus grande partie du droit
communautaire est exécutée non pas par les institutions
communautaires, mais par les administrations ou organes nationaux
».191 Ce sont en effet les institutions étatiques
qui doivent prendre des dispositions pour l'application des décisions
prises, et il est indispensable que des mesures soient prises pour assurer
l'exécution de ces décisions et par delà cela le respect
des libertés reconnues en faveur des étrangers d'origine
communautaire. Il s'agit des solutions envisageables.
Para. 2 : UNE NECESSAIRE REDYNAMISATION DES SOLUTIONS AUX
DISCRIMINATIONS ETATIQUES
Ces solutions envisageables visent non seulement à se
prémunir contre des risques d'inapplication des décisions de la
Cour de Justice, mais aussi à conférer au ressortissant
190 Article 18 de la Convention régissant la CJC.
191 ISAAC (G) : Droit communautaire
général, 4ème édition, MASSON Droit
Sciences Economiques, p.274.
CEMAC partout sur la Communauté une situation meilleure
que celle qui prévaut aujourd'hui. Il est question pour nous de poser
une pierre à l'édifice de l'intégration
sousrégionale CEMAC et particulièrement l'intégration
personnelle. Pour ce faire, nous nous référons à ce qui,
dans les autres communautés constitue un atout que la CEMAC ignore
jusqu'ici et dont elle gagnerait à en tenir compte. A ce propos, sans
prétendre que nos propositions sont une sorte de solution miracle, nous
pensons que la reconnaissance au profit du ressortissant CEMAC sur l'ensemble
de la Communauté d'une situation meilleure passe par une redynamisation
du recours en manquement d'Etat (A) et l'institution d'une citoyenneté
CEMAC (B).
A- Une redynamisation nécessaire du recours en
manquement d'Etat
Il faut tout d'abord institutionnaliser de manière
claire et précise le recours en manquement d'Etat puisqu'en
l'état actuel du droit communautaire CEMAC, le recours en manquement
d'Etat est implicitement consacré au titre des compétences de la
Cour de Justice Communautaire.192 Pourtant, vu l'importance du
risque encouru ou de ce qui doit être évité, il serait
préférable que ce recours soit institué de façon
explicite de manière à en fixer les
modalités.193 Ensuite des mesures doivent être prises
pour le rendre plus efficace que ce que prévoient les textes en
vigueur.
1- La médiation de la Commission de la CEMAC
dans la procédure judiciaire
S'il est louable que le droit de saisine n'est accordé
à toute personne, même physique témoignant d'un
intérêt certain, il serait tout aussi préférable que
l'action judiciaire passe par un organe intermédiaire, notamment la
Commission de la CEMAC qui pourrait, le cas échéant, la
déclencher auprès de la Chambre Judiciaire, comme c'est le cas en
Union Européenne. Elle jouerait ainsi le rôle du Procureur de la
République en droit interne puisqu'elle est le garant de l'application
du droit communautaire et doit s'assurer que celui-ci est respecté
partout et en tout temps. Cette mesure aurait peut-être
l'inconvénient d'allonger et d'alourdir la procédure certes, mais
aurait certainement pour effet et avantage de la rendre plus efficace. Car non
seulement cet organe pourrait utiliser son pouvoir de persuasion et son
influence pour faire pression sur l'Etat fautif de manière à lui
donner une chance de mettre fin
192 Article 14 précité de la Convention
régissant la CJC.
193 En UE, le recours en manquement d'Etat est prévu et
institué par les articles 169, 170 et 171 du traité CE qui en
fixent les modalités.
aux manquements de nature à restreindre les
libertés communautaires ;194 mais aussi, les Etats membres
pourraient s'affronter à travers lui sans entacher leurs relations
diplomatiques. La vérité est que, comme le remarque un auteur,
« pour les raisons politiques évidentes, les Etats membres
répugnent à s'affronter directement en cas d'infraction du droit
communautaire ».195 Ainsi, cet organe pourrait
éviter que les parties en cause dans une procédure n'arrivent
à la phase terminale ou contentieuse, et ainsi épurer le
problème par sa médiation. On peut même estimer que la peur
d'entacher leurs relations diplomatiques est à l'origine de la
pauvreté des recours des Etats membres de le CEMAC contre les
différentes violations des libertés communautaires des
ressortissants des autres Etats membres.
2- L'institution des mesures contraignantes pour
l'exécution des décisions de justice
La garantie de l'efficacité du recours passe par la
fixation des mesures de nature à obliger les Etats dont les actes ont
été déclarés contraires aux libertés
communautaires à s'exécuter. La solution à cet
égard pourrait revêtir deux aspects :
D'abord une sanction financière contre tout Etat qui ne
s'exécutera pas, le montant étant fixé en rapport avec la
gravité de l'acte posé, et l'importance de la liberté
violée, et son recouvrement pouvant, à défaut
d'exécution volontaire dans un délai déterminé,
être fait d'office comme en matière de cotisations
étatiques.
Et ensuite une sanction politique pouvant consister, par
exemple en des astreintes et des suspensions du droit de participer à
certains programmes communautaires, ou de bénéficier de certains
avantages, ou encore d'accéder à certains fonds communautaires
avant de s'être exécuté. Il s'agit d'instituer des mesures
qui auront pour effet de veiller à l'application des décisions
judiciaires de la Communauté, le but étant de veiller au respect
des libertés communautaires qui seraient, par ailleurs, davantage
protégées à travers l'institution d'une citoyenneté
communautaire.
B- L'institution de la citoyenneté CEMAC
L'institution d'une citoyenneté communautaire en CEMAC
peut être considérée comme un grand pas vers la
reconnaissance des droits des étrangers d'origine communautaire sur
l'ensemble du territoire de la Communauté. En effet, l'absence d'une
telle citoyenneté
194 BERGERES (M-C) : Le contentieux communautaire, op.
cit., p. 189.
195 FAVRET (J-M) : Droit et pratique de l'Union
Européenne, Gualino Editeur, Paris 1996, p.26.
constitue un frein à l'intégration personnelle
en CEMAC196 et l'expérience européenne est
plutôt encourageante dans cette lancée.197 L'effet de
cette citoyenneté communautaire consisterait en une réelle
assimilation de l'étranger au national, en ce sens qu'elle permettrait
d'obtenir une insertion facile dans la vie sociale, économique,
culturelle et même politique de l'Etat membre d'accueil.198 Il
s'agit donc d'une insertion profonde qui pourra même permettre à
l'étranger de pouvoir intervenir sur la scène politique de l'Etat
d'accueil, à travers la reconnaissance en sa faveur d'une
éligibilité et d'un droit de vote à l'occasion de certains
scrutins.199 La citoyenneté CEMAC opérera alors un
brassage parfait des populations de la Communauté en ce sens qu'elle
conférera à tous les ressortissants étrangers d'origine
communautaire dans un pays de la Communauté les mêmes droits que
ceux reconnus aux nationaux, avec comme conséquence en matière de
libre circulation, que la carte nationale d'identité suffise, comme en
CEDEAO, à assurer le déplacement intra-communautaire des
ressortissants communautaires.
Les discriminations orchestrées par les Etats en
direction des ressortissants étrangers sont au demeurant celles les plus
visibles et les plus caractéristiques de l'état du peu avancement
du processus d'intégration en zone CEMAC. Et la solution à ce
problème commande que l'on combatte le mal dès la racine,
c'est-à-dire que l'on pense à solutionner tous les
problèmes qui sont à l'origine de ces discriminations. Pour ce
faire le droit communautaire gagnerait à mettre en place ou à
appliquer les mécanismes de gestion des différends entre les
Etats puisqu'il est entendu que ces différends constituent un blocage du
processus d'intégration des personnes en CEMAC.
196 MBARGA NYATTE (D) : Op. cit., p.362.
197 La citoyenneté européenne est régie par
les articles 8, 8A, 8B, 8C, 8D, 8E du Traité de
Maastricht.
198 CONSTANTINESCO (V), KOVAR (R) et SIMON (D) (Sous la direction
de) : Op. cit., p.129.
199 C'est le cas en Union Européenne, article 8B du
Traité de Maastricht.
CONCLUSION
La condition des étrangers est donc à la fin une
situation qui oscille entre les « consécrations
théoriques et [les] hésitations politiques
».200 D'abord, les consécrations théoriques
ou juridiques, à la différence de ce qui est remarqué sous
d'autres cieux comme en Union Européenne, montrent une extrême
prudence du législateur en ce qu'il ne consacre des libertés
qu'en direction des personnes précises et limitativement
énumérées. Bien plus, certaines consécrations des
libertés reconnues aux ressortissants communautaires font l'objet de
beaucoup de légèreté dans la formulation si bien qu'on
pourrait conclure à une consécration dans le seul but de
s'arrimer à la nouvelle donne mondiale sans réelle volonté
de conférer aux ressortissants communautaires une situation confortable.
Pour ce qui est des hésitations politiques, elles concernent les
réticences étatiques et leur manque de volonté de suivre
le mouvement initié par le législateur, et constituent de ce fait
même le plus grand blocus remarqué en matière
d'intégration personnelle. Ceci dit, on remarque que, par exemple, la
libre circulation telle que voulue par le législateur communautaire
n'est prévue qu'en la faveur des catégories précises de
personnes : agents économiques, étudiants, chercheurs,
enseignants et formateurs. Le Marché Unique communautaire en
matière d'intégration personnelle est alors un marché
restreint, du moins en l'état actuel du droit communautaire.
Pourtant, si le problème de l'intégration
personnelle en CEMAC se trouve dans la prudence législative et la non
volonté étatique quant à l'application des droits
reconnus, il reste qu'il existe en la matière une absence de
sensibilisation qui aurait pour but et conséquence de mettre au courant
des droits consacrés et de tous leurs implications les citoyens
bénéficiaires des libertés consacrées. En effet, on
peut reprocher à la CEMAC d'initier un processus d'intégration
trop politique qui laisse de côté les citoyens sans les
intégrer d'une manière comme d'une autre dans le processus de
prise de décisions, mais aussi en ne mettant pas en place des
mécanismes nécessaires pour leur sensibilisation. Le fait est que
beaucoup de ressortissants de la CEMAC ne se sentent pas concernés par
le processus d'intégration personnelle initié dans la
Communauté et ne sont même pas au courant des droits
consacrés en leur faveur.
200 Pour reprendre les termes de GNIMPIEBA TONNANG (E) : Op.
cit.
Ceci explique aussi l'extrême pauvreté, sinon la
quasi inexistence du contentieux relatif à ces libertés. En
effet, on remarque un rôle trop passif de la CJC en matière de
libertés communautaires dû à l'ignorance des individus de
leurs droits qui ne sauraient dès lors saisir le juge. Il faut aussi
accuser le laxisme du juge communautaire qui, à travers son pouvoir
d'auto saisine notamment en matière d'interprétation, devrait
préciser les contours des droits et veiller ipso facto à
leur application correcte. Par ailleurs, il est à déplorer la
pauvreté tout aussi frappante du droit dérivé en ces
matières, alors que celui-ci joue un rôle très important
dans la protection des droits à travers une précision qui rend
impossibles les dérives étatiques. Les textes primaires sont
souvent formulés en des termes trop génériques qui
nécessitent des précisions par des textes du droit
dérivé, ainsi que la définition de certaines notions
floues. En Union Européenne, par exemple, le droit dérivé
est abondant et joue un rôle prépondérant dans la
confection du droit communautaire dans l'ensemble et des règles
relatives à l'intégration personnelle en particulier. En CEMAC
par contre, les règlements qui sont prévus par les traités
et conventions en application des libertés consacrées sont pour
la plupart non encore pris, ce qui rend peu fluide le dispositif communautaire
en la matière.
Par ailleurs, il importe de mentionner que l'intensité
des flux migratoires entre les Etats de la zone CEMAC est conditionnée
par certains facteurs comme l'ouverture ou non à la mer de certains
pays, ou la présence ou non dans ceux-ci des matières
premières procuratrices d'emplois. C'est pourquoi on assiste à
des flux migratoires d'une densité en deux temps : une densité
intense en direction des pays ouverts sur la mer et témoignant de
nombreuses ressources naturelles comme le Cameroun, le Gabon, le Congo et
depuis peu la Guinée Equatoriale ; et une autre légère en
direction des pays enclavés et en retard de croissance économique
par rapport aux autres que constituent le Tchad et la RCA. Il importe de
relever aussi la proximité de certains pays comme le Nigeria avec le
Cameroun et la RDC avec le Congo qui oriente la perméabilité des
frontières en direction des espaces étatiques non communautaires
en ce sens que le Cameroun et le Nigeria d'une part, et le Congo et la RDC
d'autre part entretiennent des flux transfrontières plus intenses que
ceux qui existent entre ces Etats et d'autres Etats de la
Communauté.201
Enfin, il faut tout de même reconnaître que les
flux transfrontières remarquables entre les pays de la CEMAC demeurent
plus ou moins intenses en raison de la porosité des frontières
due aux dynamismes marchands illégaux et aux proximités des
peuples des
201 NDAME (J-P) : « Dynamismes marchands illégaux,
perméabilité des frontières et intégration
régionale en Afrique Centrale. L'UDEAC : Bilan critique de ses 35
années d'existence » in Dynamiques d'intégration en
Afrique Centrale. Intégration Afrique, Tome 1 Novembre 2001,
p.429.
différents pays. En effet, s'il est accordé que
les frontières en Afrique Noire et particulièrement en Afrique
Centrale ont parfois été instituées ex nihilo et
recoupent parfois les peuples unis, la conséquence reste que ces peuples
conservent le réflexe des échanges entre eux. C'est le cas des
Haoussa au Nord du Cameroun et au Sud du Tchad, et des Fang qui sont
partagés au Sud Cameroun, au Gabon et en Guinée Equatoriale et
dont « les solidarités lignagères facilitent le passage
des frontières »202. C'est dire qu'il existe des
échanges interétatiques inévitables entre ces Etats et qui
relèvent davantage de l'informel que de ce qui est prévu par les
textes communautaires. C'est une situation pas forcément néfaste
qui devrait inspirer le travail du législateur et le pousser à
consacrer des droits qui opèrent un brassage effectif de toutes les
populations de la Communauté sans en oublier les autres, et par ce fait
même, marquer un pas décisif en direction de l'accomplissement de
l'espace CEEAC dont la CEMAC constitue un élément catalyseur.
202 Ibid., p. 435.
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE
I- OUVRAGES
1. BERGERES (M-C) : Contentieux
communautaire, 3ème édition mise à jour
PUF 1998.
2. BOULOUIS (J) et CHEVALLIER (R-M) :
Grands arrêts de la Cour de Justice des Communautés
Européennes Tome 1, 6ème édition Dalloz
1994.
3. CARTOU (L) : L'Union Européenne.
Les Traités de Paris - Rome - Maastricht, 2ème
édition
4. CONSTANTINESCO (V), KOVAR (R) et SIMON (D) (Sous
la direction de) : Traité sur l'Union Européenne
(Signé à Maastricht le 7 février 1992) Commentaire article
par article, Economica 1995.
5. DREUSNE (G) : Droit et pratiques de la
Communauté et de l'Union Européennes, 4ème
édition mise à jour, PUF 1997.
6. DUBOIS (C) et GUEYDAN (C) : Grands textes
de droit communautaire et de l'Union Européenne, 4ème
édition, Dalloz 1996 1046p. LGDI : Librairie Générale de
droit et de jurisprudence
7. FALLON (M) : Droit matériel
général des communautés européennes, Academia
Bruylant LGDJ 197,722pp.
8. FAVRET (J-M) : Droit et pratique de
l'Union Européenne, Gualino Editeur, Paris, 1996.
9. GAILLARD (E), CAREAU (D) et LEE L
:(W) : Le marché Unique Européen. Pedone
1989,286 pp.
10. GIRERD (P) : Aspects juridiques du
Traité des Communautés Européennes, l'Harmattan,
1996.
11. GONIDEC (P.F) : Les organisations
internationales africaines. Paris L'Harmattan, 1998.
12. GUIMEZANES (N) : La circulation et
l'activité économique des étrangers dans la
Communauté Européenne. Droit Communautaire Droits nationaux.
Nouvelles Editions Fiduciaires, 1998.
13. HREBLAY (V) : La libre circulation des
personnes. Les accords de Schengen. PUF Politique d'aujourd'hui, 1999.
14. ISACC (G) : Droit communautaire
général, 4ème édition, MASSON Droit
Sciences Economiques, 1994.
15. LEFEBVRE (F) (Mémento Pratique) :
Communauté Européenne 1998-1999, Editions Francis
LEFEBVRE 1997.
16. LOUIS (J-V) : L'ordre juridique
Communautaire, 6ème édition revue et mise
à jour, Perspectives Européennes, Bruxelles 1993.
17. MARTIN (D) : La libre circulation des
personnes dans l'Union Européenne, Bruylant Bruxelles 1995.
18. PAPADOPOULOU (R-E) : Principes
généraux de droit et droit communautaire. Origines et
concrétisation, Bruylant Bruxelles, 1996.
19. SINTES (G) : La politique sociale de
l'Union Européenne. Presse Interuniversitaires Européennes, 1993,
395pp.
20. VANDERSANDEN (G) et DONY (M) : La
responsabilité des Etats membres en cas de violation du droit
communautaire. Etudes de droit communautaire et de droit national
comparé, Bruylant Bruxelles, 1997.
21. VIVANT (M) (Sous la direction de) :
Droit communautaire et liberté des flux transfrontières,
LITEC 1988.
II- ARTICLES DE DOCTRINE
1- ALBERTON (G) : « L'applicabilité
des normes communautaires en droit interne » in
RFD janvier- février 2002, pp. 1-19.
2- ATEMENGUE (J.N) : « Le droit
matériel de l'intégration dans la CEMAC : Une lecture des textes
fondamentaux » in Juridis Périodique
N°46 2001, pp.106 et ss.
3- EBALE (R) : « La Convention de
Lomé et l'intégration régionale en Afrique Centrale
», in Dynamiques d'intégration en Afrique Centrale.
Intégration Afrique. Tome I, novembre 2001, pp.371-400.
4- GNIMPIEBA TONNANG (E) : « La libre
circulation des personnes et des services en Afrique Centrale : entre
consécrations théoriques et hésitations politiques »,
in Juridis Périodique N°71 juillet-
août- septembre 2007, pp.81 et ss.
5- KARYDIS (G) : « L'ordre public dans
l'ordre juridique communautaire : un concept à contenu variable »,
in Revue Trimestrielle de Droit Européen
janvier - mars 2002, pp. 1 et ss.
6- KENFACK (J) : « Le juge camerounais
à l'épreuve du droit communautaire et de l'intégration
économique », in Juridis Périodique
édition spéciale juillet - août - septembre
2005, pp. 64- 75.
7- KOUFAN MENKENE (J) et TCHUDJING (C) :
« Un exemple de blocage du processus d'intégration en Afrique
Centrale : la persistance des facteurs conflictuels entre la Guinée
Equatoriale et ses voisins francophones depuis 1979 », in
Dynamiques d'intégration régionale en Afrique Centrale.
Intégration Afrique, op. cit.
8- MBARGA NYATTE (D) : « La dynamique
intégrative en Afrique Centrale : perspectives et limites de la CEMAC
», in Dynamiques d'intégration régionale en
Afrique Centrale. Intégration Afrique, op. cit., pp.347 et
ss.
9- MOYE BONGYU (G) : « CEMAC : Integration
or coexistence ? », in Annales de la FSJP de
l'Université de Dschang, tome 8 2004, pp. 29 et ss.
10. NDAME (J-P) : « Dynamismes marchands
illégaux, perméabilité des frontières
et intégration régionale en Afrique Centrale. L'UDEAC : Bilan
critique de ses 35 années d'existence », in Dynamiques
d'intégration régionale en Afrique Centrale. Intégration
Afrique, op. cit., pp. 429 et ss.
11. -SAMSON ANGO (M) : « Relations
frontalières entre les peuples du Cameroun et les autres pays
d'Afrique Centrale : le cas de l'Est », in Dynamiques
d'intégration régionale en Afrique Centrale. Intégration
Afrique, op. cit., pp.73 et ss.
III- MEMOIRES
A- MEMOIRES DE DEA
1. MBOGNING KENFACK (J.S) : «
L'intégration économique de la CEMAC à l'aune du
marché commun et des politiques d'accompagnement », FSJP de
l'Université de Dschang 2004/2005.
2. NGAPA (T) : « La coopération
judiciaire pénale dans la zone CEMAC », FSJP
de l'Université de Dschang 2005/2006.
B. MEMOIRES DE MAITRISE
1. KENGNE KAMGA (A.P) : « Le travail des
étrangers au Cameroun », FSJP de l'Université de Dschang
1996/1997.
2. EPANDA (D.A) : « L'étranger au
Cameroun : Etude d'une reforme : la loi N°97/002 du 10 janvier 1997
fixant les conditions d'entrée, de séjour et de sortie des
étrangers au Cameroun », FSJP de l'Université de Dschang
1997/1998.
IV- LEGISLATIONS
1. CEMAC Textes organiques, première édition mai
1998
2. Convention commune sur la libre circulation des personnes
et le droit d'établissement dans l'Union Douanière et Economique
de l'Afrique Centrale, Brazzaville, 22 décembre 1972.
3. Règlement CEMAC N°09/99/UEAC-019-CM-02 du 18
Août 1999 relatif au traitement national à accorder aux
étudiants ressortissants de la Communauté.
4. Règlement CEMAC N°1/00-CEMAC-042-CM-04 du 20
Juillet 2000 portant institution et conditions d'attribution du passeport
CEMAC.
5. Loi N°97/012 du 10 Janvier 1997 fixant les conditions
d'entrée, de séjour et de sortie des étrangers au
Cameroun.
6. Décret N°2007/255 du 4 Septembre 2007 fixant
les modalités d'application de la loi N°97/012 du 10 Janvier 1997
fixant les conditions d'entrée, de séjour et de sortie des
étrangers au Cameroun
7. Décret N°2008/052 du 30 Janvier 2008 modifiant
certaines dispositions du décret N°2007/255 du 4 Septembre 2007
fixant les modalités d'application de la loi N°97/012 du 10 Janvier
1997 fixant les conditions d'entrée, de séjour et de sortie des
étrangers au Cameroun .
8. Loi N°90/030 du 10 Août 1990 relative à
l'activité commerciale au Cameroun.
9. Loi N°92/007 du 14 Août 1992 portant Code de
travail de la République du Cameroun.
10. Loi N°45/92 du 9 Mai 1992 portant Code du travail de la
République du Congo.
11. Loi N°38/PR/96 du 11 Décembre 1996 portant Code
de travail de la République du Tchad.
12. Loi N°3/94 du 21 Novembre 1994 portant Code de travail
de la République du Gabon.
V- RAPPORTS DE SEMINAIRES
1. Rapport du Séminaire tripartite de l'OIT sur les
migrations des travailleurs dans les pays de la CEMAC.
2. Le contexte économique et social des immigrations
des travailleurs en Afrique Centrale - CEMAC. Etude réalisée par
le Bureau BIT Afrique Centrale et présenté lors du
Séminaire sous-régional sur les migrations des travailleurs dans
les pays de la CEMAC.
ANNEXES
Annexe I : Règlement
n°09/99/UEAC-019-CM-02 du 18 Août 1999 relatif au traitement
national à accorder aux étudiants ressortissant des pays membres
de la Communauté
Annexe II : Règlement
n°1/00-CEMAC-042-CM-04 du 20 juillet 2000 portant institution et
conditions d'attribution du passeport CEMAC
Annexe III : Règlement
n°10/05-UEAC-152-CM-13 portant création de la conférence des
Recteurs des Universités et des Responsables des Organismes de Recherche
d'Afrique Centrale
Annexe I : Règlement
n°09/99/UEAC-019-CM-02 du 18 Août 1999 relatif au
traitement national à accorder aux étudiants ressortissant des
pays membres de la Communauté
LE CONSEIL DES MINISTRES
Vu LE Traité instituant la Communauté Economique et
Monétaire de l'Afrique Centrale du 16 Mars 1994 et son Additif en date
du 5 Juillet 1996 ;
Vu la Convention régissant l'Union Economique de l'Afrique
Centrale (UEAC) ;
Vu la Résolution du Comité de Direction en sa
session du 10 Décembre 1996 relative à l'affaire429/8
`'Traitement national à accorder aux étudiants ressortissants des
Etats membres de l'Union» ;
Vu la Décision N°6/98-UDEAC-429-CD-61 du 21
Juillet 1998 portant convocation d'une Conférence des Ministres
chargés de l'Enseignement supérieur sur le traitement national
à accorder aux étudiants ressortissants des Etats membres de
l'Union ;
Considérant l'avis de la Conférence ad hoc des
Ministres chargés de l'Enseignement Supérieur réunis
à Yaoundé en République du Cameroun en date du 15 Janvier
1999 ;
Sur proposition du Secrétaire Exécutif ;
Après avis du Comité Inter états ;
En sa séance du 17 Août 1999 ;
ADOPTE
Le Règlement dont la teneur suit :
Article 1er : Le présent
Règlement a pour objet d'accorder aux étudiants ressortissants de
tous les pays membres de la Communautés les mêles conditions de
scolarité appliquées aux nationaux dans les établissements
public ou d'utilité publique d'enseignement supérieur desdits
pays.
Article 2 : Les conditions visées
à l'article 1er ci-dessus concernent essentiellement les
frais de scolarité et le bénéfice des oeuvres
universitaires.
Article 3 : Les écoles à statut
privé ne sont pas assujetties aux dispositions du présent
règlement.
Article 4 : Lorsque l'afflux
d'étudiants des autres pays de la Communauté réduit la
capacité de l'Etat d'accueil à satisfaire ses propres besoins,
cet Etat peut imposer un quota qui ne peut être inférieur à
10% des effectifs.
Article 5 : Pour les raisons d'ordre public,
de sécurité et de santé publiques, l'Etat d'accueil peut
refuser l'application des dispositions favorables du présent
règlement à certains ressortissants des pays membres de la
Communauté.
Article 6 : Les accords existant entre les
établissements universitaires des Etats membres continuent de
s'appliquer tant qu'ils ne comportent pas de dispositions contraires.
Article 7 : Les Ministres de l'Enseignement
Supérieur et les autorités rectorales sont chargés de
l'application du présent Règlement.
Article 8 : Le présent
Règlement, qui entre en vigueur à compter de la date de
signature, sauf à l'égard de la République gabonaise qui
l'exécutera ultérieurement, sera publié au Bulletin
Officiel de la Communauté.
BANGUI, le 18 Août 1999 LE PRESIDENT (é)
BICHARA CHERIF DAOUSSA
Annexe II : Règlement
n°1/00-CEMAC-042-CM-04 du 20 juillet 2000 portant institution
et conditions d'attribution du passeport CEMAC
LE CONSEIL DES MINISTRES
Vu le Traité portant création de la
Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale et les
Textes subséquents ;
Vu le Procès verbal des travaux de la 3ème Session
du Conseil des Ministres tenue à N'DJAMENA le 17 Décembre 1999
;
Considérant la nécessité de créer un
marché commun fondé sur la libre circulation des biens, des
services, des capitaux et des personnes.
En sa séance du 20 Juillet 2000,
ADOPTE
Le Règlement dont la teneur suit :
TITRE I : INSTITUTION DU PASSEPORT
Article 1er : Il est institué au sein de
la Communauté un instrument de libre circulation des personnes,
dénommé « Passeport CEMAC ».
TITRE II : CONDITIONS DE DÉLIVRANCE, DE
RENOUVELLEMENT ET DE VALIDITÉ
Article 2 : Le Passeport CEMAC est
délivré aux citoyens et ressortissants des Etats membres de la
communauté dans les conditions habituelles de leur délivrance
dans les Etats membres.
Article 3 : L'impression, la gestion et la
délivrance du Passeport CEMAC relèvent de la compétence de
chaque Etat membre.
TITRE III : INFRACTIONS ET SANCTIONS
Article 4 : Sont qualifiées
d'infractions, poursuivies et sanctionnées conformément aux
dispositions légales et réglementaires de l'Etat membre où
ont été constatés les faits ci-après :
· l'obtention d'un Passeport CEMAC sous un faux
état civil et l'usage ou l'utilisation
du Passeport ainsi établi ;
· la cession, même temporaire d'un Passeport CEMAC ou
l'utilisation d'un Passeport emprunté ou volé ;
· la contrefaçon, la falsification ou
l'altération volontaire du Passeport ainsi que l'usage du Passeport
contrefait, falsifié ou altéré.
TITRE IV : DISPOSITIONS FINALES
Article 5 : Les mentions invariables du
Passeport sont rédigées en langues Française, Anglaise,
Arabe et Espagnole.
Article 6 : Le Secrétariat
Exécutif prend toutes les dispositions réglementaires et
administratives nécessaires pour la mise en application diligente de la
présente Réglementation.
Article 7 : Le présent Règlement
entre en vigueur à la date de sa signature et sera publié au
Bulletin Officiel de la Communauté.
Bangui, le 21 Juillet 20000 LE PRÉSIDENT MAHAMAT
ALI HASSAN
ANNEXE : Présentation du Passeport CEMAC
1. Le Passeport se présente sous la forme d'un carnet de
32 pages aux dimensions standard normes OAIC (120 mm x 80 mm).
2. La couverture rigide de couleur orange est frappée
du logo de la CEMAC et des inscriptions « Communauté Economique et
Monétaire de l'Afrique Centrale » au dessus du logo ; passeport
CEMAC et dénomination du pays d'établissement sur le logo.
3. Les deux pages de garde qui font corps avec la couverture
sont de même couleur que les pages intérieures. La première
page de gauche contient la réquisition de l'autorité
compétente de l'Etat membre (p2).
4. Au milieu de chaque page est représenté le logo
de la CEMAC placé dans un cadre aux motifs guillochés.
5. La page 3 est réservée à
l'identité du requérant, à la validité, au lieu
d'établissement et à la signature de l'autorité qui aura
délivré le passeport ( page identitaire ).
6. La page 4 contient les mentions de prorogation de
validité et la page 5 sera réservée aux photographies des
enfants qui accompagnent le titulaire du passeport.
7. Les pages allant de 6 à 32 sont
réservées aux visas Emi-Immigration
8. Sur la dernière page de garde sont portées les
recommandations importantes.
9. La page identitaire est protégée par un film
sécuritaire comportant des Inscriptions invisibles et
réactivantes en fluorescence. Il adhère par lamination à
chaud.
10. . Des mesures spécifiques de
sécurité sont imprimés depuis la couverture jusqu'aux
pages intérieures. Celles-ci feront l'objet d'une diffusion restreinte
à l'endroit des responsables chargés des questions des passeports
et des frontières dans chaque état membre.
Annexe III : Règlement
n°10/05-UEAC-152-CM-13 portant création de la conférence
des Recteurs des Universités et des Responsables des Organismes de
Recherche d'Afrique Centrale
LE CONSEIL DES MINISTRES
Vu le Traité instituant la Communauté Economique et
Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) du 16 Mars 1994 et son Additif
en date du 5 Juillet 1996 ;
Vu la Convention régissant l'Union Economique de l'Afrique
Centrale (UEAC) ;
Vu le Règlement No 11/99-UEAC-025-CM-02 portant
Règles d'Organisation et de Fonctionnement du Conseil des Ministres ;
Vu le Règlement no 5/99/CEMAC-002-CM-02 du 18 août
1999 portant organisation et fonctionnement du Secrétariat
Exécutif de la CEMAC ;
Convaincu que l'existence au sein de l'UEAC, d'une instance
permanente appropriée d'échanges d'expériences entre les
responsables des Universités d'une part, ceux de la Recherche d'autre
part, et enfin entre ces différents responsables aidera à
l'aboutissement dans les délais raisonnables des objectifs de la CEMAC
en matière d'enseignement supérieur et de recherche ;
Considérant la recommandation relative à la
réactivation de la Conférence des Recteurs des Universités
d'Afrique Centrale adoptée à la deuxième réunion
des Recteurs des Universités des pays membres de la CEMAC tenue le 24
novembre 2000 à Libreville;
Considérant la recommandation adoptée par la
troisième réunion des Recteurs le 07 mars 2003 à Malabo
;
Sur proposition du Secrétariat Exécutif ;
Après avis du Comité Inter-Etats ;
En sa séance du 5 février 2005
ADOPTE
Le Règlement dont la teneur suit :
CHAPITRE 1: DEFINITIONS
Article 1er : Aux fins du présent
Règlement, on entend par :
COMUNAUTE : La Communauté Economique et
Monétaire de l'Afrique Centrale RECTEUR : Le
Responsable d'une université conventionnelle; c'est-à-dire, d'une
université d'Etat ou privée reconnue par l'Etat ;
RESPONSABLE D'UN ORGANISME DE RECHERCHE : Le
Responsable d'un ensemble de Centres ou d'Instituts de recherche ;
PERSONNEL D'APPUI : Toute personne concourant
à la bonne organisation de la réunion et au bon
déroulement des travaux de celle-ci ;
SECTEUR DE LA COOPERATION : Le secteur de
l'enseignement supérieur et de la recherche de haut niveau.
CHAPITRE II: CREATION, DENOMINATION ET ATTRIBUTIONS
Article 2 : Il est créé dans le
cadre de l'Union Economique de l'Afrique Centrale (UEAC), une Conférence
des Recteurs des Universités et des Responsables des Organismes de
Recherche d'Afrique Centrale, ci-après dénommée «
Conférence des Recteurs et des Responsables des Organismes de Recherche
».
Article 3 : La Conférence des Recteurs et
des Responsables des Organismes de Recherche est un organe consultatif
auprès du Conseil des Ministres de l'UEAC.
Elle est chargée d'étudier toutes les questions
relatives à l'enseignement supérieur et à la recherche
scientifique et technologique, notamment celles portant sur : La promotion des
centres d'excellence dans les domaines prioritaires ; La création ou le
développement d'institutions communes ; Les conditions de
scolarité (frais de scolarité et bénéfice des
oeuvres universitaires) des étudiants de la Communauté ; La
mobilité des enseignants, chercheurs et étudiants dans la
Communauté ; La coordination et l'harmonisation des programmes
d'enseignement et de recherche ; ce qui implique l'organisation des enseignants
et des chercheurs en réseaux ; L'évaluation des résultats
de l'enseignement supérieur et de la recherche ; La reconnaissance
mutuelle des diplômes nationaux ; L'harmonisation de la création
et la promotion de partenariats avec les entreprises ; L'intégration des
Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) dans les
systèmes d'enseignement et de recherche ; L'harmonisation des conditions
de recrutement des enseignants et des chercheurs dans la sous région ;
L'organisation des manifestations scientifiques et culturelles ; Le suivi de la
coopération dans le secteur de l'Enseignement Supérieur et de la
Recherche entre la CEMAC et ses partenaires.
CHAPITRE III : MEMBRES DE LA CONFERENCE :
Article 4 : Les membres de la Conférence
des Recteurs et des Responsables des Organismes de Recherche sont : Les
Recteurs des Universités de la sous région ou leurs
Représentants
Les Responsables des Organismes de recherche de la sous
région ou leurs Représentants.
Les Représentants du Secrétariat Exécutif de
la CEMAC participent aux travaux avec voix consultative.
Peuvent être invités à la Conférence
avec voix consultative, en fonction des sujets à traiter
des Directeurs des Grandes Ecoles publiques ou privées ne
faisant pas partie des Universités des pays de la CEMAC ;
des Directeurs des Organismes de recherche interétatiques
des pays de la CEMAC ; des Représentants du secteur privé
productif ;
des Responsables sous-régionaux de la
société civile ayant des relations de coopération avec la
CEMAC.
La Conférence des Recteurs et des Responsables des
Organismes de Recherche peut, par ailleurs, en tant que de besoin, faire appel
à des experts choisis en raison de leur compétence.
CHAPITRE IV: ORGANISATION DES REUNIONS
Article 5 : La Conférence des Recteurs
et des Responsables des Organismes de Recherche se réunit une fois par
an en session ordinaire sur convocation du Secrétaire Exécutif de
la CEMAC. Elle peut se réunir en session extraordinaire, quand les
circonstances l'exigent, sur convocation du Secrétaire Exécutif
de la CEMAC après concertation avec les Autorités de l'Etat
d'accueil.
Elle est présidée, pour une durée d'un
an, par le Recteur de l'Université d'accueil ou le Responsable de
l'Organisme de Recherche du pays qui assure la présidence en exercice de
la Communauté.
Le Secrétariat Exécutif de la CEMAC
élabore le projet d'ordre du jour de la session en concertation avec le
Président en exercice et appuie le secrétariat de la
Conférence pendant ses travaux.
Les universités et les organismes de recherche
contribuent à l'élaboration dudit projet d'ordre du jour, par
l'envoi au Secrétariat Exécutif de leurs propositions
accompagnées de notes de présentation.
Article 6 : La Conférence des Recteurs
et des Responsables des Organismes de Recherche ne peut valablement
délibérer que lorsqu'elle réunit les institutions de la
moitié au moins des pays membres de la CEMAC.
Elle émet des avis et des recommandations.
Ses travaux donnent lieu à un communiqué de presse
et à un compte rendu cosignés par son Président et son
Rapporteur.
CHAPITRE V: DISPOSITIONS FINANCIERES
Article 7 : Les réunions de la
Conférence des Recteurs et des Responsables des Organismes de Recherche
sont financées ainsi qu'il suit: Chaque institution participante prend
en charge le transport international et les frais de séjour de ses
délégués statutaires de la Conférence dans la ville
d'accueil de la réunion.
; L'institution hôte met gracieusement à
disposition de la conférence les salles de réunion, le
matériel de bureau, les moyens de transport local pour tous les
participants et un personnel d'appui ;
CHAPITRE VI: DISPOSITIONS FINALES
Article 8 : Toute institution d'enseignement
supérieur ou de recherche scientifique et technologique d'un pays de
l'Afrique Centrale non membre de la CEMAC, préoccupée par les
mêmes questions que celles mentionnées à l'article 2
ci-dessus, peut solliciter son adhésion à la Conférence
des Recteurs et des Responsables des Organismes de Recherche en adressant une
demande par le
Cette adhésion ne pourra intervenir qu'après
accord des deux tiers (2/3) des institutions membres de la Conférence
des Recteurs et des Responsables des Organismes de Recherche présentes
à la réunion.
Toute institution d'un pays non membre de la CEMAC,
désirant se retirer de la Conférence des Recteurs et des
Responsables des Organismes de Recherche, en informe par écrit le
Président de la Conférence par le biais du Secrétariat
Exécutif de la CEMAC.
Le présent Règlement cesse de lui être
applicable sans préjudice des obligations résultant des
engagements antérieurs.
Article 9 : Un Règlement intérieur
précise les modalités d'application des dispositions du
présent Règlement.
Article 10 : Le présent
Règlement, qui abroge toutes dispositions antérieures contraires,
notamment celles du Règlement no 08/03-UEAC-019-CM-10 du 27 août
2003, entre en vigueur à compter de la date de signature, et est
publié au Bulletin Officiel de la Communauté.
Libreville, le 7 février 2005. LE PRESIDENT Paul
TOUNGUI
TABLE DES MATIERES DEDICACE
iPRINCIPAUX SIGLES ET ABREVIATIONS iiSOMMAIRE
iiiINTRODUCTION 1
PREMIERE PARTIE 7
UNE PRUDENTE RECONNAISSANCE D'UNE CONDITION CONFORTABLE DES
ETRANGERS EN ZONE CEMAC 7
CHAPITRE I 10
LA PRUDENTE CONSECRATION DES LIBERTES DE CIRCULATION,
D'ETABLISSEMENT ET DE PRESTATION DE SERVICES 10
Section 1 : LA LIBERTE DE CIRCULATION 11
Para. 1 : LE CARACTERE RESTRICTIF : LA LIBRE CIRCULATION
DES SEULS AGENTS ECONOMIQUES 12
A- La réalité et l'effectivité de
l'activité 13
B- Le critère de subordination 14
C- Le critère de rémunération
14 Para. 2 : LES IMPLICATIONS DE LA LIBRE CIRCULATION DES
TRAVAILLEURS 15
A- L'interdiction des discriminations fondées sur
la nationalité 15
B- Le droit de circuler, de séjourner et le droit
de demeurer 17
1- Le droit d'entrer, de déplacement et de
séjour 17
2- Le droit de demeurer établi 18
C- L'harmonisation des règles nationales en
matière sociale : une condition
d'efficacité de la libre circulation des personnes
19
Para. 3 : LE PASSEPORT CEMAC : INSTRUMENT D'ELARGISSEMENT DE
LA
LIBRE CIRCULATION EN ZONE CEMAC ? 21 Section 2 : LES LIBERTES
D'ETABLISSEMENT ET DE PRESTATION DE SERVICES 23 Para. 1 : LE LIBRE
ETABLISSEMENT 23
A- Les bénéficiaires du droit
d'établissement 23
B- Les variantes du droit d'établissement
24
1- L'accès et l'exercice des activités non
salariées 24
2- L'acquisition, la constitution et la gestion
d'entreprise 25
Para. 2 : LA LIBRE PRESTATION DES SERVICES 26
A- La notion de prestation de services 26
B- Le champ d'application de la libre prestation des
services 27
CHAPITRE II 29 L'INSTITUTION DU PRINCIPE DE NON DISCRIMINATION
DANS LES DOMAINES JUDICIAIRE, DE L'ENSEIGNEMENT, LA RECHERCHE ET LA
FORMATION
PROFESSIONNELLE 29 SECTION 1 : L'ABSENCE DE DISCRIMINATION
DANS LES DOMAINES DE
L'ENSEIGNEMENT, LA RECHERCHE ET LAFORMATION PROFESSIONNELLE
30
Para. 1 : LE DOMAINE DES NOTIONS D'ENSEIGNEMENT, DE RECHERCHE
ET
DE FORMATION PROFESSIONNELLE 31
A- L'enseignement 31
B- La formation professionnelle 32
C- La recherche 33
Para. 2 : LES DROITS RECONNUS AUX ETRANGERS D'ORIGINE
COMMUNAUTAIRE EN MATIERES D'ENSEIGNEMENT, DE RECHERCHE ET DE FORMATION
PROFERSSIONNELLE 35
A- L'ouverture dans les mêmes conditions que les
nationaux des structures
d'enseignement, de formation professionnelle et de
recherche 35
1- Les structures visées 36
2- Les droits consacrés 37
B- La reconnaissance mutuelle des diplômes dans les
Etats de la
Communauté 38
C- La libre mobilité en matière
d'enseignement, de recherche et de
formation professionnelle 40 Section 2 :
L'ELIMINATION DES DISCRIMINATIONS DANS LE DOMAINE
JUDICIAIRE 41
Para. 1 : UN LIBRE ET FACILE ACCES AUX JURIDICTIONS NATIONALES
42
A- L'accès aux juridictions nationales par les
étrangers ressortissants
communautaires 43
1- Le libre accès des justiciables
étrangers dans les juridictions nationales 43
2- L'accès libre des avocats 44
B- L'égal droit à l'assistance judiciaire
45
Para. 2 : LA RECONNAISSANCE ET L'EXECUTION DES DECISIONS
JUDICIAIRES AU PROFIT D'UN RESSORTISSANT COMMUNAUTAIRE SUR LE TERRITOIRE D'UN
ETAT MEMBRE 46
A- La reconnaissance des décisions judiciaires
46
B- L'exécution des décisions judiciaires
sur le territoire des autres Etats 49
DEUXIEME PARTIE 52 LA SURVIVANCE DES DISCRIMINATIONS A L'EGARD
DES ETRANGERS
RESSORTISSANTS DE LA COMMUNAUTE 52
CHAPITRE I 54
LES DISCRIMINATIONS AUTORISEES 54
Section 1 : LES DISCRIMINATIONS TENANT A LA PROTECTION
DES ETATS
MEMBRES 55
Para. 1 : LA RESERVE D'ORDRE PUBLIC 56
A- La notion de réserve d' « ordre
public, de sécurité et de santé publique »
56
B- La compétence étatique en
matière d'ordre public 57
C- L'encadrement nécessaire du contenu de la
notion d'ordre public 57 Para. 2 : EXCEPTIONS FONDEES SUR
L'ADOPTION DES MESURES DE SAUVEGARDE ET SUR LA THEORIE DES CIRCONSTANCES
EXCEPTIONNELLES 58
A- L'adoption des mesures de sauvegarde 59
1- Conditions à l'adoption des mesures de
sauvegarde 59
2- L'encadrement de l'adoption des mesures de sauvegarde
60
B- Restrictions liées à la théorie
des circonstances exceptionnelles 61
2- La réaction à l'adoption des mesures
fondées sur les circonstances exceptionnelles 63 Section 2 :
DISCRIMINATIONS FONDEES SUR LA NATURE DE CERTAINS
EMPLOIS 64
Para. 1 : LES EMPLOIS VISES 64
Para. 2 : UN ENCADREMENT NECESSAIRE DE LA NOTION D' «
EMPLOIS DANS
LES DOMAINES PUBLIC, PARAPUBLIC ET STRATEGIQUE » 66
CHAPITRE II 68
DISCRIMINATIONS DU FAIT UNILATERAL DES ETATS 68
Section 1 : LES CAUSES ET MANIFESTATIONS DES DISCRIMINATIONS
DU
FAIT DES ETATS 69
Para. 1 : LES CAUSES DES DISCRIMINATIONS DU FAIT DES ETATS 69
A- Les motifs économiques 70
B- Les motifs sécuritaires 71
1- Les instabilités politiques des
différents Etats 72
2- Les tensions entre les Etats membres
73 Para. 2 : LES MANIFESTATIONS DES DISCRIMINATIONS DU FAIT DES
ETATS 75
A- L'absence d'harmonisation des législations
nationales 76
B- La récurrence des gestes de xénophobie
78 Section 2 : LA DIFFICILE RECHERCHE DES SOLUTIONS AUX
DISCRIMINATIONS ETATIQUES 79
Para. 1 : LA CJC , GARANT EFFICACE DES LIBERTES COMMUNAUTAIRES ?
79
A- Le contrôle juridictionnel des libertés
communautaires par la chambre
judiciaire 79
1- La saisine de la Cour 80
2- Les pouvoirs de la Chambre Judiciaire 80
B- L'absence du caractère contraignant des
décisions de la Cour : une limite
à son efficacité en matière de
protection des libertés communautaires 82 Para. 2 : UNE
NECESSAIRE REDYNAMISATION DES SOLUTIONS AUX
DISCRIMINATIONS ETATIQUES 82
A- Une redynamisation nécessaire du recours en
manquement d'Etat 83
1- La médiation de la Commission de la CEMAC dans
la procédure
judiciaire 83
2- L'institution des mesures contraignantes pour
l'exécution des décisions
de justice 84
B- L'institution de la citoyenneté CEMAC
84
CONCLUSION GENERALE 86
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE 89
ANNEXES 93
Annexe I : Règlement n°09/99/UEAC-019-CM-02 du 18
Août 1999 relatif au traitement national à accorder aux
étudiants ressortissant des pays membres de la Communauté 94
Annexe II : Règlement n°1/00-CEMAC-042-CM-04 du 20 juillet 2000
portant institution et conditions d'attribution du passeport CEMAC 96 Annexe
III : Règlement n°10/05-UEAC-152-CM-13 portant création de
la conférence des Recteurs des Universités et des Responsables
des Organismes de Recherche d'Afrique
Centrale 99
TABLE DES MATIERES 104
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