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La condition juridique des étrangers en zone CEMAC. Contribution au diagnostic de l'intégration personnelle en Zone CEMAC

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par Eric- Adol GATSI TAZO
Université de Dschang Cameroun - Diplôme d'études approfondies  2009
  

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REPUBLIQUE DU CAMEROUN Paix - Travail - Patrie

REPUBLIC OF CAMEROON Peace - Work - Fatherland

UNIVERSITE DE DSCHANG
UNIVERSITY OF DSCHANG
FACULTE DES SCIENCES
JURIDIQUES ET POLITIQUES
FACULTY OF LAW AND
POLITICAL SCIENCES

LA CONDITION JURIDIQUE DES ETRANGERS EN ZONE
CEMAC

Contribution au Diagnostic de l'intégration personnelle en Zone CEMAC

Mémoire présenté et soutenu publiquement en vue de l'obtention du Diplôme d'Etudes
Approfondies (DEA)

OPTION : DROIT COMMUNAUTAIRE ET COMPARE CEMAC

Par :
GATSI TAZO ERIC-ADOL
Maîtrise en Droit et carrières administratives

Sous la direction de :

M. BILONG Salomon,

Docteur en Droit Public,

Chargé de cours à la FSJP de l'Université de Dschang

Juillet 2009

Et la supervision de :
Pr ANOUKAHA François,
Agrégé des Facultés de droit,
Doyen de la FSJP de l'Université de
Dschang

DEDICACE

A toi, mon enfant.

PRINCIPAUX SIGLES ET ABREVIATIONS

-Aff. : Affaire ;

-AUSCGIE : Acte Uniforme sur les Sociétés Commerciales et les Groupements d'Intérêt Economique ;

-CE : Communauté Européenne ;

-CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest ;

-CEE : Communauté Economique Européenne ;

-CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale ;

CIPRES : Conférence Interafricaine de la Prévoyance Sociale ;

-CJC : Cour de Justice Communautaire ;

-CJCE : Cour de Justice des Communautés Européennes ; -GAJA : Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative ; -Ibid. : Ibidem (même article, même auteur) ;

-JOCE : Journal Officiel de la Communauté Européenne ; -JOUE : Journal Officiel de l'Union Européenne ; -OCAM : Organisation Comptable Africaine et Malgache ;

-OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires ;

-Op. Cit. : Opere citare (cité plus haut, ouvrage précité) ; -PAS : Programme d'Ajustement Structurel ;

-PRR : Programme Régional des Réformes ; -RCA : République Centrafricaine ;

-Rec. : Recueil de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes ; -SMIG : Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti ;

-SPIC : Services Publics Industriels et Commerciaux ;

-UDEAC : Union Douanière et Economique de l'Afrique Centrale ;

-UE : Union Européenne ;

-UEAC : Union Economique d'Afrique Centrale ;

-UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine ;

-UMAC : Union Monétaire d'Afrique Centrale ; -ZEE : Zone Economique Exclusive.

SOMMAIRE

Introduction

PREMIERE PARTIE : Une prudente reconnaissance d'une condition confortable des étrangers en zone CEMAC.

Chap. I : Consécration des libertés de circulation, d'établissement et de prestation des services.

Chap. II : L'institution du principe de non discrimination dans les domaines judiciaire, de l'enseignement, la recherche et la formation professionnelle.

DEUXIEME PARTIE : Survivance des discriminations à l'encontre des étrangers en zone CEMAC.

Chap. I : Les discriminations permises.

Chap. II : Les discriminations du fait unilatéral des Etats

INTRODUCTION

e vaste mouvement de régionalisation progressive des Etats qui se forment en Communautés remarqué à travers le monde entier n'a pas épargné l'Afrique1. En effet, ce mouvement initié
en Europe depuis des décennies a trouvé un terrain favorable sur le continent africain si bien

~

que les spécialistes n'hésitent pas à parler d'un foisonnement et d'un enchevêtrement des institutions sous-régionales africaines. Le « Africa must unite » de KWAME NKRUMAH2 lancé au lendemain des indépendances des Etats africains va en effet impulser cette volonté de s'unir des peuples africains et va trouver un écho singulièrement favorable puisqu'à défaut d'adopter une unification globale et entière du continent, les ténors du mouvement ont plutôt souscrit à une volonté prudente et mesurée marquée par une unification par étapes du continent dont les groupements sous-régionaux seraient les fondements. C'est ainsi que furent créées diverses institutions avec pour base les différentes régions et sous régions3. Cette idée de faire de la proximité géographique l'élément de regroupement ne manque pas d'intérêt car il s'agit de bâtir les communautés ayant les mêmes sources historiques, et fondées sur les mêmes espaces géographiques, l'objectif étant de faire prévaloir l'idée d'une appartenance commune.

C'est ce qui a donc présidé à la création de la région Afrique Centrale car dans cette partie du continent, tous les ingrédients étaient réunis pour créer une communauté intégrative. Il s'agit ici des éléments comme le passé colonial et l'héritage colonial communs qui ont sans aucun doute favorisé la création de l'UDEAC4 entre les Etats de cette partie du continent que sont le Cameroun, le Congo, le Gabon, la RCA, le Tchad et la Guinée Equatoriale qui y fera

1 On a assisté en effet à une prolifération d'organisations régionales et sous-régionales dans le monde, avec comme les principales, en Europe l'Union Européenne (U.E) et l'Espace Economique Européen (EEE) ; en Asie l'Association of South Asian Nations (ASEAN), la South Asian Association for Regional Cooperation (SAARC), l'Asian Pacific Economic Cooperation (APEC) ; en Amérique le Marché Commun d'Amérique Centrale (MCAC), l'Association Latino-américaine d'Intégration (ALADI) et l'Accord de Libre Echanges NordAméricain (ALENA), et en Afrique le Common Market for Eastern and Southern Africa (COMESA), l'Union du Maghreb Arabe (UMA), la South African Development Community (SADC), la South African Custums Union (SACU), la Intergovernmental Authority for Development (IGAD), la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et la Communauté Economique et Monétaire des Etats de l'Afrique Centrale (CEMAC).

2 NKRUMAH (k) : L'Afrique doit s'unir, Paris Présences Africaines, 1994.

3 Voir notes de bas de page n° 1.

4 L'UDEAC, Union Douanière et Economique des Etats de l'Afrique Centrale est créée par un traité de Brazzaville signé le 8 décembre 1964 et est entrée en vigueur le 1er juin 1966

son entrée quelques années plus tard. L'UDEAC se fixe comme objectifs l'établissement graduel d'un marché commun en Afrique Centrale, l'élimination des entraves au commerce inter-états, le renforcement de l'unité des économies en présence et la participation, par la constitution d'un groupement sous-régional, à la création d'un véritable marché commun en Afrique Centrale. Pourtant, si lors des deux premières décennies de son existence l'Union enregistre un succès plus ou moins visible, l'on ne peut manquer de reconnaître que la troisième décennie est plutôt marquée par une crise économique généralisée qui oblige les Etats à mettre plus l'accent sur leurs économies nationales à travers les PAS imposés par le FMI, principal bailleur de fonds des Etats de l'UDEAC qui se verra ainsi enfouie au fond d'un gouffre, si bien que son échec est considéré comme indubitable. Les Etats parties, conscients de cet état de choses et désireux de continuer avec ce mouvement déjà entamé vont redoubler d'efforts pour sortir de l'impasse. C'est ainsi qu'au terme de plusieurs négociations, un projet de réformes5 à trois volets consacrait la mise en place de la CEMAC6 qui remplace l'UDEAC, avec comme volonté pour les Etats signataires de « passer d'une situation de coopération qui existe déjà entre eux, à une situation d'union susceptible de parachever le processus d'intégration économique et monétaire ». 7 C'est dire si les Etats signataires témoignaient d'une volonté de rompre avec les blocages enregistrés pendant la défunte UDEAC et se proposaient de repartir sur de nouvelles bases institutionnelles et organisationnelles seules susceptibles de garantir le dynamisme de la Communauté.8 En effet, la structure organisationnelle de la CEMAC est assez révélatrice de la détermination des Etats, car elle comprend quatre institutions dont deux exclusivement consacrées à l'intégration communautaire. Il s'agit de l'UEAC, institution d'intégration économique et l'UMAC, institution d'intégration monétaire9 chargées chacune de réaliser l'intégration dans son domaine.

5 Le Projet Régional de Réformes (PRR) fut adopté par les Etats parties de l'UDEAC à Yaoundé au Cameroun en décembre 1991.

6 La CEMAC voit le jour le 18 mars 1996 à N'Djamena au Tchad lors d'un sommet tenu entre les Chefs d'Etat de l'UDEAC.

7 Article 1er in fine du traité instituant la CEMAC.

8 Voir dans ce sens NJEUFACK (R) : « Le renouveau du cadre institutionnel décisionnel au sein de la CEMAC : vers une Communauté plus dynamique ? » in Annales de la Faculté des Sciences juridiques et Politiques de l'Université de Dschang Tome 8 2004, pp 163 et suivants.

9 L'UEAC, Union Economique d'Afrique Centrale, et l' UMAC, Union Monétaire d'Afrique Centrale sont prévues par le Traité instituant la CEMAC, mais font l'objet de conventions particulières les régissant signées toutes les deux le 5 juillet 1996 à Libreville au Gabon.

Le nouvel élan impulsé par le nouveau législateur et la volonté des Etats parties sont à quelques égards révélateurs de l'objet du présent thème. En effet, cet objet est constitué par l'étude du degré d'intégration en zone CEMAC. Il est question de fonder cette étude sur le niveau de la volonté des Etats membres et l'ampleur de la détermination du législateur communautaire, qui constituent le baromètre de l'intégration en zone CEMAC.

Il importe dès lors de définir le terme intégration. Le lexique des termes juridiques10 entend par là « la fusion de certaines compétences étatiques dans un organe super étatique ou supranational ». La définition fournie par la doctrine est similaire puisqu'elle le définit comme « le résultat d'un processus au terme duquel les Etats initialement indépendants et souverains sont partiellement ou totalement soumis à une autorité politique commune », 11 ou encore « un processus par lequel un groupe de Nations arrivent à prendre des décisions qui lient tous les Etats membres au moyen d'institutions collectives plutôt que nationales ». 12 Il s'agit plus prosaïquement d'un processus qui vise le transfert de certaines compétences par les Etats membres d'une institution à un organe juridiquement supérieur à ceux-ci.

La CEMAC prévoit donc une intégration complète basée sur les deux institutions précitées, intégration qui devra aboutir à la création d'un grand Marché Commun. Si les textes communautaires de la CEMAC ne donnent pas une définition précise à la notion de marché commun, on peut se référer à celle donnée par la jurisprudence communautaire européenne qui la définit comme « l'élimination de toutes les entraves aux échanges intracommunautaires en vue de la fusion des marchés nationaux dans un marché unique réalisant les conditions aussi proches que possible de celles d'un véritable marché ». 13 Allant dans le même sens, le législateur européen entend par marché commun un espace « caractérisé par l'abolition entre les Etats membres des obstacles à la libre circulation des marchandises, des services, des personnes et des capitaux ».14 C'est ayant cela à l'esprit que la CEMAC veut bâtir un espace intégré en consacrant les deux types d'intégration qui peuvent exister en matière économique, à savoir l'intégration réelle et l'intégration personnelle, encouragée en cela par la communauté des destins des populations des pays membres.

10 Lexique des termes juridiques, Dalloz 2002.

11 KOVAR (R) : « L'ordre communautaire des Communautés Européennes » in Jurisclasseur de droit international N°2, 1979, p.4.

12 LINDEN BERG cité par SOLE-NGAKOUTOU dans « Les tentatives d'intégration économique en Afrique Centrale : du projet BOGANDA à la CEEAC », Mémoire IRIC Yaoundé 1993, p.15.

13 CJCE 5 mai 1982, Schull, aff. 15/81 rec. pl. 409.

14 Article 14 du Traité de Maastricht

Par la première, nous entendons l'intégration conçue sous le prisme de la libre circulation des marchandises, des biens et des capitaux. Par la seconde, à savoir l'intégration personnelle, il est question d'assurer à tous les ressortissants des pays membres de la CEMAC, en tant que ressortissants de cet espace, une condition aisée sur toute l'étendue du territoire CEMAC, c'est-à-dire un bien-être certain dans tous les pays qui constituent cet espace.15 Le défi de la CEMAC sur cet angle n'est donc pas des moindres car il faut assurer à l'étranger ressortissant de la zone CEMAC une aisance certaine où qu'il se trouve sur le territoire de la Communauté à travers une consécration directe des privilèges, mais aussi, plus complexe, à travers une harmonisation des législations et des politiques nationales des Etats parties dans les matières visées.16

La notion d'étranger, terme central de ce travail, mérite d'être précisée. En effet, si ce mot désigne généralement un individu qui a une nationalité autre que celle d'un pays donné, ou qui n'en a pas du tout17, la nature de notre cadre d'étude commande que la définition de l'étranger renferme une petite spécificité ou une précision en raison de la nature du droit communautaire dans lequel nous évoluons. Ainsi, l'étranger au sens de ce travail désigne toute personne, ressortissant de la CEMC, n'ayant pas la nationalité d'un Etat membre donné dans lequel il se trouve, ou désire se rendre. Il ne s'agit donc pas des étrangers penitur extranei, c'est-à-dire des étrangers absolus, mais, plus simplement, des étrangers communautaires, entendus comme des ressortissants CEMAC se rendant ou résidant dans un Etat membre autre que le leur.

C'est dire que notre recherche se fixe pour cadre non seulement la zone CEMAC c'est-à-dire l'ensemble du territoire CEMAC couvert par les territoires des six pays la constituant, à savoir le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale, la RCA et le Tchad, mais aussi le droit CEMAC entendu comme la législation communautaire décrétée par

15 Le territoire de la CEMAC couvre quelque 2715344 km2 et la Communauté a une population évaluée à environ 30 millions d'habitants.

16 Le préambule de la Convention régissant l'UEAC affirme « la nécessité de favoriser le développement économique des Etats grâce à l'harmonisation de leurs législations et la mise en oeuvre des politiques communes ».

17 Lexique des termes juridiques, Dalloz, 2002. La définition donnée par les textes nationaux des six Etats de la CEMAC se réfère à celle-ci. V. loi N°97/012 du 10 janvier 1997 fixant les conditions d'entrée, de séjour et de sortie des étrangers au Cameroun ; loi N°23-96 du 06 juin 1996 fixant les conditions d'entrée, de séjour et de sortie des étrangers au Congo ; loi N°5/86 fixant le régime d'admission et de séjour des étrangers en République gabonaise ; loi du 13 mai 2011 portant réglementation de la nationalité équato-guinéenne ; loi N°60/79 du 27 janvier 1960 relative au séjour des étrangers sur le territoire de la RCA et le décret N°211 du 4 décembre 1961 fixant les conditions d'admission et de séjour des étrangers sur le territoire de la République du Tchad et leurs modifications subséquentes.

les instances communautaires et les droits nationaux en ce qui concerne la mise en application de la législation communautaire. Par ailleurs, l'objet du sujet étant constitué par le souci du bien-être des étrangers ressortissants communautaires dans les pays de la Communauté, sont exclus de son objet les sujétions imposées aux ressortissants communautaires sur le territoire de tous les Etats membres par le droit communautaire (comme c'est le cas en matière d'exécution des peines de justice prononcées par un tribunal étatique sur un autre territoire étatique, ou encore de coopération judiciaire pénale en matière de lutte contre la criminalité ). Sont également exclues les dispositions relatives aux catégories faisant l'objet de conventions internationales particulières auxquelles ont adhéré les Etats membres de la CEMAC à l'instar des réfugiés, tout comme les dispositions relatives à la condition des étrangers au sens du DIP.

L'intérêt suscité par ce travail est perceptible à plus d'un titre. En effet, il est question d'apporter notre contribution au diagnostic du degré d'intégration communautaire en zone CEMAC car la réussite du mouvement d'intégration au sein de la Communauté ne peut se passer de la reconnaissance préalable d'une condition aisée de tous les ressortissants communautaires quelle qu'en soit la nationalité et quel que soit le lieu où ils se trouvent, l'intégration personnelle conditionnant bien souvent l'intégration réelle. Par ailleurs l'intérêt de ce sujet est également perceptible en ce sens qu'elle implique une comparaison avec les modèles réussis d'intégration communautaire qui pourraient nous fournir des perspectives et des leçons à tirer.

Dès lors, la problématique qui se dégage de cette étude est constituée par la question de savoir si l'étranger ressortissant de la CEMAC bénéficie d'une condition confortable dans les pays de la Communauté. En d'autres termes, la CEMAC et les Etats qui la composent sont-ils déterminés à assurer l'intégration personnelle de la Communauté en garantissant à l'étranger ressortissant de la Communauté, sur l'ensemble des territoires des Etats membres une situation comparable à celle des nationaux ? En zone CEMAC, les étrangers communautaires sont-ils également traités que les nationaux ? Il est alors question pour nous de déterminer si le ressortissant communautaire est, partout au sein de la Communauté, chez lui et si en l'état actuel de l'intégration personnelle, on est proche d'une nationalité communautaire. A cet effet, l'observation à priori du mouvement d'intégration personnelle en zone CEMAC montre une certaine lenteur et un retard dans la volonté des acteurs du processus. Ces questions obligent également à reconnaître que ce processus est témoin d'une

évolution à vitesse variable selon qu'on se trouve dans l'un ou dans l'autre pays membre de la Communauté.

Pour y parvenir, deux approches méthodologiques s'imposent à nous car il faudra combiner l'approche analytique qui nous permettra de passer au peigne fin et de décrypter les dispositions communautaires qui traitent de la situation des étrangers ressortissants communautaires en zone CEMAC, et l'approche comparative qui nous permettra de procéder à la confrontation des législations nationales en ce qui concerne l'application des normes communautaires, mais aussi à la comparaison du degré d'intégration personnelle avec les autres expériences d'intégration communautaire qui peuvent nous servir d'exemple ou de référence.

La question de la condition des étrangers en zone CEMAC est donc une préoccupation capitale pour parachever le processus d'intégration en Afrique Centrale. Le législateur communautaire l'a compris, lui qui a pris des actes témoignant de ses efforts de reconnaissance à l'étranger communautaire une condition confortable (première partie). Cependant, des motifs de protection des Etats ainsi que les réticences de ceux-ci à l'application du droit communautaire amènent à observer une survivance des discriminations à l'encontre de ces étrangers (deuxième partie).

PREMIERE PARTIE
UNE PRUDENTE RECONNAISSANCE D'UNE CONDITION
CONFORTABLE DES ETRANGERS EN ZONE CEMAC

Le droit communautaire est une variante atypique du droit international en ce que dans le cadre du droit communautaire, les Etats parties conviennent d'une dévolution de certaines de leurs compétences à l'institution communautaire, ce qui déroge au droit international classique. C'est ce qui explique que dans le cadre du droit communautaire, on est souvent proche de la nationalité commune (ou communautaire), ce que ne prétend pas faire le droit international classique. La raison est que les Etats membres d'une organisation communautaire entendent conférer à leurs ressortissants respectifs des droits identiques et communs qui leurs sont reconnus en leur seule qualité de ressortissants de la Communauté.

C'est ce qui est remarquable au sein de la CEMAC car les Etats membres attestent de leur volonté de doter leurs ressortissants d'une condition privilégiée sur le territoire de la Communauté du fait de leur appartenance à celle-ci. La lecture des différents textes épars communautaires nous permet de déceler une volonté prudente des responsables de la CEMAC de conférer à l'étranger ressortissant communautaire une condition confortable dans tous les pays de la Communauté. Le geste est qualifié de prudent non seulement parce que les droits consacrés au profit des étrangers ressortissants communautaires ne le sont qu'en direction de catégories précises et laissent de côté les autres catégories d'étrangers, mais aussi en raison du fait que ces droits ne couvrent pas tous les aspects de la vie des ressortissants. Pourtant, au regard du modèle européen, et même de l'exemple ouest-africain de la CEDEAO, une plus large reconnaissance des droits en faveur des étrangers ressortissants communautaire s'impose.

Cependant, dans le cadre de la CEMAC, la prudence observée dans la volonté du législateur peut trouver une explication dans la relative jeunesse du mouvement d'intégration dans la sous région qui veut éviter de tomber dans le même piège de l'UDEAC,18 ce qui impose qu'une démarche prudente soit adoptée dans l'optique d'une intégration personnelle peut-être lente, mais sûre. Néanmoins, à travers les textes communautaires, on perçoit une reconnaissance en faveur de tout ressortissant communautaire de la faculté de se déplacer sur le territoire de toute la Communauté, soit en tant que travailleur, soit pour s'y établir, soit en tant que prestataire de services (chap. 1). Par ailleurs, consciente de l'insuffisance de ce premier mouvement dans l'optique d'une intégration personnelle réussie, la CEMAC a bien voulu élargir le confort des ressortissants de la Communauté à l'intérieur de celle-ci à des

18 Cf. introduction générale.

domaines aussi variés que la justice, l'enseignement, la recherche et la formation professionnelle (chap. 2).

CHAPITRE I
LA PRUDENTE CONSECRATION DES LIBERTES DE CIRCULATION,
D'ETABLISSEMENT ET DE PRESTATION DE SERVICES

Le traité instituant l'UDEAC consacrait déjà le principe de la libre circulation des facteurs de production au sein de l'Union, même s'il est resté très évasif sur les précisions juridiques du concept. En effet, à ce sujet, ledit Traité renvoyait purement et simplement aux dispositions de la Convention sur la libre circulation des personnes et le droit d'établissement signée par les Etats dans le cadre de l'Union Africaine et Malgache, qui elle, n'était qu'une organisation politique non durable regroupant les anciennes colonies françaises d'Afrique.19 La Convention commune de Brazzaville20 marque une volonté politique de la part des Etats de conférer aux ressortissants de l'Union la possibilité de se mouvoir sur toute son étendue. Cependant, comme signalé plus haut, il ne s'agit que d'une consécration qui ne tient en compte que les productifs, à savoir, les touristes, hommes d'affaires, travailleurs et professionnels indépendants.21

La CEMAC va continuer dans la même lancée et va conférer la possibilité de se déplacer sans entraves dans la Communauté à une catégorie bien déterminée de personnes, d'où sa volonté est qualifiée de prudente (section 1). Le législateur communautaire considère en outre que le libre établissement ainsi que la libre prestation des services constituent les corollaires de la libre circulation des personnes22 (section 2). Il y a donc une nette évolution par rapport à la Convention UDEAC précitée puisque celle-ci ne prévoyait pas la libre prestation des services.

Section 1 : LA LIBERTE DE CIRCULATION

C'est l'aspect le plus saillant et sans doute le plus important de tout processus d'intégration. En effet, la doctrine estime, non sans raison, que la libre circulation des ressortissants d'une Communauté intégrative marque bien souvent le pas propulseur qui ouvre la voie à toutes les autres libertés communautaires.23 C'est dire toute l'importance qui est attachée à cette liberté à laquelle le législateur communautaire a voulu rester fidèle. L'article 27 alinéa (a) de la Convention régissant l'UEAC fixe les tenants et les aboutissants de cette

19 Cf GNIMPIEBA TONNANG (E) : La libre circulation des personnes et des services en Afrique Centrale : entre consécrations théoriques et hésitations politiques » in Juridis Périodique N° 71 Juillet-Août-Septembre 2007, p.87.

20 Il s'agit de la Convention Commune sur la libre circulation des personnes et le droit d'établissement dans l'Union Douanière et Economique des Etats de l'Afrique Centrale signée à Brazzaville le 22 décembre 1972.

21 Article 2 Convention précitée.

22 Ces trois notions sont traitées dans un seul et même article, à savoir l'article 27 de la Convention régissant l'UEAC.

23 HREBLAY (V) : La libre circulation des personnes. Les accords de Schengen PUF Politique d'aujourd'hui,, 1997, page 11.

liberté, et comme nous l'avons dit plus haut ne l'accorde qu'aux seuls agents économiques (para. 1). Par ailleurs, de nombreux droits sont rattachés à cette liberté de circulation (para. 2).

Para. 1 : LE CARACTERE RESTRICTIF : LA LIBRE CIRCULATION DES SEULS
AGENTS ECONOMIQUES

Prévue à l'article 2 alinéa (c) au titre des objectifs de l'Union Economique, la libre circulation est échelonnée dans sa réalisation par les articles 4 et 5 qui prévoient successivement son initiation au cours de la première étape de cinq ans et son accomplissement à l'issue d'une période de dix ans à compter de l'entrée en vigueur de la Convention sur l'Union Economique. Elle est ensuite précisée à l'article 13 comme condition de réalisation du Marché Commun et n'est finalement vraiment traitée qu'à l'article 27. Cet article est sans équivoque en ce sens qu'il ne parle de la libre circulation que « des travailleurs ou de la main d'oeuvre ». C'est dire que le législateur n'a voulu étendre cette liberté qu'aux seuls agents économiques, contrairement à ce qui a cours dans l'Union Européenne où la seule condition exigée pour bénéficier de la libre circulation des personnes est d'être ressortissant de l'Union.24 Seuls sont donc bénéficiaires de la libre circulation en zone CEMAC les travailleurs et la main d'oeuvre, et toute la difficulté réside alors dans la définition de la notion de travailleur.

La tâche est d'autant plus ardue que les textes communautaires ne donnent aucune définition à cette notion. Et pour en cerner les contours, on doit recourir à celle donnée par les textes nationaux en matière de travail, et aussi à celle offerte par le droit communautaire européen à laquelle le droit CEMAC devrait, en la matière, s'inspirer.

D'abord, la lecture combinée des dispositions des codes de travail nationaux des Etats membres de la CEMAC25 permet de considérer comme travailleur (ou salarié) toute personne physique qui exerce une activité économique, que celle-ci découle ou non de l'exécution d'un contrat de travail, le tout étant que l'activité concernée « soit économique, c'est-à-dire

24 Le propos mérite d'être tempéré puisque l'état actuel de la libre circulation des personnes en UE n'est que le résultat d'un travail progressif. En effet, à une période du processus d'intégration en UE, on a vécu un moment où seuls les travailleurs bénéficiaient de l'application effective du principe de la libre circulation des personnes énoncé par l'article 3 alinéa (c) du traité instituant la Communauté Européenne. Confère article 48 traité CE.

25 Il s'agit des articles 23 alinéa 1 de la loi N°92/007 du 14 août 1992 portant Code de travail de la République du Cameroun, 3 de la loi N°038/PR/96 du 11 décembre 1996 portant code de travail de la République du Tchad, 5 de la loi N°45/75 du 9 mai 1975 portant Code de travail du Congo, 16 de la loi N°17/92 du 22 septembre 1992 portant Code de travail de la RCA et 4 de la loi N°17/92 du 17 janvier 1992 portant Code de travail du Gabon.

s'effectue contre rémunération ».26 C'est dire que pour tous les codes de travail nationaux des Etats membres, le mode d'exercice de l'activité importe finalement peu. Si cette définition de la notion de travailleur donnée par les différents textes nationaux est assez satisfaisante, il demeure que le risque reste dans ces Etats une dilution de la notion. Il faut alors que cette notion ait une signification communautaire.

Pourtant, en instituant la libre circulation des travailleurs, l'article 27 précité a bien voulu donner à la notion de « travailleur » une portée communautaire. Il est alors important qu'une définition précise de la notion soit donnée de façon à avoir une ampleur communautaire, et de ce fait éviter que chaque Etat membre ne donne au terme une définition qui pourrait avoir pour effet de modifier son contenu et par voie de conséquence de réduire le nombre de bénéficiaires de cette liberté. A cet effet, on peut se référer à la définition donnée par le juge européen dans l'affaire Lawrie-Blum.27 Le juge européen considère dans cette affaire qu'est un travailleur « celui qui travaille sous la direction d'une autre personne et obtient en contrepartie une rémunération ». Le droit positif CEMAC a un intérêt certain à se conformer à cette précision afin de ne tenir compte lors de la définition de la notion de travailleur, que des trois critères retenus dans l'affaire Lawrie-Blum, à savoir l'effectivité de l'activité (A), le lien de subordination (B), et la rémunération (C).

A- La réalité et l'effectivité de l'activité

La notion de travailleur ne doit concerner que ceux qui exercent des « activités réelles et effectives, à l'exclusion des activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires »28. Ainsi, sont couvertes les personnes qui exercent une activité salariée à temps partiel, que les ressources tirées de cette activité leur soient suffisantes ou qu'elles soient obligées de les compléter par d'autres revenus provenant d'autres sources. C'est dire que la faible productivité de l'activité concernée ne peut concourir à priver à la personne qui l'exerce la qualité de travailleur et du droit de libre circulation.29

A signaler que la jurisprudence européenne ne considère en revanche pas comme activités réelles et effectives celles qui ne constituent qu'un moyen de réinsertion et de rééducation qui permet à l'intéressé de retrouver, à l'échéance, toutes ses capacités physiques

26 MBENDANG EBONGUE (J) : Droit du travail et de la prévoyance sociale, Cours polycopié de Licence Université de Yaoundé II-Soa 1995/1996, p.14, cité par GNIMPIEBA TONNANG (E) in article op. cit.

27 CJCE, aff. 66/85 Lawrie-Blum 3 juillet 1986 Rec.2121.

28 MARTIN (D) : La libre circulation des personnes dans l'Union Européenne, Bruylant Bruxelles 1995, p.35.

29 Ibid

ou morales, même si ladite activité est rémunérée.30 Une telle position nous semble adéquate et transposable en zone CEMAC, surtout qu'au terme de cette activité transitoire, l'intéressé peut parfaitement se retrouver dans une catégorie lui permettant de bénéficier de la libre circulation, à savoir qu'il peut décrocher un travail ou se retrouver dans la situation d'un chercheur d'emploi.31

B- Le critère de subordination

Pour bénéficier de la qualité de travailleur communautaire, la prestation doit être effectuée en faveur d'une autre personne ou sous sa direction et peut importe que celle-ci soit une personne physique ou morale. Bien plus, la qualité de travailleur sera reconnue, nous semble-t-il, à une personne travaillant pour une autre qui elle-même travaille sous la direction d'une troisième.

En gros, on dira que l'existence d'un lien de subordination doit être recherchée dans tous les critères et circonstances qui peuvent caractériser les relations entre les parties, à savoir la participation aux risques commerciaux de l'entreprise, ou encore la faculté ou non de choisir ses propres horaires ou de recruter ses propres assistants, la capacité de l'une des parties à donner les ordres à l'autre, etc.

C- Le critère de rémunération

Ce critère de rémunération est satisfait même si cette rémunération est inférieure au salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG). Par ailleurs, peu importe l'origine des ressources servant à la rémunération du travailleur, qu'elles proviennent de l'activité exercée par le travailleur ou de toute autre profession de l'employeur. Il faudra aussi considérer ce critère comme rempli quelle que soit la forme de rémunération. C'est dire que la rémunération peut même être versée en nature (nourriture, logement, habillement, etc.), elle n'en demeure pas moins une dès lors qu'elle « peut être considérée comme une contrepartie indirecte de la prestation fournie par l'intéressé ».32

Au demeurant, la notion de travailleur dans l'ordre juridique communautaire de la CEMAC devrait bénéficier d'une définition et une application extensives. Il est question de conférer cette qualité à un nombre large de personnes et d'éviter une interprétation trop

30 CJCE, Bettray, 6 juillet 1989, Rec. P.1621.

31 Voir infra, Para. 2, B, 1.

32 MARTIN (D): op. cit.

restrictive de cette notion qui contribuerait à limiter les bénéficiaires de la libre circulation et des droits qui lui sont attachés.

Para. 2 : LES IMPLICATIONS DE LA LIBRE CIRCULATION DES TRAVAILLEURS

Il s'agit de parler ici des droits reconnus aux bénéficiaires de la libre circulation. Les travailleurs communautaires bénéficient ainsi de divers avantages qui leur sont reconnus en leur qualité de travailleurs. Le législateur communautaire reconnaît que pour que cette libre circulation soit effective, il faut éliminer toutes les discriminations fondées sur la nationalité (A), reconnaître au profit des travailleurs des droits d'entrée, de se déplacer et de séjourner sur tous les territoires des Etats membres (B).

A- L'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité

Cette interdiction découle de l'article 27, alinéa (a) paragraphe 2 d'après lequel la libre

circulation des travailleurs implique « l'abolition dans un délai maximum de cinq ans de toutes les discriminations fondées sur la nationalité entre les travailleurs des Etats membres, en ce qui concerne la recherche et l'exercice de l'emploi ». Cette abolition des discriminations fondées sur la nationalité participe d'une « extension du traitement national en faveur des ressortissants de tout Etat membre se trouvant légalement sur le territoire d'un autre Etat membre en vue d'y exercer une activité salariéei3 et constitue une sérieuse limite « du principe, bien établi dans la plupart des Etats, selon lequel l'étranger n'a pas le même statut que le national ».34 Il est donc interdit à tout Etat membre de fixer des conditions ou de les appliquer en direction des autres ressortissants communautaires installés sur son territoire. L'interdiction énoncée dans ces dispositions vaut autant en ce qui concerne la recherche de l'emploi, son exercice, la rémunération ainsi que toutes les autres conditions de travail. C'est dire que lors du recrutement des travailleurs, des conditions supplémentaires ne doivent pas être exigées des étrangers ressortissants de la Communauté, pas plus d'ailleurs que ceux-ci ne peuvent bénéficier des avantages moindres dans l'exercice de leur travail par rapport aux nationaux. En un mot, et façon plus simple, on dira que les législations nationales des Etats membres devront reconnaître aux travailleurs migrants d'origine communautaire le droit de

33 Ibid, p.43

34 GUIMEZANES (N) : La circulation et l'activité économique des étrangers dans la Communauté Européenne. Droit communautaire droits nationaux Nouvelles éditions Fiduciaires 1999, p.49.

rechercher et d'exercer une activité salariée « conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux ».35

Par ailleurs, l'application de l'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité en zone CEMAC doit s'entendre de manière large, c'est-à-dire prendre en compte les discriminations ostensibles et notoires à l'égard des travailleurs migrants d'origine communautaire, mais aussi les discriminations déguisées, c'est-à-dire « toutes autres formes dissimulées de discriminations qui, par application d'autres critères de distinction aboutissent en fait au même résultat ».36 Il s'agit, à travers la notion de discriminations déguisées, de sanctionner le moindre fait discriminatoire qui aurait pour effet de mettre en mal la libre circulation des travailleurs communautaires. C'est dans ce sens que la jurisprudence européenne a pris le soin de préciser que compte tenu du caractère impératif des dispositions relatives à l'interdiction de discriminations, celle-ci s'applique indifféremment aux législations émanant d'organismes publics que privés.37 Cette position nous semble bonne.

L'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité inclut également la notion d'avantages sociaux et fiscaux. En Europe, cette notion fait l'objet d'une réglementation particulière,38 preuve de son importance capitale. La notion d'avantages sociaux désigne ainsi « tous ceux qui, liés ou non à un contrat d'emploi, sont généralement reconnus aux travailleurs nationaux, en raison principalement de leur qualité objective de travailleurs ou du simple fait de leur résidence sur le territoire national et dont l'extension aux travailleurs ressortissants d'autres Etats membres apparaît dès lors comme apte à faciliter leur mobilité à l'intérieur de la Communauté ».39 C'est donc une notion qui couvre des réalités si diverses qu'une énumération exhaustive devient sinon impossible, du moins très difficile. On dira à titre indicatif que rentrent dans cette catégorie d'avantages sociaux les différentes allocations octroyées aux travailleurs en raison de leur situation particulière, les différentes prestations sociales garantissant un minimum d'existence, l'inscription dans un établissement à caractère social du pays d'accueil et la jouissance des avantages fournis par cet établissement, etc., ainsi que l'octroi des facilités de déplacement.

35 Article 48 paera.3 (c) (39 nouveau) du traité UE

36 CJCE, Aff Sotgiu 152/73 12 février 1974 Rec. P.153.

37 CJCE, Aff Walrave 8 juillet 1974 1405.

38 Article 7 para.2 du règlement 1612/68 d'application de l'article 48 (39 nouveau) du traité UE.

39 MARTIN (D) : Op. cit., p.167

B- Le droit de circuler, de séjourner et le droit de demeurer

Ce sont les effets directs de la libre circulation. L'article 27, alinéa (a) para. 3 et 4 confère au travailleur migrant d'origine communautaire la possibilité d'entrer, de se mouvoir et de séjourner sur le territoire de tout Etat membre (1), et le droit de demeurer établi sur celui-ci (2).

1- Le droit d'entrer, de déplacement et de séjour

Tout travailleur communautaire bénéficie du « droit d'entrée, de se déplacer et de séjourner sur le territoire des Etats membres ».40 Cette disposition vise à réaliser le libre accès des travailleurs à des emplois offerts dans d'autres Etats membres de la Communauté en interdisant toute restriction à leur déplacement à l'intérieur des celle-ci, qu'il s'agisse des restrictions à l'accès au territoire national, ou à la circulation à l'intérieur de celui-ci. Il s'agit là du droit d'entrer et de déplacement qui implique la reconnaissance au profit des travailleurs de quitter le territoire de leurs pays d'origine respectifs et traverser les frontières internes de la Communauté41 pour s'installer sur le territoire des autres Etats membres sans se voir exiger d'autres conditions que celles imposées par le législateur communautaire, d'une part, et d'autre part d'y circuler librement une fois entrés. Nul besoin pour cela que l'autorité compétente du pays d'accueil délivre un visa pour l'entrée ou un laissez-passer pour le déplacement.

D'autre part, le droit de séjour implique que le travailleur migrant d'origine communautaire bénéficie du droit de séjourner, c'est-à-dire de rester et de s'installer sur le territoire de tout Etat membre où il travaille ou entend travailler. La jurisprudence européenne précise que ce droit est acquis indépendamment de la délivrance par l'autorité compétente de l'Etat d'accueil de tout titre de séjour, la seule condition requise étant l'exercice d'une activité économique.42 Il s'agit d'une position louable car subordonner ce droit à la délivrance par l'autorité nationale d'un titre de séjour reviendrait à lui laisser l'arbitrage et l'appréciation de qui serait ou pas apte à en bénéficier, ce qui nous semble contraire à la volonté du législateur communautaire.

40 Article 27 alinéa (a) para. 3 Convention régissant l'UEAC.

41 Selon l'article 1 de la Convention d'application de l'Accord de Schengen, sont frontières intérieures « les frontières communes terrestres des parties contractants ainsi que leurs aéroports pour les vols intérieurs et leurs ports maritimes pour les liaisons régulières de transbordeurs qui sont en provenance ou à destination exclusive d'autres ports sur le territoire des parties contractantes, sans faire escale dans ces ports en dehors de ces territoires ».

42 CJCE, Aff. 495 Royer, 1976 ; CJCE Aff. 1263 Commission/Allemagne « logement », 1989.

Il importe de mentionner que tous ces droits doivent aussi être reconnus au chercheur d'emploi. En particulier le droit de séjour doit lui bénéficier, même si les textes communautaires ne le prévoient pas expressément. Pourtant, si leur statut de chercheur d'emploi commande une application un peu particulière du droit au séjour, cela est dû au fait qu'ils ne sont pas des travailleurs au sens plein du terme. Il convient tout de même de leur accorder un délai raisonnable qui leur permettrait de prendre connaissance sur le territoire de l'Etat membre d'accueil des offres d'emploi correspondant à leur qualification professionnelle. Mieux encore, si à l'issu de pareils délais, l'intéressé rapporte la preuve qu'il continue de chercher un emploi, et surtout qu'il a de sérieuses chances d'être embauché, il est convenable de le laisser continuer à bénéficier de son droit de séjour.

Quoi qu'il en soit, le ressortissant d'un Etat membre perd son droit au séjour dans un autre Etat membre dès lors qu'il perd la qualité de travailleur, c'est-à-dire lorsqu'il cesse d'avoir dans ce pays un emploi salarié avec rémunération, à moins de satisfaire aux conditions du droit de demeurer.

2- Le droit de demeurer établiLe travailleur étranger ressortissant de la CEMAC a le droit de demeurer établi dans le

pays d'accueil, même en l'absence d'un emploi salarié dès lors qu'il satisfait « à la condition d'y avoir exercé un ou plusieurs emplois pendant une période d'au moins quinze ans, [ou] de pouvoir justifier de moyens de subsistance ».43 Le droit de demeurer établi constitue le corollaire des droits de circuler et de séjourner, mais à la différence de ceux-ci, celui-là intervient à la fin de la qualité de travailleur, c'est-à-dire au moment où l'intéressé cesse d'exercer une activité économique. C'est donc une consécration louable qui donne la possibilité au travailleur de demeurer dans son pays d'accueil une fois son travail achevé, de faire et organiser sa vie dans un pays qu'il connait désormais bien et dans lequel il pourrait avoir lié des relations lui permettant de s'intégrer parfaitement. Il est tout de même entouré de deux conditions alternatives :

> soit l'intéressé doit fournir la preuve d'avoir exercé une ou plusieurs activités

économiques pendant au moins une durée de quinze ans dans le pays d'accueil. Le
texte ne précise pas si cette période de quinze ans doit être continue ou alors si elle
peut être la somme des périodes successives et entrecoupées de travail passées dans le

43 Article 27 alinéa (a) para. 4 Convention régissant l'UEAC.

pays concerné. En l'absence de précision textuelle, nous pensons que la deuxième alternative doit être prise en compte pour rendre mieux compte du droit conféré ;

> soit l'intéressé doit, à défaut de totaliser ces quinze ans, fournir la preuve des moyens de subsistance propres qui lui permettront de mener une vie décente, ce qui lui éviterait d'être une charge pour la société. La nature et la consistance de ces moyens de subsistance doivent être fixées par un règlement du Conseil des Ministres de l'UEAC. Ce règlement est toujours attendu et nous déplorons le vide laissé autour d'une notion aussi importante pour l'intégration personnelle. Toutefois, nous plaidons pour une somme qui, sans être exorbitante et de nature à écarter un trop grand nombre d'étrangers communautaire, évitera tout de même que des aventuriers sans revenus soient appelés à rester sur les territoires des pays d'accueil à la charge de la société. Quoi qu'il en soit, ce règlement doit plaider en faveur d'une application unanime des modalités d'exercice de la liberté de circulation et posera les bases d'une harmonisation des législations nationales en la matière.

C- L'harmonisation des règles nationales en matière sociale : une condition d'efficacité de la libre circulation des personnes

Cette prescription imposée par le paragraphe 1 de l'alinéa (a) article 27 de la Convention régissant l'UEAC vise la facilitation du processus de libération des frontières internes à l'égard des travailleurs communautaires. En effet, cette oeuvre d'harmonisation des législations nationales constitue une garantie non négligeable de l'effectivité de la libre circulation des travailleurs et doit se faire à deux niveaux :

D'abord, il faut une harmonisation « des dispositions pertinentes des codes de travail nationaux » qui commande une collaboration entre les Etats membres en vue de mettre communément en oeuvre les dispositions communautaires dans leurs législations nationales sur le travail. Il s'agit à n'en pas douter d'une tâche qui n'est pas des moindres et qui peut constituer le talon d'Achille de la libre circulation des travailleurs en CEMAC. Heureusement, on est en droit d'amoindrir notre inquiétude en ce sens car le travail d'intégration juridique opéré par l'OHADA44 dans l'ensemble des pays de la zone franc, dont tous ceux de la CEMAC, plaide forcement en faveur d'une unité de régime en ce qui concerne

44 L'OHADA (Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) qui voit le jour en 1993 à Port Louis au Sénégal vise la rationalisation et l'amélioration de l'environnement juridique des affaires et des entreprises.

les dispositions relatives au travail dans les pays de la CEMAC. Et pour cela, le projet d'Acte Uniforme sur le droit du travail dans l'espace OHADA en cours d'étude serait la bienvenue en CEMAC.

Ensuite, l'harmonisation vise les « dispositions législatives et réglementaires applicables aux régimes et organismes de protection sociale ». Il s'agit ici d'une harmonisation des dispositions relatives aux établissements et organes qui offrent aux travailleurs toutes sortes d'avantages sociaux, ce qui pourrait fortement conditionner la mobilité des travailleurs au sein de la Communauté. La tâche est tout aussi grande ici, mais comme précédemment, les Etats de la CEMAC sont en cela aidés par les conventions internationales auxquelles ils font tous partie et qui viennent à point nommé contribuer à l'harmonisation des législations des organismes de protection sociale. Il s'agit des Conventions OCAM45 dont les objectifs étaient au départ, l'un de coordonner les systèmes nationaux de protection sociale des pays membres, et l'autre de favoriser la coopération entre les organismes nationaux de sécurité sociale ; et CIPRES46 dont l'objectif est de relancer l'oeuvre d'harmonisation entamée par la Convention OCAM.

La question se pose alors de savoir si l'harmonisation dont il est question en zone CEMAC exige une refonte totale et la mise en place d'un nouveau cadre législatif commun, ou alors une transposition pure et simple des dispositifs OCAM et CIPRES. La doctrine pense à ce sujet qu'une refonte totale du dispositif n'est pas nécessaire et que, le cas échéant, la législation CEMAC sur la protection sociale des travailleurs devrait, «tout en reprenant les principes posés par les législateurs OCAM et CIPRES renforcer les procédures d'harmonisation des législations internes des pays membres »47, l'objectif étant de conférer au travailleur migrant d'origine communautaire une condition presque entièrement identique à celle du travailleur national.

Tous ces droits reconnus aux travailleurs communautaires constituent des modalités d'application de la libre mobilité de ces mêmes travailleurs au sein de la Communauté sans lesquelles elle resterait purement théorique. En effet, c'est parce que le travailleur est convaincu qu'il bénéficiera d'une condition aisée une fois dans le pays d'accueil qu'il peut

45 La Convention OCAM (Organisation Comptable Africaine et Malgache) a été signée le 8 septembre 1962 à Antananarivo à Madagascar, puis modifiée à Kinshasa au Zaïre le 28 janvier 1975 et à Kigali au Rwanda le 10 février 1977.

46 La Convention CIPRES, Conférence interafricaine de la Prévoyance Sociale.

47 GNIMPIEBA TONNANG (E) : Op. cit., p.87.

s'engager à rechercher un emploi dans ce pays. Il devra néanmoins pour cela avoir l'instrument requis.

Para. 3 : LE PASSEPORT CEMAC : INSTRUMENT D'ELARGISSEMENT DE LA
LIBRE CIRCULATION EN ZONE CEMAC ?

Le passeport CEMAC est l'instrument de libre circulation des personnes en zone CEMAC48. Sa délivrance relève de la compétence des différents Etats membres qui le font « dans les conditions habituelles de leur délivrance » en ce qui concerne les modalités des passeports nationaux.49

L'institution de cet instrument de libre circulation semble signifier que sa seule présentation suffise pour assurer à son détenteur une libre mobilité au sein de la Communauté puisque le texte parle d' « instrument de libre circulation ». Pourtant, une question nous interpelle : l'article 27 alinéa (a) de la Convention régissant l'UEAC n'ayant institué une libre circulation qu'en faveur des seuls travailleurs ou de la main d'oeuvre, complété par les textes sur la libre circulation des acteurs de l'enseignement, la recherche et la formation professionnelle, doit-on en déduire que le passeport CEMAC n'est délivré qu'en leur seule faveur ? La question est d'autant embarrassante que le règlement instituant ce passeport CEMAC ne donne pas de précision explicite en ce sens. Ceci étant, on pourrait partir d'une interprétation de la formulation du règlement qui parle des « citoyens et ressortissants des Etats membres de la Communauté »50 pour conclure que le passeport CEMAC est délivré à tous les ressortissants de la Communauté, donc même aux non travailleurs. On en vient alors à ce que l'institution du passeport CEMAC aurait pour effet et conséquence d'élargir les bénéficiaires de la libre circulation qui profiterait désormais à tout détenteur d'un passeport CEMAC, celui-ci pouvant être délivré à tout citoyen communautaire.

Si cette interprétation extensive du règlement instituant le passeport CEMAC aurait pour effet d'élargir les bénéficiaires de la libre circulation des personnes, il demeure qu'il pose un problème d'interprétation par rapport au texte de la Convention régissant l'UEAC qui est restrictif dans sa formulation en ce qui concerne les bénéficiaires du droit à la libre circulation. En effet, seuls sont pris en compte par ce texte les travailleurs communautaires et on pourrait logiquement s'interroger sur le sens à donner aux dispositions du présent

48 Article 1er du règlement N°1/00-CEMAC-042-CM-04 du 20 juillet 2000 portant institution et conditions d'attribution du Passeport CEMAC.

49 Article 2 in fine du règlement précité.

50 Article 2 du règlement CEMAC précité.

règlement. Celui-ci est donc extensif, celui-là restrictif. Question : puisque l'application de l'un écarte l'autre, lequel de ces deux textes doit être appliqué ? On serait tenté de dire que le règlement soit appliqué puisqu'il confère plus de droits aux étrangers ressortissants communautaires. Mais cette solution est juridiquement erronée puisqu'elle permettrait à un texte d'application relevant de ce qu'on appelle le droit communautaire dérivé, en l'occurrence le règlement instituant le passeport communautaire, d'être en contradiction avec le texte originaire, relevant de ce qu'on appelle le droit communautaire primaire, dont il n'est sensé fixer que les modalités d'application.51 Ceci nous montre à souhait que le passeport CEMAC est, en l'état actuel du droit communautaire, inutile. En effet, pour que ce passeport soit, comme le règlement l'indique, un instrument pouvant bénéficier à toute personne qui le détiendrait, il faudrait que le traité instituant l'UEAC soit modifié et institue une libre circulation de tous les ressortissants communautaires sur le territoire de la Communauté. Nous le préconisons fortement.

Il faut signaler que le passeport CEMAC n'est pas encore entré en vigueur. En effet, prévu pour être appliqué dès la signature du règlement,52 son entrée en vigueur a sans cesse été différée à l'initiative du Gabon et de la Guinée Equatoriale qui posent comme conditions un renforcement des mesures de sécurité aux frontières et une coopération policière plus poussée. Ils se disent être les plus exposés à une immigration forte et incontrôlée. A l'heure actuelle, l'application du passeport CEMAC obéit à une double vitesse, certains pays l'ayant déjà mis en circulation, et d'autres hésitant encore à le faire. Cette double vitesse conduit simplement à l'annulation de tout effet rattaché au passeport communautaire puisqu'aucun pays qui ne le met pas encore en circulation ne pourra admettre qu'il produise ses effets sur son territoire. Ceci nous amène à nous demander si ce passeport ne constitue pas plutôt un frein à la libre circulation des personnes en zone CEMAC, et si une simple carte d'identité nationale ne pourrait pas suffire à jouer le rôle de sésame pour l'accès dans le territoire des Etats de la Communauté et la jouissance des droits y afférents.

51 Article 26 de la Convention régissant l'UEAC.

52Article 7 du Règlement n°1/00-CEMAC-042-CM-04 du 20 juillet 2000 portant institution et conditions d'attribution du passeport CEMAC.

Section 2 : LES LIBERTES D'ETABLISSEMENT ET DE PRESTATION DE
SERVICES

Libertés d'établissement et de prestation de services sont deux notions voisines qui sont dans la plupart des cas employés ensemble. En effet, ces notions renvoient à des réalités bien proches en ceci que l'une et l'autre visent les activités indépendantes effectuées par le ressortissant étranger d'origine communautaire.

Para. 1 : LE LIBRE ETABLISSEMENT

En règle générale, le droit d'établissement implique le droit pour les ressortissants communautaires de s'installer sur le territoire d'un autre Etat membre que leur Etat d'origine, de quelle que manière que ce soit, à concurrence égale avec les nationaux dans le but d'exercer une activité indépendante. Le législateur CEMAC consacre ce droit dans des termes assez similaires lorsqu'il dispose que le droit d'établissement entraîne « l'accès pour les investisseurs de la sous région aux activités non salariées et à leur exercice ainsi qu'à l'acquisition, la constitution et la gestion d'entreprises dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement ».53 Une condition semble donc s'imposer à la jouissance de ce droit, à savoir, comme le reconnaît un auteur, « prouver son statut d'opérateur économique ou plus précisément celui d'investisseur, c'est-à-dire être propriétaire des capitaux ou d'un patrimoine destinés à la création d'entreprises ».54 C'est dire que les bénéficiaires du droit d'établissement sont limités (A), même s'il comporte plusieurs variantes (B).

A- Les bénéficiaires du droit d'établissement

La seule condition ayant déjà été précisée, à savoir avoir les fonds suffisants et nécessaires pour la création d'entreprises, il s'agit pour nous ici de préciser ceux qui peuvent rentrer dans la catégorie des « investisseurs » précisée par le texte. A ce sujet, on dira qu'il est évident qu'il s'agit des personnes physiques, c'est-à-dire les travailleurs salariés et la main d'oeuvre ainsi que toutes les autres personnes physiques désireuses de créer des entreprises sur le territoire de l'Etat choisi. Mais il faut reconnaître que ces personnes physiques ne sont pas les seules bénéficiaires de ce droit car il doit également être reconnu aux personnes morales dans la mesure où celles-ci peuvent participer à la création ou à l'acquisition du capital social

53 Article 27 alinéa (b) para.1 Convention régissant l'UEAC.

54 GNIMPIEBA TONNANG (E) : Op. cit. ; p.89.

ou intervenir dans le cycle de vie d'une société. On dira alors que le droit d'établissement s'applique aux personnes morales dès lors qu'elles sont constituées conformément au droit régissant la création des sociétés dans un Etat membre, étant entendu qu'un rattachement peut être décelé soit par l'implantation du siège social de la société ou de la personne morale, soit par la localisation de son administration centrale, soit enfin par son principal établissement à l'intérieur de l'espace CEMAC.

C'est dire que la notion d'«investisseurs » utilisée par le législateur communautaire doit être entendue de façon large, de manière à prendre en considération les personnes physiques et morales, afin de leur faire bénéficier des deux variantes du droit d'établissement.

B- Les variantes du droit d'établissement

De l'Union européenne à la CEMAC en passant par l'UEMOA, le bénéfice du droit d'établissement entraîne deux droits précis 55en ce sens que dans tous ces espaces, il implique l'accès aux activités non salariées (1) et la possibilité de créer et de gérer les entreprises (2).

1- L'accès et l'exercice des activités non salariées

La formation du Marché Commun CEMAC passe par la reconnaissance au profit des ressortissants des Etats membres de la possibilité d'exercer leurs activités économiques en s'établissant en tout lieu quelconque du territoire de la Communauté.

L'accès à une activité non salariée suppose que le ressortissant concerné doive pouvoir créer son centre d'activités économiques à l'intérieur de l'Etat d'accueil sans autres conditions que celles exigées aux nationaux. Ce droit vaut autant à l'égard d'un indépendant établi à l'intérieur d'un Etat membre et qui désire créer un centre d'activités dans un autre Etat membre, qu'à l'égard d'un travailleur salarié établi dans un Etat membre qui désire accomplir, en outre, un travail indépendant, que ce soit dans le même Etat ou dans un autre Etat membre. Il faut signaler que cet accès à une activité non salariée peut se faire dans les domaines aussi variés que l'industrie, le commerce, l'artisanat, l'agriculture et les professions libérales.

L'exercice des activités non salariées doit alors être conçu dans un sens très large car renferme aussi toutes les conditions nécessaires pour le fonctionnement effectif des activités créées. Interdictions est faite aux Etats membres de faire obstacle, d'une manière ou d'une

55 Article 52 (43 nouveau) du traité CE, 92 para. 3 du traité UEMOA et 27 alinéa (b) para.1 Convention régissant l'UEAC.

autre, à l'exercice des activités non salariées par les ressortissants migrants d'origine communautaire. Ils doivent procéder à la « suppression des restrictions à la libertés d'établissement [et de] toute gêne aux activités non salariées des ressortissants des autres Etats membres qui consistent en un traitement différentiel des ressortissants des Etats membres par rapport au nationaux, prévue par une disposition législative, réglementaire ou administrative d'un Etat membre ».56

2- L'acquisition, la constitution et la gestion d'entreprise

Les ressortissants de la Communauté disposent en vertu du droit d'établissement de la faculté d'acquérir une ou plusieurs entreprises sur le territoire de tous les Etats membres de la Communauté. C'est dire qu'ils peuvent acheter une entreprise mise en vente pour quelque raison que ce soit dans le territoire d'un Etat autre que le leur sans que leur qualité d'étranger leur soit un obstacle.

Ensuite, ils disposent de la faculté de constituer des entreprises, c'est-à-dire de créer les sociétés, tout comme ils disposent du libre choix de la forme juridique sous laquelle leur entreprise sera constituée.

Enfin, la gestion d'entreprise créées ou acquises est également consacrée comme le droit à eux reconnu d'administrer lesdites entreprises selon les dispositions législatives du pays d'établissement.

C'est le lieu de signaler que le droit d'acquisition, de constitution et de gestion d'entreprises découlant du droit d'établissement devrait également s'étendre à des établissements secondaires tels que les agences, les filiales et les succursales. Aussi, il faut dire que l'exécution de tous ces droits d'après la législation de l'Etat d'accueil ne devrait pas causer des difficultés d'application en CEMAC car la gestion, l'acquisition de même que la constitution des sociétés dans tous les pays de la CEMAC sont régies par les textes de l'OHADA, en l'occurrence l'Acte Uniforme sur les sociétés commerciales et les groupements d'intérêt économique. C'est dire, une fois de plus qu'on assiste à une unité de régime en la matière dans tous les Etats membres.

Au demeurant, le droit d'établissement confère à tous les ressortissants communautaires une condition comparable à celle des nationaux à travers l'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité. Même si les textes ne le précisent pas, il est clair qu'il leur est reconnu le droit d'entrer, de circuler et de séjourner librement sur le territoire de

56 MARTIN (D) : La libre circulation des personnes dans l'Union Européenne, op. cit.

l'Etat d'accueil, faute de quoi cette liberté ne serait que vains mots. En plus, il doit leur être reconnu le droit de demeurer sur ce territoire dès lors que pour gérer une activité libérale ou une entreprise commerciale, il est indispensable de pouvoir s'établir sur le territoire de l'Etat d'accueil. On est donc en présence d'une situation proche de celle conférée par la libre circulation des travailleurs et de la main d'oeuvre. Le droit au libre établissement est donc plus proche de la libre circulation des travailleurs que de la libre prestation des services à laquelle il est traditionnellement associé.

Para. 2 : LA LIBRE PRESTATION DES SERVICES

Cette liberté est assurée par l'article 27 alinéa (c) de la Convention régissant l'UEAC. Cependant, le législateur communautaire n'a fait que consacrer ladite liberté sans en définir précisément les contours. En se fondant sur le droit communautaire comparé, nous tenterons de donner un contenu précis à la notion (A) ainsi qu'à son champ d'application (B).

A- La notion de prestation de services

La notion de prestation de services n'est pas aisée à définir car c'est une notion qui intervient au carrefour des autres libertés communautaires consacrées. Deux critères sont souvent requis pour la définir :

D'abord, il faut qu'il s'agisse d'activités économiques, c'est-à-dire des « services quiinterviennent de façon directe dans les coûts de production ».57 Ce premier critère est souvent

rempli par l'existence des bénéfices générés par le service rendu. Cependant, pour éviter toute confusion, le législateur européen précise que les activités économiques en question ne sont considérées comme services que pour autant qu'elles « ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes ».58 En effet, il est évident que plusieurs aspects de toutes ces libertés se rencontrent et la précision du législateur européen intervient pour faire la part des choses.

Ensuite, le service objet de la prestation doit être fait contre rémunération entendue comme la contrepartie fournie par le destinataire, de commun accord avec le prestataire de service. C'est dire qu'en principe, un service rendu gratuitement ou sans contrepartie ne bénéficiera pas de cette liberté. Cependant, il faut considérer que la contrepartie dont il s'agit ne doit pas forcément être versée par les destinataires directs du service rendu. L'exemple pris

57 Article 27 alinéa (c), para.1 de la Convention régissant l'UEAC.

58 Article 60 alinéa 1 du Traité UE.

est celui d'une émission de télévision par un organisme émetteur établi dans un pays membre, mais diffusée par câble par une entreprise établie sur un autre pays membre à ses clients. La doctrine estime qu'une telle émission doit être « considérée comme un service même dans le cas où les redevances ne sont pas perçues par l'organisme émetteur ».59 Bien plus, la contrepartie peut être fournie en nature.60

On dira alors que la libre prestation s'applique à des services entendus comme des activités économiques effectuées contre rémunération. Reste à déterminer son champ d'application pour une compréhension complète de la notion.

B- Le champ d'application de la libre prestation des services

Ce champ d'application comprend deux éléments :

D'abord un champ d'application personnel. A ce sujet, la libre prestation des services « bénéficie aux personnes physiques et morales visées au paragraphe b ».61 C'est dire qu'autant une personne physique que morale peut prétendre à cette liberté soit en tant que prestataire, soit en tant que bénéficiaire ou destinataire de la prestation. C'est pourquoi la doctrine parle, non d'une simple libre prestation de services, mais mieux, « d'une libre circulation des prestataires et destinataires des services ».62

D'autre part, un champ d'application matériel qui commande que l'on s'attarde sur non pas la nature des services visées, (ceci ayant déjà été étudié dans le cadre de la notion même de prestation de services), mais sur la caractéristique du service dont il est question. Et à cet effet, pour qu'une prestation relève de cette liberté communautaire, « ses éléments ne doivent pas se cantonner à l'intérieur d'un seul Etat membre ».63 L'application de cette condition est relativement facile et rapidement admise lorsque le prestataire de services se déplace lui-même sur le territoire de l'Etat membre dans lequel réside le destinataire de la prestation. C'est l'hypothèse ostensible. Cependant, il importe de préciser que la libre prestation des services s'applique tout aussi lorsque c'est le destinataire qui se déplace pour en bénéficier soit sur le territoire de l'Etat membre sur lequel est établi le prestataire, soit sur le territoire de l'Etat membre sur lequel la prestation a été fournie. Ce qui compte alors, c'est l'existence d'un élément transfrontalier, que celui-ci soit constitué par le déplacement du

59 VIVANT (M) (Sous la direction de) : Droit communautaire et liberté des flux transfrontières, LITEC 1988, p.19.

60 CJCE, Aff. 6159, Steymann, 1988.

61 Article 27 alinéa (b) para.2 de la Convention régissant l'UEAC.

62 MARTIN (D) : La libre circulation des personnes dans l'Union européenne, op. cit., p.94.

63 CJCE, Aff. 52/79 Debauve, 18 mars 1980, Rec.1980, p.833.

prestataire ou du destinataire (ou des deux) ; ou, en l'absence de déplacement de leur part, par le fait que c'est la prestation elle-même qui traverse les frontières, ou encore par le lieu d'exécution de la prestation dès lors que celle-ci n'a pas été fournie dans l'Etat où sont établis le prestataire et le destinataire.

Les droits reconnus aux bénéficiaires de la libre prestation des services ne doivent pas être substantiellement différents de ceux reconnus aux bénéficiaires de la libre circulation des travailleurs et du libre établissement. Il leur est en effet reconnu le droit d'entrer, de circuler et de séjourner librement sur le territoire de l'Etat d'accueil, en plus de l'interdiction de discriminations fondées sur la nationalité qui, dans ce cas, est définie comme « l'élimination de toute discrimination à l'encontre du prestataire de services à raison de sa nationalité ou de la circonstance qu'il réside dans un Etat membre autre que celle où la prestation est fournie ».64 Le législateur européen reconnaît même au prestataire, sans préjudices des dispositions relatives au droit d'établissement, le droit d'exercer pendant un temps et à titre temporaire son activité sans le pays où la prestation est fournie.65 Ceci est normal lorsqu'on sait que la libre prestation des services peut concerner les activités qui couvrent une période plus ou moins longue sans pour autant se confondre au libre établissement.

Au terme de ce premier chapitre, on dira que le législateur communautaire reconnaît aux ressortissants de la Communauté des droits dont la consécration marque sa volonté d'assurer au ressortissant étranger d'origine communautaire une condition confortable où qu'il se trouve dans la Communauté. Cependant, il est à regretter la restriction et l'extrême prudence qui caractérise cette consécration en ceci que les différents droits reconnus ne le sont qu'en direction d'une catégorie restreinte de personnes, à savoir les agents économiques. C'est dire que toute personne n'entrant pas dans cette catégorie ne peut bénéficier de ces droits, ce qui constitue, à n'en point douter, une limite sérieuse à l'intégration personnelle dans la sous région. Le législateur européen a, quant à lui, vite franchi cet obstacle, lui qui reconnaît la libre circulation à tout ressortissant européen, sans exigence de toute autre condition supplémentaire. Toutefois, il faut reconnaître que ce mouvement de libéralisation des frontières entamé par le législateur CEMAC constitue une fondation à la consolidation de la condition des ressortissants communautaires sur toute l'étendue de la Communauté car il doit être suivi nécessairement par la reconnaissance en leur faveur des autres droits dans des autres domaines.

64 CJCE Aff. 33/74, Van Binsbergen, 3 décembre 1974, Rec. 1975, p.1299.

65 Article 60, para.2 du Traité UE.

CHAPITRE II
L'INSTITUTION DU PRINCIPE DE NON DISCRIMINATION DANS
LES DOMAINES JUDICIAIRE, DE L'ENSEIGNEMENT, LA
RECHERCHE ET LA FORMATION PROFESSIONNELLE

L'intégration communautaire en CEMAC, comme partout ailleurs, commence par une reconnaissance des libertés traditionnelles à des agents économiques. Pourtant, s'il est important de conférer à ceux-ci une condition confortable et confortée par le droit communautaire, l'intégration personnelle passe aussi - et surtout - par la communautarisation des avantages à ceux qu'il est désormais convenu d'appeler les « non actifs »,66 c'est-à-dire ceux qui n'interviennent pas dans le circuit économique et par conséquent ne sont pas visées par les dispositions relatives au travailleurs salariés ou à la main d'oeuvre, à la libre prestation des services et au libre établissement. Par ailleurs, et dans le même ordre d'idées, il importe tout aussi de fonder une sorte de citoyenneté de la communauté qui confère à tous les ressortissants communautaires des droits certains où qu'ils se trouvent.

Le législateur communautaire en est parfaitement conscient puisqu'à côté des libertés économiques consacrées, il en a consacré d'autres dans les domaines qui n'ont aucune relation avec le circuit économique stricto sensu. Ainsi, tout en prévoyant un traitement égal en matière d'enseignement, de la recherche et de la formation professionnelle (section 1), il assure une certaine garantie à l'étranger ressortissant communautaire dans le domaine judiciaire (section 2).

SECTION 1 : L'ABSENCE DE DISCRIMINATION DANS LES DOMAINES DE
L'ENSEIGNEMENT, LA RECHERCHE ET LAFORMATION PROFESSIONNELLE

Les actions visant l'intégration personnelle dans ces domaines sont révélatrices à plus d'un titre car elles marquent un autre seuil franchi par le législateur communautaire qui consacre alors les libertés autres que celles dites traditionnelles. Le législateur communautaire traite de tous ces domaines dans un seul article lorsqu'il parle de la « rationalisation et l'amélioration des performances de l'enseignement notamment supérieur, de la recherche et de la formation professionnelle ».67 Pourtant, le droit communautaire européen parle de ces domaines dans des articles différents consacrés à l'éducation, à la formation professionnelle et à la recherche.68 La multitude des dispositions dans le droit européen témoigne de leur état d'avancement en ces matières, contrairement au contexte CEMAC où les actions prescrites ne le sont encore qu'en des termes très génériques, trop génériques. Il importe dès lors de préciser les domaines respectifs de ces matières (para. 1) avant de s'attarder sur les actions qui ont été prises dans le but de consolider l'intégration personnelle en ces matières (para. 2).

66 CARTOU (L) : L'Union Européenne. Les Traités de Paris - Rome - Maastricht, 2ème édition, p.265.

67 Article 29 para.1 Convention régissant l'UEAC.

68 Articles 123, 126, 127 et 130 F, G, H, I, K, l, M, N, O, P du Traité de Maastricht.

Para. 1 : LE DOMAINE DES NOTIONS D'ENSEIGNEMENT, DE RECHERCHE ET
DE FORMATION PROFESSIONNELLE

Même si le législateur CEMAC comprime ces trois notions dans un seul et même article, force est de reconnaître qu'elles désignent des réalités diverses et fort variées. Il faut donc les préciser les unes après les autres.

A- L'enseignement

On pourrait considérer que l'enseignement constitue le droit commun de ces matières et les autres les droits spécifiques car de manière générale, l'enseignement pourrait englober à la fois la recherche et la formation professionnelle. Qu'à cela ne tienne, la précision des deux autres notions laisse entendre que l'enseignement a un domaine précis.69 A ce titre, on dirait que le législateur communautaire n'a pas la prétention de créer une dimension communautaire de l'enseignement en ce sens qu'il ne commande pas une harmonisation des dispositions législatives nationales des Etats membres. En effet, il se borne à préciser que les actions à entreprendre dans ce domaine comportent la « coordination des programmes d'enseignement ».70 C'est dire que la compétence communautaire dans la détermination du domaine et du contenu de l'enseignement est sinon inexistante, du moins infime. Il revient alors aux différents Etats membres à travers leurs législations respectives, de donner un contenu à la notion d'enseignement. Ainsi, l'organisation du système éducatif ainsi que la fixation du contenu de l'enseignement, c'est-à-dire des programmes relèvent de la compétence des législations nationales, la Communauté n'intervenant que pour encourager la coopération entre les Etats en complétant et en appuyant leurs actions. A vrai dire, il est souhaitable que ce soit ainsi car comme le souligne la doctrine, il s'agit de laisser libre cours aux Etats, nécessaire pour respecter leurs diversités culturelles et linguistiques, maintenir un système éducatif propre à chaque Etat et qui reflète sa culture et son histoire, ce qui représente une garantie du respect de l'identité nationale.71 Dans ces conditions, l'exigence d'une

69 Les textes européens parlent de l' « éducation » (Article 126 du Traité de Maastricht). Soulignons que ce texte marque la première consécration textuelle d'une politique européenne de l'enseignement, le Traité instituant la CEE s'étant borné à la formation professionnelle et laissé le soin à la jurisprudence d'y inclure l'éducation stricto sensu.

70 Article 29 para.1 Convention régissant l'UEAC.

71 CONSTANTINESCO (V), KOVAR (R) et SIMON (D) (Sous la direction de) : Traité sur l'Union Européenne (Signé à Maastricht le 7 février 1992) Commentaire article par article, Economica 1995, p.347.

harmonisation des législations nationales en matière d'enseignement serait comme une mesure ne tenant pas compte de la spécificité des Etats membres.

Par ailleurs, si la détermination du contenu et des programmes d'enseignement relève de la compétence étatique, ce qui implique une diversité dans les programmes d'enseignement dans les différents pays, il reste communément admis que l'enseignement dans tous ces pays doit être entendu de manière large de telle enseigne que soient pris en compte les enseignements primaires, secondaires et supérieures, c'est-à-dire inclure les structures comme les écoles, les lycées et collèges et les universités pour autant qu'ils ne sont pas compris dans la formation professionnelle.

B- La formation professionnelle

La formation professionnelle obéit aux mêmes conditions que l'enseignement dans la mesure où la compétence communautaire y est très restreinte et par voie de conséquence, le plus gros travail à faire ressortit de la compétence des législations nationales. C'est dire que la détermination commune d'un contenu ou d'un domaine précis de la formation professionnelle ne peut exister, ce chef de compétence étant vraisemblablement dévolu aux législations étatiques

Tout de même, il y a une acceptation plus ou moins affirmée du domaine de la formation professionnelle en ce sens que la vérité est sensiblement la même quel que soit le pays où on se trouve. Ainsi, on peut dire que la formation professionnelle comporte un domaine qui couvre deux aspects :

D'abord, la formation professionnelle au sens restreint qui englobe toutes les formations reçues par les ressortissants communautaires et qui les prédisposent à un emploi. Il est question ici de la formation initiale qui ouvre les portes à l'emploi. La politique commune fait alors référence à ce niveau à toutes les institutions qui offrent aux apprenants les connaissances nécessaires pour leur insertion dans le marché de l'emploi.

D'autre part, la formation professionnelle couvre aussi les enseignements qui n'ont pas pour but une insertion professionnelle, mais qui interviennent en cours de vie professionnelle des concernés. A ce titre, on peut distinguer le recyclage et le perfectionnement professionnels qui interviennent dans le même emploi, sans que le concerné n'en ait changé,72 mais aussi et surtout les enseignements qui prédisposent à un changement de niveau de qualification

72 Cette distinction nous est inspirée par la décision 63/266 CEE du Conseil du 2 avril 1963 portant établissement de principes généraux pour la mise en oeuvre d'une politique commune de formation professionnelle, JOCE 1963.

professionnelle en vue de « l'accès à un niveau professionnel supérieur »,73 ceux qui prédisposent à un changement de métier ou de profession, c'est-à-dire à une « reconversion ou réadaptation professionnelle ».74

Il s'agit donc de tout enseignement qui intervient dans tous les niveaux de la vie professionnelle, et quels qu'en soient par ailleurs les bénéficiaires, leur âge et leur niveau de formation.75 La notion de formation professionnelle renferme alors des situations fort diverses qui peuvent flirter avec l'enseignement.

La doctrine en est d'ailleurs inquiète, surtout des interférences qui peuvent exister entre les notions d'enseignement et de formation professionnelle. Le problème se pose à propos des études universitaires dont on se demande si elles sont exclusivement académiques ou exclusivement formation professionnelle. « N'ont-elles pas le plus souvent ces deux aspects à la fois ? »76 Une question qui vaut la peine d'être posée lorsqu'on sait que la formation professionnelle n'existe que sur la base de l'enseignement général, et que celui-ci trouve son complément indispensable dans celle-là.77

C'est au regard de cette proximité des deux notions que la doctrine propose comme critère de distinction de la formation professionnelle par rapport à l'enseignement la technicité

et la spécificité des enseignements qu'elle comporte. On dira alors que « c'est la spécificitédes emplois visés par les techniques transmises par la formation qui lui donne un caractère

professionnel relevant de la politique commune ».78 C'est donc à travers ces caractères que la formation professionnelle se distingue de l'enseignement et forme un domaine plus ou moins autonome, tout comme la recherche.

C- La recherche

Le domaine de la recherche est relativement aisé à préciser car les interférences possibles avec les deux autres domaines sont réduites. Ceci dit, la politique communautaire de la recherche doit s'appliquer dans tous les niveaux ou degrés de la recherche :

73 Décision N°63/266 précitée, 2ème principe G.

74 Ibid, 2ème principe F.

75 Ibid, 1er principe, alinéa 2.

76 CONSTANTINESCO (V), KOVAR (R) et SIMON (M) (Sous la direction de) : Op. cit., p.361.

77 Comme souligné plus haut, le traité sur la CEE ne prévoyait rien en matière d'enseignement et il appartenait à la jurisprudence d'étendre le régime de la formation professionnelle à l'enseignement en général, notamment universitaire.

78 CONSTANTINESCO (V), KOVAR (R) et SIMON (M) (Sous la direction de) : Op. cit., p.728.

> La recherche fondamentale, celle du chercheur pur qui réside dans l'approfondissement de la connaissance de la nature, et qui vise à étendre le champ de la connaissance scientifique ;

> La recherche appliquée, celle de l'ingénieur qui a pour but de trouver les moyens de l'utilisation pratique des découvertes de la recherche fondamentale, c'est-à-dire se basant sur les produits et procédés nouveaux ou nouvellement découverts. Il est question ici de l'approfondissement de la connaissance ainsi que de toutes les vertus et contours de produits de la connaissance scientifique ;

> Le développement technologique ou la mise au point industrielle qui s'efforce par la conception des prototypes de préparer l'exploitation industrielle et commerciale. Il s'agit de l'étude débouchant sur la transformation des produits voués à l'exploitation commerciale.79

La recherche concerne donc les niveaux différents et échelonnés puisqu'elle part de la découverte pour aboutir à l'exploitation commerciale, c'est-à-dire à sa dernière destination.

Par ailleurs, la recherche couvre des domaines divers et très étendus comme l'énergie, la santé publique, le développement technologique, l'environnement et sa protection, l'agriculture, l'industrie etc. A signaler que la liste est loin d'être exhaustive car il s'agit à travers celle-ci de cibler tous les domaines qui impliquent l'innovation scientifique et technique.

Le domaine de la recherche concerne aussi et enfin les structures et institutions dans lesquelles elle peut être menée. À partir des différents niveaux de la recherche que nous avons exposés plus haut, on en vient à ce que la politique commune de la recherche vise les structures comme les universités, les centres de recherche et les entreprises, y compris les petites et les moyennes entreprises dès lors qu'elles interviennent de quelque manière que ce soit dans le circuit de la recherche. Toutes ces structures sont, à n'en pas douter, les institutions à travers lesquelles la recherche naît, se développe et s'accomplit et la garantie d'une bonne politique communautaire en la matière ne peut être perçue qu'à travers la communautarisation de leur fonctionnement en vue d'y assurer un traitement égal de tous les ressortissants de la Communauté.

C'est le lieu de mentionner que l'article 29 de la convention régissant l'UEAC est formulé en des termes trop génériques qui ne rendent pas efficacement compte des politiques communautaires en matières d'enseignement, de recherche et de formation professionnelle. A

79 Ibid, et CARTOU (L) : L'Union Européenne. Traités de Paris - Rome - Maastricht, op. cit. p.419.

cela, il faut ajouter la pauvreté, voire la quasi inexistence du droit dérivé communautaire en ces matières. Pourtant, l'article 30 précise que le Conseil des Ministres arrête des règlements, directives ou recommandations nécessaires à la mise en oeuvre de ces dispositions. C'est pourquoi nous nous referons presque entièrement à la construction européenne en ces matières qui, à notre avis devrait largement inspirer la CEMAC et l'amener à préciser les contours des différentes notions et les modalités d'application des droits reconnus aux étrangers d'origine communautaire.

Para. 2 : LES DROITS RECONNUS AUX ETRANGERS D'ORIGINE
COMMUNAUTAIRE EN MATIERES D'ENSEIGNEMENT, DE RECHERCHE ET
DE FORMATION PROFERSSIONNELLE

L'idée générale réside en ce qu'il s'agit de cerner les contours des privilèges reconnus aux étrangers ressortissants communautaires dans ces domaines. A cet effet, on dira que le législateur communautaire a bien voulu en ces matières conférer à ces étrangers une condition privilégiée en leur reconnaissant les mêmes droits que les nationaux. Ces droits vont de l'accès inconditionné dans des établissements de tous les pays membres (A), à la reconnaissance mutuelle des diplômes (C) en passant par la facilitation de la mobilité de tous ceux qui interviennent en ces matières (B). La consécration de tous ces droits a amené le Conseil des Ministres à prendre un règlement en 200580 dont les objectifs définis à son article 3 paragraphe 2 consistent à « étudier toutes les questions relatives à l'enseignement supérieur et à la recherche scientifique et technologique » notamment en ce qui concerne les conditions de mobilité des enseignants, chercheurs et étudiants, la reconnaissance mutuelle des diplômes nationaux ainsi que les frais de scolarité.

A- L'ouverture dans les mêmes conditions que les nationaux des structures d'enseignement, de formation professionnelle et de recherche

C'est une prescription de l'alinéa b de l'article 29 de la Convention régissant l'UEAC qui dispose que les actions de la Communauté en matière d'enseignement, de formation professionnelle et de recherche impliquent « l'ouverture aux mêmes conditions d'accès que les nationaux des établissements d'enseignement à tous les ressortissants de l'Union économique ». La formulation du texte semble être restreinte et ne prendre en considération

80 Il s'agit du règlement N°10/05 portant création d'une Conférence des Recteurs des Universités et Responsables des Organismes de Recherche d'Afrique Centrale.

que les « établissements d'enseignement ». La question est de savoir si la notion « établissements d'enseignement » doit être perçue au sens restreint en exclusion des structures de formation professionnelle et de recherche. A notre sens, cette notion doit être prise au sens large pour englober les autres domaines afin de rendre plus dynamique le mouvement d'intégration personnelle en toutes ces matières. Pourtant, le règlement pris en application de ces dispositions est resté sur les mêmes bases que l'article précité puisqu'il ne vise que le domaine de l'enseignement supérieur en exclusion des domaines de formation professionnelle et de recherche - notamment appliquée.81 Ce règlement vise les structures précises (1) et consacre des droits déterminés (2).

1- Les structures visées

Nous l'avons dit, le règlement N° 09/99 précité est un peu restrictif quant à son domaine car l'article 1er ne vise que « les établissements publics ou d'utilité publique d'enseignement supérieur » des Etats membres. Deux conclusions sont alors tirées de ces dispositions :

- D'abord, il est question des établissements d'enseignement supérieur,

exclusivement. C'est dire que sont exclus du champ d'application de ce règlement les établissements d'enseignement primaire et secondaire, ceux de formation professionnelle ainsi que ceux consacrés exclusivement à la recherche, c'est-à-dire les organismes de recherche. Ceci est d'autant plus vrai que le règlement a été pris en considérant « l'avis de la Conférence ad hoc des ministres chargés de l'enseignement supérieur réunis à Yaoundé en République du Cameroun ».82 Et il est clair que la formation professionnelle et la recherche - notamment appliquée - tout comme l'éducation primaire et secondaire font l'objet dans tous les pays de la CEMAC des ministères différents et distincts de ceux de l'enseignement supérieur. Il s'agit pour nous d'une restriction malheureuse qui concourt à restreindre le champ d'application des libertés communautaires. Il serait louable que les structures exclues soient prises en compte même sans prescriptions textuelles, en attendant que la législation soit changée dans ce sens.

- Ensuite, il s'agit des établissements publics ou d'utilité publique, puisque,

précise le règlement, « les écoles à statut privé ne sont pas assujetties aux dispositions du

81 Règlement N°09/99/UEAC-019-CM-02 du 8 août 1999 relatif au traitement national à accorder aux étudiants étrangers ressortissants des pays membres de la Communauté.

82 Préambule du règlement N°09/99 précité, para.4.

présent règlement ».83 C'est dire que ces dispositions ne sont appliquées qu'à l'égard des établissements de l'Etat à l'instar des universités, des centres universitaires et des structures rattachées aux universités comme les Instituts Universitaires de Technologie (IUT), etc. Ainsi, les établissements qui appartiennent à des particuliers ne peuvent se voir imposer les dispositions de ce règlement relatives aux droits qu'il consacre. L'exclusion des écoles à statut privé nous semble contradictoire lorsqu'on sait que les établissements d'utilité publique sont concernés par cette disposition. En effet, il est clair que le statut privé de certains établissements n'exclut pas pour autant qu'ils puissent être d'utilité publique. C'est dire qu'à notre sens, la seule condition d' «établissements publics ou d'utilité publique » est suffisante.

2- Les droits consacrés

Le règlement a pour objet la reconnaissance aux étudiants étrangers ressortissants communautaires d'une condition comparable à celle des nationaux en matière de conditions de scolarité. Et l'article 2 précise les domaines concernés.

Il s'agit en premier des frais de scolarité. C'est dire que ces frais de scolarité doivent être les mêmes pour les étrangers et nationaux et interdiction est faite de prévoir un traitement différentiel à leur égard à propos de ces frais de scolarité. A ce sujet, la doctrine salue l'application exemplaire du Cameroun en matière de droits universitaires. Le constat fait est très positif en ce sens que les étudiants étrangers ressortissants des Etats membres de la CEMAC ne paient que 50.000 (cinquante mille) FCFA de droits universitaires alors que les étudiants étrangers non ressortissants de la CEMAC continuent de payer au mois 300.000 (trois cents mille) FCFA selon le type d'établissement universitaire fréquenté.84 A cet égard, l'Université de N'Gaoundéré (dans l'Adamaoua camerounais) a compté au cours de l'année académique 2004/2005 1602 (mil six cent deux) étudiants tchadiens sur un effectif total de 15.000 (quinze mille) apprenants.85

Il s'agit ensuite du bénéfice des oeuvres universitaires qui doivent profiter aux étrangers dans les mêmes conditions que les nationaux. Les oeuvres universitaires désignent toutes les facilités et les programmes offerts par les universités à tous leurs étudiants.

Il convient toutefois de mentionner que ces droits peuvent être écartés au détriment des ressortissants des autres pays membres par le pays d'accueil pour les raisons de protection

83 Article 3 du règlement N°09/99 précité.

84 ATEMENGUE (J. de N.) dans une interview publiée sur le site Internet de xinhuanet.

85 Selon le journal d'informations N'Djamena Bi hebdo N°955 du 6 juin 2006.

de l'ordre public, comme le reconnaît l'article 5 du règlement. Ceci rentre dans le cadre plus large de la réserve d'ordre public86.

B- La reconnaissance mutuelle des diplômes dans les Etats de la Communauté

Il s'agit des diplômes marquant la fin de formation dans les domaines de

l'enseignement, de la recherche et de la formation professionnelle. Le législateur communautaire a pris la peine de préciser cette consécration en des termes clairs lorsqu'il dit que la politique commune en ces matières comporte « la reconnaissance mutuelle des diplômes sanctionnant la formation dispensée dans les institutions ».87 C'est une consécration salutaire dans l'optique de la reconnaissance à l'étranger d'origine communautaire d'une condition confortable dans tout les pays de la Communauté. Ainsi, cette reconnaissance implique que les diplômes obtenus au Gabon puissent servir au Tchad, ceux obtenus en RCA puissent être utilisés en Guinée Equatoriale, sans qu'il ne soit imposé une réadaptation ou toute autre condition requise au titulaire. L'article 3 du règlement N°10/05 précité va d'ailleurs dans le même sens en affirmant que la Conférence des Recteurs et des Responsables des Organes de Recherche en Afrique Centrale doit étudier les modalités de mise en oeuvre de « la reconnaissance mutuelle des diplômes nationaux ».

La reconnaissance mutuelle des diplômes dans les domaines de l'enseignement suppose que les diplômes sanctionnant l'enseignement dans un pays donné puissent permettre à leur titulaire de continuer leurs études dans un autre pays sur la base du niveau d'étude constaté par ledit diplôme. Ainsi par exemple, le titulaire du baccalauréat camerounais peut s'inscrire dans une université congolaise sans aucune condition particulière. C'est le lieu de saluer l'application de ce principe de reconnaissance mutuelle des diplômes dans le domaine de l'enseignement par certains Etats de la Communauté. C'est le cas du Cameroun où les diplômes tchadiens de fin d'enseignement secondaire ouvrent la voie à l'enseignement supérieur camerounais et vice versa.

D'autre part, cette reconnaissance revêt encore un caractère plus important dans le domaine de la formation professionnelle car entraîne l'acceptation d'un diplôme professionnel obtenu dans un pays par un autre de la Communauté. Toute son importance réside en ce qu'il

86 Cf. deuxième partie, chap. 1, section 1.

87 Article 29 para.1, alinéa 2 de la Convention régissant l'UEAC.

s'agit « d'améliorer les possibilités d'emploi des travailleurs dans le marché intérieur »88 commun. Ainsi, cette reconnaissance commande que le diplôme de journalisme octroyé à un camerounais puisse lui permettre d'accéder à une profession de journaliste en RCA, que le congolais formé en science de l'éducation puisse enseigner au Gabon, sur la base de son diplôme, (etc.) sous réserve des restrictions de l'article 27 alinéa (a) para. 2 in fine.89

La reconnaissance des diplômes au sein des pays de la CEMAC demeure donc une priorité pour la Communauté et il faut reconnaître qu'elle n'est pas facile à réaliser, puisque cette reconnaissance ne peut se faire si les diplômes concernés sont entièrement différents d'un pays à l'autre. C'est pourquoi le législateur communautaire commande non pas l'harmonisation des législations en matières d'organisation et de fonctionnement des politiques d'enseignement, de recherche et de formation professionnelle - ce qui est de la compétence exclusive des Etats-, mais une « coordination des programmes d'enseignement, de recherche et de formation professionnelle ».90 Un grand pas a été franchi dans ce sens dans la Communauté à travers la mise sur pied dans tous les Etats membres du système universitaire Licence- Master- Doctorat (LMD) qui vise une certaine convergence dans les programmes d'enseignement supérieur, afin que les diplômes les sanctionnant soient proches, et par conséquent facilement reconnaissables à travers tous les pays de la Communauté. La mise en place de ce système LMD est saluée par un politologue camerounais qui, à côté de l'uniformisation des diplômes obtenus dans les universités précise que « cela fait qu'il y aura un grand brassage des élites en formation et cela pourra faire naître la conscience de l'esprit CEMAC et la conscience de l'appartenance à la sous région ».91 Vu sous cet angle, la reconnaissance des diplômes est une mesure qui peut fortement conditionner la circulation des personnes dans la Communauté en ceci que les personnes qui souhaitent se déplacer peuvent être dissuadées si les titres dont ils sont titulaires ne sont pas reconnus dans les pays d'accueil. On dira alors que la reconnaissance mutuelle des diplômes est une modalité d'exercice de la libre circulation des personnes en zone CEMAC, et plus particulièrement celle des étudiants.

88 Article 123 du Traité UE.

89 Il s'agit des exceptions liées aux emplois dans les secteurs public, parapublic et stratégique. Voir infra 2ème partie, chap.1 section 2.

90 Article 29 alinéa (c) de la Convention régissant l'UEAC.

91 MPONDI (J-E), propos tirés d'une interview accordée à la radio nationale camerounaise et publiée sur le site Internet de xinhuanet.

C- La libre mobilité en matière d'enseignement, de recherche et de formation professionnelle

La politique communautaire de la CEMAC en ces matières serait incomplète si elle n'assurait pas une mobilité de tous les acteurs intervenant dans ces domaines. L'article 29 de la Convention de l'UEAC ne prévoit pas expressément92 cette mobilité, mais la création d'un comité ayant pour but de veiller à l'application de la libre circulation des personnes en zone CEMAC témoigne de la volonté des dirigeants de la CEMAC d'y accorder beaucoup d'importance. En effet, ce comité dénommé «Comité du suivi et d'évaluation de la libre circulation des personnes en zone CEMAC» crée en décembre 200793 a pour but de se pencher sur l'état d'avancement de la liberté de circulation, l'objectif étant d'élargir cette liberté au plus grand nombre de ressortissants possible. C'est ainsi qu'en décembre 2007, ce comité a prescrit la levée immédiate de l'obligation de visa pour certaines catégories des ressortissants communautaires et parmi les catégories visées se trouvent les enseignants, les chercheurs agrégés auprès de la CEMAC ainsi que les étudiants inscrits ou pré inscrits dans

les établissements agréés. Il s'agit d'une mesure extrêmement importante dans la mesure elle assure le libre déplacement de tous ceux qui interviennent dans le domaine de

l'enseignement, la recherche et la formation professionnelle, que ce soit les formateurs ou les formés. Cette volonté du législateur a été aussi manifestée dans le règlement N°10/05 précité qui attribue au titre des objectifs de la Conférences des Recteurs d'Université et des Responsables des Organismes de Recherche d'Afrique Centrale, celui d'étudier toutes les questions relatives à la mobilité des étudiants, chercheurs et enseignants de la Communauté. Elle va plus loin d'ailleurs et vise même une harmonisation des conditions de recrutement des enseignants et des chercheurs dans la sous région94 , toute chose qui confortera leur déplacement libre au sein de celle-ci.

Cette liberté de déplacement des étudiants95 et formateurs implique que tous ceux qui rentrent dans cette catégorie puissent se rendre sur les territoires des autres Etats membres sans qu'il ne leur soit imposé l'exigence des formalités de visa. Ainsi, en application de ce

92 Le Traité de Maastricht prévoit formellement cette mobilité au titre des actions de la Communauté dans les trois articles consacrés à ces matières. Il dit en effet que la Communauté mène les actions visant « à favoriser la mobilité des étudiants et enseignants » (article 126 alinéa 2 para.2), « favoriser la mobilité des formateurs et des personnes en formation » (article 127 alinéa 2 para.3), et à « stimuler la formation et la mobilité des chercheurs de la Communauté » (article 130 G alinéa (d)).

93 Par décision N°99/07-UEAC-070 U42 du Conseil des Ministres de la CEMAC.

94 Article 3 alinéa 2 du règlement N°10/05 précité.

95 La notion d'étudiant doit être prise ici au sens large et englober non seulement les étudiants d'universités, mais aussi toutes les personnes inscrites ou pré inscrites dans les autres structures d'enseignement supérieur à caractère professionnel ainsi que dans les centres de recherche.

principe, un enseignant équato-guinéen pourra se rendre au Cameroun sans visa en vue de la formation des étudiants camerounais dans son domaine. De même, un chercheur gabonais pourra se rendre au Congo pour effectuer ses recherches sans que les autorités de ce pays ne lui exigent la présentation d'un visa d'entrée. Toutes ces mesures visent à créer et à renforcer le Marché Commun de l'enseignement et de la recherche afin de mettre sur pied un vaste espace au sein duquel ces matières auront une réelle dimension communautaire et s'affranchiront de tous les obstacles étatiques. Cependant, bien que tous s'accordent sur le bien fondé d'une telle libre mobilité des acteurs intervenant dans les domaines de l'enseignement, de la recherche et de la formation professionnelle, il convient de reconnaitre que ce droit n'est pas encore transposé dans le droit positif de la CEMAC puisqu'aucun texte de la CEMAC ne le consacre. Ce n'est donc pas encore un droit imposable et nous le regrettons fortement. Par contre, il importe de mentionner qu'à propos de levée immédiate de l'obligation de visa pour les catégories d'étudiants, enseignants et chercheurs, il faut saluer l'initiative et la réaction rapide des pays comme le Congo et le Tchad qui ont déjà donné à leurs administrations compétentes les instructions dans la mise en application de ces mesures.96

La reconnaissance au profit des étudiants, et chercheurs de la Communauté des droits dans les pays d'accueil s'inscrit dans une logique générale qui commande l'action du législateur communautaire, à savoir la formation progressive d'une appartenance à un espace commun, ceci pouvant déboucher sur la citoyenneté communautaire CEMAC qui en plus de ces domaines sus évoqués consacre aussi des droits dans le domaine judiciaire.

Section 2 : L'ELIMINATION DES DISCRIMINATIONS DANS LE DOMAINE
JUDICIAIRE

C'est l'une des grandes avancées dans la condition des étrangers ressortissants communautaires en zone CEMAC. En effet, le législateur communautaire a fixé comme objectif de conférer à tout ressortissant de la Communauté un bien-être en ce qui concerne le domaine judiciaire. Et cette volonté constatée du législateur CEMAC est encore plus significative lorsqu'on sait que l'intégration judiciaire n'est pas l'un des objectifs prioritaires de la Communauté, ceux-ci étant constitués pour l'essentiel par le Marché Commun (économique et monétaire). Pourtant, la consécration de cette non discrimination dans le

96 Constat effectué à l'issue des travaux du Comité de Suivi et d'Evaluation de la libre circulation des personnes en zone CEMAC en date du 26 janvier 2008.

domaine judiciaire témoigne de la volonté non contestable des responsables de la CEMAC de construire une intégration complète, étendue à tous les secteurs de la vie communautaire.

Le seul pan judiciaire jusqu'ici consacré par les textes communautaires de la CEMAC était constitué par l'existence d'une Cour de justice communautaire97 et la reconnaissance des juridictions nationales comme juridictions de droit commun de la Communauté.98 Mais ces dispositions n'étaient pas dans le but de conférer en elles-mêmes une condition confortable des étrangers d'origine communautaire dans le domaine judiciaire. Conscients du vide existant, les Etats membres de la CEMAC ont, au cours de la 5eme Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement qui s'est tenue à Brazzaville au Congo, en date du 23 janvier 2004, adopté l'Accord de coopération judiciaire entre les Etats membres de la CEMAC.99 Cet accord vise à faciliter la collaboration entre les Etats en ce qui concerne le domaine judiciaire et à travers cela l'amélioration de la situation des ressortissants communautaires sur le territoire des Etats membres autres que les leurs. C'est en ce sens que l'Accord consacre un libre accès aux juridictions nationales à tous les ressortissants de la communauté (para. 1) et assure une exécution des décisions de justice rendues en faveur d'un ressortissant sur le territoire d'un Etat étranger (para. 2).

Para. 1 : UN LIBRE ET FACILE ACCES AUX JURIDICTIONS NATIONALES

Il faut d'ores et déjà signaler que l'accès aux juridictions nationales est ici pris au sens large. L'idée est ici d'assimiler l'étranger ressortissant d'un Etat membre de la Communauté qui se retrouve sur le territoire d'un Etat membre à tout national de celui-ci. Il y a en la matière une interdiction de discrimination fondée sur la nationalité, ce qui est une solution louable en matière judiciaire au sein de la Communauté. Cette interdiction de discrimination est remarquable à deux niveaux différents : à l'accès aux tribunaux stricto sensu (A), et au bénéfice de l'assistance judiciaire (B).

97 Prévue par l'article 2 du Traité instituant la CEMAC du 16 mars 1996 au titre des institutions de la Communauté et faisant l'objet d'une convention propre désignée Convention régissant la Cour de justice de la CEMAC.

98 Reconnaissance déduite des articles 4 et 17 de la Convention régissant la Cour de justice de la CEMAC.

99 Ce même jour, un autre accord a été adopté, à savoir l'Accord d'extradition entre les Etats membres de la CEMA.

A- L'accès aux juridictions nationales par les étrangers ressortissants communautaires

Cet accès peut être vu en deux temps : d'abord l'accès par les justiciables, et ensuite l'accès par les avocats.

1- Le libre accès des justiciables étrangers dans les juridictions nationales

Il s'agit d'une prescription de l'article 5 de l'Accord de coopération judiciaire précité qui assure aux ressortissants de chaque Etat membre la possibilité de saisir les juridictions de tout autre Etat membre dans les mêmes conditions que les nationaux de cet Etat. Le texte est clair, puisqu'il est formulé en des termes propres à éviter toute équivoque : « les ressortissants de chacune des Hautes Parties contractantes auront, sur le territoire des autres, un libre et facile accès auprès des juridictions. ». En application de cette disposition, un gabonais peut librement saisir une juridiction centrafricaine pour la défense de ses droits sans que sa nationalité ne lui soit invoquée comme obstacle, puisque, précise le texte, « il ne pourra, notamment leur être imposé ni caution, ni dépôt sous quelque dénomination que ce soit, à raison de leur qualité d'étranger, soit du défaut de domicile ou de résidence ».100 C'est dire que cet accès ne doit pas être conditionné par une quelconque exigence visant à obliger ledit étranger à fournir une caution. Pourtant, on sait que la tradition est d'imposer une caution à tout étranger qui veut saisir une juridiction nationale, traditionnellement dénommée `'caution judicatum solvi». C'est dire à quel point cette disposition est importante au regard du processus d'intégration humaine en zone CEMAC, ce qui concourt à renforcer la solidarité entre les peuples des Etats parties et leur appartenance à une même Communauté.101

Le législateur communautaire va plus loin en ne faisant pas dépendre ces droits à la condition de domicile ou de résidence. C'est dire que même si les ressortissants étrangers n'ont ni domicile, ni résidence sur le territoire de l'Etat dont ils saisissent la juridiction, l'accès ne peut leur être refusé pour ce grief. Ceci est salutaire car l'hypothèse est bien envisageable, celle des opérateurs économiques qui ont des intérêts sur le territoire d'un Etat membre sans pourtant y résider ou sans y être domicilié. C'est donc un droit très large qui est reconnu à tout ressortissant de la Communauté sur le territoire de tout Etat membre.

Par ailleurs, ce libre accès est reconnu à tout ressortissant étranger quelle que soit la nature de la juridiction saisie puisque le texte parle de « juridictions tant administrative que

100 Article 5 in fine de l'Accord de coopération judiciaire précité.

101 Préambule du Traité instituant la CEMAC.

judiciaire », ce qui constitue une fois de plus une avancée réelle sur la condition des étrangers au sein de la Communauté. A titre comparatif, l'espace judiciaire européen crée par la convention de Lugano102 est limité en ce qui concerne son champ d'application matériel puisqu'elle ne s'applique qu'en matière civile et commerciale, par exclusion des affaires concernant les matières fiscales, douanières ou administratives.103 Cette absence de restriction témoigne du souci du législateur de donner à cette liberté un domaine vaste de manière à permettre à l'étranger concerné de défendre ses droits sur tous les plans dans le pays d'accueil, ainsi que de se faire représenter par un avocat de tout Etat membre.

2- L'accès libre des avocats

L'accord offre également la possibilité à tout avocat d'un Etat membre de la CEMAC de plaider librement devant les juridictions d'un autre Etat membre à l'occasion d'une affaire déterminée y inscrite.104 C'est une innovation formidable qui concourt à opérer un brassage des populations des différents Etats membres, mais surtout à instaurer ou raffermir la coopération judiciaire entre eux. Au regard des droits de l'homme, c'est une mesure tout aussi importante qu'on peut d'ailleurs ranger dans le principe général de droit du droit à un procès équitable. En effet, chacun a le droit de choisir son avocat lors d'un procès et l'institution de cette liberté vient tout simplement garantir les droits des justiciables en éliminant toute discrimination pouvant résulter soit de l'interdiction de tout avocat étranger, soit de la fixation des modalités exigées en raison de la qualité d'étranger de tout avocat ressortissant d'un autre pays membre de la Communauté, discrimination pouvant déboucher sur la violation du PGD sus évoqué.

Cependant, le législateur communautaire fait dépendre l'exercice de cette liberté reconnue aux avocats à la satisfaction de deux formalités :

> d'abord, les avocats dont il s'agit doivent être inscrits au barreau de leur Etat d'origine;

> ensuite, ils doivent exercer selon la législation de l'Etat d'accueil dès lors que le texte leur reconnaît cette liberté à condition « pour eux de se conformer à la législation de l'Etat où se trouve la juridiction saisie ».105 Il s'agit de la législation relative à

102 Il s'agit de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 entre quelques pays européens relative à la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

103 Article 1er de la Convention de Lugano.

104 Article 6 de l'Accord de coopération judiciaire précité.

105 L'in fine de l'article 6 de l'Accord de coopération judiciaire précité.

l'organisation du procès, notamment l'ordre de passage des parties et des avocats, le caractère inquisitoire ou accusatoire du procès, bref toutes les règles relatives au fonctionnement de l'audience et même au droit à l'assistance judiciaire.

B- L'égal droit à l'assistance judiciaire

L'article 7 de l'Accord reconnaît aux ressortissants de chaque Etat membre le bénéfice de l'assistance judiciaire sur le territoire des autres dans les mêmes conditions que les nationaux de cet Etat. C'est dire que tout ressortissant d'un pays membre qui se trouve impliqué dans une affaire devant une juridiction d'un autre Etat, qu'il soit demandeur ou défendeur, a droit au bénéfice de l'assistance judiciaire, à égalité de traitement que les « nationaux eux-mêmes ». Signalons que l'assistance judiciaire désigne la procédure grâce à laquelle un plaideur aux revenus modestes bénéficie, pour faire valoir ses droits en justice, du concours gratuit des avocats et officiers ministériels et de l'avance par l'Etat des dépenses occasionnées par l'instruction.106 C'est une suite logique du libre accès de l'article 5 précité car ce ne serait pas protéger les droits d'un étranger que de lui reconnaître un droit de libre accès aux tribunaux étatiques d'un Etat de la CEMAC et de ne pas lui accorder la possibilité de jouir des droits reconnus aux nationaux de cet Etat. Une fois de plus, le législateur communautaire s'illustre par son dynamisme puisqu'à travers cette disposition, il continue dans son entreprise d'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité à l'égard des ressortissants communautaires. Il est donc recommandé à tous les Etats d'accorder le bénéfice de l'assistance judiciaire à tout ressortissant communautaire qui se trouve devant une juridiction étatique étrangère sans égard à sa nationalité, comme s'il était ressortissant de cet Etat.

Il faut mentionner que le bénéfice de l'assistance judiciaire est accordé à tous les ressortissants communautaires à la condition qu' « ils se conforment à la loi de l'Etat dans lequel l'assistance sera demandée ».107 C'est dire qu'ils doivent suivre la procédure de demande de l'assistance judiciaire de l'Etat d'accueil, remplir les conditions requises pour en bénéficier, telles que posées par la législation de l'Etat dans lequel l'assistance est demandée.108

106 Lexique des termes juridiques, Dalloz 2002.

107 L'in fine de l'article 7 de l'Accord de coopération judiciaire précité.

108 Au Cameroun par exemple, l'assistance judiciaire est réglementée par le décret N°76/521 du 9 novembre 1976 portant règlement de l'assistance judiciaire qui distingue entre l'assistance judiciaire facultative et l'assistance judiciaire de plein droit. La procédure à suivre est constituée par la demande écrite ou orale adressée au secrétaire de la Commission d'assistance judiciaire compétente qui peut alors, suivant le cas l'octroyer ou la

A travers ces différentes consécrations du libre accès aux juridictions étatiques par les ressortissants de tous les Etats de la CEMAC, le législateur montre clairement son ambition de reconnaître à l'étranger d'origine communautaire, partout dans la Communauté, des droits comparables à ceux qu'il a chez lui. Poursuivant sa logique, il garantit pareille aisance en ce qui concerne l'application des décisions de justice.

Para. 2 : LA RECONNAISSANCE ET L'EXECUTION DES DECISIONS
JUDICIAIRES AU PROFIT D'UN RESSORTISSANT COMMUNAUTAIRE SUR LE
TERRITOIRE D'UN ETAT MEMBRE

Le souci du législateur de reconnaître au profit de tout ressortissant communautaire une condition comparable à celle des nationaux de tous les pays de la CEMAC dans leurs pays respectifs l'a amené à consacrer le principe de la reconnaissance et de l'exécution des décisions de justice rendues en faveur d'un ressortissant communautaire sur le territoire d'un autre Etat que celui où la décision a été rendue. Cette mesure répond à ce que les auteurs ont appelé le principe nouveau de la « libre circulation des jugements »109 qui désigne le passage libre des décisions de justice à travers les frontières. Si cette libre circulation marque davantage l'idée d'une coopération judiciaire entre Etats de la CEMAC, nul doute par ailleurs qu'elle concourt fortement à garantir aux étrangers une condition aisée au sein de la Communauté en ceci qu'elle leur permet de faire exécuter une décision de justice rendue en leur faveur dans un Etat étranger membre de la CEMAC, à travers la sécurité de leurs droits qu'elle leur apporte et la simplification des formalités. Ceci dit, il importe de se pencher successivement sur la reconnaissance (A) et l'exécution (B).

A- La reconnaissance des décisions judiciaires

Elle est déduite de l'article 14 de l'Accord précité qui dispose qu'en matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les tribunaux de l'un des Etats membres ont de plein droit autorité de la chose jugée sur les territoires des autres Etats membres. Plusieurs conséquences y sont attachées :

refuser. Une fois l'assistance judiciaire octroyée, elle peut être retirée s'il y a survenance des ressources suffisantes ou découverte du caractère frauduleux de la déclaration du bénéficiaire.

109 VOYAME (J) : « Traits caractéristiques et principe de la Convention de Lugano » ; et PATOCCHI (PM) : « La reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers selon la Convention de Lugano » in L'espace judiciaire européen. La Convention de Lugano du 16 septembre 1988, respectivement pp. 24 et 92

> d'abord, peu importe la nature et la dénomination de la décision ; qu'elle soit un arrêt, un jugement, un ordonnance, elle est reconnue sur le territoire des autres Etats membres dès lors qu'elle émane d'une juridiction ;

> ensuite, peu importe que la décision soit contentieuse ou gracieuse. C'est dire que les décisions rendues à la suite de contestation entre deux parties tout comme celles rendues par le juge en raison de son pouvoir d'imperium peuvent également être reconnues sur le territoire des autres Etats membres ;

> enfin, la reconnaissance est de plein droit, c'est-à-dire que comme le dit la convention

de Lugano,110 sans qu'il soit besoin d'introduire une procédure particulière. L'étranger

est donc exempté de toute procédure ultérieure qui le mettrait certainement dans une

position de faiblesse car différente de celle des ressortissants de l'Etat où la décision

doit être reconnue. Par cette mesure, le législateur assimile l'étranger au national.

Par rapport à l'étranger au pays où la reconnaissance est invoquée, celle-ci entraîne des effets considérables. La doctrine reconnaît qu'à cet effet, « la décision étrangère reconnue déploie en principe dans l'Etat requis les mêmes effets qu'elle a dans l'Etat d'origine ».111 C'est dire que la décision a autorité de la chose jugée sur le territoire de l'Etat requis. On peut alors accorder à cette autorité de la chose jugée un effet positif et un effet négatif.112

L'effet positif consiste en ce que la décision reconnue sur le territoire de l'Etat requis peut être prise en considération pour lui faire produire certains effets. On pourra par exemple se baser sur ces décisions dans l'Etat requis pour décider de la réhabilitation ou de l'amnistie en faveur des intéressés. En conséquence, ceux-ci peuvent « s'en prévaloir auprès de tout intéressé, personne privée, autorité administrative ou juridiction de l'Etat où la reconnaissance est invoquée »113.

L'effet négatif rattaché à l'autorité de la chose jugée d'une décision sur le territoire d'un Etat étranger est une application du principe « non bis in idem » qui interdit alors que les faits sanctionnés par une décision prise dans un Etat membre ne puissent faire l'objet de nouvelles poursuites dans tout autre Etat membre. Le ressortissant communautaire se trouve ainsi dans une situation comparable à celle dans laquelle il se trouve quand il est dans son pays d'origine. En effet, l'autorité de la chose jugée dessaisit le juge national relativement à

110 Article 26 alinéa 1 de la Convention de Lugano.

111 PATOCCHI (PM) :Op. cit., p.116.

112 NGAPA (T) : « La coopération judiciaire pénale dans la zone CEMAC », Mémoire DEA FSJP de l'Université de Dschang, année académique 2005/2006, p.83.

113 ISAAC (G) : Droit communautaire Général, 4ème édition, MASSON Droit Sciences Economiques, 1995, p.310.

l'affaire concernée. Le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions de justice commande que l'autorité de la chose jugée dessaisisse les juges de tous les Etats membres si bien que l'intéressé ne puisse être condamné sur le territoire des autres Etats pour les mêmes faits.114

Il faut signaler tout de même que même si l'autorité de la chose jugée est « de plein droit », l'article 14 de l'Accord précité ne l'accorde que pour autant que certaines conditions aient été satisfaites :

- La décision doit émaner d'une juridiction compétente selon la législation de

l'Etat partie sur lequel elle a été rendue.115 En guise de comparaison, la convention de Lugano n'exige pas une telle condition.116 Il s'agit pour nous d'une condition superflue puisque la décision évoquée ne peut être rendue qu'en respect et en conformité des textes de procédure en vigueur dans le pays dont elle émane. En plus cette condition est pratiquement inapplicable puisque le pays dans lequel la décision est invoquée n'a ni qualité, ni pouvoir pour se pencher sur un éventuel vice de compétence soulevé devant elle contre la décision évoquée et aucun tribunal supra étatique n'est investi d'une telle compétence. Peut-être peut-on envisager, pour régler cette situation, que le tribunal qui se trouverait dans une telle situation sursoie à statuer et saisisse la juridiction normalement compétente pour connaître d'une question de compétence dans le pays où la décision a été rendue. Dans ce cas, la décision de cette juridiction conditionnerait l'issue de la procédure enclenchée devant le juge de l'Etat requis qui, à ce moment et seulement à ce moment, pourra décider d'accorder les effets de droit à la décision incriminée. Le vice de compétence deviendrait alors pour lui une question préjudicielle.

114 L'article 1305 du Code Civil demande à cet effet une triple identité liée à l'objet, la cause et les parties : « il faut que la chose jugée soit la même, que la demande soit fondée sur la même chose, que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles en la même qualité ».

115 V. pour le Cameroun, l'ordonnance N°72/4 du 26 août 1972 et ses modifications subséquentes en ce qui concerne la compétence des tribunaux de droit commun, et pour ce qui est des juridictions l'ordonnance N°72/5 de la même date portant organisation judiciaire militaire modifiée par la loi N°98/007 du 14 avril 1998 pour le tribunal militaire, la loi N°90/060 du 19 décembre 1990 pour la Cour de sûreté de l'Etat, l'ordonnance N°72/7 du 26 août 1972 modifiée par la loi N°84/1 du 14 janvier 1984 pour la Haute Cour de Justice et l'ordonnance N°72/6 de la même date portant organisation de la Cour Suprême modifiée par divers textes subséquents pour la Cour Suprême ; pour le Congo la loi N°022/92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire au Congo ; pour le Gabon la loi N°7/94 du 16 septembre 1994 portant organisation de la justice, et la loi organique N°9/94 du 16 septembre 1994 fixant organisation, compétence et fonctionnement de la Cour judiciaire, des Cour d'appel et des tribunaux de première instance du Gabon ; pour la RCA la loi N°60/183 du 23 janvier 1960 fixant l'organisation des tribunaux en RCA ; pour le Tchad, la loi N°004/PR/98 portant organisation judiciaire au Tchad et toutes leurs modifications subséquentes.

116 Article 28 alinéa 4 de la Convention de Lugano.

- La décision ne doit pas être contraire à la jurisprudence des juridictions de

l'Etat où elle est invoquée. L'objectif ici est d'éviter une contradiction dans le droit positif de l'Etat requis. Là aussi il peut y avoir difficulté d'application dans le cas où la jurisprudence n'est pas constante. Dans ce cas, il appartiendrait à l'autorité saisie, qu'elle soit judiciaire ou pas de trancher à la faveur de ses propres opinions.

- La décision doit être passée en force de chose jugée, c'est-à-dire qu'elle ne doit

plus être susceptible d'aucun recours dans l'Etat dans lequel elle a été rendue. L'objectif est d'éviter qu'un effet reconnu à une décision devienne caduc et contradictoire après une annulation éventuelle de la décision.

- Le procès à l'issue duquel la décision a été rendue doit avoir offert aux parties

les conditions d'un procès équitable, notamment en ce qui concerne les droits de la défense. Le problème qui est susceptible de se poser ici est celui de déterminer qui est compétent pour apprécier si un procès a offert toutes les garanties d'un procès équitable. Le texte semble laisser libre cours à l'autorité devant laquelle la décision est invoquée d'apprécier. Dans ce cas, on est en droit de douter qu'une telle condition soit souvent vérifiée, car elle pourrait mettre à mal les relations diplomatiques entre le pays qui a rendu la décision et le pays où celle-ci est invoquée et qui refuse de la reconnaître pour défaut de procès équitable.

- La décision ne doit pas être contraire à l'ordre public de l'Etat où la reconnaissance est invoquée. Ceci rentre dans le cadre plus large de ce qui est convenu d'être appelé la réserve d'ordre public.117

Les mêmes conditions sont requises pour l'exécution.

B- L'exécution des décisions judiciaires sur le territoire des autres Etats

Rappelons d'entrée de jeu que l'exécution des décisions judiciaires d'un Etat membre sur le territoire d'un autre Etat membre en matière pénale ne rentre pas dans le cadre de notre démonstration car elle concerne surtout l'exécution des peines prononcées par une juridiction nationale dans les établissements pénitenciers d'un autre Etat membre. Dans cet ordre d'idées, elle ne confère pas de droits au profit d'un ressortissant étranger car l'exécution des peines profite au premier chef au ministère public et à la société entière. C'est dire que nous nous limiterons aux décisions rendues en matières civile et commerciale car leur seule exécution sur le territoire des autres Etats membres est susceptible de leur conférer des droits dont l'exercice est souvent hypothéqué par l'existence des frontières étatiques.

117 Voir infra, section 1, chap.1 deuxième partie.

Ceci étant, il faut reconnaître que le législateur européen a depuis le traité de Rome posé les bases d'un tel droit lorsqu'il disposait : « les Etats membres de la Communauté sont convenus d'assurer en faveur de leurs ressortissants la simplification des formalités auxquelles est subordonnée l'exécution des décisions judiciaires ».118 C'est donc sur cette base que la Convention de Lugano a finalement consacré et posé les modalités d'exercice de ce droit reconnu aux étrangers ressortissants communautaires.119 Le législateur CEMAC ne s'est pas fait prier pour se conformer à ce mouvement, lui qui a consacré ce principe à travers les articles 14 et 15 de l'Accord de coopération judiciaire précité. L'article 15 reconnaît en effet qu' « une décision déclarée exécutoire sur le territoire d'un Etat partie peut donner lieu à exécution forcée sur les biens du débiteur dans les conditions prévues par les textes en vigueur de l'Etat requis ». C'est dire que toute personne en faveur de qui une décision de justice a été rendue et octroie un droit en indemnisation contre une personne dont les biens se trouvent sur le territoire d'un autre Etat, peut obtenir exécution forcée sur ces biens. C'est une mesure qui concourt ne fois de plus à protéger les droits des étrangers à travers une sécurisation des ceux-ci, puisque l'exécution leur permettra de rentrer en possession de leur dû dès lors que les conditions seront réunies.

S'agissant des conditions, on dira qu'elles sont les mêmes qu'en matière de reconnaissance, à savoir relativement à la compétence de la juridiction qui a rendu la décision, la conformité à la jurisprudence de l'Etat requis, le caractère définitif de la décision, l'exigence d'un procès équitable et la conformité à l'ordre public de l'Etat requis. Il faut donc noter que les mêmes difficultés et remarques sont à noter.

Par ailleurs, l'in fine de l'article 15 précise que l'exécution forcée sur les biens du débiteur est faite dans les conditions prévues par les textes en vigueur de l'Etat requis. A ce sujet, aucune inquiétude quant à la diversité possible des régimes d'exécution forcée dans les Etats membres car le travail d'harmonisation juridique opéré par l'OHADA plaide en faveur d'une unité de régime dans tous les pays de la CEMAC. Précisément, en matière d'exécution forcée, l'Acte Uniforme sur les procédures simplifiées et les voies d'exécution entré en vigueur le 10 juillet 1998 régit la matière dans tous les pays de la CEMAC.

Pour ce qui est de la procédure, la décision est déclarée exécutoire par « le président de la juridiction du lieu d'exécution et qui aurait compétence ratione materiae pour connaître

118 Article 220 alinéa 4 du Traité de Rome du 25 mars 1957.

119 L'article 31 de la Convention de Lugano pose « les décisions rendues dans un Etat contractant et qui sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre Etat contractant après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée ».

ce litige »120. Il doit être saisi sur requête accompagnée, sous peine d'irrecevabilité, des pièces suivantes : une copie de la décision avec toute les conditions nécessaires pour l'authentifier, l'original de l'exploit de signification de la décision ou de tout acte en tenant lieu, le certificat du greffier dont émane la décision témoignant que la décision est passée en force de chose jugée, et, le cas échéant (en cas de décision par défaut), une copie conforme par le greffier de la convocation ou de la citation de la partie faisant défaut avec les preuves que cette convocation lui a été signifiée en temps utile .121 Cette dernière mesure vise notamment à s'assurer que le procès a été équitable.

Enfin, c'est le lieu de dire que l'article 18 étend cette exécution sur le territoire de l'Etat requis aux sentences arbitrales lorsque les conditions sont réunies, toute chose qui concourt à conforter la position des non nationaux au sein de la Communauté.

En guise de conclusion, nous dirons que les secteurs de l'enseignement, la recherche, la formation professionnelle, ainsi que le domaine judiciaire constituent des secteurs où la législation communautaire fait preuve des avancées réelles et indéniables de l'intégration personnelle en CEMAC. La consécration des droits et libertés au profit de tout ressortissant communautaire, quel que soit le territoire de l'Etat dans lequel il se trouve témoigne de sa volonté d'étendre la garantie des ressortissants communautaires en dehors des libertés traditionnelles de circulation, d'établissement et de prestation de service. Cependant, il faut atténuer quelque peu le mérite de ces consécrations, notamment en ce qui concerne le domaine judiciaire puisque les avantages reconnus en la matière trouvent leur origine dans l'Accord de coopération judiciaire entre les Etats de la CEMAC, texte non encore entré en vigueur, faute de ratification de l'ensemble des Etats membres. C'est dire qu'en toutes ces matières, les droits nationaux, ou le cas échéant, les conventions bilatérales continuent de les régir, en attendant que le texte communautaire entre en vigueur. Malgré cela, on a toutes les raisons de rester optimiste car le plus dur a déjà été fait et il ne reste plus qu'à sensibiliser les Etats sur la nécessité d'une telle ratification qui ne serait que bénéfique pour les intérêts des ressortissants communautaires et au droit communautaire en général. D'ailleurs, en pratique les Etats font appel à cet Accord et l'évoquent pour réclamer certains droits à l'égard des autres Etats. C'est donc dire que malgré le fait qu'il n'est pas encore entré en vigueur, c'est un texte qui produit déjà quelques effets.

120 Article 16 de l'Accord de coopération judiciaire précité.

121 Article 17 de l'Accord de coopération judiciaire précité.

DEUXIEME PARTIE
LA SURVIVANCE DES DISCRIMINATIONS A L'EGARD DES
ETRANGERS RESSORTISSANTS DE LA COMMUNAUTE

L'intégration communautaire vise à assurer aux populations des différents Etats membres un destin commun en consacrant des droits qui leur sont reconnus à tous du seul fait de leur appartenance à la Communauté. Le droit communautaire tend alors vers ce qui peut être proche de la nationalité communautaire en ce sens que tous les ressortissants communautaires bénéficient des droits consacrés, où qu'ils se trouvent au sein de la Communauté.

Cependant, les difficultés d'application de ce principe, s'il était absolu, ont amené les concepteurs du droit communautaire à reconnaître que du fait de la nature du cadre dans lequel on se trouve, il est important de faire des restrictions à l'application des droits reconnus dans un Etat donné par le droit communautaire, aux étrangers, même ressortissants de la Communauté. En effet, le droit communautaire ne reconnaît qu'un certain nombre de prérogatives aux ressortissants communautaires, sans égard à leur nationalité, mais n'a nullement la prétention de créer une fédération d'Etats, et encore moins un Etat fédéral.122 C'est ce qui explique que « les frontières survivent, [et que] seul leur franchissement se libéralise »123.

La conséquence de cet état de choses est que les Etats conservent leur entière souveraineté et de ce fait, se réservent une totale compétence en ce qui concerne certains domaines soustraits du droit communautaire et qui par conséquent ne peuvent pas être invoqués par les étrangers, même ressortissants de la Communauté. C'est ainsi qu'il est admis que certaines discriminations soient observées par les Etats membres à l'encontre des étrangers ressortissants communautaires qui, sur ce coup, prennent le statut d'étrangers simples ou étrangers absolus en ce sens qu'ils sont traités au même titre que les non ressortissants de la Communauté (chap. 1). Par ailleurs, compte tenu de la conjoncture économique ambiante dans la sous région couplée à la mauvaise volonté des Etats, certaines discriminations sont le fait de ceux-ci qui prennent de manière unilatérale des actes de nature à mettre à mal le principe bien établi en droit communautaire de non entraves aux droits consacrés et de non discrimination (chap. 2).

122 Cf. HREBLAY (V) : La libre circulation des personnes. Les accords de Schengen, PUF, Politique d'aujourd'hui, p.72.

123 Ibid.

CHAPITRE I
LES DISCRIMINATIONS AUTORISEES

Ce chapitre traite de toutes les discriminations observées à l'encontre des étrangers ressortissants communautaires et qui sont reconnues ou autorisées par le législateur communautaire. Celles-ci s'expliquent par le fait que l'état actuel du droit communautaire CEMAC ne vise pas une nationalité communautaire qui commanderait une parfaite assimilation du camerounais au gabonais, du congolais au tchadien, ou encore du centrafricain à l'équato-guinéen. Ainsi, l'admission de ce traitement différentiel permet de conserver un minimum d'intimité et de souveraineté à chaque Etat membre, nécessaire pour son fonctionnement idéal. Le législateur communautaire européen a depuis admis l'existence de telles discriminations.124 Son homologue de la CEMAC a vite fait d'entériner cette position dont les explications peuvent être liées les unes à la protection des Etats membres (section 1), et les autres à la nature de certains emplois (section 2).

Section 1 : LES DISCRIMINATIONS TENANT A LA PROTECTION DES ETATS
MEMBRES

La protection ici est établie contre tout étranger ressortissant communautaire ou tout droit consacré en sa faveur qui, exercé, serait de nature à porter atteinte à une valeur protégée de l'Etat en cause, que cette valeur protégée relève du domaine social, économique, sécuritaire ou même culturel. Leur justification est tirée du fait que l'application du droit communautaire peut entraîner certains problèmes liés au déplacement intra régional des flux migratoires. Il s'agit de l'insécurité qui peut surgir par exemple de la libération totale des frontières. Il devient alors nécessaire que « chaque Etat conserve sa souveraineté indispensable pour assurer la sécurité sur son territoire »,125 même s'il faut pour cela mettre en veilleuse l'application de certains principes communautaires capitaux. C'est sans doute ce qui a commandé que le législateur communautaire consacre la libre circulation des travailleurs d'origine communautaire « sous réserve des limitations pour les questions d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique »126 (para. 1), et institue d'autre part des dérogations liées à l'adoption des mesures de sauvegarde et les circonstances exceptionnelles (para. 2).

124 A travers ses différentes législations successives, du Traité de Rome au Traité de Maastricht.

125 HREBLAY (V) : Op. cit.

126 Article 27, alinéa (a), para.3 in fine de la Convention régissant l'UEAC.

Para. 1 : LA RESERVE D'ORDRE PUBLIC

La formule consacrée par le législateur communautaire étant floue, il convient de l'éclaircir (A) avant de préciser la compétence étatique en la matière (B) et la nécessité d'un encadrement communautaire de la notion (C).

A- La notion de réserve d' « ordre public, de sécurité et de santé publique »

Le texte communautaire parle de réserve d' « ordre public, de sécurité publique et de santé publique », ce qui ne va pas sans poser de sérieux problèmes de définition et d'interprétation des différentes notions de part l'imprécision de leur contenu et leur caractère vaste.

La difficulté vient d'abord de ce que le triptyque ordre, sécurité et santé publics entretiennent des chevauchements qui peuvent amener à conclure à leur confusion, ou au fait que l'un englobe les autres. En effet, les ordres juridiques des Etats membres de la CEMAC, fortement inspirés par le droit administratif français font tous de la sécurité publique un élément de l'ordre public, à côté de la tranquillité et de la salubrité publiques, ce qui pourrait faire croire que ces notions renvoient toutes à la même réalité. La doctrine estime d'ailleurs que « la notion de sécurité publique se confond, au moins partiellement avec celle d'ordre public »127 et la jurisprudence va dans le même sens en déclarant que la formule consacrée par les rédacteurs est redondante, avant de conclure à une certaine identité des trois notions.128 Cette solution qui a par la suite été largement approuvée autant en doctrine qu'en jurisprudence est celle à laquelle nous souscrivons, ce d'autant plus qu'on pourrait bien inclure la santé publique dans la notion de salubrité publique en ceci que celle-ci vise à éviter tout ce qui peut être une source d'insalubrité pouvant nuire à la santé publique des populations. C'est dire qu'en parlant de réserve d'ordre public, nous entendons y inclure la santé et la sécurité publiques.

Quoi qu'il en soit, la réserve d'ordre public est un motif bien souvent invoqué pour la restriction des droits et libertés en droit interne et fait déjà, dans ce cadre, couler beaucoup d'encre et de salive. En droit communautaire, elle revêt une saveur particulière car elle permet aux Etats d'appliquer des restrictions à l'application des libertés communautaires à l'égard des étrangers, par exemple en leur interdisant l'accès sur le territoire étatique ou en les y éloignant de force, toute mesure qu'ils ne sauraient prendre à l'égard de leurs

127 MARTIN (M) : La libre circulation des personnes dans l'Union Européenne, op. cit., p.56.

128 La formule consacrée par le législateur CEMAC est la même que celle utilisée par son homologue européen.

ressortissants.129 La réserve d'ordre public est donc une mesure qui interpelle au premier chef chaque Etat membre.

B- La compétence étatique en matière d'ordre public

L'ordre public communautaire est constitué par les ordres publics nationaux. En d'autres termes, si la réserve d'ordre public est consacrée par les textes communautaires, il s'agit d'une notion qui interpelle les Etats membres pris isolément. Ceci entraîne le fait qu'en matière de réserve d'ordre public, la compétence est presque entièrement reconnue aux Etats membres. Il pourrait en réalité difficilement en être autrement car « les impératifs de l'ordre public varient en fonction des conditions sociologiques ».130 C'est dire qu'en la matière, le noyau dur de la souveraineté étatique reste intact quant au contenu à donner à la notion car « l'Etat reste le seul compétent pour qualifier tel ou tel intérêt comme étant fondamental ».131Ainsi par exemple, la notion d'ordre public étant subjective, un Etat peut décider d'ériger en valeurs d'ordre public les valeurs comme son patrimoine culturel, les valeurs morales, les principes d'ordre éthique ou philosophique, selon sa convenance, alors que de telles valeurs n'entrent pas dans l'ordre public d'un autre ; la conséquence étant qu'une valeur faisant partie de l'ordre public dans un Etat donné peut ne pas l'être dans l'autre. Il est dès lors possible qu'on soit en présence d'une diversité d'ordres publics au sein de la Communauté si bien qu'un encadrement communautaire de la notion devient alors nécessaire.

C- L'encadrement nécessaire du contenu de la notion d'ordre public

L'encadrement dont il est question ici a pour but d'insérer la notion d'ordre public dans des limites communautaires reconnues de tous en vue de fixer une délimitation communautaire des contours de l'ordre public. Il s'agit d'éviter une dilution excessive de cette notion qui apparaît être une boîte vide à l'intérieur de laquelle les Etats membres peuvent tout mettre, et par ce fait même porter un sérieux coup aux libertés consacrées par le législateur communautaire. Le risque qu'il convient d'éviter ici est de laisser une trop grande liberté aux Etats membres pour la définition du contenu de l'ordre public, ceux-ci pouvant profiter de la brèche offerte pour invoquer cette réserve de façon intempestive et excessive qui pourrait nuire aux droits consacrés en faveur des étrangers ressortissants communautaires. La

129 MARTIN (D) : Op. cit., p.54.

130 Propos de l'avocat général dans l'affaire Bonsignore CJCE 26 février 1975, Aff. 67/74, Rec. 1975 p.297.

131 KARYDIS (G) : « L'ordre public dans l'ordre juridique communautaire : un concept à contenu variable », in Revue Trimestrielle de Droit Européen (RTDE) N°1 janvier - mars 2002, p.4.

délimitation dont il est question ici doit procéder par l'application d'une conception « communautaire » et restrictive de la notion seule apte à garantir sa véritable fonction. Le juge européen l'a d'ailleurs vite reconnu, lui qui reconnaît en la matière « aux autorités nationales compétentes une marge d'appréciation dans les limites imposées par le traité ».132 Le droit positif CEMAC devrait suivre cet exemple.

Dans cette optique, nous suggérons un encadrement qui doit prendre en compte la caractéristique que doit présenter le danger menaçant l'ordre public et à ce propos, deux éléments sont à signaler :

- il faut que l'intérêt susceptible d'être atteint soit un intérêt fondamental de la

société.133 C'est dire qu'un simple intérêt banal ne peut justifier la prise d'une mesure discriminatoire à l'encontre d'un étranger ;

- il faut ensuite que soit appliqué le principe de proportionnalité à l'exception

d'ordre public national. Selon ce principe, les mesures étatiques doivent être appropriées, adéquates et ne doivent pas aller au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour sauvegarder l'ordre public. Il est question d'éviter les mesures extrêmement graves prises exclusivement dans le but de se débarrasser d'un individu en raison de sa nationalité, alors même que le risque encouru, ou ce qui lui et reproché n'exige pas la prise d'une mesure d'une telle gravité.

On retiendra alors que la notion de réserve d'ordre public étant une notion assez vague, il importe de lui conférer une application tenue et encadrée afin qu'elle ne soit pas considérée comme le tombeau des libertés communautaires. Une telle vigilance est aussi souhaitable en matière de mesure de sauvegarde.

Para. 2 : EXCEPTIONS FONDEES SUR L'ADOPTION DES MESURES DE
SAUVEGARDE ET SUR LA THEORIE DES CIRCONSTANCES
EXCEPTIONNELLES

La mise en veilleuse des libertés communautaires peut également être imposée à un Etat membre par l'existence des difficultés qui rendent cette restriction souhaitable et même indispensable. A l'étude, ces difficultés peuvent être à la fois économiques (A) et politiques (B).

132 CJCE, Aff. 41/74 Van Duyn, 4 décembre 1974, Rec. 1975, p.1351.

133 CJCE, Aff. 30/77, Bouchereau, 27 octobre 1977, Rec. 1977, p.1999.

A- L'adoption des mesures de sauvegarde

La restriction fondée sur l'adoption des mesures de sauvegarde est une possibilité offerte par l'article 22 de la Convention régissant l'UEAC. Elle constitue une restriction à l'exercice des libertés consacrées en ce sens qu'un Etat membre peut l'invoquer pour déclarer ces libertés momentanément inopérantes sur son territoire. Il faut reconnaître que ces dispositions sur l'adoption des mesures de sauvegarde trouvent un champ d'application plus favorable dans le cadre de la libre circulation des biens et marchandises qui constituent l'intégration réelle.134 Mais force est de reconnaître qu'elle peut également intervenir au chapitre des restrictions aux libertés communautaires et de l'intégration personnelle voulue par les textes. Ceci est d'autant plus vrai que le texte parle de « dérogations aux règles générales de l'Union Economique ». Or, nous savons que l'Union Economique de l'Afrique Centrale (UEAC), à travers la convention la régissant traite certes de la libre circulation des biens et marchandises, c'est-à-dire de l'intégration réelle, mais aussi - et surtout, peut-on dire- de l'intégration personnelle et à travers elle de la reconnaissance à l'étranger ressortissant communautaire d'une condition confortable sur le territoire de tous les Etats membres. C'est dire par exemple que l'article 22 peut être invoqué pour faire obstacle à la libre circulation, ou encore au droit de séjourner, ou au droit d'accéder sans discrimination à un emploi salarié. L'hypothèse envisageable est celle d'un Etat qui fait face à un problème de chômage excessif de ses ressortissants et qui peut dès lors faire obstacle à l'arrivée massive des étrangers sur son sol sur la base de cet article, afin de résoudre le problème d'emploi qui se pose135. Vu sous cet angle, la restriction des libertés communautaires en vue de l'adoption des mesures de sauvegarde est une mesure non dénuée de bon sens, mais qui suppose remplies un certain nombre de conditions et fait l'objet d'un encadrement strict.

1- Conditions à l'adoption des mesures de sauvegarde

Stricto sensu, une seule condition est requise : l'existence des difficultés graves dans un ou plusieurs secteurs de la vie économique de l'Etat qui l'invoque. C'est dire que pour que l'adoption de telles mesures soit permise, il faut que l'Etat requérant produise la preuve qu'il fait face ou qu'il rencontre des difficultés importantes dans un domaine quelconque de son

134 Prévues aux articles 2 alinéa (c) et 13 alinéa (a) de la Convention régissant l'UEAC.

135 Notons que les partis politiques reconnus comme de l'extrême droite européenne ont souvent invoqué ce motif pour réclamer la mise entre parenthèses des libertés communautaires. D'autres vont même plus loin et revendiquent la sortie de l'Euro avec tous ses corollaires, notamment la fermeture des frontières nationales au marché de l'emploi.

économie. A notre sens, ces difficultés peuvent être constituées par exemple par l'existence d'un taux de chômage surélevé, à condition que le problème évoqué soit suffisamment grave et nécessite qu'une mesure soit prise. Il faut donc exclure du champ d'application de cet article de simples difficultés passagères dénuées d'un niveau de gravité élevé. Cette précision en vaut la peine car elle a pour but d'éviter qu'un Etat membre ne prenne pour alibi une quelconque difficulté pour faire obstacle à l'application des libertés communautaires sur son territoire. Les mêmes raisons commandent l'encadrement strict dont cette mesure fait l'objet.

2- L'encadrement de l'adoption des mesures de sauvegarde

L'encadrement témoigne ici de la rigueur qui entoure cette mesure. En effet, le législateur communautaire n'entend pas faire de cette mesure une porte ouverte aux dérogations de fait des Etats aux dispositions communautaires. C'est pourquoi il a encadré cette mesure à deux niveaux :

- en premier lieu, la mesure doit être autorisée par le Conseil des Ministres. Cette

formalité interdit aux Etats d'adopter des mesures de sauvegarde de façon unilatérale sans que aucune autorisation explicite ne leur soit été accordée par le Conseil des Ministres qui, au préalable, doit avoir été saisi par l'Etat requérant à cet effet. C'est donc au Conseil des Ministres qu'il revient l'appréciation car il doit juger et dire si en l'espèce les conditions sont de nature à exiger une mesure de sauvegarde. En plus, le texte précise que le Conseil des Ministres statue en la matière à la majorité qualifiée.

- ensuite, la mesure prise, si elle est autorisée, doit intervenir dans une durée

limitée. C'est quasiment évident car une réserve prise sans délimitation temporelle aboutirait purement et simplement à une négation du droit communautaire de la part de l'Etat requérant. Cette précision est toutefois importante en ceci qu'elle empêche les Etats de prendre de telles mesures sans y adjoindre une limitation temporelle. En l'absence de précision textuelle sur la durée, nous pouvons dire qu'à notre sens, il doit s'agir d'une durée raisonnable qui permettra à l'Etat de faire face à la difficulté qu'elle rencontre, sans pour autant renoncer totalement à l'application des libertés communautaires.

A cela, il faut ajouter que le Conseil des Ministres, statuant à la même majorité, « peut décider que l'Etat concerné doit modifier, suspendre ou supprimer lesdites mesures de sauvegarde et/ou de protection »136 selon que les circonstances qui ont présidé à leur prise soient atténues, ou tout simplement aient disparu. Dans cette dernière hypothèse, la mesure

136 Article 22 para.3 de la Convention régissant l'UEAC.

disparaît et les ressortissants communautaires retrouvent leurs droits conférés par les textes communautaires, lesquelles ne peuvent plus être mises à l'épreuve que par l'existence des circonstances exceptionnelles.

B- Restrictions liées à la théorie des circonstances exceptionnelles

La théorie des circonstances exceptionnelles est une exception à l'application du droit tout court en ce sens qu'en pareilles circonstances, le droit commun est remplacé par un droit spécial et dérogatoire adopté pour y faire face. C'est pourquoi en tant que motif dérogatoire du droit communautaire en général, cela ne surprend guère. En effet, le texte communautaire qui le consacre a une portée générale qui couvre toutes les dispositions relatives à l'Union Economique, c'est-à-dire la réalisation du Marché Commun dans son ensemble.137

En ce qui nous concerne, on dira que dans ces conditions, l'Etat considéré pourrait valablement ignorer les droits consacrés en faveur des ressortissants communautaires sur son territoire, par exemple en y refusant l'accès ou à travers les reconduites aux frontières, ou encore par des discriminations objectives orchestrées à leur encontre et ceci, même à travers une législation particulière spécialement discriminatoire à leur égard. Il importe dès lors de s'appesantir sur la nature que doivent revêtir les circonstances (1) avant de voir quelle réaction est prévue pour y faire face (2).

1- La nature des circonstances

Il s'agit en quelque sorte de la définition de la notion des circonstances exceptionnelles. De manière générale les circonstances exceptionnelles désignent la survenance des conditions de nature à gêner le fonctionnement harmonieux des institutions étatiques par leur extrême gravité, si bien que le recours à des règles spéciales soit considéré comme inévitable. C'est dire l'extrême gravité dont doivent faire preuve les circonstances dont il s'agit. Il faut dire qu'en la matière, les textes nationaux sont compétents pour désigner telle ou telle autre situation comme circonstance exceptionnelle. Cependant, le législateur communautaire a donné une idée sur la question lorsqu'il parle de « troubles intérieurs graves affectant l'ordre public, [et de] guerre ou tension internationale grave constituant une menace de guerre ».138 C`est dire que pour que les libertés communautaires soient bafouées par un Etat sur la base de cet article, la situation doit revêtir l'une de ces caractéristiques :

137 Article 81 para.1 de la Convention régissant l'UEAC.

138 Article 81 in fine de la Convention régissant l'UEAC.

Primo, il faut qu'il y ait des troubles intérieurs graves affectant l'ordre public. A ce sujet, il faut dire que l'ordre public dont il est question ici est le même qu'en matière de réserve d'ordre public. Mais leur point de différence est constitué par l'origine du trouble : alors que pour la réserve d'ordre public, le trouble ou le risque du trouble vient des étrangers à l'égard de qui la réserve est évoquée, dans le cas de l'article 81, le trouble dont il s'agit a pour origine les faits intérieurs à l'Etat qui l'invoque. Plus schématiquement, on dira qu'en matière de réserve d'ordre public, il s'agit d'un risque pour l'ordre public, alors que l'article 81 traite d'un trouble déjà présent. Il peut alors s'agir des circonstances comme des manifestations avec violences entre gouvernants et gouvernés, ou encore entre les tribus d'un pays.

Secundo, ces mesures peuvent aussi être prises en cas de guerre ou de tension internationale pouvant entraîner la guerre. L'hypothèse ici prend donc en compte le caractère international de la situation qui peut être soit une guerre déjà ouverte, soit une tension pouvant y aboutir. La situation doit alors impliquer un Etat membre avec un quelconque autre Etat, ou ne même pas l'impliquer, mais dont il peut légitimement craindre les conséquences.

Quoi qu'il en soit, il doit s'agir d'une situation assez grave pour légitimer de telles discriminations. La compétence nationale en la matière qui donne à chaque Etat la possibilité de qualifier les situations pouvant entrer dans le cadre de l'article 81 ne doit pas beaucoup inquiéter car la théorie des circonstances exceptionnelles fait l'objet d'une conception quasi unanime de la part des Etats de la CEMAC, influencés comme ils sont par le droit français.139 En effet, se référant à ce droit français, la quasi-totalité des pays de la CEMAC140 conditionnent le recours à des mesures des circonstances exceptionnelles à l'existence d'une situation réellement exceptionnelle menaçant l'intégrité territoriale de l'Etat, ou à la survenance de troubles portant réellement atteinte à la sécurité publique. Et la jurisprudence précise qu'il faut à cela qu'il y ait une impossibilité pour l'Etat d'agir autrement que par des mesures spéciales, et que ces mesures prises soient adaptées et nécessaires au but poursuivi. C'est dire que les mesures doivent non seulement être proportionnelles, mais aussi ne durer qu'autant que dure la circonstance ayant commandé leur adoption. Toutes ces précautions visent à éviter une application fantaisiste des dispositions de l'article 81, ce qui constituerait un danger pour les libertés communautaires, et c'est la raison pour laquelle l'adoption de ces mesures par un Etat membre doit être suivie par une réaction des autres Etats membres.

139 L'article 16 de la constitution française de 1958 et la jurisprudence Heyriès (Conseil d'Etat, 28 juin 1918, GAJA N°37).

140 C'est le cas de l'article 9 de la constitution camerounaise du 18 janvier 1996 modifiée le 14 avril 2008.

2- La réaction à l'adoption des mesures fondées sur les circonstances exceptionnelles

L'adoption des mesures fondées sur les circonstances exceptionnelles constituant une limite à l'application des droits communautaires, il est important que ces mesures soient retirées le plus tôt possible et pour cela, il faut que les circonstances qui ont présidé à leur prise disparaissent. C'est pour cette raison que le législateur communautaire prévoit qu'en pareilles circonstances, les Etats membres doivent se consulter « d'urgence en vue de prendre en commun les dispositions nécessaires pour éviter que le fonctionnement de l'Union Economique ne soit affecté par de telles mesures » et que les droits reconnus aux étrangers d'origine communautaire ne soient durablement enterrés. Cette recommandation est salutaire pour le droit communautaire en général et pour la condition des étrangers ressortissants communautaires car, précise le texte, la consultation des Etats membres doit se faire « d'urgence », c'est-à-dire de manière à limiter dans le temps les circonstances qui prévalent.

Cette réaction prompte des autres Etats membres peut être inscrite au chapitre de l'entraide qui doit caractériser les relations entre les Etats membres de la CEMAC, ceux-ci devant mutuellement se serrer les coudes lorsque l'un d'entre eux rencontre des difficultés. Ceci est presque naturel car dans le cadre d'une intégration communautaire qui entraîne une sorte de communauté de destin, « l'insécurité chez l'un des partenaires aura les effets chez tous les autres ».141 Il convient tout de même de souligner les insuffisances des mesures prônées par le texte communautaire puisqu'il ne précise ni qui a l'initiative de la réunion, ni quels organes étatiques doivent se réunir. Pour combler ce vide, nous suggérons que tout Etat témoignant d'un intérêt peut convoquer la réunion. Ainsi, l'Etat faisant face aux difficultés est le mieux en même de convoquer la réunion, mais il ne devrait pas seul avoir l'exclusivité de cette initiative, laquelle doit être reconnue également à tout Etat qui a de sérieuses raisons de craindre les conséquences de cette situation. Tous les Etats sont donc interpellés. Par ailleurs, il est raisonnable de penser que les ministres des affaires extérieures ou étrangères des Etats de la Communauté sont les plus indiqués pour se réunir.

Toutes ces discriminations doivent au demeurant faire l'objet de deux considérations : il s'agit d'abord des mesures salutaires qui tiennent compte des besoins de sécurité des Etats membres. Mais de l'autre côté, il faut que leur application soit restrictive, de peur de fournir à ces Etats un alibi facile pour faire exception à l'application des libertés communautaires. Si

141 HREBLAY (V) : La libre circulation des personnes. Les accords de Schengen, op. cit.

ces restrictions sont basées sur la protection des Etats, il y en a qui visent plutôt des emplois précis qui sont soustraits des libertés communautaires.

Section 2 : DISCRIMINATIONS FONDEES SUR LA NATURE DE CERTAINS
EMPLOIS

Il est question ici des exceptions à l'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité en matière d'emploi des étrangers, en ce sens que le législateur communautaire admet la possibilité pour les Etats de réserver aux nationaux exclusivement certains emplois, notamment « dans les domaines public, parapublic et stratégique ».142 Les raisons d'une telle exception sont connues. En effet, bien que le législateur n'en donne aucune justification, il est communément admis qu'il s'agit de préserver la souveraineté des Etats membres en leur laissant le soin de réserver à leurs ressortissants exclusivement certains emplois qui commandent un degré de rattachement intense et une solidarité soutenue des titulaires à l'égard de l'Etat, de même que la réciprocité des droits et devoirs qui sont le fondement de la nationalité. Il est question des emplois qui nécessitent un lien fort et étroit entre ceux qui les exercent et l'Etat. En effet, il est évident que la nature de certains emplois, de part leur forte implication dans la vie et le destin d'un Etat, nécessite qu'ils soient pourvus par des personnes pouvant représenter au mieux les intérêts de cet Etat et à ce sujet, nul autre qu'un national de cet Etat ne peut efficacement effectuer cette tâche.

Ceci dit, il convient de préciser que le texte communautaire est libellé en des termes trop génériques et aucune précision n'est fournie à propos du contenu de ces restrictions (para. 1) qui, à notre avis, doit faire l'objet d'un encadrement communautaire (para. 2).

Para. 1 : LES EMPLOIS VISES

La disposition communautaire est claire, mais est loin d'être précise. C'est ainsi que le contenu à donner à la notion « d'emplois dans les domaines public, parapublic et stratégique » peut révéler des difficultés en ce sens que la compétence nationale en la matière peut amener les Etats membres à lui donner des contenus divers et variés. Il s'agit des problèmes d'interprétation que pourrait rencontrer le dispositif communautaire, chaque Etat membre étant compétent pour donner un contenu à la notion. Pourtant on aurait de bonnes raisons de penser que l'héritage commun du droit administratif français qui influence la quasitotalité des pays de la CEMAC plaidera en faveur d'une uniformisation du contenu de la

142 Article 27 alinéa (a) para.2 in fine de la Convention régissant l'UEAC.

restriction. Or, la culture hispanophone de la Guinée Equatoriale ajoutée au parcours des constructions administratives nationales postindépendances nous oblige à reconsidérer notre quiétude sur le contenu susceptible d'être donné à cette notion.143 Ceci est d'autant plus vrai que les Etats membres de la CEMAC peuvent considérer cette dérogation comme une porte ouverte au non respect des libertés communautaires.

Tout compte fait, le texte parle d' « emplois dans les secteurs public, parapublic et stratégique ». C'est une formulation somme toute meilleure que celle utilisée par le législateur européen, lui qui se contente de parler d' « emplois dans l'administration publique ».144 On peut considérer qu'il s'agit des emplois « qui comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l'Etat ou des autres collectivités publiques ».145 Ces restrictions visent des emplois qui impliquent fortement la puissance de l'Etat, c'est-à-dire, par exemple ceux dont les titulaires disposent des prérogatives de puissance publique, ceux dont les titulaires participent à l'édiction des actes administratifs ; bref, les emplois qui, compte tenu des tâches et des responsabilités qui leur sont inhérentes, sont susceptibles d'en appeler à la puissance de l'Etat. A ce titre, on peut considérer comme rentrant dans le champ d'application de cette restriction de l'article 27 alinéa (a) para. 2 in fine les dispositions traitant de l'entrée dans les administrations publiques (administration nationale, territoriale ou locale pour les pays ayant opté pour la décentralisation) ou dans la fonction publique des Etats, aux forces de l'ordre ( police, gendarmerie et militaires, bref les corps veillant à la sécurité intérieure et extérieure), la justice, l'administration fiscale et douanière, la diplomatie, et de manière générale tous les domaines où ces personnes occupent des postes organisés autour d'un pouvoir juridique de l'Etat, d'un de ses démembrements, ou d'une personne morale de droit public se rattachant à lui, qu'il s'agisse de la décentralisation territoriale ou par services.

La diversité des constructions administratives nationales peut finalement être un obstacle à la bonne application de cette disposition. Il devient alors nécessaire d'encadrer cette notion dans des limites précises.

143 GNIMPIEBA TONNANG (E) : « La libre circulation des personnes et des services en Afrique Centrale : entre consécrations théoriques et hésitations politiques », op. cit., p.97.

144 Article 48 para.4 (39 para.4 nouveau) du traité CE.

145 MARTIN (D) : La libre circulation des personnes dans l'Union Européenne, op. cit., p.57.

Para. 2 : UN ENCADREMENT NECESSAIRE DE LA NOTION D' « EMPLOIS DANS

LES DOMAINES PUBLIC, PARAPUBLIC ET STRATEGIQUE »

La nécessité d'un encadrement de cette notion vient de ce qu'elle nous semble vague, ouvrant ainsi la voie à une élasticité nocive pour le droit au travail communautaire. Cet encadrement doit alors intervenir en la matière en zone CEMAC par l'impulsion du Conseil des Ministres qui, à travers le droit dérivé dont il a la compétence, doit donner à la notion quelque peu vague d' « emplois dans les secteurs public, parapublic et stratégique » des limites en vue d'éviter son extrême extension par les Etats. En effet, le dynamisme qui doit caractériser l'action intégrative en Afrique Centrale doit amener cet organe à cantonner la dérogation dans une conception restrictive qui va « limiter sa portée à ce qui est strictement nécessaire pour sauvegarder les intérêts qu'elle permet aux Etats membres de protéger ».146

Le mouvement souhaité ici a déjà été expérimenté dans le cadre de l'Union Européenne car la Commission Européenne est intervenue pour donner à la notion

d' « emplois dans l'administration publique » un contenu restrictif.147 Il consisterait à donner les grandes articulations de la notion et fixer une définition, à tout le moins, qu'elle devrait revêtir. A ce titre, et comme l'a fait la Commission Européenne suivie en cela par la jurisprudence, il devrait reconnaître que certains emplois, bien que pouvant rentrer dans le champ d'application de la restriction, puissent valablement être offerts à un étranger ressortissant communautaire, pour autant qu'ils n'exigent pas une forte relation entre l'Etat et l'agent en question. Il peut être question ici, par exemple des organismes chargés de gérer un service public industriel et commercial (SPIC), tel que les transports publics, la distribution d'électricité ou du gaz, les compagnies de navigation aérienne, les postes et télécommunications ou encore les organismes de radiodiffusion, les services opérationnels de santé publique, l'enseignement dans les services publics, quels que soient le niveau d'enseignement (primaire, secondaire ou supérieur) et le type d'enseignement, la recherche au sein des établissements publics de recherche. D'ailleurs, en ce qui concerne l'enseignement, on peut dire que l'exemple est déjà donné par certains Etats de la CEMAC en ce sens qu'ils disposent dans leurs rangs des ressortissants d'autres pays membres. C'est le cas des pays comme le Congo ou le Gabon où on rencontre bon nombre d'enseignants camerounais.

A noter que cette action pourrait être bénéfique à plus d'un titre car outre la garantie offerte à la libre circulation des travailleurs et leur droit à la non discrimination, elle va

146 CJCE, Aff. Lawrie-Blum précitée.

147 Question écrite N°255/79 du 17 juillet 1979, JOUE N°C.253 du octobre 1979, JO C 72 du 18 mars 1988, p.2.

favoriser l'action intégrative et la constitution du Marché Commun dans d'autres domaines comme le déplacement et la collaboration des chercheurs d'origine communautaire, l'harmonisation des politiques des transports, la coordination des politiques d'enseignement (etc.), toute chose qui favorisera l'intégration communautaire sous-régionale.

Les discriminations permises aux Etats membres de la CEMAC par le législateur communautaire obéissent au final à une double réalité contradictoire : autant il est nécessaire et même indispensable pour les Etats de leur laisser un minimum de souveraineté nécessaire pour faire face à des situations difficiles ou pour éviter que la présence sur leurs territoires d'étrangers ressortissants communautaires ne soit un motif de désordre social ; autant il est nécessaire et tout autant indispensable de ne pas leur laisser une trop grande marge de manoeuvre en matière de ces restrictions, le risque étant, pour l'une comme l'autre nécessité, si elle n'était pas respectée, d'entraîner la non application ou la non application correcte des libertés communautaires et du droit communautaire. C'est dire qu'un équilibre strict et mesuré s'impose à cet effet afin que les intérêts dignes de protection des Etats ne puissent pas occulter l'application tout autant digne de respect de ces libertés, par le biais des faits et actes qui n'ont rien à voir avec le droit communautaire et qui relèvent plutôt des égoïsmes nationaux des différents membres.

CHAPITRE II
DISCRIMINATIONS DU FAIT UNILATERAL DES ETATS

L'application des libertés reconnues aux ressortissants communautaires où qu'ils se trouvent sur le territoire de la Communauté peut faire l'objet de sérieuses limites. Pourtant, si les limites que nous venons d'étudier trouvent leur origine dans la protection des Etats d'une part et dans le souci de leur témoigner la reconnaissance de leur souveraineté dans certaines matières d'autre part, il demeure que d'autres limites à la reconnaissance inconditionnelle d'une condition confortable de l'étranger en zone CEMAC peuvent trouver leur origine dans des comportements unilatéraux des Etats membres de la Communauté. A travers ces comportements, ceux-ci, par diverses manigances parviennent à imposer des discriminations à l'encontre des étrangers en général, et ceux ressortissants de la Communauté en particulier. Le fait est que l'intégration en général et précisément l'intégration humaine ne va pas sans entraîner les mécontents dans toute communauté intégrative puisque l'ouverture des frontières est susceptible de fragiliser le tissu social de certains pays. C'est dire que les causes de pareilles discriminations sont nombreuses et leurs manifestations très visibles (section 1). La situation n'est pourtant pas irrémédiablement compromise car des mécanismes ont été mis sur pied pour combattre le non respect des prescriptions communautaires, auxquels il faut ajouter les perspectives possibles (section 2).

Section 1 : LES CAUSES ET MANIFESTATIONS DES DISCRIMINATIONS DU
FAIT DES ETATS

Les discriminations orchestrées par les Etats membres de la Communauté à l'égard des étrangers ressortissants communautaires se traduisent par divers traitements préférentiels à l'avantage des nationaux, ou par des actes de nature à léser les ressortissants des autres pays membres. Mais il s'agit là des manifestations (para.2) qui se situent chronologiquement après les causes (para. 1) que nous devons étudier au préalable.

Para. 1 : LES CAUSES DES DISCRIMINATIONS DU FAIT DES ETATS

En un mot, les obstacles étatiques à la reconnaissance au profit des étrangers ressortissants communautaires d'une situation comparable à celle des nationaux, trouvent leur origine dans l'expression des égoïsmes étatiques. En effet, on a beau chanter les avantages de l'intégration personnelle, les Etats trouvent qu'il leur est nécessaire, voire vital d'instituer des comportements discriminatoires à l'endroit de tout étranger, soit pour des motifs économiques

(A), soit pour des motifs sécuritaires (B)148. Il faut tout de même souligner ici que ces causes du reste sont les mêmes qu'on peut invoquer pour les obstacles à l'intégration en général.

A- Les motifs économiques

Le premier motif économique qu'on peut avancer pour expliquer le refus de reconnaissance des Etats membres au profit de tous les ressortissants communautaires des avantages conférés aux nationaux réside dans la crise de leadership qui existe entre certains Etats membres de l'Afrique Centrale.149 En effet, tous les pays ne s'accordent pas sur le leadership naturel du Cameroun, et multiplient des actes en vue de le déclasser et assurer seul le leadership de la sous région. L'exemple de la Guinée Equatoriale est à cet égard très édifiant car se basant sur son statut de nouveau riche, elle multiplie des agissements dans le but de « gérer son reclassement géostratégique international et sa montée régionale dans un contexte de leadership et d'hégémonie structurels et historiques du Cameroun ».150 Cette lutte pour le leadership est de l'avis de certains auteurs151 une raison suffisamment lourde pour expliquer, du moins en partie, les discriminations orchestrées en direction des étrangers ressortissants communautaires.

Par ailleurs, le second motif économique est constitué par le souci de protection de l'économie nationale et par conséquent du tissu social. En effet, le droit communautaire commande une libre circulation des travailleurs152 et ses implications au nombre desquelles la non discrimination fondée sur la nationalité en ce qui concerne l'accès et l'exercice de l'emploi. Pourtant, la situation dans laquelle se trouve la quasi-totalité des économies nationales des Etats de la CEMAC est de nature à les pousser à une application restrictive des libertés communautaires. L'extraversion des économies de la sous région, la dévaluation du franc CFA de 1994, la mise sous ajustement structurel ainsi que l'endettement des pays de la sous région sont autant de facteurs qui rendent les économies des Etats de la CEMAC faibles

148 Il convient de noter ici que les détracteurs du droit communautaire européen invoquent la fragilité du tissu économique et les problèmes de sécurité pour critiquer l'ouverture incontrôlée des frontières.

149 Il s'agit des Etats les plus riches de la Communauté. On peut citer le Cameroun, le Gabon, la Guinée Equatoriale et dans une certaine mesure le Congo.

150 CHOUALA (Y-A) : « La crise diplomatique de mars 2004 entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale : fondements, enjeux et perspectives » in POLIS, Revue camerounaise science politique, vol.12, numéro spécial 2004/2005.

151 Ibid.

152 Voir supra première partie, chap.1, section 1.

et fragiles.153 La conséquence est que tous ces pays souffrent d'un taux de chômage élevé et la priorité devient de l'éradiquer, même au mépris des libertés communautaires. Dans ces conditions, la pénétration des étrangers même ressortissants de la Communauté constitue un facteur susceptible d'entraver la volonté de ces Etats de lutter contre le chômage de ses ressortissants. Une fois de plus, la Guinée Equatoriale nous offre un exemple frappant. En effet, lors de l'inauguration d'un champ pétrolier de ce pays en début d'année 2008, la population a signifié son mécontentement du fait que plusieurs personnes de nationalité étrangère, et en l'occurrence les camerounais, occupent des postes d'importance dans les sociétés pétrolières au détriment des nationaux.154

Le pétrole semble donc être un motif d'obstacle à l'intégration personnelle en CEMAC puisque l'existence d'importants gisements de pétrole sur le territoire d'un Etat pousse celui-ci à refermer davantage ses frontières aux ressortissants d'autres pays membres, redoutant que les flux migratoires importants en provenance de ces Etats ne constituent un obstacle à la jouissance de ses biens au profit de sa population. Vue sous cet angle, cette xénophobie est expliquée par le souci de protéger l'ordre social, car « la forte poussée de l'immigration aiguise les tensions sociales internes liées à l'accès à l'emploi et à la jouissance par les nationaux des opportunités offertes par l'exploitation pétrolière ».155 La présence massive des étrangers, fussent-ils ressortissants communautaires, s'analyse donc en un danger pour l'équilibre social, à côté de la menace sécuritaire qu'elle peut causer.

B- Les motifs sécuritaires

Les obstacles à l'intégration personnelle en CEMAC peuvent aussi trouver une origine tout aussi plausible dans les soucis sécuritaires présents au sein de la sous région et qui peuvent être avancés par les uns et les autres. Mentionnons qu'il ne s'agit pas ici de la sécurité au sens de la sécurité publique que nous avons étudiée largement au chapitre de la réserve d'ordre public. Ceci dit, ces motifs sécuritaires peuvent englober deux réalités.

153 MBARGA NYATTE (D) : « La dynamique intégrative en Afrique Centrale : perspectives et limites de la CEMAC » in Dynamique d'intégration régionale en Afrique Centrale. Intégration Afrique Centrale, Tome 1, PUY 2001.

154 Source Cameroun.info.net.

155 CHOUALA (Y-A) : Op. cit., p.2.

1- Les instabilités politiques des différents Etats

Tous les Etats de la CEMAC sont victimes des crises identitaires qui peuvent nuire à toute politique d'intégration en général et d'intégration personnelle en particulier. En effet, face à de pareilles crises, les Etats de la CEMAC, non encore politiquement solides intérieurement, peuvent négliger le processus d'intégration. A ce titre, les dispositions communautaires ont du mal à trouver une traduction sur le terrain puisque l'attention est détournée au profit des crises internes.156

Au Cameroun, le renouveau de la question fédérale se pose sans relâche, même si ces dernières années, cette question se pose de manière moins explicite. Tout compte fait, on a assisté à des vagues de manifestations en vue d'exiger l'instauration du fédéralisme, dont une première en février 1992 à divers endroits du pays, et une seconde en début janvier 2003 dans la seule partie anglophone du pays. Leur but étant unique : reconnaître la naissance de la République du Cameroun Occidental représentée par les deux provinces anglophones du Nord-Ouest et du Sud-ouest.157

Au Tchad, il faut souligner la récurrence des combats à divers endroits du pays opposants les forces gouvernementales et le Mouvement pour la Démocratie et la Justice du Tchad.158 La succession de ces combats dans le pays a encore été démontrée en début d'année 2008 avec la tentative de déstabilisation du régime en place.

Au Congo, on a assisté à de nombreuses irruptions majeures de violence depuis 1993, qui ont eu plusieurs manifestations : luttes partisanes articulées par des rivalités personnelles entre leaders politiques, revendications politiques des identités ethno régionales, violences urbaines,159 couronnées par la (re)prise du pouvoir suprême de l'Etat par voie de coup d'Etat en 1997.

Au Gabon, la violence remarquée est purement politique et se manifeste par des contestations de l'ordre politique existant et des soulèvements populaires de mécontentement.160

156 A titre de comparaison, les Etats de l'UE connaissent certes une insécurité perpétrée par les mouvements séparatistes, mais sont assez armés pour lutter contre les forces centrifuges d'une part et gérer les actions d'intégration d'autre part, chose difficile pour les Etats encore en quête d'identité nationale.

157 MBARGA NYATTE (D): Op. cit., pp. 363-364.

158 Ibid.

159 Ibid.

160 Ibid

En RCA, les mutineries successives ont entraîné le pays dans un désordre où la violence sévit presque au quotidien. Ces violences ont été couronnées en mars 2003 par un coup d'Etat militaire qui a débouché sur la reprise violente du pouvoir.

En Guinée Equatoriale, la mésentente s'analyse d'abord en une réclamation par certaines tribus, en l'occurrence les Bubis, de l'obtention de meilleurs droits dans la distribution des revenus pétroliers.161 Par ailleurs, on y a assisté aussi à des attaques non moins violentes telles que le coup d'Etat avorté de 1997 et des attaques violentes successives. Bien plus, le spectre d'un coup d'Etat armé y plane sans relâche, et un auteur de dire : « une évolution similaire [de la situation en Guinée Equatoriale] à celle que connaissent le Delta nigérian ou le Sud tchadien n'est pas exclue ».162

De manière générale, les revendications identitaires et le contrôle des espaces peuvent sérieusement nuire au processus d'intégration personnelle amorcé en zone CEMAC. La violence qui en résulte en effet est propre à instaurer un climat de non sérénité qui apparaît ainsi comme un frein à tout acte d'intégration entre les Etats en ce sens que ceux-ci détournent leur attention au profit des crises internes, tout en négligeant par là même le mouvement d'intégration entamé et qui doit être la priorité. Ainsi, le phénomène de coupeurs de route au Cameroun, en RCA et au Tchad, la multiplication des blocages particulièrement violents dans la sous région sont toutes choses qui concourent à décourager tout ressortissant de la Communauté désireux de se rendre sur les territoires de ces Etats dont la tiédeur des relations peut constituer, elle aussi, un obstacle au processus d'intégration personnelle.

2- Les tensions entre les Etats membres

Les relations tendues entre les différents Etats membres de la CEMAC constituent également un motif de non application des libertés communautaires. Le fait est que ce climat de tension entre les Etats crée une méfiance et une xénophobie entre leurs différents peuples si bien que l'un répugne à voir les ressortissants de l'autre sur son territoire. Au sein de la CEMAC, une approche historique nous fait découvrir que si les relations entre tous ces pays de la CEMAC ne sont pas toujours au beau fixe, les véritables tensions observées ont toujours mis en cause la Guinée Equatoriale avec l'un de ses voisins.

161 ROITMAN (J) et ROSO (G) : « Guinée Equatoriale : être « off shore » pour rester national » in Politique Africaine N°81 mars 2001.

162 Ibid, p.14.

Les tensions entre la Guinée Equatoriale et ses voisins163 durent depuis la période coloniale,164 mais elles ont persisté jusqu'aujourd'hui et constituent de nos jours un frein sérieux à l'intégration personnelle. Bien plus, ces tensions couvrent des aspects et des sujets aussi variés que les problèmes frontaliers ou territoriaux, les problèmes géostratégiques et les enjeux économico politiques de leurs relations.

D'abord, avec le Gabon, la Guinée Equatoriale se dispute les parcelles territoriales et maritimes relativement à leurs frontières communes. Mais c'est à propos des îles situées au large de leurs côtes que les problèmes frontaliers entre ces deux Etats se sont le plus manifestés, notamment concernant les îles équato-guinéennes de Banié, Cocotiers, et Conga qui ont été annexées par le Gabon, ce qui lui permettait de bénéficier d'une zone économique exclusive (ZEE) importante et d'une large ouverture sur la mer.165 Par ailleurs, ces îles étant très riches en pétrole, le Gabon a vite fait d'y installer manu militari sa souveraineté, et même si un accord d'exploitation commune des ressources de cette île a été signé entre les deux parties, le Gabon n'a pas l'intention de restituer de si tôt la souveraineté équato-guinéenne sur ces îles.166

Ensuite, c'est avec le Cameroun que la Guinée Equatoriale va avoir de plus graves tensions, moins en ce qui concerne les frontières maritimes ou terrestres que pour ce qui est des problèmes stratégiques et économiques. En effet, l'alliance de la Guinée Equatoriale avec le Nigeria va réveiller les craintes du Cameroun qui soupçonne celle-là de vouloir mettre son territoire à la disposition de celui-ci pour perpétrer des actes d'agression au Cameroun. Le Cameroun qui en réaction fera construire une base militaire à Olam-Zé au Sud du pays sera accusé par la Guinée Equatoriale d'abriter sur son sol des dissidents équato-guinéens qui préparent une attaque armée contre le régime en place.167 Plus récemment encore, en 2004, la Guinée Equatoriale accusait le Cameroun d'accepter sur son territoire des putschistes qui ont

163 Principalement entre le Cameroun et le Gabon, ses voisins les plus proches et avec lesquels elle entretient les relations les plus intenses.

164 Le Cameroun et le Gabon voulant l'un l'annexer complètement et l'autre d'agrandir son territoire à son détriment. Voir KOUFAN MENKENE (J) : « Un exemple de blocage du processus d'intégration en Afrique Centrale : la persistance des facteurs conflictuels entre la Guinée Equatoriale et ses voisins francophones depuis 1979 » in Dynamiques d'intégration régionale en Afrique Centrale. Intégration Afrique Centrale, Tome 1, PUY 2001.

165 Ibid., pp.331 à 335.

166 Ibid., pp.338 et 339.

167 Ibid., pp.334 et 335.

l'intention d'amorcer un coup d'Etat, ce qui serait susceptible de « déstabiliser non seulement la Guinée Equatoriale, mais aussi toute la sous région d'Afrique Centrale ».168

Par ailleurs, une autre cause de xénophobie pouvant naître entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale réside dans l'implication de celle-ci dans le procès opposant celui-là au Nigeria à propos de la presqu'île de Bakassi. En effet, en prenant fait et cause en faveur du Nigeria, la Guinée Equatoriale a lésé un pays avec qui elle partage le même espace économique, mais aussi a attisé les tensions désormais latentes qui existent entre eux.169

Enfin, l'autre cause de la froideur des relations entre ces deux pays est constituée par « l'investissement des camerounais dans les activités criminelles »170 en Guinée Equatoriale, ou ce que certains ont appelé la « feymania des camerounais »171 qui exaspère les populations autochtones.172En effet, d'après les sources judiciaires et policières,173 les gabonais sont outrés par le taux très élevé de criminalité observé chez les équato-guinéens et les camerounais. D'après ces sources les ressortissants de ces deux pays sont respectivement responsables de 16% et de 14% de crimes et délits commis au Gabon.

Au demeurant, ces différentes discordes observables entre les pays de la Communauté ont assurément une influence plus que négative sur la volonté du législateur d'assimiler les étrangers d'origine communautaire aux nationaux. En effet, la conséquence de pareilles situations est que le processus d'intégration est mis en veilleuse à la faveur des disputes, les responsables des pays sacrifiant les libertés communautaires à l'égard des ressortissants des pays avec lesquels ils sont en délicatesse, ce qui instaure une xénophobie entraînant des manifestations diverses.

Para. 2 : LES MANIFESTATIONS DES DISCRIMINATIONS DU FAIT DES ETATS

La conséquence de ces discriminations est que le ressortissant communautaire n'est pas, partout au sein de la Communauté, chez lui. Il y a une non application volontaire des textes consacrant les libertés communautaires et par voie de conséquence une distinction entre les nationaux et les étrangers d'origine communautaire. Les discriminations sont donc

168 Propos du ministre équato-guinéen des affaires étrangères de l'époque, rapportée par le journal La Nouvelle Expression N°1239 2004, p. 4. Voir CHOUALA (Y-A), op. cit., p.8.

169 CHOUALA (Y-A) : Op. cit., p.5.

170 Ibid., p. 2.

171 Pour reprendre es termes de KOUFAN MENKENE (J) et TCHUDJING (C) op. cit., p.337.

172 Il faut cependant dire que les avis sont partagés à cet effet, certains croyant que l'accusation est faite à tort et n'est qu'un prétexte pour perpétrer à leur égard des discriminations de toutes sortes, et d'autres que cette accusation est juste et décrit justement le comportement des camerounais à l'étranger.

173 Citées par KOUFAN MENKENE (J) et TCHUDJING (C) dans l'article précité, p.343.

générales et étendues à tous les domaines où les libertés sont consacrées. Cependant, on peut considérer que certaines discriminations sont, de part leur importance, leur gravité ou leur récurrence, plus significatives que les autres si bien qu'il est important qu'on s'y attarde. C'est le cas de la non harmonisation des législations nationales (A) et de la récurrence des expulsions massives (B).

A- L'absence d'harmonisation des législations nationales

La reconnaissance au profit de l'étranger ressortissant communautaire d'une condition confortable passe inévitablement par une harmonisation des législations nationales dans les matières où les droits sont consacrés, analysée comme la réception par les droits nationaux des dispositions communautaires. Il s'agit d'une exigence formelle de la Convention régissant l'UEAC qui dispose en effet que la réussite de l'intégration personnelle en CEMAC implique une « harmonisation préalable dans un délai maximum de cinq ans des règles relatives à l'immigration dans chaque Etat membre, des dispositions pertinentes des codes de travail nationaux [et] des dispositions législatives et réglementaires applicables aux régimes et organismes de protection sociale ».174 Pourtant, plus de cinq ans après l'entrée en vigueur de la Convention, le constat est amer et symptomatique de la mauvaise volonté des Etats et de la situation des étrangers en zone CEMAC. L'harmonisation couvre trois domaines différents et aucun d'entre eux n'a fait l'objet d'une telle procédure dans les Etats. Il faut tempérer le propos néanmoins en précisant qu'en matière sociale, le processus d'harmonisation est à un stade plus ou moins avancé avec l'intervention des Conventions OCAM et CIPRES qui offrent aux Etats parties une unité de régime en la matière et auxquelles tous les Etats de la CEMAC ont souscrit175, tout comme dans les matières régies par le droit OHADA.

En matière d'immigration, les législations nationales continuent d'être aussi fermées les unes que les autres. En effet, elles continuent à ne faire aucun distinguo entre l'étranger ressortissant communautaire et l'étranger non ressortissant, et soumettent à tous des modalités administratives complexes pour l'entrée et la circulation sur les territoires étatiques.176

La remarque est tout autant amère en matière de travail des étrangers dans les pays de la sous région et la discrimination est ici flagrante. En effet, la lecture combinée des dispositions relatives au travail dans ces Etats fait ressortir diverses discriminations à l'égard des étrangers, quels qu'ils soient, et qui se manifestent notamment par l'exigence du visa

174 Articles 27 alinéa (a) para.1 de la Convention régissant l'UEAC.

175 Voir supra, première partie, chap.1, section 1, para.2.

176 Voir note n° 17

administratif, d'une autorisation d'emploi, d'une attestation pour certaines professions, de la fixation d'un quota pour travailleurs étrangers, et dans certains pays, de la non disponibilité préalable d'un travailleur national pour l'emploi visé.177 En réalité, ce qui est reproché aux Etats de la CEMAC, c'est moins de fixer des conditions supplémentaires pour l'emploi des étrangers,178 que de ne faire aucune distinction en direction des étrangers d'origine communautaire.

Par ailleurs, si le reproche avancé aux Etats de la CEMAC l'est à raison de leur comportement négatif, c'est-à-dire leur abstention à l'harmonisation voulue par le législateur communautaire, on a aussi constaté un comportement positif qui s'analyse comme une limite à l'harmonisation. Il s'agit de l'attitude de la Guinée Equatoriale qui a, en fin avril 2008, rendues publiques les nouvelles modalités à remplir pour l'obtention de la carte de séjour pour les camerounais vivant sur son territoire ainsi que ceux qui aspirent s'y rendre. Désormais, ils doivent témoigner des conditions comme avoir une autorisation du Gouverneur, une attestation d'ouverture de compte, un certificat de bon voisinage, une déclaration sur l'honneur, un certificat d'imposition, un certificat de bonne conduite, une attestation de non endettement, etc.,179 toute chose qui vise à ralentir considérablement le processus déjà fortement amorcé de l'intégration personnelle.

Toutefois, même si toutes les mesures nationales ne rentrent pas en droite ligne de l'harmonisation voulue par le législateur, et par conséquent lui sont contraires, on peut néanmoins penser que la primauté et l'effet direct du droit communautaire constituent des solutions envisagées pour non seulement obliger les Etats à se plier à la nouvelle donne communautaire,180 mais aussi permettre aux ressortissants communautaires de l'invoquer directement, en ignorance des textes nationaux contraires, et par voie de conséquence éviter les gestes de xénophobie tels que les expulsions massives.

177 Il s'agit des articles 27 de la loi N°92/007 du 14 août 1992 portant code de travail du Cameroun, 2 du décret N°93/571/PM du 15 juillet 1993 fixant les conditions d'emploi des travailleurs de nationalité étrangère pour certaines professions au Cameroun ; 21 alinéa (a) para.3 de l'ordonnance N°90/001 du 29 janvier 1990 créant le régime de la zone franche au Cameroun ; 67 et 493 de la loi N°038/PR/96 du 11 décembre 1996 portant code de travail de la République du Tchad ; 33 alinéa 2 de la loi N°45/92 du 9 mai 1992 portant code de travail de la République du Congo ; et 104 et 105 de la loi N°03/94 du 21 novembre 1994 portant code de travail de la République du Gabon.

178 Même si ces dispositions entrent en contradiction avec les deux conventions de l'OIT qui ont été ratifiées par la quasi-totalité des pays de la CEMAC, à savoir la Convention N°111 adoptée le 4 juin 1958 portant prohibition des discriminations en matière d'emploi et de profession ; et la Convention N°143 adoptée le 4 juin 1975 portant promotion de l'égalité des chances et de traitement des travailleurs migrants.

179 Source Mutations du 20 juin 2008.

180 GNIMPIEBA TONNANG (E) : « La libre circulation des personnes et des services en Afrique Centrale : entre consécrations théoriques et hésitations politiques », op. cit., p.87.

B- La récurrence des gestes de xénophobie

Les gestes de xénophobie sont tout d'abord exprimés par les discours violents à l'endroit des immigrés ressortissants communautaires. En effet, dans certains pays, les dirigeants tiennent des discours particulièrement xénophobes invitant leurs compatriotes à adopter des comportements inhospitaliers à l'égard des ressortissants des autres pays de la Communauté.181

Il s'agit ensuite de l'instauration des contrôles intensifs et irréguliers aux frontières internes qui n'ont pour effet que de limiter au maximum les déplacements intracommunautaires des ressortissants communautaires ; ainsi que la récurrence des expulsions massives qu'on a enregistrées dans la sous région. En effet, depuis quelques années, la zone CEMAC est devenue le lieu par excellence où se passent les expulsions de tous genres en direction des étrangers ressortissants communautaires. Au moment où la libre circulation des travailleurs, leur droit d'établissement et leur droit de séjour doivent être de principe aujourd'hui, certains pays de la Communauté se sont illustrés comme des « mauvais élèves » dans le processus d'intégration humaine de la CEMAC.182 En effet, la guinée Equatoriale et le Gabon sont les deux Etats qui ont orchestré sur leurs territoires des rapatriements forcés, parfois dans des conditions en marge du respect des droits de l'homme.

Le constat fait état de ce que les camerounais et équato-guinéens résidant au Gabon, et les sujets camerounais et gabonais résident en Guinée Equatoriale vivent dans une insécurité, constamment en butte aux tracasseries de toutes sortes.183 Du coup, les immigrés qui y vivent sont sous la menace permanente d'être un jour livrés à l'arbitraire de la police ou à la vindicte des populations abruties par un chauvinisme de pacotille et qui guettent la moindre occasion pour purger leur pays des hôtes à problème. Du coup, de nombreuses expulsions massives ou individuelles qui ont été enregistrées au cours des deux dernières décennies dans ces deux pays se sont multipliées.

Il faut signaler cependant que dans cette entreprise, la Guinée Equatoriale est passée maîtresse puisque la décennie passée a été marquée, du point de vue de l'intégration personnelle par des expulsions successives des ressortissants des autres pays communautaires

181 CHOUALA (Y-A) : Op. cit., qui prend l'exemple du président équato-guinéen qui, parlant des camerounais, disait « chacun de vous, en désignant ses compatriotes, doit disposer d'une machette, de bâtons et de barres de fer pour frapper les voleurs à la tête et qu'ils disparaissent ». Source AFP Afrique du 15 août 2000.

182 Si les expulsions massives ont été enregistrées dans certains pays et pas dans d'autres, on peut l'expliquer en partie par la densité des flux migratoires très élevée dans certains pays et moins dans d'autres.

183 KOUFAN MENKENE (J) et TCHUDJING (C) : Op. cit., p.343.

de ce pays. Des vagues d'expulsion sont donc constamment organisées par le pouvoir de Malabo qui renvoie à chaque fois des milliers des Camerounais et gabonais dans leurs pays respectif. C'est dire si la situation des étrangers d'origine communautaire en CEMAC est parfois diamétralement opposée à la prescription du législateur, ce qui se passe sur le terrain étant différent de la volonté des textes. Il devient alors important que des mesures aient été prises pour éviter des déraillements des Etats membres. Il s'agit déjà là des solutions.

Section 2 : LA DIFFICILE RECHERCHE DES SOLUTIONS AUX
DISCRIMINATIONS ETATIQUES

L'idée ici est de montrer que l'application du droit communautaire ne peut être efficace sans l'intervention des mesures destinées à assurer son application effective. En effet, les discriminations du fait des Etats sont pratiquement inévitables dans toute communauté intégrative en raison de leurs égoïsmes naturels, et il appartient dès lors au dispositif communautaire de prévoir des mesures propres à faire face à cela (para. 1). Par ailleurs, le dispositif communautaire en matière de respect des droits des étrangers d'origine communautaire présente des lacunes qu'il faut combler (para. 2).

Para. 1 : LA CJC , GARANT EFFICACE DES LIBERTES COMMUNAUTAIRES ?

Il s'agit en fait de la Chambre judiciaire de la Cour de Justice Communautaire qui se présente comme le protecteur des libertés consacrées par le législateur communautaire. La question se pose toutefois, au regard du dispositif communautaire, de savoir si la protection de la Chambre judiciaire peut être effective et efficace. La réponse doit être nuancée car le législateur a tout de même prévu un contrôle juridictionnel des activités de la Communauté en général (A), même si celui-ci connaît de nombreuses limites (B).

A- Le contrôle juridictionnel des libertés communautaires par la chambre judiciaire

Ce contrôle est déduit des compétences de la Chambre Judiciaire de la CJC. En effet, la compétence de cette chambre en matière de droits des ressortissants communautaires ressort d'une lecture combinée de diverses dispositions éparses dans les textes communautaires. Ainsi, la Chambre Judiciaire est compétente pour assurer le respect des

droits dans la mise en oeuvre et l'application du droit communautaire.184 S'il est vrai que ces dispositions ont plutôt tendance à assurer la mise en oeuvre du droit communautaire dans son ensemble, nul doute qu'elle vise, particulièrement en ce qui nous concerne, le respect des libertés communautaires ; car la conséquence est que la Chambre Judiciaire est compétente pour connaître tous les cas où, par divers actes matériels ou juridiques, les Etats membres entendent entraver à ces libertés prévues par tout texte de la CEMAC.185 La Chambre judiciaire se pose ainsi en gardienne de ces droits et veille à leur bon respect. L'importance de ce contrôle juridictionnel des libertés communautaires s'analyse à travers la saisine de la Cour (1) et ses pouvoirs (2).

1- La saisine de la Cour

La large possibilité de saisir la Chambre Judiciaire de la CJC constitue un gage de son efficacité en matière de droits des ressortissants étrangers. En effet, l'article 14 de la Convention régissant la CJC reconnaît un large droit de saisine de cette chambre dès lors qu'il pose que celle-ci statue « sur recours de tout Etat membre, de tout organe de la CEMAC, ou de toute personne physique ou morale » justifiant d'un intérêt légitime et certain de tous les cas de violation et de non respect des dispositions du Traité et de ses textes subséquents. C'est une mesure d'autant plus importante qu'elle donne la possibilité notamment à toute personne physique victime d'un acte discriminatoire de la part d'Etat membre d'accueil, d'obtenir la sanction de cet acte. En principe, la nécessité d'un intérêt légitime ne devrait pas être un obstacle car l'Etat congolais peut saisir la Chambre Judiciaire pour un cas d'expulsion des gabonais au Tchad, tout Etat membre ayant intérêt à ce que l'intégration personnelle se développe sans embûche. La large ouverture du droit de saisine jusqu'au simple citoyen s'analyse donc comme une mesure pouvant faciliter le rôle de la Chambre car une saisine réduite ou politique aurait des effets néfastes et limiterait les pouvoirs de la Chambre.

2- Les pouvoirs de la Chambre Judiciaire

C'est ici que la réelle efficacité de la Chambre en matière de droits des ressortissants communautaires est le plus appréciée car il faut savoir si de par les pouvoirs à elle conférés, elle peut efficacement les protéger.

184 Article 5 alinéa 1 du Traité instituant la CEMAC, 74 de la Convention régissant l'UEAC et 2 de la Convention régissant la CJC.

185 Article 4 alinéa 1 Convention régissant la CJC.

A cet effet, la première remarque est que la Convention de la CJC dote les décisions rendues par la Cour de l'autorité de la chose jugée et de la force exécutoire.186 Ce qui veut dire qu'elles sont définitives et directement applicables à l'égard de l'Etat défaillant sans qu'il soit nécessaire d'engager une autre procédure à cet effet. C'est dire que l'illégalité reconnue par la Cour d'un comportement étatique discriminatoire à l'égard des autres ressortissants communautaires doit entraîner la levée immédiate ou sa sortie immédiate de l'ordre national, puisque, poursuit le texte, « l'Etat membre dont l'acte a été jugé non conforme au droit communautaire est tenu de prendre des mesures nécessaires à l'exécution de la décision de la Chambre judiciaire ».187 Cela implique, comme le souligne un auteur, que « la constatation par la Cour qu'un Etat membre a manqué à ses obligations communautaires implique pour les autorités tant judiciaires qu'administratives de cet Etat, d'une part, prohibition de plein droit d'appliquer la réglementation nationale incompatible avec le droit communautaire et, d'autre part, l'obligation de prendre toutes les dispositions pour faciliter la réalisation du plein effet du droit communautaire ».188

Par ailleurs, en cas de saisine de la Chambre pour non respect d'une liberté communautaire, elle peut ordonner le sursis à exécution de l'acte ou du comportement querellé, par dérogation au principe du recours non suspensif.189 C'est dire qu'elle peut par exemple ordonner qu'il soit sursis à une décision d'expulsion d'étrangers d'origine communautaire prise par les autorités d'un Etat membre. Elle peut même, selon l'article 24 de la Convention, prendre des mesures provisoires ou conservatoires nécessaires pour sauvegarder les droits des ressortissants communautaires se trouvant sur le territoire d'un Etat membre si elle estime que de la prise de ces mesures dépend le respect de ces libertés. Ces mesures permettent d'éviter que des actes notoirement illégaux ne soient appliqués et que leur annulation future ne soit pas suivie d'effet. Il s'agit d'éviter que des dommages irréparables ou difficilement réparables ne se produisent.

Enfin, la compétence en matière d'interprétation des articles 5 du Traité CEMAC et 17 et suivants de la Convention régissant la CJC, notamment à travers son droit d'auto saisine de l'article 19 de la Convention régissant la CJC, constitue aussi une garantie du respect des libertés communautaires en ce sens que son interprétation contribue à mettre fin aux appréhensions erronées des Etats membres susceptibles de restreindre ou d'éliminer les droits

186 Article 5 de la Convention régissant la CJC.

187 Article 16 alinéa 1 de la Convention régissant la CJC.

188 BERGERES (M-C) : Contentieux communautaire, 3ème édition mise à jour, PUF 1998, p.203.

189 Article 23 de la Convention régissant la CJC.

consacrés.190 Ces interprétations s'imposent donc aux Etats qui, en pratique, font montre d'entêtement en raison de l'absence de contrainte.

B- L'absence du caractère contraignant des décisions de la Cour : une limite à

son efficacité en matière de protection des libertés communautaires

C'est en quelque sorte le talon d'Achille droit communautaire CEMAC en général et plus encore en ce qui concerne le respect des libertés communautaires. En effet, la capacité de tout juge à protéger les droits des individus dépend de l'applicabilité de ses décisions. Car à quoi servirait une décision, aussi vénérable soit-elle, si elle n'a pas vocation à s'appliquer ? C'est en fait ce qui est remarquable au sein de la CEMAC car les décisions de la CJC sont dépourvues des mesures d'accompagnement qui puissent obliger les Etats destinataires à s'exécuter effectivement. A la place, les textes se bornent à prévoir que les décisions de la Cour ont autorité de la chose jugée et force exécutoire, sans pourtant prévoir des mesures pouvant veiller à cette exécution effective, en termes de moyens de pression ou de sanctions. Pourtant, le caractère récalcitrant des Etats étant de principe en CEMAC en matière de discriminations entre nationaux et étrangers, les décisions de la Cour sont vouées à rester lettre morte et les consécrations communautaires avec. Cet état de chose est due au fait que l'ordre juridique communautaire fait forcément intervenir ceux des Etats membres en termes de réception des dispositions communautaires ainsi que des décisions rendues par les juridictions communautaires car, dit un auteur, « la plus grande partie du droit communautaire est exécutée non pas par les institutions communautaires, mais par les administrations ou organes nationaux ».191 Ce sont en effet les institutions étatiques qui doivent prendre des dispositions pour l'application des décisions prises, et il est indispensable que des mesures soient prises pour assurer l'exécution de ces décisions et par delà cela le respect des libertés reconnues en faveur des étrangers d'origine communautaire. Il s'agit des solutions envisageables.

Para. 2 : UNE NECESSAIRE REDYNAMISATION DES SOLUTIONS AUX
DISCRIMINATIONS ETATIQUES

Ces solutions envisageables visent non seulement à se prémunir contre des risques d'inapplication des décisions de la Cour de Justice, mais aussi à conférer au ressortissant

190 Article 18 de la Convention régissant la CJC.

191 ISAAC (G) : Droit communautaire général, 4ème édition, MASSON Droit Sciences Economiques, p.274.

CEMAC partout sur la Communauté une situation meilleure que celle qui prévaut aujourd'hui. Il est question pour nous de poser une pierre à l'édifice de l'intégration sousrégionale CEMAC et particulièrement l'intégration personnelle. Pour ce faire, nous nous référons à ce qui, dans les autres communautés constitue un atout que la CEMAC ignore jusqu'ici et dont elle gagnerait à en tenir compte. A ce propos, sans prétendre que nos propositions sont une sorte de solution miracle, nous pensons que la reconnaissance au profit du ressortissant CEMAC sur l'ensemble de la Communauté d'une situation meilleure passe par une redynamisation du recours en manquement d'Etat (A) et l'institution d'une citoyenneté CEMAC (B).

A- Une redynamisation nécessaire du recours en manquement d'Etat

Il faut tout d'abord institutionnaliser de manière claire et précise le recours en manquement d'Etat puisqu'en l'état actuel du droit communautaire CEMAC, le recours en manquement d'Etat est implicitement consacré au titre des compétences de la Cour de Justice Communautaire.192 Pourtant, vu l'importance du risque encouru ou de ce qui doit être évité, il serait préférable que ce recours soit institué de façon explicite de manière à en fixer les modalités.193 Ensuite des mesures doivent être prises pour le rendre plus efficace que ce que prévoient les textes en vigueur.

1- La médiation de la Commission de la CEMAC dans la procédure judiciaire

S'il est louable que le droit de saisine n'est accordé à toute personne, même physique témoignant d'un intérêt certain, il serait tout aussi préférable que l'action judiciaire passe par un organe intermédiaire, notamment la Commission de la CEMAC qui pourrait, le cas échéant, la déclencher auprès de la Chambre Judiciaire, comme c'est le cas en Union Européenne. Elle jouerait ainsi le rôle du Procureur de la République en droit interne puisqu'elle est le garant de l'application du droit communautaire et doit s'assurer que celui-ci est respecté partout et en tout temps. Cette mesure aurait peut-être l'inconvénient d'allonger et d'alourdir la procédure certes, mais aurait certainement pour effet et avantage de la rendre plus efficace. Car non seulement cet organe pourrait utiliser son pouvoir de persuasion et son influence pour faire pression sur l'Etat fautif de manière à lui donner une chance de mettre fin

192 Article 14 précité de la Convention régissant la CJC.

193 En UE, le recours en manquement d'Etat est prévu et institué par les articles 169, 170 et 171 du traité CE qui en fixent les modalités.

aux manquements de nature à restreindre les libertés communautaires ;194 mais aussi, les Etats membres pourraient s'affronter à travers lui sans entacher leurs relations diplomatiques. La vérité est que, comme le remarque un auteur, « pour les raisons politiques évidentes, les Etats membres répugnent à s'affronter directement en cas d'infraction du droit communautaire ».195 Ainsi, cet organe pourrait éviter que les parties en cause dans une procédure n'arrivent à la phase terminale ou contentieuse, et ainsi épurer le problème par sa médiation. On peut même estimer que la peur d'entacher leurs relations diplomatiques est à l'origine de la pauvreté des recours des Etats membres de le CEMAC contre les différentes violations des libertés communautaires des ressortissants des autres Etats membres.

2- L'institution des mesures contraignantes pour l'exécution des décisions de justice

La garantie de l'efficacité du recours passe par la fixation des mesures de nature à obliger les Etats dont les actes ont été déclarés contraires aux libertés communautaires à s'exécuter. La solution à cet égard pourrait revêtir deux aspects :

D'abord une sanction financière contre tout Etat qui ne s'exécutera pas, le montant étant fixé en rapport avec la gravité de l'acte posé, et l'importance de la liberté violée, et son recouvrement pouvant, à défaut d'exécution volontaire dans un délai déterminé, être fait d'office comme en matière de cotisations étatiques.

Et ensuite une sanction politique pouvant consister, par exemple en des astreintes et des suspensions du droit de participer à certains programmes communautaires, ou de bénéficier de certains avantages, ou encore d'accéder à certains fonds communautaires avant de s'être exécuté. Il s'agit d'instituer des mesures qui auront pour effet de veiller à l'application des décisions judiciaires de la Communauté, le but étant de veiller au respect des libertés communautaires qui seraient, par ailleurs, davantage protégées à travers l'institution d'une citoyenneté communautaire.

B- L'institution de la citoyenneté CEMAC

L'institution d'une citoyenneté communautaire en CEMAC peut être considérée comme un grand pas vers la reconnaissance des droits des étrangers d'origine communautaire sur l'ensemble du territoire de la Communauté. En effet, l'absence d'une telle citoyenneté

194 BERGERES (M-C) : Le contentieux communautaire, op. cit., p. 189.

195 FAVRET (J-M) : Droit et pratique de l'Union Européenne, Gualino Editeur, Paris 1996, p.26.

constitue un frein à l'intégration personnelle en CEMAC196 et l'expérience européenne est plutôt encourageante dans cette lancée.197 L'effet de cette citoyenneté communautaire consisterait en une réelle assimilation de l'étranger au national, en ce sens qu'elle permettrait d'obtenir une insertion facile dans la vie sociale, économique, culturelle et même politique de l'Etat membre d'accueil.198 Il s'agit donc d'une insertion profonde qui pourra même permettre à l'étranger de pouvoir intervenir sur la scène politique de l'Etat d'accueil, à travers la reconnaissance en sa faveur d'une éligibilité et d'un droit de vote à l'occasion de certains scrutins.199 La citoyenneté CEMAC opérera alors un brassage parfait des populations de la Communauté en ce sens qu'elle conférera à tous les ressortissants étrangers d'origine communautaire dans un pays de la Communauté les mêmes droits que ceux reconnus aux nationaux, avec comme conséquence en matière de libre circulation, que la carte nationale d'identité suffise, comme en CEDEAO, à assurer le déplacement intra-communautaire des ressortissants communautaires.

Les discriminations orchestrées par les Etats en direction des ressortissants étrangers sont au demeurant celles les plus visibles et les plus caractéristiques de l'état du peu avancement du processus d'intégration en zone CEMAC. Et la solution à ce problème commande que l'on combatte le mal dès la racine, c'est-à-dire que l'on pense à solutionner tous les problèmes qui sont à l'origine de ces discriminations. Pour ce faire le droit communautaire gagnerait à mettre en place ou à appliquer les mécanismes de gestion des différends entre les Etats puisqu'il est entendu que ces différends constituent un blocage du processus d'intégration des personnes en CEMAC.

196 MBARGA NYATTE (D) : Op. cit., p.362.

197 La citoyenneté européenne est régie par les articles 8, 8A, 8B, 8C, 8D, 8E du Traité de Maastricht.

198 CONSTANTINESCO (V), KOVAR (R) et SIMON (D) (Sous la direction de) : Op. cit., p.129.

199 C'est le cas en Union Européenne, article 8B du Traité de Maastricht.

CONCLUSION

La condition des étrangers est donc à la fin une situation qui oscille entre les « consécrations théoriques et [les] hésitations politiques ».200 D'abord, les consécrations théoriques ou juridiques, à la différence de ce qui est remarqué sous d'autres cieux comme en Union Européenne, montrent une extrême prudence du législateur en ce qu'il ne consacre des libertés qu'en direction des personnes précises et limitativement énumérées. Bien plus, certaines consécrations des libertés reconnues aux ressortissants communautaires font l'objet de beaucoup de légèreté dans la formulation si bien qu'on pourrait conclure à une consécration dans le seul but de s'arrimer à la nouvelle donne mondiale sans réelle volonté de conférer aux ressortissants communautaires une situation confortable. Pour ce qui est des hésitations politiques, elles concernent les réticences étatiques et leur manque de volonté de suivre le mouvement initié par le législateur, et constituent de ce fait même le plus grand blocus remarqué en matière d'intégration personnelle. Ceci dit, on remarque que, par exemple, la libre circulation telle que voulue par le législateur communautaire n'est prévue qu'en la faveur des catégories précises de personnes : agents économiques, étudiants, chercheurs, enseignants et formateurs. Le Marché Unique communautaire en matière d'intégration personnelle est alors un marché restreint, du moins en l'état actuel du droit communautaire.

Pourtant, si le problème de l'intégration personnelle en CEMAC se trouve dans la prudence législative et la non volonté étatique quant à l'application des droits reconnus, il reste qu'il existe en la matière une absence de sensibilisation qui aurait pour but et conséquence de mettre au courant des droits consacrés et de tous leurs implications les citoyens bénéficiaires des libertés consacrées. En effet, on peut reprocher à la CEMAC d'initier un processus d'intégration trop politique qui laisse de côté les citoyens sans les intégrer d'une manière comme d'une autre dans le processus de prise de décisions, mais aussi en ne mettant pas en place des mécanismes nécessaires pour leur sensibilisation. Le fait est que beaucoup de ressortissants de la CEMAC ne se sentent pas concernés par le processus d'intégration personnelle initié dans la Communauté et ne sont même pas au courant des droits consacrés en leur faveur.

200 Pour reprendre les termes de GNIMPIEBA TONNANG (E) : Op. cit.

Ceci explique aussi l'extrême pauvreté, sinon la quasi inexistence du contentieux relatif à ces libertés. En effet, on remarque un rôle trop passif de la CJC en matière de libertés communautaires dû à l'ignorance des individus de leurs droits qui ne sauraient dès lors saisir le juge. Il faut aussi accuser le laxisme du juge communautaire qui, à travers son pouvoir d'auto saisine notamment en matière d'interprétation, devrait préciser les contours des droits et veiller ipso facto à leur application correcte. Par ailleurs, il est à déplorer la pauvreté tout aussi frappante du droit dérivé en ces matières, alors que celui-ci joue un rôle très important dans la protection des droits à travers une précision qui rend impossibles les dérives étatiques. Les textes primaires sont souvent formulés en des termes trop génériques qui nécessitent des précisions par des textes du droit dérivé, ainsi que la définition de certaines notions floues. En Union Européenne, par exemple, le droit dérivé est abondant et joue un rôle prépondérant dans la confection du droit communautaire dans l'ensemble et des règles relatives à l'intégration personnelle en particulier. En CEMAC par contre, les règlements qui sont prévus par les traités et conventions en application des libertés consacrées sont pour la plupart non encore pris, ce qui rend peu fluide le dispositif communautaire en la matière.

Par ailleurs, il importe de mentionner que l'intensité des flux migratoires entre les Etats de la zone CEMAC est conditionnée par certains facteurs comme l'ouverture ou non à la mer de certains pays, ou la présence ou non dans ceux-ci des matières premières procuratrices d'emplois. C'est pourquoi on assiste à des flux migratoires d'une densité en deux temps : une densité intense en direction des pays ouverts sur la mer et témoignant de nombreuses ressources naturelles comme le Cameroun, le Gabon, le Congo et depuis peu la Guinée Equatoriale ; et une autre légère en direction des pays enclavés et en retard de croissance économique par rapport aux autres que constituent le Tchad et la RCA. Il importe de relever aussi la proximité de certains pays comme le Nigeria avec le Cameroun et la RDC avec le Congo qui oriente la perméabilité des frontières en direction des espaces étatiques non communautaires en ce sens que le Cameroun et le Nigeria d'une part, et le Congo et la RDC d'autre part entretiennent des flux transfrontières plus intenses que ceux qui existent entre ces Etats et d'autres Etats de la Communauté.201

Enfin, il faut tout de même reconnaître que les flux transfrontières remarquables entre les pays de la CEMAC demeurent plus ou moins intenses en raison de la porosité des frontières due aux dynamismes marchands illégaux et aux proximités des peuples des

201 NDAME (J-P) : « Dynamismes marchands illégaux, perméabilité des frontières et intégration régionale en Afrique Centrale. L'UDEAC : Bilan critique de ses 35 années d'existence » in Dynamiques d'intégration en Afrique Centrale. Intégration Afrique, Tome 1 Novembre 2001, p.429.

différents pays. En effet, s'il est accordé que les frontières en Afrique Noire et particulièrement en Afrique Centrale ont parfois été instituées ex nihilo et recoupent parfois les peuples unis, la conséquence reste que ces peuples conservent le réflexe des échanges entre eux. C'est le cas des Haoussa au Nord du Cameroun et au Sud du Tchad, et des Fang qui sont partagés au Sud Cameroun, au Gabon et en Guinée Equatoriale et dont « les solidarités lignagères facilitent le passage des frontières »202. C'est dire qu'il existe des échanges interétatiques inévitables entre ces Etats et qui relèvent davantage de l'informel que de ce qui est prévu par les textes communautaires. C'est une situation pas forcément néfaste qui devrait inspirer le travail du législateur et le pousser à consacrer des droits qui opèrent un brassage effectif de toutes les populations de la Communauté sans en oublier les autres, et par ce fait même, marquer un pas décisif en direction de l'accomplissement de l'espace CEEAC dont la CEMAC constitue un élément catalyseur.

202 Ibid., p. 435.

BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE

I- OUVRAGES

1. BERGERES (M-C) : Contentieux communautaire, 3ème édition mise à jour PUF 1998.

2. BOULOUIS (J) et CHEVALLIER (R-M) : Grands arrêts de la Cour de Justice des Communautés Européennes Tome 1, 6ème édition Dalloz 1994.

3. CARTOU (L) : L'Union Européenne. Les Traités de Paris - Rome - Maastricht, 2ème édition

4. CONSTANTINESCO (V), KOVAR (R) et SIMON (D) (Sous la direction de) : Traité sur l'Union Européenne (Signé à Maastricht le 7 février 1992) Commentaire article par article, Economica 1995.

5. DREUSNE (G) : Droit et pratiques de la Communauté et de l'Union Européennes, 4ème édition mise à jour, PUF 1997.

6. DUBOIS (C) et GUEYDAN (C) : Grands textes de droit communautaire et de l'Union Européenne, 4ème édition, Dalloz 1996 1046p. LGDI : Librairie Générale de droit et de jurisprudence

7. FALLON (M) : Droit matériel général des communautés européennes, Academia Bruylant LGDJ 197,722pp.

8. FAVRET (J-M) : Droit et pratique de l'Union Européenne, Gualino Editeur, Paris, 1996.

9. GAILLARD (E), CAREAU (D) et LEE L :(W) : Le marché Unique Européen. Pedone 1989,286 pp.

10. GIRERD (P) : Aspects juridiques du Traité des Communautés Européennes, l'Harmattan, 1996.

11. GONIDEC (P.F) : Les organisations internationales africaines. Paris L'Harmattan, 1998.

12. GUIMEZANES (N) : La circulation et l'activité économique des étrangers dans la Communauté Européenne. Droit Communautaire Droits nationaux. Nouvelles Editions Fiduciaires, 1998.

13. HREBLAY (V) : La libre circulation des personnes. Les accords de Schengen. PUF Politique d'aujourd'hui, 1999.

14. ISACC (G) : Droit communautaire général, 4ème édition, MASSON Droit Sciences Economiques, 1994.

15. LEFEBVRE (F) (Mémento Pratique) : Communauté Européenne 1998-1999, Editions Francis LEFEBVRE 1997.

16. LOUIS (J-V) : L'ordre juridique Communautaire, 6ème édition revue et mise à jour, Perspectives Européennes, Bruxelles 1993.

17. MARTIN (D) : La libre circulation des personnes dans l'Union Européenne, Bruylant Bruxelles 1995.

18. PAPADOPOULOU (R-E) : Principes généraux de droit et droit communautaire. Origines et concrétisation, Bruylant Bruxelles, 1996.

19. SINTES (G) : La politique sociale de l'Union Européenne. Presse Interuniversitaires Européennes, 1993, 395pp.

20. VANDERSANDEN (G) et DONY (M) : La responsabilité des Etats membres en cas de violation du droit communautaire. Etudes de droit communautaire et de droit national comparé, Bruylant Bruxelles, 1997.

21. VIVANT (M) (Sous la direction de) : Droit communautaire et liberté des flux transfrontières, LITEC 1988.

II- ARTICLES DE DOCTRINE

1- ALBERTON (G) : « L'applicabilité des normes communautaires en droit interne » in RFD janvier- février 2002, pp. 1-19.

2- ATEMENGUE (J.N) : « Le droit matériel de l'intégration dans la CEMAC : Une lecture des textes fondamentaux » in Juridis Périodique N°46 2001, pp.106 et ss.

3- EBALE (R) : « La Convention de Lomé et l'intégration régionale en Afrique Centrale », in Dynamiques d'intégration en Afrique Centrale. Intégration Afrique. Tome I, novembre 2001, pp.371-400.

4- GNIMPIEBA TONNANG (E) : « La libre circulation des personnes et des services en Afrique Centrale : entre consécrations théoriques et hésitations politiques », in Juridis Périodique N°71 juillet- août- septembre 2007, pp.81 et ss.

5- KARYDIS (G) : « L'ordre public dans l'ordre juridique communautaire : un concept à contenu variable », in Revue Trimestrielle de Droit Européen janvier - mars 2002, pp. 1 et ss.

6- KENFACK (J) : « Le juge camerounais à l'épreuve du droit communautaire et de l'intégration économique », in Juridis Périodique édition spéciale juillet - août - septembre 2005, pp. 64- 75.

7- KOUFAN MENKENE (J) et TCHUDJING (C) : « Un exemple de blocage du processus d'intégration en Afrique Centrale : la persistance des facteurs conflictuels entre la Guinée Equatoriale et ses voisins francophones depuis 1979 », in Dynamiques d'intégration régionale en Afrique Centrale. Intégration Afrique, op. cit.

8- MBARGA NYATTE (D) : « La dynamique intégrative en Afrique Centrale : perspectives et limites de la CEMAC », in Dynamiques d'intégration régionale en Afrique Centrale. Intégration Afrique, op. cit., pp.347 et ss.

9- MOYE BONGYU (G) : « CEMAC : Integration or coexistence ? », in Annales de la FSJP de l'Université de Dschang, tome 8 2004, pp. 29 et ss.

10. NDAME (J-P) : « Dynamismes marchands illégaux, perméabilité des frontières et
intégration régionale en Afrique Centrale. L'UDEAC : Bilan critique de ses 35 années d'existence », in Dynamiques d'intégration régionale en Afrique Centrale. Intégration Afrique, op. cit., pp. 429 et ss.

11. -SAMSON ANGO (M) : « Relations frontalières entre les peuples du Cameroun et les
autres pays d'Afrique Centrale : le cas de l'Est », in Dynamiques d'intégration régionale en Afrique Centrale. Intégration Afrique, op. cit., pp.73 et ss.

III- MEMOIRES

A- MEMOIRES DE DEA

1. MBOGNING KENFACK (J.S) : « L'intégration économique de la CEMAC à l'aune
du marché commun et des politiques d'accompagnement », FSJP de l'Université de Dschang 2004/2005.

2. NGAPA (T) : « La coopération judiciaire pénale dans la zone CEMAC », FSJP de
l'Université de Dschang 2005/2006.

B. MEMOIRES DE MAITRISE

1. KENGNE KAMGA (A.P) : « Le travail des étrangers au Cameroun », FSJP de
l'Université de Dschang 1996/1997.

2. EPANDA (D.A) : « L'étranger au Cameroun : Etude d'une reforme : la loi N°97/002
du 10 janvier 1997 fixant les conditions d'entrée, de séjour et de sortie des étrangers au Cameroun », FSJP de l'Université de Dschang 1997/1998.

IV- LEGISLATIONS

1. CEMAC Textes organiques, première édition mai 1998

2. Convention commune sur la libre circulation des personnes et le droit d'établissement dans l'Union Douanière et Economique de l'Afrique Centrale, Brazzaville, 22 décembre 1972.

3. Règlement CEMAC N°09/99/UEAC-019-CM-02 du 18 Août 1999 relatif au traitement national à accorder aux étudiants ressortissants de la Communauté.

4. Règlement CEMAC N°1/00-CEMAC-042-CM-04 du 20 Juillet 2000 portant institution et conditions d'attribution du passeport CEMAC.

5. Loi N°97/012 du 10 Janvier 1997 fixant les conditions d'entrée, de séjour et de sortie des étrangers au Cameroun.

6. Décret N°2007/255 du 4 Septembre 2007 fixant les modalités d'application de la loi N°97/012 du 10 Janvier 1997 fixant les conditions d'entrée, de séjour et de sortie des étrangers au Cameroun

7. Décret N°2008/052 du 30 Janvier 2008 modifiant certaines dispositions du décret N°2007/255 du 4 Septembre 2007 fixant les modalités d'application de la loi N°97/012 du 10 Janvier 1997 fixant les conditions d'entrée, de séjour et de sortie des étrangers au Cameroun .

8. Loi N°90/030 du 10 Août 1990 relative à l'activité commerciale au Cameroun.

9. Loi N°92/007 du 14 Août 1992 portant Code de travail de la République du Cameroun.

10. Loi N°45/92 du 9 Mai 1992 portant Code du travail de la République du Congo.

11. Loi N°38/PR/96 du 11 Décembre 1996 portant Code de travail de la République du Tchad.

12. Loi N°3/94 du 21 Novembre 1994 portant Code de travail de la République du Gabon.

V- RAPPORTS DE SEMINAIRES

1. Rapport du Séminaire tripartite de l'OIT sur les migrations des travailleurs dans les pays de la CEMAC.

2. Le contexte économique et social des immigrations des travailleurs en Afrique Centrale - CEMAC. Etude réalisée par le Bureau BIT Afrique Centrale et présenté lors du Séminaire sous-régional sur les migrations des travailleurs dans les pays de la CEMAC.

ANNEXES

Annexe I : Règlement n°09/99/UEAC-019-CM-02 du 18 Août 1999 relatif au traitement national à accorder aux étudiants ressortissant des pays membres de la Communauté

Annexe II : Règlement n°1/00-CEMAC-042-CM-04 du 20 juillet 2000 portant institution et conditions d'attribution du passeport CEMAC

Annexe III : Règlement n°10/05-UEAC-152-CM-13 portant création de la conférence des Recteurs des Universités et des Responsables des Organismes de Recherche d'Afrique Centrale

Annexe I : Règlement n°09/99/UEAC-019-CM-02 du 18 Août 1999 relatif au traitement
national à accorder aux étudiants ressortissant des pays membres de la Communauté

LE CONSEIL DES MINISTRES

Vu LE Traité instituant la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale du 16 Mars 1994 et son Additif en date du 5 Juillet 1996 ;

Vu la Convention régissant l'Union Economique de l'Afrique Centrale (UEAC) ;

Vu la Résolution du Comité de Direction en sa session du 10 Décembre 1996 relative à l'affaire429/8 `'Traitement national à accorder aux étudiants ressortissants des Etats membres de l'Union» ;

Vu la Décision N°6/98-UDEAC-429-CD-61 du 21 Juillet 1998 portant convocation d'une Conférence des Ministres chargés de l'Enseignement supérieur sur le traitement national à accorder aux étudiants ressortissants des Etats membres de l'Union ;

Considérant l'avis de la Conférence ad hoc des Ministres chargés de l'Enseignement Supérieur réunis à Yaoundé en République du Cameroun en date du 15 Janvier 1999 ;

Sur proposition du Secrétaire Exécutif ;

Après avis du Comité Inter états ;

En sa séance du 17 Août 1999 ;

ADOPTE

Le Règlement dont la teneur suit :

Article 1er : Le présent Règlement a pour objet d'accorder aux étudiants ressortissants de tous les pays membres de la Communautés les mêles conditions de scolarité appliquées aux nationaux dans les établissements public ou d'utilité publique d'enseignement supérieur desdits pays.

Article 2 : Les conditions visées à l'article 1er ci-dessus concernent essentiellement les frais de scolarité et le bénéfice des oeuvres universitaires.

Article 3 : Les écoles à statut privé ne sont pas assujetties aux dispositions du présent règlement.

Article 4 : Lorsque l'afflux d'étudiants des autres pays de la Communauté réduit la capacité de l'Etat d'accueil à satisfaire ses propres besoins, cet Etat peut imposer un quota qui ne peut être inférieur à 10% des effectifs.

Article 5 : Pour les raisons d'ordre public, de sécurité et de santé publiques, l'Etat d'accueil peut refuser l'application des dispositions favorables du présent règlement à certains ressortissants des pays membres de la Communauté.

Article 6 : Les accords existant entre les établissements universitaires des Etats membres continuent de s'appliquer tant qu'ils ne comportent pas de dispositions contraires.

Article 7 : Les Ministres de l'Enseignement Supérieur et les autorités rectorales sont chargés de l'application du présent Règlement.

Article 8 : Le présent Règlement, qui entre en vigueur à compter de la date de signature, sauf à l'égard de la République gabonaise qui l'exécutera ultérieurement, sera publié au Bulletin Officiel de la Communauté.

BANGUI, le 18 Août 1999
LE PRESIDENT
(é) BICHARA CHERIF DAOUSSA

Annexe II : Règlement n°1/00-CEMAC-042-CM-04 du 20 juillet 2000 portant institution et
conditions d'attribution du passeport CEMAC

LE CONSEIL DES MINISTRES

Vu le Traité portant création de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale et les Textes subséquents ;

Vu le Procès verbal des travaux de la 3ème Session du Conseil des Ministres tenue à N'DJAMENA le 17 Décembre 1999 ;

Considérant la nécessité de créer un marché commun fondé sur la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes.

En sa séance du 20 Juillet 2000,

ADOPTE

Le Règlement dont la teneur suit :

TITRE I : INSTITUTION DU PASSEPORT

Article 1er : Il est institué au sein de la Communauté un instrument de libre circulation des personnes, dénommé « Passeport CEMAC ».

TITRE II : CONDITIONS DE DÉLIVRANCE, DE RENOUVELLEMENT ET DE VALIDITÉ

Article 2 : Le Passeport CEMAC est délivré aux citoyens et ressortissants des Etats membres de la communauté dans les conditions habituelles de leur délivrance dans les Etats membres.

Article 3 : L'impression, la gestion et la délivrance du Passeport CEMAC relèvent de la compétence de chaque Etat membre.

TITRE III : INFRACTIONS ET SANCTIONS

Article 4 : Sont qualifiées d'infractions, poursuivies et sanctionnées conformément aux dispositions légales et réglementaires de l'Etat membre où ont été constatés les faits ci-après :


· l'obtention d'un Passeport CEMAC sous un faux état civil et l'usage ou l'utilisation

du Passeport ainsi établi ;

· la cession, même temporaire d'un Passeport CEMAC ou l'utilisation d'un Passeport emprunté ou volé ;

· la contrefaçon, la falsification ou l'altération volontaire du Passeport ainsi que l'usage du Passeport contrefait, falsifié ou altéré.

TITRE IV : DISPOSITIONS FINALES

Article 5 : Les mentions invariables du Passeport sont rédigées en langues Française, Anglaise, Arabe et Espagnole.

Article 6 : Le Secrétariat Exécutif prend toutes les dispositions réglementaires et administratives nécessaires pour la mise en application diligente de la présente Réglementation.

Article 7 : Le présent Règlement entre en vigueur à la date de sa signature et sera publié au Bulletin Officiel de la Communauté.

Bangui, le 21 Juillet 20000
LE PRÉSIDENT
MAHAMAT ALI HASSAN

ANNEXE : Présentation du Passeport CEMAC

1. Le Passeport se présente sous la forme d'un carnet de 32 pages aux dimensions standard normes OAIC (120 mm x 80 mm).

2. La couverture rigide de couleur orange est frappée du logo de la CEMAC et des inscriptions « Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale » au dessus du logo ; passeport CEMAC et dénomination du pays d'établissement sur le logo.

3. Les deux pages de garde qui font corps avec la couverture sont de même couleur que les pages intérieures. La première page de gauche contient la réquisition de l'autorité compétente de l'Etat membre (p2).

4. Au milieu de chaque page est représenté le logo de la CEMAC placé dans un cadre aux motifs guillochés.

5. La page 3 est réservée à l'identité du requérant, à la validité, au lieu d'établissement et à la signature de l'autorité qui aura délivré le passeport ( page identitaire ).

6. La page 4 contient les mentions de prorogation de validité et la page 5 sera réservée aux photographies des enfants qui accompagnent le titulaire du passeport.

7. Les pages allant de 6 à 32 sont réservées aux visas Emi-Immigration

8. Sur la dernière page de garde sont portées les recommandations importantes.

9. La page identitaire est protégée par un film sécuritaire comportant des Inscriptions invisibles et réactivantes en fluorescence. Il adhère par lamination à chaud.

10. . Des mesures spécifiques de sécurité sont imprimés depuis la couverture jusqu'aux pages intérieures. Celles-ci feront l'objet d'une diffusion restreinte à l'endroit des responsables chargés des questions des passeports et des frontières dans chaque état membre.

Annexe III : Règlement n°10/05-UEAC-152-CM-13 portant création de la conférence des
Recteurs des Universités et des Responsables des Organismes de Recherche d'Afrique
Centrale

LE CONSEIL DES MINISTRES

Vu le Traité instituant la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) du 16 Mars 1994 et son Additif en date du 5 Juillet 1996 ;

Vu la Convention régissant l'Union Economique de l'Afrique Centrale (UEAC) ;

Vu le Règlement No 11/99-UEAC-025-CM-02 portant Règles d'Organisation et de Fonctionnement du Conseil des Ministres ;

Vu le Règlement no 5/99/CEMAC-002-CM-02 du 18 août 1999 portant organisation et fonctionnement du Secrétariat Exécutif de la CEMAC ;

Convaincu que l'existence au sein de l'UEAC, d'une instance permanente appropriée d'échanges d'expériences entre les responsables des Universités d'une part, ceux de la Recherche d'autre part, et enfin entre ces différents responsables aidera à l'aboutissement dans les délais raisonnables des objectifs de la CEMAC en matière d'enseignement supérieur et de recherche ;

Considérant la recommandation relative à la réactivation de la Conférence des Recteurs des Universités d'Afrique Centrale adoptée à la deuxième réunion des Recteurs des Universités des pays membres de la CEMAC tenue le 24 novembre 2000 à Libreville;

Considérant la recommandation adoptée par la troisième réunion des Recteurs le 07 mars 2003 à Malabo ;

Sur proposition du Secrétariat Exécutif ;

Après avis du Comité Inter-Etats ;

En sa séance du 5 février 2005

ADOPTE

Le Règlement dont la teneur suit :

CHAPITRE 1: DEFINITIONS

Article 1er : Aux fins du présent Règlement, on entend par :

COMUNAUTE : La Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale RECTEUR : Le Responsable d'une université conventionnelle; c'est-à-dire, d'une université d'Etat ou privée reconnue par l'Etat ;

RESPONSABLE D'UN ORGANISME DE RECHERCHE : Le Responsable d'un ensemble de Centres ou d'Instituts de recherche ;

PERSONNEL D'APPUI : Toute personne concourant à la bonne organisation de la réunion et au bon déroulement des travaux de celle-ci ;

SECTEUR DE LA COOPERATION : Le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche de haut niveau.

CHAPITRE II: CREATION, DENOMINATION ET ATTRIBUTIONS

Article 2 : Il est créé dans le cadre de l'Union Economique de l'Afrique Centrale (UEAC), une Conférence des Recteurs des Universités et des Responsables des Organismes de Recherche d'Afrique Centrale, ci-après dénommée « Conférence des Recteurs et des Responsables des Organismes de Recherche ».

Article 3 : La Conférence des Recteurs et des Responsables des Organismes de Recherche est un organe consultatif auprès du Conseil des Ministres de l'UEAC.

Elle est chargée d'étudier toutes les questions relatives à l'enseignement supérieur et à la recherche scientifique et technologique, notamment celles portant sur : La promotion des centres d'excellence dans les domaines prioritaires ; La création ou le développement d'institutions communes ; Les conditions de scolarité (frais de scolarité et bénéfice des oeuvres universitaires) des étudiants de la Communauté ; La mobilité des enseignants, chercheurs et étudiants dans la Communauté ; La coordination et l'harmonisation des programmes d'enseignement et de recherche ; ce qui implique l'organisation des enseignants et des chercheurs en réseaux ; L'évaluation des résultats de l'enseignement supérieur et de la recherche ; La reconnaissance mutuelle des diplômes nationaux ; L'harmonisation de la création et la promotion de partenariats avec les entreprises ; L'intégration des Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) dans les systèmes d'enseignement et de recherche ; L'harmonisation des conditions de recrutement des enseignants et des chercheurs dans la sous région ; L'organisation des manifestations scientifiques et culturelles ; Le suivi de la coopération dans le secteur de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche entre la CEMAC et ses partenaires.

CHAPITRE III : MEMBRES DE LA CONFERENCE :

Article 4 : Les membres de la Conférence des Recteurs et des Responsables des Organismes de Recherche sont : Les Recteurs des Universités de la sous région ou leurs Représentants

Les Responsables des Organismes de recherche de la sous région ou leurs Représentants.

Les Représentants du Secrétariat Exécutif de la CEMAC participent aux travaux avec voix consultative.

Peuvent être invités à la Conférence avec voix consultative, en fonction des sujets à traiter

des Directeurs des Grandes Ecoles publiques ou privées ne faisant pas partie des Universités des pays de la CEMAC ;

des Directeurs des Organismes de recherche interétatiques des pays de la CEMAC ; des Représentants du secteur privé productif ;

des Responsables sous-régionaux de la société civile ayant des relations de coopération avec la CEMAC.

La Conférence des Recteurs et des Responsables des Organismes de Recherche peut, par ailleurs, en tant que de besoin, faire appel à des experts choisis en raison de leur compétence.

CHAPITRE IV: ORGANISATION DES REUNIONS

Article 5 : La Conférence des Recteurs et des Responsables des Organismes de Recherche se réunit une fois par an en session ordinaire sur convocation du Secrétaire Exécutif de la CEMAC. Elle peut se réunir en session extraordinaire, quand les circonstances l'exigent, sur convocation du Secrétaire Exécutif de la CEMAC après concertation avec les Autorités de l'Etat d'accueil.

Elle est présidée, pour une durée d'un an, par le Recteur de l'Université d'accueil ou le Responsable de l'Organisme de Recherche du pays qui assure la présidence en exercice de la Communauté.

Le Secrétariat Exécutif de la CEMAC élabore le projet d'ordre du jour de la session en concertation avec le Président en exercice et appuie le secrétariat de la Conférence pendant ses travaux.

Les universités et les organismes de recherche contribuent à l'élaboration dudit projet d'ordre du jour, par l'envoi au Secrétariat Exécutif de leurs propositions accompagnées de notes de présentation.

Article 6 : La Conférence des Recteurs et des Responsables des Organismes de Recherche ne peut valablement délibérer que lorsqu'elle réunit les institutions de la moitié au moins des pays membres de la CEMAC.

Elle émet des avis et des recommandations.

Ses travaux donnent lieu à un communiqué de presse et à un compte rendu cosignés par son Président et son Rapporteur.

CHAPITRE V: DISPOSITIONS FINANCIERES

Article 7 : Les réunions de la Conférence des Recteurs et des Responsables des Organismes de Recherche sont financées ainsi qu'il suit: Chaque institution participante prend en charge le transport international et les frais de séjour de ses délégués statutaires de la Conférence dans la ville d'accueil de la réunion.

; L'institution hôte met gracieusement à disposition de la conférence les salles de réunion, le matériel de bureau, les moyens de transport local pour tous les participants et un personnel d'appui ;

CHAPITRE VI: DISPOSITIONS FINALES

Article 8 : Toute institution d'enseignement supérieur ou de recherche scientifique et technologique d'un pays de l'Afrique Centrale non membre de la CEMAC, préoccupée par les mêmes questions que celles mentionnées à l'article 2 ci-dessus, peut solliciter son adhésion à la Conférence des Recteurs et des Responsables des Organismes de Recherche en adressant une demande par le

Cette adhésion ne pourra intervenir qu'après accord des deux tiers (2/3) des institutions membres de la Conférence des Recteurs et des Responsables des Organismes de Recherche présentes à la réunion.

Toute institution d'un pays non membre de la CEMAC, désirant se retirer de la Conférence des Recteurs et des Responsables des Organismes de Recherche, en informe par écrit le Président de la Conférence par le biais du Secrétariat Exécutif de la CEMAC.

Le présent Règlement cesse de lui être applicable sans préjudice des obligations résultant des engagements antérieurs.

Article 9 : Un Règlement intérieur précise les modalités d'application des dispositions du présent Règlement.

Article 10 : Le présent Règlement, qui abroge toutes dispositions antérieures contraires, notamment celles du Règlement no 08/03-UEAC-019-CM-10 du 27 août 2003, entre en vigueur à compter de la date de signature, et est publié au Bulletin Officiel de la Communauté.

Libreville, le 7 février 2005.
LE PRESIDENT
Paul TOUNGUI

TABLE DES MATIERES
DEDICACE iPRINCIPAUX SIGLES ET ABREVIATIONS iiSOMMAIRE iiiINTRODUCTION 1

PREMIERE PARTIE 7

UNE PRUDENTE RECONNAISSANCE D'UNE CONDITION CONFORTABLE DES

ETRANGERS EN ZONE CEMAC 7

CHAPITRE I 10

LA PRUDENTE CONSECRATION DES LIBERTES DE CIRCULATION,

D'ETABLISSEMENT ET DE PRESTATION DE SERVICES 10

Section 1 : LA LIBERTE DE CIRCULATION 11

Para. 1 : LE CARACTERE RESTRICTIF : LA LIBRE CIRCULATION DES SEULS AGENTS ECONOMIQUES 12

A- La réalité et l'effectivité de l'activité 13

B- Le critère de subordination 14

C- Le critère de rémunération 14
Para. 2 : LES IMPLICATIONS DE LA LIBRE CIRCULATION DES TRAVAILLEURS
15

A- L'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité 15

B- Le droit de circuler, de séjourner et le droit de demeurer 17

1- Le droit d'entrer, de déplacement et de séjour 17

2- Le droit de demeurer établi 18

C- L'harmonisation des règles nationales en matière sociale : une condition

d'efficacité de la libre circulation des personnes 19

Para. 3 : LE PASSEPORT CEMAC : INSTRUMENT D'ELARGISSEMENT DE LA

LIBRE CIRCULATION EN ZONE CEMAC ? 21 Section 2 : LES LIBERTES D'ETABLISSEMENT ET DE PRESTATION DE SERVICES 23 Para. 1 : LE LIBRE ETABLISSEMENT 23

A- Les bénéficiaires du droit d'établissement 23

B- Les variantes du droit d'établissement 24

1- L'accès et l'exercice des activités non salariées 24

2- L'acquisition, la constitution et la gestion d'entreprise 25

Para. 2 : LA LIBRE PRESTATION DES SERVICES 26

A- La notion de prestation de services 26

B- Le champ d'application de la libre prestation des services 27

CHAPITRE II 29
L'INSTITUTION DU PRINCIPE DE NON DISCRIMINATION DANS LES DOMAINES JUDICIAIRE, DE L'ENSEIGNEMENT, LA RECHERCHE ET LA FORMATION

PROFESSIONNELLE 29
SECTION 1 : L'ABSENCE DE DISCRIMINATION DANS LES DOMAINES DE

L'ENSEIGNEMENT, LA RECHERCHE ET LAFORMATION PROFESSIONNELLE 30

Para. 1 : LE DOMAINE DES NOTIONS D'ENSEIGNEMENT, DE RECHERCHE ET

DE FORMATION PROFESSIONNELLE 31

A- L'enseignement 31

B- La formation professionnelle 32

C- La recherche 33

Para. 2 : LES DROITS RECONNUS AUX ETRANGERS D'ORIGINE COMMUNAUTAIRE EN MATIERES D'ENSEIGNEMENT, DE RECHERCHE ET DE FORMATION PROFERSSIONNELLE 35

A- L'ouverture dans les mêmes conditions que les nationaux des structures

d'enseignement, de formation professionnelle et de recherche 35

1- Les structures visées 36

2- Les droits consacrés 37

B- La reconnaissance mutuelle des diplômes dans les Etats de la

Communauté 38

C- La libre mobilité en matière d'enseignement, de recherche et de

formation professionnelle 40
Section 2 : L'ELIMINATION DES DISCRIMINATIONS DANS LE DOMAINE

JUDICIAIRE 41

Para. 1 : UN LIBRE ET FACILE ACCES AUX JURIDICTIONS NATIONALES 42

A- L'accès aux juridictions nationales par les étrangers ressortissants

communautaires 43

1- Le libre accès des justiciables étrangers dans les juridictions nationales 43

2- L'accès libre des avocats 44

B- L'égal droit à l'assistance judiciaire 45

Para. 2 : LA RECONNAISSANCE ET L'EXECUTION DES DECISIONS JUDICIAIRES AU PROFIT D'UN RESSORTISSANT COMMUNAUTAIRE SUR LE TERRITOIRE D'UN ETAT MEMBRE 46

A- La reconnaissance des décisions judiciaires 46

B- L'exécution des décisions judiciaires sur le territoire des autres Etats 49

DEUXIEME PARTIE 52
LA SURVIVANCE DES DISCRIMINATIONS A L'EGARD DES ETRANGERS

RESSORTISSANTS DE LA COMMUNAUTE 52

CHAPITRE I 54

LES DISCRIMINATIONS AUTORISEES 54

Section 1 : LES DISCRIMINATIONS TENANT A LA PROTECTION DES ETATS

MEMBRES 55

Para. 1 : LA RESERVE D'ORDRE PUBLIC 56

A- La notion de réserve d' « ordre public, de sécurité et de santé publique » 56

B- La compétence étatique en matière d'ordre public 57

C- L'encadrement nécessaire du contenu de la notion d'ordre public 57
Para. 2 : EXCEPTIONS FONDEES SUR L'ADOPTION DES MESURES DE SAUVEGARDE ET SUR LA THEORIE DES CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES 58

A- L'adoption des mesures de sauvegarde 59

1- Conditions à l'adoption des mesures de sauvegarde 59

2- L'encadrement de l'adoption des mesures de sauvegarde 60

B- Restrictions liées à la théorie des circonstances exceptionnelles 61

2- La réaction à l'adoption des mesures fondées sur les circonstances exceptionnelles 63
Section 2 : DISCRIMINATIONS FONDEES SUR LA NATURE DE CERTAINS

EMPLOIS 64

Para. 1 : LES EMPLOIS VISES 64

Para. 2 : UN ENCADREMENT NECESSAIRE DE LA NOTION D' « EMPLOIS DANS

LES DOMAINES PUBLIC, PARAPUBLIC ET STRATEGIQUE » 66

CHAPITRE II 68

DISCRIMINATIONS DU FAIT UNILATERAL DES ETATS 68

Section 1 : LES CAUSES ET MANIFESTATIONS DES DISCRIMINATIONS DU

FAIT DES ETATS 69

Para. 1 : LES CAUSES DES DISCRIMINATIONS DU FAIT DES ETATS 69

A- Les motifs économiques 70

B- Les motifs sécuritaires 71

1- Les instabilités politiques des différents Etats 72

2- Les tensions entre les Etats membres 73
Para. 2 : LES MANIFESTATIONS DES DISCRIMINATIONS DU FAIT DES ETATS
75

A- L'absence d'harmonisation des législations nationales 76

B- La récurrence des gestes de xénophobie 78
Section 2 : LA DIFFICILE RECHERCHE DES SOLUTIONS AUX

DISCRIMINATIONS ETATIQUES 79

Para. 1 : LA CJC , GARANT EFFICACE DES LIBERTES COMMUNAUTAIRES ? 79

A- Le contrôle juridictionnel des libertés communautaires par la chambre

judiciaire 79

1- La saisine de la Cour 80

2- Les pouvoirs de la Chambre Judiciaire 80

B- L'absence du caractère contraignant des décisions de la Cour : une limite

à son efficacité en matière de protection des libertés communautaires 82
Para. 2 : UNE NECESSAIRE REDYNAMISATION DES SOLUTIONS AUX

DISCRIMINATIONS ETATIQUES 82

A- Une redynamisation nécessaire du recours en manquement d'Etat 83

1- La médiation de la Commission de la CEMAC dans la procédure

judiciaire 83

2- L'institution des mesures contraignantes pour l'exécution des décisions

de justice 84

B- L'institution de la citoyenneté CEMAC 84

CONCLUSION GENERALE 86

BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE 89

ANNEXES 93

Annexe I : Règlement n°09/99/UEAC-019-CM-02 du 18 Août 1999 relatif au traitement national à accorder aux étudiants ressortissant des pays membres de la Communauté 94 Annexe II : Règlement n°1/00-CEMAC-042-CM-04 du 20 juillet 2000 portant institution et conditions d'attribution du passeport CEMAC 96 Annexe III : Règlement n°10/05-UEAC-152-CM-13 portant création de la conférence des Recteurs des Universités et des Responsables des Organismes de Recherche d'Afrique

Centrale 99

TABLE DES MATIERES 104






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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry