Effet de la relation de causalité entre le taux de change et l'inflation sur le budget de trésorerie d'une entreprise. Cas de la sucrière de Kwilu-Nngongo en RDC. Approche par une modélisation VAR( Télécharger le fichier original )par Kally KALALA KAKESE Université de Kinshasa - Licence 2010 |
I.5 EVOLUTION DU COUPLE TAUX DE CHANGE -INFLATION EN RDCLa monnaie nationale dans le cadre de la dualité des marchés financiers n'est pas convertible au taux de change officiel pour la plupart des transactions commerciales et financières en Afrique subsaharienne. La pénurie de devises observée dans les circuits officiels ne permet pas de satisfaire la démarche potentielle. Les agents économiques sont obligés de se ressourcer au marché parallèle qui couvre explicitement ou implicitement l'ensemble des opérations économiques. Le taux de marché noir des devises devient dès lors, l'élément déterminant dans la prolifération des tensions inflationnistes (40(*)). Dans le cadre de l'économie de la RDC, les prix intérieurs s'ajustent régulièrement au taux du marché parallèle en régime de flottement. La résurgence de l'inflation lors de l'unification des taux de change parallèle et officiel en Août 1991 a résulté de l'affaiblissement de la pression fiscale et de la baisse drastique du concours financier international. Les mesures prises le 19 juin 1981 pour restaurer l'équilibre macro-économique du pays ont apporté des résultats modestes et éphémères. La dévaluation de 40% du Zaïre-monnaie et l'allocation d'une dotation de 50 millions de dollars au financement des importations au taux officiel permirent le recul de marché noir des devises dont le taux de change subit une appréciation de 20% en Août-septembre de la même année (41(*)). Ces résultats positifs ne furent conservés que quelques mois car l'envolée des prix reprit par la suite avec l'amplification des déséquilibres budgétaires et l'accumulation des mouvements à la baisse du cours de change (42(*)). Par conséquent, les autorités gouvernementales vont mettre en place le 12 septembre 1983 le processus de libéralisation du régime des changes, en abandonnant le système de change fixe de manière à restaurer un système flexible géré par les banques sous l'égide de la banque centrale. De même, on procéda à l'abolition du régime des importations sans achat des devises (SAD) et une dotation de 20 millions de dollars fut allouée aux banques pour assurer le crédit intérieur. Un accord était également établi avec le FMI pour un prêt de 350 Millions de dollars sur une période d'une année et 3 mois(43(*)). Les mesures mises en place devraient dynamiser l'économie en assurant l'élimination progressive des circuits parallèles de change et la stabilisation de la monnaie nationale. Alors, en application des mesures préconisées, le taux de change officiel fut établi à 29,9% Zaïres pour un dollar pour suivre le cours du marché parallèle en septembre 1983, en subissant une dépréciation d'environ 15%. En octobre 1986, la pénurie des devises se généralise dans les instances officielles du fait de la dégradation des termes de l'échange des principales matières premières exportées par l'Etat congolais et la baisse du dollar américain au niveau international. Ainsi, les grandes entreprises publiques furent autorisées à utiliser leurs propres canaux de financement en devises, sans passer par les circuits institutionnels. On assiste dès lors à la prolifération du marché parallèle de devises, entretenue par l'inflation galopante et la dépréciation systématique du Zaïre-monnaie. En 1990, les tensions sociopolitiques étaient vives compte tenu du délabrement de la situation économique. En effet, le taux d'inflation annuel était de 265% et la dépréciation de la monnaie locale par rapport aux principales devises atteignait des proportions inquiétantes. Un dollar américain représentait 718,57 Z au marché officiel alors qu'il fallait disposer de 900,00Z pour le même montant au niveau des circuits parallèles. A cette époque, l'écart entre les taux de change parallèle et officiel était de 25%. L'effondrement de l'économie congolaise s'et poursuivi par la suite et le taux de change officiel et parallèle étaient respectivement de 7.678,39 et de 15.000 Z pour un dollar (soit un écart de 100%) le 15 Août 1992. Le taux d'inflation dépassait dès lors 328% et le recours au financement monétaire se faisait systématiquement pour résorber le déficit budgétaire (44(*)). Eu égard à ce qui précède, nous comprenons que la tendance à la hausse des prix demeure une caractéristique permanente de l'économie congolaise, tout comme la dépréciation de la monnaie locale, mais ce phénomène s'est accéléré depuis 1974. Donc, la dépréciation de la monnaie congolaise constitue un processus interrompu qui perturbe les opérations économiques. D'après l'Institut National des Statistiques, cette monnaie aurai perdu environ 13% de sa valeur par rapport aux principales devises au taux officiel, de décembre 1986 à avril 1987. L'indice des prix à la consommation de l'INS indique un rythme annuel d'inflation de 77,1% en 1987. Tableau 1 : Evolution des taux de change officiel et parallèle de 1980 à 1996
Source : African Development Indicator, Banque Mondale. - Taux de change officiel Zaïre/dollar ; - Taux de change parallèle Zaïre/dollar ; - Prime = ratio taux de change officiel sur le taux de change parallèle ; - Prix= IPC (base 1987 = 100) Nous constatons que la dérive de la monnaie congolaise a commencé véritablement en 1990. En effet, tous les indicateurs subissent une évolution catastrophique se manifestant par l'explosion des prix. Au début de cette année, 1 dollar s'échangeait à 500 Z contre 2350Z en fin d'année. D'après l'IRES, le taux d'inflation était de 785,3% pour les 9 premiers mois de l'année 1991 sur l'ensemble du territoire congolais, en ce qui concerne les prix aux marchés. Par contre, l'indice des prix du même organisme indiquait une hausse de 642,2% pour les prix aux magasins, on observe donc un taux d'inflation moyen d'environ 714% sur cette période. L'analyse de RYELAND, sur l'inflation congolaise de 1960 à 1969 met en évidence le rôle majeur des taux de change officiel et parallèle dans la prolifération de la hausse des prix. La hausse des prix qui atteint 80% en 1962 subit de manière drastique l'impact du taux de change. En effet, dit-il : « Au Congo le taux de change a joué le rôle d'indicateur de prix : le taux officiel est l'élément principal qui vient dans la détermination des coûts et des prix à l'importation, à l'exportation, à la production manufacturière locale et, indirectement, à la production agricole, mais il ne change pas beaucoup. Au contraire le taux du marché parallèle fluctue quotidiennement en période d'inflation virulente ; ses mouvements sont l'effet des distributions massives de revenus dans certains secteurs ; qui, sous forme de transferts ou d'importation, font pressions sur les disponibilités en devises. (45(*)) Cette attitude a été constatée même avec le changement de monnaie nationale de Zaïre-monnaie au franc congolais, pour preuve, entre 1998 - 2001, alors que la Banque centrale administrait son taux de change avec des légers et rares réajustements, le taux du marché parallèle se dépréciait fortement et constamment : entre janvier-décembre 1999, 1 dollar US est passé de 2,45Fc à 4,5Fc sur le marché officiel, soit une dépréciation de 45%, alors qu'en réalité, au marché parallèle, il est passé de 3,2Fc à 25,50Fc le dollar US, soit une baisse de plus de 87%. Les écarts étaient ainsi énormes entre ces deux taux au point qu'en fin 1998, celui-ci était de 50%, et est passé à 466,7% et 182,0% en 1999 et 2001. Ainsi, l'accroissement désordonné des prix sur les marchés des biens et services était défavorables à la monnaie congolaise qu'il envoyait facilement aux enfers, d'autant plus qu'il attisait la demande des devises étrangères (comme valeur refuge) dans un contexte hyper inflationniste (46(*)). Parallèlement, il convient de souligner que ces pertes de valeur de la monnaie nationale entraînaient à leur tour des conséquences néfastes sur l'évolution du rythme général de formation des prix intérieurs. Et cela, d'autant plus que la majeure partie des biens vendus sur le marché intérieur congolais sont de nature « importés ». Au terme de ce premier chapitre, nous avons compris comment nos variables opératoires qui sont le taux de change et l'inflation se comportent et se déterminent dans une économie ouverte. Nous pouvons conclure que pour un régime de change flottant (que soit dirigé ou libre), il existe une relation de causalité entre les mouvements du taux de change et les niveaux d'inflation. Ainsi, il est primordial d'évaluer les mécanismes de causalité surtout que le degré de réactivité des prix intérieurs par rapport aux variations du taux de change a d'importantes conséquences sur les décisions prises au sein des entreprises à court tout comme à long terme. En RDC, il a été observé, depuis les années 1960 jusqu'à nos jours, que les épisodes de dépréciation de la monnaie nationale par rapport aux devises étrangères se sont presque toujours accompagnées des fortes tensions inflationnistes, les prix des biens et services ont souvent tendance à se réserver avec la chute de la valeur de la monnaie locale. * 40 _ CLAUDE SUMATA, economie parallèle de la RDC : Taux de change et dynamique de l'hyperinflation au Congo, éd. L'Harmattan, Paris, 2001, P.75. * 41 _ Selon les affirmations de la Revue Zaïre-Afrique, N° 177, Septembre 1983. * 42 _ Claude SUMATA, op. cit, pP. 76 -77. * 43 _ D'après la Revue Zaïre-Afrique, N° 177, Septembre 1983. * 44 _ CLAUDE SUMATA, op. cit, Pp 80- 82. * 45 _ RYELAND, B., L'inflation en pays sous-développés : origine, mécanisme et effets des pressions inflationnistes au Congo, 1960 - 1969, éd. Mouton et IRES, Kinshasa, 1970, P. 186. * 46 _ Selon le numéro du journal le potentiel intitulé : « La dépréciation du Franc congolais : causes et perspectives » du 28 - Août - 2006, disponible sur www.lepotentiel.fr. |
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