IV. 1995 et la
création des régies communales autonomes
La régie communale autonome est un nouveau mode de
gestion offert aux communes, qui trouve son origine dans la loi du 28 mars
1995.
Elle est en principe destinée à gérer des
activités à caractère commercial et industriel, lesquelles
ont été désignées dans un arrêté du 10
avril 1995. Il s'agit notamment de l'exploitation d'infrastructures à
vocation culturelle, sportive, touristique ou de divertissement.
Vraisemblablement, le législateur a voulu adopter un nouveau mode de
gestion susceptible de présenter une solide alternative aux asbl
communales qui ne donnaient pas toujours toutes les garanties en termes de
bonne gestion financière.
Cet arrêté contenait donc une liste de 14
activités susceptibles d'être exercées en régie
communale autonome. Il a été complété et
modifié par un arrêté royal du 9 mars 1999.
Dans les grandes lignes, l'arrêté royal du 10
avril 1995 prévoyait 14 activités à caractère
commercial ou industriel pour lesquelles le conseil communal pouvait
créer une régie communale autonome dotée de la
personnalité juridique:
1. la fourniture et la distribution d'eau, de gaz,
d'électricité ou de vapeur;
2. les ventes d'arbres et de bois provenant d'une exploitation
forestière;
3. l'exploitation de ports, de voies navigables et
d'aéroports;
4. l'exploitation de parkings, d'entrepôts ou de terrains
de camping;
5. l'exploitation d'un réseau de radiodistribution et de
télédistribution;
6. l'exploitation d'un abattoir;
7. l'exploitation d'infrastructures à vocation culturelle,
sportive, touristique ou de divertissement;
8. l'achat et la construction d'immeubles en vue de la vente ou
d'opérations de leasing;
9. l'exploitation d'établissements de vente à
l'encan, telles les minques;
10. les fournitures de biens et les prestations de services
afférentes aux convois et aux pompes funèbres;
11. l'exploitation de marchés publics;
12. l'organisation d'événements à
caractère public;
13. l'exploitation de transports par eau, par terre et par air;
14. la fourniture de services et de travaux informatiques.
Les points 7, 8 et 14 sont modifiés par le nouvel
arrêté royal, lequel ajoute également une quinzième
et une seizième rubrique. Dans le cadre de ce mémoire, nous nous
intéresserons principalement à la rubrique 7 de cette liste.
Pouvaient être exploitées en régie
communale autonome "les infrastructures à vocation culturelle, sportive,
touristique ou de divertissement". Cette rubrique a été
étendue par le nouvel arrêté royal.
Dorénavant, pourront également être
exploitées en régie "les infrastructures affectées
à l'enseignement, à des activités sociales, scientifiques
ou de soins".
Comme l'a relevé le Conseil d'Etat, des
activités culturelles, sportives, sociales, scientifiques,
d'enseignement ou de soins ne constituent pas en elles-mêmes des
activités à caractère commercial ou industriel et ne
peuvent donc être exploitées en régie en vertu de l'article
263bis. Toutefois, certaines activités dans ces domaines peuvent
revêtir un caractère commercial ou industriel, par exemple
l'exploitation d'infrastructures affectées à de telles
activités.
A ce sujet, il est précisé dans le Rapport au
Roi que "si les activités sociales, d'enseignement, à
caractère sanitaire (sic) ou scientifique n'ont pas en soi un
caractère commercial ou industriel, elles sont toutefois susceptibles de
donner lieu à des opérations possédant un caractère
et une finalité économiques. L'exemple est donné des biens
produits par une école technique ou professionnelle ou les biens et
services fournis par une institution scientifique".
Dès lors, doit-on en déduire que les
régies ayant pour objet l'exploitation de semblables infrastructures
pourront commercialiser les produits issus de celles-ci?
Si la commune opte pour la structure de la régie
communale autonome, il conviendra que le conseil communal passe avec sa
régie un contrat de gestion qui stipulera la manière dont la
régie autonome doit assurer sa mission de service public, les
règles de conduite vis-à-vis du public, etc.
Les régies communales autonomes qui connaissent un
succès grandissant, notamment pour la gestion des centres sportifs
locaux, ont pour avantage majeur d'être assujetties à la TVA au
sens de l'article 4 du Code TVA, lorsqu'elles effectuent des opérations
qui entrent dans le champ d'application de cette taxe.
Pour rappel, la TVA est un impôt général
sur les produits et les services. Lorsqu'une entité est assujettie, la
TVA qu'elle paie sur ses achats peut être déduite de la TVA due
sur ses livraisons de biens, prestations de services, pour atteindre finalement
le consommateur. Lorsque la commune est ledit "consommateur final", c'est elle
qui en supporte la charge.
Une régie communale autonome qui construit et exploite
un centre sportif peut-elle déduire entièrement la TVA sur les
frais de construction et d'exploitation d'un tel centre lorsqu'elle fait payer
l'entrée ?
Récemment, le Ministre des Finances a eu l'occasion de
faire le point sur cette question (réponse du 7.3.2005 à la
question n° 442 de M. Richard Fournaux du 27.7.2004 publiée aux
questions-réponses de la Chambre du 14.3.2005), et il en ressort ce qui
suit :
"En matière de TVA, une distinction s'impose entre
la régie communale définie à l'article 261 de la loi
communale et la régie communale autonome, dotée de la
personnalité juridique, visée à l'article 263bis de cette
même loi (celle qui nous intéresse pour les centres sportifs
locaux).
Hormis pour les activités qui sont
expressément reprises à l'arrêté royal n° 26 du
2 décembre 1970 relatif à l'assujettissement des organismes
publics à la taxe sur la valeur ajoutée, la régie
communale définie à l'article 261 précité n'est en
règle pas assujettie à la TVA, par application de l'article 6 du
Code de la TVA. En revanche, la régie communale autonome,
visée à l'article 263bis précité est, de plein
droit, un assujetti à la TVA au sens de l'article 4 de ce code,
lorsqu'elle effectue des opérations qui entrent dans le champ
d'application de cette taxe.
A cet égard, il est précisé
qu'entrent dans le champ d'application de la taxe les livraisons de biens ou
les prestations de services effectuées à titre onéreux
(cf. CTVA, art. 2), ce qui suppose l'existence d'un lien direct entre le
service rendu (ou le bien livré) et la contrepartie reçue, mais
sans distinction selon que cette contrepartie est obtenue de celui à qui
le service (ou le bien) est fourni ou d'un tiers (cf. CTVA, art. 26).
Dans la situation envisagée, aucune
déduction ne peut être admise dans le chef d'une régie
communale, visée à l'article 261 de la loi communale, qui assure
l'exploitation d'un centre sportif, puisque cette activité n'est pas
reprise à l'arrêté royal n° 26 susvisé et ne
confère dès lors pas la qualité d'assujetti à cette
régie.
Lorsque, par contre, une régie communale
autonome, visée à l'article 263bis de la loi communale, exploite
un centre sportif en octroyant, à titre onéreux, aux personnes
qui pratiquent le sport, le droit d'accéder à ses installations,
cette régie autonome a la qualité d'assujetti à la
TVA.
J'attire, à cet égard, l'attention sur les
dispositions de l'article 44, par. 2, 3°, du Code de la TVA, qui exempte
de cette taxe les prestations de services fournies par les exploitants
d'installations sportives, lorsque ces exploitants sont des organismes qui ne
poursuivent pas un but lucratif et que les recettes qu'ils tirent des
activités exemptées servent exclusivement à en couvrir les
frais. L'exercice d'activités exemptées par cette disposition
n'ouvre aucun droit à déduction des taxes en amont (vise les asbl
sportives).
Lorsqu'en revanche, les conditions de l'exemption ne sont
pas rencontrées, ces prestations sont soumises à la taxe et
ouvrent droit à déduction des taxes en amont".
Les avantages
1. La RCA dispose de la personnalité juridique
distincte de celle de la commune et bénéficie donc de la
maîtrise de sa gestion.
2. Elle permet le respect du pacte culturel dans la mesure
où:
- l'association d'un partenaire privé au sein du
conseil d'administration de la régie est possible;
- la loi prévoit expressément que chaque groupe
politique doit être représenté au sein du conseil
d'administration.
3. La commune garde un certain contrôle de la
régie communale autonome puisque:
- la moitié au moins des membres du conseil
d'administration doit faire partie du conseil communal;
- à tout moment, le conseil communal peut demander au
conseil d'administration un rapport sur les activités de la
régie.
4. Au point de vue financier, la régie est
contrôlée par un collège de trois commissaires.
5. Elle ne dispose pas de "capital social". Elle peut donc
fonctionner avec des biens "cédés" sous couvert d'une location,
d'un droit d'usage, d'un bail emphytéotique, ... par la commune.
6. Elle peut constituer un patrimoine propre.
7. Il n'y a pas de tutelle sur les actes de la régie
communale autonome.
8. La fin des mandats est expressément
réglementée par la loi: l'article 263quinquies de la loi
communale prévoit que les conseillers communaux dont le mandat prend fin
sont réputés démissionnaires de plein droit de la
régie communale autonome.
Les inconvénients
1. La régie communale autonome n'est soumise à
aucun contrôle général de la part de la commune qui l'a
créée, en ce sens que l'établissement du budget ou des
comptes ne doit pas être contrôlé. Ces
éléments devront en conséquence figurer dans le contrat de
gestion.
2. Dans la mesure où les membres du conseil
d'administration sont nommés par le conseil communal, on peut se
demander si le prescrit du pacte culturel est respecté puisque c'est le
conseil communal qui devrait intervenir dans le choix des personnes à
désigner comme représentant les groupements utilisateurs.
3. Cadre légal peu clair. Par exemple, l'article
263octies de la nouvelle loi communale renvoie purement et simplement aux
articles 53 à 67 des lois coordonnées sur les
sociétés commerciales.
4. Statut fiscal peu clair. D'une manière
générale, toutefois, les régies communales autonomes qui
ne poursuivent pas de but de lucre, ne distribuent pas de
bénéfices et ne mettent pas en oeuvre des moyens industriels et
commerciaux, pourraient être reconnues comme relevant de l'impôt
des personnes morales.
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