Sommaire
Abréviations
Introduction
1e partie :
Les garanties de protection des populations civiles dans les conflits
armés internes
Chapitre I : Les garanties
générales
Section 1 : les garanties
fondamentales
Paragraphe 1 : Les garanties d'un
traitement humain
Paragraphe 2 :
Les garanties en faveur des personnes privées de
liberté
Section 2 : les garanties en fonction de la
conduite des hostilités
Paragraphe 1 : Le principe de la
distinction
Paragraphe 2 :
La limitation des méthodes et moyens de combat
Chapitre II : La protection des
personnes vulnérables
Section 1 : La protection de
l'enfant
Paragraphe 1 : La protection de l'enfant
contre les effets des hostilités
Paragraphe 2 :
L'exigence d'une protection particulière
Section 2 : La protection de la
femme
Paragraphe 1 : La protection contre les
abus de pouvoir
Paragraphe 2 :
La protection en tant que mère ou future mère
2e partie : la mise en oeuvre des
garanties de protection dans les conflits armés internes
Chapitre I : La mise en oeuvre au niveau
national
Section 1 : L'action
préventive
Paragraphe 1 : Le rôle des
Etats
Paragraphe 2 :
Le rôle du CICR
Section 2 : La répression nationale des
violations du DIH
Paragraphe 1 : La compétence
classique des juridictions nationales
Paragraphe 2 :
La compétence universelle des juridictions nationales
Chapitre II : La mise en oeuvre au niveau
international
Section 1 : Le contrôle du respect des
garanties de protection
Paragraphe 1 : L'enquête
institutionnelle de la CIHEF
Paragraphe 2 :
Les procédures développées en dehors du droit
humanitaire
Section 2 : La répression internationale
des violations graves du DIH
Paragraphe 1 : Le cadre de
répression des violations graves du DIH
Paragraphe 2 :
Les obstacles dans la répression internationale des
violations du DIH
Conclusion
Abréviations
- CICR : Comité
international de la Croix Rouge
- CIHEF : Commission Internationale
Humanitaire d'Etablissement des Faits
- CIJ : Cour internationale
de justice
- CPJI : Cour Permanente de Justice
Internationale
- CPI : Cour Pénale
Internationale
- DIDH : Droit International des
Droits de l'Homme
- DIH : Droit International
Humanitaire
- GM : Guerre Mondiale
- OEA : Organisation des Etats
d'Amérique
- OMS : Organisation Mondiale de la
Santé
- ONG : Organisation Non
Gouvernementale
- ONU : Organisation des Nations
Unies
- P.1 : Protocole
additionnel aux conventions de Genève relatif à la protection des
victimes des conflits armés
internationaux
- P.2 : Protocole additionnel
aux Convention de Genève relatif à la protection des
victimes des conflits armés non
internationaux
- RDC : République
Démocratique du Congo
- RICR : Revue International de la
Croix-Rouge
- TPI : Tribunal Pénal
International
- TPIR : Tribunal Pénal
International pour le Rwanda
- TPIY : Tribunal Pénal
International pour l'ex Yougoslavie
- TSSL : Tribunal Spécial pour
la Sierra Leone
- UA : Union Africaine
Ces deux dernières
décennies ont été marqué par une multiplication des
conflits armés internes à travers le monde, tandis que les
guerres entre Etats ont presque disparues, partiellement sous l'effet d'un
équilibre durable entre « super grands »
naguère encore qualifié d'équilibre de la terreur. C'est
ainsi que l'on recense péniblement une demi-douzaine de conflits de ce
type, alors que plus de trente conflits de pouvoir, de territoire, de
minorités, de religions ensanglantent la planète. Les conflits
internes ne sont plus de nos jours ce qu'ils étaient au temps d'Henry
Dunant. Apres les conflits internes politiques, après les conflits
internes « périphériques », plus ou moins
idéologiques, voici venus les conflits armés internes de la
troisième génération, largement endogènes et qui
déstructurent des Etats. Dans ce contexte, les victimes les plus
nombreuses sont justement les civils. En effet, ces derniers ne sont pas
épargnés par la violence des combats, que ce soit en raison de la
dispersion des armes, d'erreurs dans l'identification des objectifs, d'attaques
indiscriminées les frappant aussi bien que des objectifs militaires ou
encore d'attaques dirigées délibérément contre eux,
dans le but de les terroriser ou par mesures de représailles. En
interrompant les communications, en dispersant les familles et
précipitant des populations affolées sur le chemin de l'exile, la
guerre va également frapper les populations civiles à travers la
rupture des liens affectifs et la destruction du tissu familial.
Pourchassées pour leurs appartenance ethnique, elles peuvent aussi
être simplement visées parce qu'elles représentent un
enjeu.
Face à une telle situation, le droit international et
en particulier le DIH., ne pouvaient rester indifférents quand au sort
des populations civiles dans les conflits armés internes. Il existait un
besoin clair, de règles internationales, qui limitent les
conséquences de la guerre pour les populations et leurs biens, et qui
protègent certains groupes de personnes particulièrement
vulnérables. Dés le début du XXe siècle,
il existait déjà des règles sur le traitement des civils
en période de guerre: le règlement de La Haye de 1907 contenait
des dispositions sur la conduite des puissances occupantes. Les conventions de
la Haye de 1899 et 1907 comprenaient également des dispositions, qui
accordaient une certaine protection aux civils. Le 12 août 1949, quatre
conventions furent adoptées à Genève, qui sont devenues
aujourd'hui le fondement du DIH1(*). Néanmoins, les gouvernants ont fait obstacle
à l'application des règles du droit de la guerre aux conflits
armés internes. Lorsqu'ils s'y sont résolus, ce fut dans les
limites très étroites de l'article 3, commun aux quatre
conventions de Genève précédemment cité. La
modestie de la protection accordèe par l'article 3 commun, était
cependant la contrepartie nécessaire à l'extension du DIH, dans
un domaine jusque là jalousement conservé à la
souveraineté des Etats et à l'application des dispositions du
droit interne. Plutôt qu'un aboutissement, ce pouvait être aussi le
point de départ d'une extension progressive des règles du droit
de la guerre aux conflits armés internes.
Réunie à Genève entre 1974 et 1977, la
conférence diplomatique sur la réaffirmation et le
développement du DIH applicable dans les conflits armés, à
consacré ce point de vue le 8 juin 1977, en adoptant un protocole
additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949, relatif
à la protection des victimes dans les conflits armés non
internationaux, et par là des populations civiles.
Mais qu'entend-on par protection juridique ? Cette
dernière peut avoir plusieurs sens en droit, allant de la protection
civile à la protection judiciaire ou sociale. En ce qui nous concerne la
protection juridique signifie ici l'ensemble des mesures, des dispositions
juridiques qui visent à préserver les populations civiles des
effets de la guerre. Le DIH., dont l'objectif est de maintenir un minimum
d'humanité dans la guerre, en mettant à la charge des
belligérants des obligations très précises, a prévu
un système de protection des populations civiles dans les conflits
armés internes.
Il s'avère toutefois difficile, de faire la distinction
dans de tels conflits, entre la population civile normale et ceux qui
combattent. Dans une guerre où des civils ont pris les armes contre
d'autres civils, sans que les combattants caractérisés - groupes
armés organisés - ne soient hors du jeu, comment
déterminer qui, de la population, participe ou non au conflit ?
Le droit en vigueur ne contient aucune disposition,
précisant sans ambiguïté, qui peut être
considéré comme combattant au cours de tels conflits. L'article 3
et son protocole, n'établissent pas un statut spécifique du
combattant dans les conflits internes. Il ne prévoit pas d'avantage,
qu'une institution ait compétence pour le faire, qui soit
extérieure au conflit et libre de tout lien avec l'une des parties aux
prises. Sans doute, l'article 3 fait il directement allusion à la
distinction entre combattants et population civile, lorsqu'il se
réfère « aux personnes qui ne participent pas
directement aux hostilités ». L'équivoque sur la
signification de cette expression, pèse sur le sort des populations
civiles, dont la situation est particulière en période de guerre.
Car, bien que la 2e G.M. ait prouvée que la participation de
celle-ci n'était pas propre aux seuls conflits internes, il convient
d'admettre, que par la force des choses, elle y est d'avantage active.
Le caractère direct de la participation aux
hostilités, a fait l'objet de diverses interprétations, qui se
rattachent à deux conceptions générales.
L'une est très restrictive, elle vise uniquement les
membres de la population civile, qui participent physiquement à des
combats, sans pour autant appartenir aux forces armées. L'engagement
physique dans les combats est le seul critère de la participation
directe aux hostilités. Il permet de déterminer, ceux qui au sein
de la population civile, perdent le bénéfice de la protection qui
s'attache à l'appartenance à celle-ci, du fait de leur acte et
prennent le risque de se voir infliger des sanctions identiques à celles
que les parties réservent aux membres des forces armés, ou des
groupes armés organisés qu'elles capturent.
Cette conception ne tient toutefois pas compte des conditions
dans lesquelles se déroulent ces types de conflits. L'extension de la
guérilla sous sa forme urbaine rend inévitable l'existence de
relations étroites, et souvent continues entre la population et les
combattants, puisque sa stratégie et son intérêt comme
méthode de lutte, se fondent sur l'appui que la population peut fournir
aux guérilleros. Cela implique que certaines attitudes ou actions,
autres que l'engagement physique dans les combats, peuvent mener à la
victoire ou à la défaite de l'une ou l'autre des parties.
L'adversaire n'est donc plus seulement celui qui participe physiquement
à des combats.
La conception extensive favorise l'application de la notion de
participation directe, à un nombre de civils beaucoup plus important.
Deux idées se sont dégagées. Selon la première, la
participation directe suppose une attitude active, par rapport à une
attitude passive.
Selon la deuxième, la notion d'aide est
décisive, puisqu'elle est le prolongement naturel d'un engagement
physique dans les combats. Cette conception extensive, favorise le concept de
guerre totale et constitue la justification des actes de terrorisme, qui
réduisent à néant la distinction opérée
entre les membres des forces armées et groupes armés
organisés et la population civile.
Le fait que les délégations à la
conférence diplomatique, aient maintenu l'expression
« participation directe », incite à croire qu'elles
se sont rendues compte, du danger que la notion de « participation
active » ou « d'aide », faisait planer sur
l'application du DIH.
Dans la pratique, certains membres de la population civile
peuvent être considérés comme combattants, en raison de la
nature de leurs activités. C'est le cas de ceux- la, qui sont
liés à l'effort militaire et économique2(*). Ces activités sont les
plus propres à déterminer ceux qui participent directement aux
hostilités. Sans que cela soit excessif à première vue,
elle semble favoriser celles-ci, en permettant qu'elles se développent
ou à tout le moins qu'elles se poursuivent. Il est nécessaire
cependant de déterminer le degré réel de l'intention qui
les motive. L'expression effort militaire et économique, invite à
limiter les activités économiques, susceptibles d'être
retenues à raison de leur rapport avec le potentiel militaire, en
prenant celui-ci dans son sens le plus étroit, c'est-à-dire la
production d'armements. Mais si les activités liées à
l'armement attisent les hostilités, encore faut-il que ce soit le
véritable mobile de ceux qui les exercent. A moins qu'elles affirment
ouvertement leur intention de contribuer au succès de l'une des parties,
les personnes qui travaillent dans des fabriques d'armes, sans avoir
d'influence sur la direction et les choix de celles-ci, doivent être
considérées comme non combattantes.
Les membres de la population civile exerçant des
fonctions politiques ou administratives, peuvent également être
considérés comme participant directement aux hostilités.
En effet les parties en conflit considèrent comme ennemis, ceux qui
reconnaissent avoir des responsabilités dans le camp adverse, ou qui
prennent publiquement position en sa faveur. Mais il arrive fréquemment,
que les parties ne s'embarrassent pas de savoir si des civils ont adopté
une position aussi nette. Des responsabilités dans le fonctionnement des
institutions suffisent à faire passer, ceux d'entre eux qui les
exercent, pour des sympathisants de l'ennemi. Cela vaut pour les personnes
investies de mandat politique, mais cela touche également le personnel
des services administratifs. L'appartenance à ceux-ci, constitue souvent
le prétexte pour la partie rebelle, d'étendre sensiblement le
nombre des civils qui participent directement aux hostilités.
Tenant compte de ce que les parties peuvent admettre dans la
réalité d'un conflit armé, et des exigences du DIH., seuls
quelques hauts fonctionnaires et hommes politiques devraient être
considérés comme tels. Ce sont ceux qui se trouvent dans
l'entourage immédiat du chef de l'Etat et du chef du gouvernement, et
ceux qui constituent l'équipe, dont s'entourent les ministres en prise
directe avec le conflit c'est-à-dire le ministre des forces
armées et le ministre de l'intérieur.
Les parties en conflit, ne limitent pourtant pas toujours la
participation directe à ces deux catégories de civils. Elles
considèrent qu'il n'est pas nécessaire d'exercer une
activité liée à l'effort militaire et économique ou
au fonctionnement des institutions, pour perdre le bénéfice de la
protection qui s'attache, à ceux qui restent en dehors du conflit. Elles
étendent ainsi la participation directe au conflit, à la
population civile sous contrôle de l'une des parties.
Pour chaque partie, la population civile sous le
contrôle de l'adversaire, constitue un complice présumé de
celui-ci. L'exemple de certains conflits, interdit d'écarter comme
académique, les observations relatives à cette catégorie.
Le massacre de dizaine milliers de civils par les « khmers
rouges » dans le conflit cambodgien qui s'est déroulé
de 1970 à 1975, en est une illustration. En Afrique, fréquemment
des civils sont l'objet d'exaction, voire même de génocide pour
leur appartenance à un groupe ethnique donné (le massacre des
massalit, des zaghwa, et des four par les milices janjaweeds au Soudan, le
Rwanda en 1994), ou sans fournir aux combattants une aide directement
liée à l'armement, ils entrent en contact avec ceux-ci, en leur
donnant le gîte, la nourriture... Pareilles relations, ne nous semble pas
pouvoir justifier que ces civils soient considérés comme
participants directement aux hostilités. Même intentionnelles,
leurs attitudes peuvent ne pas avoir pour effet d'attiser les hostilités
et de favoriser les combattants d'une des parties au détriment des
autres. Ils agissent le plus souvent sous la contrainte et la menace. Ce ne
sont ni des actes guerriers, ni des manifestations de convictions politiques.
L'examen des diverses interprétations de la notion de
participation directe aux hostilités, montre la difficulté qu'il
y a d'en établir une signification suffisamment réaliste, pour
être respectée en cas de conflits. En fait, la participation doit
être considérée comme un simple élément
d'approche, pour la recherche de la définition la plus acceptable
possible, de la participation directe aux hostilités, sans pour autant
lui être substituée.
Dans cette perspective, nous pensons que les personnes
civiles, auxquelles l'expression contenue dans l'article 3 est applicable, sont
celles qui, sans appartenir à des forces armées ou à des
groupes armés organisés, ne s'engagent pas physiquement dans les
combats et celles qui aident les forces armées, mais dont l'intention
n'est pas d'attiser les hostilités en raison de leurs activités.
A ce stade de notre étude, il convient de
préciser le concept de conflit armé interne, qui détermine
l'applicabilité de l'article 3 et de son protocole, contrairement aux
conflits armés internationaux. Sans doute, est-il parfois difficile de
ranger avec certitude un conflit armé dans l'une de ces deux
catégories juridiques, autour desquelles s'ordonne l'application
très différenciée des règles du droit de la guerre.
Aucune définition du conflit armé interne, n'a d'ailleurs
été unanimement acceptée. Au sein de la doctrine, on lui
préfère encore l'expression « guerre
civile »3(*).
Mais le désaccord le plus profond, porte sur la
qualification juridique de certains conflits, présentés par les
uns comme internationaux, mais considérés comme non
internationaux par les autres. Le statut des guerres de libération
nationale a été au centre des débats. Le succès du
concept de guerre de libération nationale, a en effet
altéré la portée du critère de l'Etat jusque
là déterminant, puisque la distinction entre les conflits
armés internes et les conflits armés internationaux,
s'identifiait communément à l'opposition entre les conflits
armés interétatiques et les conflits armés non
interétatiques. La doctrine s'est-elle d'ailleurs proposée de les
distinguer de façon plus précise. Elle a multiplié les
termes susceptibles de mieux faire ressortir la variété des
situations. Ainsi les auteurs parlent-ils des conflits armés
internationalisés, des conflits armés internationaux mais non
interétatiques, des conflits armés strictement internes, des
conflits armés réputés internationaux, des conflits
mixtes, des conflits composés, des conflits armés entre quasi
Etats...
Cette multiplication d'appellation, tendant à mieux
distinguer les conflits armés en fonction de leurs divers aspects, peut
déboucher sur un outil méthodologique intéressant. Nous
n'aborderons cependant pas l'étude de la typologique des conflits
armés.
La reconnaissance de la nature internationale des guerres de
libération nationale, revêt en effet un caractère
exceptionnel, et peut être provisoire parce qu'elle est liée
à une situation historique, et à des considérations
politiques particulières.
Mais ce débat n'a pas manqué de porter aussi,
sur le problème que pose l'intervention des forces extérieures
sur le territoire d'un Etat, en proie à un conflit armé. Les
années récentes ont confirmé cette tendance en
l'amplifiant : soit que des Etats tiers, interviennent directement ou
indirectement aux cotés des parties aux prises, soit que les conflits
armés internes, revêtent une importance telle qu'ils ont
inévitablement, des répercussions hors des frontières des
Etats qui en sont la proie, et par là même intéressent la
communauté internationale.
Signalons que la participation d'un Etat tiers à un
conflit armé interne, à l'invitation du gouvernement, est licite
sur le plan du droit international. En revanche, l'intervention aux
côtés des insurgés constitue une ingérence illicite
dans les affaires intérieures de l'Etat concerné ; elle est
donc contraire au droit international.
La situation se présente comme suit, par rapport au
droit applicable :
· Entre gouvernement et insurgés, l'article 3 et
le P.2 deviennent applicables.
· Entre un gouvernement, et un Etat qui intervient au
côté des insurgés, c'est le droit des conflits armés
internationaux qui s'applique.
· Entre un Etat, qui intervient aux côtés
du gouvernement, et les insurgés, l'article 3 et le P.2 deviennent
applicables.
· Entre les Etats qui interviennent des deux
côtés, le droit des conflits armés internationaux est
valable.
Mais la conférence diplomatique a montré que la
distinction classique entre les conflits armés internes et les conflits
armés internationaux, demeurait fondamentale pour les Etats.
Les conflits armés internes peuvent donc être
définis, comme des affrontements
armés qui se déroulent dans les limites de la juridiction d'un
Etat, c'est-à-dire sur le territoire d'un seul Etat, et ce entre le
gouvernement, d'une part, et des groupements armés insurgés,
d'autre part ou entre des groupes armés organisés.
Exception faites des conflits armés dans lesquels;
« les peuples luttent contre la domination coloniale, l'occupation
étrangère et les régimes raciste, dans l'exercice du droit
des peuples à disposer d'eux-mêmes, consacré dans la charte
des Nations Unies et dans la déclaration relative aux principes du droit
international touchant les relations amicales et la coopération entre
les Etats conformément à la charte des Nations Unies
»4(*). L'article 1 du
P.2, stipule à cet effet que : « Le présent
Protocole... s'applique à tous les conflits armés qui ne sont pas
couverts par l'article premier du protocole additionnel aux conventions
Genève, du 12 août 1949 relatif à la protection des
victimes des conflits armés internationaux (P.I), et qui se
déroulent sur le territoire d'une Haute Partie contractante entre ses
forces armées et des forces armées dissidentes ou des groupes
armés organisés qui, sous la conduite d'un commandement
responsable, exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel
qu'ils leur permette de mener des opérations militaires continues et
concertées et d'appliquer le présent Protocole ». Cet
article limite ainsi l'applicabilité du P.2, aux conflits armés
internes, dont le déroulement sera similaire à celui des conflits
armés interétatiques traditionnels. Ainsi, y'aura-t-il
dorénavant deux types de conflits internes au sens du DIH. Le droit
applicable distinguera, entre les conflits couverts non seulement par l'article
3, mais encore par l'ensemble des dispositions du P 2, et les conflits qui
resteront couverts par le seul article 3, parce qu'ils ne satisfont pas
aux conditions matérielles d'application du P.2.
Les conflits internes, doivent également être
distingués des situations de troubles et de tensions intérieures,
auxquelles le droit de la guerre ne s'applique pas. Cette distinction n'est pas
toujours aisée à faire. En effet la plupart de ces conflits,
résultent de troubles intérieurs graves qui
dégénèrent, sans qu'il soit toujours possible
d'établir avec certitude, le moment où ils se transforment en
conflit. Bien que ces situations ne soient pas formellement couvertes par le
droit des conflits armés, le CICR a tenté d'en donner une
définition : « les situations de troubles
intérieurs, sont des situations ou, sans qu'il y ait à proprement
parlé de conflits armés, il existe cependant sur le plan interne,
un affrontement qui présente un certain caractère de
gravité ou de durée, et comporte des actes de violence. Ces
dernières peuvent revêtir des formes variables, allant de la
génération spontanée d'actes de révolte, à
la lutte entre des groupes plus ou moins organisés, et les
autorités au pouvoir. Dans ces situations qui ne
dégénèrent pas souvent en lutte ouverte, les
autorités au pouvoir font appel à de vastes forces de police,
voire même aux forces armées pour rétablir l'ordre
intérieur ».
Quand aux situations de tensions intérieures, il
s'agit notamment :
· des situations de tensions graves (politiques,
raciales, religieuses...)
· des séquelles d'un conflit armé ou de
troubles intérieurs.
La protection des populations civiles dans les conflits
armés internes, revêt aujourd'hui une importance capitale. Devant
la multiplication de ces conflits et face à l'ampleur des destructions,
des massacres et des atrocités effroyables que subissent ces
populations, il importe plus que jamais de se pencher sur la question. Comme le
montre ces propos de Kofi Annan, ex-secrétaire général des
Nations Unies : « les victimes des conflits actuels sont non
seulement anonymes, mais littéralement innombrables ... La terrible
réalité est que, de nos jours, les civils ne sont pas simplement
« pris entre deux feux ». Ils ne sont pas non plus des victimes
accidentelles ou des« dommages collatéraux », selon
l'euphémisme en cours. Bien trop souvent, ils sont
délibérément visés ». Tous les droits des
populations civiles sont en effet piétinés dans ces sanglantes
guerres. Prises en tenaille par les combats, elles sont la proie de malheurs et
de souffrances effroyables.
Ces conflits se sont par ailleurs développés en
beaucoup plus grand nombre que les conflits internationaux, depuis une
trentaine d'année, et ce sont les pays africains, marqués par une
instabilité institutionnelle permanente et par une extrême
violence sociale, qui sont les plus touchés. Actuellement en Somalie, au
Soudan, en R.D.C... on dénombre quotidiennement des actes de torture,
d'internements arbitraires, de transferts forcés, de prises d'otages, de
pillages des biens de personnes sans défense, de viol sous toutes ses
formes (prostitution forcée, exploitation sexuelle, fécondation
forcée). La violation des règles humanitaires acquiert souvent,
dans les conflits internes, le rôle d'arme de choix, dans la
stratégie des combattants. Les atrocités humanitaires
apparaissent comme l'un des moyens les plus efficaces pour aboutir au
résultat souhaité ; « le nettoyage
ethnique » d'un territoire donné par exemple.
Un tel sujet se justifie également par le fait que
d'une part, ces atrocités sont commises dans l'impunité la plus
totale. En effet les règles du DIH., à l'instar de toutes les
règles du droit international, souffrent de l'absence d'un pouvoir
central suffisamment fort, pour obliger les Etats à respecter les
règles qui les lient. Le système international ne dispose pas
d'institutions comparables aux organes exécutifs et judiciaires des
ordres internes. Malgré quelques progrès réalisés
en la matière, la contrainte institutionnelle reste embryonnaire en DIH.
D'autre part, pour une proportion importante des conflits armés
d'aujourd'hui - c'est à dire les conflits internes -, le DIH
conventionnel n'est pas assez détaillé, en ce qui concerne la
protection des populations civiles. Les règles conventionnelles qui
s'appliquent à elles sont en effet beaucoup moins nombreuses que pour
les conflits internationaux.
Au vue de tout ce qui précède, on peut
dés lors se poser la question de savoir, comment le droit
international, et en particulier le DIH, protége t'il les populations
civiles dans les conflits armés internes? En d'autres termes,
quelles sont les garanties juridiques accordées aux populations
civiles dans de tels conflits ? Au coeur de la
problématique de la protection des populations civiles, se trouve
également la question de l'application des règles garantissant
cette protection. Quelles sont les mesures de mise en oeuvre de ces
garanties, et à qui incombent-elles ?
En effet le DIH a mis en place des vagues successives de
codification, qui ont engendré un appareil normatif qui vise à
protéger ces dernières des effets des hostilités. Mais si
le DIH constitue un régime juridique spécialement conçu
pour le cas d'affrontements armés durables et organisés, il
n'abolit pas pour autant les autres régimes institués par le
droit international pour protéger la personne humaine. Dans les
situations de conflits armés, le DIDH s'applique donc concurremment au
DIH. La complémentarité entre DIH et DIDH a été
affirmée par la CIJ. Dans un avis consultatif daté de juillet
2004, elle a déclaré qu'en aucun cas le DIH et les droits de
l'homme ne s'excluaient mutuellement. D'après la Cour :
« certains droits peuvent relever exclusivement du DIH ;
d'autres relever exclusivement des droits de l'homme ; d'autres enfin
peuvent relever de ces deux branches du droit international ».
Le nombre et l'importance des conflits internes, les
conditions de leur déroulement notamment pour les civils, invite donc
à s'intéresser avant tout sur les garanties de protection des
populations civiles (Première partie). En effet on ne
peut protéger juridiquement une personne sans lui concéder des
droits. Seulement il ne suffit pas d'accorder des garanties. Celles-ci doivent
être mise en oeuvre (Deuxième partie).
Les garanties sont un ensemble de
principes juridiques qui ont pour but de préserver les
prérogatives inhérentes à tout individu. Elles ont pour
principales sources le DIH conventionnel et coutumier, mais aussi les
instruments juridiques relatifs aux droits de l'Homme, dont certaines
règles sont inderogeables même en cas de conflit interne. Pour ce
qui est des normes conventionnelles du DIH, il convient de souligner
l'importance de l'article 3 commun dont-on a dit qu'il est une
« convention en miniature ». En effet il énonce en
quoi consiste un minimum de traitement humain et donne une base légale
à l'action du CICR ou de tout autre organisme humanitaire impartial,
action qui, dans le passé, avait trop souvent été
entravée comme constituant une ingérence dans les affaires
internes d'un Etat. Le P.2 développe et complète, quant à
lui, les garanties consacrées par l'article 3 commun. Pour ce qui est
des autres conventions il s'agit entre autres de la convention sur certaines
armes classiques, telle qu'amendée, de la convention d'Ottawa sur
l'interdiction des mines antipersonnel...
En outre il convient de citer les conventions des droits de
l'homme qui accordent elles aussi des garanties de protection aux populations
civiles. En effet les droits de l'homme s'appliquent en tout temps, même
si certains traités autorisent des dérogations en cas
d'état d'urgence, il existe un « noyau dur » dont-on
ne peut déroger. Le recours aux droits de l'homme, comme système
juridique complémentaire au droit humanitaire, est expressément
reconnu par le P.2. Le 2e considérant du préambule
établit un lien entre le protocole et les droits de l'homme, en
rappelant que : « ... les instruments internationaux
relatifs aux droits de l'homme, offrent à la personne humaine une
protection fondamentale». Toutefois, en cas doute sur le droit applicable,
c'est à la lex specialis à savoir le droit
applicable dans les conflits armés, conçu pour régir la
conduite des hostilités qui prime.
En vertu de la lex specialis, nous aborderons
l'analyse des garanties de protection des populations civiles en utilisant la
terminologie du DIH. En effet ce dernier distingue les garanties qui sont
générales, dans la mesure où elles visent à
protéger toute la population civile (Chapitre I), de
celles qui sont spécifiques à certaines catégories de
personnes (Chapitre II).
Chapitre
I : Les garanties générales
Les garanties générales s'appliquent à
toutes les personnes civiles. Elles concernent les garanties fondamentales,
qui définissent les conditions générales de traitement des
civils (Section 1), et les garanties relatives à la
conduite des hostilités (Section 2).
Section 1 : les
garanties fondamentales
Les garanties fondamentales s'appliquent sans distinction de
caractère défavorable. Ce principe est consacré par
l'article 4 du P.2. Qui stipule que : «Toutes les personnes qui
ne participent pas directement ou ne participent plus aux hostilités,
qu'elles soient ou non privées de liberté, ont droit au respect
de leur personne, de leur honneur, de leurs convictions et de leurs pratiques
religieuses. Elles seront en toutes circonstances traitées avec
humanité, sans aucune distinction de caractère
défavorable ». La notion de «distinction de
caractère défavorable» signifie que si la discrimination
entre les personnes est interdite, il est néanmoins possible
d'établir des distinctions pour accorder la priorité aux
personnes dont les besoins de soins sont les plus urgents.
Son équivalent dans le domaine des droits de l'homme
est le principe de non discrimination consacré dans les grands
traités des droits l'homme5(*).
Ce sont d'une part les garanties d'un traitement humain
(Paragraphe1) et les garanties en faveur des personnes
privées (Paragraphe 2).
Paragraphe
1 : Les garanties d'un traitement humain
L'exigence de traiter les civils avec humanité est une
notion primordiale dans les conflits armés internes. Même si la
notion « traitement humain » n'est pas explicitée,
il est généralement admis que les règles inscrites dans
l'article 3 commun et dans le P.2, ainsi que dans les traités des droits
de l'homme, lui donnent un contenu, qui s'articule autour de l'interdiction de
porter atteinte à la vie et à l'intégrité
corporelle (A), et l'interdiction de porter atteinte à
la dignité de la personne (B).
A/ L'interdiction de porter
atteinte à la vie et à l'intégrité corporelle
L'article 3 commun interdit «les atteintes portées
à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment le
meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitement cruels,
tortures ou supplices ». L'interdiction de porter atteinte à
la vie et à l'intégrité corporelle, est également
reconnue comme garantie fondamentale par le P.2. Ainsi aux termes de l'article
4 par. 2 al. a : « ...sont et demeurent prohibés en
tout temps et en tout lieu... les atteintes portées à la vie,
à la santé et au bien être physique ou mental des
personnes, en particulier le meurtre, de même que les traitements cruels
tels que la torture, les mutilations ou toutes formes de peines
corporelles ».
Le meurtre constitue un crime de guerre en vertu du Statut de
la CPI, dans les conflits armés non internationaux, ainsi que selon les
Statuts du TPIY et du TPIR et du TSSL6(*). Le meurtre des civils est aussi interdit par le DIDH
bien qu'en des termes différents. Citons comme exemple la charte
africaine des droits de l'homme et des peuples qui dispose en son article 4
que : « la personne humaine est inviolable. Tout être
humain à droit au respect de sa vie et à
l'intégrité physique et morale de sa personne. Nul ne peut
être arbitrairement privé de liberté ». En outre
ces traités n'autorisent aucune dérogation à cette
interdiction qui est donc applicable en tout temps. La charte africaine
n'autorise aucune dérogation même en cas d'état d'urgence,
et l'article 15 de la convention européenne des droits de l'homme (1950)
dispose que le droit à la vie ne peut faire l'objet d'aucune
dérogation sauf pour « des actes licites de guerre »
dans une situation équivalant à un conflit armé.
Cependant, l'interdiction de la « privation
arbitraire du droit à la vie » au regard du droit des droits
de l'homme, recouvre aussi le fait de tuer des civils, sans que cela soit
justifié par les règles relatives à la conduite des
hostilités. Dans l'avis consultatif qu'elle a rendu dans l'affaire des
Armes nucléaires, la CIJ a déclaré que «c'est
toutefois, en pareil cas, à la lex specialis applicable,
à savoir le droit applicable dans les conflits armés,
conçu pour régir la conduite des hostilités, qu'il
appartient de déterminer ce qui constitue une privation arbitraire de la
vie».
Les atteintes à l'intégrité corporelle
englobent ici, la torture, les traitements cruels ou inhumains et les peines
corporelles. Ces atteintes constituent des crimes de guerre dans les conflits
armés non internationaux en vertu des Statuts de la CPI, du TPIR et du
TSSL7(*).
L'interdiction de la torture et des traitements ou peines
cruels, inhumains ou dégradants est inscrite dans les traités
généraux des droits de l'homme8(*), ainsi que dans des traités spécifiques
ayant pour objet de prévenir et de sanctionner ces pratiques9(*). Selon ces instruments, cette
interdiction ne peut faire l'objet d'aucune dérogation.
La torture est définie par les éléments
des crimes du Statut de la CPI (2000) comme consistant à infliger
«une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales»,
afin par exemple «d'obtenir des renseignements ou des aveux, de punir,
d'intimider ou de contraindre; ou pour tout autre motif fondé sur une
forme de discrimination, quelle qu'elle soit». Contrairement au droit des
droits de l'homme - par exemple l'article premier de la Convention contre la
torture -, les éléments des crimes n'exigent pas que cette
douleur ou ces souffrances soient infligées «par un agent de la
fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou
à son instigation ou avec son consentement exprès ou
tacite».
L'expression «traitement inhumain» est
définie par les éléments des crimes du Statut de la CPI
comme le fait d'infliger «une douleur ou des souffrances aiguës,
physiques ou mentales».
L'élément qui distingue le traitement inhumain
de la torture est l'absence du critère stipulant que le traitement doit
être infligé avec une finalité précise. Le TPIY a
utilisé une définition plus large, considérant que le
traitement inhumain est un traitement qui «cause de grandes souffrances ou
douleurs physiques ou mentales ou qui constitue une atteinte grave à la
dignité humaine»10(*). L'élément «atteinte grave
à la dignité humaine» n'a pas été inclus dans
la définition du traitement inhumain dans les éléments des
crimes du Statut de la CPI parce que ces atteintes sont couvertes par le crime
de guerre d'«atteintes à la dignité de la
personne».
Dans son Observation générale sur l'article 7 du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Comité
des Nations Unies pour les droits de l'homme a déclaré que
l'interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradant «doit s'étendre aux peines corporelles, y compris
les châtiments excessifs infligés à titre de sanction
pénale ou de mesure éducative ou disciplinaire»11(*).
Est également considérée comme garantie
fondamentale d'un traitement humain, l'interdiction de porter atteinte à
la dignité (B)
B/
L'interdiction de porter atteinte à la dignité de la personne
L'article 4 par.2 du P.2 reprend les termes de l'al. (c) de
l'article 3 commun qui prohibe « les atteintes à la
dignité des personnes, notamment les traitement humiliants et
dégradants ». Il y ajoute « le viol, la contrainte
à la prostitution, et tout attentat à la pudeur ».
Les atteintes à la dignité des personnes,
notamment les traitements humiliants et dégradants, constituent des
Crimes de guerre en vertu des statuts de la CPI, du TPIR, et du TSSL12(*).
La notion d' « atteinte à la
dignité de la personne » est définie dans les
éléments de crimes du statut de la CPI, comme « le
fait de soumettre une personne, à un traitement humiliant ou
dégradent ou de porter autrement atteinte à sa dignité,
dans un sens suffisamment grave, pour être reconnu
généralement comme une atteinte à la dignité de la
personne ». Les éléments de crime précisent en
outre, que « le traitement dégradant peut concerner aussi
des personnes décédées, et que la victime ne doit pas
nécessairement être personnellement consciente du
caractère humiliant ou dégradant du traitement subi ».
Ce dernier point a été précisé afin de couvrir les
humiliations délibérées ou inconscientes des personnes
mentalement handicapées. Les éléments de crime ajoutent
encore qu'il convient de tenir compte du contexte culturel de la victime, ce
qui couvre par exemple les traitements qui sont humiliants pour une personne
d'une nationalité ou d'une religion particulière.
Le viol, la contrainte à la prostitution et tout
attentat à la pudeur, constituent également des crimes de guerre
consacrés par les statuts du TPIR et du TSSL13(*). Selon le statut de la
CPI : « le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution
forcée, la grossesse forcée...ou toute autre forme de violence
sexuelle » constituant une infraction grave à l'article 3
commun, constituent un crime de guerre dans les conflits armés non
internationaux14(*). De
même que « le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution
forcée, la grossesse forcée, la stérilisation
forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité
comparable», constituent un crime contre l'humanité aux termes du
Statut de la CPI, et le «viol» constitue un crime contre
l'humanité selon les Statuts du TPIY et du TPIR15(*).
En ce qui concerne la définition du viol, le TPIY a
estimé dans son jugement dans l'affaire Furundúija en 1998, que
le viol exigeait « l'emploi de la force, de la menace ou de la contrainte
contre la victime ou une tierce personne ». Toutefois, dans un jugement
ultérieur rendu en 2001 dans l'affaire Kunarac, le Tribunal a
considéré qu'il pourrait y avoir d'autres facteurs « qui
feraient de la pénétration sexuelle un acte non consensuel ou non
voulu par la victime », et que cette considération
définissait la portée précise de la définition du
viol en droit international. Le TPIR a jugé en 1998 dans l'affaire
Akayesu que « le viol constitue une forme d'agression » et qu'«
une description mécanique des objets et des parties du corps qui
interviennent dans sa commission, ne permet pas d'appréhender les
éléments essentiels de ce crime ». Le Tribunal a
défini le viol comme « une invasion physique de nature sexuelle
commise sur la personne d'autrui sous l'empire de la contrainte ».
Le viol et les violences sexuelles peuvent aussi être
des éléments constitutifs d'autres crimes en droit international.
Le TPIY a jugé, dans l'affaire Delaliæ, que le viol peut
constituer une torture lorsque l'acte répond aux critères
spécifiques constitutifs de la torture. Le TPIR a estimé, dans
les affaires Akayesu et Musema, que le viol et les violences sexuelles
pouvaient être constitutifs de génocide lorsque les conditions
spécifiques du génocide sont remplies.
La pratique a spécifié que l'interdiction de la
violence sexuelle était non discriminatoire, c'est-à-dire que les
hommes comme les femmes, de même que les adultes comme les enfants, sont
également protégés par l'interdiction. Sauf pour ce qui
est de la grossesse forcée, les crimes liés aux violences
sexuelles dans le Statut de la CPI sont interdits contre toute personne, et non
seulement à l'égard des femmes. En outre, dans les
éléments des crimes du Statut de la CPI, la notion
utilisée pour définir le viol («prendre possession»)
«se veut suffisamment large pour être dénuée de
connotation sexospécifique».
Les violations de l'interdiction du viol et des autres formes
de violence sexuelle ont été largement condamnées par les
États et par les organisations internationales. Ainsi, le Conseil de
sécurité de l'ONU, l'Assemblée générale des
Nations Unies et la Commission des Nations Unies pour les droits de l'homme ont
condamné les violences sexuelles commises pendant les conflits au
Rwanda, en Sierra Leone, en Ouganda et dans l'ex-Yougoslavie16(*).
L'article 4 du P.2 prohibe
également « l'esclavage et la traite des esclaves sous
toutes leurs formes ». La « réduction en
esclavage » figure parmi les crimes contre l'humanité,
définis par le statut du TPIR du TPIY17(*) et de la CPI. Ce dernier la définie
comme « le fait d'exercer sur des personnes l'un quelconque ou
l'ensemble des pouvoirs liés au droit de propriété, y
compris dans le cadre de la traite des êtres humains, en particulier des
femmes et des enfants »18(*).
L'esclavage et la traite des esclaves sont aussi interdits en
DIDH. Le premier traité universel interdisant l'esclavage et la traite
des esclaves fut la Convention relative à l'esclavage en 1926. Elle fut
complétée en 1956 par la Convention supplémentaire
relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des
institutions et pratiques analogues à l'esclavage, qui interdit la
servitude pour dettes, le servage et la transmission par succession ou le
transfert des femmes ou des enfants. L'interdiction de l'esclavage, de la
servitude et de la traite des esclaves est une obligation à laquelle il
est impossible de déroger selon le Pacte international relatif aux
droits civils et politiques et selon les conventions régionales des
droits de l'homme19(*). La
traite des êtres humains est définie comme une infraction
pénale dans une série de traités récents, comme le
Protocole sur la traite des personnes adoptées en 200020(*).
La pratique contemporaine ne permet pas heureusement de
relever des exemples d'une réduction à l'esclavage de la
population soumise, comme cela se pratiqua dans l'antiquité jusqu'au
XIXe siècle. Il reste que certaines conditions de vie, qui leur sont
parfois imposées, sont sans doute comparables à l'esclavage
entendu au sens commun, dont elles seraient l'une des formes contemporaines.
Toutes ces règles constituent des normes du DIH
coutumier applicable dans les conflits armés. Elles sont par
conséquent applicables à toutes les parties à un conflit
interne, que celles-ci aient ratifié ou non les traités contenant
ces règles.
Les règles générales de comportement
à l'égard des populations civiles ayant été
posées, un certain nombre de droits doivent être respecté,
à l'égard des personnes privées de liberté
(paragraphe 2).
Paragraphe
2 : Les garanties en faveur des personnes privées
Liberté
Avant de voir les règles qui s'appliquent aux personnes
privées de liberté, il convient de rappeler que la privation
arbitraire de liberté est illégale. En effet nul ne peut
être privé de liberté, si ce n'est pour des motifs, et
conformément à la procédure prévue par la loi.
L'expression « personnes privées de
liberté », est prise ici dans un sens large. Elles couvre les
personnes internées ou en détention administrative
(A) et les personnes détenues pour des infractions en
relation avec le conflit (B).
A/ Les garanties en faveur
des personnes internées ou en détention administrative
L'internement ou la détention administrative, est
défini comme une privation de liberté ordonnée par le
pouvoir exécutif - et non par le pouvoir judiciaire - sans qu'une
inculpation pénale précise ne soit portée contre la
personne qui en est l'objet. Les termes internement et détention sont
utilisés ici indifféremment.
L'internement est une mesure de contrôle exceptionnelle
qui peut être prise pour des raisons de sécurité dans le
cadre d'un conflit armé. La définition de l'internement ne
comprend donc pas la détention préventive légale d'une
personne, arrêtée du chef d'une infraction pénale, dans le
cadre d'un conflit interne. L'internement ne peut se
substituer à des poursuites pénales et il ne peut être
ordonné qu'au cas par cas, à titre individuel et sans
discrimination aucune ; de même il doit cesser dès que les
causes qui l'ont motivé n'existent plus.
Dans la mesure où, des groupes armés privent de
fait certaines personnes de leur liberté indépendamment de la
légalité d'une telle conduite, ils sont liés par les
règles conventionnelles et coutumières du DIH s'appliquant aux
conflits armés internes. Cela ne doit en aucun cas être
interprété comme une prise d'otage.
L'article 3 commun ne comporte aucune disposition
régissant l'internement, à l'exception d'une exigence de
traitement humain. Or l'internement est une mesure qui peut être prise
dans le cadre d'un conflit interne, comme le prouve le libellé de
l'article 5 du P.2 qui le mentionne, mais sans donner non plus de
détails sur la façon de l'organiser. Il sera donc
nécessaire d'avoir recours aux droits de l'homme pour compléter
les mesures de protection et élaborer les garanties de procédure
applicables à ce type de situation.
Ø L'article 5 du P.2 énumère un ensemble
de mesure de protection en faveur des personnes internées. A cet effet
il dispose que :
1.a) les blessés et les malades seront traités
conformément à l'article 7. Aux termes de
l'article 7 : « Tous les blessés, les malades et les
naufragés, qu'ils aient ou non pris part au conflit
armé, seront respectés et protégés. Ils seront, en
toutes circonstances, traités avec humanité et recevront,
dans toute la mesure du possible et dans les délais les plus brefs,
les soins médicaux qu'exige leur état. Aucune
distinction fondée sur des critères autres que
médicaux ne sera faite entre eux ».
b) Elles recevront dans la même mesure que la population
civile locale, des vivres et de l'eau potable et bénéficieront de
garanties de salubrité et d'hygiène et d'une protection contre
les rigueurs du climat et les dangers du conflit armé.
c) Elles seront autorisées à recevoir des
secours individuels ou collectifs.
Ces dispositions exigent que soient satisfaits les besoins
fondamentaux des internés. Elle est contenue dans d'autres instruments
qui s'appliquent aussi aux conflits armés non internationaux21(*). L'Ensemble de règles
minima pour le traitement des détenus contient des dispositions
détaillées concernant les locaux de détention,
l'hygiène, les vêtements, la literie et l'alimentation22(*).
La règle selon laquelle les besoins fondamentaux des
personnes privées de liberté doivent être satisfaits est
étayée par la pratique des Nations Unies. Ainsi, en 1992, le
Conseil de sécurité de l'ONU a exigé que toutes les
personnes détenues dans les camps, prisons et centres de
détention en Bosnie-Herzégovine «soient traitées
humainement et reçoivent entre autres des vivres, un abri et des soins
médicaux adéquats »23(*).
Les besoins fondamentaux des personnes privées de
liberté doivent être satisfaits de manière
appropriée, en tenant compte des moyens disponibles ainsi que des
conditions locales. Comme le montre l'expression : « dans la
même mesure que la population civile locale ».
Dans l'affaire Aleksovski, le TPIY a jugé que
l'insuffisance relative des vivres était due à la pénurie
occasionnée par la situation de guerre et affectait toutes les
personnes, et que les soins médicaux auraient sans doute
été considérés comme insuffisants en temps
ordinaire, mais que les détenus concernés avaient reçu les
soins médicaux qui étaient disponibles24(*).
Lorsque la puissance détentrice ne peut répondre
aux besoins fondamentaux des détenus, elle doit autoriser les organismes
humanitaires à apporter une assistance à leur place, et les
détenus ont le droit de recevoir une aide individuelle ou collective. En
effet sur la base de l'article 3 commun, et des statuts du Mouvement
international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, adoptés par
consensus en 1986, le CICR peut «offrir ses services» aux parties.
d) elles pourront pratiquer leur religion et recevoir à
leur demande, si cela est approprié, une assistance spirituelle de
personnes exerçant des fonctions religieuses, telles que les
aumôniers.
Cette règle est une application de la garantie
fondamentale de respect des convictions et pratiques religieuses.
Outre ces dispositions il convient d'ajouter les règles
suivantes :
· Les données personnelles des détenus
doivent être enregistrées
L'exigence d'enregistrer les données personnelles des
détenus est inscrite dans un certain nombre d'instruments internationaux
qui s'appliquent aussi dans les conflits armés non
internationaux25(*).
Cette règle a pour objet d'éviter les
disparitions ou disparitions forcées.
· Le pillage des effets personnels des détenus est
interdit.
L'article 4 du P.2 interdit le pillage au nom des garanties
fondamentales. Ce pillage constitue un crime de guerre selon les Statuts des
TPIY et du TPIR et du TSSL26(*).
Toutes ces dispositions ont, en notre sens, un
caractère obligatoire ; « elles seront au minimum
respectées à l'égard des personnes
internées ». Par contre les autres dispositions de l'article 5
ont un caractère facultatif. Leur observation, plus délicate, est
liée à la réunion de conditions matérielles qui
n'existent pas toujours, notamment du côté rebelle, en raison du
déroulement des combats ou des destructions qu'ils occasionnent. Il en
ainsi du paragraphe 2 alinéas b, c, d. Comme le montre le même
paragraphe : « Ceux qui sont responsables de l'internement ou de
la détention, les respecteront dans toute la mesure de leurs
moyens ».
Ø Outre les mesures de protection, un certain nombre
de garanties procédurales doivent être respectées. Elles
sont nombreuses et concernent principalement :
· Le droit d'être informé des motifs de
l'internement
Toute personne internée sera informée sans
retard, dans une langue qu'elle comprend, des raisons pour lesquelles cette
mesure a été prise, afin qu'elle puisse contester la
légalité de sa détention. Le droit que possède
chaque individu de connaître les raisons pour lesquelles il a
été privé de liberté peut être
considéré comme un des éléments constitutifs de
l'obligation de traitement humain, car on sait que l'incertitude d'une personne
quant aux motifs de sa détention représente une source de stress
psychologique aigu. Le droit humanitaire applicable aux conflits armés
non internationaux ne contient pas dispositions énonçant
expressément l'obligation de fournir des informations sur les motifs
pour lesquels une personne a été privée de liberté.
La garantie procédurale susmentionnée est toutefois inscrite dans
la plupart des traités pertinents relatifs aux droits de l'homme et
figure également dans certains instruments de droit indicatif27(*).
Les informations fournies doivent être suffisamment
détaillées pour que la personne privée de liberté
puisse contester la légalité de son internement et exiger que la
décision soit reconsidérée. Les informations relatives aux
raisons qui ont motivé la mesure doivent être communiquées
sans retard à cette personne et dans une langue qu'elle comprend afin
qu'elle puisse demander dans les meilleurs délais que la
légalité de sa détention soit reconsidérée.
Lorsque la décision initiale de détention est maintenue
après examen, les raisons motivant le maintien de la détention
doivent elles aussi être communiquées.
· Le droit de contester dans le plus bref délai
possible, la légalité d'une mesure d'internement.
Le droit que possède une personne de contester la
légalité de sa détention en cas de conflit armé non
international, est un élément clef du droit de tout individu
à la liberté de sa personne reconnu par les droits de l'homme. Et
bien qu'il puisse être dérogé au droit à la
liberté dans certaines situations d'urgence, le droit indicatif et la
jurisprudence en matière de droits de l'homme ont établi que,
« le droit de toute personne de contester la légalité
de sa détention devant une instance judiciaire doit être
préservé en toutes circonstances »28(*). Il ne pourra pas être
restreint, en particulier, dans les cas où le fait de contester la
légalité de mesures de détention vise, entre autres,
à protéger des droits non dérogeables tels que le droit
à la vie ou le droit de ne pas être soumis à la torture ou
à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
· Le droit à un examen périodique de
légalité de son maintien en détention.
Tandis que la IVe Convention de Genève permet aux
États, dans un contexte de conflit armé international, de choisir
entre un tribunal et un collège administratif, le DIDH applicable aux
conflits armés internes ainsi que sa jurisprudence, établissent
clairement que l'organe appelé à statuer sur la
légalité de mesures d'internement, ou de détention
administrative, doit être un tribunal. Selon le Pacte international
relatif aux droits de l'homme, quiconque se trouve privé de sa
liberté « ...a le droit d'introduire un recours devant un tribunal
afin que celui-ci statue sans délai sur la légalité de sa
détention et ordonne sa libération si la détention est
illégale »29(*).
A coté des internés civils, les personnes
soupçonnées d'avoir commis une infraction pénale en
relation avec le conflit armé, ont le droit de bénéficier
des strictes garanties judiciaires supplémentaires prévues par le
droit humanitaire et/ou les droits de l'homme (B).
B/ Les garanties
judiciaires
L'article 6 réaffirme l'une des exigences fondamentales
de l'article 3 commun en stipulant dans son paragraphe 2 que :
« Aucune condamnation ne sera prononcée ni aucune peine
exécutée à l'encontre d'une personne reconnue coupable
d'une infraction, sans un jugement préalable rendu par un tribunal
offrant les garanties essentielles d'indépendance et
d'impartialité ». Soit l'énoncé des principes
pénaux que les autorités détentrices doivent respecter.
Ainsi, il est stipulé aux alinéa (b), (c), (d) de ce paragraphe
que :
b) nul ne peut être condamné pour une infraction
si ce n'est sur la base d'une responsabilité pénale individuelle
;
c) nul ne peut être condamné pour des actions ou
omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d'après le
droit national ou international au moment où elles ont été
commises. De même, il ne peut être infligé aucune peine plus
forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a
été commise. Si postérieurement à cette infraction
la loi prévoit l'application d'une peine plus légère, le
délinquant doit en bénéficier ;
d) toute personne accusée d'une infraction est
présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité
ait été légalement établie.
Le principe de la responsabilité pénale
individuelle, les principes « nulla poena sine
lege », « nullum crimen sine
lege », le principe de la non rétroactivité des
lois et la présomption d'innocence, précisent ainsi sans
ambiguïté ce que recouvre l'expression de l'article 3, stipulant
que le jugement des personnes dont il est question doit être
« assorti des garanties judiciaires reconnues comme indispensable par
les peuples civilisés ». Par contre l'exigence du double
degré de juridiction n'est pas expressément stipulée.
De même a-t-on fait précédé
l'énoncé de ces alinéas par l'expression « en
particulier », ce qui laisse entendre que les garanties que doivent
offrir les tribunaux ne se limitent pas à celles qui sont
expressément stipulées dans ces alinéas.
Une série d'autres dispositions sont également
prévues dans l'article 6, qui doivent permettre que le jugement ait lieu
dans le respect du droit de chaque prévenu ou accusé, d'assurer
sa défense normalement :
« a) la procédure disposera que le
prévenu doit être informé sans délai des
détails de l'infraction qui lui est imputée et assurera au
prévenu avant et pendant son procès tous les droits et moyens
nécessaires à sa défense ;
e) toute personne accusée d'une infraction a le droit
d'être jugée en sa présence ;
f) nul ne peut être forcé de témoigner
contre lui-même ou de s'avouer coupable.
3. Toute personne condamnée sera informée, au
moment de sa condamnation, de ses droits de recours judiciaires et autres,
ainsi que des délais dans lesquels ils doivent être
exercés ».
Un certain nombre de règles doivent également
être respecté dans la conduite des hostilités, afin de
protéger les populations civiles des effets de la guerre
(section 2).
Section 2 :
les garanties en fonction de la conduite des hostilités
Les conflits armés internes actuels ont placé
les questions relatives à la conduite des hostilités au sommet de
l'ordre du jour des débats juridiques, notamment en ce qui concerne la
protection des populations civiles. Les règles conventionnelles
relatives à la conduite des hostilités, applicables aux conflits
armés internes sont, en fait, rudimentaires par rapport aux
règles applicables dans les conflits armés internationaux. Non
seulement elles sont moins nombreuses, mais elles sont aussi moins
détaillées.
Il convient néanmoins de remarquer que les recherches
réalisées dans le cadre de l'étude du CICR sur le DIH
coutumier publiée en 2005, ont contribué à une meilleure
connaissance des règles applicables à la conduite des
hostilités dans les conflits armés internes. L'étude a
confirmé que les principales dispositions du P.1 sur la conduite des
hostilités, reflètent le droit coutumier applicable dans les
conflits armés internationaux. Il a aussi montré que parmi ces
dispositions, un grand nombre de règles sont coutumières dans les
conflits armés internes. Ainsi, l'évolution du droit coutumier a
largement comblé les lacunes existant dans le droit des traités.
Ces questions ont aussi stimulé l'intérêt
du public, surtout du fait que les médias diffusent un grand nombre de
photos et d'articles sur des civils tués ou blessés et des biens
civils détruits lors d'opérations militaires.
Les deux questions du ciblage et du choix des armes sont ainsi
au coeur des débats. Les développements qui suivent seront donc
axés sur le principe de la distinction (Paragraphe 1)
et sur la limitation des méthodes et moyens de combat
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le principe
de la distinction
Le principe de la distinction comporte un double aspect. Elle
impose aux parties en conflit de faire la distinction en tout temps entre la
population civile et les combattants (A), et entre les biens
à caractère civil et les objectifs militaires
(B).
A/ La
distinction entre civils et combattants
Le terme « combattant » est utilisé ici dans
son sens usuel; il désigne les personnes qui ne jouissent pas de la
protection contre les attaques accordée aux civils, mais il n'implique
pas le droit à un statut de combattant ou à un statut de
prisonnier de guerre. Cette règle doit se lire en conjonction avec
l'interdiction des attaques contre les personnes reconnues comme étant
hors de combat et avec la règle stipulant que les personnes civiles sont
protégées contre les attaques, sauf si elles participent
directement aux hostilités et pendant la durée de cette
participation.
Ainsi aux termes de l'article 13 al.
2 ; « ni la population civile en tant que telle ni les
personnes civiles ne devront être l'objet d'attaques ».
L'interdiction de diriger des attaques contre la population
civile figure aussi dans le Protocole II à la Convention sur les armes
classiques, tel qu'il a été modifié30(*). Il est aussi inscrit dans le
Protocole III à la Convention sur les armes classiques, qui a
été rendu applicable aux conflits armés non
internationaux, en application d'un amendement à l'article premier de la
Convention, adopté par consensus en 200131(*). La Convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines
antipersonnel stipule que la Convention se fonde entre autres « sur le
principe selon lequel il faut établir une distinction entre civils et
combattants »32(*).
Selon le Statut de la CPI, le fait de lancer des
« attaques délibérées contre la population
civile en général ou contre des civils qui ne prennent pas
directement part aux hostilités » constitue un crime de guerre
lorsqu'un tel acte est commis dans un conflit armé non
international33(*).
Dans une résolution adoptée en 2000 sur la
protection des personnes civiles en temps de conflit armé, le Conseil de
sécurité de l'ONU a réitéré sa condamnation
énergique de la pratique consistant à prendre
délibérément pour cible des civils dans toutes les
situations de conflit armé.
Le principe de la distinction entre civils et combattants
englobe l'interdiction des actes de terrorisme. En effet l'article 13 par. 2 du
P. 2 interdit « les actes ou menaces de violence dont le but
principal est de répandre la terreur parmi la population
civile ». On peut considérer que l'interdiction des actes ou
des menaces de violence visant à terroriser la population civile est
renforcée par l'interdiction, de portée plus large, des «
actes de terrorisme » qui figure parmi les garanties fondamentales de
l'article 4.
Dans son jugement du 5 décembre 2003
« affaire Galiæ », le TPIY rappel que
l'interdiction d'attaquer la population civile, entre dans la catégorie
des normes du jus cogens. La prohibition de la terrorisation
étant une infraction spécifique correspondant à un aspect
de la règle générale interdisant d'attaquer les civils,
elle devrait aussi bénéficier du même caractère de
règle impérative puisqu'elle vise la protection des mêmes
valeurs. Le tribunal note que la terrorisation est un type d'attaque contre la
population civile, particulièrement répréhensible.
Le jugement du 5 décembre précise les
éléments constitutifs de crime de terrorisation. Ils sont
identiques à ceux qui caractérisent l'attaque
délibérée contre la population civile. S'y ajoute
néanmoins un élément intentionnel spécifique, un
dol spécial, correspondant à l'intention, à titre de but
principal, de répandre la terreur parmi la population civile.
Les exemples d'actes de violence, cités dans la
pratique comme tombant sous le coup de l'interdiction définie par cette
règle comprennent l'appui offensif ou les opérations de frappe
ayant pour objet de répandre la terreur parmi la population civile, les
bombardements aveugles et systématiques et les bombardements
réguliers des villes, mais aussi les massacres. Les actes de terreur
à l'encontre de la population civile concernent également les
tirs délibérés et au hasard sur des cibles civiles, les
tirs illégaux contre des rassemblements civils et une campagne
prolongée de bombardements et de tirs embusqués contre des zones
civiles.
Ces exemples montrent que de nombreux actes qui violent
l'interdiction des actes ou menaces de violence visant à terroriser la
population civile sont aussi couverts par des interdictions spécifiques.
Il en est ainsi de l'interdiction des attaques sans discrimination.
L'interdiction des attaques sans discrimination figurait dans
le projet de P.2, mais elle fut abandonnée au dernier moment, dans le
cadre d'un train de dispositions destinées à permettre l'adoption
d'un texte simplifié34(*). De ce fait, le P.2 ne contient pas cette
règle en tant que telle, bien que l'on ait fait valoir qu'elle peut
être déduite de l'interdiction de toute attaque contre la
population civile qui est inscrite à l'article 13, par. 2. La
règle a été incluse dans un traité plus
récent applicable dans les conflits armés non internationaux,
à savoir le Protocole II à la Convention sur les armes
classiques, tel qu'il a été modifié35(*).
L'expression « attaques sans discrimination »
s'entend :
a) des attaques qui ne sont pas dirigées contre un
objectif militaire déterminé;
b) des attaques dans lesquelles on utilise des méthodes
ou moyens de combat qui ne peuvent pas être dirigés contre un
objectif militaire déterminé; ou
c) des attaques dans lesquelles on utilise des méthodes
ou moyens de combat dont les effets ne peuvent pas être limités
comme le prescrit le DIH;
et qui sont, en conséquence, dans chacun de ces cas,
propres à frapper indistinctement des objectifs militaires et des
personnes civiles ou des biens de caractère civil.
Cette définition des attaques sans discrimination
montre que celles-ci ne sont pas propres au principe de la distinction en
général, mais concernent aussi et surtout la limitation des
méthodes et moyens de combat. C'est pourquoi cette interdiction sera
analysée plus en profondeur dans la partie consacrée à la
limitation des méthodes et moyens de guerre.
Le principe de la distinction entre civils et combattants
exige nécessairement en soi le respect du principe des
précautions dans l'attaque, qui signifie que les opérations
militaires doivent être conduites en veillant constamment à
épargner la population civile. Toutes les précautions
pratiquement possibles doivent être prises en vue d'éviter et, en
tout cas, de réduire au minimum les pertes en vies humaines dans la
population civile, les blessures aux personnes civiles et les dommages aux
biens de caractère civil qui pourraient être causés
incidemment.
L'exigence de prendre des précautions dans les attaques
figurait dans le projet de P.2, mais elle fut abandonnée au dernier
moment. De ce fait, le P.2 n'exige pas explicitement que de telles
précautions soient prises. Cependant, l'article 13, paragraphe 1 exige
que «la population civile et les personnes civiles jouissent d'une
protection générale contre les dangers résultant
d'opérations militaires», et il serait difficile de satisfaire
à cette exigence sans prendre des précautions lors des attaques.
Des traités plus récents applicables dans les conflits
armés non internationaux, à savoir le Protocole II à la
Convention sur les armes classiques, tel qu'il a été
modifié et le Deuxième Protocole relatif à la Convention
de La Haye pour la protection des biens culturels, stipulent bien l'exigence
des précautions dans l'attaque36(*), même si dernier vise plus à
protéger les biens à caractère civils.
Ce principe a été réaffirmé par
l'assemblée générale des Nations Unies dans une
résolution sur le respect des droits de l'homme en période de
conflit armé adoptée en 196837(*). En outre, dans une résolution adoptée
en 1970 énonçant les principes fondamentaux touchant la
protection des populations civiles en période de conflit armé,
l'Assemblée générale a exigé que «dans la
conduite des opérations militaires, tous efforts soient faits pour
épargner aux populations civiles les ravages de la guerre, et toutes
précautions nécessaires soient prises pour éviter
d'infliger des blessures, pertes ou dommages aux populations
civiles»38(*).
La distinction entre civils et combattants implique
également le respect du principe de la proportionnalité dans
l'attaque.
Par ailleurs, pour une protection plus effective des
populations civiles, le droit humanitaire prohibe, les attaques sur les biens
à caractère civils, en effet on ne peut protéger la
population civile sans pour autant protéger leurs biens. C'est le
principe de la distinction entre les biens à caractère civil et
les objectifs militaires (B).
B/ La
distinction entre biens à caractère civil et objectifs
militaires
Les parties au conflit doivent en tout temps faire
la distinction entre les biens à caractère civil et les
objectifs militaires. Les attaques ne peuvent être
dirigées que contre des objectifs militaires. Les
attaques ne doivent pas être dirigées contre des
biens à caractère civil. Il convient toutefois de préciser
ce qui constitue un bien civil et un objectif militaire.
L'obligation de distinguer entre les biens civils et les
objectifs militaires n'est pas mentionnée dans le P.2. Néanmoins
l'article 14 protége « les biens indispensables à la
survie de la population », en interdisant d'attaquer, de
détruire, d'enlever ou de mettre hors d'usage des biens indispensables
à la survie de la population civile, tels que les denrées
alimentaires et les zones agricoles qui les produisent, les récoltes, le
bétail, les installations et réserves d'eau potable et les
ouvrages d'irrigation.
L'article 15 protége « les ouvrages et
installations contenant des forces dangereuses ». Il dispose à
cet effet que « les ouvrages d'art ou les installations
contenant des forces dangereuses, à savoir les barrages, les digues et
les centrales nucléaires de production d'énergie
électrique, ne seront pas l'objet d'attaques, même s'ils
constituent des objectifs militaires, lorsque ces attaques peuvent
entraîner la libération de ces forces et causer, en
conséquence, des pertes sévères dans la population
civile.
Et enfin l'article 16 protége les biens culturels et
les lieux de culte : « sous réserve des dispositions
de la Convention de La Haye du 14 mai 1954 pour la protection des biens
culturels en cas de conflit armé, il est interdit de commettre tout acte
d'hostilité dirigé contre les monuments historiques, les oeuvres
d'art ou les lieux de culte qui constituent le patrimoine culturel ou spirituel
des peuples et de les utiliser à l'appui de l'effort
militaire ».
Cet article s'inscrit dans les dispositions spécifiques
de la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels, qui
protégent les biens (...) qui présentent une grande importance
pour le patrimoine culturel des peuples et qui introduit un signe distinctif
spécifique pour identifier ces biens39(*). L'article premier de la convention donne une
définition plus large des biens culturels.
Le droit coutumier actuel exige que ces objets ne soient pas
attaqués, ni employés à des fins qui pourraient les
exposer à la destruction ou à des dommages, sauf en cas de
« nécessite militaire impérieuse ». Elle
interdit aussi toute forme de vol, de pillage ou de détournement ainsi
que tout acte de vandalisme à l'égard de ces biens.
Le deuxième Protocole relatif à la Convention de
La Haye pour la protection des biens culturels utilise le principe de la
distinction entre biens de caractère civil et objectifs militaires comme
base pour définir la protection due aux biens culturels dans les
conflits armés non internationaux. Il établit à cet effet
les conditions dans lesquelles une dérogation sur le fondement d'une
« nécessite militaire impérative » peut
être invoquée. Ainsi aux termes de l'article 6 :
a) une dérogation sur le fondement d'une
nécessité militaire impérative ne peut être
invoquée pour diriger un acte d'hostilité contre un bien
culturel que lorsque et aussi longtemps que : ce bien culturel, par sa
fonction, a été transformé en objectif militaire, et il
n'existe pas d'autre solution pratiquement possible pour obtenir un avantage
militaire équivalant à celui qui est offert par le fait de
diriger un acte d'hostilité contre cet objectif ;
b) une dérogation sur le fondement d'une
nécessité militaire impérative ne peut être
invoquée pour utiliser des biens culturels à des fins qui sont
susceptibles de les exposer à la destruction ou à la
détérioration que lorsque et aussi longtemps qu'aucun choix n'est
possible entre une telle utilisation des biens culturels et une autre
méthode pratiquement possible pour obtenir un avantage militaire
équivalent ;
c) la décision d'invoquer une nécessité
militaire impérative n'est prise que par le chef d'une formation
égale ou supérieure en importance à un bataillon, ou par
une formation de taille plus petite, lorsque les circonstances ne permettent
pas de procéder autrement ;
d) en cas d'attaque fondée sur une décision
prise conformément à l'alinéa a), un avertissement doit
être donné en temps utile et par des moyens efficaces, lorsque les
circonstances le permettent.
Le statut de la CPI ne définit pas explicitement les
attaques contre des biens de caractère civil comme un crime de guerre
dans les conflits armés non internationaux. Il définit cependant
la destruction des biens d'un adversaire comme un crime de guerre, sauf si ces
destructions sont «impérieusement commandées par les
nécessités du conflit»40(*). Par conséquent, une attaque contre un bien de
caractère civil constitue un crime de guerre au regard du Statut dans la
mesure où elle n'est pas impérieusement commandée par les
nécessités du conflit. Autre point pertinent : le Statut
définit les attaques contre les installations, le matériel, les
unités ou les véhicules employés dans le cadre d'une
mission d'aide humanitaire ou de maintien de la paix comme un crime de guerre
dans les conflits armés non internationaux, pour autant que ces objets
«aient droit à la protection que le droit international des
conflits armés garantit aux (...) biens de caractère
civil»41(*).
Selon la pratique des États, les zones civiles,
villages, villes, zones résidentielles, habitations, bâtiments et
maisons et écoles, les moyens de transport civil, les hôpitaux,
établissements sanitaires et formations sanitaires, monuments
historiques, lieux de culte et biens culturels ainsi que le milieu naturel sont
à priori considérés comme des biens de caractère
civil, à condition, en dernière analyse, qu'ils ne soient pas
devenus des objectifs militaires. Les attaques signalées contre de tels
biens ont généralement été condamnées.
La distinction entre biens civils et objectifs militaires,
n'interdit que les attaques directes contre les biens de caractère
civils et ne traite pas de la question des dommages, causés incidemment
par des attaques dirigées contre des objectifs militaires. Une attaque
qui porte atteinte à des biens de caractère civil, n'est pas
illégale dans la mesure où elle est dirigée contre un
objectif militaire, et où les dommages causés incidemment aux
biens civils ne sont pas excessifs. Cette idée est
reflétée par les mots «attaques dirigées
contre». Néanmoins la distinction entre biens civils et objectifs
militaires implique nécessairement le respect du principe des
précautions dans l'attaque, de l'interdiction des attaques sans
discrimination, à l'instar de la distinction entre civils et
combattants.
Il convient de préciser que les biens de
caractère civil sont protégés contre les attaques, sauf
s'ils constituent des objectifs militaires et aussi longtemps qu'ils le
demeurent. La perte de protection des biens de caractère civil doit
être lue conjointement avec la règle fondamentale qui stipule que
seuls les objectifs militaires peuvent faire l'objet d'attaques. Il s'ensuit
que lorsqu'un bien de caractère civil est employé de
manière telle qu'il perd son caractère civil et acquiert le
statut d'objectif militaire, il peut être l'objet d'une attaque. On
retrouve ce raisonnement dans le Statut de la CPI, qui définit comme
crime de guerre le fait de lancer des attaques délibérées
contre des biens civils, à condition qu'ils «ne soient pas des
objectifs militaires»42(*).
En ce qui concerne les objectifs militaires, ils sont
limités aux biens qui, par leur nature, leur emplacement, leur
destination ou leur utilisation apportent une contribution effective à
l'action militaire et dont la destruction totale ou partielle, la capture ou la
neutralisation offre en l'occurrence un avantage militaire précis.
Bien que cette définition des objectifs militaires
n'ait pas été incluse dans le P.2, elle a été
incorporée par la suite dans des traités applicables dans des
conflits armés internes, à savoir le Protocole II à la
Convention sur les armes classiques, tel qu'il a été
modifié et le Deuxième Protocole relatif à la Convention
de La Haye pour la protection des biens culturels43(*). Elle figure aussi dans le
Protocole III à la Convention sur les armes classiques, qui a
été rendu applicable aux conflits armés non internationaux
par un amendement à l'article premier de la Convention, adopté
par consensus en 200144(*).
Comme exemples d'objectifs militaires on peut citer les
établissements, bâtiments et positions dans lesquels sont
stationnés des combattants ennemis, leur matériel et leurs armes,
ainsi que les moyens de transport et de communication militaires. Pour ce qui
est des installations à usage militaire et civil - comme les moyens de
transport et de communication civils qui peuvent être utilisés
à des fins militaires -, la pratique considère que leur
classification dépend en dernière analyse de l'application qui
est faite de la définition de l'objectif militaire. Les objectifs
économiques qui soutiennent effectivement des opérations
militaires sont aussi des objectifs militaires, à condition que leur
attaque apporte un avantage militaire indéniable.
Le principe de la distinction en général pose
d'énormes difficultés dans les conflits internes en ce qui
concerne notamment la définition des objectifs militaires, surtout quand
il s'agit d'une guerre urbaine. Les opérations militaires au sol en
milieu urbain sont particulièrement complexes : ceux qui se
défendent contre une attaque bénéficient d'innombrables
positions de tir et peuvent lancer une attaque n'importe où et à
tout moment. La peur d'une attaque surprise est susceptible d'entraver la
capacité des forces armées de l'attaquant à identifier
correctement les forces ennemies et les objectifs militaires, et à
évaluer les pertes civiles et les dommages contre des biens civils qui
pourraient incidemment résulter de ses opérations. De même,
les tirs d'artillerie et les bombardements aériens contre des objectifs
militaires situés dans des villes sont compliqués, car ces
objectifs se trouvent à proximité de la population civile et des
biens de caractère civil.
Ces difficultés s'aggravent davantage encore quand les
acteurs armés ne se distinguent pas de la population civile, comme c'est
le cas lors de la conduite d'opérations militaires clandestines ou
secrètes ou quand des personnes agissent comme « paysans le jour et
combattants la nuit ». Par conséquent, les civils pacifiques sont
plus susceptibles d'être pris pour cible par erreur, gratuitement ou de
façon arbitraire, alors que les membres des forces armées,
incapables d'identifier correctement leurs adversaires, courent un risque
croissant d'être attaqués par des personnes qu'ils ne peuvent pas
distinguer des civils pacifiques - tout en ayant l'obligation (ils on dû
être formés à cet effet) de protéger les civils.
Ces difficultés font peser de sérieuses menaces
sur les règles découlant du principe de la distinction, c'est
pourquoi les méthodes et moyens de combat doivent être
limités pour une meilleure protection des populations civiles
(paragraphe 2).
Paragraphe 2 : La
limitation des méthodes et moyens de combat
Le principe fondamental sur lequel repose le droit des
conflits armés s'exprime comme suit: dans tout conflit armé,
le droit des Parties au conflit de choisir des méthodes ou moyens de
guerre n'est pas illimité. Il convient donc d'analyser les
restrictions apportées aux méthodes de combat
(A), avant de voir celles qui s'imposent aux moyens de combat
(B).
A/ La limitation des
méthodes de combat
Les conflits armés internes se présentent le
plus souvent sous forme de guerre asymétrique. La guerre
asymétrique est caractérisée par des
inégalités significatives entre les capacités militaires
des parties belligérantes. Son but fondamental consiste à trouver
le moyen d'éviter la supériorité militaire de la partie
adverse.
Lorsqu'elle fait l'objet d'une attaque, une partie
belligérante (en particulier les groupes armés) qui a moins de
capacité militaire et technologique, peut être tentée de se
soustraire aux méthodes de guerre modernes et sophistiqués. En
conséquence, elle peut être amenée à s'engager dans
des pratiques interdites par le DIH, telles que feindre d'avoir un statut
protégé, fondre les combattants et les objectifs militaires au
sein de la population civile et les biens de caractère civil ou utiliser
des civils comme boucliers humains
Ces pratiques augmentent clairement le risque de provoquer
incidemment des pertes dans la population civile et des dommages aux biens de
caractère civil. La partie qui fait l'objet de l'attaque peut même
parfois chercher délibérément à provoquer de telles
pertes et dommages incidents. Le but final peut être de
bénéficier de la forte impression négative
véhiculée par la couverture médiatique de ces incidents.
L'idée est de « générer » des images de
personnes civiles tuées ou blessées, et de ce fait, de porter
atteinte au soutien dont bénéficie l'adversaire pour continuer
son action militaire. Les groupes armés désavantagés
technologiquement peuvent tenter de tirer parti du statut protégé
de certains objets (sites religieux ou culturels, unités
médicales) pour lancer des attaques.
Des méthodes de combat telles que feindre d'avoir le
statut de civil ou de non-combattant et mener des opérations militaires
au milieu d'une foule de civils constituent souvent une perfidie. En outre, la
partie la plus faible a souvent tendance à lancer des attaques directes
contre des « cibles faciles », car, notamment dans les
sociétés modernes, ces attaques causent les plus lourds dommages,
ou aussi parce que cette partie est incapable d'atteindre le personnel ou les
installations militaires de l'ennemi. En conséquence, la violence est
dirigée contre les personnes civiles et les biens de caractère
civil, parfois sous la forme d'attaques-suicide. Les prises d'otage sont
également très fréquentes.
Le P.2 ne contient que quelques dispositions relatives
à la conduite des hostilités. Il en est ainsi de l'article 14 qui
interdit d'utiliser contre les personnes civiles la famine comme
méthodes de combat.
Le fait d'attaquer des biens indispensables à la survie
de la population civile, et le fait de refuser le passage des secours
humanitaires destinés aux personnes civiles dans le besoin, y compris en
entravant délibérément le passage des secours ou de
restreindre la liberté de déplacement du personnel de secours,
peuvent constituer des infractions à la règle de l'interdiction
de la famine.
L'article 4 paragraphe premier interdit également
d'ordonner qu'il n'y ait pas de survivants, qui équivaut à
l'interdiction d'ordonner qu'il ne sera pas fait de quartier, d'en menacer
l'adversaire ou de conduire les hostilités en fonction de cette
décision. Le fait de conduire les hostilités sur la base du refus
de quartier, contreviendrait à l'article 3 commun, car il
entraînerait le meurtre de personnes hors combat. Il violerait aussi la
garantie fondamentale qui interdit le meurtre.
Le Statut de la CPI stipule à cet effet que « le
fait de déclarer qu'il ne sera pas fait de quartier» constitue un
crime de guerre dans les conflits armés non
internationaux »45(*).
Outre ces dispositions on peut citer :
Ø L'interdiction d'employer des agents de lutte
antiémeute en tant que méthode de guerre.
Bien que l'emploi d'agents de lutte antiémeute ait
été signalé au cours des guerres civiles en Grèce
et en Espagne, la tendance a été à l'interdiction de leur
emploi dans tous les conflits armés. Ceci se reflète dans le fait
que l'interdiction de l'emploi des agents antiémeute en tant que
méthode de guerre, inscrite dans la Convention sur les armes chimiques,
s'applique à tous les conflits. Il est significatif que les États
n'aient pas envisagé d'inscrire dans la Convention une dérogation
générale autorisant l'emploi d'agents de lutte antiémeute
dans les conflits armés non internationaux.
L'interdiction de l'emploi d'agents de lutte antiémeute
en tant que méthode de guerre, est fondée sur le fait que
l'emploi de gaz lacrymogène, par exemple, dans un conflit armé
présente le risque de provoquer l'emploi d'autres produits chimiques
plus dangereux. Une partie attaquée au moyen d'agents de lutte
antiémeute pourrait penser qu'elle est attaquée par des armes
chimiques létales, et recourir à l'emploi d'armes chimiques.
C'est ce risque d'escalade que les États ont voulu prévenir en
s'accordant pour interdire l'emploi d'agents de lutte antiémeute en tant
que méthode de guerre dans les conflits armés.
Ø L'interdiction d'employer des herbicides en tant que
méthode de guerre si ces herbicides :
a) sont de nature à être des armes chimiques
interdites;
b) sont de nature à être des armes biologiques
interdites;
c) sont destinés à être employés
contre une végétation qui ne constitue pas un objectif
militaire;
d) sont susceptibles de causer incidemment des pertes en vies
humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des
dommages aux biens de caractère civil, ou une combinaison de ces pertes
et dommages, qui seraient excessifs par rapport à l'avantage militaire
concret et direct attendu; ou
e) sont susceptibles de causer des dommages étendus,
durables et graves à l'environnement naturel.
Bien qu'il existe moins de cas de pratique spécifique
concernant l'emploi d'herbicides dans des conflits armés non
internationaux, les limitations ou les interdictions spécifiques
concernant l'emploi d'herbicides, sont des règles
générales qui s'appliquent aussi aux conflits armés non
internationaux.
L'ensemble de ces prohibitions est complété par
la limitation des moyens de combat (B).
B/ La limitation des
moyens de combat
La limitation des moyens de combat dans le but de
protéger les populations civiles, vise à prohibée l'emploi
des armes qui par nature frappe sans discrimination. Les principes
généraux qui interdisent l'emploi de ces armes sont des normes
conventionnelles mais aussi coutumières. Sont ainsi
prohibé :
Ø L'emploi d'armes biologiques
Cette règle n'est inscrite dans aucun traité
applicable aux conflits armés internes. Elle constitue néanmoins
une norme de droit international coutumier applicable dans les conflits
armés tant internationaux que non internationaux. En outre la pratique
est conforme à l'applicabilité de cette règle aux conflits
armés tant internationaux que non internationaux, étant
donné que les États ne sont généralement pas
dotés d'une panoplie d'armes différentes pour les conflits
armés internationaux et non internationaux.
Presque toutes les allégations de possession de telles
armes par des États ont fait l'objet de dénégations.
Lorsque la Russie a reconnu, en 1992, qu'elle disposait toujours d'un programme
d'armement biologique, elle a déclaré qu'elle s'apprêtait
à y mettre un terme. Depuis, elle a toujours vigoureusement nié
toutes les allégations selon lesquelles elle continuait à
fabriquer des armes biologiques. Les rapports sur les programmes irakiens
d'armes biologiques ont suscité la condamnation de la communauté
internationale. Les déclarations et d'autres types de pratique
d'États - parties ou non à la Convention sur les armes
biologiques - indiquent que l'interdiction de l'emploi des armes biologiques en
toute circonstance n'est pas uniquement conventionnelle.
La Convention sur les armes biologiques de 1972 ne contient
aucune définition des éléments prohibés ni des
cibles sur lesquelles portent les interdictions. Il existe cependant une
définition officielle des agents biologiques : elle émane de
l'OMS qui, dans le rapport publié en 1970, a décrit les agents
biologiques comme étant « ceux dont les effets sont fonction de
leur aptitude à se multiplier dans l'organisme attaqué, et qui
sont destinés à être utilisés en cas de guerre pour
provoquer la mort ou la maladie chez l'homme, les animaux ou les plantes
».
Le rapport souligne, d'une part, que ces armes font courir un
danger spécial aux populations civiles et, d'autre part, qu'il est
très difficile de connaître et de prédire les effets de
leur emploi éventuel.
Ø L'emploi d'armes chimiques
L'interdiction de l'emploi des armes chimiques incluse dans la
convention sur les armes chimiques s'applique en toutes circonstances, y
compris dans les conflits armés internes46(*).
La convention vise à exclure complètement la
possibilité d'emploi des armes chimiques. Ainsi, outre le fait de ne
tolérer aucune réserve47(*), elle étend l'interdiction de l'emploi des
armes chimiques à la mise au point, la fabrication, l'acquisition, le
stockage, la conservation et au transfert de ces armes, en plus d'exiger tant
leur destruction que celles des installations où elles sont
fabriquées48(*).
La convention retient une définition large des armes
chimiques, incluant chacun des éléments qui les composent. Ainsi
sont considérés comme armes chimiques les éléments
suivants, pris ensemble ou séparément (art. 2, par. 1, 3 et
9) :
« les produits chimiques toxiques, incluant les
réactifs entrant dans leur fabrication, à l'exception de ceux qui
sont destines à des fins non interdites par la convention, notamment
industrielles, agricoles, de recherche, médicales, pharmaceutiques, de
maintien de l'ordre public ou militaires sans rapport avec l'emploi d'armes
chimiques ;
les munitions et dispositifs spécifiquement
conçus pour provoquer la mort ou d'autres dommages par la
libération de produits chimiques toxiques ;
tout matériel spécifiquement conçu pour
être utilisé en liaison directe avec ces derniers ».
Ø L'emploi des piéges qui sont attachés
ou associés d'une façon quelconque à des objets ou des
personnes auxquels le DIH accorde une protection spéciale, ou à
des objets susceptibles d'attirer des personnes civiles.
Tant les traités que la pratique des États
confortent le principe selon lequel les pièges sont interdits si, par
leur nature ou par la manière dont ils sont employés, leur emploi
enfreint la protection juridique accordée à une personne
protégée ou à un bien protégé par une autre
règle de DIH. C'est le raisonnement qui sous-tend la liste des
pièges interdits dans le Protocole II à la Convention sur les
armes classiques et dans le Protocole II tel qu'il a été
modifié49(*). Ce
postulat est également valable pour les conflits armés
internes.
Le protocole II, tel qu'il a été modifié,
défini les piéges en son article 2 comme « tout
dispositif conçu ou adapté pour tuer ou blesser et qui fonctionne
à l'improviste quand une personne déplace un objet en apparence
inoffensif ou s'en approche ».
Les pièges qui sont employés d'une
manière qui n'est pas prohibée par la présente
règle demeurent soumis aux règles générales
régissant la conduite des hostilités, en particulier le principe
de distinction ainsi que le principe de la proportionnalité. En outre,
la règle qui veut que toutes les précautions pratiquement
possibles soient prises en vue d'éviter et, en tout cas, de
réduire au minimum les pertes en vies humaines dans la population
civile, les blessures aux personnes civiles et les dommages aux biens de
caractère civil qui pourraient être causés incidemment doit
aussi être respectée.
Ø L'emploi de mines terrestres
Les mines antipersonnel sont incapables d'opérer une
distinction entre militaires et civils et elles tuent ou mutilent gravement
leurs victimes. Relativement bon marché, de petite taille et faciles
à employer, ces engins ont proliférés et se compte
aujourd'hui par dizaine de millions. Comme il est bien plus simple de mettre en
place une mine que de l'enlever, il est difficile, voir impossible, d'utiliser
cette arme conformément aux règles du droit humanitaire.
La Convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel (1997)
ayant été ratifiée à ce jour par plus de 140 Etats,
la majorité des pays sont désormais tenus par ce traité de
ne plus employer, produire, stocker ni transférer de mines
antipersonnel. Cette interdiction ne relève pas du droit international
coutumier, car il existe une pratique contraire importante qui est le fait des
Etats non parties à la Convention; cependant, presque tous les Etats -y
compris ceux qui ne sont pas partie à la Convention d'Ottawa et qui ne
sont pas favorables à l'interdiction immédiate des mines
antipersonnel- ont reconnu la nécessité d'oeuvrer dans le sens
d'une élimination, à terme, de ces engins.
Le Protocole II originel à la Convention sur les armes
classiques n'était applicable qu'aux conflits armés
internationaux, et la pratique réelle dans les conflits internes n'a, la
plupart du temps, pas été conforme à ces règles.
Toutefois, les préoccupations manifestées par le Conseil de
sécurité de l'ONU, par l'Assemblée générale
des Nations Unies et par des États à titre individuel au sujet
des effets des mines terrestres sur les civils dans les conflits armés
internes, sont une indication du fait que la communauté internationale
considère que les civils doivent être protégés
contre les mines dans de telles situations. En témoigne aussi
l'élargissement aux conflits armés internes du champ
d'application du Protocole II à la Convention sur les armes classiques,
tel qu'il a été modifié. Depuis lors, la Convention sur
les armes classiques elle-même a été amendée, ce qui
fait que le Protocole II originel est lui aussi applicable dans les conflits
armés internes pour les États qui ont adhéré
à la Convention telle qu'amendée50(*). L'amendement, adopté lors de la
deuxième conférence d'examen en 2001, n'a pas suscité de
controverse. Il y a donc des arguments solides qui plaident en faveur de
l'existence, dans les conflits armés non internationaux, d'une
règle coutumière qui veut que les mines ne soient pas
employées d'une manière qui équivaudrait à des
attaques lancées sans discrimination, et que des précautions
particulières soient prises pour réduire leurs effets
aveugles.
Le protocole II à la convention sur les armes
classiques définit les mines antipersonnel en son article 2 comme
suit : « mine principalement conçue pour exploser du
fait de la présence, de la proximité ou du contact d'une personne
et destinée à mettre hors de combat, blesser ou
tuer ».
Bien qu'elles ne soient pas définies dans le protocole,
les mines antivéhicules sont régies par les règles
générales du protocole et par une règle
spécifique.
Règles générales
D'une part il est interdit entre autres :
· D'employer des mines qui sont de nature à causer
des souffrances inutiles ou des maux superflus (art. 3, par.3) ;
· De les diriger contre des civils ou des biens de
caractère civil (art.3, par. 7) ;
· De les employer sans discrimination (art.3, par.
8) ;
D'autre part, les parties au conflit qui emploient des mines
doivent :
· Les enlever après la cessation des
hostilités actives (art.3, par. 2 et art. 10) ;
· Prendre toutes les précautions possibles pour
protéger les civils des effets des mines (art. 3, par. 10) ;
· Donner préavis effectif de toute mise en place
des mines qui pourraient avoir des répercussions sur la population
civile (art.3, par. 11) ;
· Enregistrer et conserver des renseignements concernant
l'emplacement des mines (art. 9).
Règles spécifiques
· Toutes les mines antipersonnel doivent être
détectable à l'aide d'un matériel courant de
détection des mines (art. 4 et annexes techniques).
· Les mines antipersonnel autres que les mines mises en
place à distance, doivent être équipées de
mécanisme d'autodestruction et d'autodésactivation conforme
à l'annexe technique, à moins qu'elles ne soient :
a) à l'intérieur de champ de mines
marqué, clôturés et surveillés par du personnel
militaire afin d'empêcher effectivement les civils d'y
pénétrer,
b) enlevées avant l'évacuation de la zone.
· Les mines antipersonnel mises en place à
distance doivent être conforme aux dispositions relatives à
l'autodestruction et à l'autodésactivation (art.6, par. 2).
· Les mines antivéhicules mises en place à
distance doivent, dans la mesure du possible, être équipées
d'un mécanisme efficace d'autodestruction ou d'autoneutralisation et
comprendre un mécanisme complémentaire d'autodésactivation
(art. 6, par.3).
Ø L'emploi d'armes incendiaires
Les armes incendiaires sont définies par l'article
premier du protocole III à la convention sur les armes classiques comme
étant : « celles qui sont essentiellement conçues
pour mettre le feu à des objets, ou pour infliger des brûlures
à des personnes par l'action des flammes ou de la chaleur, par exemple
le napalm et les lance flammes ».
Elles ne doivent en aucune circonstance être
utilisées contre des civils. Il est en outre interdit de les lancer par
aéronef contre des objectifs militaires situés à
l'intérieur d'une concentration de civils. Elles ne peuvent pas non plus
être employées contre les forêts et autres types de
couverture végétale, sauf si ces éléments naturels
sont utilisés pour dissimuler des combattants ou d'autres objectifs
militaires (art. 2).
Si des armes incendiaires sont employées, des
précautions particulières doivent être prises en vue
d'éviter et, en tout cas, de réduire au minimum les pertes en
vies humaines dans la population civile, les blessures aux personnes civiles et
les dommages aux biens de caractère civil qui pourraient être
causés incidemment.
La plupart des faits concernant l'application du DIH dans les
conflits armés non internationaux se sont produits au cours des deux
dernières décennies, et le fait que les armes incendiaires
n'aient généralement pas été employées
pendant cette période signifie que la communauté internationale
n'a guère eu de raison de traiter de la question. Toutefois,
étant donné la controverse suscitée dans les années
1970 par l'emploi des armes incendiaires, on peut conclure que cette
règle est également valable pour les conflits armés non
internationaux. L'élargissement du champ d'application du Protocole III
aux conflits armés non internationaux en 2001 étaye encore
davantage cette conclusion.
Ø L'emploi d'armes à dispersion
Les armes à dispersion consistent en un conteneur qui
s'ouvre en l'air, et répand sur une vaste zone des sous-munitions
explosives. Ces sous-munitions - dont le nombre peut varier selon le
modèle, allant de quelques unes à plus de 600 - peuvent
être larguées par des aéronefs ou lancées aux moyens
de pièces d'artillerie ou de missiles.
Les armes à dispersion constituent un problème
persistant depuis des dizaines d'années. Dans presque chaque conflit
armé dans lequel elles ont été utilisées, un nombre
important de ces armes n'a pas explosé comme prévu. Les sous
munitions non éclatées explosent souvent quand elles sont
manipulées ou bougées, constituant un grave danger pour les
civils. Longtemps après la fin des combats, elles continuent donc
à tuer et à mutiler d'innombrables civils, avec des
conséquences sociales et économiques tragiques pour des
communautés entières.
Aucun traité du DIH n'a de règles
spécifiques régissant les armes à dispersion. La question
est donc de savoir si les armes à dispersion peuvent être
utilisées contre des objectifs militaires situés dans des zones
à forte densité de population, et ce, conformément
au principe de la distinction et à l'interdiction des attaques
menées sans discrimination. Ces règles sont conçues pour
que les attaques soient dirigées contre des objectifs militaires
spécifiques et ne soient pas de nature à frapper sans distinction
des objectifs militaires et des civils ou des biens de caractère
civil.
Comme cela a déjà été
mentionné, la plupart des armes à dispersion sont conçues
pour répandre un grand nombre de sous munitions sur de très
grandes étendues. En outre, de nombreux types de sous-munitions sont
à chute libre et utilisent des parachutes ou des rubans pour ralentir
leur chute et s'armer. Cela signifie que ces explosifs peuvent être
déclenchés par le vent ou déviés de leur cible
s'ils sont libérés à une vitesse ou à une altitude
incorrecte. Ils peuvent souvent atterrir dans des zones autres que celles
où se trouvent les objectifs militaires spécifiques
ciblés. De plus, il semblerait que les effets de ces armes sur de vastes
zones et le nombre élevé de sous-munitions non guidées qui
sont libérées rendent difficile, voire impossible, la distinction
entre les objectifs militaires et les civils ou les biens de caractère
civil dans une région ciblée à forte densité de
population.
Les préoccupations concernent aussi la règle de
la proportionnalité. Cette règle admet qu'une attaque
menée contre un objectif militaire légitime peut faire des
victimes civiles et causer des dommages aux biens de caractère civil.
Elle exige cependant que, si une attaque est projetée, ses effets
indirects sur les civils ne dépassent pas l'utilité militaire
anticipée. Une attaque qui provoque incidemment un nombre excessif de
victimes civiles ou de dommages par rapport à l'utilité
concrète et directe militaire anticipée serait
disproportionnée et, par conséquent, interdite. Il est clair que
l'application de la règle de la proportionnalité pendant la
planification et le déroulement d'une attaque où des armes
à dispersion sont utilisées doit comporter une évaluation
des conséquences indirectes prévisibles pour les civils pendant
l'attaque (morts et blessures immédiates) et l'examen des effets
prévisibles des sous munitions qui deviennent des restes explosifs de
guerre. La principale question qui se pose à cet égard est ce que
l'on entend par « prévisible ». Est-il crédible
d'affirmer aujourd'hui que les conséquences à court, moyen ou
long termes des sous munitions non explosées sont imprévisibles,
surtout quand ces armes sont utilisées dans des zones à forte
densité de population ou à proximité ? Comme les conflits
armés passés l'ont montré, on peut s'attendre à ce
que des civils présents dans une zone cible soient obligés
d'aller chercher de la nourriture et de l'eau, de se faire soigner et de mener
d'autres activités quotidiennes qui les mettent en danger.
Il apparaît donc urgent de réglementer l'emploi
des armes à dispersion. Une étape importante vers la
réduction, après un conflit armé, des effets des armes
à dispersion et d'autres restes explosifs de guerre, a été
franchie en 2003 lorsque les Etats parties à la convention sur certaines
armes classiques ont adopté le protocole relatif aux restes explosifs de
guerre.
Ces garanties générales s'appliquent à
l'ensemble de la population civile. Mais le DIH tient compte du physique de
certaines personnes en leur accordant une protection spécifique
(chapitre 2).
Chapitre II
: La protection des personnes vulnérables
La nature humaine a voulu que certaines personnes soient plus
fragiles que d'autres, et par conséquent plus exposées que
d'autres aux effets des hostilités et de l'arbitraire des
belligérants. Cette fragilité résulte tantôt de
l'âge, c'est le cas des enfants, tantôt du sexe dans la mesure
où la femme est désignée à tort ou à raison
« sexe faible».
Bien que les conséquences des conflits
armés frappent les communautés dans leur ensemble, elles
affectent plus particulièrement les femmes du fait de leur statut social
et de leur sexe. Les parties impliquées dans des situations de conflit
pratiquent souvent le viol des femmes et ont parfois recours au viol
systématique comme tactique de guerre. Le meurtre, l'esclavage sexuel,
la grossesse et la stérilisation forcée constituent d'autres
formes de violence à l'égard des femmes commises dans le contexte
de conflits armés internes.
La participation des enfants aux hostilités est
également un phénomène inquiétant. Jusqu'à
la seconde guerre mondiale, les conflits opposés surtout des
armés régulières. Mais avec l'apparition des nouveaux
types de conflits, opposant les armés régulières à
la guérilla on voit trop souvent sur le théâtre des
hostilités, des garçons à peine sortis de l'enfance
brandissant des armes et prêt à les utiliser sans discernement.
L'enfant est non seulement placé en danger de mort, mais
également les personnes qui deviennent sa cible, à cause de son
comportement immature et passionné. Les enfants-soldats sont en Afrique
plus qu'ailleurs une force vive et un réservoir combattant
incontournable pour les groupes en présence. Le rapport 2002 du
secrétaire général de l'ONU sur les enfants et les
conflits armés cite, dans la liste des forces ou groupes armés
qui recrutent ou utilisent des enfants-soldats, les parties aux conflits en
RDC, au Burundi, au Liberia, en Somalie...
C'est conscient de tout cela que le DIH a accordé une
protection spécifique à l'enfant (section 1) et
à la femme (section 2).
Section 1 : La
protection de l'enfant
Une série de disposition entièrement nouvelle
par rapport à l'article 3 commun, établissent les
modalités de traitement humain dont les enfants doivent
bénéficier, soit pour les protéger des effets directs des
hostilités (Paragraphe 1) soit au sein de la population
pour leur accorder un traitement particulier (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La
protection de l'enfant contre les effets des hostilités
Elle se traduit par l'interdiction du recrutement et de la
participation des enfants aux hostilités (A), et par la
protection des enfants-combattants (B).
A/ L'interdiction du
recrutement et de la participation des enfants aux hostilités
L'examen de la pratique contemporaine révèle en
effet que de nombreux dirigeants rebelles pour la plupart, n'hésitent
pas à recruter de jeunes enfants pour grossir leur forces ou groupes
armés, pour pallier à l'insuffisance de leurs effectifs ou aux
pertes.
Le DIH ne définit pas la notion d'enfants. L'omission
d'une telle définition est intentionnelle et est motivée par le
fait que le mot n'a pas une acception généralement admise. Le
renvoi à différentes limites d'âge (12, 15 ou 18 ans), et
l'utilisation d'autres termes (adolescents, mineurs) n'impliquent pas
l'existence d'une définition d'enfant spécifique. L'âge est
une mesure, présumée objective, de la
vulnérabilité, de sorte que les références à
12, 15 ou 18 ans, loin d'être des limites temporelles, sont plutôt
des étendues différentes de protection, selon le degré
différent de vulnérabilité que peut présenter un
enfant au cours de son développement.
C'est l'article 4 Paragraphe 3, al. (c) du P.2 qui se
réfère à l'âge au dessous duquel les enfants n'ont
pas le droit de participer aux hostilités. Aux termes de cette
disposition :
« les enfants de moins de quinze ans ne devront pas
être recrutés dans les forces ou groupes armés, ni
autorisés à prendre part aux hostilités ».
Il s'agit en l'occurrence d'une interdiction absolue, qu'elle
vise une participation directe ou indirecte aux hostilités, telle que la
collecte de renseignements, la transmission d'ordres, le transport de munitions
et de vivres, ou encore des actes de sabotages. L'obligation imposée aux
Etats parties est dé lors plus strict que lors de conflits armés
internationaux.
Malgré les efforts déployés par de
nombreux Etats, en vue d'élever de 15 à 18 ans l'age au-dessous
duquel les enfants ne devraient pas participer aux hostilités, l'article
38 de la convention relative aux droits de l'enfant ne marque pas de
véritable progrès,dans la mesure où les
négociateurs de la Convention ont repris la substance des obligations du
P.1, formulant une obligation de moyen quant à la participation directe
des enfants aux hostilités et une obligation de résultat quant
à leur enrôlement. Elle est ainsi plus faible que le droit
existant applicable aux conflits armés internes, qui interdit toute
participation directe et « indirecte » de ces enfants aux
hostilités.
Cette disposition, applicable en temps de paix comme en temps
de conflit armé, dissipe toutefois les doutes éventuels, quant
aux obligations des États qui ne sont pas parties à un conflit
armé. Elle contient également une clause de renvoi aux
règles du DIH. En raison de cette clause, ainsi que du caractère
de lex specialis du DIH, en cas de doute, c'est l'article 4 par.3 al.
(c) du P.2 qui s'applique.
Le protocole facultatif concernant l'implication d'enfants
dans les conflits armés, adopté le 25 mai 2000, aurait dû
remédier aux limites de la Convention et poser un nouveau standard,
élevant à 18 ans l'âge minimum du recrutement et de la
participation des enfants aux hostilités. Le résultat des
négociations a été, toutefois, plus nuancé. Ce
Protocole élève à 18 ans le seuil de la participation
directe des enfants aux hostilités, imposant aux États une
obligation de moyen qui reprend la terminologie de la convention (art. 1).
Quant au recrutement, la mention de la limite de 18 ans a été
obtenue au prix d'une distinction entre le régime du recrutement
obligatoire et celui de l'engagement volontaire. Le Protocole
élève à 18 ans l'âge minimal du recrutement
obligatoire dans les forces armées d'un État (art.2). Tout en
imposant de relever l'âge minimal de l'engagement volontaire, il admet
toutefois le recrutement volontaire des enfants de 15 à 18 ans en vue de
leur incorporation dans les écoles militaires (art.3).
Les obligations imposées aux groupes armés sont
plus complètes et plus contraignantes que celles qui sont
imposées aux États: «Les groupes armés qui sont
distincts des forces armées d'un État ne devraient en aucune
circonstance enrôler ni utiliser dans les hostilités des personnes
âgées de moins de 18 ans» (art.4).
Enfin le statut de la CPI, inclut dans la liste des crimes de
guerre relevant de la compétence de la cour, le fait de faire participer
activement à des hostilités les enfants de moins de 15 ans ou de
procéder à leur enrôlement dans les forces armés
nationales et autres groupes armés lors d'un conflit armé non
international51(*).
Malgré toutes ces interdictions, il est douteux que les
parties tiennent compte de la limite d'âge requise pour faire participer
les enfants aux hostilités. Il est donc nécessaire de
protéger ceux qui auraient pris part, volontaire ou de force, aux
hostilités (B).
B/ la protection des
enfants-combattants
Les dispositions juridiques du P.2 sont réalistes en ce
qui concerne l'éventualité du port d'armes par les enfants. En
effet l'article 4 par.3 al. (d) stipule que :
« la protection spéciale prévue par
le présent article pour les enfants de moins de quinze ans leur restera
applicable s'ils prennent directement part aux hostilités en
dépit des dispositions de l'alinéa c et sont
capturés ».
Pour être appliquée cette disposition très
positive en soi, suppose en effet un changement dans la pratique des conflits
voire une modification de la législation interne de certains Etats. Les
enfants dont il s'agit sont en effet parfois traités avec la même
sévérité que les combattants adultes capturés, soit
par tradition guerrière, soit en conformité ave la loi.
Il convient de rappeler que dans les conflits armés
internes, il existe ni statut de combattant ni celui qui en découle,
soit le statut de prisonnier de guerre. Des lors l'enfant-combattant, qu'il
fasse ou non partie des forces armées, peut être puni en vertu de
la législation interne du pays concerné pour le seul fait d'avoir
pris part aux hostilités. L'étendue de sa responsabilité
doit toutefois être appréciée en prenant en
considération sa capacité restreinte de discernement,
inhérente à son jeune âge. De plus, des mesures
éducatives devraient être imposées et non de
véritables peines.
Un cas peut se présenter c'est celui de l'enfant de
moins de 15 ans capturé sans avoir véritablement était
recruté par les forces ou groupes armés, mais qui aurait pris
volontairement part aux hostilités. Dans ce cas l'enfant devrait
être traité comme une personne civile protégée,
compte tenu des circonstances atténuantes qui excluent sa
responsabilité notamment en raison de son jeune âge ou de son
manque de discernement.
L'art. 6 par. 4 du P.2 interdit aussi de prononcer la peine de
mort contre une personne âgée de moins de 18 ans au moment de
l'infraction. Ici encore, comme en ce qui concerne la limite d'âge
au-dessous de laquelle les enfants ne peuvent pas participer aux
hostilités, l'obligation va plus loin que celle applicable aux conflits
armés internationaux, qui vise seulement l'interdiction
d'exécuter une telle condamnation à leur encontre.
D'une manière générale, le CICR aborde le
problème de la protection des enfants-combattants en situation de
conflit interne en mettant l'accent sur l'intérêt des enfants. Si
les enfants sont détenus, le CICR insiste pour obtenir leur
libération, lorsque des garanties peuvent être données que
ces enfants ne retourneront pas au combat. Dans la pratique, le CICR demande
aussi aux parties la prise en compte de la capacité de discernement
restreinte des enfants de moins de 15 ans. Il oeuvre notamment pour qu'un
traitement différencié, adapté à leur âge,
soit accordé aux enfants détenus. Il veille aussi au respect des
règles spéciales de protection prévues en leur faveur dans
le P.2.
En plus de ces garanties, les enfants doivent faire l'objet
d'un traitement particulier au sein de la population civile (paragraphe
2).
Paragraphe
2 : l'exigence d'un traitement particulier
L'art. 4 par. 3 du P.2 énumèrent les
dispositions qui sont de nature à conférer un traitement
particulier aux enfants. Il stipule à cet effet que :
« Les enfants recevront les soins et l'aide dont
ils ont besoin et, notamment :
a) ils devront recevoir une éducation, y compris une
éducation religieuse et morale, telle que la désirent leurs
parents ou, en l'absence de parents, les personnes qui en ont la garde ;
b) toutes les mesures appropriées seront prises pour
faciliter le regroupement des familles momentanément
séparées ;
e) des mesures seront prises, si nécessaire et, chaque
fois que ce sera possible, avec le consentement des parents ou des personnes
qui en ont la garde à titre principal en vertu de la loi ou de la
coutume, pour évacuer temporairement les enfants du secteur où
des hostilités ont lieu vers un secteur plus sûr du pays, et pour
les faire accompagner par des personnes responsables de leur
sécurité et de leur bien-être ».
Le respect de ces dispositions semble possible eu égard
aux circonstances et aux caractéristiques militaires et territoriales
qui sont celles des conflits armés auxquels le P.2 est applicable.
Selon la Convention relative aux droits de l'enfant, les
États doivent respecter et faire respecter les règles du DIH dont
la protection s'étend aux enfants, et ils doivent prendre «toutes
les mesures possibles dans la pratique pour que les enfants qui sont
touchés par un conflit armé bénéficient d'une
protection et de soins»52(*). On trouve des dispositions similaires dans la Charte
africaine des droits et du bien-être de l'enfant53(*).
Dans une résolution adoptée en 1999 sur les
enfants dans des situations de conflit armé, le Conseil de
sécurité de l'ONU a demandé aux parties à des
conflits armés «de prendre des mesures concrètes lors des
conflits armés afin de réduire au minimum les souffrances
infligées aux enfants».
Le Comité des Nations Unies pour les droits de l'enfant
a également rappelé que les dispositions essentielles pour
permettre la réalisation des droits des enfants touchés par le
conflit armé comprenaient : la protection du milieu familial, la
garantie de l'assistance et des soins fondamentaux, la garantie de
l'accès à la santé, à l'alimentation et à
l'éducation; l'interdiction de la torture, des brutalités et de
la négligence; l'interdiction de la peine de mort; la
préservation de l'environnement culturel des enfants; la protection dans
les situations où ils sont privés de liberté, et la
garantie d'une assistance et des secours humanitaires aux enfants dans les
situations de conflit armé54(*).
Reconnaissant également les besoins et les
vulnérabilités spécifiques des femmes, le DIH leur accorde
un certain nombre de mesures de protection et de droits spécifiques
(Section 2).
Section
2 : La protection de la femme
Ces garanties se traduisent par le respect des besoins
spécifiques de la femme (Paragraphe 1), et par
l'égard particulier pour les femmes enceintes et les mères de
jeunes enfants (Paragraphe 2).
Paragraphe
1 : L'obligation de respecter les besoins spécifiques de la
femme
La formulation employée ici, à savoir
« le respect des besoins spécifiques de la femme »,
est fondée sur l'influence de la terminologie utilisée dans les
Conventions de Genève et dans le P.1. Dans la pratique est elle souvent
formulée en termes de protection spéciale ou de respect
spécial à accorder aux femmes, ou en termes de traitement
à leur réserver «avec les égards dus à leur
sexe» ou «avec tous les égards particuliers dus à leurs
sexe», ou autre formule similaire.
Bien que l'article 3 commun et le P.2 ne contiennent pas de
règle générale affirmant que les besoins
spécifiques des femmes doivent être respectés, ils
évoquent des aspects spécifiques de cette règle en
exigeant le respect de la personne et de l'honneur, en interdisant les
atteintes à la vie, à la santé et au bien-être
physique et mental, les atteintes à la dignité de la personne, y
compris les traitements humiliants et dégradants, le viol, la contrainte
à la prostitution et tout attentat à la pudeur, dont nous avons
traités dans les garanties fondamentales. L'art. 5 par.2 al. a) du P.2
évoque un autre aspect de l'obligation de tenir compte des besoins
spécifiques des femmes. Il stipule en effet que :
« ceux qui sont responsables de l'internement ou de
la détention des personnes privées de liberté...,
respecteront dans toute la mesure de leurs moyens les dispositions suivantes
à l'égard de ces personnes :
sauf lorsque les hommes et les femmes d'une même famille
sont logés ensemble, les femmes seront gardées dans des locaux
séparés de ceux des hommes et seront placées sous la
surveillance immédiate de femmes ».
L'objet de cette règle est en fait d'empêcher
que les femmes ne soient victimes de violences sexuelles et de mettre en
oeuvre la protection spécifique qui leur est accordée.
La règle qui veut que les membres d'une même famille
soient logés ensemble est étayée par l'exigence
de respecter la vie de famille.
Ces règles spécifiques montrent l'existence
d'une préoccupation similaire à l'égard du sort des femmes
dans les conflits armés internationaux.
Le Conseil de sécurité de l'ONU, le Conseil
économique et social des Nations Unies et la Commission des Nations
Unies pour les droits de l'homme ne font pas de distinction entre les conflits
armés internationaux et non internationaux en matière de
protection des femmes dans les conflits armés55(*). Le Conseil de
sécurité de l'ONU, par exemple, a lancé des appels pour
que soient respectés les besoins spécifiques des femmes dans le
contexte de conflits particuliers, comme en Afghanistan, mais aussi de
manière plus générale. Dans une résolution
adoptée en 2000 sur la protection des civils en période de
conflit armé, le Conseil de sécurité de l'ONU s'est
déclaré vivement préoccupé par « les dommages
étendus causés par les conflits armés (...) aux
femmes» et a réaffirmé « qu'il importe de tenir
pleinement compte (...) des besoins particuliers [des femmes] en matière
de protection et d'assistance ».
Les besoins spécifiques des femmes peuvent varier selon
la situation dans laquelle elles se trouvent - dans leur foyer, en
détention ou déplacées en raison du conflit -, mais elles
doivent être respectées en toutes circonstances.
Les femmes peuvent également être
fragilisées du fait qu'elles sont souvent représentées
comme porteuses symboliques de leur identité culturelle ou ethnique, et
comme productrices de générations futures. C'est pourquoi une
protection spéciale est réservée aux femmes enceintes et
aux mères de jeunes enfants (paragraphe 2).
Paragraphe 2 : La
protection des femmes enceintes et des mères d'enfants en bas
âge
L'exigence que les femmes enceintes et les mères de
jeunes enfants, en particulier les mères qui allaitent, soient
traitées avec des égards particuliers, n'est inscrite ni dans le
P.2 ni dans l'article 3 commun. Il convient donc de se référer au
P.1 et à la IVe convention de Genève pour déterminer les
règles de protection susceptible de s'appliquer à celles-ci.
Pour ce qui est des femmes enceintes ou en couche, le P.1
consacre le principe selon lequel « les cas des femmes enceintes,
arrêtées ou détenues ou internées pour des raisons
liées aux conflits armés doivent être examinés en
priorité absolue »56(*). Par-là, il est question que les
femmes enceintes arrêtées soient libérées le
plutôt possible57(*). Ce traitement favorable s'étend à
l'offre supplémentaire de nourriture en fonction des besoins
physiologiques nécessités par leur état. Pour des raisons
de santé, leur transfert est suffisamment limité et ne serait
possible que si des raisons impérieuses de sécurité
l'exigent58(*).
En ce qui concerne les mères d'enfants en bas
âge, celles-ci, « arrêtées ou détenues ou
internées doivent aussi être traitées en
priorité ». Si la question de l'âge reste en suspens
dans ce texte, la formule couramment employée est celle de la IVeme
convention de Genève qui traite généralement du cas
des mères d'enfants de moins de 7 ans. Cet âge est donc celui en
principe retenu dans l'application de l'article 76 du P.1
précité.
Pour ce qui est de la peine de mort, le P.1 exige que les
parties à un conflit s'efforcent dans toute la mesure du possible,
d'éviter de prononcer la peine de mort contre les femmes enceintes ou
les mères d'enfants en bas âge dépendant d'elles pour une
infraction commise en relation avec le conflit armé. En outre, une
condamnation à mort pour de telles infractions ne peut être
exécutée contre ces femmes. L'article 6, paragraphe 4 du P.2
interdit totalement que la peine de mort soit exécutée contre les
femmes enceintes et les mères d'enfants en bas âge.
L'interdiction d'exécuter la peine de mort contre des
femmes enceintes est aussi inscrite dans le Pacte international relatif aux
droits civils et politiques et dans la Convention américaine relative
aux droits de l'homme
Des vagues successives de codification, s'inspirant
d'exigences humanitaires ont ainsi mis en place un appareil normatif touffu,
destiné à protéger les populations civiles dans les
conflits armés internes. Ces principaux instruments ont
été acceptés par presque tous les Etats. Toutefois,
l'adhésion à ces instruments ne suffit pas à garantir aux
populations civiles une protection contre les effets des hostilités. Des
efforts doivent être consentis pour mettre en oeuvre le DIH, pour
traduire les règles en action (Deuxième
partie).
La mise en oeuvre est
définie comme l'ensemble des procédures et mécanismes
auxquels les Etats parties aux conventions de Genève et de leurs
protocoles additionnels, ont recours pour assurer le respect du DIH. Une fois
entrée en vigueur, le DIH doit être appliqué par les
parties ; conséquence de son caractère obligatoire, ils
doivent l'exécuter. Ainsi, il est non seulement nécessaire
d'appliquer ces règles tant au niveau national (Chapitre
1) qu'au niveau international (Chapitre 2).
Chapitre I :
La mise en oeuvre au niveau national
Elle se traduit par une action préventive
(Section1) et par la répression des violations graves
du DIH (Section 2).
Section
1 : L'action préventive
La prévention ne signifie nullement ici la
prévention des conflits mais l'ensemble des mesures pratiques que
doivent adopter les Etats en temps de paix, afin d'assurer la protection des
populations civiles en cas de conflit interne. En effet la
responsabilité première d'assurer la mise en oeuvre du DIH
incombe aux Etats (Paragraphe 1). Il faut également
souligner le rôle que joue le CICR en la matière
(Paragraphe2).
Paragraphe
1 : Le rôle des Etats
Les Conventions de Genève soulignent, dans leur article
premier commun, que les Hautes Parties contractantes s'engagent à
respecter et à faire respecter la présente Convention « en
toutes circonstances ». Les règles de l'article 3 commun doivent
elles aussi être respectées « en toutes circonstances ».
Afin de satisfaire à cette exigence, le rôle des Etats consistera
à insérer le DIH dans l'ordre interne (A) et
à satisfaire à l'obligation de diffusion du DIH
(B).
A/
l'insertion du DIH dans l'ordre interne
Les traités du DIH obligent les Etats à adopter
une série de mesures d'application au sens large. Ces mesures
répondent à la nécessité de traduire le DIH dans la
législation nationale. Pour commencer, il faut que les traités de
DIH soient, si nécessaires, traduits dans la ou les langues du pays. La
traduction peut s'avérer déterminant surtout en Afrique,
où la majeure partie des militaires ne sont pas instruits. En outre,
lorsqu'un militaire agit sur le terrain, c'est plutôt un manuel militaire
qu'il a entre les mains. D'ou l'intérêt d'intégrer le DIH
dans la doctrine militaire et de vérifier qu'il n'y a pas de
contradictions entre ce que l'on demande à un militaire de faire et le
DIH. Ce dernier interdit les armes qui causent des maux superflus. Mais comment
s'assurer que les armées n'utilisent pas de telles armes ? Si cette
dimension n'est pas prise en compte dans le choix et la conception des
armements, on risque de se rendre compte trop tard que les armements à
disposition ou utilisés ne répondent pas aux critères du
droit de la guerre. D'où encore l'intérêt de mettre en
place des procédures qui intègrent les préoccupations
humanitaires dans le processus de prise de décision. De même, le
DIH impose un certain nombre d'obligations de désignation et de
signalisation de sites dangereux ou protégés tels que certains
biens culturels. Ces obligations nécessitent qu'il soit
procédé à des choix et à des ajustements
règlementaires en temps de paix.
Le DIH ne prévoit pas toutes les mesures d'application
jusque dans leur moindre détail. Certaines mesures types qui doivent
être prises sont suggérées mais le choix des moyens est
laissé aux Etats. C'est à l'exécutif et à
l'administration que revient la responsabilité de prendre la plupart des
mesures, généralement par le biais de règlementations.
Certaines mesures exigeront l'adoption de dispositions
législatives ou réglementaires. D'autres nécessiteront
l'élaboration de programmes d'éducation, le recrutement et/ou la
formation de personnels, la mise en place de structures, l'introduction de
procédures de planification et administratives. Les adaptations
requises pour préparer l'application du DIH ne sont pas infinies.
A cet égard il convient de souligner le rôle que
doit jouer le parlement. En tant qu'institution qui incarne le plus directement
l'intérêt de la population, il revient au Parlement de veiller
tout particulièrement à sa protection en mettant en place,
déjà en temps de paix, une législation et un ensemble de
dispositions garantissant au mieux cette protection dans
l'éventualité d'un conflit armé. Il en est ainsi par
exemple de la responsabilité pénale individuelle de celui qui a
recruté l'enfant ou qui l'a utilisé pour participer aux
hostilités. Pour que la responsabilité pénale individuelle
soit mise en cause, il est nécessaire d'établir l'existence non
seulement des règles primaires, qui interdisent le comportement, mais
aussi des règles secondaires, qui criminalisent les violations. Pour
pouvoir réprimer les violations du DIH, il faut qu'existent des lois
pénales qui prévoient la définition des crimes et leur
sanction. C'est en effet un principe du droit pénal que nul ne peut
être condamné pour un crime qui n'existait pas en droit au moment
où il a été commis.
Quant au parlementaire, en sa qualité de gardien et de
porte-parole des citoyens, il lui revient non seulement de contribuer à
la mise en place de ces droits et garanties, mais aussi de promouvoir une
conscience aussi généralisée que possible du DIH.
Pour être respecté le DIH doit également
être connu, d'où l'obligation de diffusion du DIH par les Etats
(B).
B/ l'obligation de
diffusion du DIH
En devenant parties aux conventions de Genève et
à leurs protocoles, les Etats se sont engagés à diffuser
le plus largement possible les dispositions de ces instruments, de telle
manière qu'elles soient connues des forces armées et de
l'ensemble de la population. Ainsi l'article 19 du P.2 stipule
que : « le présent Protocole sera diffusé
aussi largement que possible ». Même si le P.2 ne distingue pas
la diffusion aux forces armées de la diffusion aux populations civiles,
il n'en demeure pas moins que cette distinction est fondamentale.
Ø L'instruction du DIH aux forces armées
Cette règle constitue une norme de droit international
coutumier applicable aux États en temps de paix, ainsi qu'aux parties
aux conflits armés internationaux ou non internationaux. L'expression
« forces armées » doit être entendue dans son sens
usuel. La pratique ne fait apparaître aucune distinction, en ce qui
concerne l'instruction en DIH, entre le droit applicable dans les conflits
armés internationaux et le droit applicable dans les conflits
armés non internationaux.
Le devoir des États d'enseigner le DIH à leurs
forces armées a été codifié pour la première
fois dans les Conventions de Genève de 1906 et de 1929. Il a
été réaffirmé par la suite dans les Conventions de
Genève de 1949 et dans leurs Protocoles additionnels, dans la Convention
de La Haye pour la protection des biens culturels et son deuxième
Protocole, ainsi que dans la Convention sur les armes classiques. Tous ces
textes spécifient que l'obligation d'enseigner le DIH aux forces
armées s'applique en temps de paix comme en temps de conflit
armé.
L'incorporation de l'étude du DIH dans les programmes
d'instruction militaire constitue la mesure de base prévue par les
traités pour le faire connaître aux forces armées, premiers
responsables de son application. Le P1 précise que les autorités
militaires doivent avoir une pleine connaissance de son texte (art.83, par.2).
L'obligation est renforcée par le fait que d'une part, les Etats doivent
veiller à ce que des conseillers juridiques soient formés pour
assister les commandants quant à l'application des conventions de
Genève et du protocole et quant à l'enseignement approprié
à dispenser aux forces armées à ce sujet (art. 82).
D'autre part les commandants doivent s'assurer que les militaires qui leurs
sont subordonnés connaissent leurs obligations (art. 87).
Néanmoins, il n'est pas nécessaire que les
membres des forces armées soient parfaitement informés du moindre
détail du DIH, mais bien qu'ils connaissent les règles
essentielles du droit qui sont pertinentes au regard de leurs fonctions
concrètes.
Pour être effectifs, les programmes d'instruction
militaire devraient inclure l'adoption de directives sur l'enseignement du DIH
et l'introduction de ses règles dans les manuels, manoeuvres et
exercices militaires, ainsi que dans les règles d'engagement des membres
des forces armées. Aussi, les Etats qui fournissent des troupes pour les
opérations de maintien de la paix menées par les Nations Unies ou
sous son égide devraient s'assurer que les militaires appartenant
à leur contingent soient instruits des dispositions de ce droit.
Le problème se pose maintenant de savoir, si les
groupes d'opposition armés sont tenus de diffuser le DIH à leurs
combattants. En effet ces derniers sont eux aussi tenus de respecter et de
faire respecter le DIH, et la diffusion est généralement
considérée comme un outil indispensable à cette fin, mais
aucune pratique n'a été constatée qui exigerait que ces
groupes disposent de conseillers juridiques. L'absence de conseillers
juridiques ne peut cependant en aucun cas excuser une violation du DIH par une
partie quelconque à un conflit armé de quelque nature que ce
soit.
Ø La diffusion du DIH au sein de la population
civile
Cette règle constitue également une norme du
droit international coutumier. La pratique ne montre aucune distinction entre
l'enseignement du DIH applicable dans les conflits armés internationaux
et celui du droit applicable dans les conflits armés non
internationaux.
Les Conventions de Genève de 1906 et de 1929 exigeaient
des États qu'ils prennent les mesures nécessaires pour porter les
conventions à la connaissance des populations59(*). Les Conventions de
Genève de 1949 et la Convention de La Haye pour la protection des biens
culturels exigent des États qu'ils incorporent « si possible »
l'étude du DIH dans les programmes d'instruction civile60(*). Les mots «si
possible» ne sont pas là pour suggérer que l'inclusion dans
les programmes d'instruction civile est facultative, mais pour tenir compte du
fait que dans les pays à structure fédérale, le pouvoir
central n'a pas compétence en matière d'éducation. Le P.1
exige des États qu'ils diffusent le DIH le plus largement possible, et
notamment qu'ils «en [encouragent] l'étude par la population
civile» (art. 83).
La diffusion à la population civile n'est pas moins
impérative que celle aux forces armées. Une plus grande marge
d'appréciation est toutefois laissée aux Etats dans ce
domaine.
Une formation en DIH devrait premièrement être
dispensée auprès des autorités publiques responsables de
son application. Aussi, son enseignement devrait être intensifié
dans les universités et l'enseignement de ses principes
généraux devrait être introduit dans les écoles
secondaires. A ce propos il faut noter l'insuffisance ou plutôt l'absence
de programme d'enseignement du DIH dans les universités africaines.
Enfin les professionnels du corps médical et des medias devraient aussi
pouvoir bénéficier d'une formation adaptée à leurs
activités. Les commissions nationales de droit humanitaire devraient
s'assurer que l'obligation de diffusion du DIH est respectée par leur
gouvernement, et que la matière est inscrite dans les programmes
nationaux d'instruction. Mais on remarque que la plupart des Etats africains ne
se sont dotés pas de ces commissions.
Dans la pratique, de nombreux États encouragent
l'organisation de cours de DIH, souvent en fournissant des fonds à des
organisations telles que la Société nationale de la Croix-Rouge
ou du Croissant-Rouge. Selon les Statuts du Mouvement international de la
Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, les Sociétés nationales «
diffusent et aident leur gouvernement à diffuser le DIH ; elles prennent
des initiatives à cet égard». D'où la
nécessite d'aborder le rôle que joue le CICR dans la diffusion du
DIH. (Paragraphe 2).
Paragraphe 2 : Le rôle du CICR
C'est le CICR, fondé en 1863, qui a été
le moteur du développement du DIH. C'est lui qui mit en branle le
processus qui conduisit à l'adoption des Conventions de Genève
pour la protection des victimes de la guerre de 1864, de 1906, de 1929 et de
1949. C'est lui aussi qui prit l'initiative de compléter les Conventions
de Genève, qui déboucha sur l'adoption en 1977 de deux Protocoles
additionnels. Le CICR a tout à la fois encouragé la
rédaction de nombreux autres traités et participé aux
négociations les concernant.
Organisation impartiale, neutre et indépendante, le
CICR a la mission exclusivement humanitaire de protéger la vie et la
dignité des victimes de la guerre et de la violence interne, et de leur
porter assistance.
La diffusion et la formation font partie des activités
menées par le CICR pour faire connaître les règles du droit
humanitaire et construire une base de discussion sur le respect du droit. Ces
activités sont notamment destinées aux personnes ou aux groupes
dont les actions et le comportement peuvent avoir des répercussions sur
les victimes de conflits armés ou qui peuvent faciliter l'action du
CICR. Elles font intervenir les forces armées, la police, les forces de
sécurité et d'autres porteurs d'armes, ainsi que les
décideurs et les guides d'opinion aux niveaux local et international. La
reconnaissance de ce rôle du CICR se reflète dans le mandat qui
lui a été confié par la communauté internationale,
à savoir de travailler « à l'application fidèle du
DIH applicable dans les conflits armés» et « à la
compréhension et à la diffusion du DIH applicable dans les
conflits armés et d'en préparer les développements
éventuels »61(*). Il dispose à cette fin d'une structure de
délégués spécialement affectés aux taches de
diffusion dans les différentes régions du monde et élabore
des programmes de diffusion et de matériels didactiques
spécifiques aux forces armées et de sécurité, aux
milieux académiques et à la jeunesse, ou encore des campagnes de
sensibilisation du grand public. Les services consultatifs en DIH du CICR
tiennent à jour une collection de documents relatifs à la mise en
oeuvre nationale de ce droit. Les sociétés nationales ont le
mandat de diffuser et d'aider leur gouvernement à diffuser le DIH, en
leur fournissant des conseils techniques en vue de l'adoption de lois et
règlements nationaux d'application. Elles doivent prendre des
initiatives à cet égard, recruter, former et affecter le
personnel nécessaire.
Le CICR demande souvent aux groupes armés
d'élaborer ou d'adopter des codes de conduite ou des «
règles d'engagement » pour leurs membres. Le code de conduite fait
fonction d'engagement exprès vis-à-vis du droit, sur la base
duquel des interventions peuvent avoir lieu concernant le respect du droit,
mais il peut aussi avoir un impact direct sur la diffusion des règles et
sur la formation des membres du groupe armé. Le fait que la
hiérarchie d'un groupe armé élabore ou accepte un code de
conduite, révèle son degré d'adhésion et
d'engagement, s'agissant de faire respecter le droit. Cela risque d'influencer
davantage le comportement des membres du groupe armé que quelque chose
qu'ils pourraient percevoir comme leur ayant été imposé de
« l'extérieur ».
La période de négociations et de discussions
concernant un code de conduite, peut servir à informer la direction du
groupe armé sur le DIH, et aussi à comprendre la volonté
politique et les attitudes du groupe armé concernant le respect du
droit. Si un groupe armé a fait une déclaration
unilatérale, il peut lui être suggéré
d'élaborer un code de conduite comprenant le DIH comme « prochaine
étape » logique. En apportant son soutien à
l'élaboration d'un code de conduite ou à l'incorporation du DIH
dans un code en vigueur, on peut également aider le groupe à
mettre en pratique les engagements qu'il a pris dans la déclaration
unilatérale.
Alors que le CICR agit le plus souvent sur une base
bilatérale et confidentielle, d'autres acteurs peuvent lancer de tels
appels publiquement.
Il serait certes souhaitable que le DIH soit respecté
d'emblée par les belligérants, mais l'expérience de la
guerre montre qu'il est illusoire de penser que la connaissance des
règles du DIH et la bonne volonté suffisent. Le jugement et la
punition des personnes ayant commis des violations du DIH, notamment des crimes
de guerre, ne sont donc pas seulement une obligation juridique et morale : ils
sont aussi un moyen dissuasif efficace (section 2).
Section
2 : la répression nationale des violations du DIH
La répression des violations du DIH, s'exprime dans
l'obligation qu'ont les parties à un conflit de prévenir et de
faire cesser toute violation. En règle générale, les Etats
ne peuvent exercer de sanctions qu'a l'égard de leurs propres nationaux
ou pour des crimes ayant été commis sur leur territoire, c'est la
compétence fondée sur le lien de rattachement
(Paragraphe1). Les Etats ont cependant décidé,
que certains crimes étaient si graves qu'une exception devait être
faite à ce principe. Certaines conventions obligent donc les Etats
à juger les criminels de guerre quelle que soit leur nationalité
et quel que soit le lieu où ils ont commis leur crime c'est le principe
dit de la compétence universelle (Paragraphe
2).
Paragraphe 1 : La
compétence classique des juridictions nationales
Classiquement, la compétence d'une juridiction d'un
Etat à l'égard d'un crime ne peut s'exercer que s'il y a un lien
de rattachement. Ce dernier est marqué par le principe de la
territorialité de la loi pénale (A), et celui de
la personnalité (B).
A/ Le
principe de la territorialité
Il découle des règles classiques d'exercice de
la souveraineté étatique. Il ressort de ce principe, que l'Etat
sur le territoire duquel une infraction a été commise exercera
une compétence prioritaire par rapport aux autres Etats qui pourrait se
considérer compétents. Le droit pénal a toujours
reposé sur ce principe, en vertu duquel les crimes doivent être
punis où ils ont été commis. Ce principe a
été soutenu par une grande partie de la doctrine, mais aussi il a
été rappelé par plusieurs conventions internationales,
telle que la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide qui stipule en son article 6 que :
« les personnes ayant commis le génocide (...) seront
traduites devant les tribunaux compétents de l'Etat sur le territoire
duquel l'acte a été commis... ».
Ce principe peut cependant soulever quelques problèmes
dans le cadre d'infraction pluriterritoriale. Conscient des problèmes
que peut soulever ce genre d'infraction, les participants, en 1927, à la
première conférence pour l'unification du droit pénal, ont
adopté un texte de référence en ce sens. L'article premier
prévoit que : « l'infraction est
considérée comme ayant été commise sur le
territoire de l'Etat, quand un acte d'exécution a été
tenté ou accompli sur le territoire ou quand le résultat de
l'infraction s'est produit sur ce territoire ».
Le principe de la territorialité n'est pas le seul
critère de rattachement, les Etats peuvent fonder leur compétence
sur le critère de la personnalité (B).
B/ Le
principe de la personnalité
Le principe de la compétence personnelle se
défini comme étant le pouvoir de l'Etat à incriminer et
juger les faits commis à l'extérieur de ses frontières.
L'Etat qui exerce une compétence personnelle fonde celle-ci non sur un
titre territorial, mais sur la nationalité de l'auteur d'une infraction
grave, c'est à dire la compétence personnelle active, ou de la
victime, dans le cadre de la compétence personnelle passive.
Ce principe a fait l'objet d'une illustration dans l'affaire
du Lotus. Dans cette affaire la France contestait le droit de la
Turquie d'engager des poursuites après un abordage survenu en haute mer.
La France soutint que l'absence de poursuites de ce type démontrait
l'existence d'une règle de droit international coutumier interdisant de
poursuivre, sauf pour l'État du pavillon du navire à bord duquel
l'acte illicite avait été commis. Mais la CPJI refusa cette
argumentation en dégageant un principe autorisant les Etats à
étendre leur compétence hors du territoire national. C'est ainsi
que la Turquie qui invoquait la nationalité passive (loi de la victime)
contre la loi du pavillon (par extension du principe de la
territorialité invoqué par la France), fut autorisée
à juger le capitaine français.
Le principe de la compétence personnelle permet
à tout Etat de juger ses ressortissant pour des crimes graves commis
à l'étranger. Son application risque cependant d'être
utopique, car on verrait mal des juridictions internes
déclenchées des poursuites contre des dirigeants de leur propre
pays pour réprimer des infractions commises par eux à
l'étranger. A titre d'exemple, les tribunaux libériens n'ont
jamais pu déclencher de telles poursuites contre l'ex chef d'Etat
Charles Taylor, pour sa complicité dans les massacres et les crimes en
Sierra Leone. Par contre la compétence personnelle passive s'est
développée récemment.
Les principes de la territorialité et de la
personnalité ne sont pas très efficaces pour pouvoir
inquiéter les grands criminels. S'il existe un principe qui a retenu
l'attention ces dernières années, c'est sûrement celui de
la compétence universelle (paragraphe 2).
Paragraphe
2 : La compétence universelle des juridictions nationales
La compétence pénale d'une juridiction nationale
est dite universelle, quand elle s'étend en principe à des faits
commis n'importe où dans le monde, et par n'importe qui. Elle
découle du principe selon lequel, les Etats ont le droit de
conférer à leurs tribunaux nationaux une compétence
universelle en matière de crime de guerre.
Il convient de préciser les fondements d'une telle
règle (A), ainsi que les obstacles relatifs à
son exercice (B).
A/ Les fondements de la
compétence universelle
Selon la pratique des États, cette règle
constitue une norme de droit international coutumier en ce qui concerne les
crimes de guerre commis dans des conflits armés tant internationaux que
non internationaux.
Le droit des États de conférer à leurs
tribunaux nationaux une compétence universelle en matière de
crimes de guerre est aussi étayé par le droit conventionnel.
Le Deuxième Protocole à la Convention de La Haye
pour la protection des biens culturels dispose qu'il n'affecte pas «
l'exercice de la compétence en vertu du droit international coutumier
», ce qui signifiait, pour les délégués au moment de
la négociation du Protocole, le droit des États de
conférer à leurs tribunaux nationaux une compétence
universelle en matière de crimes de guerre62(*).
La Convention sur le génocide, qui mentionne
explicitement la compétence territoriale, a été
interprétée comme n'interdisant pas l'application au crime de
génocide du principe de la compétence universelle63(*).
Les quatre Conventions de Genève de 1949 et les
Protocoles additionnels ont prévu une compétence universelle des
juridictions nationales à l'égard des violations graves du DIH.
Tout Etat partie à ces conventions est compétent pour juger toute
personne présumée coupable d'infractions graves se trouvant sur
son territoire quelle que soit la nationalité de cette personne ou le
lieu où elle a commis les infractions.
Pour être effective, la compétence universelle
doit être incorporée dans la législation nationale des
Etats. Cette incorporation, si elle n'est pas considérée comme
nécessaire par un certain nombre de pays pour lesquels les
traités font automatiquement partie du droit national, est au contraire
une condition requise par la plupart des législations. De par les
différentes législations, on note une différence entre
pays maximalistes et pays minimalistes.
Les Etats minimalistes ne mettent aucun dispositif en place
pour la rendre effective. A titre d'exemple la Russie et la plupart des pays
islamiques, n'ont pas mis un dispositif spécifique introduisant la
compétence universelle pour la torture.
Au Sénégal une telle lacune a
empêché la plainte déposée contre l'ancien
président tchadien Hissein Habré d'aboutir à son jugement,
puisque le titre XII du code de procédure pénale qui traite des
crimes et délits commis à l'étranger, ne prévoyait
pas une telle compétence.
D'autres Etats par contre ont instauré une
compétence universelle plus large. La Belgique apparaît dans ce
cadre comme un pionnier notamment avec la loi du 16 juin 1993 "relative
à la répression des infractions graves aux conventions
internationales de Genève du 12 août 1949 et aux protocoles I et
II du 8 juin 1977, additionnels à ces conventions",
révisée par la loi du 10 février 1999 "relative à
la répression des violations graves du DIH". La loi de 1999 a
donné compétence universelle aux juridictions belges pour
poursuivre les violations graves du DIH. Ainsi, le 17 avril 2001 s'est ouvert
devant la Cour d'assises de Bruxelles le procès de quatre Rwandais
accusés d'avoir participé au génocide de 1994. C'est en
outre la première fois qu'un jury populaire est amené à se
prononcer sur des faits commis à l'occasion d'un génocide.
La pratique n'est pas cependant uniforme en ce qui concerne la
question de savoir si le principe de la compétence universelle exige un
lien particulier avec l'État qui engage les poursuites. L'exigence de
l'existence d'une relation entre l'accusé et l'État qui poursuit
- en particulier la présence de l'accusé sur le territoire ou sa
capture par l'État qui poursuit - est reflétée dans la
législation nationale de nombreux États. C'est le cas de la
France qui conditionne la compétence universelle pour la torture, par la
présence du suspect sur le territoire français. Il existe aussi
des législations qui n'exigent pas l'existence d'un tel lien; les
Conventions de Genève ne l'exigent pas non plus.
En 2000, la RDC a engagé une procédure devant la
CIJ pour contester un mandat d'arrêt international émis par un
juge belge, contre le ministre congolais des affaires étrangères.
Dans ses exposés devant la Cour en 2001, la RDC n'a pas
présenté d'objection de principe contre le droit des États
de conférer la compétence universelle à leurs tribunaux
nationaux en matière de crimes de guerre, mais a argué du fait
que la personne inculpée devait se trouver sur le territoire de
l'État exerçant cette compétence.
L'exercice de la compétence universelle soufre de
plusieurs obstacles qu'il convient de soulever (B).
B/ Les obstacles
dans l'exercice de la compétence universelle
Malgré ces mérites la compétence
universelle manifeste un constat d'échec. En effet l'exercice de la
compétence universelle est confronté à de nombreux
obstacles d'ordre juridique. Il en est ainsi par exemple des causes
d'irrecevabilité de l'action publique résultant des
immunités. A titre d'illustration nous pouvons citer l'arrêt de la
CIJ du 14 février 2002.
Dans cette affaire opposant la RDC à la Belgique, la
RDC contestait la licéité d'un mandat d'arrêt international
lancé en 2000 par le juge Damien Vandermeersch contre Yerodia Abdoulaye
Ndombasi, le ministre des affaires étrangères du Congo alors en
fonction. La CIJ donna raison à la RDC, en arguant du fait que le
ministre des affaires étrangères bénéficiait
d'immunités. Cette décision remet ainsi en cause
l'exercice par les juridictions belges, et plus largement de n'importe quelle
juridiction nationale, de leur compétence universelle.
L'existence de compétences concurrentes, soit au profit
des TPI, soit à travers l'extradition au profit des juridictions neutres
peut également poser des problèmes dans l'exercice de la
compétence universelle. On peut également citer l'absence de
traité d'extradition entre les Etats.
A coté de ces obstacles d'ordre juridique, subsistent
des obstacles d'ordre politique. En effet les juridictions nationales à
compétence universelle, examinent les affaires portées devant
elles par les victimes. En réalité, ce ne sont pas toujours les
victimes qui portent plainte; souvent ce sont des lobbies politiques. Les
tribunaux sont alors manipulés pour des raisons politiques plutôt
que pour la défense des droits de l'homme. On peut d'autre part se poser
la question de savoir, ce qu'un jury d'assise belge peut comprendre de
situations extrêmement complexes et de contextes culturels très
différents comme celui du Rwanda. Sommes-nous vraiment devant une
justice sereine et objective ?
Ces obstacles ont peut être poussé la Belgique,
qui était jusque là le pays le plus avancé en ce domaine,
à reformer dans un sens beaucoup plus restrictif les ambitions qui
étaient exprimées dans sa loi de compétence universelle,
en amandant la loi de 1993 par une loi du 23 avril 2003, puis
procédé par son abrogation pure et simple par une loi du
1e août 2003. Une telle attitude ne saurait se comprendre dans
la mesure où, les Etat qui ont accepté les conventions de
Genève ont l'obligation de poursuivre les auteurs de violations graves
du DIH. La compétence universelle ne saurait être
supprimée, mais elle ne saurait être absolue non plus. Son
exercice doit être soumise à certaines conditions, pour être
réaliste, comme la présence de l'accusé sur le territoire
de l'Etat qui poursuit.
Des questions délicates devront donc être
résolues pour que cette justice soit efficace et
équilibrée. Il faudra notamment trancher la question de
l'immunité des dirigeants pendant et après leur mandat.
La mise en oeuvre du DIH ne saurait se limiter au niveau
national. Les Etats ont également un rôle à jouer dans la
mise en oeuvre du DIH au niveau international. (Chapitre II).
Chapitre II : La
mise en oeuvre au niveau international
La mise en oeuvre du DIH au niveau international
découle de l'obligation qu'on les Etats de faire respecter le droit
humanitaire.
La question du respect du DIH par les belligérants dans
les conflits armés internes, revêt aujourd'hui une importance
capitale pour la communauté internationale. Elle est inscrite à
l'ordre du jour de l'assemblée général de l'ONU, de la
conférence internationale de la Croix-Rouge et des sessions annuelles
des organes délibérants des institutions régionales. Cette
mobilisation de la communauté internationale face aux atrocités
commises dans l'impunité la plus totale, traduit la nécessite
pour les Etats d'adopter au niveau international des mesures de mise en oeuvre
du DIH. Ces mesures visent, d'une part à instaurer des procédures
de contrôle international (Section 1), et d'autre part
à réprimer par les juridictions internationales, les personnes
responsables de violations graves du DIH (Section 2).
Section
1 : Le contrôle du respect des garanties de protection
Des procédures d'enquête ont été
développées au sein du droit humanitaire. Il s'agit de la
procédure prévue par les articles commun 52-53-132-145 aux
conventions de Genève, et de l'enquête institutionnelle de la
commission internationale humanitaire d'établissement des faits (CIHEF).
C'est ce dernier qui retiendra notre attention parce qu'elle constitue le seul
organe permanent rapidement mobilisable aux fins d'enquête sur des
allégations de violations graves du DIH (Paragraphe 1).
Il faut cependant noter que le CICR peut signaler directement aux Parties
concernées, en principe à titre confidentiel, les infractions au
DIH qu'il constate lui-même. Pour ne pas se mêler de
polémiques qui pourraient être nuisibles à son action, Il
n'accepte qu'en dernier ressort de participer à une commission
d'enquête s'il est sollicité par les parties
intéressées. D'autres procédures ont également
été prévues en dehors du DIH (Paragraphe
2).
Paragraphe 1 :
L'enquête institutionnelle de la CIHEF
L'article 90 du P.1 prévoit l'établissement
d'une CIHEF. Créée officiellement en 1991, la Commission est un
organe international permanent dont la fonction essentielle consiste à
enquêter sur tout fait prétendu être une infraction ou
violation grave du DIH. La Commission est donc un mécanisme
indispensable pour aider les Etats à veiller à l'application et
à l'observation du droit humanitaire en temps de conflit armé.
Il convient donc d'analyser la compétence de la
commission (A) ainsi que la procédure d'enquête
(B).
A/ La
compétence de la commission
Le but de la Commission est de protéger les victimes
des conflits armés en obtenant le respect des principes et des
règles de droit international applicables dans les conflits
armés. La Commission est notamment compétente pour :
1. Enquêter sur tout fait prétendu être une
infraction grave au sens des Conventions et du Protocole ou une autre violation
grave des Conventions ou du Protocole,
2. Faciliter, en prêtant ses bons offices, le retour
à l'observation des dispositions des Conventions et du Protocole.
La Commission a cette compétence si les Etats parties
à la procédure ont accepté sa compétence en
déposant les déclarations appropriées. Dans un tel cas,
aucune autre manifestation du consentement n'est nécessaire pour fonder
la compétence de la commission.
De même, dans d'autres situations, la Commission peut
ouvrir une enquête à la demande des Etats aux conflits, mais
uniquement avec le consentement de l'autre ou des autres parties
intéressées. Dans ce contexte, la Commission a fait part de sa
volonté d'enquêter sur les violations alléguées du
droit humanitaire, y compris sur celles qui surviennent dans des conflits
armés à caractère non international, aussi longtemps que
les parties au conflit y consentent.
De plus, elle a exprimé sa conviction qu'il est
nécessaire de prendre toutes les initiatives appropriées, le cas
échéant en coopération avec d'autres organismes
internationaux, en particulier avec les Nations Unies, pour exercer ses
fonctions dans l'intérêt des victimes de conflits armés.
Cette conviction est partiellement fondée sur les articles 89 et 1er,
paragraphe 1, du P.1 et sur l'article 1er commun aux Conventions de
Genève.
La procédure d'enquête de la commission est
réglementée de manière détaillée
(B).
B/ La procédure
d'enquête
Lorsqu'une requête est déposée,
l'enquête doit être effectuée, à moins que les
parties n'en disposent autrement, par une chambre composée de sept
membres nommés comme suit: après consultation des parties au
conflit, le Président de la Commission nomme, sur la base d'une
représentation équitable des régions géographiques,
cinq membres de la Commission, qui ne doivent être ressortissants
d'aucune partie au conflit, et deux membres ad hoc, qui ne doivent être
ressortissants, eux non plus, d'aucune des parties au conflit, sont
nommés respectivement par chacune de celles-ci.
La Chambre doit inviter les parties à l'assister et
à produire des preuves. La Chambre peut rechercher les autres preuves
qu'elle juge pertinentes et elle peut procéder à une
enquête sur place. La Chambre doit communiquer tous les
éléments de preuve aux parties, qui ont le droit de
présenter des observations et de les discuter.
Une fois achevée la procédure
d'établissement des faits, la Chambre doit en établir les
résultats. Il appartient toutefois à la Commission
elle-même de soumettre aux parties un rapport sur ces derniers, avec les
recommandations qu'elle juge appropriées. Si la Commission n'est pas en
mesure de rassembler des preuves qui suffisent à étayer des
conclusions objectives et impartiales, elle doit faire connaître les
raisons de cette impossibilité.
La Commission ne peut pas communiquer publiquement ses
conclusions, à moins que toutes les parties au conflit n'y
consentent.
Par principe, la mission première de la Commission est
d'établir les faits, non pas pour définir des
responsabilités individuelles, mais en vue de favoriser une meilleure
mise en oeuvre des dispositions du DIH. Il se pourrait néanmoins, que
les conclusions de la Commission puissent se révéler utiles pour
des poursuites pénales, nationales et internationales, y compris dans le
cadre des actions de la CPI.
Malgré les efforts déployés par les Etats
pour mettre en place cette commission, il est à constater que ces
mécanismes n'ont jamais fonctionnés réellement.
L'instauration de la CIHEF comme mécanisme appelé à
inciter au respect du DIH par l'établissement des faits et l'exercice de
bons offices, ne peut être efficace en ce qui concerne les conflits
armés internes. En effet la compétence de la commission est
subordonnée ici au consentement des parties au conflit or, ces
dernières se gardent toujours d'en faire usage : un Etat qui commet
des crimes de guerre, ne va évidemment jamais saisir la commission pour
qu'elle enquête sur ses faits. C'est pourquoi nous pensons que les
mécanismes de contrôle développés au sein de l'ONU
et des organisations internationales régionales, peuvent contribuer
à un meilleur respect du DIH (Paragraphe 2).
Paragraphe 2 : Les
procédures développées en dehors du droit humanitaire
La mise en oeuvre du droit humanitaire déborde
aujourd'hui le strict cadre des procédures développées par
les conventions de Genève. En effet, le rapprochement entre droit de
l'homme et droit humanitaire a poussé l'ONU (A), ainsi
que les organisations régionales (B) à jouer un
rôle déterminant dans le contrôle du respect du DIH.
A/ Les procédures
développées au sein des Nations Unies
Pendant longtemps les Nations Unies ne se
préoccupèrent pas du droit humanitaire. Le développent
normatif de ce domaine du droit international avait toujours été
l'apanage du CICR. L'ONU quant à elle, avait pour tache principale de
veiller au respect de l'interdiction du recours à la force dans les
relations internationales. Par contre, l'ONU se réservait la tâche
de codifier, au niveau mondial, les règles protégeant
l'intégrité et la dignité humaine en temps de paix. Mais
la proximité normative entre droit de l'homme et droit humanitaire,
entraîna un intérêt croissant de l'ONU pour le droit
humanitaire. Le moment décisif de se rapprochement fut la
conférence des Nations Unies de Téhéran sur les droits de
l'homme en 1968. Ce forum international examina la question du respect du
statut des droits de l'homme en cas de conflit armé et adopta une
résolution qui invitait le secrétaire général de
l'ONU à se pencher sur les problèmes posés par le
développement et l'application de ce domaine. Le DIH faisait
désormais parti des domaines de réflexion et d'action des
institutions onusiennes. Quelques années plus tard, un rôle
spécifique fut reconnu à l'ONU dans un instrument relatif au
droit de la guerre. L'article 89 du P.1 dispose en effet que, en cas de
violations graves des Conventions de Genève ou du P1, « les
Hautes Parties contractantes s'engagent à agir (...), en
coopération avec l'ONU et conformément à la charte des
Nations Unies ».
Cette tendance visant à associer l'ONU dans la mise en
oeuvre du DIH n'a jamais cessé de se confirmer au fil du temps. Tous les
principaux organes des Nations Unies ont participé, avec plus ou moins
d'intensité et chacun à son niveau, à l'action de
l'organisation dans le domaine du contrôle du respect droit humanitaire
dans les conflits armés. Mais l'oeuvre la plus significative et la plus
innovatrice en la matière est sans conteste celle que bâtissent,
dans leur complémentarité, le conseil de sécurité
et la commission des droits de l'homme.
Ø L'action du conseil de sécurité
Le conseil de sécurité est un organe politique
qui détient la « responsabilité principale du maintien
de la paix et de la sécurité internationale »64(*). Dans le cadre de cette
fonction, il peut faire office de conciliateur entre les Etats en leur
recommandant de recourir à l'une des méthodes de règlement
des différends que prévoit la Charte65(*). De plus dans des situations
extrêmes où la paix est menacée ou rompue, il a le droit
d'adopter des mesures contraignantes à l'encontre d'un Etat
agresseur.
Les premières préoccupations humanitaires du
conseil de sécurité se sont concentrées sur l'assistance
portée aux victimes de la guerre. Il en est ainsi par exemple de sa
résolution 733 du 23 janvier 1992 sur le conflit somalien, où il
exprima sa volonté de soutenir les actions de secours humanitaires.
C'est avec la guerre yougoslave que le conseil de
sécurité adopta une attitude nouvelle. Son action fut cette fois
motivée non plus seulement par son désir de porter secours
à des personnes en détresse, mais aussi par sa volonté
d'identifier et de punir les individus responsables d'exactions. Dans sa
résolution 780 du 6 octobre 1992, il demanda en effet au
secrétaire général de constituer une commission d'experts
chargée d'enquêter sur les violations du droit humanitaire
commises en ex Yougoslavie. La commission fut créée et
réunie en l'espace d'un an et demi, 65000 pages de documents
écrits et 300 heures d'enregistrements visuels faisant état de
crimes perpétrés d'une manière particulièrement
brutale et féroce. L'ensemble de cette documentation a été
transmis au procureur du tribunal constitué en application de la
résolution 808 du conseil de sécurité et chargé de
juger les individus responsables de violations graves du droit humanitaire en
Ex Yougoslavie.
Avec cette démarche en deux temps (création
d'une commission d'enquête, puis mise en place d'un tribunal
pénal), le conseil de sécurité concrétisait pour la
première fois sa volonté d'étendre son action à
l'identification et à la répression des criminels de guerre.
Un peu plus tard, une procédure identique fut
engagée à propos des massacres perpétrés au Rwanda.
Dans sa résolution 935 du 1e juillet 1994, il demanda au
secrétaire général de constituer d'urgence une commission
d'enquête chargée de réunir des éléments de
preuve « concernant les violations graves du DIH, y compris
d'éventuel acte de génocide ». La commission fut
créée, et elle adopta deux rapports qui furent transmis au
TPIR.
Ce qui intéressant ici c'est que ces commissions
d'enquête ont été constituées en vertu de la seule
autorité du conseil de sécurité, sans que l'accord des
belligérants n'ait été suscité.
Ø L'action de la commission des droits de l'Homme
Parmi les tentatives d'intégration du droit humanitaire
au sein des activités des Nations Unies, l'oeuvre de la Commission des
droits de l'homme est certainement la plus développée. La
Commission des droits de l'homme est un organe subsidiaire du Conseil
économique et social. Elle a été créée en
1946 en application de l'article 68 de la Charte.
Les fonctions de la Commission sont essentiellement de trois
ordres. C'est elle qui élabore des rapports, des recommandations et des
projets d'instruments internationaux à l'intention de l'assemblée
générale et du conseil économique et social. Elle assiste
aussi ce dernier dans son travail de coordination des activités
onusiennes relatives aux droits de l'homme. Enfin, la part la plus importante
de son activité actuelle consiste à créer et à
faire fonctionner des mécanismes de protection des droits de l'homme.
C'est dans ce cadre que la Commission a su développer progressivement
plusieurs procédures d'établissement des faits, destinées
à entretenir ses débats annuels. Il en est ainsi des
enquêtes menées sur les violations des droits de l'homme en
relation avec des conflits armés internes notamment au Liberia et en
Sierra Leone. Certaines de ces procédures ont été mises en
place pour examiner en général la situation des droits de l'homme
dans des régions particulières. C'est ainsi qu'en 1997 les pays
faisant l'objet d'une procédure publique devant la Commission
étaient au nombre de seize, dont le Burundi, le Cambodge, la RDC, le
Rwanda, la Somalie, le Soudan... D'autres, au contraire traitent de
thèmes spécifiques en étudiant tous les pays du monde. Les
organes ainsi établis sont de nature variée. Tantôt
individuels, tantôt collectifs, ils peuvent être
indépendants ou intergouvernementaux.
L'extension du droit humanitaire aux instances de l'ONU se
double d'un développement similaire à l'échelle
régionale (B).
B/ L'apport des
systèmes régionaux de protection des droits de l'homme
A l'instar de ce que nous avons déjà
constaté dans le cadre de l'ONU, le droit humanitaire s'intègre
encore, au niveau régional, au domaine de la sécurité
collective. Toutes les instances internationales reconnaissent aujourd'hui
qu'on ne peut se désintéresser du comportement des acteurs d'un
conflit armé, sans risquer de voir ce conflit s'étendre à
des régions encore en paix. Au sein des organisations régionales
que sont le Conseil de l'Europe, l'Union africaine et l'Organisation des Etats
américains, une commission indépendante de leurs Etats membres,
chargée spécialement de la promotion et de la protection des
droits de l'homme dans leur région respective a été
constituée. Ces commissions ont entre autres pour fonction
d'enquêter sur le comportement d'Etats soupçonnés
d'infractions aux droits de l'homme.
Ces commissions ont une compétence limitée au
domaine d'application des instruments auxquels elles doivent leur existence.
Leur approche est donc en principe celle des droits de l'homme, quelque soit le
contexte dans lequel elles exercent leur contrôle. Ne faisant que
rarement une distinction, du point de vue de leur analyse de fond, entre les
situations de paix et celles de guerre, elles n'envisagent presque jamais
d'utiliser le droit humanitaire à l'appui de leurs activités.
Cette possibilité n'est pourtant pas absolument exclue à la
lecture des textes conventionnels. En intégrant le droit humanitaire
à leurs références juridiques, ces procédures le
feraient bénéficier de leur expérience en matière
d'établissement des faits et de leur relative efficacité. Il vaut
dés lors la peine de chercher sur quel fondement juridique une telle
évolution pourrait être consacrée. Nous traiterons de
l'apport du Conseil de l'Europe et les potentialités de l'Union
africaine.
Ø L'apport du Conseil de l'Europe
Si l'on se penche sur la Convention européenne des
droits de l'Homme (CEDH), il semble que cet instrument ne prévoit pas
d'autres violations que celles de ses propres dispositions, lorsqu'il
détermine la compétence matérielle de la commission qu'il
institue. Il parait donc normal de conclure que le contrôle du droit
humanitaire ne fait pas partie des fonctions de cette dernière.
Cette réalité n'est cependant pas absolument
immuable. La doctrine dans sa majorité soutien en effet que la
compétence matérielle de la commission peut être
élargie. Pour soutenir cette affirmation, il faut se
référer à l'article 15 de la CEDH qui fixe quelques unes
des conditions que doivent respecter les Etats, lorsqu'ils veulent adopter, en
cas d'urgence, des mesures dérogatoires. En particulier ces mesures
doivent rester conformes aux « autres obligations découlant du
droit international ». Parmi celles-ci, il est légitime
d'admettre que figurent celles qui relèvent du droit humanitaire.
Celui-ci a été créé en effet pour s'appliquer
précisément dans les situations envisagées par l'article
15 de la CEDH. Si ces situations, à cause de leur gravité,
justifient une suspension de certains principes des droits de l'homme, c'est
que bien souvent, le seuil minimum d'applicabilité du droit des conflits
armé est atteint. De plus, les conventions de Genève rappellent
d'emblée que leurs dispositions doivent être respectées
« en toutes circonstances ».
Il serait donc juridiquement faux de prétendre que les
« autres obligations découlant du droit
international », que préserve l'article 15, n'incluraient pas
le droit humanitaire. Ainsi il faut admettre qu'en veillant au respect de
l'article 15 paragraphe 1 de la CEDH, les organes du système
européen des droits de l'Homme sont habilités à
contrôler le comportement des Etats vis-à-vis des normes
humanitaires.
Malgré cette argumentation, il faut se rendre à
l'évidence que ces organes ne manifestent pas une volonté d'aller
aussi loin dans leurs interprétations. Il est de ce fait fort improbable
de les voir appliquer directement les conventions de Genève et leurs
protocoles, en tant droit conventionnel.
Par contre, il est intéressant de remarquer que dans
l'affaire Irlande contre Royaume-Uni, la commission européenne a tenu
compte des standards du droit humanitaire pour concrétiser
l'interdiction prescrite par l'article 3 de la CEDH. Tout en admettant que les
conventions de Genève sont inapplicables en l'espèce, la
Commission affirme que certaines de leurs normes peuvent « être
pertinentes ici en ce sens qu'elles constituent l'expression des principes
généraux du droit international quant au traitement des
prisonniers en général ».
La Commission ne se sert pas ici du droit humanitaire en tant
que source juridique direct, mais elle s'y réfère pour les
besoins de l'interprétation de l'article 3, pour étayer
simplement son argumentation.
C'est donc par une pénétration progressive,
plutôt que par une adjonction pure et simple, que le droit humanitaire
profitera de la rigueur des mécanismes mise en oeuvre spécifiques
aux droits de l'homme.
Ø Les potentialités de l'Union africaine
Quant à la Commission africaine des droits de l'Homme,
il est beaucoup plus facile d'envisager quelles sont ses compétences en
matière de droit humanitaire que dans le cas de son homologue
européen. Même si la Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples (CADHP) n'aborde pas directement cette question, elle est en revanche
suffisamment explicite à ce sujet pour suggérer certaines
déductions. Elle prévoit en effet que, dans l'exercice de son
mandat, la commission « s'inspire du droit international relatif aux
droits de l'homme et des peuples (...) »66(*) et qu'elle « prend
aussi en considération, comme moyens auxiliaires de détermination
des règles de droit, les autres conventions internationales, soit
générales, soit spéciales, établissant des
règles expressément reconnues par les Etats membres de l'Union
africaine ».67(*)
Deux solutions s'offrent ainsi à la commission, au cas
où elle envisagerait de se référer au droit des conflits
armés pour qualifier le résultat de ses enquêtes. Elle le
fera en vertu de l'article 60 de la CADHP, si elle accepte d'interpréter
largement la notion de droits de l'Homme en y intégrant le corpus
juridique humanitaire. Dans le cas contraire, elle basera sa compétence
sur l'article 61 en considérant que les conventions de Genève
font parties « des moyens auxiliaires de détermination des
règles de droit » dont parle cette disposition. Cette
interprétation s'impose d'autant plus que tous les Etats membres de l'UA
ont adhéré à ces conventions.
Le contrôle du respect du DIH à travers les
différents mécanismes d'établissement des faits que nous
venons d'analyser, doit permettre la répression des violations graves du
DIH au niveau international (Section 2).
Section 2 : La
répression internationale des violations graves du DIH
Aujourd'hui le consensus s'est clairement dégagé
dans la communauté internationale, sur la nécessité de
poursuivre et de punir, en tant que criminels, les auteurs des graves
infractions au droit des conflits armés.
L'émergence de la prise de conscience collective de la
nécessité de poursuivre et de punir, au niveau international, les
crimes les plus graves perpétrés à l'encontre de la
personne humaine et des populations civiles, remonte à la fin de la
seconde guerre mondiale. En effet, le 8 août 1945, le Tribunal militaire
international de Nuremberg est institué pour juger les crimes de guerre
et les crimes contre l'humanité commis par les Nazis. Le 19 janvier
1946, le Tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient
était créé à Tokyo pour juger les responsables de
la guerre du Pacifique. Ces juridictions auront contribué à jeter
les bases du droit pénal international moderne, en définissant
notamment les crimes contre la paix, les crimes de guerre et contre
l'humanité et donner le signal de l'adoption, dans le cadre des Nations
Unies, d'une base juridique nouvelle, intégrée dans des
conventions internationales.
Il convient donc d'analyser ici le cadre de répression
des violations graves du DIH dans le contexte des conflits internes
(paragraphe 1), ainsi que les obstacles à cette
répression (paragraphe 2).
Paragraphe 1: le cadre de répression des
violations graves du DIH
La répression des violations graves du DIH, passe
nécessairement par l'établissement d'une juridiction
pénale internationale (B), mais auparavant il faudra
situer les responsabilités (A).
A/ La situation
des responsabilités
Il faut faire la distinction entre la responsabilité
imputable à l'Etat ou aux groupes d'opposition armés
(1), de la responsabilité pénale individuelle
(2).
1. La
responsabilité de l'Etat et des groupes d'opposition armés pour
les violations du DIH
Ø La responsabilité de l'Etat
Plusieurs situations peuvent se présenter qui
entraînent la responsabilité de l'Etat pour les violations du DIH
qui lui sont attribuables. Il s'agit notamment de :
La responsabilité de l'État en ce qui
concerne les violations commises par ses propres organes, y compris ses forces
armées
Cette règle est une application particulière de
la règle générale sur la responsabilité des
États pour fait internationalement illicite, qui stipule qu'un
État est responsable du comportement de ses organes68(*). Les forces armées sont
considérées comme un organe de l'État, à l'instar
de toute autre instance exerçant des fonctions exécutives,
législatives ou judiciaires.
L'application de cette règle générale
d'attribution de responsabilité au DIH est reflétée dans
les quatre Conventions de Genève, qui stipulent l'existence de la
responsabilité de l'État, en plus de l'exigence de poursuivre les
personnes qui commettent des infractions graves69(*). Le principe selon lequel la responsabilité
des États existe en sus de la responsabilité pénale des
individus est aussi réaffirmé dans le Deuxième Protocole
à la Convention de La Haye pour la protection des biens
culturels70(*).
Il existe aussi de la jurisprudence à l'appui de cette
règle. Le TPIY a considéré dans son jugement relatif
à l'affaire Furundúija en 1998, comme dans son arrêt en
appel dans l'affaire Tadiæ en 1999, qu'un État
était responsable du comportement de ses forces armées.
Un État est aussi responsable des omissions commises
par ses organes lorsqu'ils ont le devoir d'agir, comme dans le cas des
commandants et autres supérieurs hiérarchiques qui ont la
responsabilité d'empêcher les crimes de guerre et d'en punir les
responsables. Ce principe est reflété à l'article 2 du
Projet d'articles sur la responsabilité de l'État, qui dispose
qu'un fait internationalement illicite peut consister « en une action ou
une omission».
La responsabilité de l'État en ce qui
concerne les violations commises par des personnes ou des entités
habilitées à exercer des prérogatives de puissance
publique
Les États sont aussi responsables des actes commis par
d'autres personnes ou entités qu'ils ont habilitées,
conformément à leur droit interne, à exercer des
prérogatives de puissance publique71(*). Cette règle se fonde sur l'idée que
les États peuvent avoir recours à des entités
paraétatiques, plutôt qu'à des organes de l'État,
pour effectuer certaines activités, mais qu'ils n'échappent pas
pour autant, ce faisant, à leur responsabilité en tant
qu'État. Les États sont responsables des actes des
sociétés ou des personnes privées qui sont
employées par les forces armées pour accomplir des tâches
qui incombent habituellement aux forces armées : les mercenaires ou les
sociétés militaires privées sont des exemples de ces
personnes ou entités.
La responsabilité de l'État en ce qui
concerne les violations commises par des personnes ou des groupes agissant en
fait sur ses instructions ou ses directives ou sous son contrôle.
Un État peut aussi être tenu responsable des
actes commis par des personnes ou des groupes qui ne sont ni ses organes, ni
habilités, en droit national, à exercer des prérogatives
de puissance publique, si ces personnes ou ces groupes agissent en fait sur les
instructions ou les directives, ou sous le contrôle, de cet
État.
Dans l'arrêt rendu en appel dans l'affaire
Tadiæ en 1999, le TPIY a indiqué que le degré
requis de contrôle de l'État pouvait être variable. Selon le
Tribunal, le comportement d'une personne privée ou d'un groupe sans
organisation militaire n'est attribuable à l'État que si des
instructions spécifiques concernant ce comportement ont
été données. Toutefois, le comportement des forces
armées, milices ou unités paramilitaires subordonnées est
attribuable à l'État si celui-ci exerce un contrôle
«global». Selon le Tribunal, un tel contrôle existe lorsque
l'État non seulement assure le financement, la formation et
l'équipement de ce groupe ou lui apporte un soutien opérationnel,
mais encore lorsqu'il joue un rôle dans l'organisation, la coordination
ou la planification des actions militaires du groupe en question. Cependant,
l'exigence du «contrôle global» ne va pas jusqu'à
inclure «le fait pour l'État de donner des ordres
spécifiques, ni la direction par l'État de chaque
opération individuelle».
Dans des cas où les groupes armés opèrent
sur le territoire d'un autre État, le Tribunal a considéré
que «des éléments de preuve plus complets et plus
convaincants sont nécessaires pour démontrer que l'État
exerce effectivement le contrôle des unités ou des groupes, non
seulement par leur financement et leur équipement, mais aussi par une
direction générale ou une aide à la planification de leurs
actions».
Comme l'indique le commentaire sur le Projet d'articles sur la
responsabilité de l'État, «c'est au cas par cas qu'il faut
déterminer si tel ou tel comportement précis était ou
n'était pas mené sous le contrôle d'un État et si la
mesure dans laquelle ce comportement était contrôlé
justifie que le comportement soit attribué au dit Etat ».
La responsabilité de l'Etat pour violation du DIH, est
une responsabilité civile. Ce dernier est donc tenu de réparer
intégralement la perte ou le préjudice causé. Ceci
découle directement du principe juridique de base selon lequel toute
infraction de la loi entraîne une obligation de réparer, ainsi que
de la responsabilité de l'État à l'égard des
violations qui lui sont attribuables.
La pratique varie en ceci qu'elle fait parfois mention du
devoir de réparation en termes généraux, tandis que dans
d'autres cas elle mentionne des formes spécifiques de réparation,
y compris la restitution, l'indemnisation et la satisfaction. Des
réparations ont été fournies dans certains cas parce que
le gouvernement reconnaissait sa responsabilité de réparer, et
parfois parce qu'il reconnaissait qu'il devrait le faire. Cependant, en raison
de la nature des conflits armés non internationaux, les
procédures qui ont été instituées pour apporter
réparation dans les conflits armés internationaux ne sont pas
nécessairement pertinentes dans ce cadre. Dans un conflit armé
non international, en particulier, les victimes subissent des violations
à l'intérieur de leur propre État, et elles ont
généralement accès aux tribunaux internes pour demander
réparation conformément au droit interne.
La possibilité pour une victime d'une violation du DIH
de demander réparation à un État peut se déduire de
l'article 75, paragraphe 6 du Statut de la CPI, qui stipule que «les
dispositions du présent article s'entendent sans préjudice des
droits que le droit interne ou le droit international reconnaissent aux
victimes». L'article 38 du Deuxième protocole à la
Convention de La Haye pour la protection des biens culturels, qui mentionne
expressément l'obligation de réparation des États,
s'applique dans tous les types de conflit armé.
Ø La responsabilité des groupes d'opposition
armés.
Les groupes d'opposition armés sont tenus de respecter
le DIH et doivent opérer «sous la conduite d'un commandement
responsable»72(*). On
peut donc considérer qu'ils sont responsables des actes commis par leurs
membres, mais les conséquences de cette responsabilité ne sont
pas claires. L'article 14, paragraphe 3 du Projet d'articles sur la
responsabilité de l'État, tel qu'adopté provisoirement en
première lecture en 1996, disposait que le fait que le comportement d'un
organe d'un mouvement insurrectionnel ne devait pas être
considéré comme un fait de l'État «est sans
préjudice de l'attribution du comportement de l'organe du mouvement
insurrectionnel à ce mouvement dans tous les cas où une telle
attribution peut se faire d'après le droit international». Bien que
cet article ait été supprimé par la suite, parce qu'il
était considéré comme étranger à l'objet en
discussion, le rapporteur spécial avait relevé que «la
responsabilité de tels mouvements, à raison par exemple de
violations du DIH, peut certainement être envisagée». Du fait
de l'exclusion de ce sujet du projet d'articles, l'article 10 se limite
à affirmer que le comportement d'un mouvement insurrectionnel qui
devient le nouveau gouvernement doit être considéré comme
un fait de cet État d'après le droit international.
Outre la pratique qui indique l'obligation des groupes
d'opposition armés de respecter le DIH, il existe quelques exemples
d'attribution de responsabilité à des groupes d'opposition
armés. Ainsi, dans un rapport sur la situation des droits de l'homme au
Soudan, le rapporteur spécial de la Commission des Nations Unies pour
les droits de l'homme a déclaré que l'Armée populaire de
libération du Soudan était responsable des meurtres et
enlèvements de civils, pillages et prises en otage d'agents des
organismes de secours commis par «des chefs militaires locaux issus de ses
propres rangs».
A l'instar des Etats, les groupes d'opposition armés
doivent également réparer les préjudices causés par
les violations du DIH.
Il existe des exemples de pratique des Nations Unies à
l'appui de l'obligation des groupes d'opposition armés de fournir des
réparations appropriées. Dans une résolution sur le
Libéria adoptée en 1996, le Conseil de sécurité de
l'ONU a demandé «aux chefs des factions» d'assurer la
restitution immédiate des biens pillés.
Même si l'on peut faire valoir que les groupes
d'opposition armés sont responsables des actes commis par leurs membres,
les conséquences de cette responsabilité ne sont pas claires. En
particulier, la question de savoir dans quelle mesure les groupes d'opposition
armés ont l'obligation de fournir des réparations
complètes n'est pas claire, même si, dans de nombreux pays, les
victimes peuvent engager une procédure civile pour préjudices
subis contre les responsables.
Outre la responsabilité des Etats et des groupes
d'opposition armés, la responsabilité civile ou pénale
individuelle pour violation des règles du DIH peut être engager.
Toutefois nous n'aborderons ici que la responsabilité pénale
individuelle (2).
2. La
responsabilité pénale individuelle
La responsabilité pénale individuelle pour les
crimes de guerre commis dans des conflits armés non internationaux a
été explicitement incluse dans trois traités
récents de DIH, à savoir le Protocole II à la Convention
sur les armes classiques, tel qu'il a été modifié, le
Statut de la CPI et le Deuxième Protocole à la Convention de La
Haye pour la protection des biens culturels73(*). Il est implicitement reconnu dans deux autres
traités récents : la Convention d'Ottawa sur l'interdiction des
mines antipersonnel et le Protocole facultatif se rapportant à la
Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants
dans les conflits armés, qui exigent des États que les
comportements interdits, y compris dans les conflits armés non
internationaux, soient passibles de poursuites pénales74(*). Les Statuts du TPIR et du
TSSL stipulent explicitement que les personnes physiques sont responsables
pénalement pour les crimes de guerre commis dans des conflits
armés non internationaux75(*).
Les procès de personnes accusées de crimes de
guerre commis dans des conflits armés non internationaux devant le TPIY
et le TPIR confirment la responsabilité pénale des personnes
physiques à l'égard de ces crimes. L'analyse faite par la Chambre
d'appel du TPIY dans l'affaire Tadiæ en 1995 est à cet
égard particulièrement pertinente; le Tribunal a conclu à
cette occasion à l'existence d'une responsabilité pénale
individuelle pour les crimes de guerre commis dans les conflits armés
non internationaux.
Ø Les formes de la responsabilité pénale
individuelle
Les personnes physiques sont pénalement responsables
non seulement lorsqu'elles commettent un crime de guerre, mais aussi
lorsqu'elles tentent de commettre un tel crime, ainsi que lorsqu'elles
apportent leur aide, leur concours ou toute forme d'assistance à la
commission d'un crime de guerre. Elles sont aussi responsables si elles
planifient ou incitent à commettre un crime de guerre76(*).
Ø La responsabilité pénale individuelle
des commandants et autres supérieurs hiérarchiques
Les comandants et autres supérieurs
hiérarchiques sont pénalement responsables des crimes de guerre
commis sur leurs ordres. Cette règle est inscrite dans les Conventions
de Genève ainsi que dans la Convention de La Haye pour la protection des
biens culturels et dans son Deuxième Protocole, qui exigent des
États qu'ils poursuivent non seulement les personnes qui commettent des
infractions ou des violations graves, respectivement, mais aussi les personnes
qui donnent l'ordre de les commettre77(*). Les Statuts de la CPI, des TPI pour l'ex-Yougoslavie
et pour le Rwanda et du TSSL78(*).
Pour ce qui est des actes accomplis par des subordonnés
conformément à un ordre de commettre des crimes de guerre, il
convient de distinguer deux situations. Premièrement, lorsque les crimes
de guerre ont effectivement été commis, la pratique
étatique est claire : les supérieurs sont responsables, comme
l'affirme cette règle. Deuxièmement, lorsqu'il n'y a pas eu
commission des crimes de guerre, mais seulement tentative, la pratique
des États tend à indiquer qu'il y a aussi responsabilité
des supérieurs. Le Statut de la CPI spécifie que la
responsabilité des supérieurs hiérarchiques est
engagée lorsqu'il y a commission ou tentative de crime79(*).
Les commandants et autres supérieurs
hiérarchiques sont aussi pénalement responsables des crimes de
guerre commis par leurs subordonnés s'ils savaient, ou avaient des
raisons de savoir, que ces subordonnés s'apprêtaient à
commettre ou commettaient ces crimes et s'ils n'ont pas pris toutes les mesures
nécessaires et raisonnables qui étaient en leur pouvoir pour en
empêcher l'exécution ou, si ces crimes avaient déjà
été commis, pour punir les responsables.
Il faut préciser, que le fait d'obéir à
un ordre d'un supérieur hiérarchique n'exonère pas le
subordonné de sa responsabilité pénale s'il savait que
l'acte ordonné était illégal ou s'il aurait dû le
savoir en raison du caractère manifestement illégal de l'acte
ordonné. La règle selon laquelle les ordres donnés par des
supérieurs hiérarchiques ne peuvent exonérer la personne
ayant commis un crime de sa responsabilité est affirmée dans les
Statuts de la CPI, des Tribunaux pénaux internationaux pour
l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda et du TSSL80(*).
Néanmoins, le fait d'obéir à des ordres
peut être pris en considération pour atténuer la peine.
Dans son rapport au Conseil de sécurité de l'ONU sur le projet de
Statut du TPIY en 1993, le Secrétaire général de l'ONU a
évoqué la possibilité que l'obéissance à des
ordres donnés par des supérieurs soit considérée
comme une circonstance atténuante.
Une fois les responsabilités pénales
situées, il convient de faire juger les auteurs de violations graves du
DIH par des juridictions pénales internationales
(B).
B/
L'établissement d'une juridiction pénale internationale
c'est à partir de 1993, que des juridictions
pénales internationales vont voire le jour dans le cadre des conflits
internes au cours desquelles allaient être commis les crimes les plus
graves depuis la seconde guerre mondiale, sur les territoires de
l'ex-Yougoslavie et du Rwanda (1). Le 1e juillet
2002, ce fut l'entrée en fonction symbolique de la CPI.
(2). Toutefois, L'éloignement excessif des tribunaux ad
hoc et de la CPI n'offrant en effet pas la meilleure garantie de
réconciliation nationale sur le terrain, a récemment conduit
à la mise sur pied de juridictions mixtes (3).
1. Les tribunaux
pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le
Rwanda
En l'absence d'une juridiction pénale internationale
permanente, le Conseil de sécurité crée, dans le cadre du
Chapitre VII de la Charte des Nations Unies relatif à l'«action en
cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte
d'agression», deux tribunaux ad hoc. Le 25 mai 1993, la résolution
827 instituait le TPIY, avec pour mission de poursuivre les personnes
responsables de violations graves du droit international sur ce territoire
depuis le 1er janvier 1991. Le 8 novembre 1994, la résolution 955
créait le TPIR, chargé de poursuivre les personnes responsables
d'actes de génocide et d'autres violations graves du DIH commis sur le
territoire du Rwanda ou par des citoyens rwandais sur le territoire des Etats
voisins, entre le 1er janvier et le 31 décembre1994.
C'est l'ampleur des crimes perpétrés - avec,
d'un côté, plus de deux cent mille morts, des dizaines milliers de
réfugiés et de disparus, l'épuration ethnique et les viols
érigés comme armes de guerre en ex-Yougoslavie et, de l'autre, la
liquidation physique systématique de près d'un million de
Rwandais en raison de leur appartenance ethnique ou de leur opposition au
régime en place - qui a, dans les deux cas, contraint la
communauté internationale à l'action.
Les deux tribunaux ont été créés
par une décision politique, pour rechercher et punir les individus
responsables des crimes, quelles qu'aient été leurs fonctions
à l'époque des faits. Leur existence est limitée tant dans
le temps - 2008 étant la date théorique prévue par les
Nations Unies pour mettre un terme à l'action de ces tribunaux - que
dans l'espace et tous deux ont une primauté sur les juridictions
nationales des pays concernés et sur celles de tout autre Etat.
Le TPIY et TPIR ont une procédure identique :
Le Procureur ouvre une information d'office ou "sur la foi des
renseignements obtenus de toutes sources". Il est habilité à
interroger les suspects, les victimes et les témoins, à
réunir des preuves et à procéder sur place à des
mesures d'instructions. S'il décide qu'au vu des présomptions, il
y a lieu d'engager des poursuites, le Procureur établit un acte
d'accusation. L'acte d'accusation est transmis à un juge d'une chambre
de première instance.
S'il confirme l'acte d'accusation, le juge saisi
décerne sur réquisition du Procureur, les ordonnances et mandats
d'arrêts, de dépôt, d'amener ou de remise et toutes autres
ordonnances nécessaires pour la conduite du procès.
Toute personne contre laquelle un acte d'accusation a
été confirmé est, conformément à une
ordonnance ou un mandat d'arrêt décerné par le Tribunal
international, placée en état d'arrestation, immédiatement
informée des chefs d'accusation portés contre elle et
déférée au Tribunal international.
La Chambre de première instance prononce des sentences
et impose des peines et sanctions à l'encontre des personnes convaincues
de violations graves du DIH.
La sentence est rendue en audience publique à la
majorité des juges de la Chambre de première instance. Elle est
établie par écrit et motivée, des opinions individuelles
ou dissidentes pouvant y être jointes.
Malgré les obstacles rencontrés dans leur
fonctionnement (lenteur de procédure, encombrement du greffe,
arrestation difficile des inculpés...), les TPI se sont imposés
comme des organes juridictionnels vivants et opérationnels. Le fait que
le 24 mai 1999, pour la première fois dans l'histoire, un chef d'Etat en
activité, Slobodan Milosevic, ait été mis en accusation
pour les crimes commis au Kosovo par le TPIY, en est un exemple. En montrant
qu'une justice pénale universelle était possible et faisable, ils
ont d'une certaine façon aidé à la mise en oeuvre d'un
organe judiciaire plus permanent à savoir la CPI
(2).
2. La
Cour pénale internationale
Les négociations en vue de la création d'une CPI
permanente ayant compétence à l'égard des crimes les plus
graves qui touchent la communauté internationale, ou qu'ils aient
été commis, ont débutées en 1994 et ont aboutit
à l'adoption du Statut de la CPI en juillet 1998 à Rome, lequel
Statut est entré en vigueur le 1e juillet 2002.
La nouvelle juridiction permanente à vocation
universelle est l'émanation d'un traité multilatéral et
est donc indépendante des Nations Unies, même si, en application
de l'article 2 de son statut, elle est liée à celles-ci par un
accord approuvé par l'Assemblée des Etats-parties lors de sa
première session de septembre 2002.
Ø Les domaines de compétence de la Cour
Les domaines de compétence de la CPI touchent les
crimes de génocide, les crimes contre l'humanité ainsi que les
crimes de guerre 81(*)commis à partir du 1er juillet 2002, date
d'entrée en vigueur de son statut. Une définition consensuelle du
crime d'agression par l'ensemble des Etats n'ayant pas été
trouvée lors des négociations du statut de la Cour, c'est
à une commission préparatoire qu'a été
confiée la mission de la consigner dans un article, qui devrait
être adopté par la suite par le biais d'un amendement.
Toute personne âgée de dix-huit ans
révolus lors des faits incriminés peut théoriquement
être poursuivie et, ce, indépendamment de son statut et des
fonctions occupées : aucune exonération de responsabilité
pénale n'est en effet prévue pour des actions menées dans
le cadre de responsabilités officielles (chef d'Etat ou de gouvernement,
membre d'un gouvernement ou d'un parlement, etc.). Selon le statut, cette
compétence ne saurait s'exercer que si l'Etat sur le territoire duquel
un crime a été commis ou dont le responsable du crime est
ressortissant, est partie au Traité. Cependant, au cas où une
situation est déférée au Procureur par le Conseil de
sécurité, en cas de menace ou d'atteinte à la paix et
à la sécurité internationale, aucune condition
préalable n'est exigée et la Cour est toujours
compétente.
Un Etat qui n'est pas partie au Statut peut, par
déclaration, consentir à ce que la Cour exerce sa
compétence.
Ø Les modes de saisines de la Cour
Trois modes de saisine de la Cour sont prévus par le
statut :
· tout Etat partie peut déférer au
Procureur une situation dans la quelle un ou plusieurs crimes relevant de la
compétence de la Cour paraissent avoir été commis ;
· le Procureur peut ouvrir une enquête de sa propre
initiative au vu des renseignements concernant des crimes relevant de la
compétence de la Cour ; dans ce cas il doit obtenir une autorisation de
la Chambre préliminaire pour ouvrir une enquête ;
· enfin, le Conseil de sécurité des Nations
unies peut également déférer au Procureur une situation
dans laquelle un ou plusieurs crimes paraissent avoir été
commis. C'est sur cette base d'ailleurs que le conseil de
sécurité va exercer pour la première fois son pouvoir de
saisine en déferant au Procureur de la CPI la situation au Darfour
depuis le 1er juillet 2002, par la résolution 1593,
adoptée le 31 mars 2005, par 11 voix pour et les absentions de
l'Algérie, du Brésil, de la Chine et des Etats-Unis.
Ø La procédure devant la Cour
Trois phases peuvent être distinguées dans la
procédure devant la Cour : l'enquête, la confirmation des charges,
le procès.
· L'enquête
La décision d'ouvrir une enquête est prise, sous
le contrôle de la chambre préliminaire, par le Procureur, qui peut
également conclure qu'il n'y a pas de motifs suffisants pour engager des
poursuites. Le Procureur " enquête tant à charge qu'à
décharge ". Il peut notamment recueillir et examiner des
éléments de preuve, convoquer et interroger des personnes faisant
l'objet d'un enquête, ainsi que des victimes et des témoins,
demander la coopération de tout Etat ou organisation ou dispositif
gouvernemental.
Il est possible de voir dans cette disposition une influence
des systèmes juridiques latins. Ce contrôle interne des poursuites
paraît légitime. Compte tenu de la gravité des infractions
à l'égard desquelles la Cour aura compétence, l'ouverture
des poursuites peut difficilement être laissée à la
discrétion d'une seule autorité.
La chambre préliminaire est appelée à
prendre les principales décisions pendant l'enquête. Ainsi,
lorsqu'il souhaite ouvrir une enquête de sa propre initiative, le
Procureur doit obtenir l'autorisation de la chambre préliminaire.
De même, lorsqu'il considère qu'une enquête
offre l'occasion, qui ne se représentera pas par la suite, de recueillir
un témoignage ou une déposition, ou d'examiner, recueillir ou
vérifier des éléments de preuve aux fins d'un
procès, le procureur en avise la chambre préliminaire, qui peut
alors prendre toutes mesures propres à assurer l'efficacité et
l'intégrité de la procédure, en particulier nommer un
expert ou prendre toute mesure nécessaire pour recueillir ou
préserver les éléments de preuve.
La chambre préliminaire peut délivrer les
mandats nécessaires aux fins d'une enquête, autoriser le Procureur
à prendre certaines mesures d'enquête sur le territoire d'un Etat
partie sans s'être assuré la coopération de cet Etat
lorsque celui-ci est incapable de donner suite à une demande de
coopération.
A tout moment, après l'ouverture d'une enquête,
la chambre préliminaire peut délivrer sur requête du
procureur, un mandat d'arrêt contre une personne.
· La confirmation des charges
L'article 61 du statut prévoit que " dans un
délai raisonnable après la remise de la personne à la Cour
ou sa comparution volontaire, la chambre préliminaire tient une audience
pour confirmer les charges sur lesquelles le Procureur entend se fonder pour
requérir le renvoi en jugement. " Cette audience peut se tenir en
l'absence de l'intéressé, notamment lorsqu'il a pris fuite.
Au cours de l'audience, le Procureur étaye chacune des
charges avec des éléments de preuve suffisants pour
établir l'existence de raisons sérieuses de croire que la
personne a commis le crime qui lui est imputé.
A l'issue de l'audience, la chambre préliminaire peut
confirmer les charges et renvoyer la personne devant une chambre de
première instance pour y être jugée, ne pas confirmer les
charges, enfin ajourner l'audience en demandant au Procureur d'apporter des
éléments de preuve supplémentaires ou de modifier une
charge.
· Le procès
Le procès se déroule publiquement devant une
chambre de première instance en présence de l'accusé. La
chambre de première instance peut prononcer le huis clos, notamment pour
protéger la sécurité des victimes et des témoins ou
pour protéger des renseignements confidentiels ou sensibles
donnés dans des dépositions.
L'accusé a la possibilité de plaider coupable.
Dans ce cas, si la Cour est convaincue que l'accusé comprend la nature
et les conséquences de l'aveu, qu'il a fait cet aveu volontairement,
qu'enfin cet aveu est étayé par les faits de la cause, elle peut
reconnaître l'accusé coupable du crime. Dans le cas contraire,
elle ordonne que le procès se poursuive selon les procédures
normales.
Le statut contient des règles relatives à
l'administration des personnes, à la protection et à la
participation au procès des victimes et des témoins, à la
protection de renseignements touchant à la sécurité
nationale.
L'article 74 prévoit que les juges s'efforcent de
prendre leur décision à l'unanimité, faute de quoi ils la
prennent à la majorité. La décision est
présentée par écrit et contient l'exposé complet et
motivé des constatations de la chambre de première instance sur
les preuves et les conclusions. S'il n'y a pas d'unanimité, la
décision contient les vues de la majorité et de la
minorité.
Les difficultés rencontrées par la CPI,
notamment son éloignement, ont récemment conduit à la mise
sur pied de juridictions mixte (3).
3. Les
juridictions mixtes
L'objectif recherché à travers ces juridictions
est d'impliquer la justice nationale, sous supervision internationale. Cela
permettrait la reconnaissance symbolique pour les victimes des crimes commis et
l'acceptation de leurs souffrances; selon les experts, ce nouveau
«modèle» de tribunal mixte devrait en outre permettre de
rendre une justice plus rapide, plus efficace et moins coûteuse.
C'est au Sierra Leone qu'a été pour la
première fois inaugurée cette formule originale. Répondant
à une demande du gouvernement sierra-léonais de juin 2000, le
Conseil de sécurité, dans sa résolution 1315, a
demandé à l'ex secrétaire général de l'ONU
Kofi Annan, d'engager des négociations avec ce dernier afin de mettre
sur pied un tribunal spécial pour la Sierra-Leone, chargé de
juger les « principaux responsables de crimes contre l'humanité, de
crimes de guerre et de certains crimes prévus par le droit sierra
léonais commis depuis le 30 novembre 1996 ».
Ce tribunal, officiellement créé en juillet 2002
à la suite d'un accord intervenu entre les Nations Unies et les
autorités nationales et ratifié par le Parlement, fait partie du
système judiciaire sierra-léonais. Il reçoit
néanmoins un fort soutien international, via un
« Management Committee » qui réunit les
représentants de nombreux Etats, dont le Nigeria voisin et les
Etats-Unis. En vertu de l'accord, le Secrétaire général
des Nations Unies a nommé cinq juges sur les huit que comptent les deux
chambres, de même que le procureur - le procureur adjoint et les trois
autres juges étant quant à eux désignés par les
autorités gouvernementales. Quoiqu'il soit encore trop tôt pour
juger du bilan de ce tribunal spécial, on notera qu'une quinzaine de
personnes ont d'ores et déjà été inculpées
par le procureur.
Au Cambodge, où plus du quart de la population a
été décimée sous les Khmers rouges entre 1975 et
1979, des négociations difficiles ont débuté avec les
Nations Unies dès 1999 pour trouver une formule permettant de juger
leurs auteurs par la justice nationale, avec une implication forte de la
communauté internationale. Après le rejet par le gouvernement de
la création d'un tribunal international, au motif que celui-ci
constituerait une atteinte inadmissible à sa souveraineté, un
accord est enfin trouvé avec les Nations Unies en mars 2003 portant
création de «chambres extraordinaires» qui doivent être
mises sur pied par une loi cambodgienne et être intégrées
aux tribunaux existants. Là aussi est prévue une mixité
d'origine des juges au sein des deux chambres extraordinaires - chambre de
première instance et chambre de la Cour suprême (au total cinq
juges internationaux choisis sur une liste de sept noms proposée par le
Secrétaire général des Nations Unies et sept Cambodgiens)
- de l'accusation et de l'administration.
Une lutte efficace et générale contre toutes les
formes d'impunité pour les crimes les plus graves contre l'espèce
humaine, commis dans les conflits armés internes, devrait sans aucun
doute passer par les TPI, la CPI, et les juridictions mixtes. Toutefois de
nombreux obstacles viennent entraver la répression internationale des
violations du DIH (Paragraphe 2).
Paragraphe 2 : Les
obstacles dans la répression internationale des violations du DIH
Le point faible du DIH réside dans son peu
d'efficacité dans la répression des auteurs de crimes de guerre,
notamment dans les conflits internes. En effet plusieurs facteurs d'ordre
politique (A), et juridique (B), viennent
entraver la poursuite et la sanction des violations du DIH.
A/ Les obstacles d'ordre politique
Malgré les progrès de la communauté
internationale pour mettre en place des juridictions pénales
chargées de punir les auteurs de violations graves du DIH, dans les
conflits armés internes, force est d'admettre que nous sommes encore
très loin d'un « Etat de droit international ».
Comme l'affirme Luigi Condorelli : " La vérité est que
le droit international humanitaire existant refuse d'organiser efficacement sa
propre mise en oeuvre. La vérité est que la communauté
internationale, au-delà d'éventuelle mesures sélectives et
au coup par coup, refuse de s'acquitter de façon systématique du
devoir d'assurer le respect des règles humanitaires ". En
effet les différentes crises ne sont pas traitées de la
même manière par les médias internationaux. Aussi longtemps
que les caméras de la chaîne de télévision
américaine CNN ne sont pas arrivées, les
évènements les plus tragiques sont « politiquement
inexistants ». Ces dernières années, il y a eu en Afrique
et dans le monde d'autres drames que le Rwanda et l'ex-Yougoslavie (le cas du
Darfour par exemple). Comme ils sont restés dans l'ombre, aucune
juridiction internationale n'a poursuivi les responsables.
Le fonctionnement des TPI est parfois peu satisfaisant. En six
ans, le tribunal pénal d'Arusha a entamé l'étude de
quarante dossiers seulement. Les TPI ont eu à faire face à des
difficultés d'ordre politique qui expliquent en grande partie la lenteur
de leur fonctionnement. S'ils ont été dotés d'importants
moyens d'actions, ils restent étroitement dépendants de la bonne
ou de la mauvaise volonté des Etats et du Conseil de
sécurité en matière de police. Tous les Etats sont en
effet loin d'avoir joué le jeu de la coopération judiciaire, ce
qui explique qu'aujourd'hui encore d'importants responsables des pires
atrocités échappent à leurs juridictions. Il en va ainsi
de Radko Mladic et de Radovan Karadzic, qui jouissent de complicités
haut placées en Bosnie et en Serbie. De plus, les tribunaux
pénaux semblent surtout soucieux de faire justice sur le dos des
vaincus. Les crimes des vainqueurs, surtout s'ils sont encore au pouvoir,
semblent échapper à ces juridictions.
La CPI n'est pas également à l'abri d'une
instrumentalisation politique. Celle-ci souffre de limitations de
caractère politique à son action. Il faut tout d'abord noter que
la Cour ne dispose pas en propre de force de police internationale pour
appréhender les suspects ou pour réunir les preuves : de ce fait,
son efficacité dépendra très largement de la
coopération des Etats, avec les risques réels de se voir adresser
par certains une fin de non-recevoir, le principe de non-ingérence
restant en effet en partie présent.
L'ensemble des pressions exercées, tout comme l'absence
de soutien à certains appels lancés au Conseil de
sécurité, ont également souligné les limites
politiques à l'action et à l'indépendance d'un procureur
international, ces précédents inquiétants plaidant d'une
certaine manière en faveur d'une formule de justice internationale
à la fois plus pédagogique et moins sujette aux aléas
politiques.
Outre les obstacles politiques, les juridictions
internationales sont également confrontées à des obstacles
d'ordre juridique (B).
B/ Les
obstacles d'ordre juridique
Contrairement au Statut de Nuremberg qui ne prévoyait
l'inculpation que des « grands criminels de guerre », les
Statuts des tribunaux ad hoc donnent mandat au Procureur
d'enquêter et de poursuivre les « personnes
présumées responsables de violations graves du DIH
» sans autres limitations. Or le seul terme « responsable »
en droit pénal laisse la porte grande ouverte à des milliers de
cas individuels. Sans plus d'indications ou de limites dans les Statuts, les
Procureurs des TPIY et TPIR ont mis en accusation plus de deux cent personnes.
Très rapidement, l'ensemble du système s'engorgea. Les Tribunaux
se trouvèrent confrontés à la gestion du «
quantitatif » sans qu'il leurs soient possible de renoncer au
caractère exemplaire et « qualitatif » de ses
procédures. La durée des procès qui en est la
conséquence génère des détentions
préventives de plus en plus longues. La conciliation de ces
impératifs n'est pas aisée.
Pour surmonter ces difficultés, le Conseil de
sécurité intervint à deux reprises. Il demanda d'abord au
Procureur et aux Juges de se concentrer sur la poursuite et le jugement
« des principaux dirigeants portant la plus lourde
responsabilité » (Rés. 1503 du 23 août 2003),
proposant ainsi une interprétation limitative de la notion plus ouverte
de personne « responsable », ensuite il adopta la Résolution
1534 (26 mars 2004) s'adressant directement aux juges en ces
termes: « demande à chaque Tribunal de veiller
à ce que les nouveaux actes d'accusation qu'il examinera et
confirmera visent les plus hauts dirigeants soupçonnés
de porter la responsabilité la plus lourde des crimes relevant de
leur compétence, comme indiqué dans la résolution 1503
(2003) »
Bien que l'objectif de ces résolutions soit louable, il
n'en soulève pas moins de sérieuses questions de
compétence. Les Juges pouvaient-ils introduire un nouveau critère
de sélection des accusés non prévu au Statut ? N'y a-t-il
pas atteinte à l'indépendance du Procureur, qui voit ainsi son
pouvoir discrétionnaire limité par l'action des juges? Chose
certaine, cette approche risque d'entraîner des différences de
vues entre les juges et le Procureur sur les questions de stratégie
d'achèvement.
La CPÏ est également confrontée à
des obstacles d'ordre juridique, en ce sens que le statut de Rome contient des
dispositions qui restreignent considérablement la répression des
violations graves du DIH.
Ces limites tiennent d'une part aux dispositions contenues
dans les articles 16 et 124 du statut, d'autre part, aux insuffisances
constatées dans l'organisation de la coopération entre les Etats
et la CPI.
S'agissant d'abord de l'article 16, il constitue, à
n'en pas douter une entrave à l'action de la CPI, de par sa logique le
judiciaire est battu en brèche par le politique, qui à tout
moment peut contrecarrer l'action de la Cour. Cet article reconnaît en
effet au Conseil de sécurité des le pouvoir d'imposer un sursis
des enquêtes ou des poursuites devant la Cour, pour une durée de
12 mois indéfiniment renouvelable, simplement en adoptant une
résolution sur le fondement du chapitre VII de la Charte. Cet article
institutionnalise un véritable droit pour le Conseil de
sécurité de paralyser l'action de la justice permanente.
Pour ce qui est ensuite de l'article 124, force est de noter
qu'il constitue un autre obstacle, puisqu'il autorise à tout Etat, au
moment de la ratification ou de l'adhésion, à décliner
unilatéralement, et pour une période de sept ans à compter
de l'entré en vigueur du statut, à son égard la
compétence de la Cour à l'effet de connaître des crimes de
guerre, commis par ses nationaux ou sur son territoire. En
réalité, cette disposition constitue une véritable
légitimation de la volonté des Etats souverains de suspendre
à leur guise la mise en oeuvre du statut à l'égard des
crimes de guerre perpétrés par ses ressortissants ou sur son
territoire. Son objet est de donner à un Etat la possibilité, au
cours de cette période transitoire, d'empêcher la multiplication
des plaintes abusives contre ses forces armées engagées dans des
opérations extérieures. Quoiqu'il en soit, l'article 124 demeure,
à l'instar de l'article 16, une disposition fort regrettable, d'autant
plus qu'il réduit considérablement la portée des
compétences de la Cour.
Enfin, s'agissant des insuffisances constatées dans
l'organisation de la coopération entre les Etats et la CPI, elles
apparaissent à travers l'article 72 qui fixe les règles relatives
à la protection du secret en matière militaire, mais
également à travers les articles 86 et 87, relatifs
respectivement à l'obligation générale de
coopération des Etats parties et aux dispositions
générales sur les demandes de coopération formulée
par la Cour. La lecture croisée de ces dispositions laisse
apparaître la prééminence de la volonté de l'Etat
souverain, sur celle de la juridiction. En effet, en dehors du cas ou le
Conseil de sécurité, éventuellement saisi par la Cour,
prendrait une résolution sur le fondement du chapitre VII de la charte
des Nations Unies, pour contraindre à la divulgation d'informations
considérées comme protégées par le secret
défense, l'Etat concerné, fort de sa souveraineté,
conserve toujours le dernier mot, le statut ne prévoyant aucune
disposition qui autorise la Cour à ordonner, contre la volonté de
l'Etat en cause, la communication de telles informations.
Malgré ces obstacles, il faut reconnaître qu'il y
a une évolution notable dans la répression des violations graves
du DIH au niveau internationale, même si des efforts restent à
faire.
En un peu plus de trente ans
après l'adoption du protocole additionnel aux conventions de
Genève du 12 août 1949, relatif à la protection des
victimes des conflits armés non internationaux, les civils continuent
toujours à être frappés de plein fouet par les effets des
conflits armés internes. Ils restent les principales victimes des
violations du DIH commises par les forces gouvernementales et les groupes
armés non étatiques. Les attaques délibérées
contre les civils, le déplacement forcé de populations, la
destruction d'infrastructures vitales pour la population civile et de biens de
caractère civil, ne sont que quelques exemples d'actes interdits qui
sont perpétrés régulièrement. Les personnes civiles
sont aussi victimes de violations du droit telles que le meurtre, la
disparition forcée, la torture, les traitements cruels et les outrages
à la dignité personnelle, le viol et les autres formes de
violence sexuelle. Ils sont utilisés comme boucliers humains. Les
personnes détenues en raison d'un conflit armé sont
privées de leurs droits fondamentaux, notamment de conditions de
détention et de traitement appropriés, de garanties
procédurales destinées à prévenir la
détention arbitraire et du droit à un procès
équitable. Le personnel médical et les travailleurs humanitaires
sont également victimes de violations du DIH. Dans de nombreux cas, les
organisations humanitaires sont empêchées de mener à bien
leurs activités ou gênées dans leur effort de travailler
avec efficacité. Cela aggrave encore les souffrances des personnes qui
devraient bénéficier de l'assistance et de la protection de ces
organisations. En outre, les attaques contre les journalistes et autres membres
des médias sont une source de préoccupation croissante.
Si les souffrances infligées par les conflits
armés internes n'ont pas changé, ces deux dernières
décennies ont été caractérisées par une
meilleure sensibilisation de l'opinion publique au DIH et à ses
règles fondamentales et, par conséquent, aux actes qui
constituent des violations de ces règles. Les principes et les normes du
DIH sont non seulement le centre d'intérêt des débats
d'experts habituels, mais font de plus en plus l'objet d'un examen approfondi
et complet de la part des gouvernements, des milieux universitaires et des
médias. Il convient de saluer et d'encourager la croissance de
l'intérêt pour le DIH et l'augmentation de la sensibilisation
à cette branche du droit, en se rappelant que la connaissance de tout
ensemble de règles est une condition nécessaire à sa mise
en oeuvre. De plus, les Conventions de Genève de 1949 sont devenues
universelles, ce qui les rend juridiquement contraignantes envers tous les pays
du monde. Nous espérons que l'étude du CICR sur le DIH coutumier,
publiée en 2005, contribuera aussi à mieux faire connaître
les règles qui régissent tous les types de conflits
armés.
Le fait que l'on peut dire que le DIH s'est étendu au
delà des milieux d'experts pour entrer pleinement dans le domaine public
signifie, cependant, qu'il existe un risque croissant que
l'interprétation et la mise en oeuvre de ses règles soient
politisées. Les années passées ont donné des
preuves de cette tendance générale. Parfois, des États ont
nié l'applicabilité du DIH à certaines situations,
même si les faits sur le terrain indiquaient clairement qu'il s'agissait
d'un conflit armé. Dans d'autres cas, des États ont tenté
d'élargir le champ d'application du DIH pour inclure des situations qui
ne pouvaient pas, en se basant sur les faits, être
considérées comme des conflits armés. Outre les
controverses sur la question de la définition juridique d'une situation
de violence, dans certains cas, on ne peut parler que de mauvaises
interprétations opportunistes de certaines règles juridiques
spécifiques qui sont bien établies. La tendance de certains
acteurs à mettre en avant des violations prétendument
perpétrées par d'autres, sans montrer aucune volonté de
reconnaître celles qu'ils commettent eux-mêmes, a aussi
porté préjudice à l'application adéquate du DIH. Il
faut souligner que la politisation du DIH l'emporte sur le but même de
cet ensemble de règles. Les principaux bénéficiaires du
DIH sont les civils et les personnes hors de combat. L'édifice
même du DIH est fondé sur l'idée selon laquelle certaines
catégories de personnes doivent être protégées
autant que possible contre les effets de la violence, quelle que soit la partie
au conflit à laquelle elles appartiennent, et indépendamment des
raisons avancées pour justifier le conflit armé.
La non application ou l'application sélective du DIH,
ou la mauvaise interprétation de ses règles à des fins
internes ou politiques, peuvent avoir, et ont même inévitablement
des conséquences directes sur la vie et les moyens d'existence des
personnes qui ne participent pas ou ne participent plus aux hostilités.
Une approche fragmentaire du DIH est en contradiction avec le principe
fondamental d'humanité, qui doit s'appliquer de la même
façon à toutes les victimes des conflits armés, s'il veut
garder sa signification propre. Les parties aux conflits armés ne
doivent pas oublier que, du fait de la logique même du DIH, des
interprétations politisées ou biaisées du droit n'ont pas
seulement un impact sur la seule partie adverse. Souvent, après quelques
temps, on voit ses propres civils et combattants détenus exposés
aux effets pernicieux de la politisation réciproque et de la mauvaise
interprétation du droit par l'adversaire.
En dépit des risques d'instrumentalisation que
rencontre le DIH dans son application, quelques éléments
apparaissent qui autorisent un certain optimisme dans le domaine des
mécanismes devant assurer le respect du droit humanitaire.
Le premier élément réside dans
l'instauration d'une justice pénale internationale qui a
contribué à mettre fin à l'impunité des criminels
de guerre les plus odieux. Les tribunaux ad hoc ont permis à la
communauté internationale de prendre conscience de ses
responsabilités en matière de respect des règles de droit
humanitaire et, en ce sens, ils ont grandement favorisé l'adoption du
Statut de Rome instituant la CPI, vieux rêve de l'humanité. Les tribunaux ad hoc ont aussi
proposé une lecture dynamique du DIH ce qui devrait encourager une
meilleure application de ses règles.
C'est en effet le deuxième élément qui
autorise un certain optimisme dans le domaine des mécanismes du respect
du droit humanitaire. On perçoit les signes d'une extension du champ
d'application de ces mécanismes, grâce à l'extension du
champ d'application du DIH lui-même. Une des causes de la faiblesse des
mécanismes tenait à la distinction traditionnelle entre les
conflits internationaux et les conflits internes. Les dispositions du P.2 en
matière de respect du DIH sont très faibles, voire inexistantes
comme nous l'avons vu. Aussi faut-il se féliciter de l'évolution
que l'on constate de plus en plus, d'un effacement de la frontière entre
les deux types de conflits, notamment dans la jurisprudence tout à fait
remarquable du TPIY, ce qui conduit à faire bénéficier les
conflits internes des mécanismes plus élaborés
prévus à l'origine pour les seuls conflits internationaux. Le
TPIY est en effet confronté à une situation extrêmement
complexe où les conflits internationaux classiques et internes
s'imbriquent et s'entremêlent de manière inextricable. Vouloir
isoler ce qui relève du conflit international et ce qui n'en
relève pas est une tâche pratiquement impossible. Le TPIY dans
l'affaire Tadic a sagement renoncé à s'engager dans cette voie
périlleuse.
Face à une dichotomie que les États estiment
irréductible, entre les conflits armés internationaux et
internes, le seul idéal juridique que l'on puisse considérer
comme réaliste à l'heure actuelle, consiste à unifier le
régime juridique applicable aux conflits armés internes tout en
maintenant un seuil d'applicabilité qui, sans inclure les tensions
internes et les troubles intérieurs, soit aussi bas que possible.
Quoi qu'il en soit, la protection des populations civiles dans
les conflits armés internes relève essentiellement de la
responsabilité des Etats et des autres parties aux conflits. Mais l'ONU et les Organisations internationales, de même
que le CICR et les ONG, ainsi que l'opinion publique en général,
ont aussi un rôle important à jouer, pour qu'enfin les
règles du DIH et celles des droits de l'homme qui assurent cette
protection, soient pleinement appliquées et que les trop nombreuses
violations des Conventions de Genève et des protocoles, justement
dénoncées, ne restent pas en définitive impunies.
BIBLIOGRAPHIE
Ø Ouvrages
- BUIRETTE, Patricia. Le droit international
humanitaire. Paris : La découverte, 1996.
- DAVID, Eric. Principes de droit des conflits
armés. Bruxelles : Bruylant, 1999.
- DJENA WEMBOU, Michel-Cyr et FALL, Daouda. Droit
international humanitaire : théorie générale et
réalités africaines. Paris : L'harmattan, 2000.
- HENCKAERTS, Jean Marie et DOSWALD-BECK, Louise. Le Droit
International Humanitaire Coutumier, Volume I. Genève :
Bruylant, 2006.
- MALLEIN, Jean. La situation juridique des combattants dans
les conflits armés non internationaux. Université de
Grenoble, thèse pour le doctorat d'état en droit, 1978.
- TORELLI, Maurice. Le doit international
humanitaire. Paris : PUF, 1999.
- VITAIN, Sylvain. Les procédures internationales
d'établissement des faits dans la mise en oeuvre du doit international
humanitaire. Bruxelles : Bruylant, 1999.
Ø Manuels
- DE MULINEN, Frederic. Manuel sur le droit de la guerre
pour les forces armées. CICR, 1999.
- Découvrez le CICR. CICR,
septembre 2005.
-
Droit International Humanitaire, Réponses à vos
questions. CICR, avril 2003, seconde édition février
2004.
-
Les protocoles additionnels aux conventions de Genève du 12 août
1949. CICR, 1977.
- Respecter et faire respecter le DIH. Guide pratique
à l'usage des parlementaires n°1, CICR, 1999.
Ø Articles et Revues
- BLONDEL, Jean Luc. La coopération entre les
sociétés nationales et le comité international de la
Croix-Rouge : un partenariat nécessaire et exigeant. RICR,
n°830, juin 1998, pp. 209-216.
- BUGNION, François. Guerre juste, guerre
d'agression et droit international humanitaire. RICR, n° 847,
septembre 2002, pp. 523-546.
- CICR. Les enfants et la guerre. RICR, n° 842,
juin 2001, pp. 494-504.
- CONDORELLI, Luigi. La commission internationale
humanitaire d'établissement des faits : un outil obsolète ou
un moyen utile de mise en oeuvre du droit international humanitaire ?
RICR, n° 842, juin 2001, pp. 393-406.
- DOMESTICI-MET, Marie José. Cent ans après
la Haye, cinquante ans après Genève : le droit international
humanitaire au temps de la guerre civile. RICR, n°834, juin 1999, pp.
277-300.
- DUTLI, Maria Teresa. Enfants-combattants prisonniers.
RICR, n° 785, septembre-octobre 1990, pp. 456-470.
- GOLDBLA, Jozef. La convention sur les armes
biologique : vue générale. RICR, n° 825, mai-juin
1997, pp. 269-304.
- SANDOZ, yves. Le demi-siècle des conventions de
Genève. RICR, n° 834, juin 1999, pp. 241-263.
- SINGER, Sandra. La protection des enfants dans les
conflits armés. RICR, mai-juin 1996.
- VERHAEGEN, Jaques. Le refus d'obéissance aux
ordres manifestement criminels, RICR, n° 845, mars 2002, pp.35-50.
- ZALUAR, Achille et MONTELEONE-NETO, Roque. La convention
sur les armes biologiques : le point de vue des Etats du sud. RICR,
n° 825, mai-juin 1997, pp. 317-332.
Ø Traités
- Convention (II) concernant les lois et coutumes de la guerre
sur terre. La Haye,
- 29 juillet 1899.
- Règlement concernant les lois et coutumes de la
guerre sur terre. La Haye, 18 octobre 1907.
- Convention de La Haye (IV) concernant les lois et coutumes
de la guerre sur terre. La Haye, 18 octobre 1907.
- Charte des nations unies, adoptée par la
Conférence des Nations Unies. San Francisco, 26 juin 1945.
- Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg,
conclu par le Gouvernement Provisoire de la République Française
et les Gouvernements des États-Unis d'Amérique, du Royaume-Uni et
de l'Irlande du Nord et de l'Union des Républiques Socialistes
Soviétiques, agissant dans l'intérêt de toutes les Nations
Unies, annexé à l'Accord de Londres, 8 août 1945.
- Convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide. Adoptée par l'Assemblée
générale des Nations Unies, 9 décembre 1948.
- Conventions de Genève du 12 août 1949.
- Convention européenne des droits de l'homme. Rome, 4
novembre 1950.
- Convention pour la protection des biens culturels en cas de
conflit armé. La Haye 14 mai 1954.
- Convention sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination raciale. Adoptée par l'Assemblée
générale des Nations Unies, 21 décembre 1965.
- Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies,
16 décembre 1966.
- Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels. Adopté par l'Assemblée
générale des Nations Unies, 16 décembre 1966.
- Convention américaine relative aux droits de l'homme.
San José, le 22 novembre 1969.
- Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la
fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou
à toxines et sur leur destruction. Ouvert à la signature à
Londres, Moscou et Washington le 10 avril 1972.
- Convention sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination à l'égard des femmes. Adoptée par
l'Assemblée générale des Nations Unies. 18 décembre
1979.
- Convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi
de certaines armes classiques qui peuvent être considérées
comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans
discrimination. Genève, 10 octobre 1980.
- Protocole sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi
des armes incendiaires (Protocole III) à la Convention sur
l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui
peuvent être considérées comme produisant des effets
traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination. Genève, 10
octobre 1980.
- Charte africaine des droits de l'homme et des peuples,
adoptée lors de la 18e Conférence de l'OUA. Nairobi, 27 juin
1981.
- Convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants. Adoptée par l'Assemblée
générale des Nations Unies, 10 décembre 1984.
- Convention interaméricaine pour la prévention
et la suppression de la torture. Adoptée lors de la quinzième
session ordinaire de l'Assemblée générale de l'OEA,
Cartagena de Indias, 9 décembre 1985.
- Convention européenne pour la prévention de la
torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
Strasbourg, 26 novembre 1987.
- Convention relative aux droits de l'enfant. Adoptée
par l'Assemblée générale des
- Nations Unies, 20 novembre 1989.
- Charte africaine des droits et du bien-être de
l'enfant, adoptée par la vingt-sixième Conférence des
chefs d'État et de gouvernement de l'OUA. Addis-Abeba, juillet 1990.
- Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la
fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur
destruction. Paris, 13 janvier 1993.
- Protocole sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi
des mines, pièges et autres dispositifs, tel qu'il a été
modifié le 3 mai 1996 (Protocole II à la Convention de 1980, tel
qu'il a été modifié le 3 mai 1996), à la Convention
sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques
qui peuvent être considérées comme produisant des effets
traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination. Genève, 3
mai 1996.
- Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de
la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction.
Ottawa, 18 septembre 1997.
- Statut de Rome de la Cour pénale internationale,
adopté par la Conférence diplomatique de plénipotentiaires
des Nations Unies sur la création d'une cour criminelle internationale.
Rome, 17 juillet 1998.
- Deuxième Protocole relatif à la Convention
pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé. La Haye,
26 mars 1999.
- Protocole facultatif se rapportant à la Convention
relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les
conflits armés. Adopté par l'Assemblée
générale des Nations Unies, 25 mai 2000.
- Protocole additionnel à la convention des Nations
Unies contre la criminalité transnationale visant à
prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en
particulier des femmes et des enfants. Adopté par l'Assemblée
générale des Nations Unies, 15 novembre 2000.
- Statut du Tribunal spécial pour la Sierra Leone,
pièce jointe à l'Accord de 2002 sur la création d'un
Tribunal spécial pour la Sierra Leone, Freetown, 16 janvier 2002.
Ø Autres instruments
- Ensemble de règles minima pour le traitement des
détenus, adopté par le premier Congrès des Nations Unies
pour la prévention du crime et le traitement des
délinquants. Genève, 30 août 1955, et étendu par la
rés. 2076 du 13 mai 1977 aux personnes arrêtées ou
détenues sans inculpation.
- Statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge, adoptés par la XXVe Conférence internationale de
la Croix-Rouge. Genève, 23-31 octobre 1986.
- Ensemble de principes pour la protection de toutes les
personnes soumises à une forme quelconque de détention ou
d'emprisonnement, adopté par l'Assemblée générale
des Nations Unies, rés. 43/173, 9 décembre 1988.
- Statut du Tribunal international chargé de poursuivre
les personnes présumées responsables de violations graves du
droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie
depuis 1991 (Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie),
adopté par le Conseil de sécurité de l'Organisation des
Nations Unies, rés. 827 du 25 mai 1993, tel qu'amendé par la
rés. 1166 du 13 mai 1998, la rés. 1329 du 30 novembre 2000, la
rés. 1411 du 17 mai 2002, la rés. 1431 du 14 août 2002 et
la rés. 1481 du 19 mai 2003.
- Statut du Tribunal criminel international chargé de
juger les personnes présumées responsables d'actes de
génocide ou d'autres violations graves du droit international
humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais
présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le
territoire d'Etats voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994,
adopté par le Conseil de sécurité des Nations Unies dans
sa rés. 955 du 8 novembre 1994, telle qu'amendée par la
rés. 1165, du 30 avril 1998, et par la rés. 1329, du 30 novembre
2000.
- Texte final du projet d'éléments des crimes,
adopté par la 23e session de la Commission préparatoire de la
Cour pénale internationale. New York, 30 juin 2000.
- Projet d'articles sur la responsabilité de
l'État pour fait internationalement illicite, adopté par la
Commission du droit international, reproduit dans le rapport de la Commission
du droit international sur les travaux de sa 53e session, 23 avril -1er juin et
2 juillet - 10 août 2001.
Ø Wébographie
- http://www.opcw.org/
- www.cicr.org
- www.cicr.org/fre/cluster-munitions
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE
1
ABREVIATIONS
3
INTRODUCTION
4
1e PARTIE : LES
GARANTIES DE PROTECTION DES POPULATIONS CIVILES DANS LES CONFLITS ARMES
INTERNES
15
Chapitre I : Les garanties
générales
17
Section 1 : les garanties
fondamentales
17
Paragraphe 1 : Les garanties d'un
traitement humain
18
A/ L'interdiction de porter atteinte
à la vie et à l'intégrité corporelle
18
B/ L'interdiction de porter atteinte
à la dignité de la personne
20
Paragraphe 2 : Les garanties en faveur
des personnes privées Liberté
23
A/ Les garanties en faveur des personnes
internées ou en détention administrative
24
B/ Les garanties judiciaires
29
Section 2 : les garanties en fonction
de la conduite des hostilités
30
Paragraphe 1 : Le principe de la
distinction
31
A/ La distinction entre civils et
combattants
31
B/ La distinction entre biens à
caractère civil et objectifs militaires
35
Paragraphe 2 : La limitation des
méthodes et moyens de combat
40
A/ La limitation des méthodes de
combat
40
B/ La limitation des moyens de combat
42
Chapitre II : La protection des personnes
vulnérables
51
Section 1 : La protection de
l'enfant
52
Paragraphe 1 : La protection de
l'enfant contre les effets des hostilités
52
A/ L'interdiction du recrutement et de la
participation des enfants aux hostilités
52
B/ La protection des
enfants-combattants
54
Paragraphe 2 : l'exigence d'un
traitement particulier
55
Section 2 : La protection de la
femme
57
Paragraphe 1 : L'obligation de
respecter les besoins spécifiques de la femme
57
Paragraphe 2 : La protection des
femmes enceintes et des mères d'enfants en bas âge
59
2e PARTIE : LA MISE EN OEUVRE
DES GARANTIES DE PROTECTION DES POPULATIONS CIVILES DANS LES CONFLITS ARMES
INTERNES
61
Chapitre I : La mise en oeuvre au niveau
national
63
Section 1 : L'action
préventive
63
Paragraphe 1 : Le rôle des
Etats
63
A/ l'insertion du DIH dans l'ordre
interne
63
B/ l'obligation de diffusion du DIH
65
Paragraphe 2 : Le rôle du
CICR
68
Section 2 : la répression
nationale des violations du DIH
70
Paragraphe 1 : La compétence
classique des juridictions nationales
70
A/ Le principe de la
territorialité
70
B/ Le principe de la
personnalité
71
Paragraphe 2 : La compétence
universelle des juridictions nationales
72
A/ Les fondements de la compétence
universelle
72
B/ Les obstacles dans l'exercice de la
compétence universelle
74
Chapitre II : La mise en oeuvre au
niveau international
76
Section 1 : Le contrôle du
respect des garanties de protection
76
Paragraphe 1 : L'enquête
institutionnelle de la CIHEF
77
A/ La compétence de la
commission
77
B/ La procédure
d'enquête
78
Paragraphe 2 : Les procédures
développées en dehors du droit humanitaire
79
A/ Les procédures
développées au sein des Nations Unies
79
B/ L'apport des systèmes
régionaux de protection des droits de l'homme
82
Section 2 : La répression
internationale des violations graves du DIH
85
Paragraphe 1: le cadre de
répression des violations graves du DIH
86
A/ La situation des
responsabilités
86
1. La responsabilité de
l'Etat et des groupes d'opposition armés pour les violations du DIH
86
2. La responsabilité pénale
individuelle
91
B/ L'établissement d'une
juridiction pénale internationale
93
1. Les tribunaux pénaux
internationaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda
93
2. La Cour pénale internationale
95
3. Les juridictions mixtes
99
Paragraphe 2 : Les obstacles dans la
répression internationale des violations du DIH
100
A/ Les obstacles d'ordre politique
100
B/ Les obstacles d'ordre juridique
102
CONCLUSION
105
BIBLIOGRAPHIE
110
* 1 Convention (I) pour
l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces
armées en campagne ; Convention (II) pour l'amélioration du
sort des blessés, des malades et des naufragés dans les forces
armées sur mer ; Convention (III) relative au traitement des
prisonniers de guerre ; convention (IV) relative à la protection
des personnes civiles en temps de guerre.
* 2 L'expression membres de la
population civile liés à l'effort militaire et économique,
est quelque fois remplacée par celle de quasi-combattants.
* 3 .Zorgbibe, C. La guerre
civile : Paris, P.U.F, 1975.
* 4 Article 1, parag. 4,
Protocole additionnel aux Conventions Genève du 12 août 1949,
relatif à la protection des victimes des conflits armés
internationaux, 8 juin 1977.
* 5 Pacte international relatif
aux droits civils et politiques (1966), art. 2, par. 1 ; Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966), art. 2,
par. 2 et 3 ; Convention européenne des droits de l'homme (1950), art.
14 ; Convention américaine relative aux droits de l'homme (1969), art.
premier, par. 1; Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (1981),
art. 2 ; Convention sur l'élimination de la discrimination raciale
(1965), art. 2 ; Convention sur l'élimination de la discrimination
à l'égard des femmes (1979), art. 2 ; Convention relative aux
droits de l'enfant (1989), art. 2, par. 1.
* 6 Statut de la CPI (1998),
art. 8, par. 2, al. c) i) ; Statut du TPIY (1993), art. 2, al. 1 a) ; Statut du
TPIR (1994), art. 4, al. 1 a); Statut du Tribunal spécial pour la Sierra
Leone (2002), art. 3, al. 1 a)
* 7 Statut de la CPI (1998),
art. 8, par. 2, al. c), lettres i) et ii) ; Statut du TPIR (1994), art. 4, al.
1, lettres a) et e); Statut du Tribunal spécial pour la Sierra Leone
(2002), art. 3, al. 1, lettres a) et e).
* 8 Voir Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, art. 7 ; Convention européenne
des droits de l'homme, art. 3 ; Convention américaine relative aux
droits de l'homme, art. 5, par. 2; Charte africaine des droits de l'homme et
des peuples, art. 5 ; Convention relative aux droits de l'enfant, art. 37, al.
1 a)
* 9 Voir Convention contre la
torture (1984) ; Convention interaméricaine contre la torture
(1985) et Convention européenne pour la prévention de la torture
(1987).
* 10Voir TPIY, affaires Le
Procureur c. Zejnil Delaliæ et consorts, jugement et Le
Procureur c. Dario Kordiæ et Mario Cerkez, jugement.
* 11 Comité des Nations
Unies pour les droits de l'homme, Observation générale n° 20
(art. 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques).
* 12 Statut de la CPI, art. 8,
par. 2, al. c. ii) ; Statut du TPIR, art. 4, al. 1 ; Statut du TSSL,
art. 3, al. 1.
* 13 Statuts du TPIR, art. 4,
al. 1 ; Statut du TSSL, art. 3, al.1.
* 14 Statut de la CPI, art. 8,
par. 2, al. e) vi).
* 15 Statut de la CPI, art. 7,
par. 1, al. g ; Statut du TPIY,art. 5, al. 1, g) ; Statut du TPIR, art. 3, al.
1 g)
* 16 Voir, p. ex., Conseil
de sécurité de l'ONU, rés. 798, rés. 820,
rés. 827, rés. 1019 et rés. 1034 ; Assemblée
générale de l'ONU, rés. 48/143, rés. 49/196,
rés. 50/192, rés. 50/193, rés. 51/114 et rés.
51/115 ; Commission des Nations Unies pour les droits de l'homme, rés.
1994/72, rés. 1996/71 et rés. 1998/75.
* 17 Statut du TPIY, art. 5,
al. 1 c) ; Statut du TPIR, art. 3, al. 1 c)
* 18 Statut de la C.P.I, art.
7, par. 2 al. c.
* 19 Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, art. 8 (esclavage, traite des esclaves
et servitude) ; Convention européenne des droits de l'homme, art. 4,
par. 1 (esclavage et servitude) ; Convention américaine relative aux
droits de l'homme, art. 6, par. 1 (esclavage, servitude et traite des esclaves)
; Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, art. 5 (esclavage et
traite des personnes).
* 20 Voir, p.ex., Protocole sur
la traite des personnes, art. premier, 3 et 5.
* 21 Voir p. ex. circulaire du
secrétaire général de l'O.N.U. (1999), art. 8 al. c.
* 22 Ensemble de règles
minima pour le traitement des détenus (1955), règles 9 à
20.
* 23 Conseil de
sécurité de l'O.N.U. res. 770.
* 24 TPIY, affaire Le
Procureur c. Zlatko Aleksovski, jugement.
* 25 Ensemble de
règles minima pour le traitement des détenus (1955), Règle
7 ; Règles pénitentiaires européennes (1987), règle
8 ; Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises
à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement (1988),
principe 16 ; Circulaire du Secrétaire général de l'ONU
(1999), art. 8, al. a).
* 26 Statut du TPIY, art. 3,
al. 1 e) ; Statut du TPIR, art. 4, al. 1 f) ; Statut du TSSL, art. 3, al. 1,
f).
* 27 Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, art. 9, par. 2. Voir également
Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises
à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement,
principes 10, 11, 12, par. 2, paragraphe 1 a et paragraphe 2, et
principe 14 - Assemblée générale des Nations Unies,
résolution 43/173 du 9 décembre 1988.
* 28 Ensemble de principes,
principe 32. Voir également Comité des droits de
l'homme,Commentaire général N° 29, par. 11.
* 29 Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, art. 9, par. 4.
* 30 Protocole II à
la convention sur les armes classique, tel qu'il a été
modifié (1996), art.3, par. 7.
* 31 Protocole III à
la convention sur les armes classique (1980), art. 2, par. 1.
* 32 Convention d'Ottawa
(1997), préambule.
* 33 Statut de la CPI, art.8,
par. 2 al. e) i).
* 34Projet de Protocole
additionnel II soumis par le CICR à la CDDH, art. 26, par. 3.
* 35 Protocole II à
la Convention sur les armes classiques, tel qu'il a été
modifié (1996), art. 3, par. 8.
* 36 Protocole II à
la Convention sur les armes classiques, tel qu'il a été
modifié (1996), art. 3, par. 10 ; Deuxième Protocole
à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels
(1999), art. 7.
* 37 Assemblée
générale des Nations Unies, rés. 2444 (adoptée
à l'unanimité, par 11 voix pour).
* 38 Assemblée
générale des Nations Unies, rés. 2675 (adoptée par
109 voix pour, 0 contre et 8 abstentions).
* 39 Convention de La Haye de
1954 pour la protection des biens culturels, art.4.
* 40 Statut de la CPI, art.8
par.2, al. e) xii).
* 41 Statut de la CPI, art.8,
par.2, al. e) iii).
* 42 Statut de la CPI, art.
8, par. 2 al. e) iv).
* 43 Protocole II à la
convention sur les armes classiques, tel qu'il a modifié (1996), art. 2,
par.6 ; deuxième protocole relatif à la convention de la Haye
pour la protection des biens culturels (1999), art. premier, par. 6.
* 44 Protocole III à la
convention sur les armes classiques (1980), art. premier, par. 3.
* 45 Statut de la CPI, art. 8,
par. 2, al. e)
* 46 Convention sur les
armes chimiques (1993), art. premier.
* 47 Convention sur les
armes chimiques, art. 22
* 48 Convention sur les
armes chimiques, art. 1par. 1, 2 et 4.
* 49 Protocole II à la
Convention sur les armes classiques (1980), art. 6, par. 1; Protocole II
à la Convention sur les armes classiques, tel qu'il a été
modifié (1996), art.7, par. 1.
* 50 Convention sur les armes
classiques, art. premier amendé.
* 51 Statut de la CPI, (art.8,
par.2, al. e, vii)).
* 52 Convention relative aux
droits de l'enfant (1989), art. 38.
* 53 Charte africaine des
droits et du bien-être de l'enfant (1990), art.22.
* 54 Comité des
Nations Unies sur les droits de l'enfant, rapport sur la deuxième
session, doc.
Nations Unies CRC/C/10, 19 octobre 1992,
* 55 Voir, p. ex., Conseil de
sécurité de l'ONU, rés. 1325 ; Conseil économique
et social des Nations, res. 1998/9 ; Commission des Nations Unies pour les
droits de l'Homme, res. 1998
* 56 P.1, art. 76
* 57 IVeme
Convention de Genève, art. 89 et art. 132.
* 58 IVeme
Convention de Genève, art 127.
* 59 Convention de
Genève de 1906, art. 26 ; Convention de Genève de 1929, art.
27.
* 60 Ie Convention de
Genève (1949), art. 47 ; IIe Convention de Genève (1949), art. 48
; IIIe Convention de Genève (1949), art. 127; IVe Convention de
Genève, art. 144 ; Convention de La Haye pour la protection des biens
culturels, art. 25.
* 61 Statuts du Mouvement
international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, adoptés par la
XXVe Conférence internationale de la Croix-Rouge à Genève,
23-31 octobre 1986, art. 5, par. 2al. c) et g) respectivement.
* 62 Deuxième protocole
à la convention de la Haye pour la protection des biens culturels, art.
16 par.2, al. a).
* 63 Convention sur le
génocide (1948), art.6.
* 64 Charte des Nations Unies,
art. 24, par. 1.
* 65 Charte des Nations Unies,
art. 36 à 38.
* 66 Charte africaine des
droits et des peuples, art. 60.
* 67 Carte africaine des droits
de l'homme et des peuples, art. 61.
* 68 Voir art. 4 du Projet
d'articles sur la responsabilité de l'État (2001), adopté
en 2001 après plus de 40 années de travail. Ces articles
«ont pour objet d'énoncer (...) les règles fondamentales du
droit international relatives à la responsabilité de
l'État pour fait internationalement illicite»
* 69 Ie Convention de
Genève, art. 51; IIe Convention de Genève, art. 52 ; IIIe
Convention de Genève, art. 131; IVe Convention de Genève, art.
148.
* 70 Deuxième Protocole
à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels, art.
38.
* 71 Voir Projet d'articles sur
la responsabilité de l'État (2001), art. 5 (la
responsabilité de l'État vis-à-vis de telles personnes ou
entités est limitée à leur comportement aussi longtemps
qu'elles sont habilitées à exercer des prérogatives de
puissance publique et qu'elles agissent en cette capacité).
* 72 Protocole additionnel II,
art.1, par.1
* 73 Protocole II à la
Convention sur les armes classiques, tel qu'il a été
modifié, art. 14; Statut de la CPI, art. 8 et 25; Deuxième
Protocole à la Convention de La Haye pour la protection des biens
culturels, art. 15 et 22.
* 74 Convention d'Ottawa,
art. 9; Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux
droits de l'enfant concernant l'implication d'enfants dans les conflits
armés, art. 4
* 75 Statut du TPIR, art. 4 et
5 ; Statut du TSSL, art. premier.
* 76 Voir, p. ex., Statut de la
CPI, art. 25 ; Statut du TPIY, art. 7; Statut du TPIR, art. 6 ; Statut du TSSL,
art. 6.
* 77 Ire Convention de
Genève, art. 49 ; IIe Convention de Genève, art. 50 ; IIIe
Convention de Genève (1949), art. 129; IVe Convention de Genève,
art. 146; Convention de La Haye pour la protection des biens culturels, art. 28
; Deuxième Protocole à la Convention de La Haye pour la
protection des biens culturels, art. 15
* 78 Statut de la CPI, art. 25,
par. 3; Statut du TPIY, art. 7, par. 1; Statut du TPIR, art. 6, par. 1 ; Statut
du TSSL, art.6
* 79 Statut de la CPI, art.
25, par. 3, al. b)
* 80 Statut de la CPI, art. 33
; Statut du TPIY, art. 7, par. 4 ; Statut du TPIR, art. 6, par. 4 ; Statut du
TSSL, art. 6, par. 4
* 81 Statut de la CPI, 6, 7 et
8.
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