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Réseau social d'entreprise: discours éthique, entreprise nouvelle ?

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par Anaà¯s Djouad
Institut d'administration des entreprises Savoie Mont- Blanc  - Master 2 hypermédia et communication 2012
  

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ÉTHIQUE ET CITOYENNETÉ :

TRANSFORMATION DE LA SOCIÉTÉ,
TRANSFORMATION DE L'ENTREPRISE.

Notre société qui change.

A l'ère des nouvelles technologies, des modèles de communication qui se transforment, le monde du travail est remis en question par les salariés, par les managers, jusqu'à la gouvernance la plus haute de la pyramide hiérarchique des entreprises.

La pyramide de Maslow est mise en doute, de nouveaux concepts de management et d'architecture socioprofessionnelle voient le jour : management des idées, horizontalité des échanges, transversalité de l'information,... La société se transforme, évolue, avec des populations occidentales de plus en plus critiques envers leurs politiques mais aussi dans leur rapport au monde : bien-être, achat durable, éthique de consommation, responsabilité envers les générations futures...

Le monde du travail, constitué de ces hommes et femmes, est lui aussi impacté par ces changements. L'explication générationnelle est souvent mise en première position quand il s'agit de définir une nouvelle perception du monde du travail. Sylvain Hudelot, CIO chez Orange, affirme que les jeunes générations, qui représentent les nouveaux entrants de l'entreprise, ont une idée de la carrière professionnelle, une approche de leur implication envers le groupe, (l'entité travail) très différentes de celles de leurs parents et grands-parents. Pour lui, l'affirmation de soi a travers le travail n'est plus une condition sine qua non de leur bien-être ; l'acceptation de règles et de normes de conduite, d'exécutions de tâches, n'est donc plus un dogme et peut être remise en question a tout moment.

Aujourd'hui on s'attache donc moins a notre personne en tant que bon salarié d'une société, qu'à notre être qui se demande ce que peut lui apporter concrètement l'entreprise, les possibilités d'action qu'elle lui laisse et son adhésion a celles ci. Autre problématique nouvelle pour l'homme : mon train de vie personnel est-il en accord avec mon train de vie professionnel ? (et non l'inverse).

Bien sûr il s'agit ici d'idéal, pas forcément formulé par tous, mais c'est une tendance qui se développe massivement et qui est parfois en conflit avec la vision classique des dirigeants sur ce que doit être un salarié.

Éthique et Responsabilité Sociale et Environnementale.

Ainsi, si l'on considère ces nouveaux questionnements, ces nouveaux moteurs qui relient le personnel et le professionnel autour d'une réalisation, d'une valorisation de l'être, coïncidant avec ses nouvelles volontés d'étant, au sein d'une globalité, connectée d'abord avec des valeurs fondamentales de bien-être, de respect de son existence et de celle des autres, on comprend le retour en force du concept d'éthique. Et ce, autour des produits de consommation (nourriture, habillement, produits d'entretien ou même tablettes de chocolat) mais aussi dans l'entreprise. Ce nouveau rapport à soi et au monde qui croît au sein de l'opinion publique pousse les Chefs d'états à formaliser dès 2002 (Sommet de la Terre de Johannesburg), La Responsabilité Sociétale ou Responsabilité Sociale et Environnementale.

A l'origine Soft Law (pas de sanctions juridiques clairement énoncées pour les entreprises qui ne respectent pas la RSE*) mais néanmoins nouveau guide pour les entreprises désireuses d'entrer dans une logique éthique a plusieurs niveaux (l'environnement, le citoyen, le monde des affaires), la RSE s'intègre en 2010 aux lois environnementales du Grenelle de l'environnement qui en découlent. Les entreprises du Cac 40 se voient alors dans l'obligation de respecter la RSE. Elle devient alors Soft Law en interne :«Les chartes, codes de conduite, et pactes sociaux sont des «formes de régulation» appelées communément Soft Law. En effet, par ces documents, des acteurs d'entreprises se placent en responsabilité face à la communauté sociale. Les acteurs se positionnent en situation de devoir faire ce qu'ils ont compris qu'on attendait eux. Il s'agit donc d'acteurs qui se constituent en sujets responsables de leurs actes. C'est une initiative unilatérale oi les acteurs se placent sous la contrainte de leur propre parole» (R. Huet, L'éthique en communication, 2010).

En France, elle engage les entreprises du territoire à respecter un certain nombre de valeurs dites éthiques autour de thématiques telles que l'environnement, l'environnement au travail, le salarié citoyen ou encore la responsabilité de l'employeur face a ses salariés,...

La responsabilité sociétale (le terme avait été initialement choisi pour éviter la connotation française du terme sociale, ndlr ) est donc adoptée en 2010, par 86 pays, et fait alors l'objet d'une norme, la norme ISO 26000 : «Inquiets des conditions de travail des salariés face aux pratiques de certains grands groupes» (wikipédia), des groupes de travail internationaux, fortement organisés autour de représentants d'entreprises, formaliseront la norme.

Cette prise de conscience est donc érigée en loi par nos institutions et engage des chantiers dans nombre de grandes entreprises, qui auront aujourd'hui tendance a dire qu'elles ont pensé le changement bien avant la RSE. On parlerait donc d'un courant éthique global qui a miraculeusement investi toutes les strates de la société, depuis la tablette de chocolat jusqu'à la gouvernance des multinationales.

Quel lien alors avec l'outil Réseau Social d'Entreprise ? Pourquoi, mis à part la similarité du sigle RSE, devrait-on faire un parallèle entre l'éthique et l'instauration du Réseau Social d'Entreprise, nouvel outil de centralisation des communications et des échanges pour l'entreprise ?

Le social comme concept novateur.

Qu'en est-il du concept de social ou societal que l'on retrouve dans la norme ISO 26000 et dans le sigle RSE ? On aura compris que les entreprises tentent de redéfinir leur propre système en le basant sur les mécaniques sociales (nous utiliserons ce terme, plutôt que celui de societal largement abandonné dans les discours d'aujourd'hui) des sociétés elles-mêmes (nous parlons des sociétés occidentales basées sur des principes démocratiques, capitalistes), au vu des transformations que celles-ci vivent. «Les exigences des consommateurs, des investisseurs, des salariés et plus globalement des citoyens, font apparaître une demande sociale croissante en faveur d'une plus grande intégration de l'éthique dans la vie des entreprises. Cette vague éthique est accompagnée par la transformation des pratiques de management : l'apparition, dans les grandes entreprises, de plusieurs mécanismes éthiques témoigne de l'importance des innovations introduites dans les systèmes de gestion» (Mercier, 2004).

Social et Management.

C'est donc en redéfinissant leurs principes de management internes et externes que les entreprises tentent de réconcilier éthique citoyenne et éthique d'entreprise. Le management qui se veut nouveau, comme le management des «idées», -ou SMI (Système de Management des Idées) -concept mis en lumière par un dirigeant d'entreprise viennois, Siegfried Spahl, en 1974, (et que l'on retrouve dans l'interview d'IBM) repose sur le fait que l'innovation participative est bénéfique pour l'entreprise. Pour la mettre en marche, il faut que le manager collecte les idées de chacun, les mettent au jour et reconnaisse pour chaque idée novatrice, l'auteur de celle-ci au sein de l'organisation. Le simple fait d'ajouter idée à management permettrait aujourd'hui de saisir, voir justifier, la dématérialisation des savoirs et de fait, de rebooster une dynamique qui viendrait non plus de processus cloisonnés et linéaires car : «une organisation bien rôdée, c'est toujours l'aménagement d'une routine. La routine permet l'action automatique, dégagée des interrogations superflues, des remises en questions lourdes d'hésitations. La routine éloigne le besoin d'analyse» (Rodin, 2011)-. Mais cette dynamique viendrait de l'intelligence collective, portée par l'innovation technologique, au service de l'individu puis de l'entreprise. « Tous deux, March comme Mintzbergh, se demandent si la théorie des organisations ne devraient pas viser a une théorisation de l'activité collective plutôt qu'à une théorisation de la décision, l'organisation apparaissant comme un système d'action coopérative et une création dialogique continue» (Lorino, Sciences du Management, p.69). Le concept va jusqu'à décrier des systèmes managériaux plus classiques, forcément obsolètes de par leurs principes de hiérarchisation, sectorisation, découpage de l'entreprise en silos hermétiques,... Tout cela est gommé -et c'est, a priori, une révolution positive dans l'évolution de l'architecture de l'entreprise- pour être remplacé par une architecture plus humaine, qui permet la transversalité des échanges, l'innovation collective, la concentration des connaissances, le décloisonnement des métiers et enfin, le respect de l'individu en tant que citoyen de l'entreprise.

D'oi la formalisation explicite des ces principes managériaux dans les chartes d'éthiques.

Par quelles mécaniques le terme de social est-il injecté ou réinjecté dans la philosophie des entreprises ? Comment peut-on considérer le social comme concept novateur au sein d'une organisation ? Comment le RSE (Réseau Social d'Entreprise) permet cette mise en oeuvre ?

L'éthique comme concept porteur.

L'épistémologie de l'éthique et de la morale, via la lecture et l'analyse du livre de Samuel Mercier (2004) qui repose en partie sur la définition de l'éthique selon Jacqueline Russ (Evidences et Ethique, 1994) et sur le travail épistémologique de J.J. Wunenburger (19993), nous permet de différencier l'éthique de la morale. La morale reflète un concept d'éthique comme loi universelle érigée pour une raisonnabilité de l'humain, alors que l'éthique serait un cadre moral associé à un état, un groupe, une communauté, donc périmétrée au sein d'une organisation qui définit ses propres règles ou codes éthiques selon ce qu'elle est/représente, en adéquation avec la morale universelle (elle se différencie mais ne va jamais a l'encontre de la morale universelle).

La RSE amène donc les entreprises à formaliser les comportements dits éthiques en son sein, dans un principe de «légitimité sociale» (Mercier, 2004), via une charte d'éthique qui tend à définir les bons comportements et le meilleur système de management qui permet de répondre à ces bons comportements.

Comment le RSE permet a des entreprises d'organiser une nouvelle vision éthique de son organisation auprès des salariés ? Comment les technologies de l'information et de la communication portées par le RSE contribuent-elles a porter le discours d'éthique nouvelle que tente de mettre en place l'entreprise ?

Le design porteur de sens.

Ce qui frappe dans les discours qui accompagnent la conduite du changement (c'est a dire la mission de transformation des usages quotidiens liés aux métiers de l'entreprise en intégrant le RSE comme nouvel outil de communication et d'information entre les salariés, mission générée par la gouvernance -la Direction- et portée par les «communicants» inter-métiers de l'entreprise : les Top managers, les Community Managers, la Direction des Services Informatiques ou DSI, les Ressources Humaines ou RH,...) c'est le peu de valeur donnée au design de l'objet dans son ensemble.

Ce qui porte et sous tend l'ensemble des discours, insiste principalement sur la finalité du RSE, mais rarement est fait écho de la maniabilité, de la visibilité, de la lisibilité. Tout ce qui permet de coordonner une finalité réellement efficace.

Ce qui marque la transformation des échanges dans nos sociétés hors cadre professionnel, est bien sûr la naissance du Réseau, le World Wide Web, la «toile d'araignée mondiale». Nous n'allons pas refaire l'histoire du web, mais il faut néanmoins pointer l'évolution vers le web 2.0 défini par Tim O'Reilly pour comprendre les principes fondamentaux de l'entreprise 2.0, celle qui repose sur des principes d'interactions, d'échanges, de partages de savoir, de productivité dématérialisée et supportés par des TIC* tels que le RSE. L'exemple le plus parlant est celui d'IBM. Je vous invite a lire l'interview de Pierre Milcent et Muriel Blondin réalisée dans le cadre de ce mémoire qui considère sa plateforme RSE comme l'outil de travail principal des salariés de l'entreprise. Cela amène ses concepteurs à penser déjà une prochaine version qui intégrera le cloud-computing* avec l'intégralité des outils bureautiques et administratifs utilisés pour toutes les tâches liées à la productivité.

La plupart des personnes que nous avons pu interviewer n'hésitent pas a faire un parallèle, en matière de design, entre leur propre outil RSE et les RSP ou Réseaux Sociaux Privées tels que Facebook, Twitter ou encore les RSPP ou Réseaux Sociaux Privés Professionnels tels que LinkedIn ou Viadeo. Véritables exemples, d'après les interviewés, en matières d'ergonomie et d'architecture de l'information. Ils citent aussi les outils (ou web parts*) qui contribuent à la centralisation et diffusion de l'information, a la communautarisation, ou encore a la navigation thématique, les systèmes RSS*, les principes de feedbacks synchrones et asynchrones.

Quel design de l'information pour le RSE ? Comment l'entreprise 2.0 prend-elle en compte le design de l'objet RSE ? Quels liens entre le design de l'objet RSE et la volonté de transformation des échanges de l'entreprise ? Quels sont les mécaniques portées par le design de RSE qui participent à la transformation du management, et donc aux changements du monde du travail ?

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand