4.2. Brève histoire des techniques
d'épuration
- lagunage (1870) : Conçu en
France par le Dr Girardin, le lagunage se présente sous la forme d'un
bassin constitué de végétaux épurateurs en
séquence (le dernier élément est une cressonnière).
En Allemagne, un étang à poissons complétait le
système. En 1911 (et jusqu'en 1950), Strasbourg est devenu la plus
grande ville assainie avec un lagunage (procédé Dr Hof),
c'est la STEP de la Wanzenau. Le procédé est
désormais très répandu dans de nombreux pays, en
particulier en région chaude.
- lits bactériens immergés
(maximum de 100 l/m2/j) (1868) : Sur la
base de sols reconstitués en laboratoire, Müller à Berlin
(1865) et Franklin, à Londres (1868) imaginent le procédé
aujourd'hui connu sous le nom de lit bactérien, un premier prototype est
réalisé (4000 m2 pour 15 000 hab). En 1890, Hazen
conduit des travaux sur un filtre à gravier qui deviendront
célèbres à la station de Lawrence (Mass., USA). Les 1ers
lits sont à contact, alternativement immergés puis vidés
par siphonnage (reproduction de l'épandage agricole des ERU). Le
procédé Dibdin met en oeuvre 3 lits remplis de matériaux
à granulométrie décroissante (souvent du mâchefer).
Puis, Cameron invente un nouveau procédé en ajoutant une fosse
septique (long temps de séjour pour assurer une bonne
liquéfaction et décantation) avant filtration. En France, le Dr
Calmette et l'ingénieur Bezault proposent des procédés
similaires. En France, Serge Winogradsky fait d'importantes découvertes
sur la nitrification et l'autotrophie, les lits bactériens nitrifiant
très bien. Pour revenir à la place de la fosse septique,
l'étape anaérobie en tête a conduit en Allemagne à
des procédés aérés séquentiellement (c'est
la filière des disques biologiques).
Remarque :
? Il n'y a pas de boue et l'aération est
réalisée de façon naturelle avec les bulles d'air
coincées dans le support
? Les premiers tamis sont installés en 1910 (5 cm de
maille),
? si les champs d'épandage ont permis de traiter les
premières eaux usées, les massifs d'infiltration (sables
calibrés) ont permis d'accélérer la vitesse du
processus (aération naturelle). On peut citer Waring, 1891 et le filtre
Ducat (1.2 m/j et H=1.2 m).
- lits bactériens à percolation (1900) :
Nous pouvons retenir principalement 2 procédés qui ont
permis de réaliser des constructions longitudinales :
? Un procédé par aspersion avec des orifices
sur des conduites posées sur le lit (simple mais coûteux),
? Un procédé par aspersion par pont baladeur
à va et vient (simple mais mécaniquement complexe).
Les Anglais font beaucoup de recherches :
1- est réalisé le premier ajutage projetant
l'effluent
2- sont imaginés les premiers distributeurs rotatifs
(1896 - 1897, Corbet) qui atteignent la vitesse de 6 m/s,3- petit à
petit, des tourniquets hydrauliques sont mis en place en adaptant les
techniques de l'irrigation à des bassins circulaires.
Il n'y a pas de boues produites. Plus tard, on perfore le
radier pour assurer une aération par haut et bas. Des lits de tourbe
furent aussi utilisés (Dr Rouchy au "jardin modèle des
épandages de la ville de Paris"). Aujourd'hui, le procédé
SESSIL (Stéreau) propose une variante moderne de ces ancêtres.
- la digestion anaérobie (1904) : Sur
la base des observations de fermentation des décharges et des
"tinettes", les premières expériences ont lieu en Grande Bretagne
avec Travis et son "hydrolytic tank". Auparavant et dès 1883, on peut
rappeler les célèbres "vidangeuses automatiques" de Mouras qui
ont été violemment combattues par les "hygiénistes".
Cameron, en 1895, a été un précurseur avec la station
d'Exter (GB). C'est en 1907 qu'est brevetée la fameuse fosse Imhoff. Cet
ouvrage assure simultanément la décantation dans son compartiment
supérieur et la digestion dans le compartiment inférieur. Ce
procédé est toujours utilisé, avec une nouvelle
fraîcheur grâce au béton armé et maintenant aux
matériaux composites.
Il convient en outre de parler de la digestion des boues
produites lors de l'épuration des eaux. Dès 1899, à la
station pilote de Lawrence (USA), des essais sont réalisés. En
1906, une première digestion des boues en cuve indépendante est
mise en oeuvre à Birmingham mais les odeurs sont épouvantables.
En 1911, le procédé devient continu puis en série en 1912
(2 compartiments), en 1920 (procédé Pruss), la cuve est
réchauffée grâce à la chaleur de combustion du
biogaz.
Mais il est incomplet d'évoquer la digestion des boues
sans aborder le problème des filasses (cheveux, poils, papiers toilette
: 12 g/hab/j) qui s'accrochent aux hélices assurant le mélange.
En effet, pour répondre à ces dysfonctionnements, le brassage au
biogaz a été inventé. Jusqu'en 1950, la digestion
anaérobie des boues est très pratiquée pour stabiliser et
réduire le volume des boues produites, mais l'énergie commence
à devenir bon marché...
En ce qui concerne le traitement des boues, la première
moitié du 20ème siècle voit quelques exemples
de filtration sous pression, mais l'échelle industrielle est atteinte
après la guerre de 39-45 avec la STEP de Milwaukee. En GB, sont
préférés les filtres presses tandis qu'aux USA, les
techniciens adoptent préférentiellement les appareils rotatifs en
continu. Une dernière remarque historique concerne les digesteurs
réalisés au camp de concentration d'Auschwitz, construit en
1939...
- les boues activées (1910) : Sur la
base d'essais de dilution d'eaux d'égouts avec de l'eau de mer en 1893
à New York (épidémie de choléra en 1892), Fowler,
Directeur des eaux de Manchester avance l'hypothèse que
l'épuration est l'oeuvre de bactéries et que l'oxygénation
est due aux algues. L'expérience suivante est réalisée
:
? Saturation eau d'égout à l'air
(oxygénation)
? Décantation des suspensions
? Extraction du surnageant
? mélange de la "boue" avec de l'eau d'égout
? resaturation à l'air etc...
? l'eau extraite est purifiée"
En 1914, les chimistes Adern et Locket de Manchester
déposent le 1er brevet sur "les boues activées". En
1920, Jones et Atwood, industriels anglais commanditaires de Adern et Locket
mettent au point les premières turbines de surface et définissent
le procédé nommé "simplex", qui opère en "continu"
et non plus en mode séquentiel. Ce système met en oeuvre une
aération par turbine de surface et une décantation dans des zones
tranquillisées par déflecteur (ancêtre des
bassins-combinés et du SBR).
Plus tard, apparaissent le procédé Sheffield par
génération de houle (en service au Mont-Mesly jusqu'en 1970) et
le procédé Kessener qui mettait en oeuvre des brosses
transversales sur un carrousel. Nous le verrons dans la partie technique de
l'exposé, mais le procédé dit à boues
activées exige un apport d'oxygène important associé
à un brassage énergique (de l'ordre de 30-40 W/m3 de bassin).
C'est pourquoi, de nombreux dispositifs et procédés ont
été imaginés, tant du point de vue de
l'efficacité, de la fiabilité, de la souplesse d'utilisation,
etc...
Dés 1920, des technologies par insufflation d'air ont
été développées (plaques poreuses analogues aux
plaques ciment poreux pour AEP : Adduction en Eau Potable), puis des tubes
poreux en céramique suivis par des plaques idem. Il y eu même une
aération par cascade en forme de cône avec des marches circulaires
! Aux Etats Unis, les stations se développent (San Marco, Texas : 450
m3/j en 1916; Milwaukee I : 7 500 m3/j en 1916; Houston, 21 000 m3/j en 1918;
Milwaukee II : 170 000 m3/j; Indianapolis en 1925 : 190 000 m3/j et enfin,
Chicago en 1927 : 660 000 m3/j !!!).
Ces premiers procédés étaient en
général issus de recherches appliquées et ce n'est
qu'après la guerre et le développement de la biologie que de gros
progrès dans la compréhension des boues activées virent le
jour. On assiste au développement de 2 écoles,
l'américaine, avec des temps de séjour de 3 à 6
h (forte densité de population) et la britannique, avec des temps de
séjour de l'ordre de 24 h (aération prolongée).
En 1950, Chudoba conçoit des bassins combinés,
à alimentation en tête, à réactivation ou
étagée. De son côté, Pasveer met au point
l'aération prolongée (oxydation totale) et précise les
connaissances sur la nitrification, on réalise alors 2 bassins (1 forte
charge suivi de 1 faible charge), c'est la phase endogène.
Un peu plus tard, en Afrique du sud, et compte tenu des
problèmes d'eau, de nombreuses recherches furent menées
très tôt. Furent découverts la dénitrification en
zone anoxie et en zone endogène, et, plus récemment, la
déphosphatation biologique en zone anaérobie. Mais,
procédé efficace et "relativement" simple, les boues
activées ont des inconvénients (filamenteuses,
clarification...).
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