Etude de la condition de la femme face à la violence du terrorisme intégriste dans le recueil de nouvelles « Oran, langue morte » d'Assia DJEBAR( Télécharger le fichier original )par Lamia AKERMOUN Université Saad Dahleb de Blida - Licence de français 2010 |
I-2) ETUDE DES REPERES SPATIO-TEMPORELS
Nous tenterons, dans ce chapitre, d'analyser les repères spatio-temporels qui s'avèrent intéressants en vue de situer le récit dans le temps et dans l'espace, par rapport aux événements récents qui ont secoué le pays. I-2-1) ETUDE TEMPORELLE DU RECITLa notion du temps nous permet d'enchaîner les idées du début jusqu'à la fin de l'histoire, ainsi que de reconnaître certains faits historiques : « Le temps est le deuxième concept qui nous permet d'ordonner nos perceptions en une représentation du monde.»10(*) Cependant, lorsqu'on effectue une étude temporelle pour un roman : Il faut considérer à la fois le temps externe à l'oeuvre, c'est-à-dire l'époque à laquelle vit, ou a vécu, le romancier d'une part, celle du lecteur de l'autre [...] et le temps interne à l'oeuvre : la durée de la fiction, la façon dont la narration en rend compte, le temps de la lecture. 11(*) En ce sens, le temps externe serait en relation avec les circonstances de l'apparition du roman, et ce qui a influencé l'écrivain. Tandis que le temps interne concerne l'oeuvre, sa fiction, sa narration et sa lecture.
Dans le cas de notre corpus d'étude, l'auteure a choisi une chronologie très symbolique bien que les faits historiques sont à peine évoqués. En effet, cet ouvrage, à voix multiples, nous permet de rendre compte de l'influence des événements, qui ont bouleversé le pays, sur la vie des personnages. Chacune des nouvelles que nous étudions en témoignent dès l'incipit : « En ce temps là, chaque jour m'apportais sa nouvelle luisante de suie, sa nouvelle de mort : assassinat d'un ami, d'une femme aimée ou admirée, d'un vieux professeur perdu de vue [...] En cette fin 1993, je revis ma fièvre d'il y a deux ans.»12(*) « La nuit avant la mort de Mourad, j'ai été réveillée à deux heures du matin »13(*) « Alger, 1994, Atyka professeur de français »14(*) Nous constatons, dans ces trois passages, la réalité quotidienne algérienne de la décennie noire, qui devient de plus en plus oppressante, où les algériens se sont trouvés confrontés à la violence islamiste. A travers ses narratrices, Assia Djebar évoque la tragédie historique de la décennie précédente.
Nous remarquons que ces nouvelles ne comportent que très peu de dates dans les pages soixante quinze et cent soixante sept qui sont des dates très significatives dans l'histoire de l'Algérie : « 1993, 1994 » : deux dates qui marquent le début de l'idéologie intégriste en Algérie qui, peu à peu a embrasé la plupart de ses villes. Sinon, ce sont d'autres indices qui nous ont permit la traversée de cette décennie tels que l'oppression, la mort et la fuite : « L'homme barbu me suivait, notait ou je pénètre, prévenait aussitôt ses acolytes ? »15(*) « Nawal [...] Il y a six mois, son corps a été déchiqueté par une bombe placée dans sa voiture »16(*) et « Atyka, tête coupée [...] Une mare de sang s'étale sur sa nuque. »17(*)
Ces passages témoignent de la violence des extrémistes à l'égard des femmes qui ont osé sortir sans voile, ou alors celles qui se sont révoltées contre eux. Ceux-ci sont représentés dans le texte sous le nom du barbu.
En ce qui consterne les temps internes, nous remarquons que la romancière ne donne pas de précisions sur les dates. Elle se contente le plus souvent d'expression de type : « Nous chantions dans ce soleil de novembre »18(*) ou alors : « Atyka ce matin de soleil se hâte vers le lycée »19(*) Seules les quelques précisions, citées précédemment, nous permettront d'établir des liaisons de temps entre le récit et la réalité. Nous signalons que l'histoire de La fièvre dans les yeux d'enfant a duré une semaine durant laquelle Isma rencontre un ethnologue somalien. Cette liaison est longuement relatée dans ses lettres. Cependant, nous signalons quelques analeps qui nous renvoient à la jeunesse de la narratrice plus précisément son arrivée à la capitale : « A vingt ans, étudiante à peine débarquée à la capitale, je paraissais me semble-t-il cinq ou six ans de plus » 20(*) Et à propos de son mari : « Il s'était tu. Ensuite une heure après environ [...] Nous étions encore au lit, moi nue, à l'ordinaire, entre ses bras-il avait alors décrit le spectacle que le garçonnet de six ans (lui, cet été 1960) avait fixé en silence, n'avait pas oublié »21(*)
Quant à l'histoire de L'Attentat, elle traite deux journées, la nuit avant la mort de Mourad et la journée qui s'en suit. Ce n'est qu'à la fin de l'intrigue que la narratrice évoque les quarante jours de son époux : « Quarante jours après, oui. Comme si Mourad avait quitté la maison pour de bon. Je ne l'avais pas cru, jusqu'au là, malgré l'évidence. »22(*)
En fin, dans La femme en morceaux, Assia Djebar rapporte la progression de cinq jours dans lesquels de déroulent les cinq leçons de Atyka sur le conte des Mille et une nuits : « C'est la fin du deuxième cours d'Atyka pour sa classe de seconde [...], C'est la fin de la troisième leçon d'Atyka [...] demain (le cinquième jour) aurai-je fini le conte ? »23(*) * 10 J.P.Goldenstein, Pour lire le roman, Bruxelles, Deboeck-Du Culot, 1988, p 103 * 11 Idem, p 103 * 12 Assia Djebar, Oran, Langue morte, Op.cit, pp 71-75 * 13 Idem, p 139 * 14 Idem, p167 * 15 Idem, p76 * 16 Ibidem, p 76 * 17 Idem, p 211 * 18 Idem, 1 104 * 19 Idem, p 186 * 20 Idem, p 79 * 21 Idem, p 99 * 22 Idem, p180 * 23 Idem, pp180, 189, 207 |
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