La présence ecclésiale en milieu hospitalier: le cas de l'archidiocèse de Bangui en République Centrafricaine( Télécharger le fichier original )par Elkana NDAWATCHA Université catholique d'Afrique Centrale Yaoundé - Baccalauréat canonique en Sciences Religieuses 2002 |
CHAPITRE IIIPERSPECTIVES PASTORALESAujourd'hui, le texte de la guérison de la belle-mère de Simon garde toute sa pertinence pour la pastorale en milieu hospitalier. L'Eglise peut s'en inspirer pour réviser sa présence à l'hôpital comme le pense Mario ALBERTON37(*). C'est ce que va proposer ce chapitre qui portera primo sur la proximité entre Jésus et le malade, secundo sur la médiation entre Jésus et le malade. III. 1. LA PROXIMITE ENTRE JESUS ET LE MALADEUn survol de l'Evangile de Marc permet de nous apercevoir de la place que le Christ accorde aux malades. Neuf chapitres sur seize sont consacrés aux relations de Jésus avec les malades (Mc 1, 21-28 ; 29-31 ; 32-34 ; 40-45 ; 2, 1-12 ; 3, 1-6 ; 5, 1-20 ; 21-34 ; 6, 53-56 ; 7, 24-30 ; 31-37 ; 8, 22-26 ; 9, 14-29 ; 10, 46-52). Sa rencontre, avec la belle-mère de Simon, laisse percevoir toute une démarche personnelle et profonde. Il porte une grande attention à cette femme, car, dès qu'Il apprend la nouvelle, Il se rend aussitôt à son chevet. Son attention est réelle, physique. Il voit, regarde, s'approche, prend la main, touche. Jésus se pose devant cette malade comme une personne et non comme un thaumaturge. Son comportement très personnalisé le rend proche de chaque malade et Il est capable d'inventer vis-à-vis de chacun, une nouvelle attitude dont la finalité est toujours la même. Les gestes et les actes de Jésus doivent intéresser, tous les chrétiens, mais particulièrement ceux qui prennent en charge la santé des malades. C'est surtout cette approche très personnalisée que désire un malade. La peur de contagion est le plus souvent un élément qui brise la relation avec les malades. Nous avons peur qu'en les touchant, nous nous exposions à leurs maladies. Nous nous mettons hors de leur portée. Jésus nous laisse son bel exemple. Toute son existence se déroule en grande partie dans le monde des malades. C'est en intégrant ce modèle d'approche des malades par Jésus que l'Eglise pourra revoir aussi son mode de présence aux malades et de leur prise en charge. Elle peut créer une proximité à partir de l'eucharistie, du sacrement des malades, de la visite et de l'accompagnement des malades. En effet, l'eucharistie est une forme privilégiée de la proximité de l'Eglise vis-à-vis du malade. Elle témoigne non seulement de la proximité du Christ au malade mais aussi celle de la communauté chrétienne : c'est une double proximité. En effet, la participation du malade à l'eucharistie, s'inscrit dans la tradition de l'Eglise38(*). Elle procure du bien au malade. Par cette célébration, Dieu visite celui qui est atteint dans son être. « Toute communauté chrétienne est un corps où tous sont solidaires et où chacun, quel qu'il soit, a son importance pour l'ensemble. Lorsque l'un d'entre eux est éloigné, il faut créer, inventer des moyens nouveaux de le rejoindre »39(*). L'eucharistie est, ainsi, considérée comme le moyen de se rendre présent, visible au malade isolé, hospitalisé. Elle réconforte et soulage le malade. Célébrer quotidiennement l'eucharistie au milieu et avec les malades, permettra à l'Eglise de s'apercevoir de sa mission vis-à-vis du monde hospitalier et du malade. Avec l'existence de la nouvelle chapelle au sein de l'hôpital, nous proposons qu'il y ait tous les jours la messe comme dans les paroisses. Cela fortifiera le chrétien malade dans sa foi, dans sa maladie et le rendra plus proche de sa paroisse. Si les chrétiens bien-portants communient tous les jours, celui qui est malade a aussi le droit au corps du Christ qui lui procurera force, courage dans la maladie et la foi. Il est bon au cours de la messe de prier pour le malade ; il est encore mieux qu'un membre de l'assemblé ou que le prêtre vienne établir un lien visible de l'Eglise avec le malade : venir à son chevet lui porter la communion. A cela, « la visibilité de l'Eglise n'est pas seulement l'organisation hiérarchique, elle est aussi la présence réelle des uns aux autres dans la charité, prolongeant la présence eucharistique du Christ ».40(*) La célébration eucharistique ouvre à la charité. C'est pourquoi, en plus de la chapelle, un service caritatif peut être envisagé pour aider ponctuellement les démunis. La chapelle et le service caritatif sont pour le malade un grand soulagement spirituel et matériel. La visibilité de l'Eglise au malade doit s'exprimer aussi dans le sacrement des malades. Saint Jacques a souligné l'importance de ce sacrement dans la maladie : « Quelqu'un parmi vous est-il malade ? Qu'il appelle les presbytres de l'Eglise et qu'ils prient sur lui après l'avoir oint d'huile au nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera le patient et le Seigneur le relèvera » (Jc 5, 13-15). N'attendons pas l'agonie pour nous présenter au chevet du malade. C'est une pratique courante. Il y a là, l'urgence d'une prise de conscience du clergé et de la sensibilisation des parents des malades. Dans ce sacrement, il y a l'intervention de la puissance de Dieu et des gestes humains pleins de signification : imposition des mains et onction d'huile. Ces gestes mettent l'Eglise en contact étroit avec le malade. Ils nous rappellent aussi les gestes de Jésus à l'égard des malades. Il les touche, les prend par la main, leur impose les mains ; et fait des onctions d'huile (Mc 6, 13) en vue de la guérison. Ainsi Mario ALBERTON nous dit : « Les gestes, les paroles, les démarches [de Jésus] en faveur des malades seront le modèle de référence qui nous permettra de saisir le dynamisme profond du sacrement de l'onction des malades. Ce dynamisme sera situé aussi dans un contexte plus large, celui des milieux de santé actuels, et éclairé par la doctrine et l'histoire de l'Eglise »41(*). Ce sacrement peut être administré au cours d'une célébration eucharistique ou en dehors de celle-ci. Ce sacrement manifeste la solidarité profonde de la communauté ecclésiale au malade. A travers la personne du prêtre auprès du malade, nous voyons l'Eglise tout entière qui souhaite sa guérison. Dans ce sacrement, nous voyons deux aspects : l'image de Jésus qui prend soin des malades et les guérit et l'image de la souffrance.42(*) Ce double aspect doit attirer notre attention dans notre relation mutuelle les uns avec les autres car « celui qui souffre a besoin, dans sa solitude, de savoir qu'il n'est pas seul dans sa lutte »43(*). Le plus souvent, ce sacrement est mal compris et célébré. Nous attendons les dernières minutes et nous arrivons en urgence pour l'administrer. Il est ainsi vidé de son sens : on dirait un ritualisme ou un formalisme. Dans ces conditions, le sacrement n'est pas un moment de communion ; car, pour l'administrer, il faut d'abord écouter, échanger et rencontrer le malade. Cela crée la proximité. Que la valeur de ce sacrement soit restituée et que sa célébration soit plus communautaire que privée et soit soigneusement préparée en impliquant si possible certains malades. L'eucharistie et le sacrement des malades sont une richesse inépuisable pour l'Eglise et les malades. A côté de ceux-ci, s'ajoutent la visite, l'écoute et l'accompagnement du malade. « La visite aux malades vient recréer la communauté, la communion entre l'Eglise et un des membres »44(*). Dans le récit de guérison de la belle-mère de Simon, c'est Jésus qui se rend dans la famille de Simon et rencontre la malade. Aujourd'hui, le malade est le plus oublié de la société et de surcroît de l'Eglise. Il est le grand absent de notre monde. C'est sans lui que se poursuit la vie. Nous oublions sa présence et ne lui rendons pas visite. Si la société ne le fait, l'Eglise, elle a le pressant devoir de visiter, d'écouter et d'accompagner le malade : « j'étais ...malade et vous m'avez visité...» (Mt 25, 36). Elle doit pousser les bien-portants et les malades à se rendre plus solidaires les uns aux autres car nous formons un seul corps dans le Christ et si un membre souffre tous les membres souffrent (1Co 12, 24-26). Le malade est très peu visité, écouté et accompagné. Or, la visite, l'écoute et l'accompagnement sont les grandes dimensions de la pastorale des malades en milieu hospitalier. L'accent doit y être mis. Les groupes qui rendent visite aux malades, ne passent pas dans toutes les salles des malades et ne prennent pas suffisamment le temps de dialoguer ; certains éprouvent de malaises à entrer dans les chambres surtout des tuberculeux par peur de contagion. Même s'ils entrent, ils préfèrent mettre une réelle distance vis-à-vis du malade. Que toutes les visites au malade soient soigneusement préparées. Car derrière la visite, il y a l'écoute et l'accompagnement. Quand la visite est préparée, elle est fructueuse, profitable et réconfortante. Nous ne venons pas par formalisme pour visiter et écouter. C'est une pastorale très délicate, un ministère. En visitant et en écoutant les malades, nous comprendrons beaucoup mieux leurs problèmes et nous pourrons alors apporter l'aide dont ils ont besoin : aide spirituelle, matérielle, psychologique, familiale, affective et sociale. Le plus souvent, le malade lie sa maladie à des querelles, des antécédents d'envoûtement. La visite et l'écoute sont indiquées pour l'amener à un dépassement de soi, à considérer sa maladie comme un phénomène naturel, à l'accepter et à l'affronter chrétiennement : c'est la méthode psychothérapeutique. Tous ceux qui visitent les malades, doivent avoir une attitude d'écoute, une oreille attentive aux cris, aux doléances des malades. Ces plaintes ne sont pas à négliger ni à balayer d'un revers de main. Elles seront utiles dans la prise en charge psychosomatique et spirituelle du malade. La chapelle servira de lieu de référence, d'accueil et d'écoute des malades qui peuvent se mouvoir. Après la sortie de l'hôpital, le relais sera assuré dans chaque paroisse où seront aménagés des lieux d'écoute, d'accueil et d'accompagnement des malades. Car la présence de l'Eglise doit s'exprimer tout au long de la vie, non seulement pendant la mort ou la maladie45(*). En effet, « Accueillir, écouter la personne qui souffre, en Eglise, pourrait peut-être éviter le recours aux féticheurs »46(*). C'est un des aspects de cette pastorale. Dans cette pastorale, la présence doit être attentive, discrète, non imposante. Présence faite d'écoute, de silence, de dialogue et de soutien dans la lutte47(*). La visite et l'écoute seront régulières et organisées en dehors des heures de services. Visiter et écouter ne sont pas seulement un privilège réservé aux chrétiens. « Tout homme, pourvu qu'il soit [d'] une conscience réfléchie, est capable de comprendre que d'autres ont besoin de sa présence »48(*). C'est donc sans surprise que nous constations à l'heure de visite des incessants va-et-vient à l'entrée de l'hôpital. C'est une attitude toute naturelle pour faire sortir le malade de son isolement. Tous, prêtres, chrétiens, parents, amis et soignants, sont interpellés pour entourer le malade pour qu'il ne soit dépaysé et pour éviter un dangereux repli sur soi ou une ouverture à des mauvais conseillers. Jean BOUCHARD dira ; « La plus grande peine de ceux qui séjournent à l'hôpital est bien connu ; c'est parfois une véritable angoisse : n'avoir aucune visite, ne compter sur personne »49(*). Le fait de visiter un malade, de se mettre près de son lit, est un signe sensible qu'un autre a pensé à lui. De là, il existe pour quelqu'un, la relation est nouée, l'espoir est retrouvé. Jésus de son vivant, visitait les malades dans leur être, les touchait, leur parlait, cheminait avec eux. Aujourd'hui, la communauté chrétienne, en rendant visite aux malades, renouvelle la fraîcheur des gestes de Jésus50(*). Hormis l'existence de la chapelle, l'eucharistie célébrée avec les malades, le sacrement des malades, la visite et l'écoute, le service caritatif, d'autres formes de présence, de proximité peuvent être inventées et définies dans le plan pastoral des malades de l'archidiocèse. L'Eglise doit songer à intégrer l'organisation hospitalière par la formation des agents hospitaliers (chrétiens) et pastoraux qui seront des médiateurs entre l'Eglise et les malades comme les disciples de Jésus et la belle-mère de Simon. C'est une nécessité pour que sa présence, en milieu hospitalier, ait un impact. * 37 Mario ALBERTON, op. cit., p. 19. * 38 Jean BOUCHARD, « La communauté chrétienne et les malades », in Lumière et vie 86, 1968, p. 93. * 39 Ibid. * 40 Ibid. * 41 Mario ALBERTON, op. cit., p. 6. * 42 Philippe BEGUERIE, Claude DUSCHESNEAU, Pour vivre les sacrements, Cerf, Paris, 1991, p. 203. * 43 Ibid. * 44 Jean BOUCHARD, op. cit., p. 94. * 45 Mario ALBERTON, op. cit., p. 162. * 46 René TABARD, op. cit., p. 66. * 47 Jean BOUCHARD, op. cit., p. 100. * 48 Ibid., p. 89. * 49 Ibid. * 50 Mario ALBERTON, op. cit., p. 162. |
|