CHAPITRE PRELIMINAIRE. LA CHRISTIANISATION DU
BASSIN MOSAN.
§1.Le développement du christianisme au
Bas-Empire.
Le christianisme est un des principaux héritages de la
civilisation romaine. Cette religion, qui se veut universelle, se propage de
ses foyers méditerranéens vers les régions rhénanes
en remontant le cours du Rhône. Elle gagne d'abord Trèves, puis la
province de Germania Secunda, qui comprend les villes de Cologne et de
Tongres.1
De très nombreuses hypothèses, des plus folles
aux plus sérieuses, ont été émises au sujet des
moyens de conversion. Si l'on en croit certaines légendes, des proches
de saint Pierre, seraient venus eux-mêmes évangéliser nos
contrées.2 Le rôle de l'armée dans la propagation du
christianisme a souvent été exagéré car nos
régions ont hébergé assez peu de troupes. De Moreau pense
toutefois que de nombreux guerriers nerviens, ménapiens, taxandres,
trévires et tongres, après avoir fini carrière dans
l'armée romaine, sont retournés dans leurs contrées,
convertis à la parole du Christ et qu'ils y auraient répandu la
nouvelle religion. Les fonctionnaires, les banquiers, les artisans et les
marchands venus d'Italie et d'Orient seraient aussi des vecteurs importants de
diffusion du christianisme3. Des recherches récentes ont montré
que la principale caractéristique de la christianisation, avant le IVe
siècle, réside dans le manque de structures et de méthodes
précises. La nouvelle religion se diffuse donc par contact entre la
population païenne et les milieux convertis sans qu'il n'y ait d'intention
particulière de la part de ceux-ci.4
1. PIRENNE, H., Histoire de Belgique, t. 1, Des origines au
commencement du XIVe siècle, 2e éd. Bruxelles, 1929, p. 10.
NEUSS, W., Die Anfänge des Christentums im Rheinlande, Bonn, 1923, pp.
5-6. DIERKENS, A., Superstitions, christianisme et paganisme à la fin de
l'époque mérovingienne. A propos de l'Indiculus superstitionum et
paganiarum, dans Magie, sorcellerie, parapsychologie, Bruxelles, 1984, p.
10.
2. SOUPART, A., le Concile de Thuin au diocèse de
Liège, dans Publications du centre d'histoire et d'art de la Thudinie,
t. 2, Thuin, 1979, pp. 1-3.
3. DE MOREAU, E., Histoire de l'Eglise en Belgique, t. 1, la
Formation de la Belgique chrétienne, des origines au milieu du Xe
siècle, 2e éd, Bruxelles, 1947, pp. 24-27.
4 BEATRICE, P.F., la Christianisation des campagnes pendant
l'Antiquité tardive dans les régions
méditerranéennes. Bilan des recherches et questions de
méthode., actes du colloque du C.I.H.E.C., (25-27 août 1994), t.
1, Bruxelles et Rome, 1996 p. 22.
L'Eglise naissante a besoin de se doter d'une organisation
spécifique. Dès le IIe siècle, la primauté du pape
est reconnue ; les communautés de chrétiens se réunissent
sous l'égide d'un évêque ou d'un métropolitain, qui
détient l'un comme l'autre un pouvoir d'ordre et de juridiction sur le
clergé et les fidèles.5 Dans nos régions, ce
phénomène est observable dès le milieu du IIIe
siècle. Le métropolitain siège dans le chef-lieu d'une
province tout entière, comme Trèves (Belgica Prima) ou Cologne
(Germania Secunda), alors que l'évêque dispose d'une civitas,
c'est-à-dire d'une subdivision administrative de celleci.6 La base de la
hiérarchie ecclésiastique est occupée par les
prêtres, assistés de diacres et de sous-diacres.7
Le premier évêque de la civitas Tongrorum dont la
preuve de l'existence a été dûment établie est saint
Servais ; il entre en fonctions au plus tard en 342-343 et il est cité
pour la dernière fois en 359. L'histoire de sa succession pose
problème aux historiens.8 L'hypothèse d'une vacance du
siège épiscopal jusqu'à la fin du Ve siècle,
époque qui consacre la présence de Falcon à la tête
du diocèse, n'est pas à rejeter.9
|