La célébration des jubilés.201
Après cinquante ans de prêtrise, tout curé
peut fêter son jubilé et glaner ainsi quelques privilèges.
Outre l'exemption d'un certain nombre d'obligations, dont la présence
aux conciles, il s'affranchit de l'autorité de ses supérieurs,
sauf pour les fautes graves. Pour obtenir ces droits, il doit solliciter le
consentement du doyen.
Les festivités débutent par la formation du
cortège des invités, que le doyen emmène au domicile du
jubilaire. Celui-ci les accueille en s'agenouillant devant le chef de la
chrétienté. Il lui demande de lui accorder le privilège du
jubilé. Tous se rendent ensuite à l'église où une
messe sera chantée à la gloire du pasteur. Avant de passer
à table, pour le banquet traditionnel, le doyen offre au jubilaire une
couronne de fleurs et de verdure en signe de reconnaissance pour sa vaillance
et son dynamisme.
Le droit de funérailles.
Les doyens ruraux ont le droit, et même le devoir, de
présider aux funérailles de tous les clercs, de tous les nobles
et de tous les pauvres de leur district.202
En tant que curatus curatorum ou pastor pastorum, le doyen
célèbre les obsèques de tous les prêtres, quels
qu'ils soient, et de tous les clercs, même ceux qui n'ont pas reçu
les ordres mineurs ni même la tonsure.203 Leurs exécuteurs
testamentaires doivent soumettre leur testament au doyen, qui doit l'examiner,
puis le confirmer.
201. Registrum I, f° 112-117. Registrum II,
f° 72-77. CEYSSENS, J., Ibid., pp. 213-214.
202. Registrum I, f° 89-99. Registrum II,
f° 57-62. SOHET, D., Ibid., p. 89. L'assentiment du doyen rural
est nécessaire à l'établissement d'un chapitre sur le
territoire du doyenné. Le doyen profite de sa position pour tirer parti
de la situation : il ne donne son consentement qu'en échange de divers
avantages. Il est ainsi certain d'obtenir le droit de funérailles sur
les religieux. (CEYSSENS, J., Ibid., p. 211).
203. Registrum I, f° 90. Registrum II,
f° 57 v°. CEYSSENS, J., Ibid., pp. 214- 215.
Que faut-il exactement entendre par «noble»? Les
statuts de Susteren, de 1307, indi- quent que sont aussi enterrés dans
l'église des roturiers qui ont porté les armes pour les grandes
familles.204 Une loi de 1549, émanant de l'archidiacre de Hesbaye,
témoigne des difficultés causées par les bellatores
roturiers qui souhaitent que leurs funérailles soient semblables
à celles de leurs collègues nobles. Leur demande a
été reçue. Ordre est donc donné aux doyens de
chrétienté de célébrer aussi la messe d'enterrement
de tous les guerriers. Une différence subsiste néanmoins : le
blason du défunt noble peut toujours être exposé durant les
obsèques. Pour les soldats non-nobles, il est remplacé par les
armes portées par le défunt lors de ses combats.205 Dans le
concile de Maastricht, ce droit revient aux curés de toutes les
paroisses se situant à l'intérieur d'une enceinte. Le curé
de Visé, par exemple, enterre luimême ses paroissiens nobles,
malgré les protestations du doyen de la chrétienté.206
La troisième catégorie regroupe les
comédiens, les prostituées et les vagabonds étrangers et
inconnus.207 Les lépreux en font partie, eux aussi. Aux yeux de
l'Eglise, leur statut est pourtant fort différent. Leur prise en charge
par les doyens dépasse largement le cadre des obsèques.208
Les funérailles des nobles et des clercs comprennent,
bien sûr, la messe d'enterrement, mais aussi l'office de sépulture
ou commendatio super corpus. Le cercueil doit être porté par
quatre prêtres, officiant comme diacres, qui se tiennent aux quatre coins
du cercueil tout au long de la cérémonie. Après la
récitation du Non intres et du Subvenite, ils enton- nent, chacun
à leur tour, le début d'un des quatre évangiles. Entre ces
chants sont prononcées les oraisons, pendant lesquelles le doyen encense
et asperge d'eau bénite la bière et la tombe. Celle-ci se situe
très souvent à l'intérieur de l'église. Avant de
déposer
204. MUNSTERS, A., Ibid., p. 69.
205. DARIS, J., Notices sur les églises de Liège,
t. 12, Liège, 1885, p. 206.
206. CEYSSENS, J., Ibid., p. 218.
207. Registrum I, f° 94. Registrum II,
f° 60. CEYSSENS, J., Ibid., pp. 215-216.
208. Voir paragraphe suivant.
le cercueil dans la fosse, l'assemblée
interprète divers psaumes qui expriment la joie de l'âme à
son entrée dans le monde éternel : le Confitemini Domino, le
Quemadmodum desiderat, le Jubilate et le Memento. Une fois que le corps du
défunt est placé dans le trou, le doyen prie pour sa
résurrection et pour le repos de son âme en le bénissant
avec de l'eau. Il jette ensuite la première pelletée de terre.
Pendant que les proches accomplissent, à sa suite, le même geste,
il entonne des psaumes avec les autres prêtres présents : le
Domine probasti me, le Domine exaudi, le Laudate et d'autres prières. La
solennité de la cérémonie dépend du rang du
défunt. Le doyen touche évidemment des droits à cette
occasion.209
Ces prérogatives disparaîtront, en partie, au
cours des siècles suivants. Au XVIIIe, les doyens conserveront
uniquement leurs droits de funérailles sur les prêtres, à
l'exception des autres clercs et des nobles.210
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