Introduction générale
Le réseau financier en
générale et le système bancaire en particulier arrivent
à présenter, par leurs rôles et les vocations qui leurs
sont propres, des indications fiables concernant la bonne (mauvaise)
santé d'une économie et même à permettre aux
investisseurs et aux acteurs économiques d'anticiper leurs actions et
bien gérer le mouvement de leurs capitaux d'où l'importance des
établissements bancaires dans l'économie et
l'intérêt majeur que leur accordent les autorités
publics.
Pierre angulaire de toute économie,
les banques présentent un rôle fondamental par la mise en rapport
offreur et demandeur de capitaux. Malgré que ce rôle a connu
plusieurs évolutions, l'activité bancaire reste toujours à
la base de tous mécanismes financiers ;
De ce fait, la place centrale occupée
par les banques dans l'économie et le danger de les voir en
difficulté ne peuvent laisser insensibles les pouvoirs publics.
Ceux derniers se sont trouvés devant
la nécessité d'organiser ce secteur et d'intervenir dans
l'activité bancaire à travers une réglementation
précise : c'est « la réglementation
prudentielle bancaire » qui est
interprétée par les banques comme un ensemble des contraintes,
certes nécessaires mais lourdes à assumer.
Les autorités monétaires ont
depuis longtemps cherché la voie conduisant à l'imposition des
contraintes à l'activité bancaire dans la perspective de formuler
la sécurité ainsi que la solidité du système
bancaire, coeur de tout système financier.
Cette réglementation prudentielle
s'est développée en fait au cours de temps à travers un
grand nombre de dispositions qui ont modifié ou supprimé
d'anciennes règles et même institué de nouvelles normes,
« militant en faveur d'une surveillance
saine ».
En effet, instaurer une supervision bancaire
adéquate constitue un défi pour toute économie quelque
soit développée, émergente ou même pauvre dans un
environnement caractérisé par la globalisation, l'apparition des
nouvelles technologies d'information et de communication (NTIC) et la
déréglementation qui ont permis une multiplication de la gamme
d'activités offertes par les banques.
Les marchés financiers ont suite
à ceci certes connus des évolutions qui constituent autant de
défis aussi bien pour les établissements de crédits que
pour les responsables de la réglementation.
Cette réglementation a à
travers le temps pris une dimension internationale à travers la banque
des réglementations internationaux (BRI) et en particulier son
comité de Bâle qui est la source de la
réglementation prudentielle internationale à
travers ses deux fameux dispositions à savoir ratio Cooke et ratio
McDonough cherchant une harmonisation des normes prudentielles et une
solidité financière à l'échelle mondiale.
En outre, l'évolution des
marchés financiers a changé fondamentalement la nature et la
structure du secteur des services financiers. Désintermédiation
bancaire, développement des activités financières,
l'implantation de la nouvelle technologie, internationalisation et renforcement
des fonds propres mentionnée par la réglementation sont les
éléments marquants qui ont convergé les banques vers le
statut des entreprises. C'est ainsi que leur survie et leur développent
passent dons par la recherche d'une compétitivité capable
d'assurer cet objectif. Pour cela, les banques sont conduites à se doter
des stratégies qui nécessitent une
allocation optimale des ressources et un meilleur suivi des mutations de
l'environnement.
Ainsi, des changements dans le comportement
bancaire se sont démontrés et les choix stratégiques ont
pris une place importante au sein des banques.
Par suite, et pour faire face aux
évolutions intervenues dans un environnement en pleine mutation,
l'importance du choix de la stratégie devient primordial.
Nous avons donc, jusqu'ici
évoqué deux notions essentielles : d'un côté la
réglementation prudentielle internationale qui se présente comme
une contrainte mais nécessaire pour le contrôle des institutions
financières et d'un autre côté l'importance des banques et
leurs choix stratégiques.
En réalité, la confrontation
entre les contraintes externes de l'activité bancaire et l'organisation
interne de la banque est permanente et ces deux éléments se
révèlent être indissociable.
En fait, la sensibilité à
l'environnement caractérise toute entreprise quelque soit son secteur
d'activité : elle subit les effets parfois et tente d'influencer
son évolution dans d'autres cas. Ce constat est d'autant plus vrai dans
le domaine bancaire où la banque est toujours influencée par son
environnement dont on trouve la réglementation prudentielle.
Comment alors envisager la nature de la
relation environnement / banque ou plus exactement dans notre cas
réglementation prudentielle internationale &
stratégie bancaire ?
L'AMBITION DE CETTE RECHERCHE EST DE
DÉTERMINER DONC L'IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION PRUDENTIELLE
INTERNATIONALE SUR LA STRATÉGIE BANCAIRE ET DE TENTER D'ÉTUDIER
LES CONSÉQUENCES QUI EN RÉSULTENT.
A cette fin, nous donnerons au premier de la
partie conceptuelle le titre suivant : la réglementation
prudentielle internationale. A travers lequel, nous présenterons en
première section un aperçu du cadre réglementaire
international de l'activité bancaire. Nous passerons en revue
l'historique, les motifs, l'évolution et les perspectives de cette
réglementation. Nous aborderons ensuite dans une deuxième section
les principales normes prudentielles internationales à savoir Bâle
I et Bâle II en exposant leurs principes de base, les enjeux qu'elles
soulèvent et leurs caractéristiques ; pour passer enfin dans
une troisième section à une illustration des
réglementations prudentielles au niveau du triade : Europe /
Etats-Unis / Japon.
Au second chapitre, nous analyserons plus en
détail la notion de la stratégie bancaire à travers une
présentation dans une première section du concept et du son
évolution. En effet, nous présenterons son historique, sa
méthodologie d'élaboration, les différents modèles
stratégiques, les stratégies génériques dans le
secteur bancaire et financier, l'évolution de celles-ci et ses
conséquences.
Nous passerons ensuite dans une
deuxième section à une illustration des tendances des tendances
stratégiques observées au niveau international à travers
l'énumération des différentes stratégies
adoptées par les banques européennes, américaines et
japonaises.
Une extension de notre étude se fera
dans une deuxième partie qui essaiera de donner des réponses
empiriques à notre problématique dans le contexte tunisien.
Un premier chapitre sera consacré au
cadre institutionnel du secteur bancaire tunisien. Nous présenterons ce
secteur à travers son historique, son évolution, sa
restructuration et sa structure actuelle. Nous passerons ensuite à la
réglementation prudentielle tunisienne pour aborder ses
caractéristiques et son contenu. Nous finirons, en dernière
section par l'étude des différentes stratégies choisies
par les banques tunisiennes.
Le deuxième chapitre portera sur la
validation empirique de notre enquête et la présentation de nos
résultats de recherche.
Première partie : PARTIE THEORIQUE
CHAPITRE 1 : LA REGLEMENTATION PRUDENTIELLE
INTERNATIONALE
SECTION 1 : CADRE REGLEMENTAIRE INTERNATIONAL DE
L'ACTIVITE BANCAIRE
Depuis le milieu des années 1970, la
réglementation prudentielle est une préoccupation essentielle des
autorités des pays développés. D'une manière
générale, on peut justifier une telle réglementation par
la nécessité de protéger les déposants. En effet,
un contrôle efficace des établissements financiers est essentiel
car le système bancaire joue un rôle central dans les
opérations de paiement et de mobilisation de l'épargne. La
protection des déposants est souvent mise en oeuvre par un
système d'assurance des dépôts, limitée ou
complète, qui indemnise les déposants qui auraient "perdu" leurs
dépôts dans la faillite d'une banque.
Toutefois, cela peut être coûteux en termes de
fonds publics et c'est pourquoi la régulation prudentielle vise
également à promouvoir la solidité du système
bancaire. Il s'agit aussi d'éviter le risque systémique, c'est
à dire le risque d'une panique bancaire s'étendant à tous
les établissements du système bancaire, même les solvables,
du fait des relations croisées entre les institutions. Pour cela, la
réglementation prudentielle doit pousser les banques à assumer
correctement les risques qu'elles prennent et veiller à la
qualité de leur structure financière par un certain nombre
d'exigences ou de limitations concernant le volume et la structure des actifs,
les fonds propres ou d'autres aspects de l'activité bancaire.
La réglementation de la solvabilité tient une
place importante dans la régulation prudentielle et les exigences en
fonds propres en sont l'argument. Cela résulte à la fois du
rôle central joué par les fonds propres dans la solidité
d'une banque et des efforts de la communauté internationale pour adopter
des standards communs concernant le capital des institutions
financières. Les fonds propres influencent largement la
solvabilité bancaire mais également sa rentabilité et ses
incitations à la prise de risques. Les ratios de capital fondés
sur le risque sont aussi une variable clé pour le superviseur car c'est
une mesure de la fragilité d'une banque mais également un
mécanisme déclencheur d'une intervention du régulateur. Il
s'agit de veiller à ce que chaque établissement dispose
« d'une assise financière suffisamment solide pour faire
face aux différents risques qu'il prend »1(*). En effet, les pertes
potentielles ne doivent pas venir compromettre la capacité d'une banque
à faire face à ses exigibilités : dépôts de
la clientèle ou emprunts de toute nature. Or, la probabilité de
faillite est une fonction décroissante de son ratio capital/actifs.
Les crises financières des années 1990 qui sont
apparues dans les marchés émergents ont relancé le
débat quant au bien fondé de la régulation prudentielle.
En effet, ces crises ont révélé des lacunes dans la
régulation prudentielle. Dans la plupart des économies, la
libéralisation financière a été relativement rapide
et a fragilisé les systèmes bancaires. La
déréglementation a accru la vulnérabilité du
système en modifiant l'environnement, en accroissant le risque des
comportements traditionnels ou en introduisant des intervenants nouveaux ou
inexpérimentés.
L'amélioration de la solidité du système
bancaire nécessite une meilleure efficience des systèmes
bancaires. Les banques, qui s'étaient développées dans un
régime très réglementé, ne savent pas
évaluer les précautions supplémentaires requises par un
environnement libéralisé et ont pris trop de risques sans avoir
l'expérience requise pour les gérer. Il est donc de
l'intérêt du régulateur de trouver un système de
régulation qui assure la solvabilité des banques tout les
incitant à améliorer leur efficience.
I. HISTORIQUE DE LA
REGLEMENTATION BANCAIRE INTERNATIONALE :
Même si l'exigence du respect d'un certain nombre des
ratios par les autorités de surveillance bancaire est d'origine
ancienne, ces ratios ont pris une importance internationale particulière
depuis les années 80.
Ainsi qu'on le sait, la déréglementation et
l'internationalisation des activités bancaires et financières
constituent deux caractéristiques majeures des transformations des
systèmes financiers depuis la fin des années 70. Depuis la fin de
la Seconde Guerre mondiale, les systèmes bancaires des principaux pays
capitalistes développés étaient étroitement
encadrés, conséquence des crises bancaires majeures qui avaient
marqué la dépression des années 30.
Dans ce contexte, la réglementation et le
contrôle de l'activité bancaire par l'État et la
surveillance du système bancaire par la Banque centrale, qui assure le
refinancement des banques et joue ainsi le rôle de prêteur en
dernier ressort, rendaient relativement inutiles les règles
prudentielles. Il y aura, malgré la crise de 1974 et la récession
de 1978, très peu de faillites bancaires entre 1960 et 1980. Les
années 80 sont marquées dans l'ensemble des pays capitalistes
développés par un double mouvement de banalisation et
d'internationalisation.
Un certain nombre de crises financières graves parmi
lesquelles on peut citer la crise de la dette mexicaine de 1982, la faillite
des caisses d'épargne américaines et surtout le krach boursier de
1987 montrent la nécessité de mesures pour assurer la
sécurité des systèmes bancaires et prévenir une
vague de faillites bancaires dont les conséquences seraient
considérables pour l'économie mondiale. Dans ce contexte, la voie
suivie sera une harmonisation des normes prudentielles. Ce sera le ratio Cooke
du Comité de Bâle (ou Bâle 1).
C'est un comité qui exerce son activité dans le
cadre de la banque des règlements internationaux (BRI). En effet,
« le comité de Bâle a été
institué à la fin de 1974, sous l'appellation de Comité
des règles et pratiques de contrôle des opérations
bancaires, par les gouverneurs des banques centrales des pays du groupe des
Dix2(*), à la suite
de graves perturbations sur les marchés bancaires et monétaires
internationaux (notamment la faillite de la Banque Herstatt en Allemagne
occidentale). Il s'est réuni la première fois en Février
1975 et tient régulièrement depuis lors trois ou quatre
séances par an »3(*) .
En ce qui concerne le ratio Cooke, c'est à l'initiative
de Paul Volker, gouverneur central de la Banque centrale américaine (le
Fed), qu'est envisagée une convergence internationale des fonds propres
des banques pour faire face aux difficultés croissantes que
connaît en particulier le système financier américain. Or,
comme l'augmentation des besoins en fonds propres des banques nécessaire
pour faire face à la montée des risques supportés par le
système bancaire américain pèse sur la capacité des
banques américaines à distribuer des dividendes aux actionnaires,
les États-Unis vont chercher une convergence des normes de fonds propres
entre banques internationales pour éviter que les banques
américaines soient pénalisées par la réforme. Le
futur ratio Cooke est d'abord négocié en bilatéral entre
les États-Unis et la Grande-Bretagne, avant d'être proposé
aux principaux pays capitalistes développés dans le cadre du
Comité de Bâle, qui regroupe ces pays.
La description de ce processus conduit à deux remarques
importantes :
Ø Les États-Unis ont joué un rôle
déterminant dans l'élaboration de ce ratio, dans le but de
préserver la compétitivité de leur système
financier, tout en prenant des mesures visant à prévenir une
crise financière majeure de ce dernier.
Ø L'ensemble du processus a été conduit
par des autorités publiques, en particulier le Fed américain. Le
dispositif de régulation mis en oeuvre est lui-même un dispositif
de régulation public, négocié et mis en oeuvre par les
banques centrales4(*).
Comme le souligne Arnaud De Servigny,
« L'accord de Bâle de 1988, qui a pris effet en 1992,
marque un tournant important en terme de réglementation prudentielle
internationale. L'objectif de cet accord était double : il
s'agissait, d'une part, de renforcer la santé et la stabilité du
système bancaire international grâce à l'imposition de
critères minimaux de capital et, d'autre part, de consolider la
stabilité du système bancaire international en promouvant un
degré élevé de cohérence entre banques de
différents pays, de manière à réduire toute
compétition inéquitable.5(*) »
Depuis lors, les autorités prudentielles nationales
cherchaient à se conformer aux dispositions internationales en vigueur.
Tous les pays du monde cherchaient à s'intégrer dans
l'harmonisation internationale de la réglementation bancaire.
Les Principes fondamentaux pour un contrôle bancaire
efficace ont été mis en place en 1997, avec la collaboration des
représentants d'économies émergentes. Ils se divisent en
sept parties : 1) les conditions préalables d'un contrôle efficace
des banques, 2) l'agrément et la structure des banques, 3) les
règlements et prescriptions prudentiels, 4) les méthodes de
contrôle permanent, 5) les exigences d'information, 6) les
compétences des organes de contrôle et 7) les activités
bancaires transfrontalières6(*).
Suite aux grandes crises du système financier
international des années 90, on a conclu les limites de l'accord de
Bâle ce qui a conduit les autorités de réglementation
à envisager de nouvelles règles d'où l'apparition du
nouvel accord dénommé Bâle II ou ratio
« McDonough ».
Depuis 1998 le comité de Bâle a lancé la
reforme Bâle II du ratio Cooke pour remédier aux lacunes de ce
derniers. En Juin 1999 et Janvier 2001 cette reforme a été
l'initiative de la publication de « consultative papers »,
documents largement discutés avec les représentants de la
profession bancaire.
En Octobre et décembre 2002 a été
lancé une « Quantitative Impact Study » avec la
participation de 250 banques afin de permettre aux régulateurs du
comité de Bâle de définir les pondérations du
nouveau ratio.
En 2003, un troisième document consultatif a
été publié. La publication de l'accord final a
été réalisée en Juin 2004.
Lors du premier semestre 2006 les deux systèmes de
calcul co-existeront : ratio Cooke et ratio McDonough pour arriver
à une mise en oeuvre complète du nouveau ratio pour la fin
2006.7(*)
Bâle II va constituer une rupture
épistémologique8(*) par rapport à l'accord de Bâle de
1988 : à une réglementation contraignante et simple, le
Comité de Bâle substitue une approche ouverte constituée
des menus alternatifs et se reposant sur le jugement qualitatif des instances
nationales de réglementation.
On remarque que les régulateurs internationaux ont
toujours chercher la voie menant à une réglementation plus
efficace et mieux harmonisée du système bancaire ce qui nous
conduit à conclure que l'amélioration et le développement
de ces directives vont poursuivre pour déboucher un jour ou l'autre sur
un accord de Bâle III.
* 1 Armelle
Delorme : « Stabilité des systèmes bancaires
des marchés émergents : une proposition de régulation
prudentielle différenciée ». Proposition de
communication aux 19èmes Journées Internationales d'Economie
Monétaire et Bancaire. 2002
* 2 G-10 : Allemagne,
Belgique, Canada, Etats Unies, France, Italie, Japon, Luxembourg, Pays-Bas,
Royaume-Unies, Suède et Suisse.
* 3
www.bis.org/bcbs/index.htm
: « Historique et composition du comité de Bâle sur le
contrôle bancaire »- janvier 1999-
* 4 Pierre-Yves Chanu:
« Au-delà des apparences techniques, une inquiétante
réforme bancaire Les enjeux de Bâle 2 » ANALYSES ET
DOCUMENTS ECONOMIQUES - N° 95 - Février 2004.
* 5 Arnaud de Servigny :
« le risque de crédit : nouveaux enjeux
bancaires » - Edition Dunod 2001- p 174.
* 6 Anick Veilleux et
Christian Deblock : « Les codes de conduite financiers
peuvent-ils prévenir les crises de la dette ? »
DÉCEMBRE 2003 - Centre Études internationales et Mondialisation
(CEIM) Montréal -
* 7
www.voirin-consultants.com
: dossier du mois de Juillet 2005 : Aurelie Duchamp : «
Réforme de la gestion des risques dans les organisations bancaires :
l'accord Bâle II ».
* 8 Philosophie qui
relève de l'épistémologie (philosophie étude des
fondements, de la structure et du développement des sciences.) -
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