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Chroniqueur culturel à  la télévision : un journalisme de marque

( Télécharger le fichier original )
par Benjamin Walter
CELSA - Paris IV Sorbonne - Master 1 Journalisme 2010
  

Disponible en mode multipage

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École des hautes études en sciences de l'information et de la communication
Université de Paris-Sorbonne (Paris IV)

MASTER 1 - Option JOURNALISME -
Mention : Information et Communication
Spécialité et Option : Journalisme

"Chroniqueur culturel à la télévision : un journalisme de marque"

Préparé sous la direction de Madame le Professeur Véronique Richard

Nom : Walter

Prénom : Benjamin

Promotion : 2009 - 2010

Soutenu le :
Mention :

Note du mémoire : /20

REMERCIEMENTS

A Mme Véronique Richard, directrice du Celsa,

A Mme Adeline Wrona, rapporteur universitaire de ce mémoire,

A M. Eric Naulleau, rapporteur professionnel de ce mémoire,

A M. Thierry Devars, pour son éclairage indispensable à l'écriture de ce mémoire,

A Philippe Besson et Jean-Jérôme Bertolus pour leur intelligence, leur ouverture d'esprit et leur sensibilité,

A David Lynch.

SOMMAIRE

Introduction pp 4-9

I-Le temps de la promotion pp 10-17

1) La marque : du signe au label pp 10-14

a. Le signe : tous les chroniqueurs ne sont que des signifiants pp 10-12

b. L'apposition du label « chroniqueur » pp 12-14

2) Le chroniqueur-marque ou la « déterritorialisation » accomplie pp 15-17

II-Le temps de la scénographie pp 18-28

1) Le plateau télévisé comme supermarché des marques p 18-21

a. La vitrine des marques pp 18-20

b. La loi de l'offre et de la demande de chroniques p 21

2) Le plateau télévisé comme club des marques pp 22-24

3) Le plateau télévisé comme théâtre des marques pp 25-28

III-Le temps de la survivance pp 29-35

1) La marque après la chronique télévisée pp 29-30

2) Le « clash » ou l'instantané télévisé des marques sur internet pp 31-32

3) Personal branding et reterritorialisation de la marque pp 33-35

Conclusion pp 36-38

Bibliographie pp 39-40

Annexes pp 41-45

Résumé p 46

Mots-clés p 47

INTRODUCTION

« Ce n'est pas d'un jugement, de sa solidité, de sa justesse qu'on se préoccupe [...] ce n'est pas non plus de l'autorité et de la compétence de l'homme qui va le prononcer. A moins pourtant que le nom de cet homme ne rende le bruit de son jugement plus grand : alors, c'est là-dessus qu'on spécule ».

Barbey d'Aurevilly in « Lettre à M.Gregory Ganesco », Le Nain jaune (30 dec 1865)

Qu'on le dénonce ou qu'on le porte aux nues, le chroniqueur culturel est aujourd'hui « à la mode » à la télévision. Sous des formes différentes, avec des discours différents, dans des cadres différents. Des émissions ont même été bâties uniquement autour de la fonction de chroniqueur culturel. De la revue culturelle critique de Ça balance à Paris (Paris Première) au télé-crochet le plus en vue, la Nouvelle Star (M6). Le grand journal de Canal + incarnant à lui seul l'émission de chroniqueurs branchés par excellence.

Cinéma, musique, mode, littérature : la figure du spécialiste venant proposer une critique argumentée d'une oeuvre culturelle est aujourd'hui au centre de la plupart des contenus de la télévision proposant un discours sur elle-même. Il n'y a qu'à voir le buzz (emballement médiatique) produit par les récents « clashs » de chroniqueurs tels que Eric Naulleau au sein de l'émission de divertissement de Laurent Ruquier, On n'est pas couché. Lorsqu'il devient chroniqueur, le passé de celui-ci importe peu. On se rend compte que s'il a été romancier (Philippe Besson), éditeur (Eric Naulleau), journaliste (Philippe Manoeuvre), acteur (Virginie de Clausade) ou même chanteur (Lio), son discours critique et argumenté de chroniqueur peut se rapporter à une certaine forme de journalisme.

La chronique n'est toutefois pas un exercice de style récent. Elle existe dès la naissance de la presse, avec qui elle entretient un rapport de contiguïté comme le rappelle Ana Filipa Prata, professeur à l'Université de Lisbonne :

« La chronique est un genre qui oscille entre le
domaine de la littérature et celui de la presse. Sa

nature indéfinissable advient de ses complexes origines qui sont également lointaines et diverses. Presque tous les grands auteurs ont exercé le métier de chroniqueur dans la presse quotidienne. »1

Mais avant de se demander si la chronique est genre littéraire ou journalistique, il faut rappeler qu'elle fut avant tout, selon Ana Filipa Prata, du domaine de l' « historiographie », avec cette idée que, dès le départ, elle avait pour fonction de raconter une histoire :

« En vérité, le mot chronique est associé tout de suite aux proses médiévales des historiens comme Froissart. La chronique était au Moyen Age un texte d'histoire. Pas celle que l'on peut aujourd'hui appeler de macro Histoire, mais celle des événements particuliers et datables. La chronique racontait donc les succès ou défaites d'un roi, de la vie quotidienne du pays et de la cour, les découvertes maritimes et les accomplissements des individus exceptionnels. La frontière entre ce qui est la réalité ou la fiction est par conséquent difficile à établir [...]. Car la chronique est avant tout - et pour expliquer cela l'étymologie du mot ne serait que suffisante - l'écriture du

temps (cronos). »2

Si l'on s'en tient à une simple définition télévisuelle, le chroniqueur est la personne venant raconter un événement, ou donner son avis, de manière régulière sur un même ou plusieurs plateaux de télévision. Raconter une histoire, c'est le résultat de toute une Histoire, de l'imbrication du journalisme et de la littérature parisienne du début du siècle comme le rappelle Ana Prata :

« La chronique, telle qu'on la connaît aujourd'hui, a
aussi héritée de certaines des caractéristiques du

1 PRATA Ana Filipa, Genre littéraire ou paralittéraire : les enjeux de la chronique, 2e congrès du Réseau Européen d'Etudes Littéraires Comparées (REELC).

2 Ibid.

feuilleton et du fait divers, parus avec le développement de la presse de la grande ville. En fait, la chronique est le genre de la ville par excellence. C'est une forme qui permet, d'un côté, aux romanciers tels que Balzac, d'exploiter des possibilités pour ses romans, et par ailleurs écrire l'expérience du quotidien et de sa complexité temporelle. »3

Sur le fond, on a vu aussi passer à la télévision une forme de journalisme née aux côtés de la chronique, celle de critique, comme le rappelle Rémy Rieffel :

« La critique en tant que telle, existe quasiment depuis la création des premiers journaux et périodiques du XVIIe siècle et a d'abord été reconnue comme une activité réservée aux écrivains et aux artistes. »4

Les deux sont tellement liées qu'aujourd'hui un chroniqueur alterne entre un discours de promotion d'une oeuvre et celui, argumenté, de critique. Dans tous les cas, le chroniqueur existe dans un cadre plus large, celui du plateau télévisé. Il n'est donc ni l'animateur, ni le journaliste présentant l'émission. En cela, Guillaume Durand (L'objet du scandale sur France 2), Philippe Lefait (Des mots de minuit, sur France 2) ou François Busnel (La grande librairie, sur France 5), si tant est qu'ils soient amenés à donner leur avis, ne sont pas des chroniqueurs dans la mesure où l'émission est la leur. On peut donc affirmer que le chroniqueur est le produit d'une émission, non son moteur. D'où l'analyse du sociologue Pierre Bourdieu selon laquelle les débats culturels à la télévision sont « faussement vrais »5 car ils sont dirigés par le présentateur. : « c'est lui qui impose le sujet, la problématique [...], il distribue la parole, il distribue les signes d'importance »6.

C'est dans ce contexte où le chroniqueur existe sous la forme d'un produit, créé à la fois par

3 PRATA Ana Filipa, Genre littéraire ou paralittéraire : les enjeux de la chronique, 2e congrès du Réseau Européen d'Etudes Littéraires Comparées (REELC).

4 RIEFFEL Rémy, « L'évolution du positionnement intellectuel de la critique culturelle » in Quaderni n°60, « La critique culturelle : positionnement journalistique ou intellectuel ? », printemps 2006, p 55.

5 BOURDIEU Pierre, Sur la télévision, Liber, Paris, 1996, p 33.

6 Op. Cit.p 34.

l'émission et le présentateur, qu'émerge la notion de marque. En effet, il n'y a marque que s'il y a produit. Si l'on fait le parallèle avec le champ d'étude du marketing, Georges Lewi définit la marque ainsi :

« La marque est le nom et l'ensemble des signes d'un produit, d'un service, d'une entreprise qui ont pour vocation de s'imposer par leur notoriété, leur part de marché et leur valeur ajoutée sur un segment de marché défini. Ce nom et ces signes sont généralement juridiquement protégés. La marque s'impose comme un des repères de ce marché sur lequel elle agit en s'appuyant sur des valeurs tangibles et intangibles. Cet ensemble hétérogène provoque des résonances profondes dans l'esprit des consommateurs et des clients. »7

Existe-t-il alors une autonomisation progressive des chroniqueurs culturels en tant que marque et ainsi reprise sur différents plateaux et différents médias grâce à leur seul nom ? Tout en ayant commencé sa carrière de chroniqueur en tant que journaliste d'un magazine spécialisé, le chroniqueur viendra faire le tour des plateaux du PAF8, pour parler de tout. Mais tout en faisant oublier sa provenance ? Ce ne serait donc plus parce qu'il est cinéphile et travaille dans un magazine de critiques de cinéma qu'un journaliste sera désormais visible ? Ne donne-t-il alors son avis sur toute chose culturelle, plus au nom de lui-même et de sa propre perception, qu'au nom de la chaîne sur laquelle il apparaît ? Toutes ces questions seront au coeur de ce mémoire avec, en fond, toute l'ambiguïté que la notion de marque porte en elle : gage de qualité ou au contraire enfermement dans un rôle.

« Signes », « produit », « valeur ajoutée », « repères », « consommateurs » sont des mots-clés utilisés par Georges Lewi qui s'appliquent très bien à la marque du chroniqueur au centre de l'émission culturelle. Ainsi, la chercheuse Camille Brachet explique comment, pour exister, une émission culturelle doit se construire une identité. Une définition de la marque télévisuelle s'appliquant tout aussi bien au chroniqueur :

7 LEWI Georges, La marque, Vuibert, 2003, pp 6-7.

8 Paysage Audiovisuel Français

« Le principe de construction d'une identité forte repose sur une idée simple : fournir des repères au téléspectateur, bien sûr dans le but de transmettre une information, mais surtout dans l'objectif toujours sous-jacent que les programmes soient regardés ; le téléspectateur restant essentiellement une cible à atteindre [...]. Les logiques à l'oeuvre semblent d'ailleurs répondre à une démarche marketing très classique ; dans une certaine mesure, la construction de l'identité d'une émission de télévision répond aux mêmes critères que celle d'un espace marchand : il est en effet question d'un positionnement stratégique face à des cibles à atteindre ».9

Dorénavant, cette fonction de « construction identitaire » passe par les chroniqueurs eux-mêmes : un chroniqueur deviendra un « repère » que les téléspectateurs écouteront avant l'achat d'un objet culturel. Et derrière l'idée d'une « construction identitaire » de la marque du chroniqueur, établie conjointement par l'émission et le chroniqueur lui-même, une part de mise en scène, qu'elle soit voulue ou non, intervient.

Nous répondrons donc à la problématique suivante : Dans quelle mesure l'espace culturel à la télévision est-il scandé, voire mis en scène, autour de personnalités devenues des marques et identifiables sur leur seuls noms ? Qu'il se construise comme tel tout au long d'un parcours télévisuel bien rôdé ou, au contraire, soit utilisé par la télévision, dans les deux cas comment le chroniqueur culturel est-il devenu une marque, une autorité à qui on fait appel et qui nous laisse croire en son récit afin de l'adouber ?

Nous sommes partis des hypothèses de départ suivantes :

-Les émissions de chroniqueurs se multiplient et créent le buzz dorénavant grâce à leurs chroniqueurs.

-Les chroniqueurs alternent les plateaux télévisés, on les retrouve dans beaucoup de lieux médiatiques (ou pour reprendre « l'impression de départ » de Camille Brachet : « les mêmes, partout, tout le temps »).

9 BRACHET Camille, Peut-on penser à la télévision, la culture sur un plateau, coll. INA, Paris, 2010, p55.

La place spécifique du chroniqueur culturel à la télévision ayant été peu abordée de manière frontale par un ouvrage, ce mémoire s'appuiera sur un corpus fait avant tout des dernières recherches universitaires sur la figure de la posture de l'écrivain sur les plateaux télévisés ou sur la question de l'émission culturelle (Patrick Tudoret, Camille Brachet, David Réguer). Nous prendrons aussi appui sur des essais sociologique plus anciens et théoriques (Pierre Bourdieu). Notre travail s'appuiera aussi sur beaucoup d'articles de fond issus de Télérama détaillant sous toutes les coutures les émissions comme Ça balance à Paris ou On n'est pas couché. Le gros du corpus se fera enfin à partir de l'étude sémiologique des émissions culturelles elles-même.

Afin de répondre à la problématique posée, notre étude du chroniqueur en tant que marque sera divisée selon trois parties d'un processus défini. Un cycle auto-entretenu de trois temps dans lequel la marque nait, vit et se perpétue. Chaque temps correspondant par ailleurs à une période précise dans la chronologie de diffusion de l'émission culturelle.

Dans un premier temps, nous verrons, grâce à une analyse sociologique et marketing, comment se définit le « temps de la promotion ». Un temps lors duquel la marque du chroniqueur se crée dans un double mouvement. Si, pour exister, le chroniqueur doit refléter l'air du temps, il sera aussi utilisé comme point d'ancrage personnalisé dans le flux de la télé. Il devient alors un label.

L'analyse deviendra ensuite sémiologique, quand nous aborderons le temps diégétique de l'émission culturelle, soit le « temps de la scénographie ». Ou comment s'organisent concrètement géographie et dramaturgie de l'action du chroniqueur culturel. Ou comment exister au sein du lieu factice qu'est le plateau de télévision.

Nous terminerons enfin par le « temps de la survivance », soit la marque du chroniqueur à l'épreuve du futur. Ou comment la marque des chroniqueurs à la télévision doit beaucoup au net et permet à la télévision de survivre, par bouts, sur le web. Comment le nom d'un chroniqueur devientil un mot-clé dans la promotion de son propre discours et dans la publicité de son émission sur internet.

I LE TEMPS DE LA PROMOTION

La « valeur tangible » d'une marque pour Georges Lewi, c'est sa « qualité objective » : « l'aptitude d'un produit ou d'un service à satisfaire les besoins exprimés ou potentiels des utilisateurs. La marque doit sans cesse rechercher la satisfaction totale de ses clients »10. Et pour rechercher la satisfaction totale de ses clients, il faut coller à l'air du temps. Ce qui nous renvoie à cette phrase de Frédéric Taddeï, prononcée il y a trois ans sur le plateau de Ça balance à Paris, à l'occasion de la première de Ce soir (ou jamais), émission bâtie autour d'un débat d'experts culturels et non de chroniqueurs pour donner un avis : « Les chroniqueurs télé sont devenus la maladie de l'époque, un peu comme l'étaient les chanteurs en play-back dans les émissions de variétés des années 70 »11. Comme toute marque est le reflet de la tendance du moment, la marque du chroniqueur est forcément à la mode. D'un point de vue formel avant tout. Comparés par Frédéric Taddéï aux chanteurs en play-back, ils ne sont en fait que le fruit de la « hype »12 du moment, de l'air du temps.

1) La marque : du signe au label

a. Le signe : tous les chroniqueurs ne sont que des signifiants

Si l'on s'arrête maintenant sur le choix du mot « signe » par Georges Lewi comme révélateur de la marque, on peut ainsi dire que dès sa création, la marque du chroniqueur nait d'un référent formel. Voire uniquement physique dans le cas des chroniqueurs culturels. Prenons une fois de plus l'exemple du Grand journal de Canal +. Le choix de Tania Bruna-Rosso, par ailleurs DJette des « Putes à frange », est révélateur de la proximité aujourd'hui ostentatoire entre chroniqueurs, mode et musique. La chaîne, puis l'émission, choisissent donc un chroniqueur non pas à l'identité formelle propre mais correspondant à l'esprit du temps. On pourrait tout aussi bien citer l'exemple de Ariel Wizman, chroniqueur pour L'Edition spéciale, toujours sur Canal +. L'homme étant aussi bien chroniqueur culturel, l'un des DJ les plus courus de Paris et l'un des tenants de la mode du moment : il représente la marque de vêtements The Kooples. Sur ce même Ariel Wizman, les propos de l'éditorialiste économique d'i<Télé Jean-Jérôme Bertolus nous éclairent :

10 LEWI Georges, La marque, Vuibert, 2003, pp 6-7.

11 in « Paris balance-t-il encore ? » in Télérama n°2992, 16 mai 2007.

12 Mot anglo-saxon signifiant « être branché »

« En une dizaine d'années il y a eu l'arrivée des talk-shows. La télé s'est demandée ce qui marchait. Le fond, mais surtout la forme. Les journalistes culture deviennent des marques commerciales [...]. La télé c'est un média d'images. Ça veut dire que l'image, il faut la remplir »13

Si nous avons pris comme exemple des référents ultra-connotés, il est évident que le phénomène est certes plus complexe dans le choix d'un chroniqueur-marque mais ne se réfèrera toujours qu'à une seule chose : l'air du temps. Le chroniqueur littéraire de la Matinale de Canal +, Christophe Onodit-Bio, lui, ne s'en cache même pas :

« A Canal, plus on est aiguisé, plus on a de l'humour et un sens de l'époque, de l'air du temps, plus on est le bienvenu. C'est cette culture là que je défends »14

En se plaçant dans une tradition d'analyse sémiologique, on comprendra que les chroniqueurs sont ainsi les signifiants, au sens de Ferdinand de Saussure15, d'un unique signifié, qui serait celui de la mode. Le Grand journal est en cela très révélateur en jouant à fond la carte de la « hype » pour ce qui est du style vestimentaire de ses chroniqueurs. Chacun rentre ainsi plus dans un rubricage digne de la presse mode que dans une émission culturelle.

A Tania Bruna-Rosso, la touche « glamour » :

 
 
 
 
 

16

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

13 Cf annexe 2, entretien avec Jean-Jérôme Bertolus, pp 43-44.

14 Cf annexe 1, entretien avec Christoophe Ono-dit-Bio, pp 41-42.

15 SAUSSURE (de) Ferdinand, Cours de linguistique générale, éd. Payot, 1995.

16 Le Grand journal (Canal +) : générique de mi-émission, saison 2009-2010

A Mouloud Achour la caution « urbaine » :

17

A Yann Barthes le style « preppy » :

18

b. L'apposition du label « chroniqueur »

Mais, paradoxalement, si la sélection du chroniqueur qui deviendra marque s'effectue selon le signifiant qu'est « l'air du temps », celui-ci sera par la suite utilisé par l'émission télévisée selon un modèle de référent, un socle pour ne pas se perdre dans les tendances actuelles. Le chroniqueur devient donc un label, non en tant que spécialiste d'un sujet mais en tant que « personnalité forte »19 pour Christophe Ono-dit-Bio.

17 Le Grand journal (Canal +) : générique de mi-émission, saison 2009-2010

18 Ibid

19 Cf annexe 1, entretien avec Christophe Ono-dit-Bio, pp 41-42.

Le mot « label » est un anglicisme apparaissant en France en 1900 grâce aux travaux de Paul de Rousiers qui, analysant la vie des prolétaires américains définit le terme ainsi :

« Le label, ou étiquette, est une marque apposée par les syndicats ouvriers sur les marchandises fabriquées dans les ateliers et usines où on reconnaît leur existence ».20

Dans cette définition originelle et pragmatique du label, il y a donc l'idée que le label est une marque dès lors qu'elle est apposée. Un chroniqueur ne deviendra donc chroniqueur que si son émission choisit de lui apposer un label. Et si la télévision crée des labels, c'est en réaction à la tendance du flux médiatico-culturel. La marque du chroniqueur devient une sorte de point d'ancrage, de référent culturel pour tous les téléspectateurs, transformés dès lors en clients de la marque du chroniqueur. Christophe Ono-dit-Bio le résume ainsi :

« La télé c'est une forme de nomadisme éditorial. On a besoin de repères, on aime bien identifier une parole donnée, un personnage pour se repérer dans une masse de produits culturels [...] Je me définis comme un missionnaire de la culture. J'occupe mon temps de parole à expliquer une oeuvre qui décode l'époque. Je le fais de manière très pédagogique, j'ai été prof de lettres. Je viens avec mon projecteur pour éclairer un aspect. Ça recoupe ma mission du Point : être une sorte de casque bleu de la sphère culturelle. »21

C'est ce que Georges Lewi nomme la « marque-caution »22, dont la force est sa « signalétique » :

« elle donne un crédit aux produits [...], c'est un gage de garantie, presque un contrat ». Ce contrat, c'est la solution au paradoxe posé plus haut : si la marque-chroniqueur doit se conformer avec l'air du temps, elle en est aussi un guide. Le chroniqueur en tant que marque s'inscrit alors dans ce que

20 ROUSIERS (de) Paul, La vie américaine : l'éducation et la société, Firmin-Didot et cie, Paris, 1900, p312.

21 Cf annexe 1, entretien avec Christophe Ono-dit-Bio, pp 41-42.

22 LEWI Georges, La marque, Vuibert, 2003, pp 68-69.

Lewi nomme un « double branding »23 : « une marque-produit innovante et une marque-caution rassurante ».

Reste alors à savoir si le discours de cette marque nouvelle va changer par rapport à celui d'origine du chroniqueur ou si, au contraire, il n'y aura qu'un transfert vers la sphère télévisée d'un discours similaire. C'est là toute la question de l'identité propre revendiquée par le chroniqueur qui se pose, derrière le label apposé par l'émission.

23 LEWI Georges, La marque, Vuibert, 2003, pp 68-69.

2) Le chroniqueur-marque ou la « déterritorialisation »

accomplie

La « déterritorialisation » consiste, selon la pensée de Gilles Deleuze, à « quitter une habitude, une sédentarité. Plus clairement, c'est échapper à une aliénation, à des processus de subjectivation précis »24. A amener un discours dans une autre sphère, à déplacer un objet culturel sur un autre terrain. Dès le début d'une marque, cela devient donc la façon d'opérer pour tous les chroniqueurs culturels, à commencer par le premier supporter auto-proclamé de Deleuze, André Manoukian. Toutes les semaines, par de brillantes mises en abîme, le compositeur-juré de la Nouvelle Star, déclame des hommages absurdes à de grands noms de la philosophie moderne dont Gilles Deleuze en étendard. Il en aura fallu peu pour que « le décalé de service se fasse traiter de philosophe du PAF »25 selon ses propres mots. Ici, nous sommes dans une marque télévisée construite sur un paradoxe de fond. Un paradoxe « situationniste »26, selon les mots de l'intéressé, qui consiste pour la marque à se démarquer de l'émission dans laquelle elle existe. Cela nous renvoie beaucoup plus loin quand on sait qu'à la base de ces phrases, il y a le duo de chroniqueurs télévisés de Libération, Garrigos-Roberts.

 

27

Voici l'explication d'André Manoukian :

24 DELEUZE Gilles et GUATTARI Félix, L'Anti-OEdipe, Editions de Minuit, Paris, 1972, p162.

25 MANOUKIAN André, Deleuze, Sheila et moi, Calmann-Lévy, Paris, 2010.

26 Ibid.

27 Chronique Ecrans-Médias, Libération du 9 juin 2009

« Ainsi commençait avec le duo Garrigos-Roberts un jeu de piste situationniste : ils posaient leurs instructions dans le journal et je découvrais le jour même les citations improbables que je devais glisser le soir en direct. Je m'acquittais joyeusement de cette tâche avec, en prime, le sentiment d'accomplir une [double] mission : détournement et transmission ».28

C'est à la fois ce qui fait sa personnalité (avant ce premier « dédéfi » de 2006, la popularité n'avait clairement pas explosé), son label, mais aussi ce qui le fait rentrer paradoxalement dans le moulemême de la déterritorialisation, partagée par tous ses confrères, à savoir apporter son background culturel hyperspécialisé dans le media simplificateur qu'est la télévision. Et surtout développer sa marque télévisée est un moyen de déterritorialiser le discours de Garrigos et Roberts. Au final, ce sera toujours le « média télévision » qui l'emportera par sa faculté de déterritorialiser tout discours en faisant d'un chroniqueur une marque.

Tout chroniqueur culturel est donc interchangeable dans la mesure où il n'est que le véhicule de ladite déterritorialisation. Qui peut le plus, peut le moins. C'est le cas pour l'émission hebdomadaire de cinéma de Canal +, Le cercle29, qui, si elle fait appel à des chroniqueurs récurrents (Aurélien Ferenczi de Télérama ou Marie Sauvion du Parisien), n'hésite pas à faire tourner son équipe chaque semaine. Les chroniqueurs sont donc interchangeables dès lors qu'ils rentrent dans une fonction bien définie de la dramaturgie de l'émission. A savoir, pour Le cercle, les critiques de cinéma « grand public » (Le Figaro, Le Parisien, ...) s'opposent aux « pointus » (Les inrocks, Télérama, ...).

Le risque, avec ce nouveau label, faussement personnel et entièrement télévisuel, étant pour les émissions de trop anihiler les origines et les particularismes de chacun. Et donc d'orchestrer une impression, pour le public, d'un brouhaha diffus. Le romancier Philippe Besson, devenu chroniqueur pour Ça balance à Paris, évoque ainsi son statut nouveau :

« Notre origine se dilue peu à peu, dans l'esprit du

28 Ibid.

29 Emission diffusée sur Canal + Cinéma le vendredi à 22h20 et présentée par Frédéric Beigbeder.

téléspectateur ou de l'auditeur. On devient celui qui donne son avis sur un livre, un film. »30

D'où l'importance capitale de la mise en scène de l'émission dans l'instauration d'une marque. Le label devient en effet une marque à partir du moment où elle est choisie par l'émission pour tenir un rôle, dès lors qu'il y a prise de conscience, aussi bien de la part de la chaîne que du journaliste que celui-ci est devenu un label. Ainsi, une des marques-label de chroniqueurs les plus intéressantes à analyser est celle de Thierry Cheze. Journaliste au mensuel de cinéma Studio Cine Live à la base, l'homme s'est progressivement autonomisé pour devenir un label identifiable sur son seul nom. S'il intervient aussi bien sur TPS Star (Starmag), sur Paris Première (Ça balance à Paris), sur France 2 (Le ciné-club) et sur i<Télé (la chronique cinéma de la matinale du week-end), aucune chaîne (à l'exception de TPS Star) pourtant ne mentionne sa provenance de presse écrite.

31

32

33

Preuve, si elle en est, que la distinction entre les marques de chroniqueurs s'opère au coeur de l'émission, au centre de son action filmée, plus que sur le terrain uniquement marketing de la recherche de nouveaux labels susceptibles d'attirer des téléspectateurs-clients.

30 Cf annexe 3, entretien avec Philippe Besson, p 45.

31 Thierry Cheze dans Starmag (TPS Star), émission du 15 juin 2010

32 Thierry Cheze dans Ça balance à Paris (Paris Première), émission du 24 avril 2010

33 Thierry Cheze dans le Ciné-club de France 2 en 2006

II LE TEMPS DE LA SCENOGRAPHIE

Lorsque arrive le temps de la diégèse de l'émission, celui dans lequel la marque se retrouve immergée au coeur de l'événement, le chroniqueur joue sur trois terrains de l'ordre de la représentation. Celui du supermarché, celui du club, et celui du théâtre. C'est là qu'interviennent les « qualités subjectives » de la marque définies par Georges Lewi34 : « tout ce qui donne une perception de la marque et la distingue de ses voisines ». Car, si les marques de chroniqueurs se retrouvent ensemble, c'est pour mieux se démarquer les unes des autres, afin de se construire une identité. En cela, une marque se définit négativement. Avec, dans tous les cas, la primauté du jeu, de la mise en scène, du factice, « de la réalité mise en scène là où il n'y a qu'un plateau de télé, soit un non-lieu, un topos » selon les mots de Patrick Tudoret35. Une télévision qu'il qualifie de « surtélévision ».

1) Le plateau télévisé comme supermarché des marques

a. La vitrine des marques

Le lieu où se retrouvent toutes les marques est par définition le supermarché. Le client est attiré par ses produits en vitrine et y entre afin d'acheter l'un d'entre eux. C'est à peu près le même mécanisme qui se produit avec les marques de chroniqueurs. Une fois que chaque chroniqueur a été placé sur le plateau, autour de la table, mais surtout après qu'il ait pu faire ses armes et se construire une image, une identité, un label, au fil des émissions précédentes, « le packaging doit permettre au consommateur de reconnaître une marque au premier coup d'oeil, sans même avoir besoin de lire son nom »36. Il n'a désormais plus besoin de parler, mais de paraître et de laisser libre cours à l'inconscient de chaque téléspectateur. Cette fonction visuelle de la marque, à la fois première et subjective, c'est le « logotype » défini par Georges Lewi :

« Le logotype est le premier signe visuel de la

34 LEWI Georges, La marque, Vuibert, 2003, p 25.

35 « La surtélévision, c'est quoi ? » in Médialogues, Radio Suisse Romande, émission du 29 septembre 2009.

36 « Analyser le marché », Guide de travaux pratiques de l'Office de la Formation professionnelle et de la Promotion du Travail du Maroc.

marque. Il est caractérisé par sa typographie, sa couleur et son graphisme. Il permet d'identifier et de caractériser une marque. Souvent, la seule vue du logotype d'une marque permet de la situer dans son univers de référence »37

Jean-Jérôme Bertolus tisse la métaphore du chroniqueur avec l'image du produit de supermarché le plus banal qui existe, le yaourt :

« Une marque c'est du storytelling. Une marque, ça vous raconte une histoire. Les chroniqueurs culturels sont comme les yaourts. On achète Danone, pour l'histoire derrière que la marque raconte depuis des années »

La marque du chroniqueur s'apparente donc au pot de yaourt original de Danone qui, sur sa simple photographie dans son pot de verre, nous renvoie à toute une histoire, celle de la fabrication artisanale du produit. Georges Lewi, lui, théorise la « saga » de la marque, ravivée dans notre esprit grâce à une seule image. Dans son article sur la machine promotionnelle qu'est le Grand journal38, la journaliste de Télérama Isabelle Poitte écrit :

« Qu'importe puisque tout est noyé dans les paillettes. Les chroniqueurs maison ne sont même pas obligés de poser des questions, il leur suffit d'être là, béats de contentement : Mouloud, le fan de rap, a serré la main de Jay-Z, Ariane a plaisanté avec Jude Law, Elise a souri à Martin Scorsese. On est heureux pour eux »39

C'est pour cette raison que le Grand journal ouvre ses pauses publicitaires par des « coming-next »
(génériques de mi-émission) ne faisant ni plus ni moins que de mettre en scène ses chroniqueurs
dansant sur une bande-son au goût du jour. Peu de place pour le discours, mais l'image est là, le

37 LEWI Georges, La marque, Vuibert, 2003, p 26.

38 Emission quotidienne diffusée sur Canal + à 19h05 et présentée par Michel Denisot.

39 POITTE Isabelle, « Le grand journal ? Météo, promo, dodo » in Télérama n°3143, 8 avril 2010.

40

« logotype » s'imprime dans nos têtes :

Cette non-nécessité de développer sa chronique entraîne par conséquent un appauvrissement du fond et, tout en cabotinant, délivre un enchaînement d'à peu-près et de clichés que certains sites continuent à relever de façon hebdomadaire. C'est le cas, notamment, du blog « New Wave Hooker » qui par exemple, à propos de la chronique d'Ariel Wizman sur le nouvel album de Depech Mode, avait intitulé son papier « Faut-il brûler les chroniqueurs musicaux en France ? »41.

Mais ce qui est notable dans cet inter-générique du Grand journal, c'est la façon dont chaque chroniqueur porte devant lui le visage d'un autre camarade. Preuve de l'aspect interchangeable des chroniqueurs-marques mis en vitrine de l'émission télévisée. Pour reprendre Saussure42, chacun est le « signifiant » de cet air du temps.

40 Le Grand journal (Canal +) : générique de mi-émission, saison 2009-2010

41 http://www.newwavehooker.com/2009/04/faut-t-il-executer-les-chroniqueurs.html

42 SAUSSURE (de) Ferdinand, Cours de linguistique générale, éd. Payot, 1995.

b. La loi de l'offre et de la demande de chroniques

Un supermarché répond à la loi de l'offre et de la demande. Ainsi, nous sommes passé d'une tendance de marché où c'était l'offre qui influait sur la demande, où la marque des chroniqueurs se créait indépendamment des téléspectateurs, à une offre, au sens capitaliste du terme, qui gouverne les marques de chroniqueurs. Une offre fondée sur les calculs d'une demande a priori. Et le chroniqueur devient ainsi ce que Michel Mathien appelle un « guetteur du désirable »43. Ou, comme le synthétise le journaliste, et chroniqueur chez Michel Drucker, Claude Sérillon :

« Dans une émission magazine ... il faut séduire, c'est-à-dire plaire, c'est-à-dire devancer l'opinion, c'est-à-dire vendre un produit. »44

Le risque est donc double : que la marque-chroniqueur, afin de ne pas décevoir ses clientstéléspectateurs, tombe dans sa propre caricature pour ne plus se vendre que comme l'image d'ellemême et, ainsi, ne plus créer le buzz45 au final, à force de trop user les vieilles techniques. Comme le dirait le conseiller en communication, auteur, et professeur au Celsa, David Réguer :

« Moi, délibérément, je n'ai aucune conviction ou seulement a posteriori, si elle rencontre son public. »46

« Trouver son public » : telle est la mission essentielle pour toute marque souhaitant survivre. Mais paradoxalement, cela ne peut avoir lieu que si une marque se déploie dans un univers élitiste, où, par définition, la concurrence, bien que qualitativement plus rude, est quantitativement moins forte.

43 MATHIEN Michel, Les journalistes : Histoire, pratique et enjeux, Ellipses, Paris, 2007, p 205.

44 In Le Monde, 14 février 1992.

45 Emballement médiatique, ramdam.

46 REGUER David, Tout sauf anonyme, Anabet, Paris, 2009.

2) Le plateau télévisé comme club des marques

Le marché des marques de chroniqueurs culturels est donc oligopolistique. Quelques vendeurs, face à une multitude d'acheteurs. En revenant à notre idée que les chroniqueurs culturels sont interchangeables, le fait est qu'ils sont surtout un cercle restreint. Ils forment donc un club avec toute la connotation élitiste que possède le mot. En effet, depuis les clubs sportifs jusqu'aux boîtes de nuit, en passant par les clubs mondains, il y a toujours cette idée d'une sélection à l'entrée. Il y a aussi sélection des marques de chroniqueurs à la télévision par les émissions.

Le Cercle est d'ailleurs le titre de l'émission de cinéma qui pousse ce constat de club le plus loin. Dans le Cercle, les critiques se font face autour d'une table, ambiance tamisée. Les spectateurs sont eux dans des gradins, derrière un muret. Les critiques se font face et surtout « jouent » ensemble dans la mesure où la table est une table de poker. Le bluff d'un chroniqueur fait donc partie du jeu.

47

47 Le Cercle (Canal +) : émission du 11 juin 2010

48

Il y a surtout dans Le Cercle une mise en scène qui rappelle l'époque de la prohibition et de clubs tels que l'on peut en voir dans les films noirs américains des années 40. Cette architecture visuelle, ce topos bien précis, va de pair avec ce qui est le discours élitiste revendiqué du film : ne seront présents que les marques jusqu'au-boutistes de la critique.

Ce sont les mêmes marques que l'on retrouve entre Ça balance à Paris49, Starmag50 et Le cercle, les trois seules émissions constituées uniquement de chroniqueurs. Ce que relève Christophe Ono-ditBio : « On a l'impression de voir un peu les même noms partout. D'ailleurs c'est peut-être un peu préjudiciable. »51 Ainsi, les chroniqueurs Thierry Cheze, Eric Naulleau, Mazarine Pingeot et Virginie de Clausade ont longtemps partagé leur temps entre les émissions de Paris Première et TPS Star, étant présent sur les deux plateaux dans la même semaine. Dans Ça balance à Paris aussi la disposition des chroniqueurs est révélatrice : en petit comité, dans une pièce ressemblant à un salon. Chacun prend place sur un cube. Chacun est ici chez lui. Ce sont les signes d'un entre-soi évident.

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48 Le Cercle (Canal +) : émission du 11 juin 2010

49 Emission diffusée sur Paris Première le samedi à 17h40 et présentée par Pierre Lescure.

50 Emission quotidienne diffusée sur TPS Star à 19h40 et présentée par Eric Naulleau et Valérie Amarou.

51 Cf annexe 1, entretien avec Christophe Ono-dit-Bio, pp 41-42.

52 Ça balance à Paris (Paris Première) : émission du 17 avril 2010

53

Dans le cas du Cercle comme dans celui de Ça balance à Paris, les marques-chroniqueurs sont choisis afin de s'intégrer au mieux à l'esprit original de ces émissions, à savoir se poser en dernier lieu de critique argumentée des oeuvres. Ainsi, à l'entrée d'un club, il y a sélection, selon l'esprit de l'émission. Du club de marques de critiques jusqu'au-boutistes au théâtre de marques de polémistes, il n'y a qu'un pas, comme le rappelle Camille Brachet :

« Ça balance à Paris est une émission très appréciée des professionnels [comme le raconte la manageuse d'un chanteur] : les propos tenus sont argumentés, les chroniqueurs ont chacun une légitimité dans leur domaine, et il n'y a jamais d'attaque personelle. En effet, On n'est pas couché est perçue comme une émission polémique ».54

53 Ça balance à Paris (Paris Première) : émission du 17 avril 2010

54 BRACHET Camille, Peut-on penser à la télévision, la culture sur un plateau, coll. INA, Paris, 2010, p51.

3) Le plateau télévisé comme théâtre des marques

Il est évident que la télévision met en scène, ne serait-ce que dans la simple disposition du plateau télévisé. C'est sûrement dans On n'est pas couché55 que l'idée de Patrick Tudoret prend toute sa force : « il y a tribunalisation du plateau de télévision à l'heure de la surtélévision »56. Dans l'émission de seconde partie du samedi soir de France 2, le plateau prend la forme d'une arène où les invités vont s'assoir sur un fauteuil pris en tenailles entre les autres invités et les chroniqueurs Zemmour et Naulleau :

 

57

Une géographie du plateau qui va de pair avec le ton de polémiste de ses deux chroniqueursmarques, Eric Zemmour et Eric Naulleau. Une fonction de tribunal inhérente à l'histoire du média télévision selon Christophe Ono-dit Bio :

« Les plateaux télé ressemblent beaucoup à une arène. C'est la partie cirque romain qu'il y a toujours eu à la télévision. »58

Après avoir montré que ce qui participe d'une marque pour un chroniqueur est sa personnalité, on
peut facilement discerner le rapport fonctionnaliste de la télévision. Les émissions de chroniqueurs
sont ainsi le plus souvent hétéroclites et rentabilisent à fond chacune de leurs marques, procédant

55 Emission diffusée sur France 2 le samedi vers 22h50 et présentée par Laurent Ruquier.

56 « La surtélévision, c'est quoi ? » in Médialogues, Radio Suisse Romande, émission du 29 septembre 2009.

57 On n'est pas couché (France 2) : émission du 6 octobre 2007

58 Cf annexe 1, entretien avec Christophe Onon-dit-Bio, pp 41-42.

souvent à des conflit, ou « clash ». Isabelle Poitte continue de disséquer le Grand journal et en tire cette conclusion :

« A chaque chroniqueur sa fonction. A Ariane Massenet le rôle de faire-valoir décomplexé, à Ali Baddou, agrégé de philo et animateur à France Culture, l'érudition qui rassure les intellectuels, à Mouloud Achour les cultures urbaines (la caution « jeune »)... Et, pour lier le tout : un Michel Denisot passe-plat, lisse et poli comme il se doit. »59

On peut donc clairement parler de mise en scène de personnages, de créations de marques de chroniqueurs au sein même de la dramaturgie de l'émission. C'est ce que Patrick Tudoret définit comme étant la dimension prométhéenne de la télévision :

« Un des éléments de la télévision, c'est qu'elle a une dimension prométhéenne, la télé usine, formate, ses propres créatures, à la fois auteur et chroniqueurs »60

Le même Tudoret de s'attaquer avec rancoeur aux « juges improvisés, érigés en critiques »61. Mais qui « érige » ces marques de chroniqueurs-critiques ? Difficile alors de dire si la marque se crée elle-même ou si elle est réduite à sa simple utilisation par le média télévision. Pour Jean-Jérôme Bertolus, il y a des deux, la télé crée la marque et la marque demande à la télé de l'entretenir :

« Les marques sont mises en scènes par le réalisateur, le producteur mais vous aussi si vous êtes une marque, vous allez demander à être mis en scène. »62

L'émission arrivera aussi à s'approprier les clivages entre marques. Clivages qui ne sont que de
façade. Le bon et le méchant n'étant que deux rôles d'une pièce de théâtre, celle de l'émission

59 POITTE Isabelle, « Le grand journal ? Météo, promo, dodo » in Télérama n°3143, 8 avril 2010.

60 « La surtélévision, c'est quoi ? » in Médialogues, Radio Suisse Romande, émission du 29 septembre 2009.

61 TUDORET Patrick, L'écrivain sacrifié : vie et mort de l'émission littéraire, Bord de l'eau, Paris, 2009, p 170.

62 Cf annexe 2, entretien avec Jean-Jérôme Bertolus, pp 43-44.

culturelle. Jean-Jérôme Bertolus poursuit son analyse :

« Si on applique le concept de marque commerciale à un journaliste, qu'il soit pour, qu'il soit contre, qu'il soit dans le sourire comme PPDA, qu'il soit dans l'agressivité comme Naulleau, si on considère tout ça du point de vue des marques, ça veut dire en fait qu'elles s'annulent. On peut être dans la critique, on peut être dans la complaisance, à partir du moment où l'on respecte le principe premier de la télé qui veut qu'on soit une marque, dans quelque registre que l'on soit, on est tellement fédérateur qu'au final, ça revient au même. »63

La marque ne serait donc qu'un rôle participant du système. On peut donc dire qu'il y a une marque « anti-système ». Le risque étant que les chroniqueurs s'enferment dans une vision simpliste et archétypale de leur marque, de leur personnalité. Ce risque, c'est celui de « sublimation »64 pour reprendre le concept politique de Bernard Lamizet, pour qui un homme politique va se prendre en compte comme l'un des protagonistes de l'histoire qu'il raconte et ainsi intégrer dans son propre comportement public un rôle qu'il n'avait pas au début :

« Les acteurs de l'événement se pensent eux-mêmes comme les acteurs de l'histoire qu'ils évaluent dans leur intervention ... On peut parler, dans ces circonstances, de sublimation des acteurs de l'événement, à la fois dans l'image qu'ils se font d'eux-mêmes, dans leur propre pratique, et dans leurs relations avec les autres. »65

En intégrant à son discours l'image de marque qu'il voudrait avoir, un chroniqueur-marque cherche
à « affirmer sa propre personnalité, [...] et accéder à une forme de célébrité » selon l'auteur

63 Cf annexe 2, entretien avec Jean-Jérôme Bertolus, pp 43-44.

64 LAMIZET Bernard, Sémiotique de l'événement, Lavoisier, 2006, p 116.

65 Ibid.

britannique David Lodge66. Il faudrait tout de même relativiser en notant que ce duel entre marques de chroniqueurs culturels vendues comme antagonistes existe depuis bien longtemps. Christophe Ono-dit-Bio confirme :

« La télévision a toujours créé des personnages. Souvenez-vous de Michel Chevalet, des frères Bogdanov, Antoine de Caunes ... Il n'y a pas d'enfermement, aujourd'hui on est tous polyvalents. »67

A la radio, l'émission qui fit triompher l'idée de faire s'affronter des chroniqueurs culturels a toujours été Le Masque et la Plume. Ainsi, Jean-Claude Raspiengas, pas encore chroniqueur, se souvient :

« Au fil du temps, Georges Charensol et Jean-Louis Bory, le réactionnaire et l'affranchi, comparses de comédie, s'installèrent dans notre univers, peuplèrent de leurs querelles l'habitacle de la voiture. La voix grave de l'un, vite outrée, les emportements aigus de l'autre, farfadet provocateur qui attirait les rieurs de son côté, figuraient un théâtre familier dont les objets de dispute nous demeuraient opaques. »68

Certes, il s'agissait là d'un rôle, d'un théâtre, mais à la nature visible au premier coup d'oeil. Les faux affrontements étaient présentés dès le début comme surjoués. Aujourd'hui, la démarche est devenue commerciale et relève d'une conception égotique de mise en valeur de soi aux ressorts cachés. Aujourd'hui, être une marque c'est donner l'illusion d'un personnage de la manière la plus réaliste et non, comme à la grande époque du Masque et de la Plume, avec une certaine dérision. On en revient à l'idée de Patrick Tudoret du plateau télévisé comme lieu de « la réalité mise en scène »69. C'est peut-être pour cette raison que l'on se souvient plus des chroniqueurs de cette époque, moins interchangeables qu'aujourd'hui, moins uniformisés.

66 LODGE David, Les quatre vérités, Pocket, 2006, p 163.

67 Cf annexe 1, entretien avec Christophe Ono-dit-Bio, pp 41-42.

68 GARCIN Jérôme et GARCIA Daniel, Le masque et la plume, 10/18, 2005, p 273.

69 « La surtélévision, c'est quoi ? » in Médialogues, Radio Suisse Romande, émission du 29 spetembre 2009.

III LE TEMPS DE LA SURVIVANCE

Nous venons de voir qu'un chroniqueur-marque, s'il veut exister sur le marché, se doit de ne parler que du buzz, de l'air du temps. Non pour le commenter, mais pour créer un nouveau buzz, notamment grâce à une mise en scène de sa marque. Cela afin de faire survivre sa marque, dans l'inconscient des publics, mais aussi surtout grâce à l'outil internet.

1) La marque après la chronique télévisée

La question sur les lèvres de tout chroniqueur télévisé s'apparente à celle de la « ménagère de cinquante ans » : « comment rester belle à mon âge ? », ou plutôt dans notre cas, « comment faire survivre sa marque dans la jungle du net ? ». Comme nous le verrons plus loin, marque journalistique et internet vont de plus en plus de pair, la logique étant de s'affranchir de tout média traditionnel afin de fédérer des téléspectateurs et un lectorat sur son simple nom. D'où cette interrogation fondamentale : une chronique télévisée ... et après ?

Si la plupart rétorqueront d'aller voir « sur youtube, sur dailymotion, ... », force est de constater que la grosse majorité des vidéos de chroniques télévisées postées directement sur internet se limite aux « clashs »70. A part sur le site de Canal +, qui met à jour quotidiennement toutes les vidéos des émissions culturelles de la chaîne. Et ce sans passer par aucun hébergeur de vidéo externe. Les vidéos sont directement intégrées sur la page du site. Mais le vrai renvoi aux noms des marques télévisées réside sous les vidéos des dites émissions.

On peut ainsi revoir « la story de Marie Colmant », chroniqueuse de l'Edition spéciale, sur un blog du même nom : 71

70 Voir III-2) Le « clash » ou l'instantané télévisé des marques sur internet.

71 « La story de Marie Colmant » : blog de la chroniqueuse de L'édition spéciale, Marie Colmant

Ou alors découvrir les dernières sélections musicales sur le blog de la chroniqueuse du Grand journal Tania Bruna-Rosso, le « Tania's blog » :

72

Daphné Burki, chroniqueuse mode de l'Edition spéciale, possède ainsi son propre blog, qui ne s'appelle ni plus ni moins que le « Burkiblog ». Notez bien le renvoi direct à son nom, mot-clé très important pour la marque.

73

Et la marque Burki de préparer dès son passage télévisé son transfert vers internet, dans un processus tout à la fois de fidélisation de sa clientèle sur son propre nom et en même temps d'exploration de son contenu. Afin d'aller plus loin, là où s'arrêtaient ses chroniques télé. « Vous retrouverez les détails supplémentaires sur le Burkiblog » ponctue ainsi généralement la fin de chacune de ses chroniques de l'Edition spéciale. Pour tous les chroniqueurs évoqués ici, la survivance de leur marque se fait de manière directe, dans le but de marteler leur slogan, sous une forme autre que télévisuelle, et ainsi s'auto-promouvoir. Mais pour d'autres, le phénomène fait intervenir le chroniqueur-marque de manière indirecte, par des fragments télévisuels bien ciblés.

72 « Tania's blog » : blog de la chroniqueuse du Grand journal, Tania Bruna-Rosso

73 « Burkiblog » : blog de Daphné Burki, chroniqueuse mode de l'Edition spéciale

2) Le « clash » ou l'instantané télévisé des marques sur

internet

Avec les blogs, le mot-clé qu'est le nom du chroniqueur (on vient de le voir avec l'exemple de Daphné Burki) devient donc la donnée centrale de la survie du chroniqueur-marque sur internet. En termes de mot-clé, l'un des phénomènes les plus importants de ces dernières années sur les plateformes vidéos du web reste le « clash »74. On pourrait même parler d'esthétique du « clash » tant le phénomène s'est développé en peu de temps et à une allure exponentielle pour avoir aujourd'hui le statut de passage obligé.

Le mot « clash » a longtemps été associé à certaines confrontations télévisées d'Eric Naulleau sur le plateau d' On n'est pas couché. Face à Mickael Youn, Laurence Boccoloni, et Francis Lalanne notamment, avec respectivement 125000, 31000 et 421000 vues. Le nom de ces vidéos « clash » suit un processus semblable pour tous. Très souvent, la vidéo est postée sur dailymotion par un même utilisateur, à savoir Fullhdready, fournisseur n°1 d'images de télévision sur dailymotion. Les vidéos, elles, portent toutes la même appellation bâtie sur ce modèle : « clash "nom du chroniqueur" vs "nom de l'invité" ». Quatre mots-clés donc, avec au centre celui du chroniqueur. La marque devient donc un substantif dans la grammaire spécifique à internet.

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74 Terme issu du vocabulaire du rap, désignant un affrontement verbal violent entre un chroniqueur et un invité.

75 Vidéo dailymotion du « clash » entre Mickael Youn et Eric Naulleau sur le plateau d'On n'est pas couché (16 juin 2007)

76

Sur dailymotion, le mot « clash » devient un « symbole » au sens linguistique de Saussure77 : en cherchant le symbole du « clash », le spectateur, client, ou internaute, ne recherche ni plus ni moins que le « signifié » d'une pièce de théâtre. Grâce au « signifiant » qu'est le néologisme « clash », on aboutira donc à l'affrontement visuel sur le plateau d'un chroniqueur et d'un invité. Mais avant d'atterir sur internet, le clash ne peut exister en tant que symbole. En réalité c'est internet qui transforme cet événement du théâtre des marques propre à la « télé-prétoire »78 en symbole dans la mesure où ce symbole reste gravé pour toujours, passant d'une logique de flux (télévision) à une logique de stock (internet).

76 Vidéo dailymotion du « clash » entre Georges-Marc Benamou et Eric Zemmour sur le plateau d'On n'est pas couché (29 mai 2010)

77 SAUSSURE (de) Ferdinand, Cours de linguistique générale, éd. Payot, 1995.

78 TUDORET Patrick, L'écrivain sacrifié : vie et mort de l'émission littéraire, Bord de l'eau, Paris, 2009, p 168.

3) « Personal branding » et « reterritorialisation » de la marque

Ce surdéveloppement de la marque des chroniqueurs télévisés doit aussi être analysé sous le prisme d'une des grandes tendances d'Internet : le « personal branding ». Fin 2009, on pouvait lire dans Le Monde l'un des seuls articles de presse écrite ayant analysé cette tendance lourde qui fait que de plus en plus de journalistes créent leur propre média sur Internet, autour de leur propre identité. Une marque-internet en somme. Voici ce qu'écrit Xavier Ternisien, son auteur :

« L'essor du journalisme multimédia a conduit les éditeurs à mettre en avant le concept de marque de presse : dans la jungle de l'information sur Internet, le titre d'un magazine ou d'un quotidien, qui se décline sur plusieurs supports, devient un gage de sérieux et de crédibilité pour l'internaute en mal de repères.

Mais Internet, en tant que formidable outil de diffusion de l'information - et aussi d'autopromotion -, pourrait bien contribuer à transformer les grandes signatures de la presse en marques susceptibles de se vendre toutes seules, sans le secours d'un support connu. »79

Dès lors, le rapport beaucoup plus proche avec les marques de chroniqueurs télévisés devient évident. Dans un article de la journaliste de Télérama, Emmanuelle Anizon, on pouvait lire :

« Ce n'est pas nouveau : PPDA n'a jamais fait autre chose que de décliner sa marque, tout comme ces journalistes chroniqueurs qui squattent les plateaux télé et les studios radio. Mais la crise économique alliée à l'explosion du Net transforme le personal

79 TERNISIEN Xavier, « Les journalistes vont-ils devenir des marques grâce à internet ? » in Le Monde, 26 septembre 2009.

branding en un système généralisé : "Il n'y a pas si longtemps, un étudiant envoyait son CV, tapait à la porte des rédactions pour obtenir un stage, proposer un sujet. Aujourd'hui, il a intérêt à se construire un nom sur son blog, Facebook, Twitter... avant même sa sortie de l'école", confirme Christophe Deloire, directeur du Centre de formation des journalistes. »80

Mais l'erreur serait de limiter cette tendance aux apprentis journalistes. L'analyse de Christophe Deloire vaut aussi pour tous les journalistes et chroniqueurs télévisés. Eric Naulleau, par exemple, envoie toutes les semaines sur Facebook le planning des émissions Starmag à tous les membres de son groupe « La vie est trop courte pour lire de mauvais livres ».

 

81

Autre chroniqueur de l'émission de TPS, Patrick Fabre, fait vivre en temps réel l'enregistrement des émissions grâce à son compte facebook :

82

Une bonne synthèse de cette idée de l'influence réelle du fonctionnement des marques Internet sur les marques télévisées est donnée par David Réguer :

« Le journaliste existe de plus en plus par lui-même,

80 ANIZON Emmanuelle, « Journaliste à louer » in Télérama, n°3135, 13 février 2010.

81 Programme de la semaine Starmag, envoyé par Eric Naulleau, par inbox sur Facebook, le 8 novembre 2009

82 Pseudo Facebook du chroniqueur (Starmag) Patrick Fabre du 21 juin 2010

indépendamment du support pour lequel il travaille. Internet lui donne progressivement une valeur marchande propre, à tel point qu'il pourrait à son tour basculer et devenir une marque déclinable sur divers médias traditionnels et sociaux, mais aussi monnayable au travers d'associations d'autres marques, d'opérations ou de transactions. Une petite révolution culturelle, initiée par les blogueurs. Les journalistes leur emboîtent le pas de la "self-promotion", avec l'atout parfois supplémentaire d'être déjà reconnu dans [les médias traditionnels]. »83

Le chroniqueur connu pour sa marque télévisuelle et la faisant vivre sur internet afin de le retrouver à la télévision : la boucle de la marque du chroniqueur est d'une certaine manière bouclée dans la mesure où les trois temps de la marque s'auto-entretiennent dans ce qu'on pourrait appeler un « cercle vertueux »84 pour reprendre l'expression de l'économiste John Maynard Keynes.

83 www.lepost.fr/article/2009/09/28/1716895_les-journalistes-sont-des-marques-en-devenir-bientot-people.html

84 KEYNES John Maynard, Les conséquences économiques de la paix, nrf, Paris, 1919.

CONCLUSION

Les chroniqueurs culturels à la télévision sont des marques comme les autres. Au départ, ils sont choisis pour incarner l' « identité » d'une émission en la personnalisant :

« Dans le cadre des émissions de télévision, le terme identité désigne les éléments qui soumettent une émission en particulier au principe d'individualisation, les éléments qui lui permettent de se distinguer des autres ».85

Une fois labellisée par son émission de télévision, la marque d'un chroniqueur devient omniprésente et n'a plus besoin de son émission d'origine pour exister. Si les chroniqueurs Thierry Cheze et Eric Naulleau se sont fait connaître par leurs chroniques dans Ca balance à Paris, ils alternent dorénavant les différents plateaux sur leurs seul nom et leur seule image. En effet, la spécificité du chroniqueur télévisé, c'est de posséder une image, ce que n'a pas le chroniqueur en presse écrite, en radio ou sur internet. Et dans l'ère de la « surtélévision »86, l'image force le trait des émotions. A l'origine de cela, le format télévisuel, « comprimant à l'extrême » le discours :

« L'orateur n'a plus le temps de convaincre son auditoire. Au lieu de convaincre, il doit s'efforcer de séduire, c'est-à-dire de paraître plus et non d'être ».87

D'où cette assomption de Frédéric Taddéï, consistant à affirmer que les chroniqueurs sont la maladie de notre époque. Pire, ils constituent le reflet du triomphe de l'image sur le discours. Ce n'est pas pour rien que, comme nous l'avons souligné tout au long de ces recherches, la plupart d'entre eux viennent de milieux autres que le journalisme pur. Être une marque, c'est avant tout être une image. Ou comme l'écrit Florence Aubenas, « passer à la télé est devenu une étape acceptée pour qui veut aujourd'hui exister »88.

85 BRACHET Camille, Peut-on penser à la télévision, la culture sur un plateau, coll. INA, Paris, 2010, p 56.

86 « La surtélévision, c'est quoi ? » in Médialogues, Radio Suisse Romande, émission du 29 septembre 2009.

87 COTTERET Jean-Marie, La magie du discours : Précis de rhétorique audiovisuelle, Michalon, Paris, 2000, p 16.

88 AUBENAS Florence et BENASAYAG Miguel, La fabrication de l'information : les journalistes et l'idéologie de la communication, La découverte, Paris, 1999, pp 9-10.

Pour un chroniqueur, exercer sa marque est en cela doublement paradoxal. Si une marque multiplie ses apparitions sur les plateaux, sur le fond elle restera figée dans une seule et même case, dans un rôle unique : le méchant/le gentil ou le branché/le ringard. Quitte à parfois tomber dans la caricature d'elle-même afin de répondre aux attentes de son public, transformé en clients. Le paradoxe est identique dans sa forme : la marque est là pour parler du buzz, tout en souhaitant en créer un. D'où une recherche effrénée de l'événement là où il n'y en a pas. Le risque étant de se limiter à une série de phrases-choc aussi réductrices qu'erronées.

Les chroniqueurs sont les créatures de Frankenstein de cette télévision qui leur a laissé de plus en plus de pouvoir et de temps de parole. En déléguant, les présentateurs et animateurs n'ont fait qu'accélérer la fragmentation de l'espace télévisuel. Les chroniqueurs-marques naissent donc tiraillés entre deux tendances : porter l'identité de l'émission et exporter leur propre marque. Interchangeables et presque toutes parisiennes, les marques se retrouvent dans un cercle incestueux et officient un jeu de rôles amenant à une « starification » d'eux-même. Et à un appauvrissement du discours. Le grand tournant de la néo-télévision depuis une dizaine d'années réside dans le fait que les marques de chroniqueurs sont devenues plus importantes que celles des artistes invités dans les émissions culturelles.

« Les journalistes devenaient les nouveaux auteurs, et les écrivains qui souhaitaient encore être des auteurs devaient passer par les journalistes, ou devenir leurs propres journalistes »89

Les marques télévisuelles de chroniqueurs font face à un avenir incertain. Toutes les marques étant interchangeables on débouche alors sur un phénomène de goulot d'étranglement. Pour l'élite des marques de chroniqueurs, la sélection naturelle est perçue comme le remède à ces maux. C'est le constat de Christophe Ono-dit-Bio : « Des marques vont survivre, se développer, d'autres, comme des produits mal ciblés, vont se perdre ». Une fois de plus, l'analyse est économique et prouve que la carrière d'un chroniqueur est avant tout de l'ordre du marketing.

Mais pour quel discours ? C'est là que le bât blesse. La vraie et la seule question qui compte est
finalement celle de la direction axiologique à donner à sa marque, quel rôle prendre ? Certes, nous
venons de voir que le système médiatique avait intégré en lui sa propre opposition en créant des

89 DELEUZE Gilles, « A propos des nouveaux philosophes », in revue bimestrielle Minuit, n°24, mai 1977.

marques « anti-système ». Mais alors, pourquoi ne pas prendre le problème dans l'autre sens et ne pas se demander si en fait le système égocentrique de la marque, en tant qu'identité définissant un individu associé à une pensée, ne serait aussi pas un bon moyen de remettre en cause la direction que prennent la plupart des marques de chroniqueurs aujourd'hui. N'est-il pas utile qu'un chroniqueur culturel remette en cause l'actualité chaude d'une oeuvre afin de la critiquer avec plus de recul ? Même s'il se place dans le rôle du « sniper » de service, comme Eric Naulleau dans l'émission On n'est pas couché.

Car le vrai débat idéologique au coeur de la marque d'un chroniqueur culturel aujourd'hui oppose un système de promotion systématique à un système de critique argumentée d'une oeuvre. Le pari de cette décennie pour les marques étant de se trouver une place là même où l'on sait bien qu'un chroniqueur-promoteur peut toujours être remplacé par une simple interview. Alors, pourquoi ne pas jouer la carte de l'anti-système au sein-même du système et proposer un discours critique en plein coeur d'émissions promotionnelles ?

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages

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DELEUZE Gilles et GUATTARI Félix, L'Anti-OEdipe, Editions de Minuit, Paris, 1972. DEMANCHE Arnaud, ROSE Stéphane et ROYER Frédéric, Le dictionnaire injuste et borné de la télévision, L'Archipel, 2009.

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Revues

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Articles de périodiques

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LANDROT Marine, « La critique a-t-elle perdu tout sens critique ? » in Télérama n°3132, 20 janvier 2010.

POITTE Isabelle, « Le grand journal ? Météo, promo, dodo » in Télérama n°3143, 8 avril 2010. TERNISIEN Xavier, « Les journalistes vont-ils devenir des marques grâce à internet ? » in Le Monde, 26 septembre 2009.

Sites web

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MAIRE Antoine, « Le journaliste doit apprendre à relayer son information, pas sa marque personnelle », Télérama, http://www.telerama.fr/techno/le-journaliste-doit-apprendre-a-relayer-linformation-pas-sa-marque-personnelle,52571.php

REGUER David, « Les journalistes : des marques en devenir ... bientôt people ? », Le Post, http://www.lepost.fr/article/2009/09/28/1716895_les-journalistes-sont-des-marques-en-devenirbientot-people.html

Podcast

« La surtélévision, c'est quoi ? » in Médialogues, Radio Suisse Romande, émission du 29 spetembre 2009.

ANNEXES

Annexe 1 : Entretien avec Christophe Ono-dit-Bio (romancier, directeur du service cuture du
Point, chroniqueur dans la Matinale de Canal +)

-Quelles ont été vos motivations pour devenir chroniqueur à la télévision ?

Je trouve que la télévision est un instrument génial pour parler de culture, c'est un media de masse et il y a plein de chose que l'on peut faire passer à l'image. C'est un traitement complémentaire de ce que je fais au Point en presse écrite, une autre forme de pédagogie. En télé on est interrompu, il faut toujours rebondir. Et à Canal, plus on est aiguisé, plus on a de l'humour et un sens de l'époque, de l'air du temps, plus on est le bienvenu. C'est cette culture là que je défends.

-Avez-vous l'impression de devenir une identité à part, autonome, qui ne serait plus là du fait de son origine de presse écrite ?

Moi je suis aussi romancier et je me réfère toujours à FOG. Son ADN est autant le Point que Giesbert romancier et Giesbert présentateur. La télévision recherche des signatures, des visages, des tons. Ce que j'aime dans mon métier, c'est le côté « personnalité forte ». On dit signature en presse écrite, on pourrait dire signature en télévision. La presse écrite est un bon fournisseur de chroniqueurs télé.

-Beaucoup de chroniqueurs viennent d'autres mondes que le journalisme. Notamment ceux que l'on appelle les « chroniqueurs-snipers » tel qu'Eric Naulleau. Que pensez-vous de cette tendance ?

Ce sont des exceptions. Naulleau est éditeur et critique les livres d'autres éditeurs, donc c'est un peu incestueux. Je crois qu'il est là surtout pour dire du mal des invités, et on attend ça de lui. Je crois qu'il est condamné à être le méchant. Je ne sais pas quel est son travail, je dirai que c'est plus une fonction de démolisseur de la télévision.

-La télévision ne simplifie-t-elle pas et n'enferme-t-elle pas un chroniqueur ?

La télévision a toujours créé des personnages. Souvenez-vous de Michel Chevalet, des frères Bogdanov, Antoine de Caunes ... Il n'y a pas d'enfermement, aujourd'hui on est tous polyvalent. On

a l'impression de voir un peu les même noms partout. D'ailleurs c'est peut-être un peu préjudiciable. La télé c'est une forme de nomadisme éditorial. On a besoin de repères, on aime bien identifier une parole donnée, un personnage pour se repérer dans une masse de produits culturels. Moi, je n'ai pas peur de l'enfermement, je suis toujours identifié comme quelqu'un du Point. Cette après-midi je vais tourner une vidéo pour le site du Point : aujourd'hui les magazines vont faire de plus en plus de télévision, sous la marque « Le Point ».

-Comment définiriez-vous votre rôle de chroniqueur ?

Je me définis comme un missionnaire de la culture. J'occupe mon temps de parole à expliquer une oeuvre qui décode l'époque. Je le fais de manière très pédagogique, j'ai été prof de lettres. Je viens avec mon projecteur pour éclairer un aspect. Ça recoupe ma mission du Point : être une sorte de casque bleu de la sphère culturelle.

-Que pensez-vous de la survivance des chroniqueurs par l'esthétique du «clash » sur dailymotion notamment ?

On est là dans la dimension spectaculaire. Pour moi c'est le combat de coqs. Il y a une plus grande personnalisation et individualisation du monde contemporain. On est dans le domaine de l'arène : les plateaux télé ressemblent beaucoup à une arène d'ailleurs. C'est la partie cirque romain qu'il y a toujours eu à la télévision.

-Comment voyez-vous l'avenir des chroniqueurs culturels à l'ère d'internet ?

Je crois aux marques. On a peut-être l'impression que tout se ressemble, mais tout va se décanter à l'avenir. Il y a des marques comme certains réalisateurs tirent leur épingle du jeu. On va voir le nouveau Woody Allen et on ne se souvient pas du titre du film. Des marques vont survivre, se développer, d'autres, comme des produits mal ciblés, vont se perdre.

Annexe 2 : Entretien avec Jean-Jérôme Bertolus (éditorialiste économique à i<Télé, ancien
responsable du service Médias de La Tribune)

-Avez-vous l'impression que les chroniqueurs deviennent une identité à part, autonome, qui ne serait plus là du fait de son origine de presse écrite ?

Oui, tout à fait, la télévision, il y a la forme et le fond. Il y a dix-vingt ans, il y avait des émissions littéraires comme celle de Bernard Pivot, mais pas de chroniqueurs. En une dizaine d'années il y a eu l'arrivée des talk-shows. La télé s'est demandée ce qui marchait. Le fond, mais surtout la forme. Les journalistes culture deviennent des marques commerciales. On veut qu'ils fassent leur show. Le libraire le plus invité de la télé sera donc Gérard Collard, reconnaissable avec sa crête à l'iroquoise. Les journalistes culture, on veut qu'ils « fassent la blague ». Ariel Wizman, très bon sur le fond, fait aussi la blague sur la forme, car il a compris ce qu'était le média télé : vous passez à la télé, vingt secondes après votre passage on vous dira « tu as été vachement bon, vachement souriant, vachement bien habillé ». La télé c'est un média d'images. Ça veut dire que l'image, il faut la remplir.

-Comment définiriez-vous le rôle de chroniqueur culturel aujourd'hui ?

Vous êtes une marque et vous devez parler d'une marque. En littérature, ce seront les prix et le nouveau BHL. Christophe Ono-dit-Bio, par exemple, ne parlera jamais d'un truc qui n'est pas dans le top 20 de L'Express ou du Point. En presse écrite, c'est plus large. Les marques sont mises en scènes par le réal, le producteur mais vous aussi si vous êtes une marque, vous allez demander à être mis en scène. Une marque c'est du storytelling. Une marque, ça vous raconte une histoire. Les chroniqueurs culturels sont comme les yaourts. On achète Danone, pour l'histoire derrière que la marque raconte depuis des années. Quand Guillon s'attaque à la nouvelle équipe d'Inter, ça part bien sûr d'un vrai sentiment, mais c'est aussi un positionnement commercial. Ça continue à faire vivre la marque Guillon, et d'une certaine manière la marque Inter.

-Beaucoup de chroniqueurs viennent d'autres mondes que le journalisme. Notamment ceux que l'on appelle les « chroniqueurs-snipers » tel qu' Eric Naulleau. Que pensez-vous de cette tendance ? Naulleau et Zemmour, c'est des marques. Une marque commerciale, ça a une certaine neutralité, il ne faut pas que ça choque. Si on applique le concept de marque commerciale à un journaliste, qu'il soit pour, qu'il soit contre, qu'il soit dans le sourire comme PPDA, qu'il soit dans l'agressivité comme Naulleau, si on considère tout ça du point de vue des marques, ça veut dire en fait qu'elles s'annulent. On peut être dans la critique, on peut être dans la complaisance, à partir du moment où

l'on respecte le principe premier de la télé qui veut qu'on soit une marque, dans quelque registre que l'on soit, on est tellement fédérateur qu'au final, ça revient au même.

-La marque du chroniqueur culturel ne réside-t-elle pas dans une niche ?

Il n'y a jamais de chroniqueur qui parle de tout. Quand vous êtes chroniqueur culturel, vous êtes dans une case. Il y a une dizaine de chroniqueurs culturels en France seulement.

Annexe 3 : Entretien avec Philippe Besson (romancier, chroniqueur dans Ça balance à Paris
sur Paris première)

-Quelles ont été vos motivations pour devenir chroniqueur à la télévision ?

C'est le hasard qui m'a conduit à devenir chroniqueur. On m'a vu faire le malin dans une émission de télé. On m'a proposé de rejoindre la bande de Ça balance à Paris, émission à laquelle j'avais participé en qualité de romancier invité, et que je trouvais intelligente et singulière. La perspective de travailler avec Pierre Lescure, Eric Naulleau, Elisabeth Quin ou Philippe Tesson a achevé de me convaincre. Je crois que tout est affaire de rencontres, d'affinités.

-Avez-vous l'impression de devenir une identité à part, autonome, une marque qui ne serait plus là du fait de son origine de romancier ?

Oui, notre origine se dilue peu à peu, dans l'esprit du téléspectateur ou de l'auditeur. On devient celui qui donne son avis sur un livre, un film. Mais est-ce si grave ? Ce qui est grave, c'est le chroniqueur qui donne son avis sur tout, tout le temps.

-La télévision ne simplifie-t-elle pas et n'enferme-t-elle pas un chroniqueur ?

On peut essayer d'être un chroniqueur intelligent, qui argumente, explique, donne envie ou dissuade. On peut aussi tenter de parler aux gens sans les prendre de haut, sans leur laisser penser qu'on sait et qu'eux ne savent pas. Dès lors, on ne s'enferme pas. Mais il faut savoir partir, ne pas durer trop longtemps. Je crois que c'est la durée qui enferme.

RESUME

Au départ, un constat : à la télévision, très peu d'émissions de chroniqueurs et pourtant les mêmes qui reviennent indéfiniment.

Ce mémoire décrypte la création du chroniqueur en tant que marque dans tout ce que le mot comporte comme présupposés économiques, et sa carrière sur un plan aussi bien marketing que sémiologique. Si tous les chroniqueurs ne sont que le fruit de l'air du temps, ils doivent aussi bien exister dans une sphère économique que théâtrale, aussi bien sur le marché de l'offre et de la demande de chroniques que sur le lieu géographiquement délimité qu'est le plateau télévisé.

Tout chroniqueur culturel, qu'il le veuille ou non, devient très vite une marque à cause, ou grâce, au média télévision. Son origine ne compte plus, dès lors que l'on devient un chroniqueur-marque, on fait table rase de son passé. Le chroniqueur culturel à la télévision nait donc par et pour l'émission. Il se situe à la fois dans une position d'autorité que de produit, d'intervenant extérieur que de porteparole de l'émission.

Sur le plateau de l'émission, règnent mise en scène et jeu. Le chroniqueur culturel doit être visible afin 1) de faire exister son émission et 2) lui même d'exister. Pour cette raison, émission et chroniqueurs-marques ont tous deux besoin l'un de l'autre, sans qui ils ne pourraient survivre.

Dans les trois temps que sont la promotion de l'émission (l'avant), la diégèse de l'émission (le pendant), et la survivance de l'émission (l'après), la mission du chroniqueur-marque est double. Le chroniqueur culturel à la télévision comme marque se définit par un paradoxe : être et paraître. Proposer et se vendre.

Si internet accélère le mouvement de concurrence des marques, il n'en est toutefois pas la cause. Bien au contraire, aujourd'hui internet est utilisé plus comme un outil de promotion de la marque télévisée d'un chroniqueur que comme un concurrent sérieux aux émissions culturelles. Internet fait survivre la télévision par le relai du chroniqueur-marque.

MOTS-CLES

Chroniqueur

Clash

Culture

Déterritorialisation

Emission Marque Mise en scène

Personal branding

Plateau

Télévision






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