V. RESULTATS
5.1. Résultats d'enquêtes
Un total de 35 ménages a participé aux
enquêtes. Les réponses ainsi que les résultats sont
présentés sous forme de texte et de tableaux. Parmi les questions
posées, celle portée sur la chasse a obtenu un taux de
réponse faible. Mais dans l'ensemble, les ménages ont
répondu avec beaucoup de soins au questionnaire.
5.1.1. La pression agricole
a) Techniques de labour
Dans la zone, plusieurs techniques sont utilisées
(tableau 1) :
- le semis sans labour : traitement des parcelles aux herbicides
(gramosome, gliphoxate ...) avant de les cultiver ;
- le labour manuel : grattage superficiel du sol à l'aide
de la houe traditionnelle (cette technique est la plus utilisée dans les
villages) ;
- le labour attelé : retournement de la terre à une
profondeur de 10 à 15 cm à l'aide d'une paire de boeuf attelant
une charrue ;
- le labour mécanique : retournement de la terre à
une profondeur supérieure à 15 cm à l'aide d'un
tracteur
Suivant les réponses des ménages
interrogés, la culture manuelle est la plus pratiquée dans la
zone avec 97,14% suivi de labour attelé (20%) et de labour
mécanique, peu pratiqué avec 8,57%.
b) Systèmes de culture
Le système de culture avec jachère est le plus
utilisé dans la zone. Plus de 70% des cultivateurs le pratiquent pour
améliorer la fertilité du sol. Les engrais sont aussi
utilisés sur des parcelles qui ne sont pas laissées en
jachère, plus de 60% le font et généralement dans les
parcelles qui portent la culture du coton. Les arbres sont dans la plupart des
cas coupés dans les parcelles de culture. Cependant 5,71% des
ménages laissent quelques arbres dans les parcelles soit pour l'ombrage,
soit pour la fertilisation grasse aux feuilles mortes.
Tableau I: Quelques caractéristiques culturales
dans la zone
|
Caractéristiques
|
Nombre de
répondant/ 35
|
Proportion de personne
pratiquant le système (%)
|
Technique de
labour
|
Sans labour
|
3
|
8.57
|
Labour manuel
|
34
|
97.14
|
Labour attelé
|
7
|
20
|
Labour mécanique
|
3
|
8.57
|
Système de
culture
|
Culture continue
|
10
|
28.57
|
Système jachère
|
25
|
71.42
|
Utilisation d'engrais
|
21
|
60
|
Système agro forestier
|
2
|
5.71
|
Durée de jachère
|
0 - 4 ans
|
21
|
60
|
4 - 8 ans
|
8
|
22.85
|
> 8 ans
|
6
|
17.14
|
5.1.2. La pression pastorale
Près de 32% des ménages ne pratiquent pas
l'élevage tandis que 34% pratiquent l'élevage des ovins et des
caprins (figure 2). C'est un petit élevage de subsistance
pratiqué pour l'autoconsommation et les dons. Les ménages qui
possèdent les bovins représentent 6% et ils précisent que
les bovins sont utilisés pour la culture attelée. Chaque
ménage possède un enclos pour garder ses animaux pendant la
période de culture et les laisse en divagation après les
récoltes. La taille maximale de troupeau par ménage est faible
(environ 12 têtes). Les répondants ont signalé la
présence des glossines (mouches tsé tsé) qui ne les permet
pas d'agrandir la taille de leur troupeau. Près de 28% des
répondants précisent qu'ils préfèrent le petit
élevage de la volaille pour substituer à leur besoin en
protéine. Les populations signalent l'installation temporaire des
éleveurs Mbororos (transhumants) dans la zone en saison sèche
à la recherche du bon pâturage.
aucun 32%
vache 6%
26%
ovin
poule
28%
caprin 8%
Figure 3: Représentativité des
différents types d'élevage pratiqués dans la
zone
Les mêmes enquêtes nous ont permis de dresser une
liste des espèces végétales consommées par le
bétail. Ces résultats sont consignés dans le tableau 2.
Pour chaque espèce citée, les répondants
précisaient les différentes parties utilisées par le
bétail, qui de préférence sont les feuilles et les
fruits.
Tableau II: Espèces végétales
consommées par le bétail
Espèces
|
Nom local : Dii (Dourou)
|
Partie du végétal
utilisée
|
Feuille
|
fruit
|
Acacia seyal
|
|
x
|
x
|
Acacia sieberiana
|
|
x
|
x
|
Afzelia africana
|
Bambam
|
x
|
|
Annona senegalensis
|
Soup
|
x
|
x
|
Anogeissus leiocarpus
|
Ta'ap
|
x
|
|
Bombax costatum
|
Bal
|
x
|
|
Detarium microcarpum
|
Guedok
|
|
x
|
Entada africana
|
Bazième
|
x
|
|
Piliostigma thonningii
|
Ba'al
|
x
|
x
|
Prosopis africana
|
Siansian
|
x
|
x
|
Pterocarpus luscens
|
Hahal
|
x
|
|
Stereospermum kunthianum
|
Gop
|
x
|
|
Tamarindus indica Terminalia sp.
|
Pa'at
|
x x
|
|
Ximenia americana
|
Bock
|
x
|
x
|
5.1.3. La pression de coupe de bois
a) Les zones de ravitaillement
Trois domaines sont généralement explorés
pour la recherche du bois :
· les champs de culture : ils sont visités par les
personnes âgées n'ayant plus assez de force pour aller plus loin
chercher du bois de feu de bonne qualité ;
· les nouveaux défrichements agricoles (bois de feu
et de service) ;
· les brousses (le bois de feu et de service).
Une majorité de la population (60%) se ravitaille dans
la brousse, tandis qu'une petite proportion en majorité
constituée des personnes âgées (14,2%) se ravitaille dans
les champs de culture aux alentours des cases. On compte plus de 25% des
personnes qui se ravitaillent dans les nouveaux défrichements (Tableau
III).
b) Distance des zones de ravitaillement
Suivant les résultats d'enquêtes, 37% de la
population va à plus de 2000 m du village pour rechercher le bois,
surtout le bois de bonne qualité (Tableau III). Cette proportion
élevée justifie la disparition progressive du couvert
végétal du village vers la zone de brousse. Autour des villages,
on note cependant quelques arbres abandonnés, ou de faible valeur
calorifique, qui sont exploités par les personnes ne pouvant pas faire
de longues distances pour rechercher le bois de bonne qualité.
c) Période de coupe de bois
Trois périodes de coupe de bois ont été
signalées par les répondants. Presque la moitié (48,57%)
se ravitaille pendant la période de repos agricole, 37,14% au moment des
défrichements tandis que 14,28% font de l'exploitation du bois leur
activité quotidienne (Tableau III). Ainsi, les besoins en bois se
manifestent en toute période dans la zone entrainant l'exploitation
anarchique et par conséquent la disparition du couvert
végétal
Tableau III: Principales caractéristiques de
l'exploitation du bois dans le terroir
|
Caractéristiques
|
Nombre de répondant /35
|
Proportion (%)
|
Points de
ravitaillement en
bois
|
Champ de culture
|
5
|
14.2
|
Nouveau défrichement
|
9
|
25.7
|
Brousse
|
21
|
60.0
|
Distance des zones de ravitaillement
|
0 - 500
|
4
|
11.4
|
500 - 1000
|
11
|
31.4
|
1000 - 2000
|
7
|
20.0
|
>2000
|
13
|
37.1
|
Période de coupe de bois
|
Lors de défrichement
|
13
|
37.1
|
Repos agricole
|
17
|
48.5
|
Activité permanente
|
5
|
14.2
|
d) Les ressources exploitées et leur utilisation
+ Le bois de feu
Le bois est la principale source d'énergie
utilisée dans la zone. D'après les enquêtes, les
espèces les plus appréciés comme bois de feu sont
Anogeissus leiocarpus (88.56%), Acacia polyacantha (57.14%)
et Pterocarpus luscens (42.85%) parce qu'elles sèchent
très vite, conservent la flamme, prennent feu rapidement et ne font pas
trop de fumée. D'autres espèces sont aussi utilisées
(tableau IV).
Tableau IV: les espèces utilisées comme
bois de feu
Espèces
|
Nom local : Dii (Dourou)
|
% utilisation
|
Anogeissus leiocarpus
|
Ta'ap
|
88.5
|
Acacia polyacantha
|
Sat
|
57.1
|
Pterocarpus luscens
|
Hahal
|
42.8
|
Stereospermum kunthianum
|
Gop
|
22.8
|
Afzelia africana
|
Bambam
|
22.8
|
Isoberlinia doka
|
Ko't
|
20.0
|
Hymenocardia acida
|
Targnane
|
17.1
|
Pterocarpus erinaceus
|
Seme
|
17.1
|
Combretum micranthum
|
Magfili
|
14.2
|
Prosopis africana
|
Siansian
|
14.2
|
Monotes kerstingii
|
Nome
|
11.4
|
Généralement, le bois est utilisé pour
faire cuire les repas. La consommation est en moyenne d'un fagot par jour par
foyer, soit environ 4.5 à 5 kg. Cette consommation double dans les
cabarets de « bil-bil », pour la fabrication du vin local. Une partie
est vendue en bordure de la route pour ravitailler les centres urbains tels que
Garoua et Ngaoundéré. Le bois est entassé devant les
concessions en fagots de 50 F et 100 F. Les principaux preneurs sont les
chauffeurs de camion qui voyagent à vide ou à moitié
chargés. Le commerce du bois occupe plus de 48.57% de ménages.
+ Le charbon de bois
Le charbon est utilisé par les forgerons comme
combustible pour fabriquer des outils. Le charbon est peu utilisé pour
la cuisine, il est vendu en bordure de la route. Les forgerons et certains
vendeurs fabriquent du charbon en brousse par le procédé suivant
: l'arbre est coupé, couché sur le sol, puis on l'entoure de
brindilles auxquelles on met le feu. Le charbon est retiré incandescent
du feu, puis éteint avec de la terre. On utilise également le
résidu du foyer allumé pour la préparation de la
nourriture. Pterocarpus erinaceus et Prosopis africana sont
les espèces les plus utilisées car il s'agit de bois dur qui ne
donne pas de cendre.
+ Le bois de service
Le tableau V présente les espèces les plus
utilisées comme bois de service. Parmi ces espèces, Monotes
kerstingii, Anogeissus leiocarpus, Burkea africana et Prosopis
africana sont les plus appréciés grâce à leur
solidité, leur durabilité et leur résistance aux attaques
des termites. Ce bois est utilisé pour les toitures, les
barrières, les enclos à bétail et les manches des outils
(houes, haches etc.).
Tableau V: Quelques espèces utilisées comme
bois de service
Espèces
|
Nom local : Dii
(Dourou)
|
utilisation
|
% d'utilisation
|
Monotes kerstingii
|
Nome
|
Toiture,
|
45.7
|
Anogeissus leiocarpus
|
Ta'ap
|
manche des
|
37.1
|
Burkea africana
|
Him
|
outils,
|
34.2
|
Stereospermum kunthianum
|
Gop
|
clôture.
|
28.5
|
Prosopis africana
|
Siansian
|
|
22.8
|
Diospyros mespiliformis
|
Gwadip
|
|
14.4
|
Pterocarpus luscens
|
Hahal
|
|
11.4
|
Pseudocedrella kotschyi
|
Boueto't
|
|
11.4
|
Le bois de service est également utilisé comme
tuteurs d'ignames dans les champs. Les tiges les plus utilisées sont
celles ayant un diamètre de 4 à 5 cm et de 125 à 140 cm de
hauteur, les jeunes tiges étant les plus sollicitées. Les
espèces les plus utilisées sont : Prosopis africana,
Pterocarpus erinaceus, Piliostigma thonningii, Annona senegalensis,
Crossopteryx febrifuga et Pterocarpus luscens.
e) Quelques produits forestiers utilisés dans la
pharmacopée traditionnelle
Outre les produits forestiers susmentionnés, les
personnes enquêtées ont également signalées quelques
produits forestiers non ligneux entrant dans la pharmacopée
traditionnelle. Ces informations ont été données par des
personnes ressources (les guérisseurs traditionnels) lors des
enquêtes informelles. Plus de 25 espèces ainsi que les
différentes parties utilisées et les maladies soignées
sont, à cet effet, consignées dans le tableau VI.
Tableau VI: Les espèces utilisées pour la
pharmacopée
Espèce
|
Nom local : Dii (Dourou)
|
Partie de l'arbre utilisée
|
Maladies soignées
|
Feuilles
|
Racine
|
Ecorce
|
Adansonia digitata
|
Book
|
x
|
|
|
Nanisme chez les enfants
|
Adenodolichos paniculatus
|
Boun
|
|
x
|
|
Rougeole, toux
|
Anogeissus leiocarpus
|
Ta'ap
|
x
|
|
x
|
Dysenterie, jaunisse
|
Asparagus africanus
|
Gouavo
|
|
x
|
|
Maladie vénérienne
|
Boswellia dalzieli
|
Biemfi
|
x
|
|
x
|
Morsure de serpent
|
Cassia arereh
|
Gamohi
|
x
|
x
|
|
Utiliser comme vitamine
|
Ceiba pentandra
|
Koun
|
x
|
|
x
|
Paludisme
|
Crossopteryx febrifuga
|
Guip
|
|
|
x
|
Diarrhée
|
Cussonia arborea
|
Bemzete
|
|
x
|
x
|
Paralysie
|
Daniellia oliveri
|
Dop
|
|
x
|
|
Yeux, trouble mental
|
Detarium microcarpum
|
Goueto'ot
|
|
x
|
|
Mal de coeur, filaire
|
Entada africana
|
Bazième
|
|
x
|
x
|
Sorcellerie
|
Erythrina senegalensis
|
Bembeh
|
x
|
|
x
|
Jaunisse
|
Ficus etrangleur
|
Dian
|
x
|
|
x
|
Hernie
|
Ficus sycomorus
|
Siip
|
x
|
x
|
|
Toux
|
Gardenia aqualla
|
Diag
|
|
|
x
|
Plaie
|
Grewia bicolor
|
Goglam
|
|
x
|
|
Sorcellerie, dysenterie
|
Ipomoea heterotricha
|
Demhock
|
|
x
|
|
Verres intestinaux
|
Khaya senegalensis
|
Pep
|
|
x
|
x
|
Bas ventre
|
Nauclea latifolia
|
Vo'op
|
|
x
|
|
Règle douloureuse, plaie
|
Parkia biglobosa
|
Lii
|
|
|
x
|
Rougeole
|
Piliostigma thonningii
|
Ba'al
|
x
|
|
|
Sorcellerie
|
Prosopis africana
|
Siansian
|
|
x
|
x
|
Gale, carie dentaire
|
Securidaca
|
Zoun
|
|
x
|
|
Chasse les démons
|
longepedonculata
|
Bock
|
|
x
|
x
|
Mal des yeux
|
Ximenia americana
|
|
|
|
|
|
|