Conclusion générale
Ainsi, reprenant nos quatre questionnements initiaux nous
pourrions, à l'issue de cette etude, tenter de les resumer dans un
questionnement proche du titre d'un article de Rapha`l LARRERE à
l'occasion d'un colloque intitule De l'auto-organisation au temps du
projet159 en 2007 à Cerisy. Le titre de son
article, auquel nous avons par ailleurs fait reference de le texte, etait le
suivant : « Le paradoxe de la globalisation : Comment un
catastrophisme (éclairé) au niveau global coexiste avec un
optimisme (raisonné) au niveau local ? ». En le detournant et
à la suite de ce travail, notre problematique pourrait etre intitulee :
« Comment un catastrophisme eclaire au niveau global peut nous permettre
de co-exister à travers l'optimisme d'une utopie concrete
locale ? ».
Ainsi, nous avons vu que les deux volets de la crise
systémique globale qui constituait
notre hypothese heuristique initiale fonctionnent comme des
sous-sytemes interrelies de cette meme crise, qui sont eux- memes composes de
sous-systemes dont nous pensons qu'ils sont en crise. Cette crise de ce que
nous avons appele l' anthroposysteme nous conduit probablement vers
l'effondrement, au sens ou l'entend Jared DIAMOND à travers sa
mise en perspective historique.
Ainsi, la resultante des choix politiques de construi re la
societe de croissance et d'en devenir dependant au travers des dynamiques
de runaway liees aux feedback positifs presents au coeur de
cet anthroposysteme induit, comme le dit Edgar MORIN avec un peu
d'exces, que « les développements de la science, de la
technique, de l'industrie et de l'économie qui propulse désormais
le vaisseau spatial Terre, ne sont régulés ni par la politique,
ni par l'éthique, ni par la pensée. »
L'hybris, la demesure, est ainsi au coeur de l'
anthroposysteme. Mais, comme nous avons vu que cet anthroposysteme serait
compose du socio-systeme global et de l'écosysteme
global, il resulte de sa crise deux types de menaces qui peuvent conduire
celui-ci à l'effondrement. Comme le dit Jean Pierre DUPUY, il existe une
menace sur la survie (l'ecosysteme) et sur les valeurs ( le sociosysteme).
Un point majeur du debat reside en l'etude du ou des facteurs
determinants, qui franchiront des points de basculements à l'origine
d'une amplification significative des autres processus menant à
l'effondrement. Ainsi, il est probable que le systeme ecologique atteigne, via
son « environnement anthropique », une limite conduisant à
« une rupture de la symétrie de temps » (PRIGOGINE),
ou auto-organisation. L'effondrement des valeurs cardinales du
socio-systeme qui en resulterait - l'ecofascisme (GORZ), la barbarie
(STENGERS, 2009), les états de violence (GROS, 2008)É-
pourrait tout aussi bien proceder de facteurs internes 160.
1 5 9 Colloque de Cerisy, autour de Jean Pierre
DUPUY
160 Que l'on songe par exemple à l'entreprise
transhumaniste.
Ainsi, comme l'écrit Hans Jonas, Çil faut
prévoir l'avenir pour le changer>> et c'est pourquoi nous
avons eu recours à la posture du catastrophisme
éclairé (DUPUY, 2002), qui nous a conduits à
considérer que la catastrophe est inévitable. C'est, selon son
dispositif théorique, le seul moyen d'espérer réagir afin
qu'elle n'est pas lieu.
Mais, comme l'écrit Edgar MORIN, Ç quand un
système est incapable de traiter ses problèmes vitaux et
fondamentaux, soit il se désintègre, soit il trouve en lui la
capacité de sécréter une métamorphose, c'est
à dire un méta- système nouveau et plus riche.
>>. Ainsi, c'est dans notre réflexivité,
définie par U. BECK comme Ç la capacité des
sociétés à se produire, fondamentalement >>,
qu'il faut trouver le moyen de nous détourner de la fascination des
ruines (BESSON-GIRARD, 2009) et du Çterrorisme des
intéréts composés >>, selon l'expression de
Giorgo RUFFOLO161. Pourtant, comme le rappelle notre schéma
synoptique, le temps passant diminue la possibilité d'une bifurcation
Ç aisée >> et Ç sereine >>.
La métamorphose possible que nous avons
évoquée est celle de la décroissance, définie comme
l'utopie concrète d'un projet local (LATOUCHE, 2007), une matrice
autorisant un foisonnement d'alternatives. Ainsi, nous avons vu que ce
paradigme pouvait se décliner en principes traduisibles en termes
territoriaux. Il s'agit par conséquent de faire croitre notamment la
coopération - exemple de l'interterrritorialité (VANIER,
2008), la relocalisation - cas des Système Productifs Locaux (PECQUEUR)
ou des AMAP, la qualité des relations sociales et de l'environnement du
quotidien.
Aussi, si l'exigence de soutenabilité
écologique constitue le prérequis de tout projet local de
décroissance, l'harmonie sociale et le bien vivre, au dépend de
la mégamachine (CHARBONEAU) techno- économique-
constituent bien les objectifs de la décroissance. Dans cett e
perspective, alors que le développement entérine la
domination d'un rapport instrumental à l'espace et au territoire,
amplifiant l'hétéronomie de ce dernier, la décroissance
s'exprimera davantage en termes de convivialité et de synergie entre
production autonome162 et hétéronome163
(ILLICH) des valeurs d'usage du territoire. Ainsi, le réenchantement
du local peut s'envisager à la fois sous l'angle de
Çl'harmonie sociale>> et de la relation poétique et
sensible à l'espace, fut-il naturel ou culturel.
Ç Ilfaut allier le pessimisme de l'intelligence
à l'optimisme de la volonté >>,
Antonio GRAMSCI (1891-1937)
1 6 1 Cité par Serge LATOUCHE, 2007, op.cit.
162 Par exemple les liaisons douces (marche à pied, le
vélo).
163 Les réseaux de transports en commun ou
l'activité touristique.
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