Introduction
Alors que la globalisation economique accentue toujours plus l
es interactions et interdependances entre les territoires et les grandes
puissances, la crise systemique 1 de la finance puis de l'economie
mondiale2 offre une belle illustration des phenomènes de
propagation et de retroactions - feedbackqui interviennent dans le
fonctionnement du systeme-monde (WALLERSTEIN, 2006). Pourtant, cette
realite economique omet une autre dimension de l'interdependance systemique :
celle des societes (sociosphere) à leur environnement biophysique
(ecosphere). Des logiques similaires de retroactions, d'amplification et de
rupture sont à l'oeuvre dans l'interaction societes/environnement, bien
que l'economie neoclassique, dont l'esprit et les principes reglent la plupart
des rapports entre les hommes, les societes et leurs resso urces, n'en tienne
aucunement compte.
Or, aujourd'hui, le macrosysteme qui organise les interactions
entre les differents elements, au sein des societes et entre les societes et
leur environnement, est en crise. Ce macro systeme pourrait etre designe sous
le terme d'anthropsystème, dans le sens on il integre à
la fois le sociosysteme et la relation de ce dernier à l'ecosysteme.
Ainsi, le terme de crise vient du grec krisis, qui
signifie notamment « jugement ». On peut la definir comme une
« manifestation pathologique brusque et intense laissant
prévoir un changement généralement décisif, en bien
ou en mal »3. Celle-ci peut etre, ou pas, irreversible.
Michel SERRES, dans Le temps des Crises, releve
egalement son origine medicale et la definie comme « l'état
d'un organisme confronté à la croissance d'une maladie
[É.] jusqu'à un pic local et catastrophique qui le met tout
entier en danger ». Il precise que cette « situation
critique induit une décision » et que
« dans le cas olt il survit, il a pris une autre voie
». En effet, « la crise lance le corps vers la mort ou vers
une nouveauté qui reste à inventer. Il ne peuty avoir de reprise
car, équivalente à une répétition, celle-ci nous
précipiterait, de nouveau, en cycle, vers une situation au moins
analogue ou, pis encore, vers un état instable et chaotique.
»
Cette « situation instable et choatique », qui
selon notre point de vue constitue le prolongement - temporel - probable de la
crise - systemique globale -, nous l'appelons
l'effondrement4.
En effet, d'apres Jean Claude BESSON-GIRARD5,
directeur de la revue Entropia6, « la kyrielle des crises
qui nous affectent sous le joug de ce modele impérial [du
scientisme et de l'economisme] est contenue dans le seul mot
d'effondrement. Celui-ci signifie en effet « disparition,
écroulement, anéantissement, disparition ». C'est
d'ailleurs le terme de « disparition » qui a ete retenu pour la
traduction française de l'ouvrage phare de Jared DIAMOND sur
l'effondrement des civilisations, le terme original fail)
( etant plutôt lie à l'idee
« d'echec ».
1 Vocable d'ailleurs surtout utilise dans les milieux financiers
pour designer le changement d'echelle d'un phenomene.
2 Qui s'est etendue en 2010 à la crise de la
dette souveraine des etats de la zone euro, à travers le cas de la Grece
notamment.
3 Centre National de Ressources Textuelles Lexicales
(CNRTL)
4 Voir le n°7 -automne 2009- de la revue
Entropia, qui a pour titre : « L'effondrement, et apres ?
».
5 Peintre, ecrivain et agriculteur.
6 Revue d'étude théorique
et politique de la décroissance.
Cet effondremen t, comme l'hypothese heuristique qui
constitue son antecedent probable, la crise, nous considerons qu'il
est systbmique, à deux sens du terme. D'abord, les processus
qui risquent de conduire à son avenement sont complexes et
fonctionnent selon des modalites systemiques, ensuite car il serait lie au
systeme de la societe de croissance, c'est-à-dire le modele de
lÕanthroposystème, prTMne et adopte par la civilisation
occidentale. On peut dans cette optique definir un systeme comme une
Ç unité composée de sous-systemes en interactions
partielles qui lui assurent une coherence È (WALLISER) et la
complexite comme « lÕintensification des interacti ons
partielles entre différents types de parametres » (PIGEON).
Ce travail d'etude et de recherche est articule autour des quatre
questionnements suivants :
- Qu'entendons-nous par crise systimique globale?
- En quoi l' effondrement constitue son prolongement
probable ?
- Quels sont les fondements de cet effondrement
à venir et comment affronter l'incertitude qui le caracterise ?
- Comment envisager la possible metamorphose (MORIN,
2007) de la décroissance, potentiellement susceptible de nous
detourner de cet effondrement ?
Il s'agira ainsi dans un premier temps de presenter une
analyse - au sens d'une etude dynamique - de la crise systbmique
globale et de ses fondements, prealable indispensable à l'approche
paradigmatique de la metamorphose que constituerait la decroissance,
qui nous menera à une tentative de formalisation geographique.
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