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La redistribution doit-elle rendre le travail payant ? étude des modalités de conciliation entre redistribution des revenus et incitation monétaire au retour à  l'emploi.

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par Elie Chosson
Université Pierre Mendès-France (Grenoble II) - Master  2001
  

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Chapitre I. De la distribution à la redistribution des revenus.

La redistribution des revenus se justifie par l'existence d'inégalités importantes, et par les situations de pauvreté pouvant être générées par le fonctionnement de l'économie. L'objectif est donc d'apporter des corrections, afin de produire une répartition des richesses qui permette d'atteindre des niveaux jugés socialement satisfaisants de pauvreté et d'inégalités. C'est pourquoi de nombreux indicateurs ont émergés, visant à la fois à donner une image la plus fidèle possible de la réalité des inégalités et de la pauvreté en en comprenant les déterminants et la complexité, mais visant aussi à traduire le ressenti des populations vis-à-vis de ces phénomènes et permettre aux politiques de se doter d'objectifs simples et compréhensibles par tous. Ces indicateurs répondent chacun à des conceptions particulières des faits qu'ils cherchent à appréhender, et doivent donc se compléter.

Ces outils nous permettront de présenter un état des lieux de la pauvreté et des inégalités en France. Nous tenterons d'en comprendre les déterminants, notamment en présentant la structure des revenus primaires, et le rôle joué par le travail et le capital. De même, nous tenterons de comprendre les liens entre accès à l'emploi et pauvreté.

Grâce à cette présentation de la distribution primaire des revenus, nous pourrons estimer l'effet de la redistribution sur la répartition des richesses. Si nous pourrons conclure à un effet globalement positif des impôts et transferts, nous verrons que la redistribution est susceptible d'engendrer un effet pervers important concernant l'incitation monétaire au retour à l'emploi, notamment pour les bénéficiaires de minima sociaux. Nous en présenterons les caractéristiques et quelques estimations empiriques.

I. Pauvreté et inégalités : définitions et mesures.

La mise en oeuvre de la redistribution tire sa légitimité dans la correction de situations pré-existantes jugées injustes ou inefficaces. Il est donc nécessaire de poser un diagnostic sur l'état de la pauvreté et de l'inégalité, en définissant ces phénomènes au préalable et en en détaillant les modalités d'appréciation. Nous pourrons voir ensuite quel est le degré d'inégalité et de pauvreté dans la répartition primaire des revenus et des revenus du travail. Nous nous intéresserons enfin au phénomène des travailleurs pauvres en notant que, malgré tout, les actifs restent moins pauvres que les inactifs.

A. La Pauvreté.

Avant d'observer l'état de la pauvreté en France aujourd'hui, il est nécessaire de comprendre quels sont les moyens de l'évaluer. De nombreux modes d'évaluation de la pauvreté ont été développés, chacun possédant une définition de la pauvreté qui lui est propre. Ainsi, faire un choix dans le mode d'évaluation revient à faire un choix sur ce qu'est la pauvreté.

Principalement deux conceptions s'opposent sur la méthode de dénombrement des individus pauvres. Pour l'une, la pauvreté est une situation où l'accès aux biens et services de base est inférieur à une norme jugée minimale. Ici, c'est une vision absolue de la pauvreté qui prime, c'est-à-dire que sa définition est invariante de l'état de richesse de la société. C'est l'anglais Rowntree qui le premier, dans son ouvrage de 1901, Poverty, a study of town life, cherche à évaluer le nombre de pauvres, en mettant au point un indicateur de pauvreté en termes absolus. Grâce aux conseils de nutritionnistes, il quantifie les besoins nutritionnels minimaux à satisfaire pour chaque famille, afin d'éviter les situations de maladie et de perte de poids. De là, il compose un panier de biens satisfaisant ces besoins en choisissant les produits les moins chers. Le seuil de pauvreté étant alors la capacité monétaire de se procurer ce panier-type. Plus tard, cette conception a été développée aux États-Unis au début des années soixante, lorsque la mise en place d'un système de sécurité sociale complet a été décidée : il s'agissait de financer l'assurance maladie des plus démunis, d'où la nécessité de créer un critère de sélection des ayant droits aux nouvelles aides ; ce critère fut défini comme la capacité monétaire de se procurer un panier-type.

La seconde conception du seuil de pauvreté est exprimée en termes relatifs : le seuil de pauvreté dépend de la répartition globale des revenus. La pauvreté n'est donc plus l'incapacité d'accéder à un minimum, mais l'écart existant avec le revenu considéré comme normal. On devient pauvre lorsque notre revenu est inférieur au revenu normal, lorsqu'on possède moins que la norme. Cette conception est utilisée aujourd'hui par l'Union Européenne et d'autres institutions, ainsi que par la France (à titre indicatif, sans être utilisé comme critère dans les politiques sociales). Le seuil est défini comme étant le revenu correspondant à 50% (ou 60%) du revenu médian (il est traditionnellement calculé sur le revenu moyen au Royaume-Uni2(*)), c'est-à-dire le revenu dont la moitié de la population gagne plus, et l'autre moitié a un revenu inférieur. Ainsi, en France en 2007, le seuil de pauvreté à 60% pour une personne seule correspondait à un revenu disponible mensuel de 908 euros3(*).

Les deux conceptions reposent sur deux visions distinctes de la pauvreté, et apportent des informations différentes (mais complémentaires) sur l'état de la pauvreté.

L'intérêt de la définition en termes absolus réside dans le fait qu'elle permet de comparer l'étendue de la pauvreté entre plusieurs pays qui connaissent des situations fort différentes. Par exemple, en définissant la pauvreté de cette façon, on met en évidence que le nombre de pauvres dans un pays « développé » est largement inférieur à celui présent dans un pays « pauvre », c'est-à-dire que dans ce dernier l'accès à un minimum est moins aisé. D'ailleurs, les organisations internationales, comme la Banque Mondiale évaluent la pauvreté dans les pays en voie de développement en termes absolus (personnes vivant avec moins de 1 ou 2 dollars par jour), ce qui n'est pas réalisé pour les pays industrialisés. Pour autant, se pose ici la question du niveau du seuil et de la composition du panier-type, c'est-à-dire de la quantité de biens que l'on juge être minimale. Doit-on intégrer, par exemple, l'accès à une connexion internet dans le calcul du seuil, car elle permet de rester intégré socialement et de chercher activement un emploi ?

La conception relative repose sur un autre parti pris. Comme l'affirmait K.Marx en 1849, « Nos besoins et nos plaisirs ont leur source dans la société ; nous les mesurons, par conséquent, à la société ; nous ne les mesurons pas aux objets de notre satisfaction. Comme ils sont de nature sociale, ils sont de nature relative. 4(*)». De ce constat Marx tire une conclusion fondamentale : l'accroissement des plaisirs de l'ouvrier ne s'accompagne pas d'une plus grande satisfaction sociale, car la richesse des plus riches et celle de la société toute entière croît au même rythme5(*). L'insatisfaction ne provient donc pas d'un manque vital ou de difficultés d'accès à des services essentiels mais de la différence que l'on observe entre soi et le niveau de vie standard. Le dénombrement des pauvres en termes relatifs recoupe cependant largement le dénombrement en termes absolus, puisque les individus relativement les moins bien dotés sont aussi ceux qui auront du mal à accéder aux minimums vitaux.

La mesure relative de la pauvreté reste essentiellement une mesure de l'inégalité de répartition des revenus. Tant que la structure de la répartition n'est pas modifiée, l'insatisfaction des plus pauvres est constante, et on peut même supposer qu'elle est croissante si la richesse des plus riches croît plus rapidement. Si l'on désire mener une action pour réduire la pauvreté relative, il sera nécessaire de rendre la société plus égalitaire et non pas plus riche, car il est possible que le taux de pauvreté diminue quand la richesse globale diminue. En effet, si les plus riches s'appauvrissent, le revenu médian va automatiquement diminuer, diminuant du même coup le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. En poussant la logique, il est techniquement envisageable qu'un appauvrissement en termes absolus des plus pauvres s'accompagne d'une diminution de la pauvreté en termes relatifs, si la société s'appauvrit en devenant égalitaire. Cette conception relative de la pauvreté est très bien décrite par A.Gorz. Ainsi, pour lui, « pas plus qu'il n'y a de pauvres quand il n'y a pas de riches, pas plus il ne peut y avoir de riches quand il n'y a pas de pauvres : quand tout le monde est riche, personne ne l'est ; de même quand tout le monde est pauvre.6(*

Cependant, les deux conceptions posent les mêmes problèmes, propres à la fixation d'un seuil : elles n'indiquent rien sur le positionnement des individus par rapport au seuil. En conséquence, le revenu manquant (« income gap ») doit être pris en compte si l'on veut se faire une idée précise de la pauvreté : c'est le supplément de revenu qui permettrait aux individus sous le seuil de pauvreté d'atteindre ce seuil. L'income gap peut être mesuré en moyenne (écart moyen au seuil, des individus les plus pauvres), permettant ainsi d'avoir une vison globale de l'intensité de la pauvreté. Si l'income gap s'accroît sans que le taux de pauvreté ne bouge, cela signifie que les pauvres s'appauvrissent, ce qui ne peut être ignoré par les politiques de lutte contre la pauvreté. D'ailleurs comme le note A.Sen: « avec le ratio du dénombrement comme mesure de la pauvreté, tout gouvernement est soumis à la vive tentation de concentrer ses efforts sur les plus riches des pauvres, puisque c'est de cette façon là que le nombre de pauvres (...) peut être le plus aisément réduit » 7(*). Face à cette tentation de réduire le taux de pauvreté, c'est plutôt l'objectif de diminuer la pauvreté des plus pauvres, c'est-à-dire la grande pauvreté qui devrait être légitimement prioritaire8(*). Le second problème qui découle de la fixation d'un seuil et lié au précédent : c'est la non prise en compte de l'inégalité parmi les pauvres. Cette prise en compte est importante puisque plus l'inégalité parmi les pauvres est importante, plus il sera difficile de résorber le grande pauvreté, et plus les plus pauvres seront pauvres.

Ainsi, au-delà des différentes conceptions de la pauvreté, sa mesure doit intégrer de multiples considérations, et seul un indicateur composite permettrait d'en donner une image complète9(*). Il en va de même pour l'inégalité, second phénomène justifiant l'intervention de la redistribution des richesses, et recoupant une réalité complexe.

* 2 La différence entre revenu moyen et revenu médian est importante. En effet, évaluer le taux de pauvreté par rapport au revenu moyen revient à intégrer dans l'appréciation de la norme des valeurs extrêmes. Si une poignée d'individus touche des revenus extrêmement élevés, sans commune mesure avec le reste de la distribution des revenus, la moyenne va s''élever fortement, et si tant est que le seuil de pauvreté prenne appui sur elle, un nombre fortement croissant d'individus seront considérés comme pauvres. Ceci pose la question de la fixation d'une norme sociale.

* 3 Le revenu disponible comprenant les revenus primaires et les prestations sociales, dont on déduit les quatre impôts directs (impôt sur le revenu, CSG, CRDS, taxe d'habitation). cf.Annexe 9

* 4 Marx K., Travail salarié et capital, traduction de 1891, UQAC, Les classiques des sciences sociales, http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm, p.31

* 5 Ainsi, Marx, pour parler de la tendance du capitalisme à la paupérisation, utilisera le terme allemand « verelendung », signifiant en français « paupérisation absolue », ou « immisération », c'est-à-dire la croissance de la misère. Marx fustige donc une augmentation de l'indigence, de la pauvreté en termes réels. In Gorz A., Écologie et Politique, 1978, Éditions du Seuil..

* 6 Gorz A. Écologie et Politique , op.cit.

* 7 Sen A., Repenser l'inégalité, 2000, Éditions du Seuil, coll. « L'Histoire Immédiate ». p.154

* 8 Ceci d'autant plus si l'on se fixe des objectifs rawlsiens, c'est-à-dire lorsque les inégalités entre les agents face à la redistribution bénéficient aux individus les plus pauvres (Cf. Annexe 1).

* 9 Sen aboutit à une estimation de la pauvreté monétaire prenant en compte à la fois le dénombrement, l'income gap et l'inégalité parmi les pauvres. Selon lui, un bon indicateur de pauvreté pourrait résulter de cette formule:

On estime la pauvreté (P) avec le taux de pauvreté (H), l'input gap (I), et l'indice de Gini (G) des personnes vivant sous le seuil de pauvreté.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld