Paragraphe II : Le recours à d'autres moyens du
contrôle interne collectif
Plusieurs autres moyens permettent d'aller à la
quête d'une efficacité du contrôle interne collectif. Il
s'agit, d'une part du recours aux clauses d'information (A)
et, d'autre part de divers autres moyens de contrôle des affaires
sociales (B) nés de la pratique.
A- La nomination des actionnaires minoritaires au conseil
d'administration
La nomination d'un minoritaire au conseil d'administration
permet de fidéliser les minoritaires. Elle vise à les
intéresser à la marche ou à l'évolution des
affaires sociales afin qu'ils puissent mieux contrôler la gestion sociale
est de leur faire une place au conseil d'administration271. En
effet, théoriquement, toute personne peut être administrateur
d'une société anonyme si elle est élue à cette
fonction.
Dans la pratique, le conseil d'administration est le plus
souvent composé d'actionnaires influents disposant de la majorité
du capital social. Dans cette optique et pour éviter que cette
entrée ne conduise les administrateurs à imposer un diktat aux
minoritaires, il est préférable que ces derniers, par le biais
d'un aménagement statutaire, puissent siéger en tant
qu'administrateurs272. Le conseil d'administration sera ainsi
composé d'actionnaires dans chacun des groupes selon une proportion
déterminée à l'avance dans les statuts. Les minoritaires
qui siègent au conseil d'administration représentent la voix des
autres et défendent leurs intérêts. Ils peuvent ainsi
suivre de près la politique menée par le groupe majoritaire
siégeant au conseil et, parfois, la contester. Cette nomination
rehausse, par conséquent, le rôle joué par les minoritaires
au sein de l'entreprise à savoir le contrôle des affaires
sociales.
Mais la jurisprudence estime que cette répartition
licite des sièges comporte des limites. En effet, une décision du
Conseil constitutionnel a fixé une limite, qui semble
raisonnable273 : la clause ne doit pas « avoir pour
résultat qu'une catégorie d'associés sera en tout
état de cause minoritaire dans ces conseils, quelle que soit la
proportion du capital qu'elle détient ». « Le caractère
général et absolu de cette disposition apporte au principe
d'égalité une atteinte qui dépasse manifestement ce qui
serait nécessaire pour faire droit à la situation
particulière de certaines catégories d'associés
»274. Il convient de noter en outre que la répartition
des sièges de telle ou telle partie de l'actionnariat fait l'objet d'une
préoccupation majeure du gouvernement d'entreprise. A ce moyen de
contrôle des affaires sociales, il existe bien d'autres moyens de
contrôle.
B - L'existence d'autres moyens concourant à
l'évolution certaine du contrôle interne collectif
Depuis quelques années, la collectivité
d'actionnaires joue un rôle de premier plan au sein des
sociétés anonymes. Un changement de mentalité des
actionnaires nettement perceptible aux assemblées se produit sous
l'impulsion aussi bien du législateur que de la doctrine. Cette
révolution qui permet un véritable contrôle des affaires
sociales est rendue possible grâce à divers moyens parmi lesquels
figurent la création des clubs d'actionnaires, la distribution
régulière des dividendes, la reconnaissance aux actionnaires
minoritaires de demander l'inscription des projets de résolution
à l'ordre du jour et la distribution des indemnités de
fonction.
D'abord, la participation des minoritaires à la gestion
sociale est rendue possible grâce à la création des clubs
d'actionnaires auxquels ils peuvent faire partie. Ces clubs permettent
d'éradiquer leur absentéisme et de lutter contre leur
désaffectation à l'égard de la vie de la
société275. En plus, ils visent la défense
d'actionnaires qui sont membres et leur facilitent un droit de regard de
l'activité sociale. Très souvent, ces clubs sont composés
de moyens humains, juridiques et judiciaires pour exercer
271 L'article 417 de
l'AUSCGIE ouvre déjà une brèche a la nomination des
personnes non actionnaires au conseil d'administration.
272 NODJILEMBAYE Dionkito
Léonie, La protection des actionnaires dans le cadre des offres
publiques sur le marché boursier de l'IlMOA, Mémoire de
DESS-Droit des Affaires, FDD, Université de Lomé, 2005, p. 46 ;
V. aussi Paul LE CANNU, Droit des sociétés, Domat, Droit
privé, Montchrestien, Paris, 2002, p. 469.
273 Paul LE CANNU, op. cit,
p. 371.
274 C. const., décision n° 87-232 DC du 7
janv. 1988, Rev. soc 1988, 229, note Y. GUYON cité par Paul LE CANNU,
ibid.
275 Ces « clubs »
ne peuvent pas avoir d'ambitions trop grandes, car il faut respecter
l'égalité entre les actionnaires, et éviter de fournir des
informations privilégiées. V. Paul LECANNU, ibid.
ce rôle qu'ils se sont assigné. Ils pourront ainsi
jouer le rôle d'agent de la légalité puisqu'ils sont mieux
placés pour attester la légalité des actions des
dirigeants276.
Ensuite, la politique de distribution régulière
de dividendes277 est un moyen de fidélisation des
actionnaires. Elle consiste pour les dirigeants à éviter la
pratique de mise en réserve systématique des
bénéfices privant ainsi les actionnaires minoritaires de leur
droit aux dividendes. Il ne signifie pas que chaque année l'actionnaire
a le droit d'exiger qu'une partie des bénéfices lui soit
attribuée, mais simplement qu'il ne peut en être indûment
privé de son droit sur les bénéfices et sur les
réserves278. Cette politique permet non seulement de
fidéliser les actionnaires mais de développer aussi
l'actionnariat. A cet effet, la doctrine estime que la politique de
distribution régulière des dividendes « est
déterminée par la politique financière de l'entreprise,
mais aussi par une politique de relations »279.
Enfin, l'attribution des indemnités de
fonction280 encore appelées jetons de présence sont
des moyens permettant aux actionnaires de bien contrôler la
société. Au début, ces sommes étaient
allouées aux dirigeants sociaux. Mais, elles ont fait l'objet d'une
extension aux actionnaires. En effet, de nos jours, les mentalités se
modifient. Les assemblées sont plus fréquentées,
peut-être parce que certaines sociétés attribuent une
indemnité de fonction aux actionnaires qui se sont
déplacés aux assemblées.
La mise en oeuvre de ces divers moyens peut nettement
contribuer à faire de l'assemblée l'occasion ou le lieu par
excellence du contrôle des affaires sociales. D'ailleurs, les
assemblées sont massivement fréquentées lorsque les
dirigeants organisent des journées portes ouvertes ou diffusent des
documents audiovisuels sur l'activité de la
société281. Cela permet un « face à face
» entre les actionnaires et les directeurs, rencontre à laquelle
les directeurs ne peuvent échapper même si elle leur est
désagréable, et que l'examen antérieur des comptes et
rapports par les actionnaires rend éventuellement très
vivante282. En outre, grâce à ces moyens, les
actionnaires minoritaires prennent conscience du poids que peuvent prendre
leurs interventions aux assemblées. Les assemblées deviennent de
véritables arènes où les dirigeants et les actionnaires
règlent leurs comptes. En venant aux assemblées, les actionnaires
pourraient exercer des pressions, soutenir une gestion responsable, proposer ou
soumettre au vote des préoccupations sociétales. Par
conséquent, grâce à ces moyens, on assiste à un
renouveau des assemblées d'actionnaires.
Malheureusement, ces pratiques sont très peu connues
dans les sociétés africaines, notamment celles de l'espace OHADA.
Selon un membre du syndicat des actionnaires de la société
SAGA-TOGO, également actionnaire à ECOBANK, « aucun de ces
moyens n'est mis en oeuvre par les dirigeants afin de promouvoir
l'actionnariat. D'ailleurs, ceux-ci ne s'intéressent pas souvent
à cet actionnariat ».
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