Ecart d'à¢ge entre conjoints, polygamie urbaine et remariage à Lubumbashi( Télécharger le fichier original )par Léon MISHINDO MBUCICI Institut Supérieur de Statistique - Licence en démographie 2010 |
3.3. Rapport entre écart d'age et polygamie ou remariage a LubumbashiDans cette section, nous décrivons et expliquons le phénomène polygamie et remariage face à l'écart d'âge des conjoints eu égard à certaines de leurs caractéristiques socioculturelles. En effet, selon un sondage réalisé en 2005, seuls 3% des Français estimaient que la différence d'âge idéale entre deux conjoints est de plus de dix ans lorsque l'homme est plus âgé. Ils ne sont que 1% à partager cette opinion lorsque la femme est l'aînée.18(*) « Ces couples doivent affronter l'ironie de leur entourage et se justifier en permanence sur leur choix. Pour la société, leur mariage va forcément se révéler fragile à terme19(*) ». Ces deux citations illustrent, à juste titre, combien l'écart d'âge entre conjoints est une question capitale dans la stabilité des unions. C'est pourquoi, nous voudrions savoir si cette réalité française, en dépit de différence des cultures, est perçue de la même manière à Lubumbashi en mettant en exergue le phénomène de la polygamie urbaine qui se présente comme solution palliative. Etant donné que nous utilisons la régression logistique binaire pour l'analyse de cette incidence, les individus faisant l'objet d'étude sont partitionnés en deux groupes définis par les modalités de la variable à expliquer. Nous aurons ici un groupe de monogames et un autre des polygames. On suppose que la probabilité qu'un individu a d'appartenir à un groupe dépend des valeurs des variables explicatives. Nous démarrons l'analyse par la segmentation à l'aide d'un arbre binaire. Celle-ci nous permettra de cibler les variables discriminantes et prépondérantes pour l'explication du choix d'un mode de mariage donné.
Nous posons Y la variable expliquée prenant deux valeurs à savoir 1 si le mariage est monogamique (M) et 0 si le mariage est polygamique (P). Et X la variable écart d'âge entre conjoints prenant également deux modalités, à savoir 1 si l'écart d'âge est faible ou moyen (inférieur à 12 ans) et 0 si il est élevé (supérieur ou égal à 19) Il en découle le tableau de contingence suivant : Tableau n°3 : Répartition des effectifs selon le mode de mariage et l'ordre de grandeur d'écart d'âge des conjoints
Source : Etabli par nous-même Sur ce tableau, on a les probabilités conditionnelles suivantes : ð(1) = P(Y = 1/ X = 1) = = 0,979 la probabilité d'être monogame si l'écart d'âge des conjoints est moyennement faible. 1 - ð(1) = P(Y = 0/ X = 1) = = 0,021 la probabilité d'être polygame si l'écart d'âge des conjoints est faible. ð(0) = P(Y = 1/ X = 0) = = 0,87 la probabilité d'être monogame si l'écart d'âge des conjoints est élevé. Et enfin 1 - ð(0) = P(Y = 0/ X = 0) = = 0,13 la probabilité d'être polygame si l'écart d'âge des conjoints est élevé. On calcul le odd - ratio ø qui représente le rapport des chances de chaque modalité explicative par rapport à la modalité de référence dans la réalisation du phénomène étudié. Dans notre cas il s'agit de comprendre parmi les groupes d'individus dont l'écart d'âge est faible et celui à écart élevé quel est le rapport de probabilité d'observance de la polygamie. Dans ce cas il est donné par la formule suivante : ø = = 6,9042 7 Cette valeur signifie que la probabilité de rencontrer un polygame ayant un écart d'âge moyennement faible par rapport à son conjoint est 7 fois plus faible par rapport au cas des polygames d'écart d'âge plus élevé. En d'autres termes la chance d'être monogame dans un couple d'écart d'âge faible est 7 fois plus élevée que celle des couples à écart d'âge élevé. En effet, dans la société africaine, le droit d'aînesse est une valeur incontestable. Comme l'homme est le chef de la famille institué par les normes sociales, car c'est lui qui épouse la femme en versant la dot ou en prestant des services, il faut éviter que sa partenaire puisse être dans la même classe d'âge au risque de lui contester son autorité. La nature de relation entre deux partenaires est la subordination de la femme. L'écart d'âge prononcé consolide malheureusement l'opposition des besoins stratégiques de l'homme et de la femme au sein du ménage avec comme conséquence le manque de dialogue, l'éclatement de la famille ou encore la polygamie. Par ailleurs, la polygamie reste une pratique assez courante mais sous des formes plus ou moins diversifiées selon les milieux. Les adeptes de la polygamie la présentent comme un frein à la prostitution, mais le plus souvent le mari place la femme devant un fait accompli lorsqu'il doit contracter une autre union. C'est pourquoi dans notre société, trop peu de familles se déclarent ouvertement vivant dans la polygamie et ainsi la proportion des ménages polygamiques observé devient de plus en plus faible surtout lorsque l'écart d'âge entre conjoints n'est pas élevé. Car l'homme polygame, bien qu'avancé en âge, cherchera une deuxième ou troisième femme dans une classe d'âge généralement faible par rapport à la sienne. Le modèle logistique explicatif de ce phénomène se présente comme : Y = (1 - Exp{-(0 + 1X)})-1 Ici 1 = eø = 1,932 et 0 = = 1,9042 Y = (1 - Exp{-(1,9042 - 1,932.X})-1
Considérons à présent les écarts d'âges regroupés en 6 modalités par tranches d'âge suivantes : ECAGPE(1) : de-20 à-11 ECAGPE(2) : de-10 à -1 ECAGPE(3) : de 10 à 19 ECAGPE(4) : de 20 à 29 ECAGPE(5) : de 30 à 39 ECAGPE(6) : de 0 à 9 Modalité de référence La dernière modalité ou ECAGPE(6) a été prise pour référence et ainsi les modalités ont été codées à l'aide des indicatrices de la manière suivante : Tableau n° 4 : Des indicatrices par groupe d'écart d'âge
SOURCE Etabli par nous -même à l'aide du logiciel SPSS 10 .0 La régression logistique sur ces indicatrices a donné grâce au logiciel SPSS, les résultats suivants : Tableau n°5 : Estimations des paramètres du modèle expliqué par l'écart d'âge. Source : Etabli par nous -même à l'aide du logiciel SPSS 10 .0 Ce tableau compte neuf colonnes, la première donne les différents groupes d'écart d'âge, la deuxième donne les estimations des paramètres du modèle, la troisième donne les écart types attachés à ces estimations. Plus ces écart types sont faibles, meilleures sont les estimations. Ainsi, les estimations des groupes d'écart d'âge 1 et 2 ne sont pas efficaces. La colonne 4 donne la statistique de Wald. Plus cette statistique est élevée, plus les paramètres diffèrent significativement de zéro et mieux la modalité lui attachée explique mieux le modèle. On peut lire la même conclusion au niveau de la colonne de signification. A ce niveau là, plus la probabilité de signification est proche de zéro, plus le paramètre diffère significativement de zéro. La colonne exp(B) donne les différents odd - ratio attachés à chaque modalité. En d'autres termes, elle nous fournit le rapport de chance d'observer le phénomène, dans notre cas la polygamie ou le remariage en comparant la chance de se retrouver dans un groupe d'écart d'âge donné par rapport au groupe de référence qui est ici la première décennie (de 0 à 9 ans) considéré comme écart d'âge moyen normal. Eu égard au niveau de signification très élevé des paramètres significatifs dans le modèle, le modèle logistique ainsi établi est significatif à au moins 99% de prévision. Les écarts d'âges ECAGPE(3) de 10 à 19 ans (écart groupe 3), ECAGPE(4) de 20 à 29 ans et ECAGPE(5) de 30 à 39 ans justifient plus le phénomène polygamie ou remariage. En effet, Il apparaît donc clairement que c'est à partir d'un écart d'âge au-delà de 10 ans qu'on peut facilement observer les foyers polygamiques. La raison est tout à fait simple dans la mesure où c'est dans ces familles que l'on trouve parmi les différentes femmes du mari, des épouses plus jeunes que le mari. Par ailleurs, le risque de rencontrer un ménage polygamique est 3,29 fois, 10,2 fois et 49,8 fois plus élevé dans les ménages à écart d'âges respectif de 10 à 19 ans, de 20 à 29 ans et de 30 à 39 ans par rapport aux ménages dont l'écart d'âge est assez faible. Les écarts d'âges négatifs où la femme est plus âgée que l'homme ne sont pas significatifs dans le modèle. Ceci pousse Kanku M. à affirmer que « le décalage d'âge entre les hommes et les femmes a des conséquences non négligeables sur le marché matrimonial, c'est-à-dire le processus de choix et de mise en couple des conjoints. L'auteur poursuit en disant que toute autre variation de ces écarts conduit à des formes de vie conjugale particulières20(*) ». * 18 Sondage Paris match/ Ifop, février 2005. * 19 B. PUIJALON, Le droit de vieillir, Ed. Fayard, Paris, 2005, 272 p. * 20 KANKU MUKENGESHAYI, op. cit. p.186. |
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