Les femmes migrantes et le VIH/SIDA a Poitiers( Télécharger le fichier original )par Jeanne Finda MILLIMONO Universite de Poitiers - Master 2001 |
6. La migration féminineS?agissant des femmes, il me semble nécessaire de les intégrer dans une réflexion sur l?immigration, car les trajectoires migratoires féminines peuvent constituer une donnée d?explication. Je pense que poser la question de la mobilité au sein de mon travail de recherche est aussi important, puisqu?à travers le chemin migratoire des femmes on peut faire une analyse de l?impact du VIH/SIDA sur leur mode de vie. Je pense que les trajectoires de ces femmes peuvent aussi expliquer cette augmentation du VIH en France. Originaire d?un pays où le taux de prévalence est élevé, elles ne font que refléter l?image qui existe déjà dans leur pays d?origine. Mais ceci est à prendre avec prudence comme je vais l?expliquer plus loin migration n?est pas forcément égale à VIH. Les femmes, loin d?être passives, sont au contraire les moteurs de la mobilisation. En France, comme dans bien des pays d?origine, (en Guinée ce sont les femmes qui se mobilisent le plus souvent, que ce soit dans l?éducation des filles ou tout simplement l?accès à leurs droits) ce sont des femmes qui ont initié les réponses sociales vis-à-vis de la maladie et créé les premières associations (Maroc, Algérie, en France Ikambere) qui soutiennent les femmes face aux difficultés rencontrées au cours de la trajectoire migratoire, notamment administratives et économiques. La question du risque d?exposition au VIH/SIDA s?insère ainsi dans ce type de trajectoires au sein d?un grand nombre d?autres risques23. De plus aujourd?hui, on assiste à une féminisation de la migration. Auparavant la mobilité des femmes était limitée à des mouvements migratoires via le mariage ou le regroupement familial ce qui les rendaient très dépendantes de leur statut familial. 23 Sandrine Musso (2005). Femmes migrantes et VIH/SIDA dans le monde : une approche anthropologique. École Des Hautes Études en Sciences Sociales de PARIS 57ème rencontre du CRIPS Ile-de-France. Dorénavant, on assiste à une émancipation, de plus en plus de femmes, jeunes célibataires, ou ayant déjà une famille à charge, partent seules à l?étranger pour trouver du travail et s?y installer plus ou moins durablement. Ce changement s?explique par le fait que les femmes ont une aspiration à gagner plus d?indépendance à travers l?immigration, par le fait aussi que les femmes soient plus qualifiées que les hommes pour travailler dans des secteurs où les pénuries de mains d?oeuvre sont fortes comme les services aux particuliers ou dans laction sociale. 7. Lien migration et VIH/SIDA« Dernier grand fléau du XXème siècle », le SIDA ressemble aux maladies collectives qui, autrefois s?abattaient soudainement sur les populations24. La question du VIH/SIDA reste de nos jours un sujet tabou et difficile à aborder, surtout quand il s?agit des populations étrangères. Ceci peut s?expliquer par le fait qu?il y a une peur de stigmatisation et de discrimination envers cette population. Les efforts visant à étudier le lien entre migration et SIDA sont compliqués par le fait que peu de pays recueillent des données ou entreprennent des recherches sur les besoins spécifiques des migrants en matière de VIH/SIDA. Didier Fassin25 explique qu?il a fallu attendre près de deux décennies avant que ne soit pensable la relation entre le SIDA et l?immigration. Alors que les premiers cas de la maladie ont été identifiés en France chez des patient Congolais et Zaïrois des médecins ont utilisé l?expression de «SIDA africain». Fassin explique que la première réunion scientifique sur le thème n?aura lieu qu?en 2001 à l?agence nationale de recherche sur le SIDA. L?analyse de la maladie était loin de se situer dans le monde médical. A cette époque, il valait mieux taire la prévalence de ces personnes étrangères au sein de la population. Par peur d?effrayer la population des villes accueillantes, les responsables de ces pays ont préféré faire une impasse sur les données concernant l?épidémiologie des personnes d?origines étrangères. Cela ne veut 24 Thiaudière C. (2002). Sociologie du Sida. p3. Paris : La Découverte. 25 Fassin D. (2001). L'altérité de l'épidémie. Les politiques du Sida à l'épreuve de l'immigration. Revue Européenne des Migrations Internationales n?17 p139-151. pas dire que ces personnes n?étaient pas concernées par la maladie, c?était surtout pour éviter une catégorisation de ces personnes : migrant est égal à porteur de maladie. Le premier rapport26 sur la « Situation du SIDA dans la population étrangère domiciliée en France » 27, marque une rupture avec les années précédentes. Jusque là, ces chiffres partiellement diffusés n?étaient limités qu?à quelques associations de lutte contre le SIDA, par crainte de stigmatisation. Ainsi, ce rapport a permis la diffusion d?informations jusqu?alors cachées, en leur faisant perdre leur caractère polémique. Il place le lien entre immigration et SIDA sur un autre plan : le problème n?est plus d?évaluer le risque de contagion des Français par des immigrés fortement infectés, mais au contraire le lourd tribut payé par ces derniers à la maladie, en essayant d?en identifier les causes. Il faut préciser que ces données ne prennent en compte que la nationalité et non le pays de naissance du patient, les immigrés ayant acquis la nationalité francise sont donc exclus. Pour Didier Fassin, il faut repenser aujourd?hui le rapport entre migration et VIH/SIDA puisqu?il ne s?agit plus simplement de population immigrée au sens traditionnel, il y a de plus en plus de français d?origine étrangère c'est-àdire, des français de papiers. Le lien entre SIDA et immigration est abordé sous l?angle des vulnérabilités spécifiques. Les migrations et la mobilité jouent un rôle important dans l?épidémie de VIH/SIDA. Mais leur interrelation est complexe. Ce ne sont pas tous les migrants ni toutes les personnes en déplacement qui courent un risque particulier d?infection. Les liens entre mobilité et SIDA sont cependant évidents dans la majorité des régions du monde.28 Certains migrants viennent de pays où le taux de personnes infectées par le VIH est élevé. C?est le cas des personnes venant de l?Afrique subsaharienne. Mais rappelons que la migration elle-même ne constitue pas un facteur de risque d'infection par le VIH, ce sont les conditions dans lesquelles les gens émigrent ainsi que les conditions de vie et de travail que ces personnes rencontrent dans le pays d'accueil qui les rendent extrêmement vulnérables au VIH. 26 http://www.invs.sante.fr/publications/sida3/rapport.pdf. 27Le rapport montrait que les étrangers représentaient 14% des cas cumules de sida de 1978 a 1998 soit une proportion deux fois supérieure à leur part statistique totale 6% selon l?INSEE. 28 http://www.iom.int/france/projets/mobilites/histo.html Malgré cette publication tardive sur la situation des étrangers séropositifs en France, ce tableau qui suit montre bien l?existence d?un registre du nombre de cas de SIDA par nationalité depuis 1982. On remarque dans ce tableau que les nouveaux cas de SIDA augmentent dans chaque nationalité jusqu?en 1990. Entre 1990 et 1994, le nombre de nouveaux cas de SIDA continue d?augmenter chez les sujets des pays d?Afrique subsaharienne et d?Afrique du nord, tandis que pour dans les autres nationalités, ce nombre à tendance à plus ou moins se stabiliser. Après 1994, on remarque que le nombre de nouveaux cas de SIDA diminue pour toutes les nationalités, mais ceci de façon très différente. Notons que les sujets de nationalités subsahariennes restent la population la plus touchée. Il faut préciser que cette déclaration ne prend en compte que la nationalité et non le pays de naissance du sujet, ainsi, les migrants ayant acquis la nationalité française sont donc exclus. Tableau 1 : Nombre de nouveaux cas de SIDA chez les sujets de
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