Les femmes migrantes et le VIH/SIDA a Poitiers( Télécharger le fichier original )par Jeanne Finda MILLIMONO Universite de Poitiers - Master 2001 |
2. Les représentations sociales du VIH/SIDALes premiers cas de SIDA ont été décrits aux Etats-Unis, en 1981. A ce moment-là, on ne parlait pas encore de SIDA pour décrire ce nouveau syndrome d'immunodéficience inexpliqué : il portait plusieurs noms, entre autres le «gay syndrome" ou la «peste gay", (car il fut initialement identifié chez des homosexuels) avant de devenir la maladie des 4H (Homosexuels, Hémophiles, Héroïnomanes et Haïtiens). En ce temps, la maladie n?était identifiée qu?au niveau d?un groupe spécifique, et cela n?a pas donc déclenché de réelle mobilisation des pouvoirs publics. Ce n?est qu?en Mai 1983 que Françoise Barré-Sinoussi, dans l?équipe du Professeur Luc Montagnier à l?Institut Pasteur, découvre le virus responsable de la maladie auquel il donne le nom de LAV : Lymphadenopathy Associated Virus. La communauté scientifique lui donnera plus tard le nom de HIV : Human Immune Deficience Virus.
Jodelet explique que le VIH/SIDA est une maladie qui a marqué l?imaginaire, car elle n?a été connue dans son fonctionnement que tardivement. Ainsi, avec les théories scientifiques (médicales, anthropologiques, sociologiques) sur le SIDA, il y a eu des théories fantasmatiques : le SIDA était caractérisé comme une maladie de déviants. Jodelet décline les deux conceptions du SIDA qui s?affrontent : morale et sociale d?un côté, et biologique de l?autre. Morale et sociale, puisque avoir le VIH/SIDA serait la conséquence d?un comportement déviant et envoyé comme une punition aux pratiques de dégénérés. Cette conception faisait de la maladie un stigmate social. Le SIDA est donc vu comme un malheur et une source d?exclusion. Biologique, puisque la transmission se faisait par le sang et par le sperme. Certains se sont imaginés que la sueur, la salive étaient aussi des facteurs de transmission. Or la mauvaise connaissance et le formatage de la maladie dans un sens négatif continue à perdurer de nos jours. Les critères biologiques sont ainsi source d?exclusion des personnes atteintes. Dès l?apparition de la maladie, il y a eu une association fondamentale entre le SIDA et le processus de contagion. Ainsi, la persistance de l?explication du VIH/SIDA sur une image préconstruite par simple contact avec le porteur du virus, fonctionne comme un principe organisateur des représentations sociales. Jodelet résume sa théorie de la manière suivante : Représentations Sociales Attitudes Il a fallu plusieurs années pour que le VIH/SIDA devienne une réalité sociale simultanément construite dans les milieux scientifiques et médicaux et dans le grand public, par l?intermédiaire des médias qui ont contribué à faire exister cette nouvelle maladie dans l?espace public. En parcourant le champ des représentations sociales à travers différentes études menées, je remarque que le SIDA (encore plus souvent en Afrique subsaharienne) n?est pas toujours perçu comme un syndrome acquis par transmission. Pour de nombreux groupes, la dynamique représentationnelle fait allusion à la contagion, à la maigreur, à l?empoisonnement (poison lent, poison nocturne), au mauvais sort (sorcellerie), au mauvais oeil, à la mort. Dans le cas contraire, il y a simplement déni de la maladie. Ceci a induit les individus à ranger les malades dans une catégorie à part, à percevoir et à justifier des conduites de discrimination. La stigmatisation et la discrimination sont la conséquence de nombreuses représentations sociales, entre autres celle liée au VIH/SIDA. Mais ce ne sont pas seulement les coutumes et moeurs de certains pays qui ont fait du SIDA une maladie de rejet, c?est aussi la médiatisation massive, la multiplication des messages, dont certains sont porteurs de discours très souvent négatif au sujet de cette maladie, qui rend les personnes atteintes du VIH de plus en plus stigmatisées. Mais ceci est à relativiser ce ne sont pas tous les propos tenus sur les personnes positives au VIH qui les stigmatisent, mais c?est plutôt la manière dont les propos sont tenus, mais aussi les comportements des individus qui font que les personnes malades se voient rejetées par leur entourage. La représentation sociale du VIH se ressent aussi dans le rapport de genre. Le genre est un ensemble de comportements masculins et féminins acquis, définis par la société, qui influence les opportunités qu'un individu se verra offrir, les rôles qu'il jouera et le type de relations qu'il entretiendra8. Lorsque l?on parle de genre, on ne fait pas seulement référence à la différence sexuelle ou biologique entre hommes et femmes. Il s?agit plutôt d?une construction sociale et culturelle qui différencie les comportements, les caractéristiques et les rôles associés aux femmes ou aux hommes. La perception du genre varie d?un pays à l?autre, mais elle est presque toujours présente et a un impact considérable sur la vulnérabilité au VIH/SIDA. 8 Article « VIH/SIDA et genre » disponible en ligne sur http://www.icad- cisd.com/content/fr/component/content/article/111-hivaids-and-gender-issues?showall=1 Ainsi, dans les pays qui où le droit coutumier est fort (pour exemple les pays de la Guinée, le Mali etc.), dans les relations entre hommes et femmes, c?est l?homme qui est censé décider, les femmes restant passives. Or, deux parties inégales ne peuvent négocier le moment de leurs rapports sexuels, leur fréquence, ni le moyen de se protéger des Infections Sexuellement Transmissibles et du VIH. De ce fait, la tradition légitime et la multiplicité des partenaires sexuels chez les hommes leur prête une plus grande expérience en ce domaine. Cela renforce les risques pour eux-mêmes et pour leurs partenaires, et les dissuade de rechercher des conseils en santé sexuelle9. |
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