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Dépénalisation des délits de presse en République Démocratique du Congo : analyse de l'action de journaliste en danger (JED). Approche sociologique du droit de l'information.

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par Innocent OLENGA LUMBAHEE
IFASIC - Licence 2010
  

Disponible en mode multipage

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REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET UNIVERSITAIRE

INSTITUT FACULTAIRE DES SCIENCES DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION

IFASIC

B.P. 14.998

KINSHASA - GOMBE

Approche sociologique du droit de l'information

Par :

OLENGA LUMBAHEE EL TAYESE Innocent

Gradué en Sciences de l'Information et de la Communication

Mémoire présenté et défendu

publiquement en vue de l'obtention

du grade de Licencié en Sciences de

l'Information et de la Communication

Option : Journalisme/Politique Intérieure

Directeur : Alexis MBIKAYI MUNDEKE

Professeur Ordinaire

Lecteur : Jérémie-Georges WAWA MOZANIMU

Chef de travaux

Octobre 2010

- A Elysée Ngalula, ma moitié;

- A vous mes enfants : Karel Duran, Esther Anakoy, Rebecca Badiambile et Claudel-André Lubaya junior ;

Je dédie ce travail.

REMERCIEMENTS

C'est puisque nous respirons que nous avons pu réaliser ce travail de mémoire sanctionnant notre deuxième cycle en journalisme/politique intérieure. Nous respirons jusqu'à ce jour c'est parce qu'il y a L'Eternel Dieu qui a daigné, dans sa bonté, nous accorder sa grâce. Raison pour laquelle, nous Lui disons grandement merci et lui témoignons notre reconnaissance.

Merci également au Professeur Alexis Mbikayi et au CT Georges Wawa qui ont accepté, volontiers, comme au premier cycle de nous encadrer dans la rédaction de ce mémoire.

Merci à MM. Donat M'baya et Tshivis Tshivuadi, respectivement président et secrétaire général de l'ONG Journaliste en Danger, pour avoir mis à notre disposition différents ouvrages dans le cadre de notre recherche.

Enfin merci à Claude Buse avec qui nous avons échangé sur ce sujet et qui nous a donné certaines orientations pertinentes.

Innocent OLENGA L. EL TAYESE

0. INTRODUCTION

Notre objet d'étude est la dépénalisation des délits de presse en République Démocratique du Congo (RDC) à l'initiative de l'ONG Journaliste en Danger (JED). Depuis 1990, un vent de démocratisation souffle sur le continent africain. Cette démocratisation exige des gouvernements, la plupart autoritaires, d'adopter une nouvelle façon de conduire les affaires, notamment par l'ouverture de l'espace des libertés d'expression, de contrôle de la gestion des gouvernants. L'ouverture dont il est question suppose l'absence des actions répressives dirigées contre les personnes qui usent de leur liberté d'expression ou qui demandent les comptes de la gestion du pays. C'est dans cette optique que Journaliste en Danger (JED), ONG militant pour la promotion et la défense de la liberté de la presse en Afrique centrale, avait lancé, du 10 décembre 2003 au 03 mai 2004, dans la salle de spectacle de la Paroisse Notre Dame de Fatima à Kinshasa, avec le soutien de FreeVoice (Hollande), une campagne pour la dépénalisation des délits de presse. Celle-ci avait pour objectif d'obtenir des autorités politiques de la RDC le retrait des infractions commises par voie de presse du régime pénal pour en faire des infractions relevant du droit civil.

Outre Kinshasa, JED a organisé d'autres ateliers pour la même fin dans les villes de Lubumbashi, Kananga, Kisangani, Mbujimayi, Goma, Bukavu, Matadi et Moanda où des tables rondes réunissaient des journalistes, des acteurs de la société civile et des magistrats. Dans sa démarche, l'ONG estime qu'il ne s'agit donc pas d'une simple revendication corporatiste pour un régime d'impunité totale en faveur des journalistes congolais ou le souci de faire de ces derniers des citoyens à part, au-dessus des lois de la république. Ce n'est pas non plus un cadeau du prince aux journalistes, mais plutôt une exigence de la démocratie ; une volonté de corriger le Code pénal congolais auquel se réfère la loi sur la presse. 

Ainsi, JED conçoit-il mal que dans le régime démocratique actuel, qu'on puisse s'appuyer sur des lois qui ont fait le lit de la dictature ! Par contre, cette organisation non gouvernementale estime que la dépénalisation des délits de presse, conçue et promue pour donner un contenu plus objectif à la liberté de presse, ne consacre ni l'irresponsabilité, ni la déresponsabilisation, encore moins l'impunité. Au contraire, elle confère, selon elle, au journaliste une responsabilité accrue.

L'idée de dépénaliser les délits de presse n'est pas nouvelle. Elle n'est pas non plus une invention congolaise. Le président de JED1(*), l'a reconnu à l'occasion du lancement de sa campagne sur la dépénalisation des délits de presse à Kinshasa en décembre 2003. La majorité des pays dits de vieille démocratie en Europe et en Amérique ont déjà banni depuis très longtemps de leurs arsenaux juridiques la peine de prison pour des infractions commises par voie de presse, les passant pour des infractions civiles.

En 1881, en France, un débat opposa les partisans d'une liberté illimitée et ceux d'une liberté de la presse régulée par une loi spéciale. A l'occasion de ce débat sur la relativité ou non de la liberté de presse, des tendances visant à soumettre le régime des délits de presse au droit commun de la responsabilité civile, ont été clairement affirmées2(*).

Ainsi, le combat des partisans de la liberté absolue de la presse n'aura pas été totalement inutile. Ils ont obtenu des satisfactions non négligeables comme par exemple l'effacement de toute trace de délit d'opinion3(*).

En Belgique, la responsabilité pénale a, à force de non efficacité, prouvé son inutilité. Dès lors que pendant cinquante ans, aucun délit de presse n'a été poursuivi, c'est un commencement de preuve que, dans la société belge, il n'est pas réellement nécessaire de poursuivre pénalement les délits de presse. Cette absence de poursuite est motivée par la sauvegarde d'une valeur supérieure à savoir la démocratie dont la presse est l'indispensable chien de garde.

En Afrique par contre, la pénalisation des délits de presse est quasi-présente dans les arsenaux juridiques de beaucoup de pays, y compris la République démocratique du Congo (RDC). Cette situation fait que beaucoup d'organisations de la société civile se soient liguées en vue d'obtenir des autorités politiques la suppression des peines de prison en faveur de journalistes (ayant commis des infractions) dans l'exercice de leur fonction. L'idée est de commuer ces peines de prison en peines d'amende. Au Cameroun, par exemple, le Committee to protect journalists (CPJ) avait écrit au président Paul Biya, en janvier 2009, l'exhortant à dépénaliser les délits de presse. Selon le CPJ, le Cameroun était le deuxième pays qui emprisonne le plus les journalistes en Afrique pour des affaires de diffamation, alors que celles-ci devraient être réglées au sein des juridictions civiles.

Au Togo, l'Assemblée nationale avait adopté, en août 2004, à l'unanimité le projet de loi modifiant le code de la presse et de la communication. Au terme de cette loi, de fortes amendes sont envisagées contre ceux qui se seront rendus coupables de diffamation, outrages et autres injures dans la presse.

Au Sénégal, le président Abdoulaye Wade, qui promettait en mars 2009 la dépénalisation des délits de presse, avait estimé que celle-ci allait rendre encore davantage libre le journaliste pour son appréciation.

De tels plaidoyers en faveur de la dépénalisation des délits de presse ont fusé et continuent de fuser de partout en Afrique : Algérie, Tunisie, Burkina-Faso, Bénin, Centrafrique, Mauritanie, Niger... du fait que la Commission des droits de l'homme de l'Onu a toujours considéré que les peines d'emprisonnement pour délits de presse tels que diffamation ou imputations dommageables, offense ou outrages aux autorités, faux bruits ou fausses nouvelles, constituent des mesures d'intimidation à l'endroit des journalistes et visent plus à les faire taire qu'à les corriger.

Tout récemment, l'Assemblée nationale tchadienne a dépénalisé les délits de presse. Le texte adopté par 82 voix contre 2, l'opposition s'étant abstenue, supprime les peines d'emprisonnement pour les délits de presse (diffamation et injures). Le délit d'offense au chef de l'État figurant dans l'ancienne loi est aussi supprimé. Des peines d'emprisonnement de 6 mois à un an, des amendes de 100 000 à 1 million de francs CFA (150 à 1 500 euros) ainsi que des suspensions de parution de six mois, sont toutefois introduites dans la nouvelle loi pour les délits comme l'incitation à la haine raciale ou ethnique ou l'apologie de la violence.

Depuis 2003, la dépénalisation des délits de presse est le combat acharné que mène Journaliste en danger en RDC.

0.1. PROBLEMATIQUE

« La prison...dites-vous ? Elle n'enferme pas que le journaliste... Elle enferme aussi l'information. CHANGEONS ». Ce slogan est le mot clé de la campagne pour la dépénalisation des délits de presse en RDC menée par JED. Le lancement de cette campagne a suscité des débats parfois passionnés. Le problème soulevé par JED continue d'être sujet à controverse entre partisans et adversaires de la suppression de l'arsenal juridique congolais des peines d'emprisonnement des journalistes pour délits de presse.

Certains partisans estiment qu'il est futile de maintenir des législations si rétrogrades, qui tuent ou étouffent la liberté et la vérité. La presse ne peut exercer véritablement ses missions sociales tant qu'est suspendue l'épée de Damoclès sur la tête de chaque journaliste. Ainsi maintenir la législation liberticide actuelle prêterait d'une part à l'arbitraire des juges soumis aux injonctions permanentes des pouvoirs politiques et, d'autre part à une autocensure excessive des journalistes, par crainte des sanctions et représailles des forces politiques.

D'autres, par contre, se demandent comment peut-on contribuer à l'instauration de la culture de la bonne gouvernance en RDC si toute imputation des faits précis, même vrais, peut, à tout moment, conduire le journaliste en prison pour « imputation dommageable » ou « diffamation » ? A l'état actuel de la législation congolaise, en effet, le juge n'est pas lié à la véracité ou à la fausseté des faits relatés, mais seul ne compte pour lui que l'honneur et la considération de la personne qui se plaint. Pour les tenants de cette thèse, la liberté d'informer doit primer sur la défense de l'honneur des fonctionnaires. Ils proposent que la limitation de la presse soit républicaine, c'est-à-dire conçue dans le but de sauvegarder la démocratie, et non de protéger les tenants du pouvoir. Et dans le contexte actuel d'évolution de la société congolaise, une presse assumant le rôle de chien de garde en vue de dénoncer les abus et déviations des détenteurs du pouvoir est utile.

Quant aux adversaires de la démarche de JED, la dépénalisation est une bonne fausse idée. Ils disent « oui à la dépénalisation...mais pour quel type de journalistes : des mercenaires ? Des loups affamés parmi les journalistes ? Des parachutés dans le métier aux fins d'échapper aux dures règles du chômage ? »

Ces partisans de la non dépénalisation soutiennent que si les journalistes peuvent payer les amendes, ils se donneraient le droit de diffamer, d'injurier. Et partant de cela, la peine d'emprisonnement est la solution de dissuasion. La mentalité africaine différente de l'occidentale est encline à craindre la peine d'emprisonnement beaucoup plus que la peine pécuniaire. La privation de la liberté frappe beaucoup plus l'imagination en Afrique que la simple peine d'amende fut-elle porteuse d'importantes amputations dans son patrimoine4(*).

Koovy Yete5(*) a abordé ce sujet de la dépénalisation des délits de presse en 2005 sous l'angle de la problématique au Bénin. Dans sa démarche, il analyse les éléments de légitimité de cette dépénalisation ainsi que la question de son efficacité dans un régime de démocratie libérale au Bénin.

Il est vrai que la campagne de la dépénalisation des délits de presse en RDC est une nouvelle notion née à travers l'action de JED, remontant seulement de 2003. Raison, peut-être, pour laquelle dans notre Alma mater aucun étudiant n'a encore abordé ce sujet. Pour nous démarquer véritablement des juristes qui aborderaient aussi ce sujet, notre recherche s'inscrit dans l'approche sociologique du droit de l'information.

Considérée comme quatrième pouvoir, la presse joue un rôle fondamental d'organe de surveillance des agissements des représentants du pouvoir public et de leurs collaborateurs. Les médias dans ce cadre agissent comme des acteurs isolés des mouvements sociaux mais, deviennent aussi un contre-pouvoir terrifiant à travers leur stratégie d'information et de dénonciation6(*). Dans ce rôle de sauvegarde des principes et valeurs démocratiques, les médias agissent également comme acteurs à part entière des mouvements sociaux. Porte-flambeau des aspirations populaires, ils sont également un espace de mise en scène de ces mouvements sociaux. D'où, pour exercer pleinement ces rôles, les médias doivent bénéficier de plus de garanties et de protection notamment la soustraction de certains actes du journaliste du champ pénal comme les peines privatives de liberté. Le fait que la législation congolaise contienne dans les mécanismes d'information des obstacles de nature à gêner ou à paralyser le jeu naturel de ces mécanismes, s'impose alors, de plus en plus, une autre conception du droit de l'information qui nécessite une étude.

Cette approche sociologique du droit de l'information peut permettre d'approfondir la connaissance du phénomène information en même temps que de fournir les éléments indispensables pour améliorer sa condition. Donc, cette étude sociologique du droit de l'information a pour but de replacer le droit dans la réalité sociale et, par là même, de mieux appréhender, à travers l'étude des normes, éléments spécifiques du droit, cette réalité sociale elle-même. Il est vrai que Fernand Terrou7(*) constate la lenteur avec laquelle l'étude sociologique du droit de l'information réussit à s'imposer du fait qu'elle a suscité jusqu'à présent des travaux insuffisants et qu'elle se heurte encore souvent à des préjugés et à la méfiance. Celle-ci, selon toujours Fernand Terrou, est surtout dirigée contre le droit lui-même, ou plus exactement contre cette conception étriquée du droit qui l'identifie aux restrictions apportées par les gouvernements à la liberté de l'information.

Par cette étude, nous tendons à substituer à la conception formelle et au statut négatif de la liberté, un statut positif de nature à assurer, par un aménagement juridique approprié des moyens, l'accès à l'information et son développement et ainsi permettre ainsi de passer du droit restrictif ou « sanctionnateur » à un droit déterminateur ou créateur selon une évolution inéluctable. Car le droit de l'information est lié à la progression irréversible des techniques de l'information et de ses fonctions sociales qui conduisent à un élargissement du domaine et à une transformation des caractères du droit de l'information.

Face ainsi à la délimitation du domaine du pouvoir étatique et du pouvoir professionnel (journalistique) qui ne peut se faire suivant une formule passe-partout, nous posons la question de recherche suivante : comment l'ONG Journaliste en danger (JED) envisage-t-elle la dépénalisation des délits de presse en République Démocratique du Congo ?

0.2. HYPOTHESE

Nous formulons l'hypothèse selon laquelle, dans la démarche de JED, la souplesse sollicitée du législateur à travers la dépénalisation des délits de presse est une option qui nécessite un certain nombre de garanties. En effet, si la suppression des peines de prison au profit des journalistes est concevable dans un régime démocratique, sa mise en oeuvre requiert assurément des préalables.

0.3. CHOIX ET INTERET DU SUJET

La liberté de la presse est toujours un dilemme entre ceux qui sont appelés à exercer le métier de journaliste et ceux qui doivent la garantir. Dans notre étude entamée au premier cycle en cette matière, nous avions traité de la problématique sur la défense et la promotion de la liberté de la presse en RDC, en analysant l'action de JED8(*). Chez les journalistes comme chez les détenteurs des pouvoirs publics, nous avions décelé et démontré les actes contrariant avec cette liberté de la presse, et par conséquent, entravant son effectivité.

La campagne de dépénalisation des délits de presse initiée par JED étant toujours dans sa logique de défense de la liberté de la presse, le présent travail s'avère être la continuité de celui que nous avions présenté au premier cycle dans ce sens que la revendication de cette ONG de défense des droits des journalistes, se fait toujours dans ce même univers où les accusations sont réciproques ; c'est-à-dire, les détenteurs des pouvoirs publics accusant les journalistes de mercenaires dans la presse et ces derniers traitant les détenteurs des pouvoirs publics de prédateurs de la liberté de la presse.

0.4. METHODOLOGIE

Dans cette recherche, nous nous servons de la méthode interprétative selon l'herméneutique de Paul Ricoeur.

L'herméneutique tire son origine du grec hermeneuein qui se traduit par expliquer. Chez les théologiens, elle est une science de la critique et de l'interprétation des textes bibliques. Les philosophes la définissent comme une théorie de l'interprétation des signes comme éléments symboliques d'une culture9(*). Et Paul Ricoeur10(*) qui ne s'éloigne pas du tout des théologiens la définit tout simplement comme une science, une technique d'interprétation des textes. C'est une recherche du sens, de la signification et de la portée des textes. En d'autres termes, c'est un effort par un cercle fermé (observation/analyse/interprétation). L'enjeu est donc ici le processus concret par lequel la configuration textuelle sert de médiateur entre la préfiguration du champ pratique et sa refiguration grâce à la réception de l'oeuvre.

Nous devons en fait retenir que l'herméneutique postule certains principes, à savoir :

· le sens de la réalité sociale est caché ;

· les faits sociaux sont le fait de l'interrelation entre les membres d'une structure ;

· la paradoxalité des faits sociaux évoluent par le fait de contradiction.

Donc, il sera question de part cette méthode de ressortir des faits significatifs et explicatifs susceptibles de fournir des preuves et servir d'arguments par rapport à nos préoccupations.

Etant donné qu'il s'agit de la recherche du sens du principe de dépénalisation pour son application en RDC, nous avons recouru à l'approche constructiviste. Celle-ci stipule que le sens n'est pas un donné, le sens est une émergence par rapport au contexte. C'est dans cette optique que Roland Barthes11(*) souligne que le sens d'un texte n'est pas un axiome, il n'est pas donné mais se construit selon le locuteur. Comme pour dire que le texte est absolument pluriel et son sens s'étend à l'infini.

JED comme les pouvoirs publics, interprètent tous les textes juridiques existants dans le domaine des médias dans une sorte d'hypertextualité. Ce constructivisme sous l'angle des sciences de l'information et de la communication certifie l'évidence que le fait humain s'apparente au fait social des sociologues. En tant que tel, le fait humain est l'élément d'une chaîne de faits sociaux concomitants, en relation de causalité extérieurs et imposés à l'individu selon Durkheim (holisme). Ainsi, la compréhension d'un fait social n'est que le résultat d'une reconstruction de sens par l'acteur. En tant que fait communicationnel, le phénomène construit nous fait passer du champ sociologique au champ des sciences de l'information et de la communication. Si le phénomène construit caractérise alors la communication de l'acteur social avec une machine et le message qui les lie, il sied de postuler qu'il communique aussi avec tout environnement ayant une signification à son égard.

Eu égard à notre étude qui se penche sur une campagne de dépénalisation des délits de presse en RDC, nous pouvons souligner le fait qu'à travers cette campagne, les animateurs de JED conjuguent leurs efforts par rapport au sens qu'ils accordent à leurs actions, tout en tenant compte des normes et principes qui régissent le monde médiatique.

05. DELIMITATION DU SUJET

Cette présente étude couvre la période de décembre 2003 à juin 2010 ; laquelle correspond à la campagne et à l'après-campagne, caractérisée par les différents lobbyings menés par JED en vue de l'obtention de la dépénalisation des délits de presse. Dans l'espace, ce travail circonscrit les actions de JED à travers la RDC.

06. DIVISION DU TRAVAIL

Outre l'introduction et la conclusion, notre travail comporte quatre chapitres. Le premier est consacré au cadre conceptuel où il est question de définir les concepts clés de notre sujet. Le deuxième détermine le cadre juridique de la presse en RDC. Le troisième présente l'ONG Journaliste en Danger dont l'action fait l'objet de ce travail. Enfin, le quatrième chapitre analyse la démarche, l'enjeu et le défi de cette dépénalisation des délits de presse en RDC initiée par JED.

CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE

Il s'agit dans ce chapitre d'abord de définir les concepts clés de notre travail, à savoir : dépénalisation, délit de presse, et ensuite présenter notre cadre de référence : le droit de l'information.

SECTION I : DEFINITION DES CONCEPTS

I.1. Dépénalisation

La dépénalisation, telle que définie par Guillien R. et Vincent J., est l'opération qui consiste à enlever à un fait son caractère d'infraction pénale12(*).

Dans le même ordre d'idée, Pradel13(*) ajoute qu'il s'agit de toute forme de désescalade à l'intérieur du système pénal. Par là, il sous-entend que dans un même système pénal ; on procède à l'assouplissement de la gravité d'une infraction en la faisant passer d'une échelle supérieure à une échelle inférieure. En d'autres termes, l'infraction ne disparaît pas ; mais est simplement punie moins sévèrement.

L'enlèvement de ce caractère pénal peut être total ou partiel. C'est ce qui fait que Shefani, Levasseur et Bouloc considèrent la dépénalisation comme l'abstention de poursuite ou l'application des peines symboliques14(*). Il y a donc dépénalisation, estime Ghislain Mabanga, lorsque le législateur correctionnalise les crimes et contraventionnalise les délits ; c'est-à-dire que les crimes deviennent des délits, des contraventions15(*).

Dans le cadre de la campagne menée par Journaliste en Danger, la tendance est de considérer la dépénalisation comme la suppression de l'application de la peine de prison à l'endroit des journalistes, auteurs des infractions commises par voie de presse. Il ne s'agit pas du tout de supprimer un fait infractionnel mais plutôt d'assouplir sa peine ; en d'autres termes commuer les peines de prison en des peines d'amende.

Ainsi dans le système juridique congolais, note Ghislain Mabanga16(*), on parlera de la dépénalisation lorsque, pour une infraction déterminée, le législateur remplace, par exemple, la peine de mort par une peine privative de liberté, la servitude pénale à perpétuité (prison à vie) par une servitude pénale à temps (emprisonnement de 20 ans maximum) ou une peine privative de liberté par une peine pécuniaire (amende).

Se voulant beaucoup plus précis, Merle et Vitu soutiennent que « la dépénalisation entraîne la sortie d'un fait reprouvé hors du champ pénal traditionnel sans exclure toutefois l'idée de sanction : le fait cesse d'être infractionnel, mais il reste sanctionné administrativement ou autrement. Il y a donc désescalade dans la répression, la justice pénale étant dessaisie au profit d'une instance non pénale17(*) ».

I.2. Délit de presse

Le mot délit vient du latin delictum qui signifie  faute ou péché. Lorsqu'on prend le préfixe de et on l'associe au participe passé de linquere qui signifie laisser, délaisser ou renoncer, on a le verbe delinquere qui veut dire « manquer à son devoir, pécher ou fauter ». C'est de ce mot latin delinquere qu'est issu le mot délinquance ou délinquant.

Le délit peut être civil (tout fait illicite et dommageable commis envers autrui avec intention de nuire et qui entraîne une obligation de réparation) ; politique (celui qui porte atteinte à l'organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics) ; de presse (infraction commise par voie de presse) ; de chasse, etc.

Dans le langage courant, le mot « délit » est souvent synonyme d'infraction. En droit français, par exemple, est considéré comme délit « toute infraction que les lois punissent de peines correctionnelles ». Mais en droit congolais, les juristes révèlent que le concept « délit » ne relève qu'en matière civile. Ils renvoient à l'article 258 du Code civil, livre III portant sur les contrats ou les obligations conventionnelles qui définit le délit comme « tout fait quelconque de l'homme qui cause un dommage à autrui ». Un délit étant donc un fait quelconque, la loi congolaise n'en prévoit ni une liste ni un contenu précis. Il est tel du seul moment qu'il cause préjudice à autrui.

Pour certains juristes congolais, un délit n'est pas à confondre avec une infraction en droit pénal congolais. Ils qualifient de confusion entretenue par le législateur lorsque ce dernier utilise l'expression « délit » en droit pénal. Non sans raison, ils argumentent que les infractions sont prévues d'avance par le législateur du point de vue de leur nombre, de leur contenu et de leurs éléments constitutifs. Ce qui n'est le cas pour les délits qui relèvent du droit civil. Ces juristes estiment tout simplement que cette expression participe d'un mimétisme légistique et d'un copier-coller sur le modèle des textes occidentaux. En effet, contrairement à la législation congolaise, le délit est du domaine pénal en France comme en Belgique.

En RDC, lorsqu'on parle de « délit de presse », on doit vite recourir à l'article 74 de la loi n° 96-002 du 22 juin 1996 fixant les modalités de l'exercice de la liberté de la presse, pour en tirer la définition. L'article cité de cette loi définit le délit de presse comme « toute infraction commise par voie de presse écrite ou audiovisuelle ».

Par cette définition, Pierre Akele18(*) décèle dans le chef du législateur congolais une vision très large du délit de presse du fait que celui-ci incrimine en quelque sorte « l'abus de la liberté de la presse, c'est-à-dire l'usage des médias à des fins de commettre quelque infraction que ce soit.

Par contre, cette définition prévue dans l'article 74 de la loi du 22 juin 1996 est jugée vague à souhait par Léopold Mbuyi19(*), au point qu'on doive considérer le délit de presse plus comme un mode particulier de commission d'une infraction que comme une infraction propre. Les délits de presse dans cette loi, fait-il savoir, tiennent plus des circonstances aggravantes et des modes de participation criminelle que des infractions autonomes. Léopold Mbuyi fait savoir que l'organisation de la responsabilité civile, la prescription et surtout la compétence y sont lacunaires. Cet oubli du législateur de l'époque n'était pas un hasard.

De cette définition du délit de presse donnée à l'article 74 de la loi du 22 juin 1996 sur la presse, Ghislain Mabanga20(*) dégage une observation : il y a délit de presse chaque fois qu'une infraction aura été commise par voie de presse, c'est-à-dire par l'entremise d'un support médiatique écrit, électronique ou audiovisuel. Selon lui, il est clair que sont passibles des peines prévues par la loi du chef des délits de presse, non seulement les professionnels de la presse, mais aussi toute personne généralement quelconque qui userait de l'outil médiatique pour enfreindre la loi.

Il faut noter que la notion de délit de presse n'est pas l'apanage du seul droit congolais. Jean-Marie Charon et Claude Furet21(*) considèrent le délit de presse comme un délit d'opinion par le moyen de la presse. Pour eux, chaque fois que la presse sert de moyen d'expression à une infraction, cette infraction devient un délit de presse pour autant que la matière porte sur le délit d'opinion.

Pour sa part, Fernand Terrou22(*) note que la définition des délits de presse est inévitablement formulée en termes très généraux qui peuvent prêter à des interprétations, à des applications diverses et mouvantes. Dans le domaine de l'information, remarque-t-il, c'est du libéralisme du juge que dépend pour une large part le libéralisme du régime.

En définitive, tout fait, comme le font savoir Charles Mugagga Mushizi et Donat M'baya Tshimanga23(*) dès lors qu'il peut être interprété comme enfreignant une des dispositions pénales en vigueur en RDC ou dans l'ordre judiciaire international, constitue un délit de presse pour autant qu'il soit perpétré par voie de presse. Il engendre ainsi, automatiquement, une responsabilité pénale dans le chef de son auteur, même si les poursuites ne s'en suivent pas automatiquement ni immédiatement. On pourrait donc déduire que chaque fois que la presse sert de moyen d'expression à une infraction, cette infraction devient un délit de presse. Le délit de presse peut donc être le fait d'un professionnel des médias ou de n'importe quel individu qui se servirait d'un support écrit ou audiovisuel propre aux médias pour commettre une infraction.

SECTION II : LE DROIT DE L'INFORMATION

Si le journalisme est une activité professionnelle dont on doit examiner les conditions d'exercice, c'est aussi une forme d'écriture sociale qui se distingue des autres par des caractéristiques formelles spécifiques dont on devrait pouvoir identifier les principes fondateurs et les effets sociaux.

Du fait que la réalité sociale, et donc l'information, sont conçues comme étant inévitablement le résultat des « constructions » et non comme des simples données de l'observation, comme note Bernard Delforce24(*), la responsabilité sociale du journaliste consiste à donner du sens. Donner du sens, poursuit-il, n'est pas une option laissée au libre choix du journaliste qui pourrait ou pas l'adopter. C'est le résultat incontournable de l'activité d'information. Ainsi, l'article journalistique est inévitablement le résultat d'une construction : il est à la fois le produit d'un regard porté sur la réalité et d'une mise en forme discursive particulière. Mais pour être reconnu comme une information journalistique, l'article doit cependant être reçu comme étant l'équivalent exact de la réalité : il doit sembler seulement la restituer et non la produire. C'est cette nature, double a priori contradictoire, qu'il faut pouvoir expliciter parce qu'elle semble constitutive de la presse et qu'elle est l'un des éléments de son opérativité sociale.

Informer peut relever d'une déontologie professionnelle qui met principalement l'accent sur les modalités de recherche et de restitution de l'information ; donner du sens implique plutôt une responsabilité sociale dans la mesure où cela impose de prendre en compte les effets sociaux de l'acte. C'est ce qui fait du journaliste un acteur social à part entière, et non un simple témoin-médiateur hors du jeu social. Remplir pleinement ce rôle social, c'est, adopter une posture citoyenne qui impose des façons spécifiques de regarder les choses, de les penser et d'en parler. Donc, ce n'est pas comme « individu » que le journaliste s'exprime dans le journal mais au titre d'un rôle social et professionnel spécifique.

Il est vrai que l'activité journalistique se prête bien à la mise en oeuvre d'une déontologie professionnelle. Celle-ci permet de traiter les manquements individuels à des règles simples et communément admises. Cependant, la déontologie n'est pas adaptée pour traiter ce qu'on appelle les « dérives ». La nécessité de lutter contre les abus auxquels peut conduire l'information a donné lieu au droit de l'information. Celui-ci ne se limite plus aux réglementations et procédés par lesquels le pouvoir s'efforce de réduire sinon de supprimer la liberté d'information. Sans doute la réglementation spéciale de la liberté d'expression a eu, originairement, et, dans certains régimes, toujours pour but ou pour effet de limiter sinon d'étouffer cette liberté dans l'intérêt exclusif du pouvoir politique, de ceux qui l'incarnent ou se l'approprient.

Il importe d'insister que le droit de l'information ne comporte pas seulement les règles établies par la puissance publique, qu'elles soient d'origine législative, gouvernementale ou judiciaire. Il englobe toutes les règles professionnelles, qu'elles soient strictement d'ordre conventionnel ou qu'elles soient décidées et sanctionnées conformément à la loi par des institutions librement établies par la profession, ou avec son concours.

Dans certains régimes, les règles, institutions et procédures, tendent, de façons différentes, en fonction des particularités de chaque système politique, économique et social, à assurer le contrôle préalable ou la direction de l'information par le pouvoir, les initiatives privées ne pouvant jouer que conformément aux consignes qui émanent du pouvoir.

Dans d'autres régimes, elles ont pour objet, tout en laissant jouer le plus largement possible les initiatives privées, d'assurer les responsabilités sociales inhérentes aux activités d'information mais aussi en de nombreux cas de suppléer aux insuffisances et aux défaillances de ces initiatives privées. Mais dans les pays du tiers-monde, elles tendent, par-là les idéologies apparemment dominantes, à faire servir l'information à la consolidation politique et à la construction économique et sociale.

CHAPITRE II : CADRE JURIDIQUE DE LA PRESSE EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

Il s'agit dans ce chapitre de présenter des textes à partir desquels la presse en RDC trouve son fondement et d'analyser leur impact. Quelle que soit leur école philosophique, tous les théoriciens de l'information, admettent au moins que la liberté de la presse a deux principales limites. Primo : celle que les journalistes eux-mêmes s'imposent au travers de leurs codes d'éthique et de déontologie et secundo, celle qui vient des lois qui régissent les différentes sociétés dans lesquelles évoluent les médias.

Dans l'exercice de leur profession, les journalistes congolais sont régis par des textes internationaux et nationaux.

SECTION I : LES TEXTES JURIDIQUES INTERNATIONAUX

Trois instruments juridiques internationaux, ratifiés par la majorité des Etats du monde dont la RDC, reconnaissent d'une part le droit du journaliste de rechercher, traiter et diffuser, sans être inquiété, l'information ; et d'autre part, le droit du public de recevoir des informations émanant de plusieurs sources. Ces instruments sont la Déclaration universelle des Droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.

I.1. La Déclaration universelle des droits de l'homme

Adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies dans sa résolution 217 du 10 décembre 1948, cette déclaration stipule en son article 19 que « tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de rependre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».

Cet article garantit clairement et de manière quasi absolue le droit pour toute personne d'avoir un point de vue sur tous les sujets sans exception et de pouvoir exprimer ce point de vue sans limitation de frontières et de moyens. Ce support peut être une conversation interpersonnelle, une réunion ou un meeting, un média (journal imprimé ou électronique, radio ou télévision, Internet, affichage, etc.).

Le même article garantit aussi la collecte et la diffusion des informations, ainsi que le droit pour d'autres le public en l'occurrence de recevoir ces informations en toute liberté. Bien que cette Déclaration garantisse le droit d'informer et d'être informé, il est erroné de croire ou de prétendre qu'elle reconnaît une liberté d'expression et d'opinion absolue. Pour preuve, à son article 30, elle prévient qu' « aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un gouvernement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés ».

I.2. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Adopté par la résolution n° 2200 de l'Assemblée générale des Nations unies en sa session du 16 décembre 1966, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) est entré en vigueur le 23 mars 1976. Dans son article 19, on peut lire : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions. Toute personne a droit à la liberté d'expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de rependre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix ».

Le PIDCP réaffirme ce que dit l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) en y ajoutant deux limitations majeures : « la liberté de rechercher, de recevoir et de rependre des informations et des idées de toute espèce, doit comporter des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Elle peut en conséquence être soumise à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et sont nécessaires primo, au respect des droits ou de la réputation d'autrui, secundo, à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publique ».

Le monde ayant connu plusieurs révolutions entre 1948 et 1966, années de créations respectives de la DUDH et du PIDCP ; ces révolutions ont fait qu'on aboutisse à la conclusion selon laquelle la liberté d'expression et d'opinion, si elle doit être totale, elle ne peut pas être absolue car elle cohabite avec d'autres libertés dont elle ne peut se passer sans se nier.

Pendant que les législateurs du PIDCP précisent le champ des restrictions ainsi que le fait que celles-ci doivent être expressément fixées par la loi et non relever des humeurs et caprices des gouvernants, les théoriciens de l'information recommandent que cette loi doit être accessible, sans ambiguïté, écrite de manière précise et étroite de façon à permettre aux individus de savoir si une action précise est illégale25(*).

En d'autres termes, la protection des intérêts personnels ; notamment la conquête ou la conservation du pouvoir, ne peut en aucun cas servir de prétexte à une limitation de la liberté d'expression, même si la loi nationale le prévoit en violation des instruments juridiques internationaux précités et de la loi fondamentale.

I.3. La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples

C'est le 27 juin 1981 que les chefs d'Etats africains réunis au sein de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), devenue Union africaine (UA), invoquant les particularismes culturels de l'Afrique, adoptent la Charte africaine des Droits de l'homme et des peuples (CADHP). Mais son entrée en vigueur s'effectuera le 21 octobre 1986.

Le CADHP tout en se référant à la DUDH et au PIDCP, n'énonce pas explicitement le droit pour tous d'avoir des opinions et de ne pas être inquiété pour cela. Par contre, la diffusion desdites opinions est limitée dans le cadre des lois et règlements dont la nature n'est nullement spécifiée. Se réfugiant derrière les particularismes culturels de l'Afrique, le CADHP, déjà dans son préambule, invoque des vertus de leurs traditions historiques et des valeurs des civilisations africaines qui doivent inspirer et caractériser les réflexions des pays africains sur la conception des droits de l'homme et des peuples.

Cette revendication « culturelle et historique » a vidé l'article sur la liberté d'expression de son sens original au point d'être carrément laconique. Non sans raison, l'article 9 de cette charte stipule que « toute personne a droit à l'information. Toute personne a droit d'exprimer et de diffuser ses opinions dans le cadre des lois et règlements ».

Cette simplification volontaire de la liberté d'opinion et d'expression, notent Charles Muggaga et Donat M'Baya26(*), a fait justement le lit des tyrans pour brimer la liberté d'opinion et d'expression au nom du respect de l'ordre public. L'histoire des dictatures qui ont eu des beaux jours en Afrique en est une véritable démonstration.

I.4. D'autres textes internationaux conventionnels

Outre les trois instruments juridiques internationaux cités ci-haut, il y en a d'autres utilisés par les journalistes tels que la Charte de Munich, la Déclaration de l'Unesco sur les médias, la Déclaration de principes de la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ) sur la conduite des journalistes et la Déclaration des principes sur la liberté d'expression en Afrique.

a) La Charte de Munich

En 1971, des journalistes originaires de six pays d'Europe de l'Ouest, réunis dans la ville de Munich en Allemagne, ont rédigé une déclaration communément appelée La Charte de Munich. Cette charte qui comporte des devoirs et des droits des journalistes, a, depuis, été adoptée par la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ). Ce document constitue la matrice de la plupart des codes d'éthique et de déontologie des journalistes à travers le monde.

b) La déclaration de l'Unesco sur les medias

Elle est le texte déontologique le plus ambitieux puisqu'il est le seul qui ait une portée véritablement internationale. Toutefois, elle n'est pas conçue en vue d'une application directe. Elle est destinée plutôt à orienter les formulations déontologiques des communautés professionnelles. Elle date de 1983.

c) La déclaration de principes de la FIJ sur la conduite des journalistes

Avec neufs points essentiels, cette déclaration précise les règles de conduite des journalistes dans la recherche, la transition, la diffusion et le commentaire des nouvelles et de l'information et dans la prescription des événements. Elle a été adoptée au Congrès mondial de la FIJ en 1954 et amendée au Congrès mondial de 1986.

d) La déclaration des principes sur la liberté d'expression en Afrique

Suite aux lacunes de la CADHP, la Commission africaine des Droits de l'homme en partenariat avec des organisations de défense de la liberté d'expression telles que Article 19 avaient, en 2000, entamé une réflexion sur la liberté d'expression en Afrique ayant abouti à l'élaboration et à l'adoption de cette déclaration.

Rédigée en 15 points, elle s'avère une avancée considérable dans la normalisation de la liberté d'expression sur le continent africain. Elle aborde aussi bien les questions de la presse écrite que celles de l'audiovisuel. Les radios associatives et communautaires y trouvent une place de choix de même que les questions relatives aux instances de régulation, aux attaques contre les journalistes, à la protection de la réputation d'autrui et à la protection des sources d'information.

SECTION II : LES TEXTES JURIDIQUES NATIONAUX

Le cadre juridique dans lequel évoluent les médias en RDC est essentiellement circonscrit par deux lois. La première porte statut des journalistes et la deuxième fixe les modalités de l'exercice de la liberté de la presse. A ces deux lois, on ajoute le code de déontologie et d'étique.

II.1. L'ordonnance-loi n° 81/012 du 02 avril 1981 portant statut des journalistes oeuvrant en RDC

Contenant 54 articles, cette ordonnance-loi a modifié celle n° 70/057 du 28 octobre 1970 en se fondant sur l'article 45 de l'ancienne Constitution et sur la loi n° 78-002 du 06 janvier 1978 portant dispositions générales applicables aux entreprises publiques. Elle souligne les véritables droits et obligations du journaliste dans son statut d'employé d'une entreprise de presse.

Les droits auxquels peut prétendre légalement un journaliste dans l'exercice de son métier se retrouvent dans les articles 29, 30, 32 et 35. Par ailleurs, on ne peut pas manquer de relever dans cette loi d'autres prescrits qui préservent l'intégrité physique du journaliste et régissent la durée du temps de son travail. C'est notamment les articles 8 et 16.

En dehors des dispositions relatives aux droits ou avantages pécuniaires, sociaux ou autres qu'elle renferme, l'intérêt de l'ordonnance-loi 81-012 du 02 avril 1981 réside dans d'autres prescrits propres à assurer la protection de la profession journalistique et du journaliste (articles 4 et 6). Quant aux devoirs, on les retrouve dans cette loi aux articles 40 et 41.

II.2. loi n°96/002 du 22 juin 1996 fixant les modalités de l'exercice de la liberté de la presse en RDC

Elle émane d'une volonté de la Conférence nationale souveraine tenue en 1992. Se référant à la Déclaration universelle des droits de l'homme, au Pacte international sur les droits civils et politiques et à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, cette loi détermine dans le domaine de la presse, l'exercice des libertés. Ces libertés sont reconnues par la Constitution du 18 février 2006 en ses articles 23 et 2427(*) .

La grande particularité de cette loi, ce qu'elle met fin au monopole d'exploitation détenu jusque là par l'Etat qui accepte de le partager avec des tiers. Contrairement à l'ordonnance-loi n° 81/011 qui ne concerne que la presse écrite, elle embrasse l'ensemble de la presse, écrite et audiovisuelle, aussi bien du secteur public que du secteur privé. Aussi, prend-elle, contrairement à l'ordonnance-loi n° 81/011, compte l'ensemble des métiers des entreprises de l'audiovisuel, notamment, les producteurs, les réalisateurs, les animateurs, les monteurs et autres catégories professionnelles dans la carrière est régie par des conventions collectives sectorielles.

Cependant cette loi bien qu'innovante, est objet de beaucoup de critiques. Elle comporte un régime répressif impressionnant. Son titre 4 est entièrement consacré aux délits de presse et aux pénalités avec 16 articles sur un ensemble de 92 qu'elle compte.

CHAPITRE III : PRESENTATION DE JOURNALISTE EN DANGER (JED)

Dans ce chapitre nous allons présenter l'ONG Journaliste en danger, c'est-à-dire son historique, sa localisation et son champ d'action, ses moyens d'action, son organisation structurelle et ses ressources financières.

SECTION I : HISTORIQUE

Journaliste en Danger (JED) est une organisation non gouvernementale et apolitique, créée sous l'initiative d'un groupe de journalistes congolais (RDC). Elle a vu jour officiellement le 20 novembre 1999 à Kinshasa. La direction des Cultes et associations du Ministère de la Justice l'a enregistrée sous le numéro F. 92/5337 (lettre n° JUST.G.S.20/052/99) et son dossier pour l'obtention de la personnalité civile a été soumis à la signature du chef de l'Etat.

JED n'est pas à proprement parler une association de journalistes ; c'est plutôt une structure de défense et de promotion de la liberté de la presse. Ses fondateurs sont partis d'un certain nombre de constats pour se décider de sa création.

Le premier constat est qu'il ne se passait plus aucun jour sans que, quelque part dans la société congolaise, la liberté de la presse ne soit impunément violée, sans qu'une plume ne soit brisée.

Le deuxième constat est que les journalistes et autres agents de la communication étaient, souvent, des victimes d'une justice sommaire ; les détenteurs du pouvoir politique, économique, social ou culturel se faisant de plus en plus justice chaque fois que le discours de la presse ne les agrée pas.

Le troisième constat est que les droits civils et politiques des professionnels de médias, étaient autant violés que leurs droits économiques et sociaux. La plus grande illustration étant que moins de 20% de journalistes oeuvrant en RDC on signé un contrat de travail en bonne et due forme. Les journalistes et autres agents de la communication prestent pour des maisons à gestion personnelle ou familiale au sein desquelles les propriétaires fixent unilatéralement des salaires s'ils sont prévus ! et ne garantissent rien en ce qui concerne la sécurité sociale. Les journalistes ainsi traités sont à la merci des puissances d'idéologie et d'argent. Ils sont en danger et ils constituent un danger pour la collectivité. Voilà ce qui a motivé ce groupe de journalistes congolais à mettre sur pied une structure devant s'investir à travailler, au quotidien, pour le développement des médias.

A sa création, JED était dirigée par un comité directeur de cinq membres, tous bénévoles. Il s'agit de Donat M'baya Tshimanga (président, journaliste, ancien du journal Le Soft) ; Tshivis Tshivuadi (vice-président, journaliste, ancien rédacteur en chef adjoint du quotidien Le Phare) ; Mauro Mwamba wa ba Mulamba (secrétaire général, journaliste, ancien chargé de la communication de la Ligue zaïroise des droits de l'homme, ancien directeur de la rédaction au quotidien Le Potentiel, directeur de l'hebdomadaire Bloc-Notes) ; de Mlle Rose Masala Ndarabu (secrétaire générale adjointe, journaliste à la chaîne privée Télé Kin Malebo) et Mme Francine Mokoko (conseillère, journaliste, correspondante de la station panafricaine Africa n° 1).

Depuis la mort du secrétaire général, Mauro Mwamba, survenue le 02 décembre 2001, JED est actuellement chapeautée par un duo : Donat M'baya (président) et Tshivis Tshivuadi (secrétaire général). C'est à eux deux seulement que revient la responsabilité d'engager l'association et de décider.

Actuellement, JED est devenue une association mondialement reconnue dans la défense et la promotion de la liberté de la presse en RDC. Elle est membre de International Freedom of Expression Exchange (IFEX, Toronto), membre affilié du Réseau international de Reporters sans frontières (RSF, Network, Paris) et partenaire du Committee to protect journalists (CPJ, New-York), de Human Rights Watch (HRW, New-York), d'Amnesty International (Londres), de Media Institute for Southern Africa (MISA, Windhoek), d'Article 19 (Londres), de la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ, Bruxelles) ainsi que des agences spécialisées dans les droits de l'homme du système des Nations unies.

JED a comme devise « Une plume brisée est un coup contre la démocratie ». Il est très souvent représenté par les symboles suivants :

La flèche rouge brisée sur le mot JED symbolise un stylo brisé, tandis que l'autre croquis représente un carnet de notes ou un journal.

SECTION II : LOCALISATION ET CHAMP D'ACTION

JED a ses bureaux au numéro 374 de l'avenue Colonel Mondjiba, à la Galerie Saint Pierre, dans le Complexe Utexafrica, dans la commune de Ngaliema, à Kinshasa. Avant, l'association logeait dans l'immeuble ATC, au croisement des avenues Tombalbaye et Equateur dans la commune de la Gombe. Mais bien avant encore, à sa création donc, JED avait ses bureaux au n° 73 de l'avenue Maringa, dans la commune de Kasa-Vubu.

JED a un site Internet : www.jed-afrique.org Sa boite postale est 633 Kinshasa I et ses numéros de téléphone sont : + 243999929323, +243999996353.

JED exerce son activité sur toute l'étendue de la République Démocratique du Congo. Depuis mai 2003, elle a élargi son champ d'action dans huit autres pays de l'Afrique centrale couverts par l'Organisation des Médias d'Afrique Centrale (OMAC) dont le siège est à Bujumbura (Burundi). Ces huit autres pays sur lesquels s'étend le mandat de JED sont : Burundi, Cameroun, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, République centrafricaine, Rwanda et Tchad.

SECTION III : MOYENS D'ACTION

Le principal moyen d'action de JED est la sensibilisation et la conscientisation de l'opinion publique pour qu'elle fasse pression sur les auteurs des violations de la liberté de la presse. Il le fait généralement à travers les communiqués de presse et les alertes sur Internet.

JED suscite aussi une concertation avec les autorités publiques pour que cessent les abus contre les médias. L'association fait comprendre à la collectivité qu'elle a le devoir de contribuer, à son propre profit, à l'émergence d'une presse libre et prospère.

Pour mieux agir en ce sens, JED s'est impliqué dans le réseau mondial des organisations de défense et de promotion de la liberté de la presse, de la démocratie et du développement notamment RSF, IFEX, Article 19 et CPJ. Très souvent, avec le concours de ses partenaires à travers le monde, JED parvient à faire éviter le pire aux chevaliers de la plume. D'une part, il plaide et obtient justice pour les médias et les journalistes victimes de la répression ou d'actes de méchanceté. D'autre part, il ramène au bon sens les journalistes en déphasage avec la déontologie et l'éthique à travers des séminaires et conférences.

Le 10 décembre de chaque année, date commémorative de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, JED publie un rapport annuel sur « l'état de la liberté de la presse en Afrique centrale ». Dans ce rapport, cette ONG reprend tous les cas de violation de la liberté de la presse commis pendant l'année en RDC et dans huit pays autres pays couverts par l'OMAC.

En marge de la journée internationale de la liberté de la presse, le 3 mai, JED a souvent considéré cette journée comme celle de solidarité avec les journalistes arrêtés ; aussi marque-t-elle cette journée par des témoignages de journalistes victimes des tortures et autres actes inhumains commis contre eux.

Par ailleurs, JED apporte directement ou indirectement une petite bourse d'assistance aux familles des journalistes tués ou emprisonnés en raison de l'exercice de leur profession. Il effectue des visites régulières sur les lieux de détention ou d'emprisonnement des journalistes ; apporte une assistance judiciaire aux journalistes ou médias poursuivis devant cours et tribunaux pour leur travail, par la mise à leur disposition des avocats ; observe les procès intentés contre les médias ou les journalistes.

Autant JED fait de la dépénalisation des délits de presse son cheval de bataille, autant il se démène pour la mise en place, par la profession elle-même d'une vraie structure d'autorégulation pour veiller au respect par les journalistes de leur code d'éthique et de déontologie.

SECTION IV : RESSOURCES FINANCIERES

Sur le plan financier, JED est soutenu par ses partenaires étrangers qui supportent le loyer de ses bureaux, les frais de fonctionnement et la charge des employés. Parmi ses partenaires, citons GRET28(*), NIZA29(*) et Institut Panos Paris.

SECTION V : ORGANISATION STRUCTURELLE

A part les deux dirigeants principaux à qui revient le pouvoir d'engager l'association, d'autres personnes concourent à son fonctionnement ; notamment pour des tâches administratives, d'enquêtes, d'assistance des journalistes, d'informatique et d'édition. Ce qui donne une hiérarchisation qui se présente sous forme de cet organigramme :

Président

Donat M'baya

Secrétaire Général

Tshivis Tshivuadi

Administration&finances Recherches IT & Microédition

Ingo Vediana & défense légale JM Mutombo

Desk Afrique Desk RDC

Logistique Scott Mayemba Natacha Nzembele

& caisse

Lady Kamanga

Huit pays d'Afrique Onze provinces

Centrale Correspondants

CHAPITRE IV : ANALYSE DE L'ACTION DE JED

Comme l'indique son intitulé, ce chapitre analyse l'action de JED en vue de la dépénalisation des délits de presse en RDC. Ce chapitre comporte trois sections. La première présente les éléments de méthodologie. La deuxième décrit les démarches de JED en faveur de la dépénalisation. La troisième interprète ces démarches à travers leurs enjeux.

SECTION I : ELEMENTS DE METHODOLOGIE

Notre travail a posé la problématique ci-après : comment l'ONG Journaliste en danger (JED) envisage-t-elle la dépénalisation des délits de presse en RDC.

En guise d'hypothèse, nous avons postulé que, dans la démarche de JED, la souplesse sollicitée du législateur à travers la dépénalisation des délits de presse est une option qui nécessite un certain nombre de garanties. En effet, si la suppression des peines de prison au profit des journalistes est concevable dans un régime démocratique, sa mise en oeuvre requiert assurément des préalables.

Pour recueillir les données de terrain en rapport avec ces variables, nous avons recouru au diagnostic de situation comme technique d'investigation.

Selon Guibert et Jumel30(*), la démarche diagnostique est d'un usage fréquent dans le domaine des organisations. C'est une technique de terrain qui, pour l'analyse d'un secteur professionnel, peut se révéler opératoire.

D'après les deux auteurs précités, le diagnostic de situation rassemble des procédures d'investigation puis d'analyse et des propositions. Il vise à repérer les dysfonctionnements, à en rechercher les causes puis à proposer des améliorations pour définir des perspectives d'évolution31(*).

SECTION II : DEMARCHES DE JED EN FAVEUR DE LA DEPENALISATION

JED estime que la qualité de la démocratie et de l'Etat de droit auxquels la RDC aspire a besoin d'une véritable émancipation des libertés individuelles et publiques, au premier rang desquelles se place notamment la liberté d'information et la liberté de la presse32(*). Mais l'ONG constate qu'il existe un net décalage entre le statut international et le statut national du journaliste congolais tel que formulé par la loi du 22 juin 1996.

A l'analyse des statistiques des arrestations et emprisonnements des journalistes en RDC au cours des dernières années, cette organisation note que les motifs les plus généralement invoqués sont l'imputation dommageable ou la diffamation, la propagation de faux bruits, l'offense aux autorités et l'atteinte à la sûreté de l'Etat ; infractions sanctionnées par le code pénal (civil ou militaire).

Dans son combat, JED se dit convaincu que le plus grand défi qui incombe aujourd'hui à la RDC dans le secteur médiatique, pour autant que le pays se déclare véritablement engagé sur la voie de la démocratie et de la bonne gouvernance, concerne la reforme du cadre juridique de l'exercice de la liberté de la presse, corollaire de la liberté d'expression et d'opinion.

Cette reforme doit viser principalement la suppression des dispositions qui autorisent les emprisonnements fermes des journalistes pour les délits tels que la diffamation ou imputations dommageables, les fausses nouvelles ou l'offense aux autorités, pour les remplacer par des sanctions civiles telles que le payement des amendes ou dommages-intérêts et d'autres sanctions prévues par les instances de régulation et d'autorégulation. Cette démarche de JED ne vise pas les délits d'incitation à la haine ethnique ou raciale, l'apologie du crime et du meurtre et les appels à la violence.

II.1. Imputations dommageables

Concernant la diffamation ou les imputations dommageables, généralement classées dans la catégorie des infractions commises par la parole ou l'écrit (article 74 du code pénal ordinaire livre II), la loi dispose que « quiconque aura imputé à autrui des faits précis, vrais ou faux, sera puni d'une peine privative de liberté à partir du moment où la personne incriminé arrive à démontrer que la publication de ces faits a porté atteinte à sa considération et à son honorabilité ». Les articles 75, 76, 77 et 78 de ce même code catégorisent différentes sortes d'imputations dommageables et les sanctions y afférant.

A la lecture de ces prescrits légaux, il apparaît clairement qu'il n'y a pas meilleure façon de créer une caste des intouchables tant qu'ils peuvent en tout état de circonstance alléguer une atteinte à l'honneur ou à leur considération, condition essentielle d'établissement de cette infraction au sens du code pénal congolais. En effet, il suffit que les faits soient simplement imputés de façon précise et que quiconque prétende qu'ils attentent à son honneur, à sa dignité ou qu'ils l'exposent au mépris public ; peu importe que les faits imputés soient faux ou vrais. En d'autres termes plus clairs, le juge congolais devant qui le journaliste est présenté, n'est pas lié à la véracité ou à la fausseté des faits rapportés. Seuls ne comptent que l'honneur et la considération de la personne qui se plaint. C'est là où JED n'est pas d'accord.

En effet, que ce soit dans son propre atelier organisé en 2004 au Centre Bondeko à Kinshasa ou dans celui organisé toujours au Centre Bondeko par le ministre de l'information, presse et communication nationale en 2007, JED a toujours exigé et continuer à exiger en cette matière de diffamation que le juge examine la véracité ou la fausseté des faits avancés par le journaliste. Cette recommandation est contenue dans le document d'amendement de la loi de 1996 portant modalités de l'exercice de la liberté de la presse en RDC et dans l'avant projet de la loi portant organisation et fonctionnement du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et de la Communication (CSAC) devant remplacer la Haute Autorité des Médias (HAM)33(*).

Il s'agit pour JED de redéfinir le délit de diffamation en tenant compte du caractère particulier du travail du journaliste ; celui d'un mandant social lui reconnaissant la latitude de dire ou écrire ce qu'il voit à la place des autres. Mandat qui l'oblige à « s'immiscer » dans la gestion de la chose publique, à fouiner son nez dans tout ce qui attire l'attention de la population ou l'intéresse.

Du fait donc que la presse considérée comme quatrième pouvoir joue son rôle fondamental d'organe de surveillance des agissements des représentants du pouvoir public et de leurs collaborateurs, JED digère mal que la personne qui fait ce travail soit privée de liberté tout simplement parce que certaines personnes mises en cause avec indices de culpabilité probants estiment que leur honneur est souillé ! et pourtant, les dénonciations de la presse servent des véritables garde-fous à la bonne gouvernance et à la démocratie.

Dans le contexte actuel où la RDC qui forge encore sa démocratie est fragilisée par certains maux comme la corruption et l'impunité, JED s'interroge comment peut-on, s'il faut prendre en considération le serment du Président Joseph Kabila lors de son discours d'investiture, le 6 décembre 2006, appliquer la trilogie Démocratie - Bonne gouvernance - Droits de l'homme, prônée comme signe de son mandat de cinq ans, lorsque la presse qui est, à travers le monde dans son rôle, considérée comme l'indispensable chien de garde de la démocratie, est très mise en mal par l'emprisonnement des journalistes qui l'animent parce qu'accusés de diffamation même pour des faits vrais ?

Prenant en exemple le cas du journaliste Jean-Denis Lompoto34(*), JED ne s'explique pas l'acharnement de la justice sur le journaliste que sur ses dénonciations : aucune action judiciaire intentée contre le ministre sur les soupçons de détournements ; aucune confrontation entre le responsable du M17, plaignant, et le ministre incriminé. La faute du journaliste pour le juge c'est d'avoir relayé la plainte d'ailleurs déposée en bonne et due forme au tribunal par le responsable du M17 et de l'avoir commentée. Quant aux griefs contre le ministre, le juge s'en passe alors qu'il est dans ses compétences censé d'en saisir. Ce qui est un paradoxe, selon JED, dans un contexte de la bonne gouvernance.

En bref, pour JED, dans un cas ou dans un autre, si les faits dénoncés par la presse sont vrais, il n'est pas question alors de poursuivre le journaliste pour diffamation. S'ils sont faux, la peine n'est pas forcement la prison du fait que la loi donne d'autres possibilités comme le démenti et le payement des dommages et intérêts.

II.2. Offense au chef de l'Etat, outrages aux autorités et propagation de faux bruits

L'offense au chef de l'Etat évoquée à l'article 77 de la loi du 22 juin 1996 est l'une des infractions de lèse-majesté qui sont généralement imputées au journaliste congolais. Contenue dans l'ordonnance n° 300 du 16 décembre 1963, elle est punissable de trois mois à deux ans de servitude pénale et/ou une amende. Tshimanga Mukeba35(*) qui cite la doctrine, précise qu'il s'agit des « faits, paroles, gestes, ou menaces, les calomnies, les diffamations, les actes d'irrévérence, de manque d'égards, les grimaces, les imputations ou allégations de faits de nature à froisser la susceptibilité, la distribution ou la diffusion d'affiches offensantes pour le chef de l'Etat ou d'un journal, d'une revue, d'un écrit quelconque contenant un article ridiculisant ».

Concernant par contre les outrages aux autorités qui ne sont pas explicitement cités dans la loi du 22 juin 1996 comme l'offense au chef de l'Etat, ils rattrapent le journaliste aux articles 136 et 137 du Code pénal : « sera puni d'une servitude pénale de six à douze mois et d'une amande de cinquante francs au maximum, ou de l'une de ces peines seulement, celui qui, par paroles, faits, gestes ou menaces, aura outragé soit un membre de l'Assemblée nationale ou du Sénat, soit un membre du Gouvernement, soit un membre de la Cour constitutionnelle, dans l'exercice de son mandat ou de ses fonctions ». Cette peine est de trois à neuf mois et d'une amende de trente francs au plus ou l'une de ces peines seulement, celui qui, par paroles, faits, gestes ou menaces, aura outragé soit un membre des cours et tribunaux, soit un officier du ministère public, soit un officier supérieur des Forces armées et de la Police, soit un gouverneur dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.

Pour Tshimanga Mukeba36(*) qui se réfère toujours à la doctrine, « les outrages envers les autorités publiques consistent dans toutes paroles, gestes, menaces, écrits, dessin ou expression de mépris de nature à blesser l'honneur ou la délicatesse du représentant de l'autorité ». Il s'agit pour lui de « l'expression d'une pensée injurieuse s'attaquant directement à la personne protégée et à ses fonctions, ou des actes de dérision, de moquerie, ou de mépris envers l'autorité ».

Aux prescrits de ces dispositions légales, il est clair que le journaliste qui qualifierait un ministre, un inspecteur de police ou une autre autorité « d'incompétent » par exemple, qui dénoncerait un comportement immoral d'une autorité, qui critiquerait le chef de l'Etat, tombe sans aménagement sous le coup d'outrage ou d'offense.

Qu'il s'agisse ainsi d'offense au Chef de l'Etat ou d'outrage aux autorités, JED s'interroge jusqu'à quel seuil le journaliste peut-il critiquer les agissements du président de la république ou la politique du Gouvernement sans être accusé d'outrage. Comment le journaliste peut-il s'assurer que par sa critique, il ne se met pas en marge de l'espace public de libre discussion circonscrit par la loi ? Visiblement, seul le juge dans son interprétation, peut élargir cet espace en faveur du journaliste ou encore le restreindre davantage suivant sa conception du respect de l'autorité.

L'expérience démontre souvent que devant la justice, le journaliste est toujours fautif lorsqu'il critique les actions du chef de l'Etat ou toute autre autorité qui s'en plaint. Non sans raison, pour avoir lié la non apparition prolongée de Joseph Kabila dans le public à un état de santé critique, Nsimba Embete37(*) et Davin Tondo avaient purgé 10 et 9 mois au Centre Pénitentiaire et de Rééducation de Kinshasa (CPRK) pour « offense au chef de l'Etat ». Alors que pendant que la rumeur persistante courait dans la ville de Kinshasa sur l'état de santé de Joseph Kabila, aucun service compétent (présidence ou gouvernement) n'apportait la lumière pour couper court à cette rumeur ! Aussi, Patrice Booto38(*), pour avoir insinué que Joseph Kabila avait fait un don de 30 millions de dollars américains au système éducatif tanzanien, avait respiré pendant 9 mois l'air du CPRK.

Quant aux faux bruits, cette infraction mentionnée à l'article 199 du Code pénal civil est souvent associée à celles d'imputations dommageables, offense au chef de l'Etat ou outrage à l'autorité. Elle est aussi souvent évoquée lorsque le journaliste est poursuivi pour atteinte à la sûreté de l'Etat ou divulgation des « secrets » de défense nationale ou d'Etat.

Polydor Muboyayi, éditeur du quotidien Le Phare, avait passé, en 1997, trois mois au CPRK via le cachot du Conseil National de Sécurité (CNS) sur les hauteurs de Binza. Son tort aura été que son journal, très proche de l'opposition à l'époque avait titré en manchette « Kabila crée sa Dsp » en référence à la Division spéciale présidentielle, garde prétorienne de Mobutu. Muboyayi sera poursuivi pour « propagation de faux bruits », évidemment une infraction associée à celle d'atteinte à la sûreté de l'Etat. Mais l'information divulguée signée d'un pseudonyme par un journaliste se révélera vraie. Car quelques mois après naîtra le GSSP (Groupe Spécial de Sécurité Présidentielle), ancêtre de l'actuelle GR (Garde Républicaine)39(*).

Mêmement pour Freddy Loseke40(*) de La Libre Afrique qui prévenait en 2000 « un complot d'assassinat contre le président Laurent-Désiré Kabila », il avait été cloué sans aucun aménagement au CPRK pour « propagation de faux bruits ». Mais en janvier 2001, ce que Freddy Loseke craignait pour Laurent-Désiré Kabila arriva !

Pour JED, s'il est vrai que l'obligation première du journaliste est celle de vérité et qu'une fausse nouvelle est contraire au journalisme, il n'est pas moins vrai que « l'information fausse » aujourd'hui, peut s'avérer vraie demain et vice versa.

II.3. Atteinte à la sûreté de l'Etat (secret défense et secret d'Etat)

Les infractions d'atteinte à la sûreté de l'Etat sont retrouvées aux articles 77, 78 et 79 de la loi du 22 juin 1996. Elles sont souvent évoquées au tribunal lorsqu'il s'agit des informations qualifiées de « secret défense » ou « secret d'Etat ». Leurs sanctions sont prévues dans le Code pénal civil (articles 209) comme dans code pénal militaire (143, 145, 146, ...). Mais ces codes ne donnent pas la liste des informations considérées comme secret défense et n'en donnent moins encore une définition exacte de ce concept. Néanmoins, le code pénal militaire, très répressif, à son article 149 stipule qu' « au sens de la présente loi, présentent le caractère de secret de la défense nationale, les renseignements, procédés, objets, documents, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l'objet de mesures de protection destinées à restreindre leur diffusion. Peuvent faire l'objet de telles mesures, les renseignements, données informatisées ou fichiers classifiés par le ministre de la Défense ou le commandant suprême et dont la divulgation est de nature à nuire à la défense nationale ou à conduire à la découverte d'un secret de la défense ». Et l'article 150 d'en déterminer la sanction : « ceux qui se rendent coupables de divulgation, diffusion, publication ou reproduction des informations visées à l'article ci-dessus ou ceux qui en fournissent les moyens, sont punis de vingt ans de servitude pénale, sans préjudice des peines plus fortes qu'ils peuvent encourir par d'autres dispositions légales. En temps de guerre ou dans une région où l'état de siège ou d'urgence est proclamé, ou à l'occasion d'une opération de police tendant au maintien ou au rétablissement de l'ordre public, les coupables sont punis de mort ».

Face à un flou qui entoure le « secret » de défense ou d'Etat, JED dans son combat pour la dépénalisation des délits de presse, ne cesse de demander au Parlement de prendre une loi circonscrite et définissant clairement les notions de « secret d'Etat et de secret défense » qui lors de certains procès des journalistes, fait appel à l'infraction de trahison punissable d'une peine de mort.

Disons pour conclure cette partie consacrée au combat de JED que pour tous les délits de presse ci-haut évoqués, cette organisation estime que la meilleure leçon à donner à un média ou un journaliste qui ne « ferait pas son travail de manière professionnelle » n'est pas de l'interdire ou l'arrêter, mais bien d'apporter, à chaque fois, la preuve du contraire. Et il appartiendra au public de se détourner d'un média ou d'un journaliste non professionnel.

SECTION III : ENJEUX ET DEFIS DE L'ACTION DE JED

III.1. Enjeux de l'action de JED

Les sociologues nous apprennent que la réaction pénale est un réflexe de défense de l'organisation sociale contre les actes qui la perturbent. Et la réaction émotionnelle ne peut se produire, selon Durkheim, que si une atteinte est portée aux « états forts et définis de la conscience collective41(*) ». Ainsi, dans cette partie, nous essayons de voir si les infractions d'imputations dommageables, de propagation des faux bruits, d'offense au chef de l'Etat et d'outrage aux autorités ainsi que d'atteinte à la sûreté de l'Etat constituent des faits qui heurtent les états forts et définis de la conscience collective au point de légitimer les peines privatives de liberté dont elles sont assorties.

En effet, dans une société démocratique, l'exercice d'une liberté, fut-elle le pilier de la défense des droits fondamentaux, ne peut se justifier par la commission d'infractions, à peine de contester la légitimité des règles d'ordre public, et par là même, du système tout entier42(*). Dans cette optique, remarque Koovy Yete, il n'appartient pas à la presse ni de salir injustement l'honneur d'un homme, ni de publier par exemple des informations de nature à mettre en péril la défense nationale43(*). Tout en reconnaissant que la presse comme quatrième pouvoir est un atout nécessaire dans l'édification d'un Etat démocratique, Montesquieu44(*) prévient que ce pouvoir à l'instar de tout pouvoir devient dangereux et peut même ruiner le processus démocratique par l'inconscience de certains de ses membres.

Cette crainte d'un débordement de la liberté de presse a été aussi suffisamment manifestée à l'atelier de JED à Bondeko en janvier 2004. Tout en étant d'accord pour la dépénalisation des délits de presse, beaucoup d'intervenants ont exprimé des réticences fondées sur les faiblesses de la presse congolaise de manière générale. « Oui à la dépénalisation...mais pour quel type de journalistes : des mercenaires ? Des loups affamés parmi les journalistes ? Des parachutés dans le métier aux fins d'échapper aux dures règles du chômage ? »

Ces faiblesses surtout d'ordre déontologique et d'éthique sont reconnues explicitement par JED dans son manuel intitulé « Comprendre les textes juridiques et déontologiques régissant la presse en RDC », publié en février 2006. En effet, de tous les cas pris en échantillon dans ce manuel, l'organisation relève des fautes professionnelles et des manquements graves : non respect de l'obligation de vérité et de l'obligation de responsabilité, atteinte intentionnelle à la dignité humaine caractérisée par des injures faciles, des menaces et chantages, des calomnies et des règlements des comptes.

Dans son rapport de 2000, parlant de Freddy Loseke, JED mentionne que « La Libre Afrique est un journal dont le ton va souvent au-delà du tolérable et qui ne fait pas souvent de différence entre l'injure et la critique45(*) ».

Evoquant le cas de Patrice Booto, JED note qu'au cours d'une audience, ce dernier avait fait un revirement spectaculaire en affirmant que l'information qu'il avait donnée était fausse et qu'il le savait au moment où il la publiait. L'organisation ajoute que devant sa délégation et celle de Reporters sans frontières (RSF), le président de la république Joseph Kabila, parlant du cas de Booto, n'avait pas caché sa colère et avait estimé que cet article, publié au moment où le front social grondait au pays, n'était ni plus, ni moins « une tentative de coup d'Etat ».

Critiquant toujours le travail de la presse, JED ne cache pas son indignation dans l'affaire Vital Kamerhe lorsqu'il note que « pendant quatre mois, la bataille pour déboulonner le président de l'Assemblée Nationale va se dérouler dans les médias. Par conviction ou par instinct de survie, les journalistes vont se livrer à un lynchage médiatique d'une extrême violence contre celui qui était jusque là leur icône. Des tonnes de pages et de temps d'antennes vont être achetées pour cette besogne au point où seul le point de vue de ceux qui en voulaient à Vital Kamerhe, avaient droit de citer dans la quasi majorité des médias46(*) ».

Dans l'affaire William Damseaux contre Berge Nanikian, le journal Fair Play47(*), loin d'accomplir sa tâche de n'informer que le public sur le différend foncier opposant les deux hommes d'affaires, non seulement s'est érigé en avocat en prenant fait et cause pour M. Berge Nianikian, mais surtout s'est versé dans les injures et dénigrement du genre : « l'indigent William Damseaux n'est pas le genre d'investisseurs dont le pays a besoin...maffieux... ».

Aussi, pour régler des comptes au ministre des mines Diomi Ndongala, le journal satirique Pili-pili48(*) avait consacré une série d'articles dans plusieurs éditions pour seulement le salir. Animé visiblement de l'intention de nuire, le journal n'a, en aucune fois, accordé la parole à l'incriminé, mais il s'est évertué à l'enfoncer dans une affaire des présumés détournements en commentant négativement avec des affirmations gratuites.

Ces quelques exemples et bien d'autres, nombreux d'ailleurs, démontrent que la culture de l'irrespect de la loi semble beaucoup caractériser le monde de la presse en RDC. D'où la nécessité de la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public et de la moralité publique. Cette exigence est une limite qu'impose le droit international à l'exercice de la presse dans tout pays (article 19 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques).

La dépénalisation des délits de presse telle que voulue par JED risque de conduire à de nombreux abus, craint Théodore Ngoy49(*), du fait qu'il y a dans le milieu de la presse congolaise une culture profondément incrustée de non-respect de la liberté d'autrui et un grand nombre des personnes improvisées journalistes et autres professionnels des médias. Cette improvisation dangereuse est reconnue par JED. L'ONG constate que « toute personne sachant parler Français et aligner des mots aussi inintelligibles soient-ils peut, au travers de plusieurs subterfuges, se retrouver dans un journal, une radio ou une télévision. Aucun cursus scolaire n'est exigé dans un pays où le taux d'analphabétisme n'est pas négligeable ».

Toutes ces lacunes et insuffisances de la presse congolaise donnent l'argument aux adversaires de la dépénalisation des délits de presse qui se fondent sur la théorie de la toute puissance des médias. En effet, considérant cette idéologie qui confère aux médias le pouvoir de modifier les esprits et les structures, Ferdinand Tönnies50(*) écrit dans son livre « L'esprit des temps modernes », que « la presse est le moyen réel, l'orage de l'organe de l'opinion publique, comparable et supérieure, à bien des points de vue, à la puissance matériel que possèdent les Etats pour l'armée, les finances et l'administration bureaucratisée ». Cette perception est aussi de Serge Tchakhotine51(*) qui avoue que les techniques de diffusion collective sont toutes puissantes. D'après ce sociologue allemand, « les mass media ne s'adressent pas à la raison mais à l'instinct. Les slogans qu'ils véhiculent excitent les pulsions agressives, sexuelles, alimentaires etc. de l'homme archaïque qui sommeillent en chacun de nous. Dès que cet homme archaïque est atteint et réveillé par des slogans, le conditionnement et la manipulation s'ensuivent ».

Fonctionnant dans le contexte de la linéarité, les médias s'inscrivent généralement dans la théorie du seau. Ils visent la transmission intégrale du contenu de l'émetteur au récepteur. C'est cela, renchérit Ekambo Duasenge, qui est dit ordinairement « recevoir une information 5/5 »52(*). Le journaliste ne cherche dans cette communication linéaire qu'à imposer un imperium sur le consommateur. Et cette linéarité dans les médias apparaît comme une religion qui ne souffre d'aucune déviation ; l'objectif visé étant d'inculquer au consommateur (lecteur, auditeur ou téléspectateur) la totalité du message concocté à son intention par le producteur (journaliste).

Redoutant cette force des médias, JED lui-même ne les a-t-il pas mis sur le banc des accusés après les affrontements sanglants à Kinshasa, en août 2006, après les résultats du premier tour de l'élection présidentielle lorsqu'il note : « tout le monde s'accorde, écrit-il, que ce déferlement de violence dans la capitale Kinshasa, a été précédé pendant plusieurs semaines par une véritables guerre des nerfs, au travers des médias, surtout audiovisuels, entre les partisans de ces deux plus grands candidats qui ont usé et abusé des médias qui leur sont entièrement acquis pour faire de la propagande haineuse et se diaboliser mutuellement, souvent sous l'oeil complice ou grâce à la complaisance des journalistes présentateurs ou animateurs53(*) ».

Du fait qu'il est clair que les effets des médias sont capables de conditionner et manipuler le public ; donc capables de nuire, les adversaires de la dépénalisation des délits de presse, jugent excessivement dangereux de penser que les amendes pécuniaires et autres dommages - intérêts peuvent réparer des délits hautement nuisibles commis parfois intentionnellement par les journalistes.

La liberté de la presse, comme toutes les libertés, n'est pas sans limites. D'ailleurs le droit à la vérité dont elle procède n'est jamais absolu, parce qu'il est toujours en conflit avec d'autres droits qui viennent fixer les bornes de son empire. Ces limites définissent la frontière au-delà de laquelle on pénètre dans l'espace du délit de la presse. On n'évoquera pas ainsi avec bonheur la dépénalisation des délits de presse lorsque l'intention de nuire est dirigée contre des personnes physiques et morales d'une manière flagrante et ostentatoire, remarque Modeste Mutinga54(*).

Pour ces raisons, il y a donc lieu, suggère François Budim'bani Yambu, de ne pas envisager ou de ne pas encourager la dépénalisation des délits de presse à court terme55(*). S'il faut dépénaliser, conseille Me Théodore Ngoy56(*), il importe de satisfaire aux préalables qui appellent à forger d'abord une culture de respect de la loi et des règles éthiques professionnelles par la formation des hommes membres de cette profession et à assainir le secteur en excluant les intrus, les journalistes du dimanche et les apprentis sorciers avant de discuter et d'envisager une dépénalisation responsable de délits de presse. Sinon, celle-ci enfermerait les abus de presse dans une sorte d'angélisme démocratique béat qui nous détruirait tous.

Dans la même lancée, Pierre Akele Adau57(*) préconise qu'il faut prendre conscience de ce que la définition d'un cadre normatif nouveau et dépénalisé pour l'exercice de la presse doit, pour donner satisfaction, s'appuyer sur un code d'éthique et de déontologie suffisamment fort. Celui-ci serait un instrument de régulation et de discipline à la disposition des professionnels de la pesse pour une autocensure sans complaisance.

Donc, de l'avis des uns et des autres, il n'est pas mauvais de penser dépénalisation des délits de presse. Seulement le moment n'est pas propice au débat tant qu'il y a encore de l'ordre à mettre ou à remettre dans la profession journalistique au Congo. Bref, il y a d'abord des préalables à remplir avant de parler effectivement de la dépénalisation. Ces préalables sont, à notre avis, les véritables défis à relever par JED dans sa mission, non seulement de défendre mais aussi de promouvoir la liberté de la presse.

III.2. Défis de l'action de JED

Il est vrai que la dépénalisation des délits de presse est une exigence de la démocratie. Et continuer à envoyer des journalistes en prison parce qu'ils ont dit ou ont écrit est une négation d'une des valeurs importantes qui fondent la démocratie. Il est aussi vrai qu'il existe un net décalage entre le statut international et le statut national du journaliste congolais tel que formulé par la loi de 22 juin 1996 et qu'il faudrait dès lors réviser celle-ci ou carrément définir un nouveau cadre normatif de l'exercice de la liberté de la presse, en vue notamment de l'ajuster et la conformer aux standards démocratiques d'un Etat de droit. Mais il est surtout vrai que pour procéder à une dépénalisation responsable, il faut d'abord, c'est d'ailleurs le premier préalable, commencer par donner un coup de balai dans le milieu de la presse. Ce coup de balai concerne les individus exerçant le métier journalistique et les entreprises censées les employer.

Il est vrai que jusqu'à preuve du contraire, ni l'UNPC (Union Nationale de la Presse Congolaise), organe fédérateur de la presse congolaise, ni l'OMEC (Observatoire des Médias Congolais) chargé de régularisation en répertoriant et en dénonçant les différentes dérives d'ordre professionnel que la Commission de discipline et d'éthique professionnelle de l'UNPC pourrait sanctionner si nécessaire, moins encore la Haute Autorité des Médias (HAM) ne sont pas encore parvenus à favoriser une pratique professionnelle plus saine. Dans son rapport sur «l'état de l'exercice de la liberté de la presse en RDC » de 2004, African Media Institute58(*) (AMI) note que « le dénominateur commun de cette presse congolaise malgré la divergence sur son appréciation par les observateurs, reste le fait qu'elle est une presse qui ose, dont l'information est plus le fruit des opinions plutôt que des investigations et généralement peu soucieuse du respect de la déontologie et de l'éthique professionnelle. Ces faiblesses se justifient par l'envahissement de la profession par des moutons noirs, des personnes qui n'ont pas suivi un cursus normal en journalisme et qui sont tentées par l'aventure dans la presse. Dans le traitement de l'information, le sentiment et l'idéologie l'emportent, dans la plupart des cas, sur la vérité des faits ». Citant l'ancien premier ministre congolais Vincent de Paul Lunda Bululu, AMI conclut que « c'est une presse aux titres sablonneux et au contenu poussiéreux. La chasse au sensationnel pour attirer, fait commettre beaucoup d'abus aux professionnels de la presse ».

III.2.1. Du profil du journaliste congolais au regard de la pratique du métier

Les prescrits de la loi en matière de recrutement des professionnels de la presse à l'article 7 de l'ordonnance-loi n° 81-012 portant statut des journalistes oeuvrant en RDC, sont rarement respectés. Selon cet article, le recrutement s'effectue sur concours. Il peut toutefois se faire sur titre en faveur des journalistes professionnels et des candidats diplômés d'une école de journalisme. Mais dans le concret, des critères subjectifs orientent bon nombre d'éditeurs et directeurs des radios et télévisions dans le recrutement des journalistes. Les relations personnelles de fraternité ou d'amitié, les recommandations ou la capacité de rapporter des fonds et non l'information sont autant des critères qui guident les propriétaires dans le recrutement des journalistes.

L'on note ainsi un engouement de beaucoup de personnes de formations diverses pour le métier de journaliste. Pour être embauché, il suffit de garantir au propriétaire de la radio ou de la télévision la rentabilité de l'émission grâce à son carnet d'adresses. D'autres candidats à l'embauche s'engagent même à ne pas exiger une rémunération, sans que l'on sache quelles seront leurs sources de revenus et quels dangers une telle pratique représente pour la profession. A l'arrivée, on se retrouve avec des animateurs transformés en gourous et contre lesquels les propriétaires des chaînes ne peuvent rien au nom de la loi de l'argent, en dépit d'une pratique professionnelle à la limite du tolérable.

D'autres personnes entrent dans la profession par le sang. Non pas qu'elles ont la vocation professionnelle du père journaliste ou qu'elles ont suivi la formation en la matière, mais s'y lancent sans formation juste pour continuer à vendre le nom de papa. Ce journalisme héréditaire est lourd de conséquences sur la mauvaise prestation de la profession. Des journaux entiers sont animés à Kinshasa par ce genre de journalistes héréditaires et non formés qui ne se soucient même pas d'améliorer leur prestation par une formation ou un recyclage.

Ces journalistes, tout comme bien d'autres formés sur les tas, constituent une menace tant pour la profession qui perd de plus de son crédit que pour la liberté de la presse, étant donné qu'ils pratiquent le métier sans connaissance des techniques journalistiques, ni de la déontologie et de l'éthique du journaliste, ni des différentes lois qui régissent la presse. C'est pratiquement dans ce lot que l'on retrouve les journalistes qui se vendent aux hommes politiques et aux opérateurs économiques. Il y a en qui vont jusqu'aux chantages ou menaces de produire des articles contre ceux qui n'accèdent pas à leurs demandes. D'autres encore confondent leur métier avec celui de policier.

D'ailleurs, de tous les cas d'arrestations dénoncés par JED dans ses différents rapports annuels, plus de 90% concernent les journalistes de petits journaux sans aucun critère d'entreprise de presse, qui se livrent à coeur joie à la diffamation, aux injures et à la calomnie.

Au-delà du manque d'une formation journalistique adaptée et suffisante, ces journalistes que JED qualifie « d'intervention rapide » ou « Teme-Teme59(*) » baignent dans la pauvreté. Ils parcourent la ville à la recherche d'évènements de toute sorte et susceptibles de leur procurer un peu d'argent appelé pudiquement « coupage » ou « transport ». Ils sont dans toutes les manifestations mais ne publient rien de tout cela parce que, justement, ils ne sont reconnus par aucune rédaction. Mais pour ceux qui les publient, parce qu'employés par certaines rédactions, ils se font payer là où ils vont. L'information ainsi monnayée est teintée de beaucoup d'éloges et ne peut comporter aucune critique objective.

Cette indigence au quotidien, non seulement, fait de beaucoup de journalistes congolais sujet à la manipulation et de mercenariat, mais aussi les place dans une instabilité professionnelle et sociale entraînant le ballottage de conscience. Cet état de choses a donné lieu à un nouveau phénomène qui consiste à chaque journaliste d'avoir son ministre et chaque ministre son journaliste. Et souvent, ces « mariages » d'intérêts se font sur des bases ethniques. Le drame est que ces journalistes des principaux médias de Kinshasa sont, la journée, aux cabinets des ministres et le soir à leurs rédactions respectives où ils veillent au grain pour que rien de négatif ne passe. Tous les ministres ont des journalistes actifs comme attachés de presse ou conseiller en communication.

D'où la première garantie pour une dépénalisation responsable devra découler de l'amélioration du statut du journaliste (autonomie financière, recrutement adéquat, meilleures conditions de travail...) à l'instar des journalistes de Radio Okapi60(*).

III.2.2. Des entreprises congolaises de presse

Une étude menée par Institut Panos Paris61(*) démontre que les organes de presse congolais sont gérés au jour le jour. La plupart de ces organes de presse ne tiennent nullement leur comptabilité, au point que la gestion du journal se confond généralement avec la poche de l'investisseur. La même étude note que les principaux défaut de cette presse résident, primo, dans son excessive politisation et la faiblesse des projets éditoriaux (beaucoup de journaux vivant essentiellement de leur accointance avec les hommes ou des partis politiques dont ils servent les intérêts) ; secundo dans la confusion entre espaces rédactionnels et publicitaires (publication d'articles qui sont issus non d'une démarche désintéressée de collecte de l'information, mais de la vente d'un espace à un individu ou une structure) ; tertio dans la présence de pratiques de grande corruption dans certains titres (chantage...) ; quarto dans l'inexistence d'une véritable politique de gestion et l'opacité comptable ; et quinto dans la faiblesse de la formation des ressources humaines dans tous les secteurs de la production et de l'administration.

Sur la centaine des journaux et radiotélévision recensés en RDC, seules quelques dizaines remplissent un peu les conditions requises « d'entité économique et commerciale créée dans le but d'exploiter, comme activité principale, la collecte, le traitement, la production et la diffusion de l'information ou des programmes » conformément à l'article 4 de la loi de 1996. La plupart des organes de presse congolais fonctionnent à vue. Et le caractère éphémère des journaux est surtout dû à l'amateurisme des éditeurs, mêlé au fait que la plupart de ces canards ne sont pas la propriété de leur responsable apparent. Ils sont créés pour des intérêts qui échappent généralement à ceux qui les animent. Ce qui fait qu'ils disparaissent dès que les bailleurs des fonds, généralement, le ministre, le gouverneur de province, le mandataire d'une entreprise publique quitte les fonctions.

Si dans le domaine de l'audiovisuel, eut égard à la technologie mise en place, il n'est point de place pour l'aventure à quelques exceptions près, il n'en est pas de même de la presse écrite. Le journal marchandise précède la création de l'entreprise de presse chargée de produire un bien dénommé « journal ». Tout celui qui, de quelques manières que ce soit, obtient un peu d'argent peut, le lendemain, mettre sur le marché deux cahiers noircis appelés « journal ». Le propriétaire est à la fois directeur de publication, rédacteur en chef, journaliste sous plusieurs pseudonymes, agent commercial, etc. Sans capital ni siège social et, dans la plupart des cas, dirigés par des personnes peu qualifiées ou moins journalistes dépendant souvent des pourvoyeurs des fonds, en général des hommes politiques ; sans respect de la périodicité qu'ils se sont assignés eux-mêmes, la majorité d'organes de presse congolais paraissent comme des instruments de propagande et d'anéantissement, c'est selon les intérêts, que des instruments d'information.

Lorsqu'il s'agit de protéger des pourvoyeurs des fonds, le contenu est du genre élogieux et flatteur : « Serge Kabongo : le grand mécène de Bandalungwa », « Honorable X : sauveur de Kimbanseke », « Qui en veut à l'ADG Y ? » etc. Lorsqu'il s'agit d'anéantir, les titres sont du genre : « Le roi fainéant a un nom : Adolphe Muzito », « Damseaux n'est pas le type d'hommes d'affaires dont la RDC a besoin », « L'agitateur et l'opportuniste Olenghankoy », « A lire dans notre prochaine édition : détournement à... ». Ainsi, cette presse de propagande ou d'anéantissement se fait un puissant censeur des responsables politiques ne partageant pas la même famille politique ou sociologique. Prenant la place des magistrats, elle instruit généralement sans exhiber des preuves, condamne, soumet les victimes à la vindicte populaire.

Au regard de ce qui précède, il y a lieu de noter que le maillon le plus faible du système médiatique congolais concerne avant tout la viabilité économique des entreprises de presse ; cette situation a une incidence directe sur le professionnalisme des journalistes. A la recherche de survie, tels des loups affamés, ces derniers, plutôt que de jouer au filtre de la société, en ajoutent la confusion. Intrigues, dénigrements, accusations gratuites, chantages et règlements de comptes sont les mets qu'offrent régulièrement certains journaux à leurs lecteurs. Et dans ces conditions, dépénaliser les délits de presse avec des organes qui n'ont rien d'entreprise de presse, augmenterait sans doute les dérapages.

CONCLUSION

La dépénalisation des délits de presse en République Démocratique du Congo (RDC) à l'initiative de l'ONG Journaliste en Danger, est l'objet de notre étude. Et nous avons posé la problématique ci-après : comment l'ONG Journaliste en danger (JED) envisage-t-elle la dépénalisation des délits de presse en RDC.

En guise d'hypothèse, nous avons postulé que, dans la démarche de JED, la souplesse sollicitée du législateur à travers la dépénalisation des délits de presse est une option qui nécessite un certain nombre de garanties. En effet, si la suppression des peines de prison au profit des journalistes est concevable dans un régime démocratique, sa mise en oeuvre requiert assurément des préalables.

Pour recueillir les données de terrain en rapport avec ces variables, nous avons recouru au diagnostic de situation comme technique d'investigation. Et dans les pages précédentes, nous avons démontré le bien-fondé de la démarche de Journaliste en Danger visant la dépénalisation des délits de presse en faveur des journalistes congolais. Cette ONG soutient mordicus que la dépénalisation des délits de presse est une exigence de la démocratie. Et continuer à envoyer les journalistes en prison parce qu'ils ont dit ou ont écrit est une négation d'une des valeurs importantes qui fondent la démocratie.

Nous avons également démontré les conséquences d'une telle démarche en faveur des personnes qui exercent un métier dont elles ignorent ou enfreignent délibérément la déontologie et l'éthique. Cette démarche de JED nous impose une attitude prudente face à toute volonté de modification de cadre juridique de la responsabilité pénale du journaliste congolais. C'est au demeurant, cette prudence qui, inexorablement, nous conduit sur le sentier des nécessaires préalables à une éventuelle dépénalisation des délits de presse.

A notre avis, ces préalables sont de deux ordres : d'abord la viabilité économique des organes de presse et ensuite le respect du statut du journaliste. Cette logique de réhabilitation de la fonction de journaliste qui doit également intégrer de façon sérieuse les conditions de travail de celui-ci, est un élément de garantie pour la communauté nationale. Car, la pratique de la vertu suppose un minimum de bien-être. Ce qui, aujourd'hui, est loin d'être l'apanage du journaliste congolais et encore moins de celui des organes de presse privés.

Dans cette optique, nous estimons que JED doit fonder son combat ou mieux axer son action dans un espace journalistique assaini. Il faut donc dépénaliser les délits de presse avec les bons acteurs (journalistes) et les bons outils (organes de presse). Cet assainissement suppose, à l'instar des ordres des médecins, des pharmaciens et des avocats, que les journalistes aient aussi une corporation efficace et dynamique, capable de veiller surtout au recrutement des personnes censées exercer la profession journalistique. Simplement dit, comme tout juriste ou n'importe quelle personne ayant fini ses études en médecine ou en pharmacie ne peut exercer si elle n'est pas inscrite à l'Ordre, il devrait être de même avec le métier de journaliste. Le constat, malheureusement, est que ce dernier apparaît comme un corps encore trop fragile et quasiment sans défense face aux incursions des hommes de tous bords davantage guidés par la propagande, la manipulation, les dénigrements, les accusations gratuites, les chantages et règlements de comptes.

Somme toute, la problématique de la dépénalisation des délits de presse en RDC nous parait comme un débat d'ordre sociopolitique où le juridique n'intervient qu'à titre d'appoint. S'il est vrai que la dépénalisation relève d'une technique juridique, par contre sa politique et sa philosophie répondent à une autre logique. Ici, la technique juridique est inféodée au politique qui influe sur l'élaboration du droit pénal de fond et de forme dont relève cette technique.

BIBLIOGRAPHIE

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II. MEMOIRES ET TFC

OLENGA LUMBAHEE I., La problématique de la défense et promotion de la liberté de la presse en faveur du journaliste congolais. Analyse de l'action de JED, TFC, Ifasic, Kinshasa 2003.

YETE K., La problématique de la dépénalisation des délits de presse au Bénin, mémoire de DEA, 2005

III. COURS

OKOMBA WETSHISAMBI, cours de sociologie des médias, 2ème licence journalisme, Ifasic, 2008, inédit.

III. RAPPORTS ANNUELS

Rapports annuels de JED sur l'état de la liberté de presse en RDC de 1999 à 2009

Rapports annuels d'AMI sur l'état de la liberté de presse en RDC de 2003 et 2004.

TABLE DES MATIERES

Introduction 1

Problématique 6

Hypothèse 11

Choix et intérêt du sujet 11

Méthodologie 12

Délimitation du sujet 15

Division du travail 15

Chapitre I : Cadre théorique 16

Section I : Définition des concepts 16

I.1. Dépénalisation 16

I.2. Délit de presse 18

Section II : Droit de l'information 22

Chapitre II : Cadre juridique de la presse en République Démocratique du Congo 26

Section I : Les textes juridiques internationaux 26

I.1. La Déclaration universelle des droits de l'homme 27

I.2. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques 28

I.3. La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples 30

I.4. D'autres textes internationaux conventionnels 31

a) La Charte de Munich 32

b) La déclaration de l'Unesco sur les medias 32

c) La déclaration de principes de FIJ sur la conduite

des journalistes 32

d) La déclaration des principes sur la liberté d'expression

en Afrique 33

Section II : Les textes juridiques nationaux 33

II.1. L'ordonnance-loi 81/012 du 02 avril 1981 portant

statut des journalistes oeuvrant en RDC 34

II.2. Loi 96/002 du 22 juin 1996 fixant les modalités de

l'exercice de la liberté de la presse en RDC 35

Chapitre III : Présentation de Journaliste en Danger (JED) 37

Section I : Historique 37

Section II : Localisation et champ d'action 40

Section III : Moyens d'action 41

Section IV : ressources financières 44

Section V : Organisation structurelle 44

Chapitre IV : Analyse de l'action de JED 46

Section I : Eléments de méthodologie 46

Section II : Démarches de JED en faveur de la dépénalisation 47

II.1. Imputations dommageables 49

II.2. Offense au chef de l'Etat, outrages aux autorités et

propagation de faux bruits 53

II.3. Atteinte à la sûreté de l'Etat 57

Section III : Enjeux et défis de l'action de JED 59

III.1. Enjeux de l'action de JED 59

III.2. Défis de l'action de JED 68

III.2.1. Du profil du journaliste congolais au regard de la

pratique du métier 70

III.2.2. Des entreprises congolaises de presse 73

Conclusion 77

Bibliographie 80

Table des matières 85

* 1 MBAYA D., Plaidoyer pour la dépénalisation des délits de presse en RDC, Kinshasa mai 2004

* 2 PIGEAT H. et LEPRETTE J., La liberté de la presse. Le paradoxe français, Paris, PUF, 2003

* 3 YETE K., « La problématique de la dépénalisation des délits de presse au Bénin », mémoire de DEA, 2005

* 4 NGOY T., Pour ou contre la dépénalisation des délits de presse en RDC, in Plaidoyer pour la dépénalisation des délits de presse en RDC, Kinshasa, mai 2004, p.26

* 5 YETE K., « La problématique de la dépénalisation des délits de presse au Bénin », mémoire de DEA, 2005.

* 6 NEVEU E., Sociologie des mouvements sociaux, La Découverte, Paris, 3ème éd., p.97

* 7 TERROU F., Sociologie juridique et droit de l'information, Paris, Librairie Larousse, 1973, p.195

* 8 OLENGA LUMBAHEE I., « La problématique de la défense et promotion de la liberté de la presse en faveur du journaliste congolais. Analyse de l'action de JED », TFC, Ifasic, Kinshasa 2003.

* 9 Le Petit Larousse illustré, Paris, 2007.

* 10 RICOEUR P., De l'interprétation, essai sur Freud, 1966

* 11 Barthes, cité par EKAMBO J-C in Paradigmes de communication, Ifasic éditions, Kinshasa, 2004, p.95

* 12 GUILLIEN R. et VINCENT J., Lexique des termes juridiques, 12ème édition, Dalloz, Paris, p.188

* 13 PRADEL J., Droit pénal général, 14ème éd., Cujas, Paris, 2002-2003, n° 10, p.27

* 14 SHEFANI G., LEVASSEUR G. et BOULOC B. ; Droit pénal général, 14ème édition, Dalloz, Paris, p3.

* 15MABANGA MONGA MABANGA G., L'apport de la dépénalisation des délits de presse dans le processus démocratique au Congo, in Plaidoyer pour la dépénalisation des délits de presse en République Démocratique du Congo, Kinshasa, mai 2004, p34.

* 16 MABANGA MONGA MABANGA G., La dépénalisation des délits de presse en 10 questions, JED, Kinshasa, 2005.

* 17 MERLE R. et VITU A., Traité de droit criminel, 7ème éd, Cujas, Paris, Tome 1, p.136

* 18 AKELE P., « Dépénaliser les délits de presse en RDC : pourquoi et comment ? », in Plaidoyer pour la dépénalisation des délits de presse en République Démocratique du Congo, Kinshasa, mai 2004

* 19 MBUYI L., « La problématique de la diffamation et des imputations dommageables par voie de presse », in Code de déontologie des journalistes en RDC, OMC, Kinshasa, février 2005.

* 20 MABANGA, op.cit

* 21 CHARON J-M et FURET C., Un secret si bien violé : la loi, le juge et le journaliste, Paris, Seuil, 2000.

* 22 TERROU F., op. cit.

* 23 MUGAGGA C. et M'BAYA D ; Comprendre les textes juridiques et déontologiques régissant la presse en RDC, février 2006, Institut Panos Paris, p.69

* 24 DELFORCE B., « La responsabilité sociale du journaliste : donner du sens », in Les cahiers du journalisme n° 2, Lille, 2010.

* 25 Principes de Johannesburg sur la liberté d'expression, ARTICLE 19, Londres.

* 26 MUGAGGA C. et M'BAYA D ; Comprendre les textes juridiques et déontologiques régissant la presse en RDC, février 2006, Institut Panos Paris, p.69

* 27 L'article 23 de l'actuelle constitution de la RDC stipule que toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit implique la liberté d'exprimer ses opinions ou ses convictions, notamment par la parole, l'écrit et l'image, sous réserve du respect de la loi, de l'ordre public et des bonnes moeurs.

L'article 24 de la même constitution ajoute que toute personne a droit à l'information. La liberté de presse, la liberté d'information et d'émission par la radio et la télévision, la presse écrite ou tout autre moyen de communication sont garanties sous réserve du respect de l'ordre public, des bonnes moeurs et des droits d'autrui.

* 28 Groupe de Recherche et d'Echanges Technologiques

* 29 Nederland Institute for Southen Africa

* 30 GUIBERT J. et JUMEL G., Méthodologie des pratiques de terrain en sciences humaines et sociales, Paris, Armand Colin, 1997, p.112

* 31 Idem.

* 32 TSHIVIS T., M'BAYA D., MABANGA G., La dépénalisation des délits de presse en 10 questions, Kinshasa, 2005.

* 33 Ces deux projets ont été préparés par la Commission Ekambo (du nom du Professeur Jean-Chrétien Ekambo Duasenge, à l'époque recteur de l'Institut Facultaire des Sciences de l'Information et de la Communication et président de cette commission).

* 34 Voir rapport annuel 2004 de JED. Jean-Denis Lompoto, directeur de publication du bihebdomadaire satirique Pili-pili paraissant à Kinshasa, avait été incarcéré à Makala pour « diffamation et imputations dommageables » à l'endroit du ministre des mines, M. Eugène Diomi Dongala. En effet, dans son édition n° 014 du vendredi 19 mars 2004, le satirique Pili-pili avait publié un article intitulé « No comment ». L'article était accompagné d'une caricature montrant un homme politique du M17 (Mouvement du 17 mai), parti proche du pouvoir, en train d'enterrer le ministre Diomi Ndongala. Il s'agissait de la traduction de la plainte déposée, il y a quelques semaines, par M. Augustin Kikukama, secrétaire général du M17, contre le ministre des mines l'accusant de détournement de 3 millions de dollars US, abus de pouvoir et corruption.

* 35 Ancien procureur général de la République, dans son allocution, le 3 novembre 2007, au Palais du peuple à l'occasion de la rentrée judiciaire.

* 36 TSHIMANGA MUKEBA, loc. cit.

* 37 Rapport annuel 2008 de JED.

* 38 Rapport annuel 2005 de JED.

* 39 Rapport annuel 2008 de JED, p.9

* 40 Rapport annuel 2000 de JED.

* 41 DURKHEIM E., cité par MERLE R. et VITU A., in Traité de droit criminel.

* 42 FONTBRESSEN P. cité par LEGROS P., « Liberté de la presse, immunité pénale et hiérarchie des valeurs », in Mélanges offerts à Michel Hanotiau.

* 43 YETE K., op. cit.

* 44 MONTESQUIEU, De l'esprit des lois, Livre III, Chap. V, p.94.

* 45 Rapport annuel 2000 de JED.

* 46 Rapport annuel 2009 de JED, p8

* 47 Rapport annuel 2004 de JED. Cas de Lucien-Claude Ngongo.

* 48 Rapport annuel 2004 de JED. Cas de Jean-Denis Lompoto.

* 49 NGOY T., op. cit., p.38

* 50 Fernand Tonnies, sociologue allemand cité par OKOMBA WETSHISAMBI, cours de sociologie des médias, 2ème licence journalisme, Ifasic, 2008, inédit.

* 51 TCHAKHOTINE S., Le viol des foules par la propagande politique, Paris, Gallimard, Nouvelle édition revue et augmentée en 1952, 608p.

* 52 EKAMBO J.C., Paradigmes de communication, Ifasic éditions, Kinshasa, 2004, p.47

* 53 JED, La liberté de la presse en période électorale (assassinats, agressions, menaces, expulsions, destructions, propagandes, procès bidons et dérapages des médias), novembre 2006

* 54 Ancien président de la Haute Autorité des Médias, dans son allocution lors de l'atelier de Bondeko en 2004.

* 55 BUDIM'BANI F., « Débat sur la dépénalisation des délits de presse en RDC », in Plaidoyer pour la dépénalisation des délits de presse en RDC, Kinshasa, 2004

* 56 NGOY T., loc. cit.

* 57 AKELE P., loc. cit.

* 58 African Media Institute est une organisation non gouvernementale de défense et de promotion de la liberté de la presse basée à Kinshasa mais dont son coordonnateur, ancien journaliste congolais, réside aux Etats-Unis d'Amérique.

* 59 Du nom d'un « journaliste » sans rédaction mais visible dans toutes les manifestations dans la ville de Kinshasa qu'il couvre sans les publier. Son grand problème c'est de bénéficier des frais de transport, généralement appelé « coupage » que les organisateurs desdites manifestations remettent aux journalistes.

* 60 Radio Okapi est née depuis 2002 d'un partenariat entre les Nations unies et la Fondation Hirondelle. Elle emploi près de deux cents journalistes travaillant sur l'ensemble du territoire congolais. Ces journalistes sont bien rémunérés, il leur est interdit formellement de prendre des présents dans le cadre de l'exercice de leur métier offerts par n'importe qui. C'est qui fonde l'impartialité, l'objectivité et le professionnalisme dans le traitement des informations à cette radio. Ses journalistes méritent du respect dans le milieu politique et économique congolais grâce à leur indépendance totale.

* 61 Institut Panos Paris, Situation des médias en République Démocratique du Congo, avril 2004.






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