REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET
UNIVERSITAIRE
INSTITUT FACULTAIRE DES SCIENCES DE L'INFORMATION ET DE
LA COMMUNICATION
IFASIC
B.P. 14.998
KINSHASA - GOMBE
Approche sociologique du droit de
l'information
Par :
OLENGA LUMBAHEE EL TAYESE
Innocent
Gradué en Sciences de l'Information et de la
Communication
Mémoire présenté et défendu
publiquement en vue de l'obtention
du grade de Licencié en Sciences de
l'Information et de la Communication
Option : Journalisme/Politique
Intérieure
Directeur : Alexis MBIKAYI
MUNDEKE
Professeur Ordinaire
Lecteur :
Jérémie-Georges WAWA MOZANIMU
Chef de travaux
Octobre 2010
- A Elysée Ngalula, ma moitié;
- A vous mes enfants : Karel Duran, Esther Anakoy, Rebecca
Badiambile et Claudel-André Lubaya junior ;
Je dédie ce travail.
REMERCIEMENTS
C'est puisque nous respirons que nous avons pu réaliser
ce travail de mémoire sanctionnant notre deuxième cycle en
journalisme/politique intérieure. Nous respirons jusqu'à ce jour
c'est parce qu'il y a L'Eternel Dieu qui a daigné, dans sa bonté,
nous accorder sa grâce. Raison pour laquelle, nous Lui disons grandement
merci et lui témoignons notre reconnaissance.
Merci également au Professeur Alexis Mbikayi et au CT
Georges Wawa qui ont accepté, volontiers, comme au premier cycle de nous
encadrer dans la rédaction de ce mémoire.
Merci à MM. Donat M'baya et Tshivis Tshivuadi,
respectivement président et secrétaire général de
l'ONG Journaliste en Danger, pour avoir mis à notre disposition
différents ouvrages dans le cadre de notre recherche.
Enfin merci à Claude Buse avec qui nous avons
échangé sur ce sujet et qui nous a donné certaines
orientations pertinentes.
Innocent OLENGA L. EL TAYESE
0. INTRODUCTION
Notre objet d'étude est la dépénalisation
des délits de presse en République Démocratique du Congo
(RDC) à l'initiative de l'ONG Journaliste en Danger (JED). Depuis 1990,
un vent de démocratisation souffle sur le continent africain. Cette
démocratisation exige des gouvernements, la plupart autoritaires,
d'adopter une nouvelle façon de conduire les affaires, notamment par
l'ouverture de l'espace des libertés d'expression, de contrôle de
la gestion des gouvernants. L'ouverture dont il est question suppose l'absence
des actions répressives dirigées contre les personnes qui usent
de leur liberté d'expression ou qui demandent les comptes de la gestion
du pays. C'est dans cette optique que Journaliste en Danger (JED), ONG militant
pour la promotion et la défense de la liberté de la presse en
Afrique centrale, avait lancé, du 10 décembre 2003 au 03 mai
2004, dans la salle de spectacle de la Paroisse Notre Dame de Fatima à
Kinshasa, avec le soutien de FreeVoice (Hollande), une campagne pour la
dépénalisation des délits de presse. Celle-ci avait pour
objectif d'obtenir des autorités politiques de la RDC le retrait des
infractions commises par voie de presse du régime pénal pour en
faire des infractions relevant du droit civil.
Outre Kinshasa, JED a organisé d'autres ateliers pour
la même fin dans les villes de Lubumbashi, Kananga, Kisangani, Mbujimayi,
Goma, Bukavu, Matadi et Moanda où des tables rondes réunissaient
des journalistes, des acteurs de la société civile et des
magistrats. Dans sa démarche, l'ONG estime qu'il ne s'agit donc pas
d'une simple revendication corporatiste pour un régime d'impunité
totale en faveur des journalistes congolais ou le souci de faire de ces
derniers des citoyens à part, au-dessus des lois de la
république. Ce n'est pas non plus un cadeau du prince aux journalistes,
mais plutôt une exigence de la démocratie ; une
volonté de corriger le Code pénal congolais auquel se
réfère la loi sur la presse.
Ainsi, JED conçoit-il mal que dans le régime
démocratique actuel, qu'on puisse s'appuyer sur des lois qui ont fait le
lit de la dictature ! Par contre, cette organisation non gouvernementale
estime que la dépénalisation des délits de presse,
conçue et promue pour donner un contenu plus objectif à la
liberté de presse, ne consacre ni l'irresponsabilité, ni la
déresponsabilisation, encore moins l'impunité. Au contraire, elle
confère, selon elle, au journaliste une responsabilité accrue.
L'idée de dépénaliser les délits
de presse n'est pas nouvelle. Elle n'est pas non plus une invention congolaise.
Le président de JED1(*), l'a reconnu à l'occasion du lancement de sa
campagne sur la dépénalisation des délits de presse
à Kinshasa en décembre 2003. La majorité des pays dits de
vieille démocratie en Europe et en Amérique ont
déjà banni depuis très longtemps de leurs arsenaux
juridiques la peine de prison pour des infractions commises par voie de presse,
les passant pour des infractions civiles.
En 1881, en France, un débat opposa les partisans d'une
liberté illimitée et ceux d'une liberté de la presse
régulée par une loi spéciale. A l'occasion de ce
débat sur la relativité ou non de la liberté de presse,
des tendances visant à soumettre le régime des délits de
presse au droit commun de la responsabilité civile, ont
été clairement affirmées2(*).
Ainsi, le combat des partisans de la liberté absolue de
la presse n'aura pas été totalement inutile. Ils ont obtenu des
satisfactions non négligeables comme par exemple l'effacement de toute
trace de délit d'opinion3(*).
En Belgique, la responsabilité pénale a,
à force de non efficacité, prouvé son inutilité.
Dès lors que pendant cinquante ans, aucun délit de presse n'a
été poursuivi, c'est un commencement de preuve que, dans la
société belge, il n'est pas réellement nécessaire
de poursuivre pénalement les délits de presse. Cette absence de
poursuite est motivée par la sauvegarde d'une valeur supérieure
à savoir la démocratie dont la presse est l'indispensable chien
de garde.
En Afrique par contre, la pénalisation des
délits de presse est quasi-présente dans les arsenaux juridiques
de beaucoup de pays, y compris la République démocratique du
Congo (RDC). Cette situation fait que beaucoup d'organisations de la
société civile se soient liguées en vue d'obtenir des
autorités politiques la suppression des peines de prison en faveur de
journalistes (ayant commis des infractions) dans l'exercice de leur fonction.
L'idée est de commuer ces peines de prison en peines d'amende. Au
Cameroun, par exemple, le Committee to protect journalists (CPJ) avait
écrit au président Paul Biya, en janvier 2009, l'exhortant
à dépénaliser les délits de presse. Selon le CPJ,
le Cameroun était le deuxième pays qui emprisonne le plus les
journalistes en Afrique pour des affaires de diffamation, alors que celles-ci
devraient être réglées au sein des juridictions civiles.
Au Togo, l'Assemblée nationale avait adopté, en
août 2004, à l'unanimité le projet de loi modifiant le code
de la presse et de la communication. Au terme de cette loi, de fortes amendes
sont envisagées contre ceux qui se seront rendus coupables de
diffamation, outrages et autres injures dans la presse.
Au Sénégal, le président Abdoulaye Wade,
qui promettait en mars 2009 la dépénalisation des délits
de presse, avait estimé que celle-ci allait rendre encore davantage
libre le journaliste pour son appréciation.
De tels plaidoyers en faveur de la
dépénalisation des délits de presse ont fusé et
continuent de fuser de partout en Afrique : Algérie, Tunisie,
Burkina-Faso, Bénin, Centrafrique, Mauritanie, Niger... du fait que la
Commission des droits de l'homme de l'Onu a toujours considéré
que les peines d'emprisonnement pour délits de presse tels que
diffamation ou imputations dommageables, offense ou outrages aux
autorités, faux bruits ou fausses nouvelles, constituent des mesures
d'intimidation à l'endroit des journalistes et visent plus à les
faire taire qu'à les corriger.
Tout récemment, l'Assemblée nationale tchadienne
a dépénalisé les délits de presse. Le texte
adopté par 82 voix contre 2, l'opposition s'étant abstenue,
supprime les peines d'emprisonnement pour les délits de presse
(diffamation et injures). Le délit d'offense au chef de l'État
figurant dans l'ancienne loi est aussi supprimé. Des peines
d'emprisonnement de 6 mois à un an, des amendes de 100 000 à 1
million de francs CFA (150 à 1 500 euros) ainsi que des suspensions de
parution de six mois, sont toutefois introduites dans la nouvelle loi pour les
délits comme l'incitation à la haine raciale ou ethnique ou
l'apologie de la violence.
Depuis 2003, la dépénalisation des délits
de presse est le combat acharné que mène Journaliste en danger en
RDC.
0.1. PROBLEMATIQUE
« La prison...dites-vous ?
Elle n'enferme pas que le journaliste... Elle enferme aussi l'information.
CHANGEONS ». Ce slogan est le mot
clé de la campagne pour la dépénalisation des
délits de presse en RDC menée par JED. Le lancement de cette
campagne a suscité des débats parfois passionnés. Le
problème soulevé par JED continue d'être sujet à
controverse entre partisans et adversaires de la suppression de l'arsenal
juridique congolais des peines d'emprisonnement des journalistes pour
délits de presse.
Certains partisans estiment qu'il est futile de maintenir des
législations si rétrogrades, qui tuent ou étouffent la
liberté et la vérité. La presse ne peut exercer
véritablement ses missions sociales tant qu'est suspendue
l'épée de Damoclès sur la tête de chaque
journaliste. Ainsi maintenir la législation liberticide actuelle
prêterait d'une part à l'arbitraire des juges soumis aux
injonctions permanentes des pouvoirs politiques et, d'autre part à une
autocensure excessive des journalistes, par crainte des sanctions et
représailles des forces politiques.
D'autres, par contre, se demandent comment peut-on contribuer
à l'instauration de la culture de la bonne gouvernance en RDC si toute
imputation des faits précis, même vrais, peut, à tout
moment, conduire le journaliste en prison pour « imputation
dommageable » ou « diffamation » ? A
l'état actuel de la législation congolaise, en effet, le juge
n'est pas lié à la véracité ou à la
fausseté des faits relatés, mais seul ne compte pour lui que
l'honneur et la considération de la personne qui se plaint. Pour les
tenants de cette thèse, la liberté d'informer doit primer sur la
défense de l'honneur des fonctionnaires. Ils proposent que la limitation
de la presse soit républicaine, c'est-à-dire conçue dans
le but de sauvegarder la démocratie, et non de protéger les
tenants du pouvoir. Et dans le contexte actuel d'évolution de la
société congolaise, une presse assumant le rôle de chien de
garde en vue de dénoncer les abus et déviations des
détenteurs du pouvoir est utile.
Quant aux adversaires de la démarche de JED, la
dépénalisation est une bonne fausse idée. Ils disent
« oui à la dépénalisation...mais pour quel type
de journalistes : des mercenaires ? Des loups affamés parmi
les journalistes ? Des parachutés dans le métier aux fins
d'échapper aux dures règles du chômage ? »
Ces partisans de la non dépénalisation
soutiennent que si les journalistes peuvent payer les amendes, ils se
donneraient le droit de diffamer, d'injurier. Et partant de cela, la peine
d'emprisonnement est la solution de dissuasion. La mentalité africaine
différente de l'occidentale est encline à craindre la peine
d'emprisonnement beaucoup plus que la peine pécuniaire. La privation de
la liberté frappe beaucoup plus l'imagination en Afrique que la simple
peine d'amende fut-elle porteuse d'importantes amputations dans son
patrimoine4(*).
Koovy Yete5(*) a abordé ce sujet de la
dépénalisation des délits de presse en 2005 sous l'angle
de la problématique au Bénin. Dans sa démarche, il analyse
les éléments de légitimité de cette
dépénalisation ainsi que la question de son efficacité
dans un régime de démocratie libérale au Bénin.
Il est vrai que la campagne de la dépénalisation
des délits de presse en RDC est une nouvelle notion née à
travers l'action de JED, remontant seulement de 2003. Raison, peut-être,
pour laquelle dans notre Alma mater aucun étudiant n'a encore
abordé ce sujet. Pour nous démarquer véritablement des
juristes qui aborderaient aussi ce sujet, notre recherche s'inscrit dans
l'approche sociologique du droit de l'information.
Considérée comme quatrième pouvoir, la
presse joue un rôle fondamental d'organe de surveillance des agissements
des représentants du pouvoir public et de leurs collaborateurs. Les
médias dans ce cadre agissent comme des acteurs isolés des
mouvements sociaux mais, deviennent aussi un contre-pouvoir terrifiant à
travers leur stratégie d'information et de dénonciation6(*). Dans ce rôle de
sauvegarde des principes et valeurs démocratiques, les médias
agissent également comme acteurs à part entière des
mouvements sociaux. Porte-flambeau des aspirations populaires, ils sont
également un espace de mise en scène de ces mouvements sociaux.
D'où, pour exercer pleinement ces rôles, les médias doivent
bénéficier de plus de garanties et de protection notamment la
soustraction de certains actes du journaliste du champ pénal comme les
peines privatives de liberté. Le fait que la législation
congolaise contienne dans les mécanismes d'information des obstacles de
nature à gêner ou à paralyser le jeu naturel de ces
mécanismes, s'impose alors, de plus en plus, une autre conception du
droit de l'information qui nécessite une étude.
Cette approche sociologique du droit de l'information peut
permettre d'approfondir la connaissance du phénomène information
en même temps que de fournir les éléments indispensables
pour améliorer sa condition. Donc, cette étude sociologique du
droit de l'information a pour but de replacer le droit dans la
réalité sociale et, par là même, de mieux
appréhender, à travers l'étude des normes,
éléments spécifiques du droit, cette réalité
sociale elle-même. Il est vrai que Fernand Terrou7(*) constate la lenteur avec
laquelle l'étude sociologique du droit de l'information réussit
à s'imposer du fait qu'elle a suscité jusqu'à
présent des travaux insuffisants et qu'elle se heurte encore souvent
à des préjugés et à la méfiance. Celle-ci,
selon toujours Fernand Terrou, est surtout dirigée contre le droit
lui-même, ou plus exactement contre cette conception
étriquée du droit qui l'identifie aux restrictions
apportées par les gouvernements à la liberté de
l'information.
Par cette étude, nous tendons à substituer
à la conception formelle et au statut négatif de la
liberté, un statut positif de nature à assurer, par un
aménagement juridique approprié des moyens, l'accès
à l'information et son développement et ainsi permettre ainsi de
passer du droit restrictif ou « sanctionnateur »
à un droit déterminateur ou créateur selon une
évolution inéluctable. Car le droit de l'information est
lié à la progression irréversible des techniques de
l'information et de ses fonctions sociales qui conduisent à un
élargissement du domaine et à une transformation des
caractères du droit de l'information.
Face ainsi à la délimitation du domaine du
pouvoir étatique et du pouvoir professionnel (journalistique) qui ne
peut se faire suivant une formule passe-partout, nous posons la question de
recherche suivante : comment l'ONG Journaliste en danger (JED)
envisage-t-elle la dépénalisation des délits de presse en
République Démocratique du Congo ?
0.2. HYPOTHESE
Nous formulons l'hypothèse selon laquelle, dans la
démarche de JED, la souplesse sollicitée du législateur
à travers la dépénalisation des délits de presse
est une option qui nécessite un certain nombre de garanties. En effet,
si la suppression des peines de prison au profit des journalistes est
concevable dans un régime démocratique, sa mise en oeuvre
requiert assurément des préalables.
0.3. CHOIX ET INTERET DU SUJET
La liberté de la presse est toujours un dilemme entre
ceux qui sont appelés à exercer le métier de journaliste
et ceux qui doivent la garantir. Dans notre étude entamée au
premier cycle en cette matière, nous avions traité de la
problématique sur la défense et la promotion de la liberté
de la presse en RDC, en analysant l'action de JED8(*). Chez les journalistes comme
chez les détenteurs des pouvoirs publics, nous avions
décelé et démontré les actes contrariant avec cette
liberté de la presse, et par conséquent, entravant son
effectivité.
La campagne de dépénalisation des délits
de presse initiée par JED étant toujours dans sa logique de
défense de la liberté de la presse, le présent travail
s'avère être la continuité de celui que nous avions
présenté au premier cycle dans ce sens que la revendication de
cette ONG de défense des droits des journalistes, se fait toujours dans
ce même univers où les accusations sont réciproques ;
c'est-à-dire, les détenteurs des pouvoirs publics accusant les
journalistes de mercenaires dans la presse et ces derniers traitant les
détenteurs des pouvoirs publics de prédateurs de la
liberté de la presse.
0.4. METHODOLOGIE
Dans cette recherche, nous nous servons de la méthode
interprétative selon l'herméneutique de Paul Ricoeur.
L'herméneutique tire son origine du grec
hermeneuein qui se traduit par expliquer. Chez les théologiens,
elle est une science de la critique et de l'interprétation des textes
bibliques. Les philosophes la définissent comme une théorie de
l'interprétation des signes comme éléments symboliques
d'une culture9(*). Et Paul
Ricoeur10(*) qui ne
s'éloigne pas du tout des théologiens la définit tout
simplement comme une science, une technique d'interprétation des textes.
C'est une recherche du sens, de la signification et de la portée des
textes. En d'autres termes, c'est un effort par un cercle fermé
(observation/analyse/interprétation). L'enjeu est donc ici le processus
concret par lequel la configuration textuelle sert de médiateur entre la
préfiguration du champ pratique et sa refiguration grâce à
la réception de l'oeuvre.
Nous devons en fait retenir que l'herméneutique postule
certains principes, à savoir :
· le sens de la réalité sociale est
caché ;
· les faits sociaux sont le fait de l'interrelation entre
les membres d'une structure ;
· la paradoxalité des faits sociaux
évoluent par le fait de contradiction.
Donc, il sera question de part cette méthode de
ressortir des faits significatifs et explicatifs susceptibles de fournir des
preuves et servir d'arguments par rapport à nos
préoccupations.
Etant donné qu'il s'agit de la recherche du sens du
principe de dépénalisation pour son application en RDC, nous
avons recouru à l'approche constructiviste. Celle-ci stipule que le sens
n'est pas un donné, le sens est une émergence par rapport au
contexte. C'est dans cette optique que Roland Barthes11(*) souligne que le sens d'un
texte n'est pas un axiome, il n'est pas donné mais se construit selon le
locuteur. Comme pour dire que le texte est absolument pluriel et son sens
s'étend à l'infini.
JED comme les pouvoirs publics, interprètent tous les
textes juridiques existants dans le domaine des médias dans une sorte
d'hypertextualité. Ce constructivisme sous l'angle des sciences de
l'information et de la communication certifie l'évidence que le fait
humain s'apparente au fait social des sociologues. En tant que tel, le fait
humain est l'élément d'une chaîne de faits sociaux
concomitants, en relation de causalité extérieurs et
imposés à l'individu selon Durkheim (holisme). Ainsi, la
compréhension d'un fait social n'est que le résultat d'une
reconstruction de sens par l'acteur. En tant que fait communicationnel, le
phénomène construit nous fait passer du champ sociologique au
champ des sciences de l'information et de la communication. Si le
phénomène construit caractérise alors la communication de
l'acteur social avec une machine et le message qui les lie, il sied de postuler
qu'il communique aussi avec tout environnement ayant une signification à
son égard.
Eu égard à notre étude qui se penche sur
une campagne de dépénalisation des délits de presse en
RDC, nous pouvons souligner le fait qu'à travers cette campagne, les
animateurs de JED conjuguent leurs efforts par rapport au sens qu'ils accordent
à leurs actions, tout en tenant compte des normes et principes qui
régissent le monde médiatique.
05. DELIMITATION DU SUJET
Cette présente étude couvre la période de
décembre 2003 à juin 2010 ; laquelle correspond à la
campagne et à l'après-campagne, caractérisée par
les différents lobbyings menés par JED en vue de l'obtention de
la dépénalisation des délits de presse. Dans l'espace, ce
travail circonscrit les actions de JED à travers la RDC.
06. DIVISION DU TRAVAIL
Outre l'introduction et la conclusion, notre travail comporte
quatre chapitres. Le premier est consacré au cadre conceptuel où
il est question de définir les concepts clés de notre sujet. Le
deuxième détermine le cadre juridique de la presse en RDC. Le
troisième présente l'ONG Journaliste en Danger dont l'action fait
l'objet de ce travail. Enfin, le quatrième chapitre analyse la
démarche, l'enjeu et le défi de cette
dépénalisation des délits de presse en RDC initiée
par JED.
CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE
Il s'agit dans ce chapitre d'abord de définir les
concepts clés de notre travail, à savoir :
dépénalisation, délit de presse, et ensuite
présenter notre cadre de référence : le droit de
l'information.
SECTION I : DEFINITION DES CONCEPTS
I.1. Dépénalisation
La dépénalisation, telle que définie par
Guillien R. et Vincent J., est l'opération qui consiste à enlever
à un fait son caractère d'infraction pénale12(*).
Dans le même ordre d'idée, Pradel13(*) ajoute qu'il s'agit de toute
forme de désescalade à l'intérieur du système
pénal. Par là, il sous-entend que dans un même
système pénal ; on procède à l'assouplissement
de la gravité d'une infraction en la faisant passer d'une échelle
supérieure à une échelle inférieure. En d'autres
termes, l'infraction ne disparaît pas ; mais est simplement punie
moins sévèrement.
L'enlèvement de ce caractère pénal peut
être total ou partiel. C'est ce qui fait que Shefani, Levasseur et Bouloc
considèrent la dépénalisation comme l'abstention de
poursuite ou l'application des peines symboliques14(*). Il y a donc
dépénalisation, estime Ghislain Mabanga, lorsque le
législateur correctionnalise les crimes et contraventionnalise les
délits ; c'est-à-dire que les crimes deviennent des
délits, des contraventions15(*).
Dans le cadre de la campagne menée par Journaliste en
Danger, la tendance est de considérer la dépénalisation
comme la suppression de l'application de la peine de prison à l'endroit
des journalistes, auteurs des infractions commises par voie de presse. Il ne
s'agit pas du tout de supprimer un fait infractionnel mais plutôt
d'assouplir sa peine ; en d'autres termes commuer les peines de prison en
des peines d'amende.
Ainsi dans le système juridique congolais, note
Ghislain Mabanga16(*), on
parlera de la dépénalisation lorsque, pour une infraction
déterminée, le législateur remplace, par exemple, la peine
de mort par une peine privative de liberté, la servitude pénale
à perpétuité (prison à vie) par une servitude
pénale à temps (emprisonnement de 20 ans maximum) ou une peine
privative de liberté par une peine pécuniaire (amende).
Se voulant beaucoup plus précis, Merle et Vitu
soutiennent que « la dépénalisation entraîne
la sortie d'un fait reprouvé hors du champ pénal traditionnel
sans exclure toutefois l'idée de sanction : le fait cesse
d'être infractionnel, mais il reste sanctionné administrativement
ou autrement. Il y a donc désescalade dans la répression, la
justice pénale étant dessaisie au profit d'une instance non
pénale17(*) ».
I.2. Délit de presse
Le mot délit vient du latin delictum
qui signifie faute ou péché. Lorsqu'on prend
le préfixe de et on l'associe au participe passé de
linquere qui signifie laisser, délaisser ou renoncer, on a le
verbe delinquere qui veut dire « manquer à son
devoir, pécher ou fauter ». C'est de ce mot latin
delinquere qu'est issu le mot délinquance ou
délinquant.
Le délit peut être civil (tout fait illicite et
dommageable commis envers autrui avec intention de nuire et qui entraîne
une obligation de réparation) ; politique (celui qui porte atteinte
à l'organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics) ; de
presse (infraction commise par voie de presse) ; de chasse, etc.
Dans le langage courant, le mot
« délit » est souvent synonyme
d'infraction. En droit français, par exemple, est
considéré comme délit « toute infraction que les
lois punissent de peines correctionnelles ». Mais en droit congolais,
les juristes révèlent que le concept
« délit » ne relève qu'en
matière civile. Ils renvoient à l'article 258 du Code civil,
livre III portant sur les contrats ou les obligations conventionnelles qui
définit le délit comme « tout fait quelconque de
l'homme qui cause un dommage à autrui ». Un délit
étant donc un fait quelconque, la loi congolaise n'en prévoit ni
une liste ni un contenu précis. Il est tel du seul moment qu'il cause
préjudice à autrui.
Pour certains juristes congolais, un délit n'est pas
à confondre avec une infraction en droit pénal congolais. Ils
qualifient de confusion entretenue par le législateur lorsque ce dernier
utilise l'expression « délit » en droit
pénal. Non sans raison, ils argumentent que les infractions sont
prévues d'avance par le législateur du point de vue de leur
nombre, de leur contenu et de leurs éléments constitutifs. Ce qui
n'est le cas pour les délits qui relèvent du droit civil. Ces
juristes estiment tout simplement que cette expression participe d'un
mimétisme légistique et d'un copier-coller sur le modèle
des textes occidentaux. En effet, contrairement à la législation
congolaise, le délit est du domaine pénal en France comme en
Belgique.
En RDC, lorsqu'on parle de « délit de
presse », on doit vite recourir à l'article 74 de la loi
n° 96-002 du 22 juin 1996 fixant les modalités de l'exercice de la
liberté de la presse, pour en tirer la définition. L'article
cité de cette loi définit le délit de presse comme
« toute infraction commise par voie de presse écrite ou
audiovisuelle ».
Par cette définition, Pierre Akele18(*) décèle dans le
chef du législateur congolais une vision très large du
délit de presse du fait que celui-ci incrimine en quelque sorte
« l'abus de la liberté de la presse, c'est-à-dire
l'usage des médias à des fins de commettre quelque infraction que
ce soit.
Par contre, cette définition prévue dans
l'article 74 de la loi du 22 juin 1996 est jugée vague à souhait
par Léopold Mbuyi19(*), au point qu'on doive considérer le
délit de presse plus comme un mode particulier de commission d'une
infraction que comme une infraction propre. Les délits de presse dans
cette loi, fait-il savoir, tiennent plus des circonstances aggravantes et des
modes de participation criminelle que des infractions autonomes. Léopold
Mbuyi fait savoir que l'organisation de la responsabilité civile, la
prescription et surtout la compétence y sont lacunaires. Cet oubli du
législateur de l'époque n'était pas un hasard.
De cette définition du délit de presse
donnée à l'article 74 de la loi du 22 juin 1996 sur la presse,
Ghislain Mabanga20(*)
dégage une observation : il y a délit de presse chaque fois
qu'une infraction aura été commise par voie de presse,
c'est-à-dire par l'entremise d'un support médiatique
écrit, électronique ou audiovisuel. Selon lui, il est clair que
sont passibles des peines prévues par la loi du chef des délits
de presse, non seulement les professionnels de la presse, mais aussi toute
personne généralement quelconque qui userait de l'outil
médiatique pour enfreindre la loi.
Il faut noter que la notion de délit de presse n'est
pas l'apanage du seul droit congolais. Jean-Marie Charon et Claude
Furet21(*)
considèrent le délit de presse comme un délit d'opinion
par le moyen de la presse. Pour eux, chaque fois que la presse sert de moyen
d'expression à une infraction, cette infraction devient un délit
de presse pour autant que la matière porte sur le délit
d'opinion.
Pour sa part, Fernand Terrou22(*) note que la définition des délits de
presse est inévitablement formulée en termes très
généraux qui peuvent prêter à des
interprétations, à des applications diverses et mouvantes. Dans
le domaine de l'information, remarque-t-il, c'est du libéralisme du juge
que dépend pour une large part le libéralisme du
régime.
En définitive, tout fait, comme le font savoir Charles
Mugagga Mushizi et Donat M'baya Tshimanga23(*) dès lors qu'il peut être
interprété comme enfreignant une des dispositions pénales
en vigueur en RDC ou dans l'ordre judiciaire international, constitue un
délit de presse pour autant qu'il soit perpétré par voie
de presse. Il engendre ainsi, automatiquement, une responsabilité
pénale dans le chef de son auteur, même si les poursuites ne s'en
suivent pas automatiquement ni immédiatement. On pourrait donc
déduire que chaque fois que la presse sert de moyen d'expression
à une infraction, cette infraction devient un délit de presse. Le
délit de presse peut donc être le fait d'un professionnel des
médias ou de n'importe quel individu qui se servirait d'un support
écrit ou audiovisuel propre aux médias pour commettre une
infraction.
SECTION II : LE DROIT DE L'INFORMATION
Si le journalisme est une activité professionnelle dont
on doit examiner les conditions d'exercice, c'est aussi une forme
d'écriture sociale qui se distingue des autres par des
caractéristiques formelles spécifiques dont on devrait pouvoir
identifier les principes fondateurs et les effets sociaux.
Du fait que la réalité sociale, et donc
l'information, sont conçues comme étant inévitablement le
résultat des « constructions » et non comme des
simples données de l'observation, comme note Bernard Delforce24(*), la responsabilité
sociale du journaliste consiste à donner du sens. Donner du sens,
poursuit-il, n'est pas une option laissée au libre choix du journaliste
qui pourrait ou pas l'adopter. C'est le résultat incontournable de
l'activité d'information. Ainsi, l'article journalistique est
inévitablement le résultat d'une construction : il est
à la fois le produit d'un regard porté sur la
réalité et d'une mise en forme discursive particulière.
Mais pour être reconnu comme une information journalistique, l'article
doit cependant être reçu comme étant l'équivalent
exact de la réalité : il doit sembler seulement la restituer
et non la produire. C'est cette nature, double a priori contradictoire, qu'il
faut pouvoir expliciter parce qu'elle semble constitutive de la presse et
qu'elle est l'un des éléments de son opérativité
sociale.
Informer peut relever d'une déontologie professionnelle
qui met principalement l'accent sur les modalités de recherche et de
restitution de l'information ; donner du sens implique plutôt une
responsabilité sociale dans la mesure où cela impose de prendre
en compte les effets sociaux de l'acte. C'est ce qui fait du journaliste un
acteur social à part entière, et non un simple
témoin-médiateur hors du jeu social. Remplir pleinement ce
rôle social, c'est, adopter une posture citoyenne qui impose des
façons spécifiques de regarder les choses, de les penser et d'en
parler. Donc, ce n'est pas comme « individu » que le
journaliste s'exprime dans le journal mais au titre d'un rôle social et
professionnel spécifique.
Il est vrai que l'activité journalistique se
prête bien à la mise en oeuvre d'une déontologie
professionnelle. Celle-ci permet de traiter les manquements individuels
à des règles simples et communément admises. Cependant, la
déontologie n'est pas adaptée pour traiter ce qu'on appelle les
« dérives ». La nécessité de
lutter contre les abus auxquels peut conduire l'information a donné lieu
au droit de l'information. Celui-ci ne se limite plus aux
réglementations et procédés par lesquels le pouvoir
s'efforce de réduire sinon de supprimer la liberté d'information.
Sans doute la réglementation spéciale de la liberté
d'expression a eu, originairement, et, dans certains régimes, toujours
pour but ou pour effet de limiter sinon d'étouffer cette liberté
dans l'intérêt exclusif du pouvoir politique, de ceux qui
l'incarnent ou se l'approprient.
Il importe d'insister que le droit de l'information ne
comporte pas seulement les règles établies par la puissance
publique, qu'elles soient d'origine législative, gouvernementale ou
judiciaire. Il englobe toutes les règles professionnelles, qu'elles
soient strictement d'ordre conventionnel ou qu'elles soient
décidées et sanctionnées conformément à la
loi par des institutions librement établies par la profession, ou avec
son concours.
Dans certains régimes, les règles, institutions
et procédures, tendent, de façons différentes, en fonction
des particularités de chaque système politique, économique
et social, à assurer le contrôle préalable ou la direction
de l'information par le pouvoir, les initiatives privées ne pouvant
jouer que conformément aux consignes qui émanent du pouvoir.
Dans d'autres régimes, elles ont pour objet, tout en
laissant jouer le plus largement possible les initiatives privées,
d'assurer les responsabilités sociales inhérentes aux
activités d'information mais aussi en de nombreux cas de suppléer
aux insuffisances et aux défaillances de ces initiatives privées.
Mais dans les pays du tiers-monde, elles tendent, par-là les
idéologies apparemment dominantes, à faire servir l'information
à la consolidation politique et à la construction
économique et sociale.
CHAPITRE II : CADRE JURIDIQUE DE LA PRESSE EN
REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
Il s'agit dans ce chapitre de présenter des textes
à partir desquels la presse en RDC trouve son fondement et d'analyser
leur impact. Quelle que soit leur école philosophique, tous les
théoriciens de l'information, admettent au moins que la liberté
de la presse a deux principales limites. Primo : celle que les
journalistes eux-mêmes s'imposent au travers de leurs codes
d'éthique et de déontologie et secundo, celle qui vient des lois
qui régissent les différentes sociétés dans
lesquelles évoluent les médias.
Dans l'exercice de leur profession, les journalistes congolais
sont régis par des textes internationaux et nationaux.
SECTION I : LES TEXTES JURIDIQUES
INTERNATIONAUX
Trois instruments juridiques internationaux, ratifiés
par la majorité des Etats du monde dont la RDC, reconnaissent d'une part
le droit du journaliste de rechercher, traiter et diffuser, sans être
inquiété, l'information ; et d'autre part, le droit du
public de recevoir des informations émanant de plusieurs sources. Ces
instruments sont la Déclaration universelle des Droits de l'homme, le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples.
I.1. La Déclaration universelle des droits de
l'homme
Adoptée par l'Assemblée générale
des Nations unies dans sa résolution 217 du 10 décembre 1948,
cette déclaration stipule en son article 19 que « tout
individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui
implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions
et celui de chercher, de recevoir et de rependre, sans considération de
frontières, les informations et les idées par quelque moyen
d'expression que ce soit ».
Cet article garantit clairement et de manière quasi
absolue le droit pour toute personne d'avoir un point de vue sur tous les
sujets sans exception et de pouvoir exprimer ce point de vue sans limitation de
frontières et de moyens. Ce support peut être une conversation
interpersonnelle, une réunion ou un meeting, un média (journal
imprimé ou électronique, radio ou télévision,
Internet, affichage, etc.).
Le même article garantit aussi la collecte et la
diffusion des informations, ainsi que le droit pour d'autres le public en
l'occurrence de recevoir ces informations en toute liberté. Bien que
cette Déclaration garantisse le droit d'informer et d'être
informé, il est erroné de croire ou de prétendre qu'elle
reconnaît une liberté d'expression et d'opinion absolue. Pour
preuve, à son article 30, elle prévient
qu' « aucune disposition de la présente
Déclaration ne peut être interprétée comme
impliquant pour un Etat, un gouvernement ou un individu un droit quelconque de
se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à
la destruction des droits et libertés qui y sont
énoncés ».
I.2. Le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques
Adopté par la résolution n° 2200 de
l'Assemblée générale des Nations unies en sa session du 16
décembre 1966, le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques (PIDCP) est entré en vigueur le 23 mars 1976. Dans son
article 19, on peut lire : « Nul ne peut être
inquiété pour ses opinions. Toute personne a droit à la
liberté d'expression ; ce droit comprend la liberté de
rechercher, de recevoir et de rependre des informations et des idées de
toute espèce, sans considération de frontières, sous une
forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre
moyen de son choix ».
Le PIDCP réaffirme ce que dit l'article 19 de la
Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) en y ajoutant deux
limitations majeures : « la liberté de rechercher, de
recevoir et de rependre des informations et des idées de toute
espèce, doit comporter des devoirs spéciaux et des
responsabilités spéciales. Elle peut en conséquence
être soumise à certaines restrictions qui doivent toutefois
être expressément fixées par la loi et sont
nécessaires primo, au respect des droits ou de la réputation
d'autrui, secundo, à la sauvegarde de la sécurité
nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité
publique ».
Le monde ayant connu plusieurs révolutions entre 1948
et 1966, années de créations respectives de la DUDH et du
PIDCP ; ces révolutions ont fait qu'on aboutisse à la
conclusion selon laquelle la liberté d'expression et d'opinion, si elle
doit être totale, elle ne peut pas être absolue car elle cohabite
avec d'autres libertés dont elle ne peut se passer sans se nier.
Pendant que les législateurs du PIDCP précisent
le champ des restrictions ainsi que le fait que celles-ci doivent être
expressément fixées par la loi et non relever des humeurs et
caprices des gouvernants, les théoriciens de l'information recommandent
que cette loi doit être accessible, sans ambiguïté,
écrite de manière précise et étroite de
façon à permettre aux individus de savoir si une action
précise est illégale25(*).
En d'autres termes, la protection des intérêts
personnels ; notamment la conquête ou la conservation du pouvoir, ne
peut en aucun cas servir de prétexte à une limitation de la
liberté d'expression, même si la loi nationale le prévoit
en violation des instruments juridiques internationaux précités
et de la loi fondamentale.
I.3. La Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples
C'est le 27 juin 1981 que les chefs d'Etats africains
réunis au sein de l'Organisation de l'unité africaine (OUA),
devenue Union africaine (UA), invoquant les particularismes culturels de
l'Afrique, adoptent la Charte africaine des Droits de l'homme et des peuples
(CADHP). Mais son entrée en vigueur s'effectuera le 21 octobre 1986.
Le CADHP tout en se référant à la DUDH et
au PIDCP, n'énonce pas explicitement le droit pour tous d'avoir des
opinions et de ne pas être inquiété pour cela. Par contre,
la diffusion desdites opinions est limitée dans le cadre des lois et
règlements dont la nature n'est nullement spécifiée. Se
réfugiant derrière les particularismes culturels de l'Afrique, le
CADHP, déjà dans son préambule, invoque des vertus de
leurs traditions historiques et des valeurs des civilisations africaines qui
doivent inspirer et caractériser les réflexions des pays
africains sur la conception des droits de l'homme et des peuples.
Cette revendication « culturelle et
historique » a vidé l'article sur la liberté
d'expression de son sens original au point d'être carrément
laconique. Non sans raison, l'article 9 de cette charte stipule que
« toute personne a droit à l'information. Toute personne a
droit d'exprimer et de diffuser ses opinions dans le cadre des lois et
règlements ».
Cette simplification volontaire de la liberté d'opinion
et d'expression, notent Charles Muggaga et Donat M'Baya26(*), a fait justement le lit des
tyrans pour brimer la liberté d'opinion et d'expression au nom du
respect de l'ordre public. L'histoire des dictatures qui ont eu des beaux jours
en Afrique en est une véritable démonstration.
I.4. D'autres textes internationaux conventionnels
Outre les trois instruments juridiques internationaux
cités ci-haut, il y en a d'autres utilisés par les journalistes
tels que la Charte de Munich, la Déclaration de l'Unesco sur les
médias, la Déclaration de principes de la
Fédération Internationale des Journalistes (FIJ) sur la conduite
des journalistes et la Déclaration des principes sur la liberté
d'expression en Afrique.
a) La Charte de Munich
En 1971, des journalistes originaires de six pays d'Europe de
l'Ouest, réunis dans la ville de Munich en Allemagne, ont
rédigé une déclaration communément appelée
La Charte de Munich. Cette charte qui comporte des devoirs et des droits des
journalistes, a, depuis, été adoptée par la
Fédération Internationale des Journalistes (FIJ). Ce document
constitue la matrice de la plupart des codes d'éthique et de
déontologie des journalistes à travers le monde.
b) La déclaration de l'Unesco sur les
medias
Elle est le texte déontologique le plus ambitieux
puisqu'il est le seul qui ait une portée véritablement
internationale. Toutefois, elle n'est pas conçue en vue d'une
application directe. Elle est destinée plutôt à orienter
les formulations déontologiques des communautés professionnelles.
Elle date de 1983.
c) La déclaration de principes de la FIJ sur la
conduite des journalistes
Avec neufs points essentiels, cette déclaration
précise les règles de conduite des journalistes dans la
recherche, la transition, la diffusion et le commentaire des nouvelles et de
l'information et dans la prescription des événements. Elle a
été adoptée au Congrès mondial de la FIJ en 1954 et
amendée au Congrès mondial de 1986.
d) La déclaration des principes sur la
liberté d'expression en Afrique
Suite aux lacunes de la CADHP, la Commission africaine des
Droits de l'homme en partenariat avec des organisations de défense de la
liberté d'expression telles que Article 19 avaient, en 2000,
entamé une réflexion sur la liberté d'expression en
Afrique ayant abouti à l'élaboration et à l'adoption de
cette déclaration.
Rédigée en 15 points, elle s'avère une
avancée considérable dans la normalisation de la liberté
d'expression sur le continent africain. Elle aborde aussi bien les questions de
la presse écrite que celles de l'audiovisuel. Les radios associatives et
communautaires y trouvent une place de choix de même que les questions
relatives aux instances de régulation, aux attaques contre les
journalistes, à la protection de la réputation d'autrui et
à la protection des sources d'information.
SECTION II : LES TEXTES JURIDIQUES
NATIONAUX
Le cadre juridique dans lequel évoluent les
médias en RDC est essentiellement circonscrit par deux lois. La
première porte statut des journalistes et la deuxième fixe les
modalités de l'exercice de la liberté de la presse. A ces deux
lois, on ajoute le code de déontologie et d'étique.
II.1. L'ordonnance-loi n° 81/012 du 02 avril 1981
portant statut des journalistes oeuvrant en RDC
Contenant 54 articles, cette ordonnance-loi a modifié
celle n° 70/057 du 28 octobre 1970 en se fondant sur l'article 45 de
l'ancienne Constitution et sur la loi n° 78-002 du 06 janvier 1978 portant
dispositions générales applicables aux entreprises publiques.
Elle souligne les véritables droits et obligations du journaliste dans
son statut d'employé d'une entreprise de presse.
Les droits auxquels peut prétendre légalement un
journaliste dans l'exercice de son métier se retrouvent dans les
articles 29, 30, 32 et 35. Par ailleurs, on ne peut pas manquer de relever dans
cette loi d'autres prescrits qui préservent l'intégrité
physique du journaliste et régissent la durée du temps de son
travail. C'est notamment les articles 8 et 16.
En dehors des dispositions relatives aux droits ou avantages
pécuniaires, sociaux ou autres qu'elle renferme, l'intérêt
de l'ordonnance-loi 81-012 du 02 avril 1981 réside dans d'autres
prescrits propres à assurer la protection de la profession
journalistique et du journaliste (articles 4 et 6). Quant aux devoirs, on les
retrouve dans cette loi aux articles 40 et 41.
II.2. loi n°96/002 du 22 juin 1996 fixant les
modalités de l'exercice de la liberté de la presse en RDC
Elle émane d'une volonté de la Conférence
nationale souveraine tenue en 1992. Se référant à la
Déclaration universelle des droits de l'homme, au Pacte international
sur les droits civils et politiques et à la Charte africaine des droits
de l'homme et des peuples, cette loi détermine dans le domaine de la
presse, l'exercice des libertés. Ces libertés sont reconnues par
la Constitution du 18 février 2006 en ses articles 23 et 2427(*) .
La grande particularité de cette loi, ce qu'elle met
fin au monopole d'exploitation détenu jusque là par l'Etat qui
accepte de le partager avec des tiers. Contrairement à l'ordonnance-loi
n° 81/011 qui ne concerne que la presse écrite, elle embrasse
l'ensemble de la presse, écrite et audiovisuelle, aussi bien du secteur
public que du secteur privé. Aussi, prend-elle, contrairement à
l'ordonnance-loi n° 81/011, compte l'ensemble des métiers des
entreprises de l'audiovisuel, notamment, les producteurs, les
réalisateurs, les animateurs, les monteurs et autres catégories
professionnelles dans la carrière est régie par des conventions
collectives sectorielles.
Cependant cette loi bien qu'innovante, est objet de beaucoup
de critiques. Elle comporte un régime répressif impressionnant.
Son titre 4 est entièrement consacré aux délits de presse
et aux pénalités avec 16 articles sur un ensemble de 92 qu'elle
compte.
CHAPITRE III : PRESENTATION DE JOURNALISTE EN
DANGER (JED)
Dans ce chapitre nous allons présenter l'ONG
Journaliste en danger, c'est-à-dire son historique, sa localisation et
son champ d'action, ses moyens d'action, son organisation structurelle et ses
ressources financières.
SECTION I : HISTORIQUE
Journaliste en Danger (JED) est une organisation non
gouvernementale et apolitique, créée sous l'initiative d'un
groupe de journalistes congolais (RDC). Elle a vu jour officiellement le 20
novembre 1999 à Kinshasa. La direction des Cultes et associations du
Ministère de la Justice l'a enregistrée sous le numéro F.
92/5337 (lettre n° JUST.G.S.20/052/99) et son dossier pour l'obtention de
la personnalité civile a été soumis à la signature
du chef de l'Etat.
JED n'est pas à proprement parler une association de
journalistes ; c'est plutôt une structure de défense et de
promotion de la liberté de la presse. Ses fondateurs sont partis d'un
certain nombre de constats pour se décider de sa création.
Le premier constat est qu'il ne se passait plus aucun jour
sans que, quelque part dans la société congolaise, la
liberté de la presse ne soit impunément violée, sans
qu'une plume ne soit brisée.
Le deuxième constat est que les journalistes et autres
agents de la communication étaient, souvent, des victimes d'une justice
sommaire ; les détenteurs du pouvoir politique, économique,
social ou culturel se faisant de plus en plus justice chaque fois que le
discours de la presse ne les agrée pas.
Le troisième constat est que les droits civils et
politiques des professionnels de médias, étaient autant
violés que leurs droits économiques et sociaux. La plus grande
illustration étant que moins de 20% de journalistes oeuvrant en RDC on
signé un contrat de travail en bonne et due forme. Les journalistes et
autres agents de la communication prestent pour des maisons à gestion
personnelle ou familiale au sein desquelles les propriétaires fixent
unilatéralement des salaires s'ils sont prévus ! et ne
garantissent rien en ce qui concerne la sécurité sociale. Les
journalistes ainsi traités sont à la merci des puissances
d'idéologie et d'argent. Ils sont en danger et ils constituent un danger
pour la collectivité. Voilà ce qui a motivé ce groupe de
journalistes congolais à mettre sur pied une structure devant s'investir
à travailler, au quotidien, pour le développement des
médias.
A sa création, JED était dirigée par un
comité directeur de cinq membres, tous bénévoles. Il
s'agit de Donat M'baya Tshimanga (président, journaliste, ancien du
journal Le Soft) ; Tshivis Tshivuadi (vice-président,
journaliste, ancien rédacteur en chef adjoint du quotidien Le
Phare) ; Mauro Mwamba wa ba Mulamba (secrétaire
général, journaliste, ancien chargé de la communication de
la Ligue zaïroise des droits de l'homme, ancien directeur de la
rédaction au quotidien Le Potentiel, directeur de
l'hebdomadaire Bloc-Notes) ; de Mlle Rose Masala Ndarabu
(secrétaire générale adjointe, journaliste à la
chaîne privée Télé Kin Malebo) et Mme
Francine Mokoko (conseillère, journaliste, correspondante de la station
panafricaine Africa n° 1).
Depuis la mort du secrétaire général,
Mauro Mwamba, survenue le 02 décembre 2001, JED est actuellement
chapeautée par un duo : Donat M'baya (président) et Tshivis
Tshivuadi (secrétaire général). C'est à eux deux
seulement que revient la responsabilité d'engager l'association et de
décider.
Actuellement, JED est devenue une association mondialement
reconnue dans la défense et la promotion de la liberté de la
presse en RDC. Elle est membre de International Freedom of Expression Exchange
(IFEX, Toronto), membre affilié du Réseau international de
Reporters sans frontières (RSF, Network, Paris) et partenaire du
Committee to protect journalists (CPJ, New-York), de Human Rights Watch (HRW,
New-York), d'Amnesty International (Londres), de Media Institute for Southern
Africa (MISA, Windhoek), d'Article 19 (Londres), de la Fédération
Internationale des Journalistes (FIJ, Bruxelles) ainsi que des agences
spécialisées dans les droits de l'homme du système des
Nations unies.
JED a comme devise « Une plume brisée
est un coup contre la démocratie ». Il est très souvent
représenté par les symboles suivants :
La flèche rouge brisée sur le mot JED symbolise
un stylo brisé, tandis que l'autre croquis représente un carnet
de notes ou un journal.
SECTION II : LOCALISATION ET CHAMP D'ACTION
JED a ses bureaux au numéro 374 de l'avenue Colonel
Mondjiba, à la Galerie Saint Pierre, dans le Complexe Utexafrica, dans
la commune de Ngaliema, à Kinshasa. Avant, l'association logeait dans
l'immeuble ATC, au croisement des avenues Tombalbaye et Equateur dans la
commune de la Gombe. Mais bien avant encore, à sa création donc,
JED avait ses bureaux au n° 73 de l'avenue Maringa, dans la commune de
Kasa-Vubu.
JED a un site Internet :
www.jed-afrique.org Sa boite
postale est 633 Kinshasa I et ses numéros de téléphone
sont : + 243999929323, +243999996353.
JED exerce son activité sur toute l'étendue de
la République Démocratique du Congo. Depuis mai 2003, elle a
élargi son champ d'action dans huit autres pays de l'Afrique centrale
couverts par l'Organisation des Médias d'Afrique Centrale (OMAC) dont le
siège est à Bujumbura (Burundi). Ces huit autres pays sur
lesquels s'étend le mandat de JED sont : Burundi, Cameroun, Congo,
Gabon, Guinée Equatoriale, République centrafricaine, Rwanda et
Tchad.
SECTION III : MOYENS D'ACTION
Le principal moyen d'action de JED est la sensibilisation et
la conscientisation de l'opinion publique pour qu'elle fasse pression sur les
auteurs des violations de la liberté de la presse. Il le fait
généralement à travers les communiqués de presse et
les alertes sur Internet.
JED suscite aussi une concertation avec les autorités
publiques pour que cessent les abus contre les médias. L'association
fait comprendre à la collectivité qu'elle a le devoir de
contribuer, à son propre profit, à l'émergence d'une
presse libre et prospère.
Pour mieux agir en ce sens, JED s'est impliqué dans le
réseau mondial des organisations de défense et de promotion de la
liberté de la presse, de la démocratie et du développement
notamment RSF, IFEX, Article 19 et CPJ. Très souvent, avec le concours
de ses partenaires à travers le monde, JED parvient à faire
éviter le pire aux chevaliers de la plume. D'une part, il plaide et
obtient justice pour les médias et les journalistes victimes de la
répression ou d'actes de méchanceté. D'autre part, il
ramène au bon sens les journalistes en déphasage avec la
déontologie et l'éthique à travers des séminaires
et conférences.
Le 10 décembre de chaque année, date
commémorative de la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme, JED publie un rapport annuel sur « l'état de la
liberté de la presse en Afrique centrale ». Dans ce
rapport, cette ONG reprend tous les cas de violation de la liberté de la
presse commis pendant l'année en RDC et dans huit pays autres pays
couverts par l'OMAC.
En marge de la journée internationale de la
liberté de la presse, le 3 mai, JED a souvent considéré
cette journée comme celle de solidarité avec les journalistes
arrêtés ; aussi marque-t-elle cette journée par des
témoignages de journalistes victimes des tortures et autres actes
inhumains commis contre eux.
Par ailleurs, JED apporte directement ou indirectement une
petite bourse d'assistance aux familles des journalistes tués ou
emprisonnés en raison de l'exercice de leur profession. Il effectue des
visites régulières sur les lieux de détention ou
d'emprisonnement des journalistes ; apporte une assistance judiciaire aux
journalistes ou médias poursuivis devant cours et tribunaux pour leur
travail, par la mise à leur disposition des avocats ; observe les
procès intentés contre les médias ou les journalistes.
Autant JED fait de la dépénalisation des
délits de presse son cheval de bataille, autant il se
démène pour la mise en place, par la profession elle-même
d'une vraie structure d'autorégulation pour veiller au respect par les
journalistes de leur code d'éthique et de déontologie.
SECTION IV : RESSOURCES FINANCIERES
Sur le plan financier, JED est soutenu par
ses partenaires étrangers qui supportent le loyer de ses bureaux, les
frais de fonctionnement et la charge des employés. Parmi ses
partenaires, citons GRET28(*), NIZA29(*) et Institut Panos Paris.
SECTION V : ORGANISATION STRUCTURELLE
A part les deux dirigeants principaux à qui revient le
pouvoir d'engager l'association, d'autres personnes concourent à son
fonctionnement ; notamment pour des tâches administratives,
d'enquêtes, d'assistance des journalistes, d'informatique et
d'édition. Ce qui donne une hiérarchisation qui se
présente sous forme de cet organigramme :
Président
Donat M'baya
Secrétaire Général
Tshivis Tshivuadi
Administration&finances Recherches
IT & Microédition
Ingo Vediana &
défense légale JM Mutombo
Desk Afrique
Desk RDC
Logistique Scott Mayemba
Natacha Nzembele
& caisse
Lady Kamanga
Huit pays d'Afrique Onze provinces
Centrale
Correspondants
CHAPITRE IV : ANALYSE DE L'ACTION DE JED
Comme l'indique son intitulé, ce chapitre analyse
l'action de JED en vue de la dépénalisation des délits de
presse en RDC. Ce chapitre comporte trois sections. La première
présente les éléments de méthodologie. La
deuxième décrit les démarches de JED en faveur de la
dépénalisation. La troisième interprète ces
démarches à travers leurs enjeux.
SECTION I : ELEMENTS DE METHODOLOGIE
Notre travail a posé la problématique
ci-après : comment l'ONG Journaliste en danger (JED)
envisage-t-elle la dépénalisation des délits de presse en
RDC.
En guise d'hypothèse, nous avons postulé que,
dans la démarche de JED, la souplesse sollicitée du
législateur à travers la dépénalisation des
délits de presse est une option qui nécessite un certain nombre
de garanties. En effet, si la suppression des peines de prison au profit des
journalistes est concevable dans un régime démocratique, sa mise
en oeuvre requiert assurément des préalables.
Pour recueillir les données de terrain en rapport avec
ces variables, nous avons recouru au diagnostic de situation comme technique
d'investigation.
Selon Guibert et Jumel30(*), la démarche diagnostique est d'un usage
fréquent dans le domaine des organisations. C'est une technique de
terrain qui, pour l'analyse d'un secteur professionnel, peut se
révéler opératoire.
D'après les deux auteurs précités, le
diagnostic de situation rassemble des procédures d'investigation puis
d'analyse et des propositions. Il vise à repérer les
dysfonctionnements, à en rechercher les causes puis à proposer
des améliorations pour définir des perspectives
d'évolution31(*).
SECTION II : DEMARCHES DE JED EN FAVEUR DE LA
DEPENALISATION
JED estime que la qualité de la démocratie et de
l'Etat de droit auxquels la RDC aspire a besoin d'une véritable
émancipation des libertés individuelles et publiques, au premier
rang desquelles se place notamment la liberté d'information et la
liberté de la presse32(*). Mais l'ONG constate qu'il existe un net
décalage entre le statut international et le statut national du
journaliste congolais tel que formulé par la loi du 22 juin 1996.
A l'analyse des statistiques des arrestations et
emprisonnements des journalistes en RDC au cours des dernières
années, cette organisation note que les motifs les plus
généralement invoqués sont l'imputation dommageable ou la
diffamation, la propagation de faux bruits, l'offense aux autorités et
l'atteinte à la sûreté de l'Etat ; infractions
sanctionnées par le code pénal (civil ou militaire).
Dans son combat, JED se dit convaincu que le plus grand
défi qui incombe aujourd'hui à la RDC dans le secteur
médiatique, pour autant que le pays se déclare
véritablement engagé sur la voie de la démocratie et de la
bonne gouvernance, concerne la reforme du cadre juridique de l'exercice de la
liberté de la presse, corollaire de la liberté d'expression et
d'opinion.
Cette reforme doit viser principalement la suppression des
dispositions qui autorisent les emprisonnements fermes des journalistes pour
les délits tels que la diffamation ou imputations dommageables, les
fausses nouvelles ou l'offense aux autorités, pour les remplacer par des
sanctions civiles telles que le payement des amendes ou
dommages-intérêts et d'autres sanctions prévues par les
instances de régulation et d'autorégulation. Cette
démarche de JED ne vise pas les délits d'incitation à la
haine ethnique ou raciale, l'apologie du crime et du meurtre et les appels
à la violence.
II.1. Imputations dommageables
Concernant la diffamation ou les imputations dommageables,
généralement classées dans la catégorie des
infractions commises par la parole ou l'écrit (article 74 du code
pénal ordinaire livre II), la loi dispose que « quiconque
aura imputé à autrui des faits précis, vrais ou faux, sera
puni d'une peine privative de liberté à partir du moment
où la personne incriminé arrive à démontrer que la
publication de ces faits a porté atteinte à sa
considération et à son honorabilité ». Les
articles 75, 76, 77 et 78 de ce même code catégorisent
différentes sortes d'imputations dommageables et les sanctions y
afférant.
A la lecture de ces prescrits légaux, il apparaît
clairement qu'il n'y a pas meilleure façon de créer une caste des
intouchables tant qu'ils peuvent en tout état de circonstance
alléguer une atteinte à l'honneur ou à leur
considération, condition essentielle d'établissement de cette
infraction au sens du code pénal congolais. En effet, il suffit que les
faits soient simplement imputés de façon précise et que
quiconque prétende qu'ils attentent à son honneur, à sa
dignité ou qu'ils l'exposent au mépris public ; peu importe que
les faits imputés soient faux ou vrais. En d'autres termes plus clairs,
le juge congolais devant qui le journaliste est présenté, n'est
pas lié à la véracité ou à la
fausseté des faits rapportés. Seuls ne comptent que l'honneur et
la considération de la personne qui se plaint. C'est là où
JED n'est pas d'accord.
En effet, que ce soit dans son propre atelier organisé
en 2004 au Centre Bondeko à Kinshasa ou dans celui organisé
toujours au Centre Bondeko par le ministre de l'information, presse et
communication nationale en 2007, JED a toujours exigé et continuer
à exiger en cette matière de diffamation que le juge examine la
véracité ou la fausseté des faits avancés par le
journaliste. Cette recommandation est contenue dans le document d'amendement de
la loi de 1996 portant modalités de l'exercice de la liberté de
la presse en RDC et dans l'avant projet de la loi portant organisation et
fonctionnement du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et de la
Communication (CSAC) devant remplacer la Haute Autorité des
Médias (HAM)33(*).
Il s'agit pour JED de redéfinir le délit de
diffamation en tenant compte du caractère particulier du travail du
journaliste ; celui d'un mandant social lui reconnaissant la latitude de
dire ou écrire ce qu'il voit à la place des autres. Mandat qui
l'oblige à « s'immiscer » dans la gestion de la
chose publique, à fouiner son nez dans tout ce qui attire l'attention de
la population ou l'intéresse.
Du fait donc que la presse considérée comme
quatrième pouvoir joue son rôle fondamental d'organe de
surveillance des agissements des représentants du pouvoir public et de
leurs collaborateurs, JED digère mal que la personne qui fait ce travail
soit privée de liberté tout simplement parce que certaines
personnes mises en cause avec indices de culpabilité probants estiment
que leur honneur est souillé ! et pourtant, les
dénonciations de la presse servent des véritables garde-fous
à la bonne gouvernance et à la démocratie.
Dans le contexte actuel où la RDC qui forge encore sa
démocratie est fragilisée par certains maux comme la corruption
et l'impunité, JED s'interroge comment peut-on, s'il faut prendre en
considération le serment du Président Joseph Kabila lors de son
discours d'investiture, le 6 décembre 2006, appliquer la trilogie
Démocratie - Bonne gouvernance - Droits de l'homme, prônée
comme signe de son mandat de cinq ans, lorsque la presse qui est, à
travers le monde dans son rôle, considérée comme
l'indispensable chien de garde de la démocratie, est très mise en
mal par l'emprisonnement des journalistes qui l'animent parce
qu'accusés de diffamation même pour des faits vrais ?
Prenant en exemple le cas du journaliste Jean-Denis
Lompoto34(*), JED ne
s'explique pas l'acharnement de la justice sur le journaliste que sur ses
dénonciations : aucune action judiciaire intentée contre le
ministre sur les soupçons de détournements ; aucune
confrontation entre le responsable du M17, plaignant, et le ministre
incriminé. La faute du journaliste pour le juge c'est d'avoir
relayé la plainte d'ailleurs déposée en bonne et due forme
au tribunal par le responsable du M17 et de l'avoir commentée. Quant aux
griefs contre le ministre, le juge s'en passe alors qu'il est dans ses
compétences censé d'en saisir. Ce qui est un paradoxe, selon JED,
dans un contexte de la bonne gouvernance.
En bref, pour JED, dans un cas ou dans un autre, si les faits
dénoncés par la presse sont vrais, il n'est pas question alors de
poursuivre le journaliste pour diffamation. S'ils sont faux, la peine n'est pas
forcement la prison du fait que la loi donne d'autres possibilités comme
le démenti et le payement des dommages et intérêts.
II.2. Offense au chef de l'Etat, outrages aux
autorités et propagation de faux bruits
L'offense au chef de l'Etat évoquée à
l'article 77 de la loi du 22 juin 1996 est l'une des infractions de
lèse-majesté qui sont généralement imputées
au journaliste congolais. Contenue dans l'ordonnance n° 300 du 16
décembre 1963, elle est punissable de trois mois à deux ans de
servitude pénale et/ou une amende. Tshimanga Mukeba35(*) qui cite la doctrine,
précise qu'il s'agit des « faits, paroles, gestes, ou
menaces, les calomnies, les diffamations, les actes
d'irrévérence, de manque d'égards, les grimaces, les
imputations ou allégations de faits de nature à froisser la
susceptibilité, la distribution ou la diffusion d'affiches offensantes
pour le chef de l'Etat ou d'un journal, d'une revue, d'un écrit
quelconque contenant un article ridiculisant ».
Concernant par contre les outrages aux autorités qui
ne sont pas explicitement cités dans la loi du 22 juin 1996 comme
l'offense au chef de l'Etat, ils rattrapent le journaliste aux articles 136 et
137 du Code pénal : « sera puni d'une servitude
pénale de six à douze mois et d'une amande de cinquante francs au
maximum, ou de l'une de ces peines seulement, celui qui, par paroles, faits,
gestes ou menaces, aura outragé soit un membre de l'Assemblée
nationale ou du Sénat, soit un membre du Gouvernement, soit un membre de
la Cour constitutionnelle, dans l'exercice de son mandat ou de ses
fonctions ». Cette peine est de trois à neuf mois et
d'une amende de trente francs au plus ou l'une de ces peines seulement, celui
qui, par paroles, faits, gestes ou menaces, aura outragé soit un membre
des cours et tribunaux, soit un officier du ministère public, soit un
officier supérieur des Forces armées et de la Police, soit un
gouverneur dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses
fonctions.
Pour Tshimanga Mukeba36(*) qui se réfère toujours à la
doctrine, « les outrages envers les autorités publiques
consistent dans toutes paroles, gestes, menaces, écrits, dessin ou
expression de mépris de nature à blesser l'honneur ou la
délicatesse du représentant de
l'autorité ». Il s'agit pour lui de
« l'expression d'une pensée injurieuse s'attaquant
directement à la personne protégée et à ses
fonctions, ou des actes de dérision, de moquerie, ou de mépris
envers l'autorité ».
Aux prescrits de ces dispositions légales, il est clair
que le journaliste qui qualifierait un ministre, un inspecteur de police ou une
autre autorité « d'incompétent » par exemple,
qui dénoncerait un comportement immoral d'une autorité, qui
critiquerait le chef de l'Etat, tombe sans aménagement sous le coup
d'outrage ou d'offense.
Qu'il s'agisse ainsi d'offense au Chef de l'Etat ou d'outrage
aux autorités, JED s'interroge jusqu'à quel seuil le journaliste
peut-il critiquer les agissements du président de la république
ou la politique du Gouvernement sans être accusé d'outrage.
Comment le journaliste peut-il s'assurer que par sa critique, il ne se met pas
en marge de l'espace public de libre discussion circonscrit par la loi ?
Visiblement, seul le juge dans son interprétation, peut élargir
cet espace en faveur du journaliste ou encore le restreindre davantage suivant
sa conception du respect de l'autorité.
L'expérience démontre souvent que devant la
justice, le journaliste est toujours fautif lorsqu'il critique les actions du
chef de l'Etat ou toute autre autorité qui s'en plaint. Non sans
raison, pour avoir lié la non apparition prolongée de Joseph
Kabila dans le public à un état de santé critique, Nsimba
Embete37(*) et Davin Tondo
avaient purgé 10 et 9 mois au Centre Pénitentiaire et de
Rééducation de Kinshasa (CPRK) pour « offense au chef
de l'Etat ». Alors que pendant que la rumeur persistante courait dans
la ville de Kinshasa sur l'état de santé de Joseph Kabila, aucun
service compétent (présidence ou gouvernement) n'apportait la
lumière pour couper court à cette rumeur ! Aussi, Patrice
Booto38(*), pour avoir
insinué que Joseph Kabila avait fait un don de 30 millions de dollars
américains au système éducatif tanzanien, avait
respiré pendant 9 mois l'air du CPRK.
Quant aux faux bruits, cette infraction mentionnée
à l'article 199 du Code pénal civil est souvent associée
à celles d'imputations dommageables, offense au chef de l'Etat ou
outrage à l'autorité. Elle est aussi souvent
évoquée lorsque le journaliste est poursuivi pour atteinte
à la sûreté de l'Etat ou divulgation des
« secrets » de défense nationale ou
d'Etat.
Polydor Muboyayi, éditeur du quotidien Le
Phare, avait passé, en 1997, trois mois au CPRK via le cachot du
Conseil National de Sécurité (CNS) sur les hauteurs de Binza. Son
tort aura été que son journal, très proche de l'opposition
à l'époque avait titré en manchette « Kabila
crée sa Dsp » en référence à la
Division spéciale présidentielle, garde prétorienne de
Mobutu. Muboyayi sera poursuivi pour « propagation de faux
bruits », évidemment une infraction associée
à celle d'atteinte à la sûreté de l'Etat. Mais
l'information divulguée signée d'un pseudonyme par un journaliste
se révélera vraie. Car quelques mois après naîtra le
GSSP (Groupe Spécial de Sécurité Présidentielle),
ancêtre de l'actuelle GR (Garde Républicaine)39(*).
Mêmement pour Freddy Loseke40(*) de La Libre Afrique
qui prévenait en 2000 « un complot d'assassinat contre le
président Laurent-Désiré Kabila », il avait
été cloué sans aucun aménagement au CPRK pour
« propagation de faux bruits ». Mais en janvier
2001, ce que Freddy Loseke craignait pour Laurent-Désiré Kabila
arriva !
Pour JED, s'il est vrai que l'obligation première du
journaliste est celle de vérité et qu'une fausse nouvelle est
contraire au journalisme, il n'est pas moins vrai que « l'information
fausse » aujourd'hui, peut s'avérer vraie demain et vice
versa.
II.3. Atteinte à la sûreté de l'Etat
(secret défense et secret d'Etat)
Les infractions d'atteinte à la sûreté de
l'Etat sont retrouvées aux articles 77, 78 et 79 de la loi du 22 juin
1996. Elles sont souvent évoquées au tribunal lorsqu'il s'agit
des informations qualifiées de « secret
défense » ou « secret
d'Etat ». Leurs sanctions sont prévues dans le Code
pénal civil (articles 209) comme dans code pénal militaire (143,
145, 146, ...). Mais ces codes ne donnent pas la liste des informations
considérées comme secret défense et n'en donnent moins
encore une définition exacte de ce concept. Néanmoins, le code
pénal militaire, très répressif, à son article 149
stipule qu' « au sens de la présente loi,
présentent le caractère de secret de la défense nationale,
les renseignements, procédés, objets, documents, données
informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale
qui ont fait l'objet de mesures de protection destinées à
restreindre leur diffusion. Peuvent faire l'objet de telles mesures, les
renseignements, données informatisées ou fichiers
classifiés par le ministre de la Défense ou le commandant
suprême et dont la divulgation est de nature à nuire à la
défense nationale ou à conduire à la découverte
d'un secret de la défense ». Et l'article 150 d'en
déterminer la sanction : « ceux qui se rendent
coupables de divulgation, diffusion, publication ou reproduction des
informations visées à l'article ci-dessus ou ceux qui en
fournissent les moyens, sont punis de vingt ans de servitude pénale,
sans préjudice des peines plus fortes qu'ils peuvent encourir par
d'autres dispositions légales. En temps de guerre ou dans une
région où l'état de siège ou d'urgence est
proclamé, ou à l'occasion d'une opération de police
tendant au maintien ou au rétablissement de l'ordre public, les
coupables sont punis de mort ».
Face à un flou qui entoure le
« secret » de défense ou d'Etat, JED dans son combat
pour la dépénalisation des délits de presse, ne cesse de
demander au Parlement de prendre une loi circonscrite et définissant
clairement les notions de « secret d'Etat et de secret
défense » qui lors de certains procès des journalistes,
fait appel à l'infraction de trahison punissable d'une peine de mort.
Disons pour conclure cette partie consacrée au combat
de JED que pour tous les délits de presse ci-haut évoqués,
cette organisation estime que la meilleure leçon à donner
à un média ou un journaliste qui ne « ferait pas son
travail de manière professionnelle » n'est pas de l'interdire
ou l'arrêter, mais bien d'apporter, à chaque fois, la preuve du
contraire. Et il appartiendra au public de se détourner d'un
média ou d'un journaliste non professionnel.
SECTION III : ENJEUX ET DEFIS DE L'ACTION DE
JED
III.1. Enjeux de l'action de JED
Les sociologues nous apprennent que la réaction
pénale est un réflexe de défense de l'organisation sociale
contre les actes qui la perturbent. Et la réaction émotionnelle
ne peut se produire, selon Durkheim, que si une atteinte est portée aux
« états forts et définis de la conscience
collective41(*) ». Ainsi, dans cette partie, nous essayons
de voir si les infractions d'imputations dommageables, de propagation des faux
bruits, d'offense au chef de l'Etat et d'outrage aux autorités ainsi que
d'atteinte à la sûreté de l'Etat constituent des faits qui
heurtent les états forts et définis de la conscience collective
au point de légitimer les peines privatives de liberté dont elles
sont assorties.
En effet, dans une société démocratique,
l'exercice d'une liberté, fut-elle le pilier de la défense des
droits fondamentaux, ne peut se justifier par la commission d'infractions,
à peine de contester la légitimité des règles
d'ordre public, et par là même, du système tout
entier42(*). Dans cette
optique, remarque Koovy Yete, il n'appartient pas à la presse ni de
salir injustement l'honneur d'un homme, ni de publier par exemple des
informations de nature à mettre en péril la défense
nationale43(*). Tout en
reconnaissant que la presse comme quatrième pouvoir est un atout
nécessaire dans l'édification d'un Etat démocratique,
Montesquieu44(*)
prévient que ce pouvoir à l'instar de tout pouvoir devient
dangereux et peut même ruiner le processus démocratique par
l'inconscience de certains de ses membres.
Cette crainte d'un débordement de la liberté de
presse a été aussi suffisamment manifestée à
l'atelier de JED à Bondeko en janvier 2004. Tout en étant
d'accord pour la dépénalisation des délits de presse,
beaucoup d'intervenants ont exprimé des réticences fondées
sur les faiblesses de la presse congolaise de manière
générale. « Oui à la
dépénalisation...mais pour quel type de journalistes : des
mercenaires ? Des loups affamés parmi les journalistes ? Des
parachutés dans le métier aux fins d'échapper aux dures
règles du chômage ? »
Ces faiblesses surtout d'ordre déontologique et
d'éthique sont reconnues explicitement par JED dans son manuel
intitulé « Comprendre les textes juridiques et
déontologiques régissant la presse en RDC »,
publié en février 2006. En effet, de tous les cas pris en
échantillon dans ce manuel, l'organisation relève des fautes
professionnelles et des manquements graves : non respect de l'obligation
de vérité et de l'obligation de responsabilité, atteinte
intentionnelle à la dignité humaine caractérisée
par des injures faciles, des menaces et chantages, des calomnies et des
règlements des comptes.
Dans son rapport de 2000, parlant de Freddy Loseke, JED
mentionne que « La Libre Afrique est un journal dont le ton va
souvent au-delà du tolérable et qui ne fait pas souvent de
différence entre l'injure et la critique45(*) ».
Evoquant le cas de Patrice Booto, JED note qu'au cours d'une
audience, ce dernier avait fait un revirement spectaculaire en affirmant que
l'information qu'il avait donnée était fausse et qu'il le savait
au moment où il la publiait. L'organisation ajoute que devant sa
délégation et celle de Reporters sans frontières (RSF), le
président de la république Joseph Kabila, parlant du cas de
Booto, n'avait pas caché sa colère et avait estimé que cet
article, publié au moment où le front social grondait au pays,
n'était ni plus, ni moins « une tentative de coup
d'Etat ».
Critiquant toujours le travail de la presse, JED ne cache pas
son indignation dans l'affaire Vital Kamerhe lorsqu'il note que
« pendant quatre mois, la bataille pour déboulonner
le président de l'Assemblée Nationale va se dérouler dans
les médias. Par conviction ou par instinct de survie, les journalistes
vont se livrer à un lynchage médiatique d'une extrême
violence contre celui qui était jusque là leur icône. Des
tonnes de pages et de temps d'antennes vont être achetées pour
cette besogne au point où seul le point de vue de ceux qui en voulaient
à Vital Kamerhe, avaient droit de citer dans la quasi majorité
des médias46(*) ».
Dans l'affaire William Damseaux contre Berge Nanikian, le
journal Fair Play47(*), loin d'accomplir sa tâche de n'informer
que le public sur le différend foncier opposant les deux hommes
d'affaires, non seulement s'est érigé en avocat en prenant fait
et cause pour M. Berge Nianikian, mais surtout s'est versé dans les
injures et dénigrement du genre : « l'indigent William
Damseaux n'est pas le genre d'investisseurs dont le pays a
besoin...maffieux... ».
Aussi, pour régler des comptes au ministre des mines
Diomi Ndongala, le journal satirique Pili-pili48(*) avait consacré une
série d'articles dans plusieurs éditions pour seulement le salir.
Animé visiblement de l'intention de nuire, le journal n'a, en aucune
fois, accordé la parole à l'incriminé, mais il s'est
évertué à l'enfoncer dans une affaire des
présumés détournements en commentant négativement
avec des affirmations gratuites.
Ces quelques exemples et bien d'autres, nombreux d'ailleurs,
démontrent que la culture de l'irrespect de la loi semble beaucoup
caractériser le monde de la presse en RDC. D'où la
nécessité de la sauvegarde de la sécurité
nationale, de l'ordre public et de la moralité publique. Cette exigence
est une limite qu'impose le droit international à l'exercice de la
presse dans tout pays (article 19 du Pacte International relatif aux droits
civils et politiques).
La dépénalisation des délits de presse
telle que voulue par JED risque de conduire à de nombreux abus, craint
Théodore Ngoy49(*),
du fait qu'il y a dans le milieu de la presse congolaise une culture
profondément incrustée de non-respect de la liberté
d'autrui et un grand nombre des personnes improvisées journalistes et
autres professionnels des médias. Cette improvisation dangereuse est
reconnue par JED. L'ONG constate que « toute personne sachant
parler Français et aligner des mots aussi inintelligibles soient-ils
peut, au travers de plusieurs subterfuges, se retrouver dans un journal, une
radio ou une télévision. Aucun cursus scolaire n'est exigé
dans un pays où le taux d'analphabétisme n'est pas
négligeable ».
Toutes ces lacunes et insuffisances de la presse congolaise
donnent l'argument aux adversaires de la dépénalisation des
délits de presse qui se fondent sur la théorie de la toute
puissance des médias. En effet, considérant cette
idéologie qui confère aux médias le pouvoir de modifier
les esprits et les structures, Ferdinand Tönnies50(*) écrit dans son livre
« L'esprit des temps modernes », que
« la presse est le moyen réel, l'orage de l'organe de
l'opinion publique, comparable et supérieure, à bien des points
de vue, à la puissance matériel que possèdent les Etats
pour l'armée, les finances et l'administration
bureaucratisée ». Cette perception est aussi de Serge
Tchakhotine51(*) qui avoue
que les techniques de diffusion collective sont toutes puissantes.
D'après ce sociologue allemand, « les mass media ne
s'adressent pas à la raison mais à l'instinct. Les slogans qu'ils
véhiculent excitent les pulsions agressives, sexuelles, alimentaires
etc. de l'homme archaïque qui sommeillent en chacun de nous. Dès
que cet homme archaïque est atteint et réveillé par des
slogans, le conditionnement et la manipulation s'ensuivent ».
Fonctionnant dans le contexte de la linéarité,
les médias s'inscrivent généralement dans la
théorie du seau. Ils visent la transmission intégrale du contenu
de l'émetteur au récepteur. C'est cela, renchérit Ekambo
Duasenge, qui est dit ordinairement « recevoir une information
5/5 »52(*).
Le journaliste ne cherche dans cette communication linéaire qu'à
imposer un imperium sur le consommateur. Et cette linéarité dans
les médias apparaît comme une religion qui ne souffre d'aucune
déviation ; l'objectif visé étant d'inculquer au
consommateur (lecteur, auditeur ou téléspectateur) la
totalité du message concocté à son intention par le
producteur (journaliste).
Redoutant cette force des médias, JED lui-même ne
les a-t-il pas mis sur le banc des accusés après les
affrontements sanglants à Kinshasa, en août 2006, après les
résultats du premier tour de l'élection
présidentielle lorsqu'il note : « tout le monde
s'accorde, écrit-il, que ce déferlement de violence dans la
capitale Kinshasa, a été précédé pendant
plusieurs semaines par une véritables guerre des nerfs, au travers des
médias, surtout audiovisuels, entre les partisans de ces deux plus
grands candidats qui ont usé et abusé des médias qui leur
sont entièrement acquis pour faire de la propagande haineuse et se
diaboliser mutuellement, souvent sous l'oeil complice ou grâce à
la complaisance des journalistes présentateurs ou
animateurs53(*) ».
Du fait qu'il est clair que les effets des médias sont
capables de conditionner et manipuler le public ; donc capables de nuire,
les adversaires de la dépénalisation des délits de presse,
jugent excessivement dangereux de penser que les amendes pécuniaires et
autres dommages - intérêts peuvent réparer des
délits hautement nuisibles commis parfois intentionnellement par les
journalistes.
La liberté de la presse, comme toutes les
libertés, n'est pas sans limites. D'ailleurs le droit à la
vérité dont elle procède n'est jamais absolu, parce qu'il
est toujours en conflit avec d'autres droits qui viennent fixer les bornes de
son empire. Ces limites définissent la frontière au-delà
de laquelle on pénètre dans l'espace du délit de la
presse. On n'évoquera pas ainsi avec bonheur la
dépénalisation des délits de presse lorsque l'intention de
nuire est dirigée contre des personnes physiques et morales d'une
manière flagrante et ostentatoire, remarque Modeste Mutinga54(*).
Pour ces raisons, il y a donc lieu, suggère
François Budim'bani Yambu, de ne pas envisager ou de ne pas encourager
la dépénalisation des délits de presse à court
terme55(*). S'il faut
dépénaliser, conseille Me Théodore Ngoy56(*), il importe de satisfaire aux
préalables qui appellent à forger d'abord une culture de respect
de la loi et des règles éthiques professionnelles par la
formation des hommes membres de cette profession et à assainir le
secteur en excluant les intrus, les journalistes du dimanche et les apprentis
sorciers avant de discuter et d'envisager une dépénalisation
responsable de délits de presse. Sinon, celle-ci enfermerait les abus de
presse dans une sorte d'angélisme démocratique béat qui
nous détruirait tous.
Dans la même lancée, Pierre Akele Adau57(*) préconise qu'il faut
prendre conscience de ce que la définition d'un cadre normatif nouveau
et dépénalisé pour l'exercice de la presse doit, pour
donner satisfaction, s'appuyer sur un code d'éthique et de
déontologie suffisamment fort. Celui-ci serait un instrument de
régulation et de discipline à la disposition des professionnels
de la pesse pour une autocensure sans complaisance.
Donc, de l'avis des uns et des autres, il n'est pas mauvais de
penser dépénalisation des délits de presse. Seulement le
moment n'est pas propice au débat tant qu'il y a encore de l'ordre
à mettre ou à remettre dans la profession journalistique au
Congo. Bref, il y a d'abord des préalables à remplir avant de
parler effectivement de la dépénalisation. Ces préalables
sont, à notre avis, les véritables défis à relever
par JED dans sa mission, non seulement de défendre mais aussi de
promouvoir la liberté de la presse.
III.2. Défis de l'action de JED
Il est vrai que la dépénalisation des
délits de presse est une exigence de la démocratie. Et continuer
à envoyer des journalistes en prison parce qu'ils ont dit ou ont
écrit est une négation d'une des valeurs importantes qui fondent
la démocratie. Il est aussi vrai qu'il existe un net décalage
entre le statut international et le statut national du journaliste congolais
tel que formulé par la loi de 22 juin 1996 et qu'il faudrait dès
lors réviser celle-ci ou carrément définir un nouveau
cadre normatif de l'exercice de la liberté de la presse, en vue
notamment de l'ajuster et la conformer aux standards démocratiques d'un
Etat de droit. Mais il est surtout vrai que pour procéder à une
dépénalisation responsable, il faut d'abord, c'est d'ailleurs le
premier préalable, commencer par donner un coup de balai dans le milieu
de la presse. Ce coup de balai concerne les individus exerçant le
métier journalistique et les entreprises censées les employer.
Il est vrai que jusqu'à preuve du contraire, ni l'UNPC
(Union Nationale de la Presse Congolaise), organe fédérateur de
la presse congolaise, ni l'OMEC (Observatoire des Médias Congolais)
chargé de régularisation en répertoriant et en
dénonçant les différentes dérives d'ordre
professionnel que la Commission de discipline et d'éthique
professionnelle de l'UNPC pourrait sanctionner si nécessaire, moins
encore la Haute Autorité des Médias (HAM) ne sont pas encore
parvenus à favoriser une pratique professionnelle plus saine. Dans son
rapport sur «l'état de l'exercice de la liberté de la
presse en RDC » de 2004, African Media Institute58(*) (AMI) note
que « le dénominateur commun de cette presse
congolaise malgré la divergence sur son appréciation par les
observateurs, reste le fait qu'elle est une presse qui ose, dont l'information
est plus le fruit des opinions plutôt que des investigations et
généralement peu soucieuse du respect de la déontologie et
de l'éthique professionnelle. Ces faiblesses se justifient par
l'envahissement de la profession par des moutons noirs, des personnes qui
n'ont pas suivi un cursus normal en journalisme et qui sont tentées par
l'aventure dans la presse. Dans le traitement de l'information, le sentiment et
l'idéologie l'emportent, dans la plupart des cas, sur la
vérité des faits ». Citant l'ancien premier
ministre congolais Vincent de Paul Lunda Bululu, AMI conclut que
« c'est une presse aux titres sablonneux et au contenu
poussiéreux. La chasse au sensationnel pour attirer, fait commettre
beaucoup d'abus aux professionnels de la presse ».
III.2.1. Du profil du journaliste congolais au regard de la
pratique du métier
Les prescrits de la loi en matière de recrutement des
professionnels de la presse à l'article 7 de l'ordonnance-loi n°
81-012 portant statut des journalistes oeuvrant en RDC, sont rarement
respectés. Selon cet article, le recrutement s'effectue sur concours. Il
peut toutefois se faire sur titre en faveur des journalistes professionnels et
des candidats diplômés d'une école de journalisme. Mais
dans le concret, des critères subjectifs orientent bon nombre
d'éditeurs et directeurs des radios et télévisions dans le
recrutement des journalistes. Les relations personnelles de fraternité
ou d'amitié, les recommandations ou la capacité de rapporter des
fonds et non l'information sont autant des critères qui guident les
propriétaires dans le recrutement des journalistes.
L'on note ainsi un engouement de beaucoup de personnes de
formations diverses pour le métier de journaliste. Pour être
embauché, il suffit de garantir au propriétaire de la radio ou de
la télévision la rentabilité de l'émission
grâce à son carnet d'adresses. D'autres candidats à
l'embauche s'engagent même à ne pas exiger une
rémunération, sans que l'on sache quelles seront leurs sources de
revenus et quels dangers une telle pratique représente pour la
profession. A l'arrivée, on se retrouve avec des animateurs
transformés en gourous et contre lesquels les propriétaires des
chaînes ne peuvent rien au nom de la loi de l'argent, en dépit
d'une pratique professionnelle à la limite du tolérable.
D'autres personnes entrent dans la profession par le sang. Non
pas qu'elles ont la vocation professionnelle du père journaliste ou
qu'elles ont suivi la formation en la matière, mais s'y lancent sans
formation juste pour continuer à vendre le nom de papa. Ce journalisme
héréditaire est lourd de conséquences sur la mauvaise
prestation de la profession. Des journaux entiers sont animés à
Kinshasa par ce genre de journalistes héréditaires et non
formés qui ne se soucient même pas d'améliorer leur
prestation par une formation ou un recyclage.
Ces journalistes, tout comme bien d'autres formés sur
les tas, constituent une menace tant pour la profession qui perd de plus de son
crédit que pour la liberté de la presse, étant
donné qu'ils pratiquent le métier sans connaissance des
techniques journalistiques, ni de la déontologie et de l'éthique
du journaliste, ni des différentes lois qui régissent la presse.
C'est pratiquement dans ce lot que l'on retrouve les journalistes qui se
vendent aux hommes politiques et aux opérateurs économiques. Il y
a en qui vont jusqu'aux chantages ou menaces de produire des articles contre
ceux qui n'accèdent pas à leurs demandes. D'autres encore
confondent leur métier avec celui de policier.
D'ailleurs, de tous les cas d'arrestations
dénoncés par JED dans ses différents rapports annuels,
plus de 90% concernent les journalistes de petits journaux sans aucun
critère d'entreprise de presse, qui se livrent à coeur joie
à la diffamation, aux injures et à la calomnie.
Au-delà du manque d'une formation journalistique
adaptée et suffisante, ces journalistes que JED qualifie
« d'intervention rapide » ou
« Teme-Teme59(*) » baignent dans la pauvreté.
Ils parcourent la ville à la recherche d'évènements de
toute sorte et susceptibles de leur procurer un peu d'argent appelé
pudiquement « coupage » ou
« transport ». Ils sont dans toutes les
manifestations mais ne publient rien de tout cela parce que, justement, ils ne
sont reconnus par aucune rédaction. Mais pour ceux qui les publient,
parce qu'employés par certaines rédactions, ils se font payer
là où ils vont. L'information ainsi monnayée est
teintée de beaucoup d'éloges et ne peut comporter aucune critique
objective.
Cette indigence au quotidien, non seulement, fait de beaucoup
de journalistes congolais sujet à la manipulation et de mercenariat,
mais aussi les place dans une instabilité professionnelle et sociale
entraînant le ballottage de conscience. Cet état de choses a
donné lieu à un nouveau phénomène qui consiste
à chaque journaliste d'avoir son ministre et chaque ministre son
journaliste. Et souvent, ces « mariages »
d'intérêts se font sur des bases ethniques. Le drame est que ces
journalistes des principaux médias de Kinshasa sont, la journée,
aux cabinets des ministres et le soir à leurs rédactions
respectives où ils veillent au grain pour que rien de négatif ne
passe. Tous les ministres ont des journalistes actifs comme attachés de
presse ou conseiller en communication.
D'où la première garantie pour une
dépénalisation responsable devra découler de
l'amélioration du statut du journaliste (autonomie financière,
recrutement adéquat, meilleures conditions de travail...) à
l'instar des journalistes de Radio Okapi60(*).
III.2.2. Des entreprises congolaises de presse
Une étude menée par Institut Panos
Paris61(*) démontre
que les organes de presse congolais sont gérés au jour le jour.
La plupart de ces organes de presse ne tiennent nullement leur
comptabilité, au point que la gestion du journal se confond
généralement avec la poche de l'investisseur. La même
étude note que les principaux défaut de cette presse
résident, primo, dans son excessive politisation et la faiblesse des
projets éditoriaux (beaucoup de journaux vivant essentiellement de leur
accointance avec les hommes ou des partis politiques dont ils servent les
intérêts) ; secundo dans la confusion entre espaces
rédactionnels et publicitaires (publication d'articles qui sont issus
non d'une démarche désintéressée de collecte de
l'information, mais de la vente d'un espace à un individu ou une
structure) ; tertio dans la présence de pratiques de grande
corruption dans certains titres (chantage...) ; quarto dans l'inexistence
d'une véritable politique de gestion et l'opacité
comptable ; et quinto dans la faiblesse de la formation des ressources
humaines dans tous les secteurs de la production et de l'administration.
Sur la centaine des journaux et radiotélévision
recensés en RDC, seules quelques dizaines remplissent un peu les
conditions requises « d'entité économique et
commerciale créée dans le but d'exploiter, comme activité
principale, la collecte, le traitement, la production et la diffusion de
l'information ou des programmes » conformément à
l'article 4 de la loi de 1996. La plupart des organes de presse congolais
fonctionnent à vue. Et le caractère éphémère
des journaux est surtout dû à l'amateurisme des éditeurs,
mêlé au fait que la plupart de ces canards ne sont pas la
propriété de leur responsable apparent. Ils sont
créés pour des intérêts qui échappent
généralement à ceux qui les animent. Ce qui fait qu'ils
disparaissent dès que les bailleurs des fonds,
généralement, le ministre, le gouverneur de province, le
mandataire d'une entreprise publique quitte les fonctions.
Si dans le domaine de l'audiovisuel, eut égard à
la technologie mise en place, il n'est point de place pour l'aventure à
quelques exceptions près, il n'en est pas de même de la presse
écrite. Le journal marchandise précède la création
de l'entreprise de presse chargée de produire un bien
dénommé « journal ». Tout celui qui, de
quelques manières que ce soit, obtient un peu d'argent peut, le
lendemain, mettre sur le marché deux cahiers noircis appelés
« journal ». Le propriétaire est à la fois
directeur de publication, rédacteur en chef, journaliste sous plusieurs
pseudonymes, agent commercial, etc. Sans capital ni siège social et,
dans la plupart des cas, dirigés par des personnes peu qualifiées
ou moins journalistes dépendant souvent des pourvoyeurs des fonds, en
général des hommes politiques ; sans respect de la
périodicité qu'ils se sont assignés eux-mêmes, la
majorité d'organes de presse congolais paraissent comme des instruments
de propagande et d'anéantissement, c'est selon les
intérêts, que des instruments d'information.
Lorsqu'il s'agit de protéger des pourvoyeurs des fonds,
le contenu est du genre élogieux et flatteur :
« Serge Kabongo : le grand mécène de
Bandalungwa », « Honorable X : sauveur de
Kimbanseke », « Qui en veut à l'ADG
Y ? » etc. Lorsqu'il s'agit d'anéantir, les
titres sont du genre : « Le roi fainéant a un
nom : Adolphe Muzito », « Damseaux n'est pas le type
d'hommes d'affaires dont la RDC a besoin », « L'agitateur
et l'opportuniste Olenghankoy », « A lire dans notre
prochaine édition : détournement
à... ». Ainsi, cette presse de propagande ou
d'anéantissement se fait un puissant censeur des responsables politiques
ne partageant pas la même famille politique ou sociologique. Prenant la
place des magistrats, elle instruit généralement sans exhiber des
preuves, condamne, soumet les victimes à la vindicte populaire.
Au regard de ce qui précède, il y a lieu de
noter que le maillon le plus faible du système médiatique
congolais concerne avant tout la viabilité économique des
entreprises de presse ; cette situation a une incidence directe sur le
professionnalisme des journalistes. A la recherche de survie, tels des loups
affamés, ces derniers, plutôt que de jouer au filtre de la
société, en ajoutent la confusion. Intrigues,
dénigrements, accusations gratuites, chantages et règlements de
comptes sont les mets qu'offrent régulièrement certains journaux
à leurs lecteurs. Et dans ces conditions, dépénaliser les
délits de presse avec des organes qui n'ont rien d'entreprise de presse,
augmenterait sans doute les dérapages.
CONCLUSION
La dépénalisation des délits de presse en
République Démocratique du Congo (RDC) à l'initiative de
l'ONG Journaliste en Danger, est l'objet de notre étude. Et nous avons
posé la problématique ci-après : comment l'ONG
Journaliste en danger (JED) envisage-t-elle la dépénalisation des
délits de presse en RDC.
En guise d'hypothèse, nous avons postulé que,
dans la démarche de JED, la souplesse sollicitée du
législateur à travers la dépénalisation des
délits de presse est une option qui nécessite un certain nombre
de garanties. En effet, si la suppression des peines de prison au profit des
journalistes est concevable dans un régime démocratique, sa mise
en oeuvre requiert assurément des préalables.
Pour recueillir les données de terrain en rapport avec
ces variables, nous avons recouru au diagnostic de situation comme technique
d'investigation. Et dans les pages précédentes, nous avons
démontré le bien-fondé de la démarche de
Journaliste en Danger visant la dépénalisation des délits
de presse en faveur des journalistes congolais. Cette ONG soutient mordicus que
la dépénalisation des délits de presse est une exigence de
la démocratie. Et continuer à envoyer les journalistes en prison
parce qu'ils ont dit ou ont écrit est une négation d'une des
valeurs importantes qui fondent la démocratie.
Nous avons également démontré les
conséquences d'une telle démarche en faveur des personnes qui
exercent un métier dont elles ignorent ou enfreignent
délibérément la déontologie et l'éthique.
Cette démarche de JED nous impose une attitude prudente face à
toute volonté de modification de cadre juridique de la
responsabilité pénale du journaliste congolais. C'est au
demeurant, cette prudence qui, inexorablement, nous conduit sur le sentier des
nécessaires préalables à une éventuelle
dépénalisation des délits de presse.
A notre avis, ces préalables sont de deux ordres :
d'abord la viabilité économique des organes de presse et ensuite
le respect du statut du journaliste. Cette logique de réhabilitation de
la fonction de journaliste qui doit également intégrer de
façon sérieuse les conditions de travail de celui-ci, est un
élément de garantie pour la communauté nationale. Car, la
pratique de la vertu suppose un minimum de bien-être. Ce qui,
aujourd'hui, est loin d'être l'apanage du journaliste congolais et encore
moins de celui des organes de presse privés.
Dans cette optique, nous estimons que JED doit fonder son
combat ou mieux axer son action dans un espace journalistique assaini. Il faut
donc dépénaliser les délits de presse avec les bons
acteurs (journalistes) et les bons outils (organes de presse). Cet
assainissement suppose, à l'instar des ordres des médecins, des
pharmaciens et des avocats, que les journalistes aient aussi une corporation
efficace et dynamique, capable de veiller surtout au recrutement des personnes
censées exercer la profession journalistique. Simplement dit, comme tout
juriste ou n'importe quelle personne ayant fini ses études en
médecine ou en pharmacie ne peut exercer si elle n'est pas inscrite
à l'Ordre, il devrait être de même avec le métier de
journaliste. Le constat, malheureusement, est que ce dernier apparaît
comme un corps encore trop fragile et quasiment sans défense face aux
incursions des hommes de tous bords davantage guidés par la propagande,
la manipulation, les dénigrements, les accusations gratuites, les
chantages et règlements de comptes.
Somme toute, la problématique de la
dépénalisation des délits de presse en RDC nous parait
comme un débat d'ordre sociopolitique où le juridique
n'intervient qu'à titre d'appoint. S'il est vrai que la
dépénalisation relève d'une technique juridique, par
contre sa politique et sa philosophie répondent à une autre
logique. Ici, la technique juridique est inféodée au politique
qui influe sur l'élaboration du droit pénal de fond et de forme
dont relève cette technique.
BIBLIOGRAPHIE
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journaliste et le citoyen, Paris, Bartillat, 1996, 210p.
II. MEMOIRES ET TFC
OLENGA LUMBAHEE I., La
problématique de la défense et promotion de la liberté de
la presse en faveur du journaliste congolais. Analyse de l'action de JED,
TFC, Ifasic, Kinshasa 2003.
YETE K., La problématique de la
dépénalisation des délits de presse au Bénin,
mémoire de DEA, 2005
III. COURS
OKOMBA WETSHISAMBI, cours de sociologie des
médias, 2ème licence journalisme, Ifasic, 2008,
inédit.
III. RAPPORTS ANNUELS
Rapports annuels de JED sur l'état de la liberté
de presse en RDC de 1999 à 2009
Rapports annuels d'AMI sur l'état de la liberté
de presse en RDC de 2003 et 2004.
TABLE DES MATIERES
Introduction 1
Problématique 6
Hypothèse 11
Choix et intérêt du sujet 11
Méthodologie 12
Délimitation du sujet 15
Division du travail 15
Chapitre I : Cadre théorique
16
Section I : Définition des concepts
16
I.1. Dépénalisation 16
I.2. Délit de presse 18
Section II : Droit de l'information 22
Chapitre II : Cadre juridique de la presse en
République Démocratique du Congo 26
Section I : Les textes juridiques internationaux
26
I.1. La Déclaration universelle des droits de l'homme
27
I.2. Le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques 28
I.3. La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples
30
I.4. D'autres textes internationaux conventionnels
31
a) La Charte de Munich 32
b) La déclaration de l'Unesco sur les medias
32
c) La déclaration de principes de FIJ sur la conduite
des journalistes 32
d) La déclaration des principes sur la liberté
d'expression
en Afrique 33
Section II : Les textes juridiques nationaux
33
II.1. L'ordonnance-loi 81/012 du 02 avril 1981 portant
statut des journalistes oeuvrant en RDC 34
II.2. Loi 96/002 du 22 juin 1996 fixant les
modalités de
l'exercice de la liberté de la presse en RDC
35
Chapitre III : Présentation de Journaliste
en Danger (JED) 37
Section I : Historique 37
Section II : Localisation et champ d'action
40
Section III : Moyens d'action 41
Section IV : ressources financières
44
Section V : Organisation structurelle 44
Chapitre IV : Analyse de l'action de JED
46
Section I : Eléments de méthodologie
46
Section II : Démarches de JED en faveur de la
dépénalisation 47
II.1. Imputations dommageables 49
II.2. Offense au chef de l'Etat, outrages aux
autorités et
propagation de faux bruits 53
II.3. Atteinte à la sûreté de l'Etat
57
Section III : Enjeux et défis de l'action de JED
59
III.1. Enjeux de l'action de JED 59
III.2. Défis de l'action de JED 68
III.2.1. Du profil du journaliste congolais au regard de la
pratique du métier 70
III.2.2. Des entreprises congolaises de presse 73
Conclusion 77
Bibliographie 80
Table des matières 85
* 1 MBAYA D., Plaidoyer
pour la dépénalisation des délits de presse en RDC,
Kinshasa mai 2004
* 2 PIGEAT H. et LEPRETTE J.,
La liberté de la presse. Le paradoxe français, Paris,
PUF, 2003
* 3 YETE K., « La
problématique de la dépénalisation des délits de
presse au Bénin », mémoire de DEA, 2005
* 4 NGOY T., Pour ou contre la
dépénalisation des délits de presse en RDC, in
Plaidoyer pour la dépénalisation des délits de presse
en RDC, Kinshasa, mai 2004, p.26
* 5 YETE K., « La
problématique de la dépénalisation des délits de
presse au Bénin », mémoire de DEA, 2005.
* 6 NEVEU E., Sociologie des
mouvements sociaux, La Découverte, Paris, 3ème
éd., p.97
* 7 TERROU F., Sociologie
juridique et droit de l'information, Paris, Librairie Larousse, 1973,
p.195
* 8 OLENGA LUMBAHEE I.,
« La problématique de la défense et promotion de la
liberté de la presse en faveur du journaliste congolais. Analyse de
l'action de JED », TFC, Ifasic, Kinshasa 2003.
* 9 Le Petit Larousse
illustré, Paris, 2007.
* 10 RICOEUR P., De
l'interprétation, essai sur Freud, 1966
* 11 Barthes, cité par
EKAMBO J-C in Paradigmes de communication, Ifasic éditions,
Kinshasa, 2004, p.95
* 12 GUILLIEN R. et VINCENT J.,
Lexique des termes juridiques, 12ème édition,
Dalloz, Paris, p.188
* 13 PRADEL J., Droit
pénal général, 14ème éd.,
Cujas, Paris, 2002-2003, n° 10, p.27
* 14 SHEFANI G., LEVASSEUR G.
et BOULOC B. ; Droit pénal général,
14ème édition, Dalloz, Paris, p3.
* 15MABANGA MONGA MABANGA G.,
L'apport de la dépénalisation des délits de presse dans le
processus démocratique au Congo, in Plaidoyer pour la
dépénalisation des délits de presse en République
Démocratique du Congo, Kinshasa, mai 2004, p34.
* 16 MABANGA MONGA MABANGA G.,
La dépénalisation des délits de presse en 10
questions, JED, Kinshasa, 2005.
* 17 MERLE R. et VITU A.,
Traité de droit criminel, 7ème éd,
Cujas, Paris, Tome 1, p.136
* 18 AKELE P.,
« Dépénaliser les délits de presse en RDC :
pourquoi et comment ? », in Plaidoyer pour la
dépénalisation des délits de presse en République
Démocratique du Congo, Kinshasa, mai 2004
* 19 MBUYI L., « La
problématique de la diffamation et des imputations dommageables par voie
de presse », in Code de déontologie des journalistes en
RDC, OMC, Kinshasa, février 2005.
* 20 MABANGA,
op.cit
* 21 CHARON J-M et FURET C.,
Un secret si bien violé : la loi, le juge et le
journaliste, Paris, Seuil, 2000.
* 22 TERROU F., op.
cit.
* 23 MUGAGGA C. et M'BAYA
D ; Comprendre les textes juridiques et déontologiques
régissant la presse en RDC, février 2006, Institut Panos
Paris, p.69
* 24 DELFORCE B.,
« La responsabilité sociale du journaliste : donner du
sens », in Les cahiers du journalisme n° 2, Lille,
2010.
* 25 Principes de Johannesburg
sur la liberté d'expression, ARTICLE 19, Londres.
* 26 MUGAGGA C. et M'BAYA
D ; Comprendre les textes juridiques et déontologiques
régissant la presse en RDC, février 2006, Institut Panos
Paris, p.69
* 27 L'article 23 de l'actuelle
constitution de la RDC stipule que toute personne a droit à la
liberté d'expression. Ce droit implique la liberté d'exprimer ses
opinions ou ses convictions, notamment par la parole, l'écrit et
l'image, sous réserve du respect de la loi, de l'ordre public et des
bonnes moeurs.
L'article 24 de la même constitution ajoute que toute
personne a droit à l'information. La liberté de presse, la
liberté d'information et d'émission par la radio et la
télévision, la presse écrite ou tout autre moyen de
communication sont garanties sous réserve du respect de l'ordre public,
des bonnes moeurs et des droits d'autrui.
* 28 Groupe de Recherche et
d'Echanges Technologiques
* 29 Nederland Institute for
Southen Africa
* 30 GUIBERT J. et JUMEL G.,
Méthodologie des pratiques de terrain en sciences humaines et
sociales, Paris, Armand Colin, 1997, p.112
* 31 Idem.
* 32 TSHIVIS T., M'BAYA D.,
MABANGA G., La dépénalisation des délits de presse en
10 questions, Kinshasa, 2005.
* 33 Ces deux projets ont
été préparés par la Commission Ekambo (du nom du
Professeur Jean-Chrétien Ekambo Duasenge, à l'époque
recteur de l'Institut Facultaire des Sciences de l'Information et de la
Communication et président de cette commission).
* 34 Voir rapport annuel
2004 de JED. Jean-Denis Lompoto, directeur de publication du
bihebdomadaire satirique Pili-pili paraissant à Kinshasa, avait
été incarcéré à Makala pour
« diffamation et imputations dommageables »
à l'endroit du ministre des mines, M. Eugène Diomi Dongala. En
effet, dans son édition n° 014 du vendredi 19 mars 2004, le
satirique Pili-pili avait publié un article intitulé
« No comment ». L'article était
accompagné d'une caricature montrant un homme politique du M17
(Mouvement du 17 mai), parti proche du pouvoir, en train d'enterrer le ministre
Diomi Ndongala. Il s'agissait de la traduction de la plainte
déposée, il y a quelques semaines, par M. Augustin Kikukama,
secrétaire général du M17, contre le ministre des mines
l'accusant de détournement de 3 millions de dollars US, abus de pouvoir
et corruption.
* 35 Ancien procureur
général de la République, dans son allocution, le 3
novembre 2007, au Palais du peuple à l'occasion de la rentrée
judiciaire.
* 36 TSHIMANGA MUKEBA, loc.
cit.
* 37 Rapport annuel 2008 de
JED.
* 38 Rapport annuel 2005 de
JED.
* 39 Rapport annuel 2008 de
JED, p.9
* 40 Rapport annuel 2000 de
JED.
* 41 DURKHEIM E., cité
par MERLE R. et VITU A., in Traité de droit criminel.
* 42 FONTBRESSEN P. cité
par LEGROS P., « Liberté de la presse, immunité
pénale et hiérarchie des valeurs », in
Mélanges offerts à Michel Hanotiau.
* 43 YETE K., op.
cit.
* 44 MONTESQUIEU, De
l'esprit des lois, Livre III, Chap. V, p.94.
* 45 Rapport annuel 2000 de
JED.
* 46 Rapport annuel 2009 de
JED, p8
* 47 Rapport annuel 2004 de
JED. Cas de Lucien-Claude Ngongo.
* 48 Rapport annuel 2004 de
JED. Cas de Jean-Denis Lompoto.
* 49 NGOY T., op.
cit., p.38
* 50 Fernand Tonnies,
sociologue allemand cité par OKOMBA WETSHISAMBI, cours de sociologie des
médias, 2ème licence journalisme, Ifasic, 2008,
inédit.
* 51 TCHAKHOTINE S., Le
viol des foules par la propagande politique, Paris, Gallimard, Nouvelle
édition revue et augmentée en 1952, 608p.
* 52 EKAMBO J.C.,
Paradigmes de communication, Ifasic éditions, Kinshasa, 2004,
p.47
* 53 JED, La liberté
de la presse en période électorale (assassinats, agressions,
menaces, expulsions, destructions, propagandes, procès bidons et
dérapages des médias), novembre 2006
* 54 Ancien président de
la Haute Autorité des Médias, dans son allocution lors de
l'atelier de Bondeko en 2004.
* 55 BUDIM'BANI F.,
« Débat sur la dépénalisation des délits
de presse en RDC », in Plaidoyer pour la
dépénalisation des délits de presse en RDC, Kinshasa,
2004
* 56 NGOY T., loc. cit.
* 57 AKELE P., loc.
cit.
* 58 African Media Institute
est une organisation non gouvernementale de défense et de promotion de
la liberté de la presse basée à Kinshasa mais dont son
coordonnateur, ancien journaliste congolais, réside aux Etats-Unis
d'Amérique.
* 59 Du nom d'un
« journaliste » sans rédaction mais visible dans
toutes les manifestations dans la ville de Kinshasa qu'il couvre sans les
publier. Son grand problème c'est de bénéficier des frais
de transport, généralement appelé
« coupage » que les organisateurs desdites manifestations
remettent aux journalistes.
* 60 Radio Okapi est née
depuis 2002 d'un partenariat entre les Nations unies et la Fondation
Hirondelle. Elle emploi près de deux cents journalistes travaillant sur
l'ensemble du territoire congolais. Ces journalistes sont bien
rémunérés, il leur est interdit formellement de prendre
des présents dans le cadre de l'exercice de leur métier offerts
par n'importe qui. C'est qui fonde l'impartialité, l'objectivité
et le professionnalisme dans le traitement des informations à cette
radio. Ses journalistes méritent du respect dans le milieu politique et
économique congolais grâce à leur indépendance
totale.
* 61 Institut Panos Paris,
Situation des médias en République Démocratique du
Congo, avril 2004.
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