Le financement du deficit budgetaire par la dette exterieure : cas de la RDC( Télécharger le fichier original )par Eric MAYAVANGUA DIKONDO Université Libre de Kinshasa - Licencié en Sciences de Gestion, Option Gestion Financière 2008 |
2.2. La dette odieuse de la République Démocratique du CongoIntervention de Christine Vanden Daelen, membre du Groupe Droit du CADTM à l'occasion d'une journée consacrée à l'audit de la dette de la République Démocratique du Congo (RDC) au sénat belge. Son intervention portera sur la dette de la période de Mobutu, véritable legs honteux de l'ancien dictateur et de ses banquiers à l'actuelle population congolaise. Quatre thèmes structureront progressivement son exposé. Il a entretenu tout d'abord du caractère hautement despotique du régime de Mobutu. Ensuite, il a analyse les principaux mécanismes conçus par ce régime pour s'assurer opulence et longévité (32 ans, ce n'est pas rien !) aux dépends des intérêts de sa population. Nous examinerons par la suite, le manque total d'orthodoxie financière des principaux créanciers de l'ex-Zaïre pour enfin conclure à la nullité absolue de cette dette dont a héritée la RDC à la fin du règne de son tyran. 2.2.1. Un pouvoir despotique ( Souverain dont l' autorité est arbitraire et absolue.)Le 13 juin 1960, le Congo belge obtient son indépendance. A l'issue d'élections démocratiquement organisées, Joseph KASAVUBU et Patrice Lumumba sont respectivement élus chef de l'Etat et Premier ministre. La cohabitation ne fut pas longue entre les deux dirigeants : le 5 septembre 1960, ils se révoquent mutuellement. Profitant de cette crise, Joseph Désiré Mobutu, chef de l'armée, assuré du soutien de la CIA, dissout la Constitution, neutralise la classe politique et met en place un nouveau gouvernement. Stigmatisé d'anti-américain et de procommuniste par les grandes puissances occidentales, Patrice Lumumba, gêne leur dessein géostratégique dans la région. C'est fort de leurs appuis politiques et financiers (notamment de l'Administration américaine) que le gouvernement Mobutu orchestra son assassinat le 17 janvier 1961. Après un long travail de sape, des soubassements institutionnels du jeune Etat, Mobutu, soutenu par l'étranger, démet le Président KASAVUBU et s'autoproclame, le 24 novembre 1965, Président de la République. Débute pour le pays, une période sombre où corruption, coercition et violation perpétuelle des droits humains constitueront les modes de gouvernement privilégiés d'un despote absolu qui mena les congolais à la précarité généralisée tant économique que sociale et culturelle. 2.2.2. Enrichissons-nous sur le dos des congolais !A tout observateur quelque peu attentif à la problématique de l'endettement du Zaïre, une première constatation s'impose comme une évidence : il existe une corrélation directe entre le gonflement de la fortune du clan Mobutu et le gonflement de la dette extérieure du pays. Durant 32 années, toutes les richesses produites et extraites du Zaïre, ne semblaient n'avoir comme ultime finalité que de renflouer la bourse des dirigeants et de leurs alliés. Le Zaïre de Mobutu constitue l'un des exemples les plus accomplis de la kleptocratie au pouvoir. Comme en atteste de nombreux rapports, la première source chronologique d'enrichissement de Mobutu fut constituée des pots de vin offerts par les gouvernements occidentaux. La plupart des contrats d'investissement furent souvent négociés à coup de commissions suivant un processus tellement habile et bien pensé que la transaction semblait tout à fait normale. Commentant ce système, Jean ZIGLER constate qu'il s'agissait "d'une ingénierie financière qu'aucun pays du sud et qu'aucun de leur gouvernement ne possédaient". Le savoir-faire des banquiers suisses ou autres était donc indispensable (...) Il est important de réaliser que ces systèmes de décapitalisation nécessitaient l'assistance technique des puissances financières occidentales (banques, intermédiaires financiers, etc.). Sans la complicité des banques, cela ne pouvait pas fonctionner insiste ZIEGLER3(*)3. Ensuite, les différents cycles de nationalisation, connus sous le nom de zaïrianisation du patrimoine détenu par des investisseurs étrangers, n'eurent pas d'autre objectif que d'enrichir les apparatchiks du système, Mobutu et sa femme en tête. Si cette réforme, dans un contexte d'indépendance, fut assez populaire, très vite l'enthousiasme céda la place à d'amères désillusions. La troisième source de revenus de ce régime provient du vol pur et simple de sommes faramineuses dans les caisses de l'Etat par le biais de multiples stratégies de captation des fonds publics. Enfin, le détournement des gains d'exportation des minerais constituait un des modes d'enrichissement illicite les plus lucratifs. Il a constitué un pillage systématique des ressources naturelles du Zaïre. Ainsi, des rapports de la Banque mondiale, notamment, illustrent ce pillage par le détournement de 150 millions à 400 millions US dollars par an des revenus d'exportation de cuivre et de cobalt, détenus par des entreprises d'Etat. Cette sombre énumération des mécanismes kleptomanes du régime ne saurait être exhaustive sans mentionner que vers le milieu des années '70, l'argent transféré au Zaïre sous forme de dons ou de prêts était automatiquement détourné de son objet initial. Ou bien ces dons ou prêts étaient directement transférés sur des comptes étrangers personnels3(*)4, ou bien ils étaient investis dans des projets de prestige inadaptés et/ou inutiles qui permirent l'enrichissement de nombreuses personnes mais sûrement pas l'industrialisation durable de l'économie. Lorsqu'on analyse les cycles d'endettement du Zaïre, c'est en 1973, suite à la montée des cours du cuivre et des matières premières sur les marchés internationaux que le pouvoir, fort de ressources budgétaires et de réserves de change renflouées, va massivement recourir aux emprunts extérieurs. Ce sera l'expansion fulgurante de grands projets coûteux à rentabilité lointaine qui gonfleront le stock de la dette sans participer au développement socio-économique du pays. Ainsi, de 1973 à 1979, le stock de la dette quadruple passant de 1 milliard 40 millions de $ à 4 milliards 526 millions de $3(*)5. Ces projets ne furent nullement basés sur la rationalité économique tant au niveau du stade de l'expertise, du financement que de l'exécution. Certains, dès la signature du contrat, n'avaient pour objectif que le profit des opérateurs. Il s'agissait d'investissements fictifs ou d'usines
fantômes. Souvent, une fois les frontières franchies, le
matériel était abandonné, dans des hangars, des ports, des
gares et, des fois même coulé dans le fleuve Zaïre.
Lorsque nous recensons l'ensemble des projets d'investissements réalisés au Zaïre, il apparaît clairement que pris dans leur ensemble, ces investissements furent coûteux, dénués de toute utilité économique réelle, et tombent actuellement en complète désuétude. Pour s'en souvenir, il reste leur localisation mais surtout le stock d'un endettement s'élevant de plus de 12 milliards de $ en 1997 qui pèse sur les épaules de tout un peuple et laisse aux futures générations congolaises le souvenir de l'indépendance ratée du Congo. 2.2.3. Une logique financière peu orthodoxe Nous arrivons à la partie portant sur le manque total
d'orthodoxie financière des principaux créanciers du Zaïre
de Mobutu. En effet, le monde de la finance internationale n'ignorait en rien
la nature hautement kleptocratique du régime. Déjà, en
1968, un rapport des Nations-Unies pointait du doigt la corruption qui
caractérisait le régime de Mobutu. En 1982, Erwin Blumenthal,
senior du FMI, après avoir démissionné suite à des
menaces de mort de son poste de Directeur de la Banque Centrale du Zaïre
écrivit un rapport3(*)6 détaillant précisément les
pratiques mafieuses de la "bourgeoisie politico-commerciale zaïroise".
D'abord confidentiel, il fut rendu public en 1982. Il dénonçait
la corruption ambiante du régime, la nature des corrupteurs et
même certains noms de firmes étrangères, qui de près
ou de loin, participèrent au pillage congolais. Le message le plus fort
de ce rapport fut cet avertissement à la Communauté
Internationale : "Il y aura certainement de nouvelles promesses de Mobutu
et des membres de son gouvernement qui rééchelonneront encore et
encore une dette extérieure toujours croissante, mais aucune perspective
n'est offerte aux créanciers du Zaïre de retrouver l'argent qu'ils
y ont investi dans un futur prévisible". De plus, en continuant d'assister ce système
tyrannique, qui, pourtant n'honorait pas ses engagements, les créanciers
- notamment les Etats-Unis, la France, la Belgique et la Suisse - se sont
rendus complices des exactions contre les droits humains, sociaux,
économiques et culturels commises par le régime de Mobutu mais
aussi, de sa longévité. A ce niveau d'analyse, force est de constater l'anachronisme suivant : comment se fait-il qu'un pays ayant autant fait ses preuves en tant que mauvais payeur, soit considéré, dans les années '80, comme l'élève modèle du FMI et bénéficie de surcroît des largesses de la communauté financière internationale ? Cette complaisance de l'étranger s'explique par des considérations politiques et géostratégiques. Dans le contexte de la guerre froide, Mobutu constituait un rempart, et de ce fait, un allié stratégique fort pour les Etats-Unis contre l'expansion du communisme en Afrique Centrale. Cependant, peu à peu, la bienveillance consensuelle des Etats "amis" envers le régime de Mobutu, s'effrite ça et là. A partir de 1990, le Zaïre commence à être isolé de la scène internationale. La chute du mur de Berlin marque la fin de la guerre froide et l'allié Mobutu perd de sa splendeur et de son intérêt. Dès lors, les déboursements se font rares et le transfert net tend à être négatif à partir de 1990 comme l'atteste un rapport de la Banque Mondiale (1996)3(*)7. En 1991, le FMI rompt les relations avec le Zaïre, la Banque Mondiale fera de même en 1993. Sans nouveaux déboursements étrangers, le pays ne dispose pas de liquidités suffisantes pour satisfaire au remboursement de sa dette. Il en suspend le service en 1994. Les intérêts et les pénalités seront capitalisés, gonflant le stock de la dette. Le Zaïre vampirisé par sa classe dirigeante et privé de ses atours géostratégiques ne peut continuer à faire la parade : les aides, prêts et dons ne seront plus que de lointains mirages pour ce pays, complètement délaissé par la Communauté Financière Internationale. En effet, la dette léguée au Congo par le
régime de Mobutu possède tous les "attributs" d'une dette
odieuse, doctrine constituant une exception en droit international et
introduite dans les années 20 par un juriste allemand, Alexander Sack,
Ainsi, "si un pouvoir despotique contracte une dette non pas pour les besoins
et dans les intérêts de l'Etat, mais pour, notamment fortifier son
régime despotique et réprimer la population, cette dette est
odieuse pour la population de l'Etat entier. Dès lors, elle n'est pas
obligatoire pour la nation. En tant que dette personnelle du pouvoir qui l'a
contractée, elle tombe avec la chute de ce pouvoir3(*)8. De fait, il est totalement cynique et immoral d'exiger d'une victime de rembourser les dettes contractées par ses bourreaux. * 33 WILLAME Jean-Claude, «L'épopée D'Inga, Chronique d'une prédation industrielle», L'Harmattan, Paris, 1986, pp.231-232 * 34 WILLAME Jean-Claude, Op.cit., p. 346 * 35 Banque Mondiale, Rapport sur, Global Development Finance and World Development Indicators, 2002, p.123 * 36 BLUMENTHAL E., «Report on her Financial Credibility», Typescript, April 7, 1982, p.19. * 37 NDIKUMANA L., et BOYCE J., «Congo's Audio Dept : external borrowing and Capital Flights», department of Economics, University of Massachusetts, 1997, p.75 * 38 NAHUM. SACK, « Les effets de transformation des Etats sur leurs dettes publiques et autres obligations financières », Recueil Sirey, Paris, 1927, p.46-157. |
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