Etude d'impact environnemental en droit français et camerounais( Télécharger le fichier original )par Faustine Villannaeau FOTSO CHEBOU KAMDEM Université de Limoges - Master II en Droit International Comparé de l'Environnement (DICE) 2009 |
Section II. Les insuffisances respectives des systèmes juridiques.Nous étudierons tour à tour les insuffisances de la réglementation camerounaises et celles françaises. ParagrapheI. Les insuffisances propres au droit français Le système français admet l'incertitude scientifique dans l étude d'impact et subordonne le déclenchement à un critère financier qui n'est pas sans conséquence dans la réglementation. A. La prise en compte de l'incertitude scientifique dans l'étude d'impact français. Une cinquième partie a été ajoutée au canevas de l'étude d'impact depuis le décret du 25 février 1993. Elle consiste en "une analyse des méthodes utilisées pour évaluer les effets du projet sur l'environnement mentionnant les difficultés éventuelles de nature technique ou scientifique rencontrées pour établir cette évaluation". Si la première sous partie, c'est-à-dire l'analyse des méthodes utilisées, est salutaire dans le cadre du contrôle de l'étude d'impact, il n'en va pas de même pour la seconde sous partie, notamment la mention des difficultés éventuelles de nature technique ou scientifique. En d'autres termes, le décret a admis que l'expertise scientifique a le droit de comporter des carences issues des difficultés liées au contexte de « pluralisme de vérités »170(*). Le caractère irréfragable de l'expertise scientifique est battu en brèche. Il s'induit ainsi que les effets sur l'environnement ne seront pas précisément prévus et la catastrophe peut survenir à tout moment. L'expert va donc établir un rapport truffé d'incertitude et c'est sur cette base que la décision d'approbation ou d'autorisation sera rendue. Une des questions qui peut flâner à l'esprit au regard de cette disposition est de savoir si en raison des difficultés rencontrées, le maître d'ouvrage pourrait s'exonérer puisqu'il s'agit là des faits qui ne relèvent pas de sa faute. B. Le critère financier, une possibilité laissé au promoteur de se soustraire à une étude d'impact Le projet est financé par le maître d'ouvrage. Il lui appartient unilatéralement de calculer le montant de ses dépenses relatives au projet. Or, il apparaît que le déclenchement de l'étude d'impact est tributaire de son calcul. Précisément, si l'état de ses dépenses est supérieur ou égal un million neuf cent 1.900.000) euros, son projet sera soumis obligatoirement à une étude d'impact. Il ne sera donc pas étonnant de voir pour la première fois, un investisseur minorer ses dépenses pour échapper à une procédure qui dérange. De plus, il peut arriver qu'une somme de petits projets dérisoires, échappant à la procédure d'impact du fait du seuil financier, génèrent des impacts environnementaux, sociaux et sanitaires incommensurables, voire extrêmement dangereux qu'un grand projet très coûteux. ParagrapheII. Les insuffisances de l'étude d'impact en droit camerounais. Développons particulièrement le problème de la formation et de l'information des acteurs et celui de l'agrément des bureaux d'étude sans oublier celui de la concussion et de la corruption des fonctionnaires de l'environnement. A. L'absence de formation et d'information des acteurs en cause. La capacité du public à faire des propositions lors des consultations et audiences publiques est un gage de crédibilité et d'efficacité de l'étude d'impact. Or, il se trouve que la plupart des projets de développement au Cameroun s'effectuent dans les zones rurales peuplées par des villageois analphabètes. Dans cette circonstance, il est manifeste que ces villageois ne pourront pas intervenir efficacement pour s'opposer aux différentes articulations de l'étude d'impact. Il a été remarqué que les populations concernées par le projet se contentent très souvent des retombées économiques sans se soucier des effets environnementaux du projet sur l'environnement. Les associations souvent actives dans le domaine de l'environnement ne sont pas informées de la mise en oeuvre des projets. Celles qui sont informées ne sont pas suffisamment outillées pour être une force de proposition efficiente. En France, les associations sont de véritables contrepoids du pouvoir décisionnel dans le domaine des études d'impact. Par ailleurs, le problème de formation sur l'environnement, et particulièrement sur l'étude d'impact171(*), se pose avec acuité. L'enseignement du droit de l'environnement est quasi inexistant dans les universités camerounaises172(*)alors qu'en France les universités et instituts qui offrent les formations en matière d'environnement sont innombrables. Une étude réalisée par la Cour de Cassation française au Cameroun et dans certains pays africains relève que les ressources en droit de l'environnement mises à la disposition des magistrats se limitent aux dispositions législatives et règlementaires173(*). Elle révèle également que la formation continue des magistrats n'est pas systématique, et que lorsqu'elle est prévue elle n'inclut jamais le droit de l'environnement. Cette étude constate enfin qu'aucune juridiction au Cameroun n'est spécialisée en droit de l'environnement. Cette circonstance a pour conséquence que le magistrat saisit d'une question d'étude d'impact aura tendance à « se déposséder » du dossier au profit de l'expert judiciaire qui pourrait être commis. S'agissant de la formation des fonctionnaires, elle est très souvent complétée par des séminaires qui se focalisent sur l'aspect technique que juridique de la procédure d'étude d'impact. Relevons que l'information est diffusée par voie d'affichage sur les murs de la sous préfecture et de certains bâtiments administratifs et dans certains quotidiens. Contrairement dans le système français où il est possible de savoir avec exactitude les études d'impact réalisées, il n'est pas possible au Cameroun d'avoir les mêmes statistiques. De même, il n'est pas possible pour les administrations qui recueillent les demandes d'étude d'impact de savoir si celles ci ont fait l'objet d'un certificat de conformité environnementale du MINEP. La cause est qu'il n'y a pas le retour d'informations du MINEP vers les administrations périphériques pour leur permettre d'effectuer leur statistique. B. Les insuffisances liées à l'exercice des bureaux d'étude. Le décret du 23 février 2005 a précisé les conditions de l'agrément d'un bureau d'étude. Nulle part, il n'a été prévu l'exigence d'une équipe pluridisciplinaire pour l'obtention de l'agrément. Or, l'exclusivité accordée aux bureaux d'étude devait conduire à plus d'exigence dans les compétences techniques. Dès lors, des responsables de cabinet qui ont obtenu l'agrément font eux-mêmes recours à des experts dans les autres disciplines qui ne relèvent pas de leur compétence. L'expérience requise par le texte porte sur les domaines des études environnementales, et non sur la pratique des études d'impact. Par ailleurs, le décret indique que le bureau d'études peut être suspendu s'il est constaté une qualité médiocre des prestations fournies de manière cumulée dans trois rapports d'études. Précisément, l'administration va admettre la médiocrité de l'expert qu'elle a elle-même donné l'agrément après deux échecs. Il est alors à se poser la question de savoir quel sera le sort des projets réalisés sur la base des rapports médiocres qui ont échappé à la vigilance de l'administration. Les conséquences sur l'environnement se passent de tout commentaire évidemment. Un proverbe Bassa174(*) enseigne que « repérer le mal sans le soigner serait ajouter un autre mal celui de l'inaction ». Conclusion : Les réformes successives en France traduisent la volonté du pouvoir réglementaire d'améliorer la réglementation des EIE. Parler d'amélioration, c'est reconnaître également l'existence des insuffisances. En interprétant les textes, de nombreuses insuffisances ont été relevées dans les deux systèmes juridiques, notamment l'emprise de l'expertise scientifique sur le droit de l'environnement, les coûts de la procédure etc. Il a alors été précisé que ces insuffisances étaient inhérentes à la réglementation. En droit camerounais, le problème de l'absence de formation et d'information a été souligné et les conditions pour l'agrément des bureaux d'études ont été décriées. En droit français, l'exigence de la mention des difficultés rencontrées a été perçue comme une défaillance du système. En tout état de cause, toutes ces insuffisances peuvent être améliorées * 170 Lire Eric Naim-Gesbert, op.cit * 171 A notre connaissance, seul l'IPD-AC dispose d'un module de formation sur l'étude d'impact dans le cadre de son programme de maîtrise en développement durable. Soulignons qu'il s'agit là d'un institut régional implanté au Cameroun * 172 Il nous semble que seule l'université de Dschang dispose d'un programme d'enseignement sur le droit de l'environnement. L'université de Douala où les industries sont constellées n'a pas un tel programme de formation * 173 Madame Dominique Guihal, conseillère référendaire à la C.C, synthèses des questionnaires, colloques et activités de formation 2005 in htpp// : www. Courdecassation. * 174 Il s'agit là l'une des grandes tribus majoritaires du Cameroun, localisée dans la région du Littoral. |
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