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Le pourvoi en cassation devant la cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA

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par Koudzo Igneza NAYO
Ecole Nationale d'Administration (ENA-TOGO) - Diplome, cycle III de l'ENA, Magistrature 2009
  

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INTRODUCTION

Le droit des affaires étant en constante évolution, le corpus juridique légué en la matière par le colonisateur aux lendemains des indépendances à la plupart des Etats de la zone franc a très vite montré ses insuffisances. Ces insuffisances, qui proviennent parfois de la coexistence des textes difficilement compatibles voire contradictoires, parfois aussi de l'inadaptation des lois de fond et de procédure, furent amplifiées par les dysfonctionnements des services judiciaires, les fantaisies et l'imprévisibilité de bon nombre de tribunaux et surtout les difficultés enregistrées dans l'exécution des décisions de justice. Il était donc devenu impérieux pour ces Etats de remédier à ces insuffisances source d'insécurité juridique et judiciaire. C'est ainsi qu'ils ont entrepris un vaste chantier de modernisation de leur droit des affaires qui a abouti à la création de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA)1(*). Le Traité instituant cette organisation a été signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis en Ile Maurice par quatorze pays2(*).

La nouvelle organisation ainsi créée a donc pour objectifs principaux, la création d'un espace juridique commun par la promulgation d'Actes Uniformes3(*) applicables dans tous les Etats parties au Traité, la promotion de l'arbitrage comme mode de règlement des différends contractuels, le soutien à l'intégration économique africaine et l'institution d'une communauté économique africaine. On comprend donc que l'OHADA avait pour ambition d'explorer un droit unique des affaires, simple, moderne, transnational commun aux Etats parties, adapté à la situation de leurs économies, et susceptible, de ce fait, de restaurer la confiance des investisseurs. C'est justement à ce propos que le Juge Keba Mbaye4(*) affirmait que l'OHADA est « un outil juridique imaginé et réalisé par l'Afrique pour servir l'intégration économique et la croissance ».

Afin de remplir les objectifs qu'elle s'est assignée, l'Organisation s'est dotée d'un système institutionnel comprenant un Conseil des Ministres5(*), un Secrétariat Permanent6(*), une Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA)7(*), et une Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA).

La présente étude a pour objet cette dernière institution et se rapporte précisément au mécanisme du pourvoi en cassation organisé devant elle.

La CCJA, pouvons-nous dire, est une institution très importante qui se situe au coeur du système juridique et judiciaire de l'OHADA. Son siège se trouve à Abidjan en Côte d'Ivoire. Elle se compose de sept juges élus à la majorité des voix et au scrutin secret par le Conseil des Ministres pour un mandat de sept ans renouvelable une fois. Lesdits juges jouissent, dans l'exercice de leurs fonctions, de privilèges et immunités diplomatiques et sont inamovibles une fois élus.

Le Traité de l'OHADA attribue à la CCJA des fonctions arbitrales8(*) et juridictionnelles. Nous retiendrons uniquement, dans les développements qui suivront, les fonctions juridictionnelles de ladite institution, notamment l'examen par elle des pourvois en cassation qui lui sont soumis et les conséquences qui en découlent.

Au Togo, aux termes de l'article 219 du Code de Procédure Civile, « le pourvoi en cassation est une voie de recours tendant à mettre à néant un jugement en dernier ressort qui lèse le requérant par suite d'une méconnaissance ou d'une interprétation erronée de la loi ou par suite d'une violation des règles de procédure prescrites à peine de nullité. ». Il est un recours extraordinaire formé devant la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême (pour les juridictions judiciaires) ou devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême (pour les juridictions administratives), contre une décision de justice rendue en dernier ressort. Cette voie de recours est offerte aux parties à l'instance suite à un arrêt rendu en appel, ou suite à un jugement de première instance non susceptible d'appel. La Cour Suprême n'est pas un troisième degré de juridiction intervenant après l'appel lorsque celui-ci est possible, car le juge de cassation ne rejuge pas le litige. Il vérifie seulement le respect des règles de procédure et la correcte application du droit par les juges du fond. Il rend ainsi un arrêt de rejet, s'il est du même avis que les juges du fond, ou un arrêt de cassation, s'il est d'avis contraire.

Dans le cadre de ses fonctions juridictionnelles, la CCJA, par le mécanisme du pourvoi en cassation, connaît du contentieux relatif à l'application des Actes Uniformes pris en application du Traité de l'OHADA. En effet, aux termes de l'article 14 alinéa 3 dudit Traité, « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application des Actes Uniformes et des Règlements prévus au présent Traité à l'exception des décisions appliquant des sanctions pénales ». De la sorte, la CCJA est la juridiction suprême, mieux encore, la juridiction de cassation des Etats membres de l'OHADA dès lors qu'il s'agit des litiges relatifs au droit harmonisé de l'OHADA, et se prononce donc sur les décisions rendues par les juridictions nationales d'appel ou celles rendues en premier et dernier ressort par les juridictions nationales de première instance9(*). A ce propos, Laurent BENKEMOUN a pu d'ailleurs qualifier la situation de « révolution institutionnelle unique au monde ».

Il se trouve donc organisée au sein de l'OHADA, une supranationalité judiciaire10(*) de la CCJA, laquelle se manifeste par sa substitution aux juridictions de cassation nationales dans les litiges relatifs à l'application du droit OHADA, précisément les Actes Uniformes.

Cette substitution s'applique même aux juridictions du fond lorsqu'il y a cassation dans la mesure où l'article 14 alinéa 5 du Traité prévoit qu' « en cas de cassation, elle [la CCJA] évoque et statue au fond »11(*). Un pouvoir d'évocation est ainsi accordé à la CCJA au travers de cet article. Expression parfaite de la suprématie du juge supranational à l'égard des juges nationaux, il permet ainsi à la Cour Commune de ne pas opérer de renvoi de la décision qui lui a été déférée et lui « donne donc compétence juridictionnelle pour connaître des faits de l'espèce, en se comportant comme une juridiction de renvoi de ses propres arrêts de cassation ».12(*)

Sans aucun doute, ce mécanisme de substitution tel qu'il est organisé par le Traité de l'OHADA, fait du pourvoi en cassation devant la CCJA un mécanisme profondément innovant et original. La question reste cependant posée de savoir si c'est seulement ce pouvoir d'évocation qui fait du pourvoi en cassation devant la CCJA un mécanisme innovant et original. Certainement pas, dans la mesure où l'étude des conditions du pourvoi et de la procédure suivie devant la CCJA permet également de déceler dans ledit mécanisme une certaine originalité.

Force est de reconnaître toutefois que le pourvoi en cassation devant la CCJA est source de nombreuses inquiétudes et difficultés.

Les difficultés, en premier lieu, sont d'ordre substantiel et découlent directement du pouvoir d'évocation accordé à la Cour. Elles sont relatives au caractère équivoque du droit de contrôle de la Cour et à l'interprétation proprement dite des Actes Uniformes.

Relativement au caractère équivoque du droit de contrôle de la Cour, des incertitudes existent quant au principe du rejet des moyens mélangés de fait et de droit par la Cour et quant aux sources formelles qu'elle contrôle. N'y a-t-il pas contradiction entre les termes dès lors qu'on considère la CCJA comme une « juridiction de cassation qui statue sur le fond » ?

Pour ce qui est de l'interprétation proprement dite des Actes Uniformes, il n'est pas exclu qu'un pourvoi en cassation intéresse à la fois le droit OHADA et le droit interne d'un Etat membre. Nous sommes alors tenté, comme l'a écrit Pierre MEYER, de nous poser les questions ci-après : « comment faut-il, dans ce cas, régler, le partage de compétences entre la juridiction commune et les juridictions nationales ? Faut-il attribuer compétence pour l'intégralité du litige à la Cour Commune ? Faut-il former deux pourvois en cassation contre la même décision, l'un devant la juridiction nationale de cassation et l'autre devant la juridiction commune ? Faut-il former un seul pourvoi avec deux moyens destinés à deux juridictions différentes de sorte que la juridiction nationale de cassation renvoie l'affaire devant la CCJA après s'être prononcée sur l'application des dispositions du droit interne non harmonisé ? Ou l'inverse, c'est -à- dire saisir d'abord la CCJA qui, après s'être prononcée, renvoie devant la juridiction nationale de contrôle de légalité? ».13(*) Aussi, n'est-il pas impossible qu'un pourvoi en cassation devant la CCJA puisse impliquer des matières également régies par d'autres droits communautaires, en l'occurrence, le droit de la concurrence, le droit des sociétés coopératives et mutualistes, entre autres, dont l'unité et l'interprétation est aussi confiée à d'autres juridictions supranationales à l'instar de la Cour de Justice de l'UEMOA14(*), de la CEDEAO15(*) et de celle de la CEMAC16(*). Il apparaît donc, à cet égard, un risque inéluctable de conflits de compétences entre ces juridictions supranationales. La question reste encore posée : comment faut-il régler le partage des compétences entre elles ?

S'agissant, en second lieu, des inquiétudes, elles portent essentiellement sur la procédure suivie devant la CCJA. Ainsi, des interrogations demeurent quant à l'éloignement de son siège de certains Etats parties, à son manque d'auto saisine, à la non définition des cas d'ouverture à cassation devant elle, à la langue de procédure adoptée devant elle et à la force exécutoire de ses arrêts.

C'est pour apporter notre contribution à une meilleure connaissance de l'instance en cassation devant la CCJA, et lever l'équivoque qui a toujours entouré cette instance en raison du pouvoir d'évocation accordé à la Cour, que nous avons porté notre choix sur le thème suivant : Le pourvoi en cassation devant la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA.

Par rapport à tout ce qui précède, notre étude se propose de démontrer, dans une première partie, que le pourvoi en cassation devant la CCJA est un mécanisme profondément original et innovant (Première Partie), puis faire ressortir dans une seconde partie que, malgré son originalité, ce mécanisme, tel qu'il est organisé, est source de nombreuses difficultés et inquiétudes (Deuxième Partie).

PREMIERE PARTIE

LE POURVOI EN CASSATION DEVANT LA

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D'ARBITRAGE, UN MECANISME ORIGINAL ET

INNOVANT

La solution donnée par une juridiction d'instance ou d'appel d'un Etat partie à un différend relatif aux Actes Uniformes peut ne pas agréer une des parties litigantes. La possibilité est donc offerte à cette partie de contester la décision intervenue devant la CCJA. Cette contestation est introduite par le biais du mécanisme du pourvoi en cassation. A examiner de près ce mécanisme, on se rend facilement compte qu'elle est très singulière à bien des égards.

Dans cette première partie, la singularité du pourvoi en cassation devant la CCJA sera mise en exergue à travers l'étude de la manière dont est organisé ce pourvoi (Chapitre I) et des décisions susceptibles d'être rendues par la CCJA(Chapitre II).

CHAPITRE I : L'ORGANISATION DU POURVOI EN CASSATION DEVANT LA CCJA

Le pourvoi en cassation devant la CCJA nécessite certaines conditions précises pour sa recevabilité. Le présent chapitre nous permettra d'examiner ces conditions (Section 1). Aussi, nous permettra t-il de mieux connaître les personnes et organes habilités à former ledit pourvoi et la procédure suivie par ceux-ci pour ce faire (Section 2).

Section I : Les conditions du pourvoi

Ici, nous examinerons dans une première partie, les conditions relatives à l'application des textes OHADA (Paragraphe 1), puis dans une seconde partie, celles relatives aux décisions déférées à la CCJA (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les conditions relatives à l'application des textes OHADA

Nous nous intéresserons dans ce paragraphe aux Actes Uniformes (A) et aux Règlements prévus au Traité (B).

A- L'application des Actes Uniformes

Le pourvoi en cassation devant la CCJA n'est recevable qu'à certaines conditions bien déterminées. Au nombre de ces conditions, figure l'application des Actes Uniformes. En d'autres termes, pour que le pourvoi en cassation devant la CCJA soit recevable, il faut que le litige porté par ce recours devant la Cour soit relatif au droit harmonisé de l'OHADA, en l'occurrence, les Actes Uniformes. En effet, les Actes Uniformes sont « des actes pris pour l'adoption des règles communes relatives au droit des sociétés et au statut juridique des commerçants, au recouvrement des créances, aux sûretés, aux voies d'exécution, au régime de redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de l'arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et des transports, et toute autre matière que le Conseil des Ministres déciderait, à l'unanimité, d'y inclure (...) »17(*). Sur les huit matières indiquées précédemment, sept ont déjà fait l'objet d'Actes Uniformes par leur adoption par le Conseil des Ministres de l'OHADA. Il s'agit précisément des Actes Uniformes relatifs au droit commercial général, au droit des sociétés commerciales et du G.I.E, au droit des sûretés, aux contrats de transports de marchandises par route, aux procédures simplifiées de recouvrement et les voies d'exécution, aux procédures collectives d'apurement du passif, à l'arbitrage et à l'harmonisation des comptabilités des entreprises, étant entendu que celui relatif au droit du travail est toujours en projet.

De la sorte, tous les litiges relatifs aux matières expressément définies par le Traité constitutif de l'OHADA comme étant des Actes Uniformes peuvent être déférés devant la CCJA par le biais du pourvoi en cassation. Ainsi se trouve donc délimité, par la même occasion, un des domaines de compétence de la CCJA, notamment l'exclusivité en matière de recours en cassation pour les contentieux dénoués par l'application des Actes Uniformes.

B- L'application des Règlements prévus au Traité

L'article 14 alinéa 3 du Traité de l'OHADA édicte : « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application des Actes Uniformes et des Règlements prévus au présent Traité (...) ». Il ressort donc de cet article que la CCJA peut connaître également des litiges relatifs à l'application des Règlements prévus au Traité de l'OHADA.

Les Règlements sont des textes adoptés en cas de nécessité par le Conseil des Ministres de l'OHADA pour l'application du Traité.18(*) A ce jour, cinq Règlements ont été pris en application dudit Traité. Il s'agit du Règlement de procédure de la CCJA, pris en application de l'article 19 alinéa 1 du Traité19(*), le Règlement d'Arbitrage de la CCJA que complètent deux décisions relatives aux frais d'arbitrage, le Règlement financier des institutions de l'OHADA, les Règlements relatifs au statut des fonctionnaires et au régime applicable au personnel de l'OHADA.

Toutefois, il convient de mentionner que même si l'article 14 alinéa 3 sus-cité prévoit que les Règlements peuvent faire l'objet de pourvois en cassation, il est douteux que cela puisse être le cas dans la pratique. En effet, les Règlements, partie intégrante du Traité, lequel ne règle que « les rapports entre les organes de l'OHADA et entre cette organisation et les Etats parties »20(*), ne sont pas invoqués par les justiciables d'un recours en cassation dans la mesure où ceux-ci invoquent plutôt et presque toujours la violation des Actes Uniformes dans les contentieux judiciaires privés qu'ils soumettent à la CCJA. Ainsi, il apparaît que seuls les organes de l'OHADA et les Etats parties peuvent invoquer la violation d'un Traité par le biais d'un recours en cassation. Au demeurant, en pareille situation, ni le Traité ni le Règlement de Procédure de la CCJA ne prévoient ni ne règlent le recours d'un organe contre l'autre, ou encore celui d'un Etat partie contre un autre devant la Cour.

Les conditions du pourvoi en cassation devant la CCJA concernent non seulement l'application des textes OHADA, mais aussi et surtout les décisions pouvant être déférées à la Cour.

Paragraphe 2 : Les conditions relatives aux décisions déférées à la CCJA

Les décisions contre lesquelles les justiciables d'un contentieux judiciaire privé peuvent se pourvoir en cassation devant la CCJA sont celles rendues par les juridictions de fond des Etats parties à l'OHADA, en l'occurrence, les Cours d'Appel et les juridictions de première instance (A), mais encore faut-il, que ces décisions relatives aux Actes Uniformes, n'appliquent pas des sanctions pénales (B).

A- Des décisions des Cours d'Appel et des juridictions de première instance

Il ressort de l'article 14 alinéa 3 du Traité de l'OHADA que lorsque la CCJA est saisie par la voie du recours en cassation, elle se prononce, conformément à l'article 13 du Traité21(*), sur les décisions rendues par les juridictions d'appel nationales ou celles rendues en premier et dernier ressort par les tribunaux de première instance . En d'autres termes, ce sont les arrêts rendus par les Cours d'Appel des Etats parties à l'OHADA ou les jugements rendus par leurs juridictions de première instance qui peuvent être déférés à la CCJA par un recours en cassation.

Les arrêts rendus par les Cours d'Appel, le sont en dernier ressort tandis que les jugements des juridictions de première instance susceptibles d'être déférés à la CCJA, le sont en premier et dernier ressort et ne sont donc pas susceptibles d'appel, les litiges tranchés étant de faibles valeurs. Au Togo par exemple, relativement à ce qui vient d'être dit, l'article 39 de l'Ordonnance N° 78-35 du 7 septembre 1978 portant organisation judiciaire dispose que les Tribunaux de Première instance, « en matière civile et commerciale, connaissent en premier et dernier ressort des actions jusqu'à la valeur de 100.000 francs en capital ou 10.000 francs en revenus annuels calculés soit par rente soit par prix de bail. Ils statuent en premier ressort à charge d'appel pour les actions s'élevant au-dessus de ces sommes ainsi que pour celles dont le taux ne peut être évalué en argent ».

Les décisions ainsi prises par les juridictions de fond des Etats parties doivent l'être concernant les Actes Uniformes comme nous l'avons déjà examiné, mais aussi ne doivent pas appliquer des sanctions pénales.

B- Des décisions n'appliquant pas des sanctions pénales

Les décisions nationales que nous venons d'examiner, pour être déférées à la CCJA, ne doivent pas appliquer des sanctions pénales. En d'autres termes, les décisions concernées ne doivent pas contenir des condamnations pénales à l'instar des peines privatives de liberté ou des amendes, par exemple, prévues par les Codes Pénaux des Etats parties. Nous pouvons néanmoins penser que lorsque lesdites décisions contiennent des sanctions pénales relatives au droit pénal des affaires de l'OHADA, elles peuvent faire l'objet d'un recours en cassation devant la CCJA. Mais une question se pose donc dans ce cas, celle de savoir si la CCJA sera compétente pour juger de la qualification des faits relevant d'incriminations de l'OHADA. En cas de réponse affirmative à cette question, on entrevoit une division du contentieux pénal entre la CCJA (qualification de l'incrimination) et les cours de cassation nationales (répression), ce qui constitue une difficulté du pourvoi en cassation devant la CCJA à laquelle il faudra trouver une solution. Nous y reviendrons dans la deuxième partie de notre travail, plus précisément dans la section 1 du premier chapitre.

Quid des modes de saisine et de la procédure suivie devant la CCJA ?

Section II : Les modes de saisine et la procédure suivie devant la CCJA

Nous examinerons, sous cette section, dans une première partie, les personnes et organes habilités à saisir la CCJA (paragraphe 1), puis, dans une seconde partie, la procédure qui y est suivie (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les personnes et organes habilités à saisir la CCJA

La CCJA peut être saisie soit par les parties au litige (A) soit par les juridictions suprêmes nationales (B).

A- La saisine par les parties au litige

Deux sortes de situations sont envisageables s'agissant de ce mode de saisine de la CCJA. Il s'agit de la saisine par une partie au procès soit pour soulever l'incompétence d'une juridiction nationale, soit pour un recours en dernier ressort.22(*)

S'agissant, en premier lieu, de la saisine par une partie en dernier recours, il y a lieu de mentionner qu'elle intervient lorsqu'une partie, souhaitant se pourvoir en cassation contre un arrêt d'une cour d'appel statuant sur le fond dans une affaire soulevant des questions ayant trait à l'application des Actes Uniformes, saisit directement la CCJA. C'est l'hypothèse classique du pourvoi en cassation pour violation, méconnaissance ou mauvaise interprétation de la loi. Ainsi, dans un tel cas, le recours en cassation doit être présenté au Greffe de la CCJA dans les deux mois de la signification de la décision attaquée.23(*)

Pour ce qui est, en second lieu, de la saisine par une partie pour incompétence, elle est prévue par l'article 18 alinéa 1 du Traité.24(*) De la sorte, la CCJA peut être directement saisie par une partie qui, après avoir soutenu en vain l'incompétence d'une juridiction nationale statuant en cassation, estime que cette juridiction a méconnu la compétence de la CCJA. La saisine doit intervenir dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. Le greffe de la CCJA, quant à lui, signifie ce pourvoi à toutes les parties à la procédure. Celles-ci peuvent, trois mois au plus tard après cette signification, présenter un mémoire qui peut être combattu par un mémoire en réponse du requérant dans le délai fixé par le Président. Si la CCJA conclut à l'incompétence de la juridiction nationale, la décision que cette dernière a rendue est réputée nulle et non avenue. Chaque partie dispose alors d'un délai de deux mois pour contester devant la CCJA la décision des juges d'appel.

B- La saisine par les juridictions suprêmes nationales

Dans le cadre d'un contentieux privé judiciaire, la saisine de la CCJA peut également être initiée par une juridiction suprême nationale. Dans cette hypothèse, il s'agit d'un renvoi de l'affaire par la juridiction nationale statuant en cassation et s'estimant incompétente pour connaître de l'affaire à elle soumise parce qu'étant dénouée par l'application des Actes Uniformes. Ainsi, la procédure de cassation pendante par-devant elle est suspendue de plein droit. Toutefois, cette procédure pourra reprendre si la CCJA, par un arrêt, se déclare incompétente pour connaître de l'affaire.

Une telle possibilité est cependant difficilement compréhensible. En effet, si au stade de la cassation, l'application du droit harmonisé relève de la compétence de la seule CCJA, on comprend mal qu'une Cour de cassation nationale puisse être saisie à ce sujet. Le but de l'institution par le législateur OHADA d'une juridiction unique chargée de veiller à la bonne application du droit harmonisé est d'éviter, en effet, qu'il y ait autant d'interprétation et d'application des Actes Uniformes que de juridictions nationales. C'est pour cette raison que toute juridiction suprême nationale qui serait saisie d'un litige relatif au droit harmonisé devrait, en principe, se déclarer incompétente afin de ne pas engendrer un conflit de compétence entre la CCJA et elle. Ce dernier aspect fera l'objet de plus amples développements dans la deuxième partie de notre travail.

Une fois la Haute Cour saisie par l'un quelconque des moyens que nous venons d'évoquer, une procédure spécifique devant aboutir à l'examen du litige et à sa solution est à observer par les parties.

Paragraphe 2 : La procédure contentieuse devant la CCJA

Toute partie à un litige devant la CCJA doit se faire représenter par un conseil étant entendue que la procédure en vigueur dans cette institution est essentiellement écrite (A). Hormis les principales parties litigantes, une possibilité d'intervention des tiers au contentieux, objet du recours en cassation a été prévue par le législateur OHADA (B).

A- L'obligation du ministère d'avocat et le caractère écrit de la procédure

Selon l'article 23 du Règlement de Procédure de la CCJA, « le ministère d'avocat est obligatoire devant la Cour (...) ». C'est donc dire que, contrairement aux juridictions de fond des Etats parties où les parties peuvent conclure en personne, tel n'est pas le cas devant la CCJA où la représentation de chacune des parties par un avocat est d'ordre public. En outre, l'avocat qui doit nécessairement être inscrit à l'un des barreaux des Etats membres25(*), devra être muni d'un mandat spécial de la partie qu'il représente.

La procédure, aux termes de l'article 34 du même texte, est essentiellement écrite. En d'autres termes, ni les parties ni leurs avocats ne sont tenus de se déplacer devant la Cour. Il leur suffit seulement de faire parvenir, qui, le recours en cassation dans le délai de deux mois de la signification de la décision attaquée, lequel recours devra obéir aux conditions de l'article 28 du Règlement, qui, le mémoire en réponse répondant quant à lui aux conditions de l'article 30 du même Règlement26(*), au greffe de la CCJA soit par envoi postal recommandé avec accusé de réception, soit par remise contre récépissé ou attestation de dépôt. Toutes ces formalités doivent, évidemment, se faire dans le respect du principe du contradictoire.

Toutefois, la Cour peut, à la demande de l'une des parties, organiser dans certaines affaires une procédure orale. Les parties sont alors entendues à l'audience par la voie de leurs conseils après que le juge-rapporteur désigné à cet effet eut présenté son rapport. La Cour rend ensuite son arrêt. Mais il y a lieu de retenir que dans la plupart des procédures orales, la Cour met l'affaire en délibéré pour arrêt à être rendu à une date ultérieure.

Aussi, est-il important de noter qu'à l'heure actuelle, la langue de procédure devant la CCJA est le français, et cela même si aucune des parties au procès n'est francophone.27(*)

Le point relatif à l'obligation du ministère d'avocat et au caractère écrit de la procédure ayant été examiné, quid de celui relatif à la procédure d'intervention prévue par le Règlement de Procédure de la CCJA ?

B- La possibilité de l'intervention d'un tiers au litige

L'article 45 du Règlement précité prévoit, en effet, une procédure d'intervention de tiers au litige objet du pourvoi en cassation. Ainsi, par le truchement de cette procédure, tant les Etats parties au Traité que toute personne ayant intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir les prétentions de l'une des parties, peuvent intervenir aux litiges soumis à la Cour.

La demande d'intervention doit être présentée au plus tard dans les trois mois de l'inscription du recours en cassation au journal officiel de l'OHADA. Cette demande, transmise par les soins du greffe aux parties, lesquelles disposent du droit de faire des observations y relatives, ne peut être examinée par la Cour sans que les parties aient été mises à même de faire des observations. Au surplus, ladite demande, pour être recevable, doit contenir l'indication de l'affaire et de celle des parties principales au litige, les nom et domicile de l'intervenant, l'élection de domicile de l'intervenant au lieu où la Cour a son siège, les conclusions au soutien desquelles l'intervenant demande à intervenir, et enfin, dans le cas de demandes d'intervention autres que celles d'Etats membres, l'exposé des raisons justifiant l'intérêt à intervenir.

Une fois la demande admise, toutes les pièces de la procédure, exceptées celles jugées confidentielles par le Président de la Cour, à la demande d'une partie, sont communiquées à l'intervenant qui accepte le litige dans l'état où il se trouve lors de son intervention. L'intervenant, dans le délai fixé par le Président de la Cour, peut alors présenter un mémoire en intervention auquel les parties ont toute latitude pour répondre.

L'issue de la procédure contentieuse suivie devant la Cour reste inéluctablement sa décision par rapport au litige soumis à son appréciation. La question se pose dès lors de savoir quelles peuvent être les décisions susceptibles d'être rendues par elle.

CHAPITRE II : LES DECISIONS SUSCEPTIBLES D'ETRE RENDUES PAR LA CCJA

Faire l'étude des décisions que la CCJA peut être amenée à rendre une fois saisie d'un recours en cassation dans le cadre d'un contentieux judiciaire privé suppose, d'une part, l'examen de sa compétence matérielle (Section I), étant entendu qu'il ne fait aucun doute que sa compétence territoriale se limite aux seize Etats parties à l'OHADA, puis, d'autre part, l'examen de la forme ou de la nature de ses arrêts (Section II).

Section I : La compétence matérielle de la CCJA

La notion de compétence matérielle de la CCJA qui en réalité se résume à l'application et à l'interprétation des Actes Uniformes pris en application du Traité de Port-Louis ayant été indirectement abordée plus haut, précisément dans le chapitre I en sa section I intitulée « les conditions du pourvoi », l'accent sera particulièrement mis ici sur l'exclusion de certaines matières du champ de compétence matérielle de la CCJA. Il s'agit de l'exclusion des décisions à caractère pénal (Paragraphe 1) et de celles relatives aux procédures d'exécution (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'exclusion des décisions à caractère pénal

Nous examinerons dans ce paragraphe les raisons qui militent en faveur de cette exclusion (A). Mention sera également faite de la subsistance, toutefois, d'une compétence résiduelle de la CCJA en matière pénale (B).

A- Les raisons de l'exclusion

La raison principale de l'exclusion des décisions à caractère pénal du champ de compétence matérielle de la CCJA résulte de l'abandon, par l'OHADA, du pouvoir de fixation des peines à ses Etats-membres. En effet, en application de l'article 5 du Traité de l'OHADA, les Etats parties s'engagent à déterminer les sanctions pénales (en l'occurrence les peines) encourues par les contrevenants à la norme communautaire28(*), les incriminations29(*) étant cependant prévues par le législateur OHADA. C'est cette situation que Jacques Bore a qualifiée de « mobilisation du droit national au service du droit communautaire ».30(*) Ce choix du législateur communautaire se justifie d'autant plus que le droit pénal est l'un des domaines dans lesquels les Etats sont particulièrement attachés à leur souveraineté.

D'autres raisons peuvent aussi expliquer l'attribution de compétence aux Etats en matière de fixation du quantum des peines. Entre autres, nous citerons la volonté du législateur OHADA de respecter les particularismes des Etats parties31(*). En effet, il s'agit là d'une option libérale qui laisse auxdits Etats la latitude de fixer les peines en fonction de leurs réalités propres, de leurs valeurs et de leurs systèmes pénaux. D'autres arguments, notamment la capacité de chaque Etat à prendre en charge financièrement la justice pénale, étant entendu que celle-ci est de son domaine réservé, de même que la capacité des justiciables à prendre en charge les sujétions résultant des peines appliquées, peuvent être aussi invoquées.

L'exclusion des décisions appliquant des sanctions pénales des attributions de la CCJA n'est cependant pas absolue, dans la mesure où il subsiste une compétence résiduelle de la CCJA en matière pénale.

B- La subsistance d'une compétence résiduelle de la CCJA en matière pénale

Le domaine pénal n'échappe pas totalement à la compétence de la CCJA. En effet, nous pouvons penser que la CCJA, saisie d'un litige en interprétation relatif au droit pénal par la voie de la question préjudicielle32(*), peut se prononcer sur une décision appliquant une sanction pénale33(*). Il en est de même lorsque des infractions sont commises au cours d'une de ses audiences. Dans cette hypothèse, la Cour, assurant la police d'audience34(*) par le canal de son Président, peut constater lesdites infractions et y statuer soit directement, soit les renvoyer devant les juridictions pénales nationales compétentes si elle s'estime incompétente. Même dans ce dernier cas, elle aura en tout cas connu des affaires dans la mesure où, avant de les renvoyer, des actes de procédure pénale, notamment l'audition des mis en causes et l'établissement d'un procès verbal de constatation des infractions, auront été accomplis par elle.

Une autre matière échappant à la compétence de la CCJA est celle relatives aux procédures d'exécution.

Paragraphe 2 : L'exclusion des décisions relatives aux procédures d'exécution

Il se pose dans ce paragraphe les deux questions ci-après : que faut-il entendre par procédures d'exécution (A) ? Pourquoi sont-elles exclues de la compétence de la juridiction communautaire (B) ?

A- Notion de procédures d'exécution

Les procédures d'exécution peuvent être définies comme des moyens de droit mis à la disposition des créanciers soit pour sauvegarder leurs créances en attendant une décision exécutoire au fond, soit pour obtenir l'exécution d'une décision en saisissant les biens de leurs débiteurs. Dans le premier cas, il s'agit de mesures conservatoires, dans le second cependant, on parlera de voies d'exécution au sens strict. C'est ce dernier cas qui nous intéresse ici précisément. En effet, les voies d'exécution au sens strict incluent des affaires dans lesquelles existent des décisions assorties de l'exécution provisoire35(*). Ces décisions qui, le plus souvent, condamnent les parties qui succombent au procès à payer certaines sommes d'argent à leurs contradicteurs, peuvent faire l'objet de requêtes aux fins de défense à l'exécution provisoire36(*). Et ce sont justement ces requêtes que la CCJA doit se garder de connaître.

Il faut signaler qu'en matière de défense à l'exécution provisoire, la partie qui désire suspendre l'exécution provisoire d'une décision, doit en interjeter appel en introduisant une requête aux fins de défense à l'exécution provisoire. Si elle n'obtient pas gain de cause, la seule voie qui lui reste est celle du pourvoi contre l'arrêt de la Cour d'appel l'ayant débouté. Curieusement, ce pourvoi est introduit devant la juridiction suprême nationale et non devant la CCJA, même si la décision querellée est relative au droit harmonisé de l'OHADA. Il convient de nous attarder sur les raisons justifiant cet état de chose.

B- Les raisons de l'exclusion

L'exclusion des procédures d'exécution du champ de compétence matérielle de la Cour communautaire peut être justifiée par des considérations d'ordre légal. En effet, aux termes de l'article 16 du Traité, « la saisine de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage suspend toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale contre la décision attaquée. Toutefois, cette règle n'affecte pas les procédures d'exécution... ». Nous pouvons valablement donc déduire de cet article que les cours suprêmes nationales ne sortent pas de leur domaine de compétence lorsqu'elles statuent sur les litiges relatifs aux défenses à l'exécution provisoire qui sont portés devant elles en dernier recours. Ceci est d'autant plus justifié dans la mesure où les dispositions internes des Etats membres réglementant l'exécution provisoire ne sont pas abrogées par l'avènement de l'OHADA, et notamment de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, en témoigne un important arrêt rendu par la CCJA le 19 juin 2003.37(*) Les cours suprêmes nationales n'ont donc été dépouillées que du pouvoir de statuer sur les mérites du pourvoi formé contre une décision intervenue en matière de droit des affaires de l'OHADA, mais demeurent compétentes pour connaître des requêtes aux fins des défenses à l'exécution provisoire desdites décisions.

Argument peut également être tiré de l'article 32 de l'Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d'Exécution (AUPSRVRE) pour justifier l'incompétence de la CCJA en matière de procédures d'exécution. Ce texte en son alinéa premier dispose : « A l'exception de l'adjudication des immeubles, l'exécution forcée peut être poursuivie jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire par provision ». Fort de ce texte, la CCJA, dans son arrêt n° 012/2003 daté toujours du 19 juin 200338(*), s'est déclarée incompétente pour connaître d'une défense à l'exécution provisoire. Le motif est le suivant : l'article 32 de l'AUPSRVE n'étant pas applicable en l'espèce, la CCJA doit se déclarer incompétente, dès lors que la procédure litigieuse n'avait pas pour objet de suspendre une exécution forcée déjà engagée, mais plutôt d'empêcher qu'une telle exécution puisse être entreprise sur la base d'une décision assortie de l'exécution provisoire et frappée d'appel. Ainsi, l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt attaqué ne soulevant aucune question relative à l'application des Actes Uniformes, les conditions de compétence de la CCJA ne sont pas réunies.

La compétence matérielle de la CCJA ainsi déterminée, reste à savoir la nature des arrêts qu'elle peut être amenée à rendre.

Section II : La nature des décisions de la CCJA

Deux grandes catégories de décisions peuvent être rendues par la CCJA. Il s'agit des décisions rendues sans examen au fond du litige (Paragraphe 1) et celles rendues sur le fond (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les arrêts rendus avant tout débat sur la légalité de la décision déférée

La Cour Commune, saisie d'un pourvoi, peut rendre des décisions sans toutefois examiner la légalité de l'arrêt qui lui est soumis. Il s'agit des décisions que nous pouvons qualifier d' « arrêts rendus sur la forme ». C'est le cas notamment des arrêts d'irrecevabilité (A) et d'incompétence (B).

A- Les arrêts d'irrecevabilité

L'irrecevabilité, en droit procédural, désigne la sanction de l'inobservation d'une prescription légale consistant à repousser, sans l'examiner, une demande qui n'a pas été formulée en temps voulu ou qui ne remplit pas les conditions de fond ou de forme exigées. Ainsi, les arrêts d'irrecevabilité viennent tout simplement constater, puis sanctionner l'irrégularité entachant la demande introduite par le requérant.

Au nombre des décisions rendues par la CCJA à ce jour, on compte beaucoup d'arrêts d'irrecevabilité. Les causes de cette situation sont variées. On peut noter, entre autres, le fait que les pourvois aient étés formés hors délai, ou que les pièces exigées n'aient pas été produites, ou encore que les voies de recours préalables n'aient pas été respectées.

Comme arrêt d'irrecevabilité rendu par la CCJA, nous pouvons citer son arrêt n° 006/ 2001 du 11 octobre 200139(*). Dans cet arrêt, après avoir joint deux pourvois introduits par des requérants du fait de la connexité avérée des affaires qu'ils soulevaient, la CCJA les a déclarés irrecevables au motif suivant : « Attendu que le défaut de production de certaines pièces, notamment les copies des exploits de signification des décisions et le mandat donné par la S.A. Aminou & Cie et Mohaman Adamou Bello à Maître TIGNOIG Jean-Claude, avocat au Barreau du Cameroun, ne permet pas de savoir si les pourvois ont été formés dans le délai légal requis et de s'assurer si l'avocat, par le ministère duquel la Cour est saisie, avait bien qualité pour agir au nom et pour le compte de la S.A. Aminou & Cie et Mohaman Adamou Bello ; qu'ainsi et faute par les requérants d'avoir mis à la disposition de la Cour ces éléments essentiels d'appréciation sans lesquels il pourrait être porté atteinte inconsidérément à la sécurité des situations juridiques, leurs recours, exercés au mépris des prescriptions de l'article 28 du Règlement de Procédure susvisé, doivent être déclarés irrecevables ». Nous pouvons également citer son arrêt du 27 janvier 200540(*), par lequel elle déclarait irrecevable le recours en annulation d'un arrêt indûment rendu par une Cour Suprême nationale et exercé devant elle contre la société ECOBANK, au motif que « l'incompétence de la Cour nationale n'avait pas été soulevée au préalable ».

Quid des arrêts d'incompétence ?

B- Les arrêts d'incompétence

L'incompétence, quant à elle, désigne le défaut d'aptitude d'une juridiction à connaître d'une demande qui lui est soumise. Elle peut être absolue, relative ou d'ordre public.

S'agissant, en premier lieu, de l'incompétence absolue, elle résulte d'une inaptitude légale de la juridiction à connaître de la demande en raison de sa nature ou de la situation des parties, et peut être invoquée par l'un et l'autre des plaideurs. Elle ne peut cependant pas être soulevée d'office par le juge. Pour ce qui est de l'incompétence relative, en second lieu, laquelle découle d'une inaptitude légale d'une juridiction à connaître d'une demande en raison de sa position géographique et plus rarement de la nature de l'affaire, elle ne peut être invoquée que par le plaideur en faveur de qui elle a été édictée. Elle sanctionne généralement, mais non exclusivement, des règles de compétence territoriale. Dans l'incompétence d'ordre public enfin, la juridiction saisie peut se déclarer d'office incompétente.

La CCJA n'étant compétente que dans les matières relatives à l'application des Actes Uniformes, elle doit donc se dessaisir de tout litige ne mettant pas en cause lesdits Actes41(*) en rendant un arrêt d'incompétence dans les trente jours suivant l'exception d'incompétence. Il convient de préciser toutefois que cette exception peut être soulevée tant par la CCJA elle-même que par toute partie au litige, in limine litis. De ce fait, la nature de l'incompétence importe peu devant la CCJA. Il s'agit encore là d'une originalité du pourvoi organisé devant elle.

En guise d'exemple d'arrêt d'incompétence rendu par la CCJA, nous pouvons citer son arrêt du 11 octobre 200142(*) dans lequel elle s'était déclarée incompétente en ces termes : « Attendu qu'il ressort de l'examen des pièces du dossier que l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement entré en vigueur le 10 juillet 1998 n'avait pas intégré l'ordre juridique interne du Tchad au moment où les juges du fond étaient saisis du contentieux et qu'il ne pouvait être applicable (...). Que dès lors, les conditions de compétence de la CCJA en matière contentieuse, telles que précisées à l'article 14, n'étant pas réunies (...), il échet de se déclarer incompétent ».

Paragraphe 2 : Les arrêts rendus après contrôle de la légalité de la décision déférée

A l'issue du contrôle de la légalité de la décision attaquée devant elle, la haute juridiction communautaire peut rendre soit un arrêt de rejet (A), soit un arrêt de cassation (B).

A- Les arrêts de rejet

En introduisant un recours en cassation devant la CCJA, le demandeur au pourvoi fait grief à la décision attaquée d'avoir méconnu ou mal interprété une règle de droit en matière de droit harmonisé. Lorsque les juges de la CCJA estiment cependant que ladite décision a fait une exacte application de la règle de droit et n'a pas dénaturé les faits de la cause, ils la confirment. Ce faisant, ils rendent un arrêt dit de rejet, lequel met définitivement fin au procès et permet l'exécution de la décision entreprise. Il s'ensuit dès lors que tout nouveau pourvoi est irrecevable, et ce, d'autant plus que la décision de rejet serait passée en force de chose jugée du fait de l'épuisement des voies de recours.

En rendant un arrêt de rejet, les juges de la CCJA restent dans le cadre du mécanisme classique de l'instance en cassation, c'est-à-dire la vérification de la conformité de la décision attaquée à la loi et à elle seule sans tenir compte des faits. Cependant, s'agissant d'un arrêt de cassation, ils connaissent des faits en raison du pouvoir d'évocation accordée à la CCJA, lequel constitue indubitablement la plus grande originalité de l'instance en cassation organisée devant elle.

B- Les arrêts de cassation : l'illustration du pouvoir d'évocation de la CCJA

La CCJA, lorsqu'elle estime que la décision attaquée a fait une mauvaise appréciation des faits, soit, selon l'heureuse expression d'Etienne NSIE, « qu'elle est entachée d'une irrégularité juridique consécutive à une mauvaise application de la règle de droit43(*) », rend un arrêt de cassation, c'est-à-dire annule la décision attaquée. Le fait que la Haute Cour puisse juger les faits peut paraître surprenant étant donné que dans la logique traditionnelle du pourvoi en cassation, la juridiction saisie ne juge qu'en droit. En effet, c'est cette logique traditionnelle que le législateur OHADA a bouleversé en permettant à la CCJA d'évoquer ses arrêts (article 14 alinéa 5 du Traité de l'OHADA). Ainsi, par l'institution de l'évocation44(*), la CCJA, contrairement aux autres juridictions de cassation, va entreprendre de remplacer la décision annulée par son propre arrêt. Il s'agit en fait d'une cassation sans renvoi45(*). De la sorte, elle juge en droit et en fait, ce qui aboutit à la substituer aux juridictions de fond nationales normalement compétentes, lesquelles devaient se voir en principe renvoyer l'affaire après cassation. Nous ne pourrions à ce propos nous empêcher de reprendre M. Guyenot qui a fait observer que la juridiction qui évoque « se trouve dans la situation du maître ou du père de famille qui, mécontent du travail de l'élève, prend sa place pour le refaire entièrement ou l'achever avec plus de savoir et d'autorité. Il évoque pour terminer l'affaire et rendre lui-même la décision qui s'impose »46(*).

La cassation d'un arrêt par la CCJA emporte donc automatiquement l'évocation, celle-ci devant, en réalité, être une faculté et non une obligation pour la Haute Juridiction. C'est cette situation qui a fait dire à certains auteurs que la CCJA est un troisième degré de juridiction.

Même s'il faut reconnaître certains mérites à la pratique de l'évocation telle qu'elle est instituée par le législateur de l'OHADA, à l'instar de l'accélération de la procédure en évitant les manoeuvres dilatoires, l'unification de la jurisprudence en matière de droit harmonisé en évitant la divergence d'interprétation des Actes Uniformes par les juridictions des Etats parties, elle reste cependant la source majeure des difficultés et inquiétudes du pourvoi en cassation devant la CCJA.

DEUXIEME PARTIE

LE POURVOI EN CASSATION DEVANT LA COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D'ARBITRAGE, UN MECANISME, SOURCE D'INQUIETUDES ET DE

DIFFICULTES

Cette deuxième partie nous permettra de montrer que de nombreux dysfonctionnements jalonnent le mécanisme du pourvoi en cassation devant la CCJA.

Dans le cadre de cette étude, nous nous proposons, d'abord, d'analyser ces dysfonctionnements en difficultés et inquiétudes générées par ledit mécanisme (Chapitre I). Ensuite, nous essayerons de proposer des solutions susceptibles, d'une part, de résoudre ces difficultés et d'autre part, de dissiper ces inquiétudes (Chapitre II).

CHAPITRE I : LES DIFFICULTES ET INQUIETUDES GENEREES PAR LE POURVOI EN CASSATION DEVANT LA CCJA

L'instance de cassation devant la CCJA, nonobstant toute son originalité et ses innovations, reste à parfaire en raison des nombreuses difficultés et inquiétudes qu'elle suscite. Il s'agira pour nous, dans ce chapitre, de mettre en exergue, autant que faire se peut, ces difficultés (Section 1) et inquiétudes (Section 2).

Section I : Les difficultés liées au pourvoi en cassation devant la CCJA

Les difficultés générées par le pourvoi en cassation devant la CCJA découlent directement, du moins pour la plupart, du pouvoir d'évocation qui lui est accordé. Il s'agit notamment du caractère équivoque de son droit à contrôler (Paragraphe 1), et des problèmes liés à l'interprétation des Actes Uniformes (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le caractère équivoque du droit de contrôle de la CCJA

Par l'usage du droit d'évocation dans ses arrêts, la CCJA a élargi son contrôle de la légalité de la décision attaquée aux faits, étant entendu que, classiquement, une juridiction de cassation ne peut connaître des faits. Ce faisant, le principe du rejet des moyens mélangés de fait et de droit appliqué par toute juridiction de cassation devient incertain dans sa mise en oeuvre devant la CCJA (A). Il en est de même des sources formelles soumises à son examen (B).

A- Les incertitudes sur l'application du principe du rejet des moyens mélangés de fait et de droit devant la CCJA

Lorsqu'un justiciable se pourvoit en cassation devant la CCJA, il doit indiquer, dans sa requête, la règle de droit harmonisé dont l'application dans l'affaire justifie la saisine de la Cour. En d'autres termes, le moyen qu'il invoque à l'appui de son pourvoi doit se limiter à indiquer la règle de droit violée à l'issue des débats sur le fond du droit des affaires en première instance ou en appel. Le pourvoi ne saurait donc être soutenu par un moyen qui n'aurait été développé ni devant le Tribunal ni devant la Cour d'Appel, « la justification du moyen devant s'opérer sans qu'il soit besoin de mettre en oeuvre des faits autres que ceux établis dans le débat au fond »47(*). A défaut, le pourvoi est tout simplement rejeté : il s'agit de la mise en oeuvre du « principe du rejet du moyen mélangé de fait et de droit »48(*) appliqué devant toute juridiction de cassation pour la simple raison que l'instance en cassation n'est pas un troisième degré de juridiction.

Cependant, il convient de souligner que ce principe est inadapté à la CCJA. Cette dernière en effet, comme nous l'avons déjà vu, est une juridiction de cassation atypique car statuant aussi bien sur le droit que sur les faits en raison de son pouvoir d'évocation. Comme tel, on comprend mal le fait qu'elle ne puisse pas admettre les faits nouveaux invoqués par les plaideurs à l'appui de leurs pourvois. La CCJA, en principe, devait renvoyer les parties devant une juridiction de même degré que celle qui a rendu la décision attaquée, lorsqu'elle rend un arrêt de cassation, comme le ferait une cour de cassation classique. Ainsi, les parties devant la juridiction de renvoi, peuvent invoquer, à l'appui de leurs prétentions, de nouveaux moyens comme cela leur est d'ailleurs reconnu par la loi49(*). Mais par son évocation de l'arrêt, la CCJA se transforme en une juridiction de renvoi de ses propres arrêts de cassation et entreprend de juger définitivement l'arrêt en se saisissant des faits. C'est donc logiquement que les plaideurs devraient pouvoir eux aussi invoquer de nouveaux moyens (de pur droit ou mélangés de fait et de droit), et produire de nouvelles pièces propres à mieux justifier leurs conclusions50(*). En déniant cette possibilité aux plaideurs alors qu'elle évoque ses arrêts, la Haute juridiction communautaire instaure une procédure attentatoire à leurs droits, et rend, par la même occasion, malaisée et difficilement compréhensible, la distinction entre le fait et le droit dans ses instances de cassation.

B- L'ambiguïté des sources formelles contrôlées par la CCJA

Cette ambiguïté des sources formelles soumises au contrôle de la CCJA résulte des textes mêmes de l'OHADA. En effet, les articles 14 alinéa 3 du Traité et 28-1 alinéa 2 du Règlement donnent compétence à la Cour Commune pour connaître des affaires soulevant des questions relatives à l'application des Actes Uniformes et des Règlements prévus au Traité. Cependant, l'article 15 du même Traité relatif aux pourvois en cassation, ne fait référence qu'aux seuls Actes Uniformes. Face donc à cette situation, des interrogations demeurent : comment concilier ces dispositions rédigées en des termes aussi différents ? S'il est clair que les justiciables d'un contentieux judiciaire privé peuvent se pourvoir en cassation devant la CCJA relativement au droit substantiel porté par les Actes Uniformes, peuvent-ils en faire autant s'agissant des Règlements pris en application du Traité, lesquels ne règlent que les rapports, avons-nous déjà dit, entre les organes de l'OHADA et entre cette organisation et les Etats parties ? A priori, on peut penser qu'ils peuvent le faire dans la mesure où il existe des situations individuelles qui sont aussi régies par les Règlements. En guise d'exemple, nous citerons les Règlements relatifs au statut des fonctionnaires et au régime applicable au personnel de l'OHADA, en l'occurrence, le Règlement 1/98 du 30 janvier 1998 fixant le statut des fonctionnaires de l'OHADA. Ainsi, un fonctionnaire peut-il diriger un pourvoi contre un tel Règlement au cas où un éventuel litige aurait été réglé sur le fondement dudit Règlement. La CCJA, laquelle n'est pas une juridiction administrative, pourrait-elle connaître de ce pourvoi ?

Tout compte fait, il y a lieu de faire la part des choses nonobstant l'imperfection des textes de l'OHADA et de dire que la CCJA ne peut connaître en principe que des pourvois relatifs aux litiges entre particuliers soulevant des questions ayant trait à l'application des Actes Uniformes. S'agissant toutefois des Règlements, nous pensons qu'elle ne peut en connaître par le biais d'un recours en cassation, mais sûrement par le truchement d'un avis lorsque la question lui est posée par un Etat partie ou une juridiction de fond d'un Etat partie.

Une autre source formelle du droit des affaires peut aussi tomber sous le coup de la compétence de la CCJA. En effet, il est acquis, depuis l'avis n°1/01/EP du 30 avril 200151(*) de la CCJA rendu à la demande de la Côte d'Ivoire52(*), que si le droit uniforme se substitue au droit national, c'est uniquement pour les dispositions ayant le même objet si bien que les dispositions de droit interne n'ayant pas le même objet que le droit uniforme survivront et pourront s'appliquer. Si tel est le cas, la question de la compétence de la CCJA se pose encore à ce niveau lorsqu'elle est saisie d'un recours en cassation portant à la fois sur le droit uniformisé et le droit interne d'un Etat partie. Pourra t-elle connaître de tout le contentieux ?

Cette dernière interrogation préfigure en réalité d'autres difficultés du pourvoi en cassation devant la CCJA, notamment celles liées à l'interprétation des Actes Uniformes.

Paragraphe 2 : Les difficultés liées à l'interprétation des Actes Uniformes

Par rapport à l'interprétation des Actes Uniformes, le Traité donne compétence exclusive à la CCJA pour y procéder, leur application étant réservée aussi bien aux juridictions de fond nationales qu'à la CCJA. Les difficultés naissent à partir du moment où certaines juridictions suprêmes nationales retiennent leur compétence relativement tant à l'application qu'à l'interprétation des Actes Uniformes, d'où les conflits de compétences entre ces dernières et la Haute Juridiction Communautaire (A). Ces conflits de compétence ne sont pas impossibles entre la CCJA et les autres juridictions communautaires (B).

A- Les conflits de compétence entre la CCJA et les juridictions suprêmes nationales

D'entrée, mentionnons que le conflit envisagé ici porte sur le droit substantiel soumis au contrôle de la CCJA. Le cas du droit harmonisé combiné avec des matières non harmonisées53(*) des Etats parties, retiendra précisément notre attention. Dès lors, la question se pose de savoir quelle sera la clé de répartition entre la juridiction commune et les juridictions suprêmes nationales si le contentieux porte à la fois sur les Actes Uniformes et le droit interne d'un Etat partie.

Face à cette situation, certaines juridictions nationales de contrôle de légalité, lorsqu'elles sont saisies, pourront décider de connaître de la partie du litige ayant trait au droit national et renvoyer l'autre partie, relative aux Actes Uniformes, à la connaissance de la CCJA. Peut-être encore, la clé de répartition proviendra de certains plaideurs qui formeront deux pourvois, l'un devant la CCJA et l'autre devant la Cour Suprême nationale. D'autres encore pourront décider de former un seul pourvoi, mais avec deux moyens différents soumis à chacune des deux juridictions en cause, à telle enseigne que la juridiction suprême nationale sera contrainte de renvoyer le litige devant la CCJA après avoir réglé les questions relatives à son droit interne. Plus surprenante encore, est l'hypothèse où la juridiction suprême nationale décidera de connaître de tout le contentieux comme cela a été d'ailleurs le cas dans l'arrêt « Snar Leyma54(*) » rendu par la Cour Suprême du Niger le 16 août 2001.

Dans cette espèce, la Société Nigérienne d'Assurance et de Réassurance Leyma (SNAR Leyma), lors d'une assemblée générale de ses actionnaires, avait décidé de l'ouverture de son capital à de nouveaux actionnaires par une opération de recapitalisation. C'est ainsi que le Groupe Hima Souley décida d'entrer dans le capital de la compagnie d'assurance, souscrivant alors à une partie des 70000 nouvelles actions émises. Les opérations de souscription, lesquelles étaient coordonnées par un notaire désigné par la SNAR Leyma, ont, par la suite, engendré un litige. Le Groupe Hima Souley reprochait à la compagnie d'assurance de n'avoir pas libéré toutes les actions comme elle le prétendait et voulait, pour cela, qu'une nouvelle assemblée générale des actionnaires soit convoquée pour examiner le problème, ce qu'avait refusé de faire la SNAR Leyma. Saisissant le Président du Tribunal de Niamey desdits faits par une requête datée du 20 avril 2001, le Groupe Hima Souley a pu obtenir, de la part de ce dernier, une ordonnance nommant un administrateur judiciaire chargé de convoquer une assemblée générale des actionnaires de la SNAR Leyma en vue de constater la libération des actions souscrites par le Groupe Hima Souley de même que sa qualité d'actionnaire. C'est contre cette ordonnance que la SNAR Leyma a interjeté appel devant la Cour d'Appel de Niamey qui a confirmé l'ordonnance attaquée par un arrêt du 23 mai 2001. La SNAR Leyma se pourvoit en cassation devant la Cour Suprême du Niger contre l'arrêt confirmatif de la Cour d'Appel. Devant les juges du droit, le défendeur au pourvoi, le Groupe Hima, invoqua l'exception d'incompétence selon laquelle la Cour Suprême du Niger ne peut connaître de l'affaire car ayant trait aux Actes Uniformes, en l'occurrence, l'Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d'intérêt économique du 17 avril 1997, et que seule la CCJA avait compétence exclusive en la matière conformément à l'article 14 du Traité de l'OHADA. La demanderesse au pourvoi, quant à elle, excipait principalement, à l'appui de sa requête, de la mauvaise application de l'article 809 du Code de Procédure Civile disposant que « les ordonnances sur référé ne feront aucun préjudice au principal ».

Au regard des faits sus relatés, il apparaît clairement que le litige portait tant sur l'Acte Uniforme que sur le droit interne nigérien. La solution de la Cour Suprême du Niger est surprenante à plus d'un titre. Elle décida de connaître de tout le contentieux car, pour elle, pour que la CCJA soit compétente, il faut que « l'application des Actes Uniformes ait été prépondérante pour la prise de la décision attaquée et que le pourvoi soit surtout basé sur ces actes ». On en déduit alors que le pourvoi en l'espèce étant essentiellement basé sur la violation d'une règle processuelle, un renvoi à la CCJA pour les Actes Uniformes ne s'imposait donc pas.

En tout état de cause, il y a lieu de dire que la solution proposée par la Cour Suprême du Niger, laquelle témoigne d'une résistance55(*) des juges nationaux à l'application et à l'interprétation du droit uniforme par la CCJA, est en porte à faux avec l'article 14 du Traité de l'OHADA, et compromet donc gravement la mission d'uniformisation de la jurisprudence en matière de droit OHADA assignée à la CCJA.

Un autre droit substantiel dont le contrôle par la CCJA pourrait engendrer des relations conflictuelles entre les juridictions suprêmes nationales et elle, est le droit pénal. En effet, l'article 14 alinéa 3 du Traité exclut du champ de compétence matérielle de la CCJA « les décisions appliquant des sanctions pénales ». A cet égard, étant entendu que certains Actes Uniformes définissent les infractions pénales sans déterminer les sanctions qui accompagnent lesdites infractions, le soin ayant été laissé aux Etats parties de prévoir les peines correspondantes, il ne serait pas étonnant de voir la CCJA se prononcer sur des décisions pénales mettant en cause des dispositions d'incrimination pénale mais pas celles infligeant des sanctions. Cette situation, nous le voyons, ne contentera pas les cours suprêmes nationales, lesquelles se sont vues déjà dépouillées par l'OHADA des « pans les plus stimulants et modernes de l'activité judiciaire »56(*).

Si des conflits de compétences existent entre les Cours Suprêmes nationales et la CCJA, lesdits conflits ne sont pas moins envisageables entre cette dernière et les autres juridictions communautaires.

B- Les conflits de compétences entre la CCJA et les autres juridictions communautaires

Actuellement, la compétence territoriale de la CCJA s'étend sur seize Etats. Ceux-ci sont, au même moment, soit membres de l'UEMOA et de la CEDEAO (huit), soit membres de la CEMAC (cinq), d'autres organisations à vocation communautaire comme l'OHADA, lesquelles se sont aussi dotées de juridictions supranationales, notamment la Cour de Justice de l'UEMOA, la Haute Cour de Justice de la CEDEAO et la Cour de Justice de la CEMAC.

Aussi, toutes ces quatre juridictions ont-elles en commun, en tant que juridictions communautaires, la mission de régler les litiges résultant des normes produites par leurs organes, ce qui nous amène à faire observer que les conflits entre juridictions communautaires sont essentiellement des conflits de normes57(*). A priori, on pourrait penser que ces conflits de normes sont impossibles dans la mesure où aucune de ces juridictions n'a de vocation et de compétence à dire le droit qui n'est pas spécifique à l'ordre juridique auquel elle appartient. En d'autres termes et à titre d'exemple, il serait impossible qu'un conflit qui est né par rapport au droit UEMOA puisse être porté devant la CCJA.

Ces conflits sont néanmoins envisageables dans la mesure où un examen approfondi des objectifs assignés par les Traités de l'OHADA, de l'UEMOA, de la CEDEAO et de la CEMAC à leurs structures de mise en oeuvre dont les quatre juridictions communautaires susmentionnées, permet de se rendre très vite compte qu'il y a identité d'objectifs et de domaines d'intervention entre ces différentes organisations communautaires de sorte qu'il n'est pas exclu que les normes par elles produites soient relatives aux mêmes matières. C'est le cas par exemple du droit de la concurrence, du droit des transports, du droit bancaire, du droit des sociétés coopératives et mutualistes entre autres. On pourrait donc penser, tout au moins, dans le cadre d'un recours préjudiciel devant la Cour de l'UEMOA, que la question spécifique de l'incompatibilité soit expressément posée par la juridiction ayant sollicité le recours. Pour la Cour Commune de l'OHADA, il n'est pas non plus exclu qu'un avis consultatif soit sollicité sur une question spécifique d'incompatibilité. On voit mal dans ces hypothèses, comment ces juridictions pourraient refuser de traiter le conflit dont elles ont été saisies. Une des solutions possibles pour le juge communautaire, serait alors de traiter la question selon les normes applicables au droit des traités.

Le pourvoi en cassation devant la CCJA, hormis les difficultés qu'elle génère, lesquelles sont d'ordre substantiel, est source aussi de nombreuses inquiétudes liées pour la plupart aux interrogations sur la procédure suivie devant la CCJA.

Section II : Les inquiétudes suscitées par le pourvoi en cassation devant la CCJA

En analysant les inquiétudes générées par le recours en cassation devant la CCJA, on se rend très vite compte qu'elles sont relatives, d'une part, à sa saisine (Paragraphe 1), et d'autre part, à la langue de procédure et aux arrêts qu'elle rend (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les inquiétudes liées à la saisine de la CCJA

S'agissant des inquiétudes inhérentes à la saisine de la CCJA, nous pouvons citer celles suscitées par l'éloignement de son siège et son manque d'auto saisine (A). A ces deux inquiétudes, nous pouvons ajouter celles liées à l'absence de définition des cas d'ouverture à cassation devant elle (B).

A- Le problème de l'éloignement de la CCJA et son manque d'auto saisine

Les Etats membres de l'OHADA sont dispersés sur un espace géographique assez vaste de sorte que certains d'entre eux se situent dans des zones assez éloignées du siège de la CCJA basé à Abidjan (Côte d'Ivoire). On comprend donc que pour les plaideurs de ces pays, saisir la CCJA serait une source d'inquiétudes relativement aux frais supplémentaires que pourront générer, par exemple, les déplacements d'avocats sur Abidjan pour plaider leurs dossiers lorsqu'une procédure orale serait retenue pour l'affaire. Nous pouvons même penser que le déplacement des parties (ou du moins de leurs conseils) sur Abidjan est quasiment inévitable dans le cadre d'un contentieux porté devant la CCJA dans la mesure où, même si c'est la procédure écrite qui a été retenue pour leur affaire, ces dernières doivent néanmoins être présentes à l'audience publique de la Cour à la date du délibéré, ayant été dûment convoquées sur cette date. En tout état de cause, il y a lieu d'admettre que la saisine de la CCJA est « une source supplémentaire de complication et d'aggravation du coût de la justice »58(*). Ce n'est donc pas une coïncidence si plus des deux tiers des pourvois59(*) enregistrés par le greffe de la CCJA à ce jour proviennent de la Côte d'Ivoire.

L'inquiétude tenant à l'impossibilité de la CCJA de s'auto saisir, réside, quant à elle, dans le fait qu'il pourrait exister une sorte de « consensus tripartite »60(*) entre les juges suprêmes nationaux et les parties pour qu'un litige, quand bien même relatif aux Actes Uniformes, ne soit pas porté devant la CCJA. Pour ce faire, il suffit que les parties se concertent pour saisir une juridiction suprême nationale, laquelle décidera aussi de connaître de l'affaire et la tranchera en définitive pour des raisons de velléités souveraines. Cette situation est envisageable parce que, rappelons-le, en l'état actuel des textes de l'OHADA, seules les parties ou la juridiction de cassation nationale sur renvoi, peuvent saisir la CCJA. Cette dernière, faute de se saisir d'office du litige lorsque sa compétence est méconnue, reste donc impuissante face aux transgressions des dispositions du Traité lui attribuant compétence exclusive en matière d'interprétation des Actes Uniformes, et cela est déplorable, car constituant autant d'occasions de moins pour elle de se prononcer sur le droit uniforme des affaires et d'assurer pleinement sa mission d'unification de la jurisprudence en matière de législation OHADA.

Il y a cependant lieu de faire remarquer que cette transgression sur la saisine de la CCJA a été prévue et même organisée a contrario par le législateur OHADA qui a bien précisé que l'incompétence de la Cour indûment saisie devait être soulevée au préalable. Peut-être faut-il encore rappeler la règle à ce niveau de l'analyse ! En effet, aux termes de l'article 18 alinéa 1er du Traité, « toute partie qui, après avoir soulevé l'incompétence d'une juridiction nationale statuant en cassation, estime que cette juridiction a, dans un litige la concernant, méconnu la compétence de la CCJA, peut saisir cette dernière dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée ». Il apparaît ainsi, à la lumière de cette disposition, que le Traité valide en quelque sorte la décision contestée, puisque la CCJA doit se déclarer incompétente si le demandeur au pourvoi n'avait pas soulevé préalablement l'incompétence de la juridiction suprême nationale saisie à tort. Pouvons-nous donc dire, dans ces conditions, que la décision rendue par cette juridiction est illégalement acquise ? Qui a privé la Cour Commune de tout moyen d'intervention a posteriori ?

Disons qu'il existe dès lors, malgré la défense faite aux cours de cassation nationales de connaître des Actes Uniformes, une sorte de cadre juridique par défaut, qu'il ne faudrait pas s'étonner de voir aujourd'hui utiliser par certains plaideurs.

Une autre inquiétude non moins importante liée à la saisine de la CCJA est l'absence de définition des cas d'ouverture à cassation devant elle.

B- L'absence de définition des cas d'ouverture à cassation devant la CCJA

Devant toute juridiction de cassation, il est prévu des conditions précises d'exercice du pourvoi auxquelles les plaideurs doivent se conformer à peine d'irrecevabilité de leurs recours. Ces conditions que l'on désigne par l'expression « cas d'ouverture à cassation »61(*) font en quelque sorte référence aux moyens que doivent invoquer les parties à l'appui de leurs demandes. Ces moyens doivent nécessairement être de pur droit, les moyens mélangés de fait et de droit n'étant pas recevables.

De manière assez surprenante, on se rend compte que rien n'est prévu dans le Traité ou le Règlement en ce qui concerne les cas d'ouverture à cassation que peuvent invoquer les parties devant la CCJA. En effet, l'article 28 du Traité se borne tout simplement à affirmer que le recours doit indiquer « les Actes Uniformes ou les Règlements prévus par le Traité dont l'application dans l'affaire justifie la saisine de la Cour ». Ce silence du législateur de l'OHADA sur les cas d'ouverture à cassation peut laisser penser que ceux-ci n'existent carrément pas devant la CCJA, et que, de ce fait, cette dernière est une juridiction de cassation qui juge en fait et en droit comme un troisième degré de juridiction62(*).

Un examen approfondi de l'article 28 précité permet cependant d'affirmer qu'il existe des cas d'ouverture à cassation devant la CCJA. Il suffirait tout simplement d'admettre les cas prévus dans chaque Etat membre de l'OHADA pour que l'inquiétude soit plus ou moins dissipée. Peut-être encore, pourrait-on penser que la CCJA elle-même peut énoncer ses propres cas d'ouverture à cassation. Mais cette alternative semble difficile à mettre en oeuvre dans la mesure où le pourvoi en cassation étant un recours extraordinaire, seul un texte spécifique peut en déterminer les conditions d'exercice.

Les inquiétudes liées à la saisine de la CCJA ayant été examinées, penchons-nous à présent sur celles liées à la langue de procédure adoptée devant elle et aux arrêts qu'elle est amenée à rendre une fois saisie.

Paragraphe 2 : Les inquiétudes tenant à la langue de procédure et aux arrêts de la CCJA

Nous examinerons en premier lieu les inquiétudes tenant à la langue de procédure utilisée devant la CCJA (A). En second lieu, celles liées aux arrêts qu'elle rend seront abordées (B).

A- Les inquiétudes tenant à la langue de procédure de la CCJA

L'article 42 du Traité dispose : « Le français est la langue de travail de l'OHADA ». Des dispositions de cet article, il infère que les Règlements d'application du Traité, les Actes Uniformes, les arrêts et avis de la CCJA ainsi que les décisions et correspondances des institutions de l'OHADA sont rédigés dans leur forme officielle en français, et que tous les débats au sein des différentes institutions se déroulent en français.

C'est ainsi qu'on a pu observer, lors de certains procès, l'usage du français par les juges de la Cour Commune, même en présence de plaideurs essentiellement anglophones. Il va s'en dire que cette situation est quelque peu incompréhensible à ces ressortissants des Etats parties à l'OHADA dont le français n'est pas la langue officielle. C'est le cas notamment pour les plaideurs originaires des provinces anglophones du Cameroun, de la Guinée Equatoriale63(*) et de la Guinée-Bissau64(*). Cette situation est une source d'inquiétudes pour ceux-ci dans la mesure où, en plus des frais normaux générés par la procédure du pourvoi en cassation, ils devront supporter également ceux liés à la traduction des pièces de la procédure en leurs langues officielles.

Disons que la règle de l'usage du français comme langue de travail de l'OHADA, même si elle se conçoit du fait que la majorité des Etats parties à l'OHADA sont francophones, semble cependant incompatible avec l'article 53 du Traité selon lequel, tout Etat membre ou non membre de l'O.U.A65(*) peut adhérer au Traité. Elle constitue aussi une source de blocage à l'adhésion de certains Etats non francophones à l'OHADA. Nous pensons, notamment, au Ghana et au Nigeria dont les adhésions au Traité seraient les bienvenues.

B- Les inquiétudes liées aux arrêts de la CCJA

Une décision rendue par une juridiction d'un Etat, pour être exécutoire sur le territoire d'un autre Etat, nécessite qu'une décision d'exequatur soit prononcée par le juge national de ce dernier Etat. Cette procédure, on le voit, est respectueuse de la souveraineté de chaque Etat.

Dans le Traité de l'OHADA cependant, les Etats signataires ayant abandonné une parcelle de leur souveraineté au plan judiciaire à la CCJA, laquelle se substitue à leurs juridictions suprêmes nationales pour l'application et l'interprétation des Actes Uniformes, les décisions de la CCJA n'ont donc pas besoin d'une décision d'exequatur des juges nationaux pour être exécutoires sur leurs territoires respectifs. Tel est d'ailleurs le sens qu'il faut donner à l'article 20 du Traité qui édicte : « Les arrêts de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage ont l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Ils reçoivent sur le territoire de chacun des Etats parties une exécution forcée dans les mêmes conditions que les décisions des juridictions nationales (...) ». Cet article est complété par l'article 46 du Règlement de Procédure de la CCJA selon lequel « l'exécution forcée des arrêts de la Cour est régie par les règles de procédure civile en vigueur dans l'Etat sur le territoire duquel elle a lieu. La formule exécutoire est apposée, sans autre contrôle que celui de la vérification de l'authenticité du titre, par l'autorité nationale que le Gouvernement de chacun des Etats parties désignera à cet effet et dont il donnera connaissance à la Cour. Après l'accomplissement de ces formalités, à la demande de l'intéressé, celui-ci peut poursuivre l'exécution forcée en saisissant directement l'organe compétent, suivant la législation nationale (...) ».

Force est de constater toutefois que l'exécution forcée des arrêts de la CCJA n'est pas aussi complète que l'affirment les articles sus cités. En effet, il apparaît que la CCJA n'appose aucune formule exécutoire sur ses arrêts. Plutôt, cette formule exécutoire est le fait d'une autorité spécialement désignée par chaque Etat partie. De plus, la formalité de la formule exécutoire devra être renouvelée par le justiciable chaque fois qu'il voudra poursuivre l'exécution d'une décision de la CCJA lui accordant des droits dans un autre Etat. On s'aperçoit donc que les arrêts de la CCJA n'ont en réalité pas de force exécutoire supranationale, contrairement à ses sentences arbitrales qui sont revêtues quant à elle de l'exequatur de son président ou du juge délégué par lui à cet effet.

Aussi, l'autorité compétente pour apposer la formule exécutoire n'ayant pas été désignée dans certains Etats parties à l'instar du Togo, la question se pose de savoir comment sera poursuivie l'exécution des arrêts de la CCJA dans lesdits Etats. Il est donc impérieux que chaque Etat partie procède à cette désignation afin de dissiper cette dernière inquiétude et d'éviter toute difficulté d'exécution des arrêts de la Haute Juridiction Communautaire.

CHAPITRE II : LES APPROCHES DE SOLUTIONS AUX INQUIETUDES ET DIFFICULTES DU POURVOI EN CASSATION DEVANT LA CCJA

Dans ce chapitre, nous proposerons certaines mesures dont la mise en oeuvre devrait permettre, nous l'espérons, de trouver des solutions aux difficultés et inquiétudes relevées dans l'exercice du pourvoi en cassation devant la CCJA. Ces mesures seront examinées au double plan juridique (Section 1) et pratique (Section 2).

Section I : Les mesures d'ordre juridique

Ces mesures impliquent, en premier lieu, un aménagement des textes organisant le recours en cassation devant la CCJA (Paragraphe 1), puis en second lieu, une harmonisation des Traités d'intégration régionale (Paragraphe 2)

Paragraphe 1 : L'aménagement des textes organisant le pourvoi en cassation devant la CCJA

Les textes organisant le pourvoi en cassation devant la CCJA susceptibles d'aménagements sont, bien entendu, le Traité de l'OHADA lui-même (A) et le Règlement de Procédure de la CCJA du 18 avril 1996 (B).

A- L'aménagement du Traité de l'OHADA

Nous l'avons déjà dit, la plupart des difficultés et inquiétudes liées au pourvoi en cassation devant la CCJA découlent du pouvoir d'évocation qui lui est accordé. Nous pouvons légitimement en déduire qu'une suppression de ce pouvoir d'évocation résoudra bon nombre de difficultés et dissipera plusieurs inquiétudes. Mais notre prétention n'est pas de proposer une solution aussi radicale qui, à coup sûr, irait à l'encontre de la mission d'unification de la jurisprudence OHADA assignée à la CCJA. C'est pourquoi notre proposition ira plutôt dans le sens d'un encadrement de ce pouvoir d'évocation dont dispose la CCJA. En effet, nous pensons que l'évocation doit être une faculté pour la CCJA et non un impératif comme c'est le cas actuellement. A ce sujet, l'article 14 alinéa 5 du Traité dispose qu' « en cas de cassation, elle (la CCJA) évoque et statue sur le fond ». Nous pensons que cet article devrait être aménagé dans le sens suivant : « en cas de cassation, elle peut évoquer et statuer sur le fond ». De la sorte, le législateur aura laissé le soin au juge supranational de décider souverainement, en fonction des circonstances de l'espèce, s'il y a lieu à évoquer ou non en cas de cassation. Dans cette optique, un renvoi de l'affaire devant une juridiction suprême nationale pourrait même être envisagée. L'évocation est « une dérogation grave à des principes fondamentaux du droit judiciaire tels que le principe du double degré de juridiction et la distinction du fait et du droit dans la connaissance du litige soumis à la juridiction de cassation »66(*). Pour cette raison, son encadrement contribuera à résoudre un tant soit peu la difficulté liée au caractère équivoque du droit à contrôler de la CCJA, notamment l'incertitude sur le principe du rejet des moyens mélangés de fait et de droit par la CCJA, en ce que lorsque celle-ci décidera d'user de son droit d'évocation, elle pourra admettre que les parties produisent à l'appui de leurs demandes de nouveaux moyens.

Une autre disposition du Traité susceptible de modification est l'article 42 qui fait du français la langue de travail de l'OHADA et par conséquent la langue de procédure de la CCJA. Nous pensons qu'il serait bénéfique pour toute l'organisation que le Traité admette les langues officielles des Etats parties comme langues de travail, ce qui incitera des Etats non francophones à adhérer massivement au Traité de l'OHADA.

Une modification de l'article 31 du Traité qui fixe à sept seulement le nombre de juges de la CCJA pourrait être envisagé dans le sens d'une représentation d'un juge par Etat partie comme c'est le cas actuellement au sein de la Cour de Justice des Communautés Européennes. Cette répartition aura le mérite d'apporter à la Cour  l'indispensable célérité nécessaire au jugement des litiges. Surtout que l'OHADA est appelée à s'ouvrir à d'autres Etats, le nombre de pourvois devant la CCJA augmenterait par la même occasion, d'où la nécessité d'un plus grand nombre de juges pour son fonctionnement efficace par la création de chambres. Ces juges, ajoutons-le, devront être choisis au sein des cours suprêmes nationales, ce qui contribuerait à « pacifier » les rapports entre ces dernières et la CCJA.

On pourrait aussi penser à une modification de l'article 13 du Traité qui dispose que le contentieux relatif à l'application des Actes Uniformes est réglé en première instance et en appel par les juridictions des Etats parties. Nous proposons que cet article soit modifié dans ce sens que les cours suprêmes nationales soient réintroduites dans le jeu judiciaire relatif au droit uniforme. Cette solution contribuera à résoudre les conflits de compétences entre les cours de cassation nationales et la CCJA dans la mesure où cette dernière n'interviendrait plus qu'une fois toutes les voies de recours internes épuisées, donc après que les Cours Suprêmes nationales eurent connu de l'affaire. Force est de relever toutefois que cet aménagement qui fait de la CCJA un quatrième degré de juridiction à l'instar de ses homologues à travers le monde, reviendrait à mettre à plat tout le Traité de l'OHADA, ce qui semble donc très difficile mais pas impossible. En est-il de même pour l'aménagement du Règlement de Procédure de la CCJA du 18 avril 1996 ?

B- L'aménagement du Règlement de Procédure de la CCJA

L'aménagement du Règlement de Procédure de la CCJA va, quant à lui, consister à y introduire des dispositions relatives au pourvoi en cassation dans l'intérêt de la loi, à l'auto saisine de la CCJA et aux cas d'ouverture à cassation admis devant elle, à l'institution d'un parquet général et d'un juge de l'exécution dans chaque Etat partie.

S'agissant du pourvoi en cassation dans l'intérêt de la loi67(*), il permettrait de déférer à la CCJA toutes les décisions des Cours de Cassation nationales qui auraient été rendues en méconnaissance de la compétence de la CCJA. Cette action très particulière serait exercée par le Procureur Général, chef du Parquet Général qui serait mis en place près la CCJA. Nous estimons que ce pourvoi va pallier le manque d'auto saisine de cette dernière, ce qui revient en même temps à dire que le législateur OHADA devra donc choisir entre le pourvoi dans l'intérêt de la loi et l'auto saisine lors de la révision du Règlement de Procédure envisagé.

Pour ce qui est du Parquet Général, son absence au sein de la CCJA se comprend mal si l'on songe que le Ministère Public ne joue pas qu'un rôle répressif dans la mesure où il existe un ordre public économique et social dont un Etat ne peut se désintéresser. Ainsi, dans les contentieux où l'intérêt général serait en cause, le Parquet pourrait donner son avis par le biais de réquisitions ou de rapports comme le font les commissaires du gouvernement devant les juridictions administratives. Il veillerait aussi au respect des domaines de compétences respectifs de la CCJA d'une part, des Cours Suprêmes locales d'autre part.

Relativement à la définition des cas d'ouverture à cassation, une synthèse des cas prévus au niveau de chaque Etat partie devra être effectuée avant l'élaboration des cas qui devront gouverner le recours en cassation devant la CCJA. Ce travail préalable, nous le pensons, aurait le mérite de tenir compte des particularités de chaque Etat partie et de prévenir d'éventuelles contestations.

S'agissant enfin de l'institution du juge de l'exécution dans chaque Etat partie, nous pensons que cette initiative pourrait contribuer à parachever la force exécutoire des arrêts de la CCJA. Les juges ainsi désignées pourraient recevoir les copies des arrêts rendus par la CCJA et veilleraient, sur initiative des parties, à leur exécution dans leurs Etats respectifs.

Paragraphe 2 : L'harmonisation des différents Traités d'intégration régionale

Cette harmonisation des Traités, laquelle constitue une possibilité de traitement des conflits entre juridictions communautaires nécessitera, en premier lieu, une harmonisation des normes produites par lesdits Traités (A), puis, en second lieu, une harmonisation du fonctionnement des juridictions communautaires qu'ils ont créées (B).

A- L'harmonisation des normes produites par les Traités

L'harmonisation dont il est question devra, à terme, consister à introduire dans chaque Traité d'intégration régionale, surtout ceux des organisations communautaires évoluant dans le même espace intégré, des dispositions qui interdiraient la prise en compte, par un Traité, de matières déjà régies par un autre Traité. Comme tel, chacune des organisations communautaires veillerait, lorsqu'elle édicte des normes, à ce que celles-ci ne portent pas sur les mêmes matières que celles ayant déjà fait l'objet de règles prises par une autre organisation d'intégration. A cet égard, il y a lieu de souligner que certaines organisations ont commencé par mettre en oeuvre cette perspective par l'instauration, entre elles, de partenariats allant dans le sens d'une certaine efficience dans la production de leurs normes. Nous citerons, par exemple, la Décision du 13 août 2001 par laquelle le Conseil des Ministres de la CEMAC a donné mandat à son Secrétaire Exécutif de signer un accord de coopération avec le Secrétariat Permanent de l'OHADA. Selon cet accord, les deux organisations s'engagent à coopérer dans la définition du domaine d'harmonisation du droit des affaires et dans la mise en oeuvre des politiques d'intégration juridique et judiciaire dans les Etats membres. Le même effort de partenariat et de collaboration est en cours de cristallisation entre la Commission de l'UEMOA et le Secrétariat Permanent de l'OHADA.

Cette harmonisation des normes, laquelle postule une unification des cadres institutionnels d'élaboration des règles et une amélioration du cadre de production lui-même, doit aussi nécessairement être accompagnée d'une harmonisation des juridictions supranationales créées par les différents Traités d'intégration régionale.

B- L'harmonisation du fonctionnement des juridictions communautaires créées par les Traités d'intégration régionale

Il convient de souligner qu'à ce jour il n'existe aucune liaison entre les juridictions supranationales créées par les différents Traités d'intégration régionale. A ce propos, un lien juridique entre lesdites juridictions éviterait certainement des conflits de compétence entre elles. Ainsi, des relations entre ces juridictions peuvent être imaginées par rapport à l'adoption même des normes. L'instauration d'un mécanisme qui permettrait aux différentes cours de justice d'examiner les projets d'Actes Uniformes, de Règlements ou de Directives éviterait l'existence ou l'harmonisation de la même matière dans deux organisations différentes, à l'instar de ce qui s'est produit concernant le SYSCOA de l'UEMOA et l'Acte Uniforme de l'OHADA portant harmonisation de la comptabilité publique des entreprises.

Aussi, un autre mécanisme peut-il être imaginé en ce qui concerne la possibilité, pour une cour de justice saisie à tort, de procéder directement à un renvoi devant la juridiction normalement compétente, afin d'éviter au justiciable la hantise de la déclaration d'incompétence.

Une autre possibilité de résolution des conflits entre les juridictions communautaires serait la mise sur pied d'une juridiction des conflits à l'instar du Tribunal des Conflits dans le système juridictionnel français. On pourrait qualifier cette juridiction de « supra communautaire » selon l'heureuse expression de Pierre Meyer.

Les mesures d'ordre juridique ci-dessus proposées induisent inévitablement d'autres mesures, notamment d'ordre pratique. Ces dernières devraient permettre aux mesures d'ordre juridique d'aboutir aux résultats escomptés.

Section II : Les mesures d'ordre pratique

Ces mesures d'ordre pratique constituent un des moyens de mise en oeuvre des solutions juridiques proposées, susceptibles de conduire à l'effectivité des organes et structures qui résulteront de l'aménagement des textes OHADA et de l'harmonisation des Traités d'intégration régionale (Paragraphe 1). Aussi, devraient-elles permettre une meilleure connaissance de la CCJA par les ressortissants de l'OHADA (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : De l'effectivité des organes et structures qui résulteront de l'aménagement des textes OHADA et de l'harmonisation des Traités d'intégration régionale

Cette effectivité nécessite, d'une part, que soient rendus fonctionnels les organes et structures à mettre en place (A), puis, d'autre part, que ceux-ci et ceux existant déjà soient rapprochés des justiciables (B).

A- De la nécessité de rendre fonctionnels les organes et structures à mettre en place

Nous avons précédemment proposé des solutions d'ordre juridique tendant à l'aménagement du Traité de l'OHADA et du Règlement de Procédure de la CCJA, mais aussi à l'harmonisation de tous les Traités d'intégration régionale. Ces mesures qui sont, entre autres, l'introduction dans les textes précités de dispositions relatives à la mise en place de structures et organes à l'instar d'un Parquet Général près la CCJA, d'un Juge de l'Exécution dans chaque Etat partie, de la nomination de nouveaux juges au sein de la CCJA à raison d'un juge par Etat partie, d'un Tribunal des Conflits, doivent être effectivement appliquées pour permettre un fonctionnement efficace du mécanisme du pourvoi en cassation devant la CCJA et résoudre les conflits de compétence dont nous avons fait état. Dans cette occurrence, il est impérieux de réellement créer lesdits organes et structures et de les doter de moyens financiers et matériels propres à leur assurer de bons rendements. On se souvient que le législateur OHADA, conscient par exemple des freins que pourraient constituer l'éloignement de la CCJA quant à sa saisine, a prévu dans le Traité (article 19) la possibilité pour la Cour de tenir des audiences foraines sur le Territoire des Etats parties. Force est de constater que cette disposition pertinente n'a jamais été traduite dans les faits, la CCJA n'ayant, à ce jour, tenu aucune audience foraine. Il en est de même de la désignation de l'autorité compétente au sein de chaque Etat partie pour apposer la formule exécutoire sur les arrêts de la CCJA. Cette autorité n'a jamais été désignée dans certains Etats parties comme c'est le cas au Togo.

B- De la nécessité de rapprocher des justiciables les structures et organes à créer et ceux déjà existants

Les structures et organes dont nous avons suggéré la création et ceux qui existent déjà ne doivent pas être éloignés des justiciables. Ceci permettrait une saisine plus facile de la CCJA et une amélioration dans l'accomplissement des actes de justice OHADA. Ainsi, nous préconisons, par exemple, une décentralisation de certaines structures de la CCJA auprès des Etats parties, notamment son greffe auprès des Cours Suprêmes nationales. Les contraintes opérationnelles observées actuellement (domiciliation, frais et débours, difficultés de tenues d'audiences foraines) en seraient donc limitées.

La tenue d'audiences foraines, la désignation de l'autorité compétente pour apposer la formule exécutoire sur les arrêts de la CCJA (nous pensons que cette fonction devra être confiée dans chaque Etat partie aux greffiers en chef des Cours Suprêmes ou aux Secrétaires Généraux des Ministères de la Justice) et d'un juge de l'exécution desdits arrêts dans chaque Etat partie, permettraient aussi le rapprochement souhaité et allègeraient les charges des justiciables. Ceci devra aussi contribuer à faire mieux connaître la CCJA.

Paragraphe 2 : De la nécessité d'une meilleure connaissance de la CCJA

Cette meilleure connaissance de la CCJA passe par une vulgarisation des textes OHADA (A) et un renforcement des capacités des acteurs de l'OHADA (B).

A- La vulgarisation des textes OHADA

Il convient de souligner que les textes OHADA, en l'occurrence, le Code OHADA, le Traité, les divers Règlements pris en application du Traité, le recueil de jurisprudence de la CCJA sont peu connus de leurs destinataires. Il en est de même des autres documents écrits par des auteurs et ayant trait à l'OHADA. Nous estimons qu'une large diffusion de ces textes et documents OHADA auprès des opérateurs économiques et des citoyens des Etats parties et des investisseurs étrangers devrait permettre une meilleure connaissance de l'organisation par ces derniers. Dans cette optique, nous recommandons également que le travail de traduction, en anglais, en espagnol et en portugais des Actes Uniformes et des textes fondateurs, commencé par l'organisation soit poursuivi et accentué.

Aussi, y a t-il lieu de faire observer qu'un des freins à une large diffusion des documents précités est le prix souvent excessif de ceux qui sont destinés à la vente, ce qui limite leur acquisition par un nombre important de ressortissants. Dans ce sens, nous préconisons une réduction des prix de ces documents afin de permettre surtout leur acquisition par les étudiants juristes qui en ont très grand besoin. Cette réduction des prix devra être rendue possible par une subvention des Etats parties.

Une large diffusion du Journal Officiel de l'OHADA et des prospectus sur la CCJA est aussi vivement souhaitée. L'action de vulgarisation des textes OHADA doit être également couplée à un renforcement des capacités des acteurs de l'OHADA afin d'assurer la meilleure connaissance de la CCJA souhaitée.

B- Le renforcement des capacités des acteurs de l'OHADA

Les acteurs de l'OHADA dont les capacités doivent être renforcées en vue d'une meilleure connaissance de la CCJA sont les ressortissants des Etats parties. Il s'agit, entre autres, des opérateurs économiques, des auxiliaires de justice, des juristes d'entreprise, des étudiants en droit et des magistrats. A l'égard de ces derniers, le Secrétariat Permanent de l'OHADA, la CCJA elle-même et les Etats parties doivent organiser des séances de sensibilisation sur la CCJA par le truchement des séminaires, des journées de réflexion, des medias, etc. Dans ce sens, le rôle de l'ERSUMA en tant que centre de formation judiciaire et de documentation devrait être accru. A cet effet, des sessions spécialisées entre magistrats nationaux et juges communautaires devraient aussi être initiées.

CONCLUSION

Au terme de cette réflexion, il y a lieu de dire que la CCJA est une institution incontournable dans l'affirmation et la consolidation du droit communautaire de l'OHADA. Depuis le 11 octobre 2001, date de la tenue de sa première audience après réception de son siège à Abidjan, elle a tant bien que mal rempli68(*) la mission qui lui a été assignée par le Traité de Port-Louis, celle de garantir une interprétation commune du droit OHADA en évitant les risques d'interprétations divergentes des Actes Uniformes par les juridictions de fond des Etats parties.

Nous avons montré, dans les développements qui ont précédé, le caractère original de cette juridiction au travers du mécanisme du pourvoi en cassation organisé devant elle. Cette originalité qui réside, d'une part, dans son pouvoir d'évocation et dans la cassation sans renvoi de ses arrêts, puis, d'autre part, dans sa supranationalité judiciaire, constitue également la source majeure des nombreux dysfonctionnements observés dans le pourvoi en cassation instauré devant elle.

S'il ne fait l'ombre d'aucun doute que le mécanisme du recours en cassation devant la CCJA nécessite des aménagements vu les nombreux dysfonctionnements qu'il génère, lesquels sont de nature à compromettre sérieusement sa mission d'interprétation et d'unification de la jurisprudence en matière d'Actes Uniformes, il n'est pas aussi aisé de proposer des solutions unanimement admises, propres à résoudre les difficultés rencontrées.

Nous avons néanmoins essayé de dégager, dans cette étude, des orientations de solutions qui se résument en la révision du Traité de l'OHADA et sa mise en harmonie avec les autres Traités d'intégration régionale, mais aussi à la dotation de la CCJA des moyens tant humains, matériels que financiers indispensables à l'efficacité de sa mission. Il faut dire que ces solutions préconisées nécessitent une bonne dose de volonté politique des Etats parties au Traité pour leur mise en oeuvre effective, tant la procédure de révision du Traité est très lourde et nécessite l'accord unanime de tous les Etats parties pour ce faire.

Une chose est cependant certaine, c'est que cette révision du Traité devra nécessairement prendre en compte quelques unes des solutions suggérées afin d'atteindre les résultats escomptés.

Il s'agit, en premier lieu, du point relatif à l'encadrement du pouvoir d'évocation dont dispose la CCJA, étant entendu que ce pouvoir d'évocation constitue la source principale des difficultés liées au fonctionnement du pourvoi en cassation organisé devant elle.

En second lieu, le point relatif au « raccourcissement de l'épuisement des voies de recours internes » opéré par le Traité devra être sérieusement examiné. En d'autres termes, est-il indispensable à l'OHADA qu'il n'y ait pas dans chaque Etat partie une juridiction de cassation compétente pour l'interprétation des Actes Uniformes ? Une réponse négative à cette question reviendrait à réintroduire les Cours Suprêmes nationales dans le jeu judiciaire relatif à l'application des Actes Uniformes ; dans cette perspective, il ne faudrait pas perdre de vue que leur interprétation, donc le contrôle de la légalité de l'exacte application du droit communautaire, restera l'apanage de la CCJA. Une réponse positive à cette question devrait tendre à la réaffirmation de la suprématie générale de la CCJA dans l'orientation actuelle du Traité, et, dans cette optique, toutes les dispositions devront être prises afin d'éviter que les décisions rendues par les Cours Suprêmes nationales en matière d'Actes Uniformes soient appliquées grâce au cadre juridique par défaut dont nous avons parlé précédemment.

En troisième lieu enfin, le point relatif à l'accroissement des effectifs de la CCJA couplé à un renforcement conséquent de ses ressources financières ne devra pas être négligé. Sur ce dernier point, les Etats parties doivent impérativement s'efforcer à rendre effectif le mécanisme de financement autonome de l'OHADA institué par le Règlement n° 002/2003/CM du 18 octobre 200369(*).

Nous estimons que c'est seulement à ce prix qu'un souffle nouveau sera insufflé à la Haute Juridiction Communautaire, laquelle pourra enfin évoluer normalement et ce, dans le plus grand intérêt des justiciables et de toute l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires.

Au-delà de la CCJA, c'est tout le fonctionnement du système institutionnel de l'OHADA qu'il faudra revoir et cela devra nécessairement passer par une relecture des « Arrangements de N'Djamena », en date du 18 avril 1996, sur la base desquels les responsabilités au sein de l'Organisation ont été réparties entre certains Etats, dans « le but d'installer rapidement et avec une capacité opérationnelle immédiate les institutions de l'OHADA ». Rappelons que ces « Arrangements » ont confié de façon permanente, d'une part, au Togo, au Congo Brazzaville et au Burkina Faso, respectivement les postes de Secrétaire Permanent de l'OHADA, Greffier en Chef de la CCJA et Directeur de l'ERSUMA, privant en contrepartie, leurs ressortissants de la possibilité de briguer un poste de juge à la CCJA. D'autre part, ils ont permis à la Côte d'Ivoire, au Cameroun et au Bénin d'abriter respectivement le siège de la CCJA, du Secrétariat Permanent et de l'ERSUMA. La Présidence de la CCJA est, quant à elle, revenue au Sénégal, la Première Vice-présidence à la Centrafrique, la deuxième Vice-présidence au Gabon et les quatre autres postes de juge au Niger, au Mali, à la Guinée Bissau et au Tchad.

Depuis quelques années, des voix ayant commencé par s'élever pour dénoncer les frustrations engendrées par ces Arrangements qui ont consacré un monopole des postes de responsabilité par certains pays et un déséquilibre entre les Etats parties représentés à la CCJA, les Chefs d'Etats et de Gouvernement des pays membres de l'OHADA, réunies en marge du Sommet de la Francophonie tenu à Québec au Canada du 17 au 19 octobre 2008, ont unanimement décidé de mettre fin à ces Arrangements par la « Déclaration de Québec sur les Arrangements de N'Djamena »70(*) . Il ne reste qu'à souhaiter vivement que cet accord de principe soit rapidement traduit dans les faits par le Conseil des Ministres pour une répartition plus équitable des responsabilités au sein de l'Organisation et ce, suivant les principes prévalant en la matière pour l'ensemble des organisations internationales mettant particulièrement en valeur la compétence et l'intégrité attendues des responsables des institutions.

Aussi, faut-il saluer l'initiative des Chefs d'Etats et de Gouvernement de l'OHADA qui ont également adopté le Traité de Québec portant révision du Traité de l'OHADA au cours du même sommet de la Francophonie, même s'il faut reconnaître que les modifications effectuées71(*) ne résolvent pas les difficultés fondamentales du pourvoi en cassation devant la CCJA que nous avons relevées. Encore faut-il que ce Traité révisé soit ratifié par tous les Etats parties afin d'être appliqué.

Il est à noter que les Etats parties à l'OHADA, pour favoriser l'application et l'interprétation du droit OHADA, devront nécessairement mettre en conformité leur droit interne avec les Actes Uniformes72(*). Aussi, y a t-il lieu de signaler qu'à ce jour, aucun travail n'a été effectué dans ce sens au Togo. Au demeurant, aucune sanction n'a été prévue ni par le Code Pénal ni par un texte spécial pour rendre effectives les incriminations qui sont prévues dans les Actes Uniformes. Nous espérons que la réforme du Code Pénal et du Code de Procédure Pénale actuellement en cours saura efficacement prendre en considération ce problème d'articulation entre le droit international OHADA et le droit togolais73(*).

A l'heure où l'OHADA est arrivée à un âge de maturité et conduite à envisager à plus ou moins long terme, l'ouverture sous une forme ou une autre vers les pays de Common Law, espérons qu'elle pourra aborder sereinement ce virage en réalisant efficacement la synthèse des systèmes juridiques romano-germanique et anglo-saxon que l'on se plaît très souvent à opposer. Dans ce sens, et pour reprendre le Professeur émérite Yves GUYON, « ce serait un bel exemple que les juristes africains donneraient aux juristes occidentaux ».

* 1 Pour en savoir plus sur la genèse de l'OHADA, voir M. KIRSH, « Historique de l'OHADA », Penant, n° 827, 1998, p.129.

* 2 Du fait de deux nouvelles adhésions au Traité depuis sa signature, l'OHADA compte actuellement seize Etats membres : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, les Comores, le Congo (Brazzaville), la Côte d'Ivoire, le Gabon, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Guinée Equatoriale, le Mali, le Niger, la République Centrafricaine, le Sénégal, le Tchad et le Togo.

* 3 Législation unifiée promulguée par le Conseil des Ministres de l'OHADA. A ce jour, huit Actes Uniformes sont entrés en vigueur : l'A.U relatif au Droit Commercial Général, au Droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d'Intérêt Economique, aux sûretés, aux procédures simplifiées de Recouvrement et Voies d'Exécution, aux Procédures Collectives, au Droit de l'Arbitrage, à la Comptabilité et aux Contrats de Transport de Marchandises par Route.

* 4 Premier Président Honoraire de la Cour Suprême du Sénégal, ancien Président du Conseil Constitutionnel du Sénégal, ancien Vice Président de la CCJA et premier Président de l'Association pour l'Unification du Droit en Afrique (UNIDA) dont l'objectif est d'accompagner l'OHADA et de soutenir ses efforts dans la communication et la diffusion du droit Uniforme.

* 5 Organe décisionnel suprême de l'OHADA composé, aux termes de l'article 27 du Traité, des ministres de la Justice et des ministres des Finances de chaque Etat membre. Il a essentiellement pour rôle de délibérer et d'adopter les Actes Uniformes après avis de la CCJA.

* 6 Organe administratif de l'OHADA dont le siège est basé à Yaoundé au Cameroun. Il assiste le Conseil des Ministres dans l'exécution de ses fonctions législatives. Il est dirigé par un Secrétaire Permanent, nommé pour une durée de quatre ans renouvelable une fois (art. 40 du Traité).

* 7 Elle est rattachée au Secrétariat Permanent. Son siège est à Porto Novo au Bénin. Sa fonction principale est de concourir à la formation et au perfectionnement des magistrats et des auxiliaires de Justice. Elle sert aussi de centre de documentation et de recherche.

* 8 L'arbitrage permet aux parties de faire régler leurs différends par une juridiction privée, composée d'un arbitre unique ou d'un panel d'arbitres, qui peuvent être choisis par les parties elles-mêmes. Ainsi, la CCJA est un centre d'arbitrage qui a pour rôle d'encadrer le règlement par voie arbitrale des litiges par le Règlement d'arbitrage adopté le 11 mars 1999 (le « Règlement CCJA »), qui reprend et complète les dispositions du Traité.

* 9 Voy dans ce sens, article 14 al.4 du Traité de l'OHADA

* 10 D. ARBACHI, La Supranationalité de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Rev. Burkinabé de Droit. 2000, spéc. p. 18 et s. ; J. Issa-Sayegh, la fonction juridictionnelle de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA. Mel. Decottignies, Presse Universitaire de Grenoble.

* 11 Pierre Meyer, « Les conflits de juridictions dans les espaces OHADA, UEMOA, CEDEAO », in Sensibilisation au droit communautaire de l'UEMOA, Acte du Séminaire Sous-régional à Ouagadougou, Burkina Faso du 6-10 octobre 2003, coll.DTE, éditions Giraf, p. 183.

* 12 Bakary DIALLO, Réflexions sur le pouvoir d'évocation de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage dans le cadre du Traité de l'OHADA, Rec. Penant, n° 858, janv-mars 2007, p. 40.

* 13 En ce sens, Pierre Meyer, op. cit.

* 14 L'acronyme signifie « Union Economique et Monétaire Ouest Africaine ». Le Traité instituant l'Union a été signé le 10 janvier 1994 et ratifié en juin 1994, remplaçant l'UMOA (Union Monétaire Ouest Africaine) créée en 1962 et la CEAO (Communauté Economique d'Afrique de l'Ouest), créée en 1973, et fusionnant les fonctions de ces deux institutions. Les Etats membres de l'UEMOA sont : Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo.

* 15Signifie Communauté Economique des Etats d'Afrique de l'Ouest. Elle est fondée le 28 mai 1975. Elle regroupe outre les huit pays membres de l'UEMOA précités, la Guinée Conakry et six Etats en majorité anglophones à savoir : Cap Vert, Gambie, Ghana, Libéria, Nigeria et Sierra Leone.

* 16 Signifie « Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale ». Créée en 1994 afin de remplacer l'ancienne UDEAC (Union Douanière des Etats de l'Afrique Centrale) datant de 1964, elle comprend six Etats : Cameroun, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, République Centrafricaine, Tchad.

* 17 Cf. art. 5 qui précise le domaine du droit des affaires par les matières énumérées, combiné avec l'art. 2 du Traité de l'OHADA.

* 18 Cf. art. 4 du Traité de l'OHADA.

* 19 Art. 19 alinéa 1 du Traité OHADA : « La procédure devant la Cour de Justice et d'Arbitrage est fixée par un Règlement adopté par le Conseil des Ministres (...) ».

* 20 J.Issa-Sayegh, La fonction juridictionnelle de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, Mel. Decottignies, Presses univ. de Grenoble.

* 21 Art. 13 Traité OHADA : « Le contentieux relatif à l'application des Actes Uniformes est réglé en première instance et en appel par les juridictions des Etats parties ».

* 22 Voir Boris Martor, Nanette Pilkington, David Sellers et Sebastien Thouvenot (avec la participation de Pascal Ancel, Bénoît le Bars et Roger Masamba), Le droit uniforme africain des affaires issu de l'OHADA, Litec 2004, p. 13.

* 23 Cf. art. 28 du Règlement de Procédure de la CCJA.

* 24 Art. 18 al. 1 du Traité de l'OHADA : « Toute partie qui, après avoir soulevé l'incompétence d'une juridiction nationale statuant en cassation estime que cette juridiction a, dans un litige la concernant, méconnu la compétence de la Cour commune de justice et d'arbitrage peut saisir cette dernière dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée ».

* 25 L'art. 23 sus-cité ne crée donc pas une catégorie d'avocats près la CCJA. Cependant, si l'avocat n'est pas domicilié à Abidjan, son client devra y élire domicile pour toute la durée de l'instance car c'est à ce domicile élu que les significations lui seront faites. Ce domicile élu peut être celui d'un autre avocat ou d'un notaire.

* 26 Le mémoire en réponse doit être présenté au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la signification du recours.

* 27 Dans ce sens voir Boris Martor, Nanette Pilkington, David Sellers et Sebastien Thouvenot (avec la participation de Pascal Ancel, Bénoît le Bars et Roger Masamba), Op. Cit. p.15

* 28 Cf. ANOUKAHA F., CISSE A, DIOUF N, NGUEBOU TOUKAM J, POUGOUE P.G. et SAMB M., OHADA, Sociétés Commerciales et du Groupement d'Intérêt Economique, coll. Droit uniforme africain, Bruylant, Bruxelles, 2002, p.233

* 29 En d'autres termes, la qualification pénale des actes. A titre d'exemple, l'article 889 de l'Acte Uniforme sur les Sociétés Commerciales et les GIE dispose : « encourent une sanction pénale les dirigeants sociaux qui, en l'absence d'inventaire ou au moyen d'inventaire frauduleux, auront, sciemment, opéré entre les actionnaires ou les associés la répartition de dividendes fictifs ». Il revient maintenant à chaque Etat de fixer la peine correspondante à cette infraction dans sa législation pénale interne.

* 30 Jacques BORE, « La difficile rencontre du droit pénal et du droit communautaire », Mélanges en l'honneur d'André Vitu, Droit pénal contemporain, Cujas, p. 25-49.

* 31 Athanase FOKO, « Analyse critique de quelques aspects du droit pénal OHADA », n° 859, Penant, p. 198.

* 32 Selon le répertoire de jurisprudence Merlin, « la question préjudicielle est définie comme toute question qui, dans un procès, doit être jugée avant une autre, parce que celle-ci serait sans objet, si la personne qui l'élève succombait sur celle-là. L'expression peut aussi désigner une question qu'un tribunal national d'un Etat membre de l'Union Européenne peut poser par écrit à la Cour de Justice des Communautés Européennes. La réponse ne lie en aucun cas le Tribunal national. ». C'est ce dernier cas qui nous intéresse ici étant donné que dans le cadre de l'OHADA, les juridictions nationales ont la faculté de poser des questions préjudicielles à la CCJA (art. 14 du Traité). Pour de plus amples développements à ce sujet, voy. Catherine GLAUBERT, la question préjudicielle en droit OHADA et en droit communautaire, www.ohada.com, Ohadata D-05-20.

* 33 Voy. à ce propos E.L. Kangambega, Observations sur les aspects pénaux de l'OHADA, Penant, 2000, p. 321.

* 34 Article 36 du Règlement de Procédure de la CCJA : « Le Président dirige les débats et exerce la police d'audience. Il détermine l'ordre dans lequel les parties sont appelées à prendre la parole ».

* 35 Selon le dictionnaire juridique en ligne Juripole, il s'agit d' « une décision accessoire prononcée par le Tribunal ayant statué en première instance, autorisant la partie qui a obtenu gain de cause à poursuivre l'exécution du jugement rendu contre son adversaire, malgré les recours qu'il aurait engagés ».

* 36 Le dictionnaire juridique précité poursuit en disant que « le recours contre cette partie du jugement de première instance se nomme défense à exécution provisoire ».

* 37Arrêt n° 013/2003: SOCOM SARL C/ SGBC, Recueil de jurisprudence OHADA, n°1, janvier-juin 2003, p.16 ; Voy. aussi, G. Kenfack Douajni, L'Etat actuel de l'Ohada, www.ohada.com, Ohadata D-03-20.

* 38 Arrêt SEHIC HOLLYWOOD S.A C/ SGBC, www.ohada.com, ohadata J-04-104.

* 39 CCJA, Arret n° 006/2001 du 11 octobre 2001, S.A. Aminou et Cie et MAB c/ CCEI BANK, www.ohada.com, ohadata J-02-09.

* 40 CCJA, Arrêt n° 06/2005 du 27/01/2005, Murielle Corinne Christelle KOFFI et Sahouot Cédric KOFFI c/ La Société ECOBANK, www.ohada.com, ohadata J-05-188.

* 41 A propos de ces litiges, voy. BROU Kouakou Mathurin, « Le contentieux des Actes Uniformes : de la compétence de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage » Le Juris-Ohada, n° 2-2003, avril-juin 2003, p.2.

* 42 CCJA, Arrêt n° 1/2001 du 11 octobre 2001, ETB c/ CFCF, www.ohada.com, ohadata J-02-05.

* 43 E. NSIE, La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, Rec. Penant, 1998, n° 828, p.320.

* 44 La notion est définie par Bakary DIALLO dans son article intitulé « Réflexions sur le pouvoir d'évocation de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage dans le cadre du Traité de l'OHADA », Rec. Penant n° 858, janv-mars 2007, p. 40, comme « étant l'attribution que possède une juridiction, dans tous les cas où elle est saisie, d'examiner complètement le dossier d'une affaire, de le réformer, de corriger les erreurs de qualification des juges primitivement saisis, de relever toutes les circonstances légales qui accompagnent les faits. ».

* 45 Sur cette notion, Voy. M. FABRE, « La cassation sans renvoi en matière civile », JCP, G., n° 1347, 2001, p. 1715.

* 46 J. Guyenot, Le pouvoir de révision et le droit d'évocation de la chambre d'accusation, Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, n°3, 1964, p. 561 et s.

* 47 Bakary DIALLO, op. cit., p. 44.

* 48 Ce principe a été consacré par la CCJA dans son arrêt n° 32 du 4 novembre 2004, Affaire Société Eburnea c/ Cie d'assurances Les Tisserins Satca, note B. DIALLO, Penant n° 855-2006.

* 49 Dans ce sens, voir l'article 238 du Code de Procédure Civile Togolais qui reconnaît indirectement cette faculté aux parties lorsqu'elle affirme que : «.S'il y a lieu à renvoi (...). La cause est alors reprise devant la juridiction de renvoi conformément à la procédure applicable devant celle-ci (...) ». L'article 632 du NCPC français est quant à lui plus explicite à ce sujet lorsqu'elle dispose que devant la juridiction de renvoi, « les parties peuvent invoquer de nouveaux moyens à l'appui de leurs prétentions ».

* 50 « En droit français, il est de jurisprudence constante que le droit d'évocation doit s'exercer dans le respect du principe du contradictoire. Il n'est pas possible à une cour d'évoquer sans que les parties aient conclu au fond ou aient été mises en demeure de le faire ». Voy.Civ.2ème, 8 juin 1979, Gazette du Palais, 1979, 2, 443, note Viatte.

* 51 CCJA, avis n° 1/2001/EP du 30 avril 2001, www. ohada.com, ohadata J-02-04

* 52 La demande d'avis consultatif de la Côte d'Ivoire ayant donné lieu à l'avis précité de la CCJA a été formulée par lettre n° 137/ MJ/CAB-3/KK/MB en date du 11 octobre 2000 du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, et enregistrée au Greffe de la CCJA le 19 octobre 2000 sous le n° 002/2000/EP.

* 53 Droit civil, droit commercial ou encore droit processuel, par exemple.

* 54 Cour Suprême du Niger, Chambre Judiciaire, arrêt n°1-158/C du 16 août 2001, Snar Leyma c/ Hima Souley, www.ohada.com, ohadata J-02-36. Voir également le brillant article de A. Kante sur cet arrêt intitulé « La détermination de la juridiction compétente pour statuer sur un pourvoi formé contre une décision rendue en dernier ressort en application des Actes Uniformes (Observations sur l'arrêt de la Cour Suprême du Niger du 16 août 2001),www.ohada.com, Ohadata D-02-29.

* 55 Sur la résistance des cours suprêmes, J. Lohoues-Oble in Traité et Actes Uniformes commentés et annotés, Juriscope, 2ème édition., 2002, p. 41-42. ; René Tagne, La Cour Suprême du Cameroun en conflit avec la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA), Juridis, n° 62, p. 104 ; www. ohada.com, Ohadata D-08-30.

* 56 Laurent BENKEMOUN, Les rapports entre les juridictions de cassation nationales et la CCJA de l'OHADA : aspects conceptuels et évaluation, Rec. Penant juillet-septembre 2007, n° 860, p. 299.

* 57 Par rapport à cette expression, Pierre Meyer a fait dans son article intitulé, « Les conflits de juridictions dans les espaces OHADA, UEMOA, CEDEAO », in Sensibilisation au droit communautaire de l'UEMOA, Actes du Séminaire Sous-régional à Ouagadougou, Burkina Faso du 6-10 octobre 2003, coll.DTE, éditions Giraf, p.186, l'observation ci-après : « l'expression (...) ne présente pas d'analogie avec la technique dite des conflits des lois, habituellement utilisée en droit international privé. En effet, l'expression conflit de lois désigne, en droit international privé, une concurrence entre des normes, résolue par le choix d'une des normes en conflit par le juge saisi d'un litige suscitant, précisément en raison de la dispersion de ses éléments constitutifs, une concurrence entre des règles. Ce choix entre les lois en concurrence est effectué au moyen d'une règle dite de conflit de lois. Le juge étatique résout donc un conflit de lois. Le juge communautaire, lui, n'a pas à résoudre de conflit de lois. Il doit vérifier si la situation entre dans le champ d'application du droit communautaire. Si sa réponse est positive, il déclare qu'il faut lui appliquer les dispositions pertinentes du droit communautaire. Si tel n'est pas le cas, il n'a pas à déterminer quel autre droit que le droit communautaire est applicable à la situation (...) ».

* 58 D. ARBACHI, La Supranationalité de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) www.ohada.com, Ohadata D-02-02, p.20.

* 59 A ce sujet, il est à préciser qu'à la date du 30 juin 2008, le nombre de pourvois soumis à la CCJA se chiffrait à 682 répartis comme suit : Bénin (9) ; Burkina Faso (15) ; Cameroun (90) ; Centrafrique (8) ; Comores (1) ;

Congo (18) ; Côte d'Ivoire (375) ; Gabon (22) ; Guinée (21) ; Guinée Bissau (2) ; Guinée Equatoriale (0) ; Mali (32) ; Niger (27) ; Sénégal (32) ; Tchad (12) et Togo (13).

* 60 L'expression a été employée par Philippe Tiger, Professeur associé à l'Université François Rabelais de Tours (France) dans la première communication introductive qu'il a présentée lors des 8èmes assises statutaires de l'Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF) tenues à Lomé au Togo du 6 au 9 juin 2006 sur le thème « Les rapports entre les juridictions de cassation nationales et la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA : Bilan et perspectives d'avenir ».

* 61 En droit togolais, l'art. 219 du Code de Procédure Civile retient les cas suivants : méconnaissance de la loi, interprétation erronée de la loi et violation des règles de procédure prescrites à peine de nullité. L'article 206 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Administrative de la Côte d'Ivoire est quant à elle plus exhaustif à ce sujet. Il retient les cas d'ouverture ci-après : la violation de la loi ou l'erreur dans l'application ou l'interprétation de la loi ; l'incompétence ; l'excès de pouvoir ; la violation des formes légales prescrites à peine de nullité ou de déchéance ; la contrariété de décisions rendues entre les mêmes parties relativement au même objet et sur les mêmes moyens ; le défaut de base légale résultant de l'absence, de l'insuffisance, de l'obscurité ou de la contrariété des motifs ; l'omission de statuer et la prononciation sur chose non demandée ou attribution de chose au-delà de ce qui a été demandé.

* 62 A ce sujet, Voy. Eugène Assepo ASSI, La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA : un troisième degré de juridiction ? , www.ohada.com, Ohadata D-06-23.

* 63 Le Portugais comme langue officielle.

* 64 L'Espagnol comme langue officielle.

* 65 L'acronyme signifie Organisation de l'Unité Africaine devenue depuis juillet 2002 Union Africaine (U.A).

* 66 Bakary DIALLO,  Réflexions sur le pouvoir d'évocation de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage dans le cadre du Traité de l'OHADA, Rec. Penant, n° 858, janvier-mars 2007, p. 59.

* 67 En droit français, il s'agit d'un pourvoi formé auprès de la Cour de cassation contre des décisions contraires à la loi à l'initiative du ministère public. Il existe aussi bien en matière civile, pénale qu'administrative. En matière civile, il est prévu par la Loi 67-523 du 3 juillet 1967 relative à la Cour de Cassation en son article 17, lequel dispose : « Si le procureur général près la Cour de cassation apprend qu'il a été rendu, en matière civile, une décision contraire aux lois, aux règlements ou aux formes de procéder, contre laquelle cependant aucune des parties n'a réclamé dans le délai fixé, ou qui a été exécutée, il en saisit la Cour de cassation après l'expiration du délai ou après l'exécution. Si une cassation intervient, les parties ne peuvent s'en prévaloir pour éluder les dispositions de la décision cassée ».

* 68 La CCJA a ainsi pu rendre, à la date du 30 juin 2008, 38 arrêts d'incompétence, 89 arrêts de rejet et 85 arrêts de cassation sur un total de 682 pourvois enregistrés à son greffe. 345 affaires étaient pendantes par-devant elle à cette même date.

* 69 Voy. l'intégralité de ce Règlement en annexes n° 3.

* 70 Voy. l'intégralité de cette Déclaration en annexe n° 1

* 71 Voy. les modifications apportées au Traité en annexe n°2

* 72 A ce sujet, voy. Joseph ISSA-SAYEGH, Réflexions sur la mise en conformité du droit interne des Etats parties avec les Actes Uniformes de l'OHADA, www. ohada.com, ohadata D-04-12.

* 73 Entretien avec Maryse Raynal, Maître de Conférence de Droit Privé et Sciences Criminelles à l'Université de Pau (France) et des Pays de l'Adour, Spécialiste de l'OHADA.






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