INTRODUCTION
Le droit des affaires étant en
constante évolution, le corpus juridique légué en la
matière par le colonisateur aux lendemains des indépendances
à la plupart des Etats de la zone franc a très vite montré
ses insuffisances. Ces insuffisances, qui proviennent parfois de la coexistence
des textes difficilement compatibles voire contradictoires, parfois aussi de
l'inadaptation des lois de fond et de procédure, furent
amplifiées par les dysfonctionnements des services judiciaires, les
fantaisies et l'imprévisibilité de bon nombre de tribunaux et
surtout les difficultés enregistrées dans l'exécution des
décisions de justice. Il était donc devenu impérieux pour
ces Etats de remédier à ces insuffisances source
d'insécurité juridique et judiciaire. C'est ainsi qu'ils ont
entrepris un vaste chantier de modernisation de leur droit des affaires qui a
abouti à la création de l'Organisation pour l'Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires (OHADA)1(*). Le Traité instituant cette organisation a
été signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis en Ile
Maurice par quatorze pays2(*).
La nouvelle organisation ainsi
créée a donc pour objectifs principaux, la création d'un
espace juridique commun par la promulgation d'Actes Uniformes3(*) applicables dans tous les Etats
parties au Traité, la promotion de l'arbitrage comme mode de
règlement des différends contractuels, le soutien à
l'intégration économique africaine et l'institution d'une
communauté économique africaine. On comprend donc que l'OHADA
avait pour ambition d'explorer un droit unique des affaires, simple, moderne,
transnational commun aux Etats parties, adapté à la situation de
leurs économies, et susceptible, de ce fait, de restaurer la confiance
des investisseurs. C'est justement à ce propos que le Juge Keba
Mbaye4(*) affirmait que
l'OHADA est « un outil juridique imaginé et
réalisé par l'Afrique pour servir l'intégration
économique et la croissance ».
Afin de remplir les objectifs qu'elle s'est
assignée, l'Organisation s'est dotée d'un système
institutionnel comprenant un Conseil des Ministres5(*), un Secrétariat
Permanent6(*), une Ecole
Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA)7(*), et une Cour Commune de Justice
et d'Arbitrage (CCJA).
La présente étude a pour objet
cette dernière institution et se rapporte précisément au
mécanisme du pourvoi en cassation organisé devant elle.
La CCJA, pouvons-nous dire, est une institution
très importante qui se situe au coeur du système juridique et
judiciaire de l'OHADA. Son siège se trouve à Abidjan en
Côte d'Ivoire. Elle se compose de sept juges élus à la
majorité des voix et au scrutin secret par le Conseil des Ministres
pour un mandat de sept ans renouvelable une fois. Lesdits juges jouissent, dans
l'exercice de leurs fonctions, de privilèges et immunités
diplomatiques et sont inamovibles une fois élus.
Le Traité de l'OHADA attribue à
la CCJA des fonctions arbitrales8(*) et juridictionnelles. Nous retiendrons uniquement,
dans les développements qui suivront, les fonctions juridictionnelles de
ladite institution, notamment l'examen par elle des pourvois en cassation qui
lui sont soumis et les conséquences qui en découlent.
Au Togo, aux termes de l'article 219 du Code de
Procédure Civile, « le pourvoi en cassation est une voie de
recours tendant à mettre à néant un jugement en dernier
ressort qui lèse le requérant par suite d'une
méconnaissance ou d'une interprétation erronée de la loi
ou par suite d'une violation des règles de procédure prescrites
à peine de nullité. ». Il est un recours extraordinaire
formé devant la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême (pour les
juridictions judiciaires) ou devant la Chambre Administrative de la Cour
Suprême (pour les juridictions administratives), contre une
décision de justice rendue en dernier ressort. Cette voie de recours est
offerte aux parties à l'instance suite à un arrêt rendu en
appel, ou suite à un jugement de première instance non
susceptible d'appel. La Cour Suprême n'est pas un troisième
degré de juridiction intervenant après l'appel lorsque celui-ci
est possible, car le juge de cassation ne rejuge pas le litige. Il
vérifie seulement le respect des règles de procédure et la
correcte application du droit par les juges du fond. Il rend ainsi un
arrêt de rejet, s'il est du même avis que les juges du fond, ou un
arrêt de cassation, s'il est d'avis contraire.
Dans le cadre de ses fonctions
juridictionnelles, la CCJA, par le mécanisme du pourvoi en cassation,
connaît du contentieux relatif à l'application des Actes Uniformes
pris en application du Traité de l'OHADA. En effet, aux termes de
l'article 14 alinéa 3 dudit Traité, « saisie par la
voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions
rendues par les juridictions d'appel des Etats parties dans toutes les affaires
soulevant des questions relatives à l'application des Actes Uniformes et
des Règlements prévus au présent Traité à
l'exception des décisions appliquant des sanctions pénales
». De la sorte, la CCJA est la juridiction suprême, mieux encore, la
juridiction de cassation des Etats membres de l'OHADA dès lors qu'il
s'agit des litiges relatifs au droit harmonisé de l'OHADA, et se
prononce donc sur les décisions rendues par les juridictions nationales
d'appel ou celles rendues en premier et dernier ressort par les juridictions
nationales de première instance9(*). A ce propos, Laurent BENKEMOUN a pu d'ailleurs
qualifier la situation de « révolution institutionnelle unique
au monde ».
Il se trouve donc organisée au sein de
l'OHADA, une supranationalité judiciaire10(*) de la CCJA, laquelle se manifeste par sa substitution
aux juridictions de cassation nationales dans les litiges relatifs à
l'application du droit OHADA, précisément les Actes Uniformes.
Cette substitution s'applique même aux
juridictions du fond lorsqu'il y a cassation dans la mesure où l'article
14 alinéa 5 du Traité prévoit qu' « en cas
de cassation, elle [la CCJA] évoque et statue au
fond »11(*). Un
pouvoir d'évocation est ainsi accordé à la CCJA au travers
de cet article. Expression parfaite de la suprématie du juge
supranational à l'égard des juges nationaux, il permet ainsi
à la Cour Commune de ne pas opérer de renvoi de la
décision qui lui a été déférée et lui
« donne donc compétence juridictionnelle pour connaître
des faits de l'espèce, en se comportant comme une juridiction de renvoi
de ses propres arrêts de cassation ».12(*)
Sans aucun doute, ce mécanisme de
substitution tel qu'il est organisé par le Traité de l'OHADA,
fait du pourvoi en cassation devant la CCJA un mécanisme
profondément innovant et original. La question reste cependant
posée de savoir si c'est seulement ce pouvoir d'évocation qui
fait du pourvoi en cassation devant la CCJA un mécanisme innovant et
original. Certainement pas, dans la mesure où l'étude des
conditions du pourvoi et de la procédure suivie devant la CCJA permet
également de déceler dans ledit mécanisme une certaine
originalité.
Force est de reconnaître toutefois que le
pourvoi en cassation devant la CCJA est source de nombreuses inquiétudes
et difficultés.
Les difficultés, en premier lieu, sont
d'ordre substantiel et découlent directement du pouvoir
d'évocation accordé à la Cour. Elles sont relatives au
caractère équivoque du droit de contrôle de la Cour et
à l'interprétation proprement dite des Actes Uniformes.
Relativement au caractère
équivoque du droit de contrôle de la Cour, des incertitudes
existent quant au principe du rejet des moyens mélangés de fait
et de droit par la Cour et quant aux sources formelles qu'elle contrôle.
N'y a-t-il pas contradiction entre les termes dès lors qu'on
considère la CCJA comme une « juridiction de cassation qui
statue sur le fond » ?
Pour ce qui est de l'interprétation
proprement dite des Actes Uniformes, il n'est pas exclu qu'un pourvoi en
cassation intéresse à la fois le droit OHADA et le droit interne
d'un Etat membre. Nous sommes alors tenté, comme l'a écrit Pierre
MEYER, de nous poser les questions ci-après : « comment
faut-il, dans ce cas, régler, le partage de compétences entre la
juridiction commune et les juridictions nationales ? Faut-il attribuer
compétence pour l'intégralité du litige à la Cour
Commune ? Faut-il former deux pourvois en cassation contre la même
décision, l'un devant la juridiction nationale de cassation et l'autre
devant la juridiction commune ? Faut-il former un seul pourvoi avec deux
moyens destinés à deux juridictions différentes de sorte
que la juridiction nationale de cassation renvoie l'affaire devant la CCJA
après s'être prononcée sur l'application des dispositions
du droit interne non harmonisé ? Ou l'inverse, c'est -à-
dire saisir d'abord la CCJA qui, après s'être prononcée,
renvoie devant la juridiction nationale de contrôle de
légalité? ».13(*) Aussi, n'est-il pas impossible qu'un pourvoi en
cassation devant la CCJA puisse impliquer des matières également
régies par d'autres droits communautaires, en l'occurrence, le droit de
la concurrence, le droit des sociétés coopératives et
mutualistes, entre autres, dont l'unité et l'interprétation est
aussi confiée à d'autres juridictions supranationales à
l'instar de la Cour de Justice de l'UEMOA14(*), de la CEDEAO15(*) et de celle de la CEMAC16(*). Il apparaît donc,
à cet égard, un risque inéluctable de conflits de
compétences entre ces juridictions supranationales. La question reste
encore posée : comment faut-il régler le partage des
compétences entre elles ?
S'agissant, en second lieu, des
inquiétudes, elles portent essentiellement sur la procédure
suivie devant la CCJA. Ainsi, des interrogations demeurent quant à
l'éloignement de son siège de certains Etats parties, à
son manque d'auto saisine, à la non définition des cas
d'ouverture à cassation devant elle, à la langue de
procédure adoptée devant elle et à la force
exécutoire de ses arrêts.
C'est pour apporter notre contribution à
une meilleure connaissance de l'instance en cassation devant la CCJA, et lever
l'équivoque qui a toujours entouré cette instance en raison du
pouvoir d'évocation accordé à la Cour, que nous avons
porté notre choix sur le thème suivant : Le
pourvoi en cassation devant la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de
l'OHADA.
Par rapport à tout ce qui
précède, notre étude se propose de démontrer, dans
une première partie, que le pourvoi en cassation devant la CCJA est un
mécanisme profondément original et innovant (Première
Partie), puis faire ressortir dans une seconde partie que, malgré son
originalité, ce mécanisme, tel qu'il est organisé, est
source de nombreuses difficultés et inquiétudes (Deuxième
Partie).
PREMIERE PARTIE
LE POURVOI EN CASSATION DEVANT LA
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D'ARBITRAGE, UN MECANISME
ORIGINAL ET
INNOVANT
La solution donnée par
une juridiction d'instance ou d'appel d'un Etat partie à un
différend relatif aux Actes Uniformes peut ne pas agréer une des
parties litigantes. La possibilité est donc offerte à cette
partie de contester la décision intervenue devant la CCJA. Cette
contestation est introduite par le biais du mécanisme du pourvoi en
cassation. A examiner de près ce mécanisme, on se rend facilement
compte qu'elle est très singulière à bien des
égards.
Dans cette première partie, la
singularité du pourvoi en cassation devant la CCJA sera mise en exergue
à travers l'étude de la manière dont est organisé
ce pourvoi (Chapitre I) et des décisions susceptibles d'être
rendues par la CCJA(Chapitre II).
CHAPITRE I : L'ORGANISATION DU POURVOI EN
CASSATION DEVANT LA CCJA
Le pourvoi en cassation
devant la CCJA nécessite certaines conditions précises pour sa
recevabilité. Le présent chapitre nous permettra d'examiner ces
conditions (Section 1). Aussi, nous permettra t-il de mieux connaître
les personnes et organes habilités à former ledit pourvoi et la
procédure suivie par ceux-ci pour ce faire (Section 2).
Section I : Les conditions du pourvoi
Ici, nous examinerons dans une
première partie, les conditions relatives à l'application des
textes OHADA (Paragraphe 1), puis dans une seconde partie, celles relatives aux
décisions déférées à la CCJA (Paragraphe
2).
Paragraphe 1 : Les conditions relatives à
l'application des textes OHADA
Nous nous intéresserons dans ce
paragraphe aux Actes Uniformes (A) et aux Règlements prévus au
Traité (B).
A- L'application des Actes Uniformes
Le pourvoi en cassation devant la CCJA n'est
recevable qu'à certaines conditions bien déterminées. Au
nombre de ces conditions, figure l'application des Actes Uniformes. En d'autres
termes, pour que le pourvoi en cassation devant la CCJA soit recevable, il faut
que le litige porté par ce recours devant la Cour soit relatif au droit
harmonisé de l'OHADA, en l'occurrence, les Actes Uniformes. En effet,
les Actes Uniformes sont « des actes pris pour l'adoption des
règles communes relatives au droit des sociétés et au
statut juridique des commerçants, au recouvrement des créances,
aux sûretés, aux voies d'exécution, au régime de
redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de
l'arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et
des transports, et toute autre matière que le Conseil des Ministres
déciderait, à l'unanimité, d'y inclure
(...) »17(*).
Sur les huit matières indiquées précédemment, sept
ont déjà fait l'objet d'Actes Uniformes par leur adoption par le
Conseil des Ministres de l'OHADA. Il s'agit précisément des Actes
Uniformes relatifs au droit commercial général, au droit des
sociétés commerciales et du G.I.E, au droit des
sûretés, aux contrats de transports de marchandises par route, aux
procédures simplifiées de recouvrement et les voies
d'exécution, aux procédures collectives d'apurement du passif,
à l'arbitrage et à l'harmonisation des comptabilités des
entreprises, étant entendu que celui relatif au droit du travail est
toujours en projet.
De la sorte, tous les litiges relatifs aux
matières expressément définies par le Traité
constitutif de l'OHADA comme étant des Actes Uniformes peuvent
être déférés devant la CCJA par le biais du pourvoi
en cassation. Ainsi se trouve donc délimité, par la même
occasion, un des domaines de compétence de la CCJA, notamment
l'exclusivité en matière de recours en cassation pour les
contentieux dénoués par l'application des Actes Uniformes.
B- L'application des Règlements prévus au
Traité
L'article 14 alinéa 3 du Traité
de l'OHADA édicte : « saisie par la voie du recours en
cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les
juridictions d'appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des
questions relatives à l'application des Actes Uniformes et des
Règlements prévus au présent Traité
(...) ». Il ressort donc de cet article que la CCJA peut
connaître également des litiges relatifs à l'application
des Règlements prévus au Traité de l'OHADA.
Les Règlements sont des textes
adoptés en cas de nécessité par le Conseil des Ministres
de l'OHADA pour l'application du Traité.18(*) A ce jour, cinq Règlements ont
été pris en application dudit Traité. Il s'agit du
Règlement de procédure de la CCJA, pris en application de
l'article 19 alinéa 1 du Traité19(*), le Règlement d'Arbitrage de la CCJA que
complètent deux décisions relatives aux frais d'arbitrage, le
Règlement financier des institutions de l'OHADA, les Règlements
relatifs au statut des fonctionnaires et au régime applicable au
personnel de l'OHADA.
Toutefois, il convient de mentionner que même si
l'article 14 alinéa 3 sus-cité prévoit que les
Règlements peuvent faire l'objet de pourvois en cassation, il est
douteux que cela puisse être le cas dans la pratique. En effet, les
Règlements, partie intégrante du Traité, lequel ne
règle que « les rapports entre les organes de l'OHADA et entre
cette organisation et les Etats parties »20(*), ne sont pas invoqués
par les justiciables d'un recours en cassation dans la mesure où ceux-ci
invoquent plutôt et presque toujours la violation des Actes Uniformes
dans les contentieux judiciaires privés qu'ils soumettent à la
CCJA. Ainsi, il apparaît que seuls les organes de l'OHADA et les Etats
parties peuvent invoquer la violation d'un Traité par le biais d'un
recours en cassation. Au demeurant, en pareille situation, ni le Traité
ni le Règlement de Procédure de la CCJA ne prévoient ni ne
règlent le recours d'un organe contre l'autre, ou encore celui d'un Etat
partie contre un autre devant la Cour.
Les conditions du pourvoi en cassation devant la CCJA
concernent non seulement l'application des textes OHADA, mais aussi et surtout
les décisions pouvant être déférées à
la Cour.
Paragraphe 2 : Les conditions relatives aux
décisions déférées à la CCJA
Les décisions contre lesquelles les
justiciables d'un contentieux judiciaire privé peuvent se pourvoir en
cassation devant la CCJA sont celles rendues par les juridictions de fond des
Etats parties à l'OHADA, en l'occurrence, les Cours d'Appel et les
juridictions de première instance (A), mais encore faut-il, que ces
décisions relatives aux Actes Uniformes, n'appliquent pas des sanctions
pénales (B).
A- Des décisions des Cours d'Appel et des
juridictions de première instance
Il ressort de l'article 14 alinéa 3
du Traité de l'OHADA que lorsque la CCJA est saisie par la voie du
recours en cassation, elle se prononce, conformément à l'article
13 du Traité21(*),
sur les décisions rendues par les juridictions d'appel nationales ou
celles rendues en premier et dernier ressort par les tribunaux de
première instance . En d'autres termes, ce sont les arrêts rendus
par les Cours d'Appel des Etats parties à l'OHADA ou les jugements
rendus par leurs juridictions de première instance qui peuvent
être déférés à la CCJA par un recours en
cassation.
Les arrêts rendus par les Cours d'Appel,
le sont en dernier ressort tandis que les jugements des juridictions de
première instance susceptibles d'être déférés
à la CCJA, le sont en premier et dernier ressort et ne sont donc pas
susceptibles d'appel, les litiges tranchés étant de faibles
valeurs. Au Togo par exemple, relativement à ce qui vient d'être
dit, l'article 39 de l'Ordonnance N° 78-35 du 7 septembre 1978 portant
organisation judiciaire dispose que les Tribunaux de Première instance,
« en matière civile et commerciale, connaissent en premier et
dernier ressort des actions jusqu'à la valeur de 100.000 francs en
capital ou 10.000 francs en revenus annuels calculés soit par rente soit
par prix de bail. Ils statuent en premier ressort à charge d'appel pour
les actions s'élevant au-dessus de ces sommes ainsi que pour celles dont
le taux ne peut être évalué en argent ».
Les décisions ainsi prises par les
juridictions de fond des Etats parties doivent l'être concernant les
Actes Uniformes comme nous l'avons déjà examiné, mais
aussi ne doivent pas appliquer des sanctions pénales.
B- Des décisions n'appliquant pas des sanctions
pénales
Les décisions nationales que nous
venons d'examiner, pour être déférées à la
CCJA, ne doivent pas appliquer des sanctions pénales. En d'autres
termes, les décisions concernées ne doivent pas contenir des
condamnations pénales à l'instar des peines privatives de
liberté ou des amendes, par exemple, prévues par les Codes
Pénaux des Etats parties. Nous pouvons néanmoins penser que
lorsque lesdites décisions contiennent des sanctions pénales
relatives au droit pénal des affaires de l'OHADA, elles peuvent faire
l'objet d'un recours en cassation devant la CCJA. Mais une question se pose
donc dans ce cas, celle de savoir si la CCJA sera compétente pour juger
de la qualification des faits relevant d'incriminations de l'OHADA. En cas de
réponse affirmative à cette question, on entrevoit une division
du contentieux pénal entre la CCJA (qualification de l'incrimination) et
les cours de cassation nationales (répression), ce qui constitue une
difficulté du pourvoi en cassation devant la CCJA à laquelle il
faudra trouver une solution. Nous y reviendrons dans la deuxième partie
de notre travail, plus précisément dans la section 1 du premier
chapitre.
Quid des modes de saisine et de la
procédure suivie devant la CCJA ?
Section II : Les modes de saisine et la
procédure suivie devant la CCJA
Nous examinerons, sous cette section, dans une
première partie, les personnes et organes habilités à
saisir la CCJA (paragraphe 1), puis, dans une seconde partie, la
procédure qui y est suivie (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les personnes et organes
habilités à saisir la CCJA
La CCJA peut être saisie soit par les
parties au litige (A) soit par les juridictions suprêmes nationales
(B).
A- La saisine par les parties au litige
Deux sortes de situations sont envisageables s'agissant de ce
mode de saisine de la CCJA. Il s'agit de la saisine par une
partie au procès soit pour soulever l'incompétence d'une
juridiction nationale, soit pour un recours en dernier ressort.22(*)
S'agissant, en premier lieu, de la saisine par une partie en
dernier recours, il y a lieu de mentionner qu'elle intervient lorsqu'une
partie, souhaitant se pourvoir en cassation contre un arrêt d'une cour
d'appel statuant sur le fond dans une affaire soulevant des questions ayant
trait à l'application des Actes Uniformes, saisit directement la CCJA.
C'est l'hypothèse classique du pourvoi en cassation pour violation,
méconnaissance ou mauvaise interprétation de la loi. Ainsi, dans
un tel cas, le recours en cassation doit être présenté au
Greffe de la CCJA dans les deux mois de la signification de la décision
attaquée.23(*)
Pour ce qui est, en second lieu, de la saisine par une partie
pour incompétence, elle est prévue par l'article 18 alinéa
1 du Traité.24(*)
De la sorte, la CCJA peut être directement saisie par une partie qui,
après avoir soutenu en vain l'incompétence d'une juridiction
nationale statuant en cassation, estime que cette juridiction a méconnu
la compétence de la CCJA. La saisine doit intervenir dans un
délai de deux mois à compter de la notification de la
décision contestée. Le greffe de la CCJA, quant à lui,
signifie ce pourvoi à toutes les parties à la procédure.
Celles-ci peuvent, trois mois au plus tard après cette signification,
présenter un mémoire qui peut être combattu par un
mémoire en réponse du requérant dans le délai
fixé par le Président. Si la CCJA conclut à
l'incompétence de la juridiction nationale, la décision que cette
dernière a rendue est réputée nulle et non avenue. Chaque
partie dispose alors d'un délai de deux mois pour contester devant la
CCJA la décision des juges d'appel.
B- La saisine par les juridictions suprêmes
nationales
Dans le cadre d'un contentieux
privé judiciaire, la saisine de la CCJA peut également être
initiée par une juridiction suprême nationale. Dans cette
hypothèse, il s'agit d'un renvoi de l'affaire par la juridiction
nationale statuant en cassation et s'estimant incompétente pour
connaître de l'affaire à elle soumise parce qu'étant
dénouée par l'application des Actes Uniformes. Ainsi, la
procédure de cassation pendante par-devant elle est suspendue de plein
droit. Toutefois, cette procédure pourra reprendre si la CCJA, par un
arrêt, se déclare incompétente pour connaître de
l'affaire.
Une telle possibilité est
cependant difficilement compréhensible. En effet, si au stade de la
cassation, l'application du droit harmonisé relève de la
compétence de la seule CCJA, on comprend mal qu'une Cour de cassation
nationale puisse être saisie à ce sujet. Le but de l'institution
par le législateur OHADA d'une juridiction unique chargée de
veiller à la bonne application du droit harmonisé est
d'éviter, en effet, qu'il y ait autant d'interprétation et
d'application des Actes Uniformes que de juridictions nationales. C'est pour
cette raison que toute juridiction suprême nationale qui serait saisie
d'un litige relatif au droit harmonisé devrait, en principe, se
déclarer incompétente afin de ne pas engendrer un conflit de
compétence entre la CCJA et elle. Ce dernier aspect fera l'objet de plus
amples développements dans la deuxième partie de notre
travail.
Une fois la Haute Cour saisie par
l'un quelconque des moyens que nous venons d'évoquer, une
procédure spécifique devant aboutir à l'examen du litige
et à sa solution est à observer par les parties.
Paragraphe 2 : La procédure
contentieuse devant la CCJA
Toute partie à un
litige devant la CCJA doit se faire représenter par un conseil
étant entendue que la procédure en vigueur dans cette institution
est essentiellement écrite (A). Hormis les principales parties
litigantes, une possibilité d'intervention des tiers au contentieux,
objet du recours en cassation a été prévue par le
législateur OHADA (B).
A- L'obligation du ministère d'avocat et le
caractère écrit de la procédure
Selon l'article 23 du
Règlement de Procédure de la CCJA, « le
ministère d'avocat est obligatoire devant la Cour (...) ».
C'est donc dire que, contrairement aux juridictions de fond des Etats parties
où les parties peuvent conclure en personne, tel n'est pas le cas devant
la CCJA où la représentation de chacune des parties par un avocat
est d'ordre public. En outre, l'avocat qui doit nécessairement
être inscrit à l'un des barreaux des Etats membres25(*), devra être muni d'un
mandat spécial de la partie qu'il représente.
La procédure, aux termes de l'article 34
du même texte, est essentiellement écrite. En d'autres termes, ni
les parties ni leurs avocats ne sont tenus de se déplacer devant la
Cour. Il leur suffit seulement de faire parvenir, qui, le recours en cassation
dans le délai de deux mois de la signification de la décision
attaquée, lequel recours devra obéir aux conditions de l'article
28 du Règlement, qui, le mémoire en réponse
répondant quant à lui aux conditions de l'article 30 du
même Règlement26(*), au greffe de la CCJA soit par envoi postal
recommandé avec accusé de réception, soit par remise
contre récépissé ou attestation de dépôt.
Toutes ces formalités doivent, évidemment, se faire dans le
respect du principe du contradictoire.
Toutefois, la Cour peut, à la demande de
l'une des parties, organiser dans certaines affaires une procédure
orale. Les parties sont alors entendues à l'audience par la voie de
leurs conseils après que le juge-rapporteur désigné
à cet effet eut présenté son rapport. La Cour rend ensuite
son arrêt. Mais il y a lieu de retenir que dans la plupart des
procédures orales, la Cour met l'affaire en
délibéré pour arrêt à être rendu
à une date ultérieure.
Aussi, est-il important de noter qu'à
l'heure actuelle, la langue de procédure devant la CCJA est le
français, et cela même si aucune des parties au procès
n'est francophone.27(*)
Le point relatif à l'obligation du
ministère d'avocat et au caractère écrit de la
procédure ayant été examiné, quid de celui relatif
à la procédure d'intervention prévue par le
Règlement de Procédure de la CCJA ?
B- La possibilité de l'intervention d'un tiers au
litige
L'article 45 du Règlement
précité prévoit, en effet, une procédure
d'intervention de tiers au litige objet du pourvoi en cassation. Ainsi, par le
truchement de cette procédure, tant les Etats parties au Traité
que toute personne ayant intérêt, pour la conservation de ses
droits, à soutenir les prétentions de l'une des parties, peuvent
intervenir aux litiges soumis à la Cour.
La demande d'intervention doit
être présentée au plus tard dans les trois mois de
l'inscription du recours en cassation au journal officiel de l'OHADA. Cette
demande, transmise par les soins du greffe aux parties, lesquelles disposent du
droit de faire des observations y relatives, ne peut être examinée
par la Cour sans que les parties aient été mises à
même de faire des observations. Au surplus, ladite demande, pour
être recevable, doit contenir l'indication de l'affaire et de celle des
parties principales au litige, les nom et domicile de l'intervenant,
l'élection de domicile de l'intervenant au lieu où la Cour a son
siège, les conclusions au soutien desquelles l'intervenant demande
à intervenir, et enfin, dans le cas de demandes d'intervention autres
que celles d'Etats membres, l'exposé des raisons justifiant
l'intérêt à intervenir.
Une fois la demande admise, toutes les
pièces de la procédure, exceptées celles jugées
confidentielles par le Président de la Cour, à la demande d'une
partie, sont communiquées à l'intervenant qui accepte le litige
dans l'état où il se trouve lors de son intervention.
L'intervenant, dans le délai fixé par le Président de la
Cour, peut alors présenter un mémoire en intervention auquel les
parties ont toute latitude pour répondre.
L'issue de la procédure contentieuse
suivie devant la Cour reste inéluctablement sa décision par
rapport au litige soumis à son appréciation. La question se pose
dès lors de savoir quelles peuvent être les décisions
susceptibles d'être rendues par elle.
CHAPITRE II : LES
DECISIONS SUSCEPTIBLES D'ETRE RENDUES PAR LA CCJA
Faire l'étude des décisions que
la CCJA peut être amenée à rendre une fois saisie d'un
recours en cassation dans le cadre d'un contentieux judiciaire privé
suppose, d'une part, l'examen de sa compétence matérielle
(Section I), étant entendu qu'il ne fait aucun doute que sa
compétence territoriale se limite aux seize Etats parties à
l'OHADA, puis, d'autre part, l'examen de la forme ou de la nature de ses
arrêts (Section II).
Section I : La compétence matérielle
de la CCJA
La notion de compétence
matérielle de la CCJA qui en réalité se résume
à l'application et à l'interprétation des Actes Uniformes
pris en application du Traité de Port-Louis ayant été
indirectement abordée plus haut, précisément dans le
chapitre I en sa section I intitulée « les conditions du
pourvoi », l'accent sera particulièrement mis ici sur
l'exclusion de certaines matières du champ de compétence
matérielle de la CCJA. Il s'agit de l'exclusion des décisions
à caractère pénal (Paragraphe 1) et de celles relatives
aux procédures d'exécution (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'exclusion des décisions
à caractère pénal
Nous examinerons dans ce
paragraphe les raisons qui militent en faveur de cette exclusion
(A). Mention sera également faite de la subsistance, toutefois,
d'une compétence résiduelle de la CCJA en matière
pénale (B).
A- Les raisons de l'exclusion
La raison principale de
l'exclusion des décisions à caractère pénal du
champ de compétence matérielle de la CCJA résulte de
l'abandon, par l'OHADA, du pouvoir de fixation des peines à ses
Etats-membres. En effet, en application de l'article 5 du Traité de
l'OHADA, les Etats parties s'engagent à déterminer les sanctions
pénales (en l'occurrence les peines) encourues par les contrevenants
à la norme communautaire28(*), les incriminations29(*) étant cependant prévues par le
législateur OHADA. C'est cette situation que Jacques Bore a
qualifiée de « mobilisation du droit national au service du
droit communautaire ».30(*) Ce choix du législateur communautaire se
justifie d'autant plus que le droit pénal est l'un des domaines dans
lesquels les Etats sont particulièrement attachés à leur
souveraineté.
D'autres raisons peuvent aussi expliquer
l'attribution de compétence aux Etats en matière de fixation du
quantum des peines. Entre autres, nous citerons la volonté du
législateur OHADA de respecter les particularismes des Etats
parties31(*). En effet, il
s'agit là d'une option libérale qui laisse auxdits Etats la
latitude de fixer les peines en fonction de leurs réalités
propres, de leurs valeurs et de leurs systèmes pénaux. D'autres
arguments, notamment la capacité de chaque Etat à prendre en
charge financièrement la justice pénale, étant entendu que
celle-ci est de son domaine réservé, de même que la
capacité des justiciables à prendre en charge les
sujétions résultant des peines appliquées, peuvent
être aussi invoquées.
L'exclusion des
décisions appliquant des sanctions pénales des attributions de la
CCJA n'est cependant pas absolue, dans la mesure où il subsiste une
compétence résiduelle de la CCJA en matière pénale.
B- La subsistance d'une compétence
résiduelle de la CCJA en matière pénale
Le domaine pénal n'échappe pas
totalement à la compétence de la CCJA. En effet, nous pouvons
penser que la CCJA, saisie d'un litige en interprétation relatif au
droit pénal par la voie de la question préjudicielle32(*), peut se prononcer sur une
décision appliquant une sanction pénale33(*). Il en est de même
lorsque des infractions sont commises au cours d'une de ses audiences. Dans
cette hypothèse, la Cour, assurant la police d'audience34(*) par le canal de son
Président, peut constater lesdites infractions et y statuer soit
directement, soit les renvoyer devant les juridictions pénales
nationales compétentes si elle s'estime incompétente. Même
dans ce dernier cas, elle aura en tout cas connu des affaires dans la mesure
où, avant de les renvoyer, des actes de procédure pénale,
notamment l'audition des mis en causes et l'établissement d'un
procès verbal de constatation des infractions, auront été
accomplis par elle.
Une autre matière échappant
à la compétence de la CCJA est celle relatives aux
procédures d'exécution.
Paragraphe 2 :
L'exclusion des décisions relatives aux procédures
d'exécution
Il se pose dans ce paragraphe les
deux questions ci-après : que faut-il entendre par
procédures d'exécution (A) ? Pourquoi sont-elles exclues de
la compétence de la juridiction communautaire (B) ?
A- Notion de procédures d'exécution
Les procédures
d'exécution peuvent être définies comme des moyens de droit
mis à la disposition des créanciers soit pour sauvegarder leurs
créances en attendant une décision exécutoire au fond,
soit pour obtenir l'exécution d'une décision en saisissant les
biens de leurs débiteurs. Dans le premier cas, il s'agit de mesures
conservatoires, dans le second cependant, on parlera de voies
d'exécution au sens strict. C'est ce dernier cas qui nous
intéresse ici précisément. En effet, les voies
d'exécution au sens strict incluent des affaires dans lesquelles
existent des décisions assorties de l'exécution
provisoire35(*). Ces
décisions qui, le plus souvent, condamnent les parties qui succombent au
procès à payer certaines sommes d'argent à leurs
contradicteurs, peuvent faire l'objet de requêtes aux fins de
défense à l'exécution provisoire36(*). Et ce sont justement ces
requêtes que la CCJA doit se garder de connaître.
Il faut signaler qu'en matière de
défense à l'exécution provisoire, la partie qui
désire suspendre l'exécution provisoire d'une décision,
doit en interjeter appel en introduisant une requête aux fins de
défense à l'exécution provisoire. Si elle n'obtient pas
gain de cause, la seule voie qui lui reste est celle du pourvoi contre
l'arrêt de la Cour d'appel l'ayant débouté. Curieusement,
ce pourvoi est introduit devant la juridiction suprême nationale et non
devant la CCJA, même si la décision querellée est relative
au droit harmonisé de l'OHADA. Il convient de nous attarder sur les
raisons justifiant cet état de chose.
B- Les raisons de l'exclusion
L'exclusion des
procédures d'exécution du champ de compétence
matérielle de la Cour communautaire peut être justifiée par
des considérations d'ordre légal. En effet, aux termes de
l'article 16 du Traité, « la saisine de la Cour Commune
de Justice et d'Arbitrage suspend toute procédure de cassation
engagée devant une juridiction nationale contre la décision
attaquée. Toutefois, cette règle n'affecte pas les
procédures d'exécution... ». Nous pouvons valablement
donc déduire de cet article que les cours suprêmes nationales ne
sortent pas de leur domaine de compétence lorsqu'elles statuent sur les
litiges relatifs aux défenses à l'exécution provisoire qui
sont portés devant elles en dernier recours. Ceci est d'autant plus
justifié dans la mesure où les dispositions internes des Etats
membres réglementant l'exécution provisoire ne sont pas
abrogées par l'avènement de l'OHADA, et notamment de l'Acte
Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de
recouvrement et des voies d'exécution, en témoigne un important
arrêt rendu par la CCJA le 19 juin 2003.37(*) Les cours suprêmes nationales n'ont donc
été dépouillées que du pouvoir de statuer sur les
mérites du pourvoi formé contre une décision intervenue en
matière de droit des affaires de l'OHADA, mais demeurent
compétentes pour connaître des requêtes aux fins des
défenses à l'exécution provisoire desdites
décisions.
Argument peut également être
tiré de l'article 32 de l'Acte Uniforme portant Organisation des
Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies
d'Exécution (AUPSRVRE) pour justifier l'incompétence de la CCJA
en matière de procédures d'exécution. Ce texte en son
alinéa premier dispose : « A l'exception de
l'adjudication des immeubles, l'exécution forcée peut être
poursuivie jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire par
provision ». Fort de ce texte, la CCJA, dans son arrêt n°
012/2003 daté toujours du 19 juin 200338(*), s'est déclarée incompétente
pour connaître d'une défense à l'exécution
provisoire. Le motif est le suivant : l'article 32 de l'AUPSRVE
n'étant pas applicable en l'espèce, la CCJA doit se
déclarer incompétente, dès lors que la procédure
litigieuse n'avait pas pour objet de suspendre une exécution
forcée déjà engagée, mais plutôt
d'empêcher qu'une telle exécution puisse être entreprise sur
la base d'une décision assortie de l'exécution provisoire et
frappée d'appel. Ainsi, l'affaire ayant donné lieu à
l'arrêt attaqué ne soulevant aucune question relative à
l'application des Actes Uniformes, les conditions de compétence de la
CCJA ne sont pas réunies.
La compétence matérielle de la
CCJA ainsi déterminée, reste à savoir la nature des
arrêts qu'elle peut être amenée à rendre.
Section II : La nature des décisions de la
CCJA
Deux grandes catégories de
décisions peuvent être rendues par la CCJA. Il s'agit des
décisions rendues sans examen au fond du litige (Paragraphe 1) et celles
rendues sur le fond (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les arrêts rendus
avant tout débat sur la légalité de la décision
déférée
La Cour Commune, saisie d'un
pourvoi, peut rendre des décisions sans toutefois examiner la
légalité de l'arrêt qui lui est soumis. Il s'agit des
décisions que nous pouvons qualifier d' « arrêts
rendus sur la forme ». C'est le cas notamment des arrêts
d'irrecevabilité (A) et d'incompétence (B).
A- Les arrêts d'irrecevabilité
L'irrecevabilité, en
droit procédural, désigne la sanction de l'inobservation d'une
prescription légale consistant à repousser, sans l'examiner, une
demande qui n'a pas été formulée en temps voulu ou qui ne
remplit pas les conditions de fond ou de forme exigées. Ainsi, les
arrêts d'irrecevabilité viennent tout simplement constater, puis
sanctionner l'irrégularité entachant la demande introduite par le
requérant.
Au nombre des décisions rendues par la
CCJA à ce jour, on compte beaucoup d'arrêts
d'irrecevabilité. Les causes de cette situation sont variées. On
peut noter, entre autres, le fait que les pourvois aient étés
formés hors délai, ou que les pièces exigées
n'aient pas été produites, ou encore que les voies de recours
préalables n'aient pas été respectées.
Comme arrêt d'irrecevabilité rendu
par la CCJA, nous pouvons citer son arrêt n° 006/ 2001 du 11
octobre 200139(*). Dans
cet arrêt, après avoir joint deux pourvois introduits par des
requérants du fait de la connexité avérée des
affaires qu'ils soulevaient, la CCJA les a déclarés irrecevables
au motif suivant : « Attendu que le défaut de production
de certaines pièces, notamment les copies des exploits de signification
des décisions et le mandat donné par la S.A. Aminou & Cie et
Mohaman Adamou Bello à Maître TIGNOIG Jean-Claude, avocat au
Barreau du Cameroun, ne permet pas de savoir si les pourvois ont
été formés dans le délai légal requis et de
s'assurer si l'avocat, par le ministère duquel la Cour est saisie, avait
bien qualité pour agir au nom et pour le compte de la S.A. Aminou &
Cie et Mohaman Adamou Bello ; qu'ainsi et faute par les requérants
d'avoir mis à la disposition de la Cour ces éléments
essentiels d'appréciation sans lesquels il pourrait être
porté atteinte inconsidérément à la
sécurité des situations juridiques, leurs recours, exercés
au mépris des prescriptions de l'article 28 du Règlement de
Procédure susvisé, doivent être déclarés
irrecevables ». Nous pouvons également citer son arrêt
du 27 janvier 200540(*),
par lequel elle déclarait irrecevable le recours en annulation d'un
arrêt indûment rendu par une Cour Suprême nationale et
exercé devant elle contre la société ECOBANK, au motif que
« l'incompétence de la Cour nationale n'avait pas
été soulevée au préalable ».
Quid des arrêts
d'incompétence ?
B- Les arrêts d'incompétence
L'incompétence, quant à elle,
désigne le défaut d'aptitude d'une juridiction à
connaître d'une demande qui lui est soumise. Elle peut être
absolue, relative ou d'ordre public.
S'agissant, en premier lieu, de
l'incompétence absolue, elle résulte d'une inaptitude
légale de la juridiction à connaître de la demande en
raison de sa nature ou de la situation des parties, et peut être
invoquée par l'un et l'autre des plaideurs. Elle ne peut cependant pas
être soulevée d'office par le juge. Pour ce qui est de
l'incompétence relative, en second lieu, laquelle découle d'une
inaptitude légale d'une juridiction à connaître d'une
demande en raison de sa position géographique et plus rarement de la
nature de l'affaire, elle ne peut être invoquée que par le
plaideur en faveur de qui elle a été édictée. Elle
sanctionne généralement, mais non exclusivement, des
règles de compétence territoriale. Dans l'incompétence
d'ordre public enfin, la juridiction saisie peut se déclarer d'office
incompétente.
La CCJA n'étant compétente que
dans les matières relatives à l'application des Actes Uniformes,
elle doit donc se dessaisir de tout litige ne mettant pas en cause lesdits
Actes41(*) en rendant un
arrêt d'incompétence dans les trente jours suivant l'exception
d'incompétence. Il convient de préciser toutefois que cette
exception peut être soulevée tant par la CCJA elle-même que
par toute partie au litige, in limine litis. De ce fait, la nature de
l'incompétence importe peu devant la CCJA. Il s'agit encore là
d'une originalité du pourvoi organisé devant elle.
En guise d'exemple d'arrêt
d'incompétence rendu par la CCJA, nous pouvons citer son arrêt du
11 octobre 200142(*) dans
lequel elle s'était déclarée incompétente en ces
termes : « Attendu qu'il ressort de l'examen des pièces
du dossier que l'Acte Uniforme portant organisation des procédures
simplifiées de recouvrement entré en vigueur le 10 juillet
1998 n'avait pas intégré l'ordre juridique interne du Tchad au
moment où les juges du fond étaient saisis du contentieux et
qu'il ne pouvait être applicable (...). Que dès lors, les
conditions de compétence de la CCJA en matière contentieuse,
telles que précisées à l'article 14, n'étant pas
réunies (...), il échet de se déclarer
incompétent ».
Paragraphe 2 : Les
arrêts rendus après contrôle de la légalité de
la décision déférée
A l'issue du contrôle de la
légalité de la décision attaquée devant elle, la
haute juridiction communautaire peut rendre soit un arrêt de rejet (A),
soit un arrêt de cassation (B).
A- Les arrêts de rejet
En introduisant un recours en cassation devant
la CCJA, le demandeur au pourvoi fait grief à la décision
attaquée d'avoir méconnu ou mal interprété une
règle de droit en matière de droit harmonisé. Lorsque les
juges de la CCJA estiment cependant que ladite décision a fait une
exacte application de la règle de droit et n'a pas
dénaturé les faits de la cause, ils la confirment. Ce faisant,
ils rendent un arrêt dit de rejet, lequel met définitivement fin
au procès et permet l'exécution de la décision entreprise.
Il s'ensuit dès lors que tout nouveau pourvoi est irrecevable, et ce,
d'autant plus que la décision de rejet serait passée en force de
chose jugée du fait de l'épuisement des voies de recours.
En rendant un arrêt de rejet, les juges
de la CCJA restent dans le cadre du mécanisme classique de l'instance en
cassation, c'est-à-dire la vérification de la conformité
de la décision attaquée à la loi et à elle seule
sans tenir compte des faits. Cependant, s'agissant d'un arrêt de
cassation, ils connaissent des faits en raison du pouvoir d'évocation
accordée à la CCJA, lequel constitue indubitablement la plus
grande originalité de l'instance en cassation organisée devant
elle.
B- Les arrêts de cassation :
l'illustration du pouvoir d'évocation de la CCJA
La CCJA, lorsqu'elle estime
que la décision attaquée a fait une mauvaise appréciation
des faits, soit, selon l'heureuse expression d'Etienne NSIE,
« qu'elle est entachée d'une irrégularité
juridique consécutive à une mauvaise application
de la règle de droit43(*) », rend un arrêt de cassation,
c'est-à-dire annule la décision attaquée. Le fait que la
Haute Cour puisse juger les faits peut paraître surprenant étant
donné que dans la logique traditionnelle du pourvoi en cassation, la
juridiction saisie ne juge qu'en droit. En effet, c'est cette logique
traditionnelle que le législateur OHADA a bouleversé en
permettant à la CCJA d'évoquer ses arrêts (article 14
alinéa 5 du Traité de l'OHADA). Ainsi, par l'institution de
l'évocation44(*),
la CCJA, contrairement aux autres juridictions de cassation, va entreprendre de
remplacer la décision annulée par son propre arrêt. Il
s'agit en fait d'une cassation sans renvoi45(*). De la sorte, elle juge en droit et en fait, ce qui
aboutit à la substituer aux juridictions de fond nationales normalement
compétentes, lesquelles devaient se voir en principe renvoyer l'affaire
après cassation. Nous ne pourrions à ce propos nous
empêcher de reprendre M. Guyenot qui a fait observer que la juridiction
qui évoque « se trouve dans la situation du maître ou du
père de famille qui, mécontent du travail de
l'élève, prend sa place pour le refaire entièrement ou
l'achever avec plus de savoir et d'autorité. Il évoque pour
terminer l'affaire et rendre lui-même la décision qui
s'impose »46(*).
La cassation d'un arrêt par la CCJA
emporte donc automatiquement l'évocation, celle-ci devant, en
réalité, être une faculté et non une obligation pour
la Haute Juridiction. C'est cette situation qui a fait dire à certains
auteurs que la CCJA est un troisième degré de juridiction.
Même s'il faut reconnaître certains
mérites à la pratique de l'évocation telle qu'elle est
instituée par le législateur de l'OHADA, à l'instar de
l'accélération de la procédure en évitant les
manoeuvres dilatoires, l'unification de la jurisprudence en matière de
droit harmonisé en évitant la divergence d'interprétation
des Actes Uniformes par les juridictions des Etats parties, elle reste
cependant la source majeure des difficultés et inquiétudes du
pourvoi en cassation devant la CCJA.
DEUXIEME PARTIE
LE POURVOI EN CASSATION DEVANT LA COUR COMMUNE DE
JUSTICE ET D'ARBITRAGE, UN MECANISME, SOURCE D'INQUIETUDES ET DE
DIFFICULTES
Cette deuxième partie nous permettra de
montrer que de nombreux dysfonctionnements jalonnent le mécanisme du
pourvoi en cassation devant la CCJA.
Dans le cadre de cette étude, nous nous
proposons, d'abord, d'analyser ces dysfonctionnements en difficultés et
inquiétudes générées par ledit mécanisme
(Chapitre I). Ensuite, nous essayerons de proposer des solutions susceptibles,
d'une part, de résoudre ces difficultés et d'autre part, de
dissiper ces inquiétudes (Chapitre II).
CHAPITRE I : LES
DIFFICULTES ET INQUIETUDES GENEREES PAR LE POURVOI EN CASSATION DEVANT LA
CCJA
L'instance de cassation devant la CCJA,
nonobstant toute son originalité et ses innovations, reste à
parfaire en raison des nombreuses difficultés et inquiétudes
qu'elle suscite. Il s'agira pour nous, dans ce chapitre, de mettre en exergue,
autant que faire se peut, ces difficultés (Section 1) et
inquiétudes (Section 2).
Section I : Les difficultés liées au
pourvoi en cassation devant la CCJA
Les difficultés
générées par le pourvoi en cassation devant la CCJA
découlent directement, du moins pour la plupart, du pouvoir
d'évocation qui lui est accordé. Il s'agit notamment du
caractère équivoque de son droit à contrôler
(Paragraphe 1), et des problèmes liés à
l'interprétation des Actes Uniformes (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le caractère
équivoque du droit de contrôle de la CCJA
Par l'usage du droit d'évocation dans
ses arrêts, la CCJA a élargi son contrôle de la
légalité de la décision attaquée aux faits,
étant entendu que, classiquement, une juridiction de cassation ne peut
connaître des faits. Ce faisant, le principe du rejet des moyens
mélangés de fait et de droit appliqué par toute
juridiction de cassation devient incertain dans sa mise en oeuvre devant la
CCJA (A). Il en est de même des sources formelles soumises à son
examen (B).
A- Les incertitudes sur l'application du principe
du rejet des moyens mélangés de fait et de droit devant la
CCJA
Lorsqu'un justiciable se pourvoit en cassation
devant la CCJA, il doit indiquer, dans sa requête, la règle de
droit harmonisé dont l'application dans l'affaire justifie la saisine de
la Cour. En d'autres termes, le moyen qu'il invoque à l'appui de son
pourvoi doit se limiter à indiquer la règle de droit
violée à l'issue des débats sur le fond du droit des
affaires en première instance ou en appel. Le pourvoi ne saurait donc
être soutenu par un moyen qui n'aurait été
développé ni devant le Tribunal ni devant la Cour d'Appel,
« la justification du moyen devant s'opérer sans qu'il soit
besoin de mettre en oeuvre des faits autres que ceux établis dans le
débat au fond »47(*). A défaut, le pourvoi est tout simplement
rejeté : il s'agit de la mise en oeuvre du « principe du
rejet du moyen mélangé de fait et de droit »48(*) appliqué devant toute
juridiction de cassation pour la simple raison que l'instance en cassation
n'est pas un troisième degré de juridiction.
Cependant, il convient de souligner que ce
principe est inadapté à la CCJA. Cette dernière en effet,
comme nous l'avons déjà vu, est une juridiction de cassation
atypique car statuant aussi bien sur le droit que sur les faits en raison de
son pouvoir d'évocation. Comme tel, on comprend mal le fait qu'elle ne
puisse pas admettre les faits nouveaux invoqués par les plaideurs
à l'appui de leurs pourvois. La CCJA, en principe, devait renvoyer les
parties devant une juridiction de même degré que celle qui a rendu
la décision attaquée, lorsqu'elle rend un arrêt de
cassation, comme le ferait une cour de cassation classique. Ainsi, les parties
devant la juridiction de renvoi, peuvent invoquer, à l'appui de leurs
prétentions, de nouveaux moyens comme cela leur est d'ailleurs reconnu
par la loi49(*). Mais par
son évocation de l'arrêt, la CCJA se transforme en une juridiction
de renvoi de ses propres arrêts de cassation et entreprend de juger
définitivement l'arrêt en se saisissant des faits. C'est donc
logiquement que les plaideurs devraient pouvoir eux aussi invoquer de nouveaux
moyens (de pur droit ou mélangés de fait et de droit), et
produire de nouvelles pièces propres à mieux justifier leurs
conclusions50(*). En
déniant cette possibilité aux plaideurs alors qu'elle
évoque ses arrêts, la Haute juridiction communautaire instaure une
procédure attentatoire à leurs droits, et rend, par la même
occasion, malaisée et difficilement compréhensible, la
distinction entre le fait et le droit dans ses instances de cassation.
B- L'ambiguïté des sources formelles
contrôlées par la CCJA
Cette ambiguïté des
sources formelles soumises au contrôle de la CCJA résulte des
textes mêmes de l'OHADA. En effet, les articles 14 alinéa 3 du
Traité et 28-1 alinéa 2 du Règlement donnent
compétence à la Cour Commune pour connaître des affaires
soulevant des questions relatives à l'application des Actes Uniformes et
des Règlements prévus au Traité. Cependant, l'article 15
du même Traité relatif aux pourvois en cassation, ne fait
référence qu'aux seuls Actes Uniformes. Face donc à cette
situation, des interrogations demeurent : comment concilier ces
dispositions rédigées en des termes aussi
différents ? S'il est clair que les justiciables d'un contentieux
judiciaire privé peuvent se pourvoir en cassation devant la CCJA
relativement au droit substantiel porté par les Actes Uniformes,
peuvent-ils en faire autant s'agissant des Règlements pris en
application du Traité, lesquels ne règlent que les rapports,
avons-nous déjà dit, entre les organes de l'OHADA et entre cette
organisation et les Etats parties ? A priori, on peut penser qu'ils
peuvent le faire dans la mesure où il existe des situations
individuelles qui sont aussi régies par les Règlements. En guise
d'exemple, nous citerons les Règlements relatifs au statut des
fonctionnaires et au régime applicable au personnel de l'OHADA, en
l'occurrence, le Règlement 1/98 du 30 janvier 1998 fixant le statut des
fonctionnaires de l'OHADA. Ainsi, un fonctionnaire peut-il diriger un pourvoi
contre un tel Règlement au cas où un éventuel litige
aurait été réglé sur le fondement dudit
Règlement. La CCJA, laquelle n'est pas une juridiction administrative,
pourrait-elle connaître de ce pourvoi ?
Tout compte fait, il y a lieu de faire la part
des choses nonobstant l'imperfection des textes de l'OHADA et de dire que la
CCJA ne peut connaître en principe que des pourvois relatifs aux litiges
entre particuliers soulevant des questions ayant trait à l'application
des Actes Uniformes. S'agissant toutefois des Règlements, nous pensons
qu'elle ne peut en connaître par le biais d'un recours en cassation, mais
sûrement par le truchement d'un avis lorsque la question lui est
posée par un Etat partie ou une juridiction de fond d'un Etat partie.
Une autre source formelle du droit des affaires
peut aussi tomber sous le coup de la compétence de la CCJA. En effet, il
est acquis, depuis l'avis n°1/01/EP du 30 avril 200151(*) de la CCJA rendu à la
demande de la Côte d'Ivoire52(*), que si le droit uniforme se substitue au droit
national, c'est uniquement pour les dispositions ayant le même objet si
bien que les dispositions de droit interne n'ayant pas le même objet que
le droit uniforme survivront et pourront s'appliquer. Si tel est le cas, la
question de la compétence de la CCJA se pose encore à ce niveau
lorsqu'elle est saisie d'un recours en cassation portant à la fois sur
le droit uniformisé et le droit interne d'un Etat partie. Pourra t-elle
connaître de tout le contentieux ?
Cette dernière interrogation
préfigure en réalité d'autres difficultés du
pourvoi en cassation devant la CCJA, notamment celles liées à
l'interprétation des Actes Uniformes.
Paragraphe 2 : Les difficultés liées
à l'interprétation des Actes Uniformes
Par rapport à l'interprétation
des Actes Uniformes, le Traité donne compétence exclusive
à la CCJA pour y procéder, leur application étant
réservée aussi bien aux juridictions de fond nationales
qu'à la CCJA. Les difficultés naissent à partir du moment
où certaines juridictions suprêmes nationales retiennent leur
compétence relativement tant à l'application qu'à
l'interprétation des Actes Uniformes, d'où les conflits de
compétences entre ces dernières et la Haute Juridiction
Communautaire (A). Ces conflits de compétence ne sont pas impossibles
entre la CCJA et les autres juridictions communautaires (B).
A- Les conflits de
compétence entre la CCJA et les juridictions suprêmes
nationales
D'entrée, mentionnons que le conflit
envisagé ici porte sur le droit substantiel soumis au contrôle de
la CCJA. Le cas du droit harmonisé combiné avec des
matières non harmonisées53(*) des Etats parties, retiendra
précisément notre attention. Dès lors, la question se pose
de savoir quelle sera la clé de répartition entre la juridiction
commune et les juridictions suprêmes nationales si le contentieux porte
à la fois sur les Actes Uniformes et le droit interne d'un Etat partie.
Face à cette situation, certaines
juridictions nationales de contrôle de légalité,
lorsqu'elles sont saisies, pourront décider de connaître de la
partie du litige ayant trait au droit national et renvoyer l'autre partie,
relative aux Actes Uniformes, à la connaissance de la CCJA.
Peut-être encore, la clé de répartition proviendra de
certains plaideurs qui formeront deux pourvois, l'un devant la CCJA et l'autre
devant la Cour Suprême nationale. D'autres encore pourront décider
de former un seul pourvoi, mais avec deux moyens différents soumis
à chacune des deux juridictions en cause, à telle enseigne que la
juridiction suprême nationale sera contrainte de renvoyer le litige
devant la CCJA après avoir réglé les questions relatives
à son droit interne. Plus surprenante encore, est l'hypothèse
où la juridiction suprême nationale décidera de
connaître de tout le contentieux comme cela a été
d'ailleurs le cas dans l'arrêt « Snar Leyma54(*) » rendu par la Cour
Suprême du Niger le 16 août 2001.
Dans cette espèce, la
Société Nigérienne d'Assurance et de Réassurance
Leyma (SNAR Leyma), lors d'une assemblée générale de ses
actionnaires, avait décidé de l'ouverture de son capital à
de nouveaux actionnaires par une opération de recapitalisation. C'est
ainsi que le Groupe Hima Souley décida d'entrer dans le capital de la
compagnie d'assurance, souscrivant alors à une partie des 70000
nouvelles actions émises. Les opérations de souscription,
lesquelles étaient coordonnées par un notaire
désigné par la SNAR Leyma, ont, par la suite, engendré un
litige. Le Groupe Hima Souley reprochait à la compagnie d'assurance de
n'avoir pas libéré toutes les actions comme elle le
prétendait et voulait, pour cela, qu'une nouvelle assemblée
générale des actionnaires soit convoquée pour examiner le
problème, ce qu'avait refusé de faire la SNAR Leyma. Saisissant
le Président du Tribunal de Niamey desdits faits par une requête
datée du 20 avril 2001, le Groupe Hima Souley a pu obtenir, de la part
de ce dernier, une ordonnance nommant un administrateur judiciaire
chargé de convoquer une assemblée générale des
actionnaires de la SNAR Leyma en vue de constater la libération des
actions souscrites par le Groupe Hima Souley de même que sa
qualité d'actionnaire. C'est contre cette ordonnance que la SNAR Leyma a
interjeté appel devant la Cour d'Appel de Niamey qui a confirmé
l'ordonnance attaquée par un arrêt du 23 mai 2001. La SNAR Leyma
se pourvoit en cassation devant la Cour Suprême du Niger contre
l'arrêt confirmatif de la Cour d'Appel. Devant les juges du droit, le
défendeur au pourvoi, le Groupe Hima, invoqua l'exception
d'incompétence selon laquelle la Cour Suprême du Niger ne peut
connaître de l'affaire car ayant trait aux Actes Uniformes, en
l'occurrence, l'Acte Uniforme relatif au droit des sociétés
commerciales et au groupement d'intérêt économique du 17
avril 1997, et que seule la CCJA avait compétence exclusive en la
matière conformément à l'article 14 du Traité de
l'OHADA. La demanderesse au pourvoi, quant à elle, excipait
principalement, à l'appui de sa requête, de la mauvaise
application de l'article 809 du Code de Procédure Civile disposant que
« les ordonnances sur référé ne feront aucun
préjudice au principal ».
Au regard des faits sus relatés, il
apparaît clairement que le litige portait tant sur l'Acte Uniforme que
sur le droit interne nigérien. La solution de la Cour Suprême du
Niger est surprenante à plus d'un titre. Elle décida de
connaître de tout le contentieux car, pour elle, pour que la CCJA soit
compétente, il faut que « l'application des Actes Uniformes
ait été prépondérante pour la prise de la
décision attaquée et que le pourvoi soit surtout basé sur
ces actes ». On en déduit alors que le pourvoi en
l'espèce étant essentiellement basé sur la violation d'une
règle processuelle, un renvoi à la CCJA pour les Actes Uniformes
ne s'imposait donc pas.
En tout état de cause, il y a lieu de
dire que la solution proposée par la Cour Suprême du Niger,
laquelle témoigne d'une résistance55(*) des juges nationaux à
l'application et à l'interprétation du droit uniforme par la
CCJA, est en porte à faux avec l'article 14 du Traité de l'OHADA,
et compromet donc gravement la mission d'uniformisation de la jurisprudence en
matière de droit OHADA assignée à la CCJA.
Un autre droit substantiel dont le
contrôle par la CCJA pourrait engendrer des relations conflictuelles
entre les juridictions suprêmes nationales et elle, est le droit
pénal. En effet, l'article 14 alinéa 3 du Traité exclut du
champ de compétence matérielle de la CCJA « les
décisions appliquant des sanctions pénales ». A cet
égard, étant entendu que certains Actes Uniformes
définissent les infractions pénales sans déterminer les
sanctions qui accompagnent lesdites infractions, le soin ayant
été laissé aux Etats parties de prévoir les peines
correspondantes, il ne serait pas étonnant de voir la CCJA se prononcer
sur des décisions pénales mettant en cause des dispositions
d'incrimination pénale mais pas celles infligeant des sanctions. Cette
situation, nous le voyons, ne contentera pas les cours suprêmes
nationales, lesquelles se sont vues déjà
dépouillées par l'OHADA des « pans les plus stimulants
et modernes de l'activité judiciaire »56(*).
Si des conflits de compétences existent
entre les Cours Suprêmes nationales et la CCJA, lesdits conflits ne sont
pas moins envisageables entre cette dernière et les autres juridictions
communautaires.
B- Les conflits de compétences entre la CCJA
et les autres juridictions communautaires
Actuellement, la
compétence territoriale de la CCJA s'étend sur seize Etats.
Ceux-ci sont, au même moment, soit membres de l'UEMOA et de la CEDEAO
(huit), soit membres de la CEMAC (cinq), d'autres organisations à
vocation communautaire comme l'OHADA, lesquelles se sont aussi dotées de
juridictions supranationales, notamment la Cour de Justice de l'UEMOA, la Haute
Cour de Justice de la CEDEAO et la Cour de Justice de la CEMAC.
Aussi, toutes ces quatre juridictions ont-elles
en commun, en tant que juridictions communautaires, la mission de régler
les litiges résultant des normes produites par leurs organes, ce qui
nous amène à faire observer que les conflits entre juridictions
communautaires sont essentiellement des conflits de normes57(*). A priori, on pourrait penser
que ces conflits de normes sont impossibles dans la mesure où aucune de
ces juridictions n'a de vocation et de compétence à dire le droit
qui n'est pas spécifique à l'ordre juridique auquel elle
appartient. En d'autres termes et à titre d'exemple, il serait
impossible qu'un conflit qui est né par rapport au droit UEMOA puisse
être porté devant la CCJA.
Ces conflits sont néanmoins
envisageables dans la mesure où un examen approfondi des objectifs
assignés par les Traités de l'OHADA, de l'UEMOA, de la CEDEAO et
de la CEMAC à leurs structures de mise en oeuvre dont les quatre
juridictions communautaires susmentionnées, permet de se rendre
très vite compte qu'il y a identité d'objectifs et de domaines
d'intervention entre ces différentes organisations communautaires de
sorte qu'il n'est pas exclu que les normes par elles produites soient relatives
aux mêmes matières. C'est le cas par exemple du droit de la
concurrence, du droit des transports, du droit bancaire, du droit des
sociétés coopératives et mutualistes entre autres. On
pourrait donc penser, tout au moins, dans le cadre d'un recours
préjudiciel devant la Cour de l'UEMOA, que la question spécifique
de l'incompatibilité soit expressément posée par la
juridiction ayant sollicité le recours. Pour la Cour Commune de l'OHADA,
il n'est pas non plus exclu qu'un avis consultatif soit sollicité sur
une question spécifique d'incompatibilité. On voit mal dans ces
hypothèses, comment ces juridictions pourraient refuser de traiter le
conflit dont elles ont été saisies. Une des solutions possibles
pour le juge communautaire, serait alors de traiter la question selon les
normes applicables au droit des traités.
Le pourvoi en cassation devant la CCJA, hormis
les difficultés qu'elle génère, lesquelles sont d'ordre
substantiel, est source aussi de nombreuses inquiétudes liées
pour la plupart aux interrogations sur la procédure suivie devant la
CCJA.
Section II : Les inquiétudes
suscitées par le pourvoi en cassation devant la CCJA
En analysant les
inquiétudes générées par le recours en cassation
devant la CCJA, on se rend très vite compte qu'elles sont relatives,
d'une part, à sa saisine (Paragraphe 1), et d'autre part, à la
langue de procédure et aux arrêts qu'elle rend (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les inquiétudes liées
à la saisine de la CCJA
S'agissant des inquiétudes
inhérentes à la saisine de la CCJA, nous pouvons citer celles
suscitées par l'éloignement de son siège et son manque
d'auto saisine (A). A ces deux inquiétudes, nous pouvons ajouter celles
liées à l'absence de définition des cas d'ouverture
à cassation devant elle (B).
A- Le problème de l'éloignement de la CCJA et
son manque d'auto saisine
Les Etats membres de l'OHADA sont
dispersés sur un espace géographique assez vaste de sorte que
certains d'entre eux se situent dans des zones assez éloignées
du siège de la CCJA basé à Abidjan (Côte d'Ivoire).
On comprend donc que pour les plaideurs de ces pays, saisir la CCJA serait une
source d'inquiétudes relativement aux frais supplémentaires que
pourront générer, par exemple, les déplacements d'avocats
sur Abidjan pour plaider leurs dossiers lorsqu'une procédure orale
serait retenue pour l'affaire. Nous pouvons même penser que le
déplacement des parties (ou du moins de leurs conseils) sur Abidjan est
quasiment inévitable dans le cadre d'un contentieux porté devant
la CCJA dans la mesure où, même si c'est la procédure
écrite qui a été retenue pour leur affaire, ces
dernières doivent néanmoins être présentes à
l'audience publique de la Cour à la date du
délibéré, ayant été dûment
convoquées sur cette date. En tout état de cause, il y a lieu
d'admettre que la saisine de la CCJA est « une source
supplémentaire de complication et d'aggravation du coût de la
justice »58(*).
Ce n'est donc pas une coïncidence si plus des deux tiers des
pourvois59(*)
enregistrés par le greffe de la CCJA à ce jour proviennent de la
Côte d'Ivoire.
L'inquiétude tenant à
l'impossibilité de la CCJA de s'auto saisir, réside, quant
à elle, dans le fait qu'il pourrait exister une sorte de
« consensus tripartite »60(*) entre les juges suprêmes nationaux et les
parties pour qu'un litige, quand bien même relatif aux Actes Uniformes,
ne soit pas porté devant la CCJA. Pour ce faire, il suffit que les
parties se concertent pour saisir une juridiction suprême nationale,
laquelle décidera aussi de connaître de l'affaire et la tranchera
en définitive pour des raisons de velléités souveraines.
Cette situation est envisageable parce que, rappelons-le, en l'état
actuel des textes de l'OHADA, seules les parties ou la juridiction de cassation
nationale sur renvoi, peuvent saisir la CCJA. Cette dernière, faute de
se saisir d'office du litige lorsque sa compétence est méconnue,
reste donc impuissante face aux transgressions des dispositions du
Traité lui attribuant compétence exclusive en matière
d'interprétation des Actes Uniformes, et cela est déplorable, car
constituant autant d'occasions de moins pour elle de se prononcer sur le droit
uniforme des affaires et d'assurer pleinement sa mission d'unification de la
jurisprudence en matière de législation OHADA.
Il y a cependant lieu de faire remarquer que
cette transgression sur la saisine de la CCJA a été prévue
et même organisée a contrario par le législateur OHADA qui
a bien précisé que l'incompétence de la Cour
indûment saisie devait être soulevée au préalable.
Peut-être faut-il encore rappeler la règle à ce niveau de
l'analyse ! En effet, aux termes de l'article 18 alinéa
1er du Traité, « toute partie qui, après
avoir soulevé l'incompétence d'une juridiction nationale statuant
en cassation, estime que cette juridiction a, dans un litige la concernant,
méconnu la compétence de la CCJA, peut saisir cette
dernière dans un délai de deux mois à compter de la
notification de la décision contestée ». Il
apparaît ainsi, à la lumière de cette disposition, que le
Traité valide en quelque sorte la décision contestée,
puisque la CCJA doit se déclarer incompétente si le demandeur au
pourvoi n'avait pas soulevé préalablement l'incompétence
de la juridiction suprême nationale saisie à tort. Pouvons-nous
donc dire, dans ces conditions, que la décision rendue par cette
juridiction est illégalement acquise ? Qui a privé la Cour
Commune de tout moyen d'intervention a posteriori ?
Disons qu'il existe dès lors,
malgré la défense faite aux cours de cassation nationales de
connaître des Actes Uniformes, une sorte de cadre juridique par
défaut, qu'il ne faudrait pas s'étonner de voir aujourd'hui
utiliser par certains plaideurs.
Une autre inquiétude non moins
importante liée à la saisine de la CCJA est l'absence de
définition des cas d'ouverture à cassation devant elle.
B- L'absence de définition des cas d'ouverture
à cassation devant la CCJA
Devant toute juridiction de cassation, il est
prévu des conditions précises d'exercice du pourvoi auxquelles
les plaideurs doivent se conformer à peine d'irrecevabilité de
leurs recours. Ces conditions que l'on désigne par l'expression
« cas d'ouverture à cassation »61(*) font en quelque sorte
référence aux moyens que doivent invoquer les parties à
l'appui de leurs demandes. Ces moyens doivent nécessairement être
de pur droit, les moyens mélangés de fait et de droit
n'étant pas recevables.
De manière assez surprenante, on se rend
compte que rien n'est prévu dans le Traité ou le Règlement
en ce qui concerne les cas d'ouverture à cassation que peuvent invoquer
les parties devant la CCJA. En effet, l'article 28 du Traité se borne
tout simplement à affirmer que le recours doit indiquer « les
Actes Uniformes ou les Règlements prévus par le Traité
dont l'application dans l'affaire justifie la saisine de la Cour ».
Ce silence du législateur de l'OHADA sur les cas d'ouverture à
cassation peut laisser penser que ceux-ci n'existent carrément pas
devant la CCJA, et que, de ce fait, cette dernière est une juridiction
de cassation qui juge en fait et en droit comme un troisième
degré de juridiction62(*).
Un examen approfondi de l'article 28
précité permet cependant d'affirmer qu'il existe des cas
d'ouverture à cassation devant la CCJA. Il suffirait tout simplement
d'admettre les cas prévus dans chaque Etat membre de l'OHADA pour que
l'inquiétude soit plus ou moins dissipée. Peut-être encore,
pourrait-on penser que la CCJA elle-même peut énoncer ses propres
cas d'ouverture à cassation. Mais cette alternative semble difficile
à mettre en oeuvre dans la mesure où le pourvoi en cassation
étant un recours extraordinaire, seul un texte spécifique peut en
déterminer les conditions d'exercice.
Les inquiétudes liées à la
saisine de la CCJA ayant été examinées, penchons-nous
à présent sur celles liées à la langue de
procédure adoptée devant elle et aux arrêts qu'elle est
amenée à rendre une fois saisie.
Paragraphe 2 : Les inquiétudes
tenant à la langue de procédure et aux arrêts de la
CCJA
Nous examinerons en premier lieu les
inquiétudes tenant à la langue de procédure
utilisée devant la CCJA (A). En second lieu, celles liées aux
arrêts qu'elle rend seront abordées (B).
A- Les inquiétudes tenant à la langue de
procédure de la CCJA
L'article 42 du Traité dispose :
« Le français est la langue de travail de l'OHADA ».
Des dispositions de cet article, il infère que les Règlements
d'application du Traité, les Actes Uniformes, les arrêts et avis
de la CCJA ainsi que les décisions et correspondances des institutions
de l'OHADA sont rédigés dans leur forme officielle en
français, et que tous les débats au sein des différentes
institutions se déroulent en français.
C'est ainsi qu'on a pu observer, lors de
certains procès, l'usage du français par les juges de la Cour
Commune, même en présence de plaideurs essentiellement
anglophones. Il va s'en dire que cette situation est quelque peu
incompréhensible à ces ressortissants des Etats parties à
l'OHADA dont le français n'est pas la langue officielle. C'est le cas
notamment pour les plaideurs originaires des provinces anglophones du Cameroun,
de la Guinée Equatoriale63(*) et de la Guinée-Bissau64(*). Cette situation est une
source d'inquiétudes pour ceux-ci dans la mesure où, en plus des
frais normaux générés par la procédure du pourvoi
en cassation, ils devront supporter également ceux liés à
la traduction des pièces de la procédure en leurs langues
officielles.
Disons que la règle de l'usage du
français comme langue de travail de l'OHADA, même si elle se
conçoit du fait que la majorité des Etats parties à
l'OHADA sont francophones, semble cependant incompatible avec l'article 53 du
Traité selon lequel, tout Etat membre ou non membre de l'O.U.A65(*) peut adhérer au
Traité. Elle constitue aussi une source de blocage à
l'adhésion de certains Etats non francophones à l'OHADA. Nous
pensons, notamment, au Ghana et au Nigeria dont les adhésions au
Traité seraient les bienvenues.
B- Les inquiétudes liées aux arrêts de
la CCJA
Une décision rendue par
une juridiction d'un Etat, pour être exécutoire sur le territoire
d'un autre Etat, nécessite qu'une décision d'exequatur soit
prononcée par le juge national de ce dernier Etat. Cette
procédure, on le voit, est respectueuse de la souveraineté de
chaque Etat.
Dans le Traité de l'OHADA cependant, les
Etats signataires ayant abandonné une parcelle de leur
souveraineté au plan judiciaire à la CCJA, laquelle se substitue
à leurs juridictions suprêmes nationales pour l'application et
l'interprétation des Actes Uniformes, les décisions de la CCJA
n'ont donc pas besoin d'une décision d'exequatur des juges nationaux
pour être exécutoires sur leurs territoires respectifs. Tel est
d'ailleurs le sens qu'il faut donner à l'article 20 du Traité qui
édicte : « Les arrêts de la Cour Commune de Justice
et d'Arbitrage ont l'autorité de la chose jugée et la force
exécutoire. Ils reçoivent sur le territoire de chacun des Etats
parties une exécution forcée dans les mêmes conditions que
les décisions des juridictions nationales (...) ». Cet article
est complété par l'article 46 du Règlement de
Procédure de la CCJA selon lequel « l'exécution
forcée des arrêts de la Cour est régie par les
règles de procédure civile en vigueur dans l'Etat sur le
territoire duquel elle a lieu. La formule exécutoire est apposée,
sans autre contrôle que celui de la vérification de
l'authenticité du titre, par l'autorité nationale que le
Gouvernement de chacun des Etats parties désignera à cet effet
et dont il donnera connaissance à la Cour. Après
l'accomplissement de ces formalités, à la demande de
l'intéressé, celui-ci peut poursuivre l'exécution
forcée en saisissant directement l'organe compétent, suivant la
législation nationale (...) ».
Force est de constater toutefois que
l'exécution forcée des arrêts de la CCJA n'est pas aussi
complète que l'affirment les articles sus cités. En effet, il
apparaît que la CCJA n'appose aucune formule exécutoire sur ses
arrêts. Plutôt, cette formule exécutoire est le fait d'une
autorité spécialement désignée par chaque Etat
partie. De plus, la formalité de la formule exécutoire devra
être renouvelée par le justiciable chaque fois qu'il voudra
poursuivre l'exécution d'une décision de la CCJA lui accordant
des droits dans un autre Etat. On s'aperçoit donc que les arrêts
de la CCJA n'ont en réalité pas de force exécutoire
supranationale, contrairement à ses sentences arbitrales qui sont
revêtues quant à elle de l'exequatur de son président ou du
juge délégué par lui à cet effet.
Aussi, l'autorité compétente pour
apposer la formule exécutoire n'ayant pas été
désignée dans certains Etats parties à l'instar du Togo,
la question se pose de savoir comment sera poursuivie l'exécution des
arrêts de la CCJA dans lesdits Etats. Il est donc impérieux que
chaque Etat partie procède à cette désignation afin de
dissiper cette dernière inquiétude et d'éviter toute
difficulté d'exécution des arrêts de la Haute Juridiction
Communautaire.
CHAPITRE II : LES APPROCHES DE SOLUTIONS
AUX INQUIETUDES ET DIFFICULTES DU POURVOI EN CASSATION DEVANT LA CCJA
Dans ce chapitre, nous proposerons certaines
mesures dont la mise en oeuvre devrait permettre, nous l'espérons, de
trouver des solutions aux difficultés et inquiétudes
relevées dans l'exercice du pourvoi en cassation devant la CCJA. Ces
mesures seront examinées au double plan juridique (Section 1) et
pratique (Section 2).
Section I : Les mesures d'ordre juridique
Ces mesures impliquent, en premier lieu, un
aménagement des textes organisant le recours en cassation devant la CCJA
(Paragraphe 1), puis en second lieu, une harmonisation des Traités
d'intégration régionale (Paragraphe 2)
Paragraphe 1 : L'aménagement des
textes organisant le pourvoi en cassation devant la CCJA
Les textes organisant le pourvoi en cassation
devant la CCJA susceptibles d'aménagements sont, bien entendu, le
Traité de l'OHADA lui-même (A) et le Règlement de
Procédure de la CCJA du 18 avril 1996 (B).
A- L'aménagement du Traité de l'OHADA
Nous l'avons
déjà dit, la plupart des difficultés et inquiétudes
liées au pourvoi en cassation devant la CCJA découlent du pouvoir
d'évocation qui lui est accordé. Nous pouvons légitimement
en déduire qu'une suppression de ce pouvoir d'évocation
résoudra bon nombre de difficultés et dissipera plusieurs
inquiétudes. Mais notre prétention n'est pas de proposer une
solution aussi radicale qui, à coup sûr, irait à l'encontre
de la mission d'unification de la jurisprudence OHADA assignée à
la CCJA. C'est pourquoi notre proposition ira plutôt dans le sens d'un
encadrement de ce pouvoir d'évocation dont dispose la CCJA. En effet,
nous pensons que l'évocation doit être une faculté pour la
CCJA et non un impératif comme c'est le cas actuellement. A ce sujet,
l'article 14 alinéa 5 du Traité dispose qu' « en
cas de cassation, elle (la CCJA) évoque et statue sur le
fond ». Nous pensons que cet article devrait être
aménagé dans le sens suivant : « en cas de
cassation, elle peut évoquer et statuer sur le fond ». De la
sorte, le législateur aura laissé le soin au juge supranational
de décider souverainement, en fonction des circonstances de
l'espèce, s'il y a lieu à évoquer ou non en cas de
cassation. Dans cette optique, un renvoi de l'affaire devant une juridiction
suprême nationale pourrait même être envisagée.
L'évocation est « une dérogation grave à des
principes fondamentaux du droit judiciaire tels que le principe du double
degré de juridiction et la distinction du fait et du droit dans la
connaissance du litige soumis à la juridiction de
cassation »66(*). Pour cette raison, son encadrement contribuera
à résoudre un tant soit peu la difficulté liée au
caractère équivoque du droit à contrôler de la CCJA,
notamment l'incertitude sur le principe du rejet des moyens
mélangés de fait et de droit par la CCJA, en ce que lorsque
celle-ci décidera d'user de son droit d'évocation, elle pourra
admettre que les parties produisent à l'appui de leurs demandes de
nouveaux moyens.
Une autre disposition du Traité
susceptible de modification est l'article 42 qui fait du français la
langue de travail de l'OHADA et par conséquent la langue de
procédure de la CCJA. Nous pensons qu'il serait bénéfique
pour toute l'organisation que le Traité admette les langues officielles
des Etats parties comme langues de travail, ce qui incitera des Etats non
francophones à adhérer massivement au Traité de l'OHADA.
Une modification de l'article 31 du
Traité qui fixe à sept seulement le nombre de juges de la CCJA
pourrait être envisagé dans le sens d'une représentation
d'un juge par Etat partie comme c'est le cas actuellement au sein de la Cour de
Justice des Communautés Européennes. Cette répartition
aura le mérite d'apporter à la Cour l'indispensable
célérité nécessaire au jugement des litiges.
Surtout que l'OHADA est appelée à s'ouvrir à d'autres
Etats, le nombre de pourvois devant la CCJA augmenterait par la même
occasion, d'où la nécessité d'un plus grand nombre de
juges pour son fonctionnement efficace par la création de chambres. Ces
juges, ajoutons-le, devront être choisis au sein des cours suprêmes
nationales, ce qui contribuerait à « pacifier » les
rapports entre ces dernières et la CCJA.
On pourrait aussi penser à une
modification de l'article 13 du Traité qui dispose que le
contentieux relatif à l'application des Actes Uniformes est
réglé en première instance et en appel par les
juridictions des Etats parties. Nous proposons que cet article soit
modifié dans ce sens que les cours suprêmes nationales soient
réintroduites dans le jeu judiciaire relatif au droit uniforme. Cette
solution contribuera à résoudre les conflits de
compétences entre les cours de cassation nationales et la CCJA dans la
mesure où cette dernière n'interviendrait plus qu'une fois toutes
les voies de recours internes épuisées, donc après que les
Cours Suprêmes nationales eurent connu de l'affaire. Force est de relever
toutefois que cet aménagement qui fait de la CCJA un quatrième
degré de juridiction à l'instar de ses homologues à
travers le monde, reviendrait à mettre à plat tout le
Traité de l'OHADA, ce qui semble donc très difficile mais pas
impossible. En est-il de même pour l'aménagement du
Règlement de Procédure de la CCJA du 18 avril 1996 ?
B- L'aménagement du Règlement de
Procédure de la CCJA
L'aménagement du
Règlement de Procédure de la CCJA va, quant à lui,
consister à y introduire des dispositions relatives au pourvoi en
cassation dans l'intérêt de la loi, à l'auto saisine de la
CCJA et aux cas d'ouverture à cassation admis devant elle, à
l'institution d'un parquet général et d'un juge de
l'exécution dans chaque Etat partie.
S'agissant du pourvoi en cassation dans
l'intérêt de la loi67(*), il permettrait de déférer à la
CCJA toutes les décisions des Cours de Cassation nationales qui auraient
été rendues en méconnaissance de la compétence de
la CCJA. Cette action très particulière serait exercée par
le Procureur Général, chef du Parquet Général qui
serait mis en place près la CCJA. Nous estimons que ce pourvoi va
pallier le manque d'auto saisine de cette dernière, ce qui revient en
même temps à dire que le législateur OHADA devra donc
choisir entre le pourvoi dans l'intérêt de la loi et l'auto
saisine lors de la révision du Règlement de Procédure
envisagé.
Pour ce qui est du Parquet
Général, son absence au sein de la CCJA se comprend mal si l'on
songe que le Ministère Public ne joue pas qu'un rôle
répressif dans la mesure où il existe un ordre public
économique et social dont un Etat ne peut se
désintéresser. Ainsi, dans les contentieux où
l'intérêt général serait en cause, le Parquet
pourrait donner son avis par le biais de réquisitions ou de rapports
comme le font les commissaires du gouvernement devant les juridictions
administratives. Il veillerait aussi au respect des domaines de
compétences respectifs de la CCJA d'une part, des Cours Suprêmes
locales d'autre part.
Relativement à la définition des
cas d'ouverture à cassation, une synthèse des cas prévus
au niveau de chaque Etat partie devra être effectuée avant
l'élaboration des cas qui devront gouverner le recours en cassation
devant la CCJA. Ce travail préalable, nous le pensons, aurait le
mérite de tenir compte des particularités de chaque Etat partie
et de prévenir d'éventuelles contestations.
S'agissant enfin de l'institution du juge de
l'exécution dans chaque Etat partie, nous pensons que cette initiative
pourrait contribuer à parachever la force exécutoire des
arrêts de la CCJA. Les juges ainsi désignées pourraient
recevoir les copies des arrêts rendus par la CCJA et veilleraient, sur
initiative des parties, à leur exécution dans leurs Etats
respectifs.
Paragraphe 2 : L'harmonisation des
différents Traités d'intégration
régionale
Cette harmonisation des
Traités, laquelle constitue une possibilité de traitement des
conflits entre juridictions communautaires nécessitera, en premier lieu,
une harmonisation des normes produites par lesdits Traités (A), puis, en
second lieu, une harmonisation du fonctionnement des juridictions
communautaires qu'ils ont créées (B).
A- L'harmonisation des normes produites par les
Traités
L'harmonisation dont il est
question devra, à terme, consister à introduire dans chaque
Traité d'intégration régionale, surtout ceux des
organisations communautaires évoluant dans le même espace
intégré, des dispositions qui interdiraient la prise en compte,
par un Traité, de matières déjà régies par
un autre Traité. Comme tel, chacune des organisations communautaires
veillerait, lorsqu'elle édicte des normes, à ce que celles-ci ne
portent pas sur les mêmes matières que celles ayant
déjà fait l'objet de règles prises par une autre
organisation d'intégration. A cet égard, il y a lieu de souligner
que certaines organisations ont commencé par mettre en oeuvre cette
perspective par l'instauration, entre elles, de partenariats allant dans le
sens d'une certaine efficience dans la production de leurs normes. Nous
citerons, par exemple, la Décision du 13 août 2001 par laquelle le
Conseil des Ministres de la CEMAC a donné mandat à son
Secrétaire Exécutif de signer un accord de coopération
avec le Secrétariat Permanent de l'OHADA. Selon cet accord, les deux
organisations s'engagent à coopérer dans la définition du
domaine d'harmonisation du droit des affaires et dans la mise en oeuvre des
politiques d'intégration juridique et judiciaire dans les Etats membres.
Le même effort de partenariat et de collaboration est en cours de
cristallisation entre la Commission de l'UEMOA et le Secrétariat
Permanent de l'OHADA.
Cette harmonisation des normes, laquelle
postule une unification des cadres institutionnels d'élaboration des
règles et une amélioration du cadre de production lui-même,
doit aussi nécessairement être accompagnée d'une
harmonisation des juridictions supranationales créées par les
différents Traités d'intégration régionale.
B- L'harmonisation du fonctionnement des
juridictions communautaires créées par les Traités
d'intégration régionale
Il convient de souligner qu'à ce jour il
n'existe aucune liaison entre les juridictions supranationales
créées par les différents Traités
d'intégration régionale. A ce propos, un lien juridique entre
lesdites juridictions éviterait certainement des conflits de
compétence entre elles. Ainsi, des relations entre ces juridictions
peuvent être imaginées par rapport à l'adoption même
des normes. L'instauration d'un mécanisme qui permettrait aux
différentes cours de justice d'examiner les projets d'Actes Uniformes,
de Règlements ou de Directives éviterait l'existence ou
l'harmonisation de la même matière dans deux organisations
différentes, à l'instar de ce qui s'est produit concernant le
SYSCOA de l'UEMOA et l'Acte Uniforme de l'OHADA portant harmonisation de la
comptabilité publique des entreprises.
Aussi, un autre mécanisme peut-il
être imaginé en ce qui concerne la possibilité, pour une
cour de justice saisie à tort, de procéder directement à
un renvoi devant la juridiction normalement compétente, afin
d'éviter au justiciable la hantise de la déclaration
d'incompétence.
Une autre possibilité de
résolution des conflits entre les juridictions communautaires serait la
mise sur pied d'une juridiction des conflits à l'instar du Tribunal des
Conflits dans le système juridictionnel français. On pourrait
qualifier cette juridiction de « supra communautaire »
selon l'heureuse expression de Pierre Meyer.
Les mesures d'ordre juridique ci-dessus
proposées induisent inévitablement d'autres mesures, notamment
d'ordre pratique. Ces dernières devraient permettre aux mesures d'ordre
juridique d'aboutir aux résultats escomptés.
Section II : Les mesures d'ordre pratique
Ces mesures d'ordre pratique
constituent un des moyens de mise en oeuvre des solutions juridiques
proposées, susceptibles de conduire à l'effectivité des
organes et structures qui résulteront de l'aménagement des textes
OHADA et de l'harmonisation des Traités d'intégration
régionale (Paragraphe 1). Aussi, devraient-elles permettre une meilleure
connaissance de la CCJA par les ressortissants de l'OHADA (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : De l'effectivité des
organes et structures qui résulteront de l'aménagement des textes
OHADA et de l'harmonisation des Traités d'intégration
régionale
Cette effectivité
nécessite, d'une part, que soient rendus fonctionnels les organes et
structures à mettre en place (A), puis, d'autre part, que ceux-ci et
ceux existant déjà soient rapprochés des justiciables
(B).
A- De la nécessité de rendre
fonctionnels les organes et structures à mettre en place
Nous avons précédemment
proposé des solutions d'ordre juridique tendant à
l'aménagement du Traité de l'OHADA et du Règlement de
Procédure de la CCJA, mais aussi à l'harmonisation de tous les
Traités d'intégration régionale. Ces mesures qui sont,
entre autres, l'introduction dans les textes précités de
dispositions relatives à la mise en place de structures et organes
à l'instar d'un Parquet Général près la CCJA, d'un
Juge de l'Exécution dans chaque Etat partie, de la nomination de
nouveaux juges au sein de la CCJA à raison d'un juge par Etat partie,
d'un Tribunal des Conflits, doivent être effectivement appliquées
pour permettre un fonctionnement efficace du mécanisme du pourvoi en
cassation devant la CCJA et résoudre les conflits de compétence
dont nous avons fait état. Dans cette occurrence, il est
impérieux de réellement créer lesdits organes et
structures et de les doter de moyens financiers et matériels propres
à leur assurer de bons rendements. On se souvient que le
législateur OHADA, conscient par exemple des freins que pourraient
constituer l'éloignement de la CCJA quant à sa saisine, a
prévu dans le Traité (article 19) la possibilité pour la
Cour de tenir des audiences foraines sur le Territoire des Etats parties. Force
est de constater que cette disposition pertinente n'a jamais été
traduite dans les faits, la CCJA n'ayant, à ce jour, tenu aucune
audience foraine. Il en est de même de la désignation de
l'autorité compétente au sein de chaque Etat partie pour apposer
la formule exécutoire sur les arrêts de la CCJA. Cette
autorité n'a jamais été désignée dans
certains Etats parties comme c'est le cas au Togo.
B- De la nécessité de rapprocher des
justiciables les structures et organes à créer et ceux
déjà existants
Les structures et organes dont nous avons
suggéré la création et ceux qui existent
déjà ne doivent pas être éloignés des
justiciables. Ceci permettrait une saisine plus facile de la CCJA et une
amélioration dans l'accomplissement des actes de justice OHADA. Ainsi,
nous préconisons, par exemple, une décentralisation de certaines
structures de la CCJA auprès des Etats parties, notamment son greffe
auprès des Cours Suprêmes nationales. Les contraintes
opérationnelles observées actuellement (domiciliation, frais et
débours, difficultés de tenues d'audiences foraines) en seraient
donc limitées.
La tenue d'audiences foraines, la
désignation de l'autorité compétente pour apposer la
formule exécutoire sur les arrêts de la CCJA (nous pensons que
cette fonction devra être confiée dans chaque Etat partie aux
greffiers en chef des Cours Suprêmes ou aux Secrétaires
Généraux des Ministères de la Justice) et d'un juge de
l'exécution desdits arrêts dans chaque Etat partie, permettraient
aussi le rapprochement souhaité et allègeraient les charges des
justiciables. Ceci devra aussi contribuer à faire mieux connaître
la CCJA.
Paragraphe 2 : De la nécessité d'une
meilleure connaissance de la CCJA
Cette meilleure connaissance
de la CCJA passe par une vulgarisation des textes OHADA (A) et un renforcement
des capacités des acteurs de l'OHADA (B).
A- La vulgarisation des textes OHADA
Il convient de souligner que
les textes OHADA, en l'occurrence, le Code OHADA, le Traité, les divers
Règlements pris en application du Traité, le recueil de
jurisprudence de la CCJA sont peu connus de leurs destinataires. Il en est de
même des autres documents écrits par des auteurs et ayant trait
à l'OHADA. Nous estimons qu'une large diffusion de ces textes et
documents OHADA auprès des opérateurs économiques et des
citoyens des Etats parties et des investisseurs étrangers devrait
permettre une meilleure connaissance de l'organisation par ces derniers. Dans
cette optique, nous recommandons également que le travail de traduction,
en anglais, en espagnol et en portugais des Actes Uniformes et des textes
fondateurs, commencé par l'organisation soit poursuivi et
accentué.
Aussi, y a t-il lieu de faire observer qu'un
des freins à une large diffusion des documents précités
est le prix souvent excessif de ceux qui sont destinés à la
vente, ce qui limite leur acquisition par un nombre important de
ressortissants. Dans ce sens, nous préconisons une réduction des
prix de ces documents afin de permettre surtout leur acquisition par les
étudiants juristes qui en ont très grand besoin. Cette
réduction des prix devra être rendue possible par une subvention
des Etats parties.
Une large diffusion du Journal Officiel de
l'OHADA et des prospectus sur la CCJA est aussi vivement souhaitée.
L'action de vulgarisation des textes OHADA doit être également
couplée à un renforcement des capacités des acteurs de
l'OHADA afin d'assurer la meilleure connaissance de la CCJA
souhaitée.
B- Le renforcement des capacités des acteurs de
l'OHADA
Les acteurs de l'OHADA dont
les capacités doivent être renforcées en vue d'une
meilleure connaissance de la CCJA sont les ressortissants des Etats parties. Il
s'agit, entre autres, des opérateurs économiques, des auxiliaires
de justice, des juristes d'entreprise, des étudiants en droit et des
magistrats. A l'égard de ces derniers, le Secrétariat Permanent
de l'OHADA, la CCJA elle-même et les Etats parties doivent organiser des
séances de sensibilisation sur la CCJA par le truchement des
séminaires, des journées de réflexion, des medias, etc.
Dans ce sens, le rôle de l'ERSUMA en tant que centre de formation
judiciaire et de documentation devrait être accru. A cet effet, des
sessions spécialisées entre magistrats nationaux et juges
communautaires devraient aussi être initiées.
CONCLUSION
Au terme de cette
réflexion, il y a lieu de dire que la CCJA est une institution
incontournable dans l'affirmation et la consolidation du droit communautaire de
l'OHADA. Depuis le 11 octobre 2001, date de la tenue de sa première
audience après réception de son siège à Abidjan,
elle a tant bien que mal rempli68(*) la mission qui lui a été
assignée par le Traité de Port-Louis, celle de garantir une
interprétation commune du droit OHADA en évitant les risques
d'interprétations divergentes des Actes Uniformes par les juridictions
de fond des Etats parties.
Nous avons montré, dans les
développements qui ont précédé, le caractère
original de cette juridiction au travers du mécanisme du pourvoi en
cassation organisé devant elle. Cette originalité qui
réside, d'une part, dans son pouvoir d'évocation et dans la
cassation sans renvoi de ses arrêts, puis, d'autre part, dans sa
supranationalité judiciaire, constitue également la source
majeure des nombreux dysfonctionnements observés dans le pourvoi en
cassation instauré devant elle.
S'il ne fait l'ombre d'aucun doute que le
mécanisme du recours en cassation devant la CCJA nécessite des
aménagements vu les nombreux dysfonctionnements qu'il
génère, lesquels sont de nature à compromettre
sérieusement sa mission d'interprétation et d'unification de la
jurisprudence en matière d'Actes Uniformes, il n'est pas aussi
aisé de proposer des solutions unanimement admises, propres à
résoudre les difficultés rencontrées.
Nous avons néanmoins essayé de
dégager, dans cette étude, des orientations de solutions qui se
résument en la révision du Traité de l'OHADA et sa mise en
harmonie avec les autres Traités d'intégration régionale,
mais aussi à la dotation de la CCJA des moyens tant humains,
matériels que financiers indispensables à l'efficacité de
sa mission. Il faut dire que ces solutions préconisées
nécessitent une bonne dose de volonté politique des Etats parties
au Traité pour leur mise en oeuvre effective, tant la procédure
de révision du Traité est très lourde et nécessite
l'accord unanime de tous les Etats parties pour ce faire.
Une chose est cependant certaine, c'est que
cette révision du Traité devra nécessairement prendre en
compte quelques unes des solutions suggérées afin d'atteindre les
résultats escomptés.
Il s'agit, en premier lieu, du point relatif
à l'encadrement du pouvoir d'évocation dont dispose la CCJA,
étant entendu que ce pouvoir d'évocation constitue la source
principale des difficultés liées au fonctionnement du pourvoi en
cassation organisé devant elle.
En second lieu, le point relatif au
« raccourcissement de l'épuisement des voies de recours
internes » opéré par le Traité devra être
sérieusement examiné. En d'autres termes, est-il indispensable
à l'OHADA qu'il n'y ait pas dans chaque Etat partie une juridiction de
cassation compétente pour l'interprétation des Actes
Uniformes ? Une réponse négative à cette question
reviendrait à réintroduire les Cours Suprêmes nationales
dans le jeu judiciaire relatif à l'application des Actes
Uniformes ; dans cette perspective, il ne faudrait pas perdre de vue que
leur interprétation, donc le contrôle de la légalité
de l'exacte application du droit communautaire, restera l'apanage de la CCJA.
Une réponse positive à cette question devrait tendre à la
réaffirmation de la suprématie générale de la CCJA
dans l'orientation actuelle du Traité, et, dans cette optique, toutes
les dispositions devront être prises afin d'éviter que les
décisions rendues par les Cours Suprêmes nationales en
matière d'Actes Uniformes soient appliquées grâce au cadre
juridique par défaut dont nous avons parlé
précédemment.
En troisième lieu enfin, le point
relatif à l'accroissement des effectifs de la CCJA couplé
à un renforcement conséquent de ses ressources financières
ne devra pas être négligé. Sur ce dernier point, les Etats
parties doivent impérativement s'efforcer à rendre effectif le
mécanisme de financement autonome de l'OHADA institué par le
Règlement n° 002/2003/CM du 18 octobre 200369(*).
Nous estimons que c'est seulement à ce
prix qu'un souffle nouveau sera insufflé à la Haute Juridiction
Communautaire, laquelle pourra enfin évoluer normalement et ce, dans le
plus grand intérêt des justiciables et de toute l'Organisation
pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires.
Au-delà de la CCJA, c'est tout le
fonctionnement du système institutionnel de l'OHADA qu'il faudra revoir
et cela devra nécessairement passer par une relecture des
« Arrangements de N'Djamena », en date du 18 avril 1996,
sur la base desquels les responsabilités au sein de l'Organisation ont
été réparties entre certains Etats, dans « le
but d'installer rapidement et avec une capacité opérationnelle
immédiate les institutions de l'OHADA ». Rappelons que ces
« Arrangements » ont confié de façon
permanente, d'une part, au Togo, au Congo Brazzaville et au Burkina Faso,
respectivement les postes de Secrétaire Permanent de l'OHADA, Greffier
en Chef de la CCJA et Directeur de l'ERSUMA, privant en contrepartie, leurs
ressortissants de la possibilité de briguer un poste de juge à la
CCJA. D'autre part, ils ont permis à la Côte d'Ivoire, au Cameroun
et au Bénin d'abriter respectivement le siège de la CCJA, du
Secrétariat Permanent et de l'ERSUMA. La Présidence de la CCJA
est, quant à elle, revenue au Sénégal, la Première
Vice-présidence à la Centrafrique, la deuxième
Vice-présidence au Gabon et les quatre autres postes de juge au Niger,
au Mali, à la Guinée Bissau et au Tchad.
Depuis quelques années, des voix ayant
commencé par s'élever pour dénoncer les frustrations
engendrées par ces Arrangements qui ont consacré un monopole des
postes de responsabilité par certains pays et un
déséquilibre entre les Etats parties représentés
à la CCJA, les Chefs d'Etats et de Gouvernement des pays membres de
l'OHADA, réunies en marge du Sommet de la Francophonie tenu à
Québec au Canada du 17 au 19 octobre 2008, ont unanimement
décidé de mettre fin à ces Arrangements par la
« Déclaration de Québec sur les Arrangements de
N'Djamena »70(*)
. Il ne reste qu'à souhaiter vivement que cet accord de principe soit
rapidement traduit dans les faits par le Conseil des Ministres pour une
répartition plus équitable des responsabilités au sein de
l'Organisation et ce, suivant les principes prévalant en la
matière pour l'ensemble des organisations internationales mettant
particulièrement en valeur la compétence et
l'intégrité attendues des responsables des institutions.
Aussi, faut-il saluer l'initiative des Chefs
d'Etats et de Gouvernement de l'OHADA qui ont également adopté le
Traité de Québec portant révision du Traité de
l'OHADA au cours du même sommet de la Francophonie, même s'il faut
reconnaître que les modifications effectuées71(*) ne résolvent pas les
difficultés fondamentales du pourvoi en cassation devant la CCJA que
nous avons relevées. Encore faut-il que ce Traité
révisé soit ratifié par tous les Etats parties afin
d'être appliqué.
Il est à noter que les Etats parties
à l'OHADA, pour favoriser l'application et l'interprétation du
droit OHADA, devront nécessairement mettre en conformité leur
droit interne avec les Actes Uniformes72(*). Aussi, y a t-il lieu de signaler qu'à ce
jour, aucun travail n'a été effectué dans ce sens au Togo.
Au demeurant, aucune sanction n'a été prévue ni par le
Code Pénal ni par un texte spécial pour rendre effectives les
incriminations qui sont prévues dans les Actes Uniformes. Nous
espérons que la réforme du Code Pénal et du Code de
Procédure Pénale actuellement en cours saura efficacement prendre
en considération ce problème d'articulation entre le droit
international OHADA et le droit togolais73(*).
A l'heure où l'OHADA est arrivée
à un âge de maturité et conduite à envisager
à plus ou moins long terme, l'ouverture sous une forme ou une autre vers
les pays de Common Law, espérons qu'elle pourra aborder sereinement ce
virage en réalisant efficacement la synthèse des systèmes
juridiques romano-germanique et anglo-saxon que l'on se plaît très
souvent à opposer. Dans ce sens, et pour reprendre le Professeur
émérite Yves GUYON, « ce serait un bel exemple que les
juristes africains donneraient aux juristes occidentaux ».
* 1 Pour en savoir plus
sur la genèse de l'OHADA, voir M. KIRSH, « Historique de
l'OHADA », Penant, n° 827, 1998, p.129.
* 2 Du fait de
deux nouvelles adhésions au Traité depuis sa signature, l'OHADA
compte actuellement seize Etats membres : le Bénin, le Burkina
Faso, le Cameroun, les Comores, le Congo (Brazzaville), la Côte d'Ivoire,
le Gabon, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Guinée
Equatoriale, le Mali, le Niger, la République Centrafricaine, le
Sénégal, le Tchad et le Togo.
* 3
Législation unifiée promulguée par le Conseil des
Ministres de l'OHADA. A ce jour, huit Actes Uniformes sont entrés en
vigueur : l'A.U relatif au Droit Commercial Général, au
Droit des Sociétés Commerciales et du Groupement
d'Intérêt Economique, aux sûretés, aux
procédures simplifiées de Recouvrement et Voies
d'Exécution, aux Procédures Collectives, au Droit de l'Arbitrage,
à la Comptabilité et aux Contrats de Transport de Marchandises
par Route.
* 4 Premier
Président Honoraire de la Cour Suprême du Sénégal,
ancien Président du Conseil Constitutionnel du Sénégal,
ancien Vice Président de la CCJA et premier Président de
l'Association pour l'Unification du Droit en Afrique (UNIDA) dont l'objectif
est d'accompagner l'OHADA et de soutenir ses efforts dans la communication et
la diffusion du droit Uniforme.
* 5 Organe
décisionnel suprême de l'OHADA composé, aux termes de
l'article 27 du Traité, des ministres de la Justice et des ministres des
Finances de chaque Etat membre. Il a essentiellement pour rôle de
délibérer et d'adopter les Actes Uniformes après avis de
la CCJA.
* 6 Organe
administratif de l'OHADA dont le siège est basé à
Yaoundé au Cameroun. Il assiste le Conseil des Ministres dans
l'exécution de ses fonctions législatives. Il est dirigé
par un Secrétaire Permanent, nommé pour une durée de
quatre ans renouvelable une fois (art. 40 du Traité).
* 7 Elle est
rattachée au Secrétariat Permanent. Son siège est à
Porto Novo au Bénin. Sa fonction principale est de concourir à la
formation et au perfectionnement des magistrats et des auxiliaires de Justice.
Elle sert aussi de centre de documentation et de recherche.
* 8 L'arbitrage
permet aux parties de faire régler leurs différends par une
juridiction privée, composée d'un arbitre unique ou d'un panel
d'arbitres, qui peuvent être choisis par les parties elles-mêmes.
Ainsi, la CCJA est un centre d'arbitrage qui a pour rôle d'encadrer le
règlement par voie arbitrale des litiges par le Règlement
d'arbitrage adopté le 11 mars 1999 (le « Règlement
CCJA »), qui reprend et complète les dispositions du
Traité.
* 9 Voy dans ce
sens, article 14 al.4 du Traité de l'OHADA
* 10 D.
ARBACHI, La Supranationalité de l'Organisation pour l'Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Rev. Burkinabé de Droit. 2000,
spéc. p. 18 et s. ; J. Issa-Sayegh, la fonction juridictionnelle de
la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA. Mel. Decottignies, Presse
Universitaire de Grenoble.
* 11 Pierre
Meyer, « Les conflits de juridictions dans les espaces OHADA, UEMOA,
CEDEAO », in Sensibilisation au droit communautaire de l'UEMOA, Acte
du Séminaire Sous-régional à Ouagadougou, Burkina Faso du
6-10 octobre 2003, coll.DTE, éditions Giraf, p. 183.
* 12 Bakary
DIALLO, Réflexions sur le pouvoir d'évocation de la Cour Commune
de Justice et d'Arbitrage dans le cadre du Traité de l'OHADA, Rec.
Penant, n° 858, janv-mars 2007, p. 40.
* 13 En ce
sens, Pierre Meyer, op. cit.
* 14 L'acronyme
signifie « Union Economique et Monétaire Ouest
Africaine ». Le Traité instituant l'Union a été
signé le 10 janvier 1994 et ratifié en juin 1994,
remplaçant l'UMOA (Union Monétaire Ouest Africaine)
créée en 1962 et la CEAO (Communauté Economique d'Afrique
de l'Ouest), créée en 1973, et fusionnant les fonctions de ces
deux institutions. Les Etats membres de l'UEMOA sont : Bénin,
Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger,
Sénégal et Togo.
* 15Signifie
Communauté Economique des Etats d'Afrique de l'Ouest. Elle est
fondée le 28 mai 1975. Elle regroupe outre les huit pays membres de
l'UEMOA précités, la Guinée Conakry et six Etats en
majorité anglophones à savoir : Cap Vert, Gambie, Ghana,
Libéria, Nigeria et Sierra Leone.
* 16 Signifie
« Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique
Centrale ». Créée en 1994 afin de remplacer l'ancienne
UDEAC (Union Douanière des Etats de l'Afrique Centrale) datant de 1964,
elle comprend six Etats : Cameroun, Congo, Gabon, Guinée
Equatoriale, République Centrafricaine, Tchad.
* 17 Cf. art. 5
qui précise le domaine du droit des affaires par les matières
énumérées, combiné avec l'art. 2 du Traité
de l'OHADA.
* 18 Cf. art. 4
du Traité de l'OHADA.
* 19 Art. 19
alinéa 1 du Traité OHADA : « La procédure
devant la Cour de Justice et d'Arbitrage est fixée par un
Règlement adopté par le Conseil des Ministres
(...) ».
* 20
J.Issa-Sayegh, La fonction juridictionnelle de la Cour Commune de Justice et
d'Arbitrage, Mel. Decottignies, Presses univ. de Grenoble.
* 21 Art. 13
Traité OHADA : « Le contentieux relatif à
l'application des Actes Uniformes est réglé en première
instance et en appel par les juridictions des Etats
parties ».
* 22 Voir Boris
Martor, Nanette Pilkington, David Sellers et Sebastien Thouvenot (avec la
participation de Pascal Ancel, Bénoît le Bars et Roger Masamba),
Le droit uniforme africain des affaires issu de l'OHADA, Litec 2004, p.
13.
* 23 Cf. art.
28 du Règlement de Procédure de la CCJA.
* 24 Art. 18
al. 1 du Traité de l'OHADA : « Toute partie qui,
après avoir soulevé l'incompétence d'une juridiction
nationale statuant en cassation estime que cette juridiction a, dans un litige
la concernant, méconnu la compétence de la Cour commune de
justice et d'arbitrage peut saisir cette dernière dans un délai
de deux mois à compter de la notification de la décision
contestée ».
* 25 L'art. 23
sus-cité ne crée donc pas une catégorie d'avocats
près la CCJA. Cependant, si l'avocat n'est pas domicilié à
Abidjan, son client devra y élire domicile pour toute la durée de
l'instance car c'est à ce domicile élu que les significations lui
seront faites. Ce domicile élu peut être celui d'un autre avocat
ou d'un notaire.
* 26 Le
mémoire en réponse doit être présenté au plus
tard dans un délai de trois mois à compter de la signification du
recours.
* 27 Dans ce
sens voir Boris Martor, Nanette Pilkington, David Sellers et Sebastien
Thouvenot (avec la participation de Pascal Ancel, Bénoît le Bars
et Roger Masamba), Op. Cit. p.15
* 28 Cf.
ANOUKAHA F., CISSE A, DIOUF N, NGUEBOU TOUKAM J, POUGOUE P.G. et SAMB M.,
OHADA, Sociétés Commerciales et du Groupement
d'Intérêt Economique, coll. Droit uniforme africain, Bruylant,
Bruxelles, 2002, p.233
* 29 En
d'autres termes, la qualification pénale des actes. A titre d'exemple,
l'article 889 de l'Acte Uniforme sur les Sociétés Commerciales et
les GIE dispose : « encourent une sanction pénale les
dirigeants sociaux qui, en l'absence d'inventaire ou au moyen d'inventaire
frauduleux, auront, sciemment, opéré entre les actionnaires ou
les associés la répartition de dividendes fictifs ». Il
revient maintenant à chaque Etat de fixer la peine correspondante
à cette infraction dans sa législation pénale
interne.
* 30 Jacques
BORE, « La difficile rencontre du droit pénal et du droit
communautaire », Mélanges en l'honneur d'André Vitu,
Droit pénal contemporain, Cujas, p. 25-49.
* 31 Athanase
FOKO, « Analyse critique de quelques aspects du droit pénal
OHADA », n° 859, Penant, p. 198.
* 32 Selon le
répertoire de jurisprudence Merlin, « la question
préjudicielle est définie comme toute question qui, dans un
procès, doit être jugée avant une autre, parce que celle-ci
serait sans objet, si la personne qui l'élève succombait sur
celle-là. L'expression peut aussi désigner une question qu'un
tribunal national d'un Etat membre de l'Union Européenne peut poser par
écrit à la Cour de Justice des Communautés
Européennes. La réponse ne lie en aucun cas le Tribunal
national. ». C'est ce dernier cas qui nous intéresse ici
étant donné que dans le cadre de l'OHADA, les juridictions
nationales ont la faculté de poser des questions préjudicielles
à la CCJA (art. 14 du Traité). Pour de plus amples
développements à ce sujet, voy. Catherine GLAUBERT, la question
préjudicielle en droit OHADA et en droit communautaire, www.ohada.com,
Ohadata D-05-20.
* 33 Voy.
à ce propos E.L. Kangambega, Observations sur les aspects pénaux
de l'OHADA, Penant, 2000, p. 321.
* 34 Article 36
du Règlement de Procédure de la CCJA : « Le
Président dirige les débats et exerce la police d'audience. Il
détermine l'ordre dans lequel les parties sont appelées à
prendre la parole ».
* 35 Selon le
dictionnaire juridique en ligne Juripole, il s'agit d' « une
décision accessoire prononcée par le Tribunal ayant statué
en première instance, autorisant la partie qui a obtenu gain de cause
à poursuivre l'exécution du jugement rendu contre son adversaire,
malgré les recours qu'il aurait engagés ».
* 36 Le
dictionnaire juridique précité poursuit en disant que
« le recours contre cette partie du jugement de première
instance se nomme défense à exécution
provisoire ».
* 37Arrêt
n° 013/2003: SOCOM SARL C/ SGBC, Recueil de jurisprudence OHADA, n°1,
janvier-juin 2003, p.16 ; Voy. aussi, G. Kenfack Douajni, L'Etat actuel
de l'Ohada, www.ohada.com, Ohadata D-03-20.
* 38 Arrêt
SEHIC HOLLYWOOD S.A C/ SGBC, www.ohada.com, ohadata J-04-104.
* 39 CCJA, Arret
n° 006/2001 du 11 octobre 2001, S.A. Aminou et Cie et MAB c/ CCEI BANK,
www.ohada.com, ohadata J-02-09.
* 40 CCJA,
Arrêt n° 06/2005 du 27/01/2005, Murielle Corinne Christelle KOFFI et
Sahouot Cédric KOFFI c/ La Société ECOBANK,
www.ohada.com, ohadata J-05-188.
* 41 A propos
de ces litiges, voy. BROU Kouakou Mathurin, « Le contentieux
des Actes Uniformes : de la compétence de la Cour Commune de
Justice et d'Arbitrage » Le Juris-Ohada, n° 2-2003, avril-juin
2003, p.2.
* 42 CCJA,
Arrêt n° 1/2001 du 11 octobre 2001, ETB c/ CFCF, www.ohada.com,
ohadata J-02-05.
* 43 E. NSIE,
La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, Rec. Penant, 1998, n° 828,
p.320.
* 44 La notion
est définie par Bakary DIALLO dans son article intitulé
« Réflexions sur le pouvoir d'évocation de la Cour
Commune de Justice et d'Arbitrage dans le cadre du Traité de
l'OHADA », Rec. Penant n° 858, janv-mars 2007, p. 40, comme
« étant l'attribution que possède une juridiction, dans
tous les cas où elle est saisie, d'examiner complètement le
dossier d'une affaire, de le réformer, de corriger les erreurs de
qualification des juges primitivement saisis, de relever toutes les
circonstances légales qui accompagnent les faits. ».
* 45 Sur cette
notion, Voy. M. FABRE, « La cassation sans renvoi en
matière civile », JCP, G., n° 1347, 2001, p.
1715.
* 46 J.
Guyenot, Le pouvoir de révision et le droit d'évocation de la
chambre d'accusation, Revue de science criminelle et de droit pénal
comparé, n°3, 1964, p. 561 et s.
* 47 Bakary
DIALLO, op. cit., p. 44.
* 48 Ce
principe a été consacré par la CCJA dans son arrêt
n° 32 du 4 novembre 2004, Affaire Société Eburnea c/ Cie
d'assurances Les Tisserins Satca, note B. DIALLO, Penant n°
855-2006.
* 49 Dans ce
sens, voir l'article 238 du Code de Procédure Civile Togolais qui
reconnaît indirectement cette faculté aux parties lorsqu'elle
affirme que : «.S'il y a lieu à renvoi (...). La cause est
alors reprise devant la juridiction de renvoi conformément à la
procédure applicable devant celle-ci (...) ». L'article 632 du
NCPC français est quant à lui plus explicite à ce sujet
lorsqu'elle dispose que devant la juridiction de renvoi, « les
parties peuvent invoquer de nouveaux moyens à l'appui de leurs
prétentions ».
* 50
« En droit français, il est de jurisprudence constante que le
droit d'évocation doit s'exercer dans le respect du principe du
contradictoire. Il n'est pas possible à une cour d'évoquer sans
que les parties aient conclu au fond ou aient été mises en
demeure de le faire ». Voy.Civ.2ème, 8 juin 1979,
Gazette du Palais, 1979, 2, 443, note Viatte.
* 51 CCJA, avis
n° 1/2001/EP du 30 avril 2001, www. ohada.com, ohadata J-02-04
* 52 La demande
d'avis consultatif de la Côte d'Ivoire ayant donné lieu à
l'avis précité de la CCJA a été formulée par
lettre n° 137/ MJ/CAB-3/KK/MB en date du 11 octobre 2000 du Garde des
Sceaux, Ministre de la Justice, et enregistrée au Greffe de la CCJA le
19 octobre 2000 sous le n° 002/2000/EP.
* 53 Droit
civil, droit commercial ou encore droit processuel, par exemple.
* 54 Cour
Suprême du Niger, Chambre Judiciaire, arrêt n°1-158/C du 16
août 2001, Snar Leyma c/ Hima Souley, www.ohada.com, ohadata
J-02-36. Voir également le brillant article de A. Kante sur cet
arrêt intitulé « La détermination de la
juridiction compétente pour statuer sur un pourvoi formé contre
une décision rendue en dernier ressort en application des Actes
Uniformes (Observations sur l'arrêt de la Cour Suprême du Niger du
16 août 2001),www.ohada.com, Ohadata D-02-29.
* 55 Sur la
résistance des cours suprêmes, J. Lohoues-Oble in Traité et
Actes Uniformes commentés et annotés, Juriscope,
2ème édition., 2002, p. 41-42. ; René
Tagne, La Cour Suprême du Cameroun en conflit avec la Cour Commune de
Justice et d'Arbitrage (CCJA), Juridis, n° 62, p. 104 ; www.
ohada.com, Ohadata D-08-30.
* 56 Laurent
BENKEMOUN, Les rapports entre les juridictions de cassation nationales et la
CCJA de l'OHADA : aspects conceptuels et évaluation, Rec. Penant
juillet-septembre 2007, n° 860, p. 299.
* 57 Par
rapport à cette expression, Pierre Meyer a fait dans son article
intitulé, « Les conflits de juridictions dans les espaces
OHADA, UEMOA, CEDEAO », in Sensibilisation au droit communautaire de
l'UEMOA, Actes du Séminaire Sous-régional à Ouagadougou,
Burkina Faso du 6-10 octobre 2003, coll.DTE, éditions Giraf, p.186,
l'observation ci-après : « l'expression (...) ne
présente pas d'analogie avec la technique dite des conflits des lois,
habituellement utilisée en droit international privé. En effet,
l'expression conflit de lois désigne, en droit international
privé, une concurrence entre des normes, résolue par le choix
d'une des normes en conflit par le juge saisi d'un litige suscitant,
précisément en raison de la dispersion de ses
éléments constitutifs, une concurrence entre des règles.
Ce choix entre les lois en concurrence est effectué au moyen d'une
règle dite de conflit de lois. Le juge étatique résout
donc un conflit de lois. Le juge communautaire, lui, n'a pas à
résoudre de conflit de lois. Il doit vérifier si la situation
entre dans le champ d'application du droit communautaire. Si sa réponse
est positive, il déclare qu'il faut lui appliquer les dispositions
pertinentes du droit communautaire. Si tel n'est pas le cas, il n'a pas
à déterminer quel autre droit que le droit communautaire est
applicable à la situation (...) ».
* 58 D.
ARBACHI, La Supranationalité de l'Organisation pour l'Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires (OHADA) www.ohada.com, Ohadata D-02-02,
p.20.
* 59 A ce sujet,
il est à préciser qu'à la date du 30 juin 2008, le nombre
de pourvois soumis à la CCJA se chiffrait à 682 répartis
comme suit : Bénin (9) ; Burkina Faso (15) ; Cameroun
(90) ; Centrafrique (8) ; Comores (1) ;
Congo (18) ; Côte d'Ivoire (375) ; Gabon
(22) ; Guinée (21) ; Guinée Bissau (2) ;
Guinée Equatoriale (0) ; Mali (32) ; Niger (27) ;
Sénégal (32) ; Tchad (12) et Togo (13).
* 60
L'expression a été employée par Philippe Tiger, Professeur
associé à l'Université François Rabelais de Tours
(France) dans la première communication introductive qu'il a
présentée lors des 8èmes assises statutaires de
l'Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF) tenues
à Lomé au Togo du 6 au 9 juin 2006 sur le
thème « Les rapports entre les juridictions de cassation
nationales et la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA : Bilan
et perspectives d'avenir ».
* 61 En droit
togolais, l'art. 219 du Code de Procédure Civile retient les cas
suivants : méconnaissance de la loi, interprétation
erronée de la loi et violation des règles de procédure
prescrites à peine de nullité. L'article 206 du Code de
Procédure Civile, Commerciale et Administrative de la Côte
d'Ivoire est quant à elle plus exhaustif à ce sujet. Il retient
les cas d'ouverture ci-après : la violation de la loi ou l'erreur
dans l'application ou l'interprétation de la loi ;
l'incompétence ; l'excès de pouvoir ; la violation des
formes légales prescrites à peine de nullité ou de
déchéance ; la contrariété de décisions
rendues entre les mêmes parties relativement au même objet et sur
les mêmes moyens ; le défaut de base légale
résultant de l'absence, de l'insuffisance, de l'obscurité ou de
la contrariété des motifs ; l'omission de statuer et la
prononciation sur chose non demandée ou attribution de chose
au-delà de ce qui a été demandé.
* 62 A ce
sujet, Voy. Eugène Assepo ASSI, La Cour Commune de Justice et
d'Arbitrage de l'OHADA : un troisième degré de
juridiction ? , www.ohada.com, Ohadata D-06-23.
* 63 Le Portugais
comme langue officielle.
* 64 L'Espagnol
comme langue officielle.
* 65 L'acronyme
signifie Organisation de l'Unité Africaine devenue depuis juillet 2002
Union Africaine (U.A).
* 66 Bakary DIALLO,
Réflexions sur le pouvoir d'évocation de la Cour Commune de
Justice et d'Arbitrage dans le cadre du Traité de l'OHADA, Rec. Penant,
n° 858, janvier-mars 2007, p. 59.
* 67 En droit
français, il s'agit d'un pourvoi formé auprès de la Cour
de cassation contre des décisions contraires à la loi à
l'initiative du ministère public. Il existe aussi bien en matière
civile, pénale qu'administrative. En matière civile, il est
prévu par la Loi 67-523 du 3 juillet 1967 relative à la Cour de
Cassation en son article 17, lequel dispose : « Si le
procureur général près la Cour de cassation apprend qu'il
a été rendu, en matière civile, une décision
contraire aux lois, aux règlements ou aux formes de procéder,
contre laquelle cependant aucune des parties n'a réclamé dans le
délai fixé, ou qui a été exécutée, il
en saisit la Cour de cassation après l'expiration du délai ou
après l'exécution. Si une cassation intervient, les parties ne
peuvent s'en prévaloir pour éluder les dispositions de la
décision cassée ».
* 68 La CCJA a
ainsi pu rendre, à la date du 30 juin 2008, 38 arrêts
d'incompétence, 89 arrêts de rejet et 85 arrêts de cassation
sur un total de 682 pourvois enregistrés à son greffe. 345
affaires étaient pendantes par-devant elle à cette même
date.
* 69 Voy.
l'intégralité de ce Règlement en annexes n°
3.
* 70 Voy.
l'intégralité de cette Déclaration en annexe n°
1
* 71 Voy. les
modifications apportées au Traité en annexe n°2
* 72 A ce sujet,
voy. Joseph ISSA-SAYEGH, Réflexions sur la mise en conformité du
droit interne des Etats parties avec les Actes Uniformes de l'OHADA, www.
ohada.com, ohadata D-04-12.
* 73 Entretien
avec Maryse Raynal, Maître de Conférence de Droit Privé et
Sciences Criminelles à l'Université de Pau (France) et des Pays
de l'Adour, Spécialiste de l'OHADA.
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