CONCLUSION
8 Synthèse de l'analyse et pistes de
réponse à la question : comment favoriser les pratiques de lutte
contre l'effet de serre chez les français.
Cette conclusion fera l'objet tout d'abord d'un rappel des
principaux résultats de notre travail d'analyse, mais elle sera aussi
l'occasion de donner des éléments de réflexion sur les
perspectives à explorer pour augmenter les pratiques individuelles en
faveur de la lutte contre le changement climatique.
8.1 Quelles conclusions tirer de notre analyse
?
Rappelons tout d'abord les deux principales questions sur
lesquelles portait ce travail de recherche :
Question de départ
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Comment peut-on expliquer cette passivité des
français face au problème du changement climatique ?
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Question de recherche
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Comment peut-on expliquer l'écart entre la
sensibilité et les pratiques des français face au changement
climatique ?
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L'analyse développée nous a permit d'apporter
des éléments de réponse à ces deux questions. Nous
avons ainsi tout constaté que si les Français se disent sensibles
au problème du changement climatique cette sensibilité ne se
reflète pas dans les pratiques. Nous avons vu que cet écart entre
sensibilité et pratiques peut s'expliquer d'une part, par le fait que
malgré la médiatisation croissante de la thématique du
changement climatique, il existe un problème important de connaissance
de ce phénomène dans l'opinion publique. D'autre part, nous avons
mis en évidence l'existence d'autres facteurs, internes ou externes aux
individus, qui constituent des contraintes, des obstacles au changement de
comportement en faveur de la lutte contre le changement climatique. Le tableau
suivant représente de manière synthétique l'ensemble de
ces facteurs que nous avons pu mettre en évidence tout au long de ce
travail de recherche. Nous avons repris la classification
développée dans le dernier chapitre qui met en évidence
pour chaque facteur identifié à quel niveau il se situe (nature
du phénomène, contextes et individu) et donné quelques
illustrations de la manière dont ils influent les comportements. La
lecture de ce tableau met en évidence le fait que tous ces facteurs
conduisent à une inertie des comportements ainsi que, bien
souvent, à des situations de dissonance cognitive.
Les résultats de ce travail nous ont conduits à
nous poser la question suivante : quels sont les moyens dont disposent les
pouvoirs publics, mais aussi les autres acteurs de la société
française (associations, médias, entreprises), pour favoriser les
pratiques de lutte contre le changement climatique ? Nous avons donc
décidé d'évoquer en deuxième partie de cette
conclusion les perspectives d'action qui peuvent être
développé dans ce sens.
Contexte moral
Connaissance
Individualisme
Contexte physique
Un phénomène incertain, invisible
Contexte normatif
Syndrome de la goutte d'eau
Un phénomène différé dans
le temps et dans l'espace
Complexité du phénomène
Nouveauté du phénomène
Confort des habitudes
Absence de repères pour l'action
Absence de législation pénalisant les comportements
qui participent au changement climatique
Absence de sanctions morale
Absence de solidarité entre les
générations
actuelles, vis-à-vis des générations futurs
et des autres formes de vie sur Terre
Manque de prise au sérieux du problème
Possibilité de tomber dans les extrêmes du
catastrophisme ou du négationnisme
Incapacité à prendre en compte le long terme dans
des systèmes qui privilégient l'immédiateté
Contradiction dans le système législatif
Les contradictions à l'intérieur des
systèmes de valeur empêche l'émergence de comportements
alternatifs
Dans certains cas, absence d'un contexte physique
(infrastructures) favorisant des changements de comportement (en particulier
dans les zones rurales)
Le manque de connaissance sur le problème (nature du
problème, causes, conséquences) constitue une barrière
pour une réelle prise de conscience des enjeux du problème
Impossibilité de créer une gestion collective du
problème: les coûts sont individuels et les
bénéfices collectifs
Incapacité à imaginer des comportements alternatif.
Le changement à un coût. Facilitée procuré par les
habitudes.
Difficulté à intégrer des connaissances
complexes Difficulté à médiatiser la complexité
Difficulté à appréhender l'incertain et
l'invisible Le phénomène peut être sujet à
controverse
La globalité du phénomène
La question de la responsabilité est diluée
Dépendance vis-à-vis des technologies polluantes
Dévalorisation de la capacité des actions
individuelles
8.2 Comment favoriser les pratiques de lutte contre le
changement climatique
Il n'existe pas, à notre connaissance, de solution
miracle qui inciterait les Français à s'engager dans la lutte
contre l'effet de serre. Pourtant, selon nous, les pouvoirs publics peuvent
largement contribuer à créer une nouvelle orientation des
comportements individuels. Nous pensons qu'il existe trois axes
complémentaires d'action pour les pouvoirs publics. Il s'agit d'informer
et sensibiliser l'opinion, de créer un contexte favorable pour le
développement d'actions individuelles en faveur de la lutte contre
l'effet de serre, et de réussir à provoquer l'engagement des
citoyens grâce à des techniques de « manipulation ».
8.2.1 Informer, sensibiliser et communiquer
Nous avons vu que les français ont des
représentations du changement climatique souvent bien loin de la
réalité du phénomène. Informer et sensibiliser la
population reste donc un grand défi pour provoquer une réelle
prise de conscience autour des enjeux du problème. Cependant la
communication autour du phénomène ne doit pas se faire de
n'importe quelle manière. Des nouvelles formes de communication doivent
être trouvées, afin d'intégrer la complexité,
élément indispensable pour saisir les interactions autour du
problème du changement climatique. Des études
complémentaires sur les perceptions du changement climatique par le
grand public doivent être réalisées. En effet, une
communication efficace sur le changement climatique doit partir des
représentations initiales qu'en on les français. Seule une bonne
compréhension de leur système de compréhension permettra
de lutter contre les idées fausse, ou de combler les lacunes au niveau
des connaissances. Il est aussi très important de véhiculer des
messages « positifs ». En effet, un excès de catastrophisme
dans l'information risque d'avoir des effets contraires à ceux attendus,
il risque de paralyser toute initiative de changement de comportement (la
partie étant perdue d'avance). Les campagnes de sensibilisation doivent
mettre l'accent sur la responsabilisation (non la moralisation) des citoyens,
en montrant que chacun d'entre nous à sa part de responsabilité
dans le problème du changement climatique et peut donc faire quelque
chose à son échelle. Cependant, ce travail de responsabilisation
ne doit pas se transformer en discours moralisateur. Enfin, les campagnes de
sensibilisation peuvent constituer une scène pour la valorisation de
nouvelles valeurs, ou nouveaux modes de vie, allant dans le sens de la lutte
contre le changement climatique (les techniques utilisée en
publicité peuvent ici être reprises). Il est en effet
nécessaire de créer une nouvelle citoyenneté
qui tienne compte du caractère global des relations que nous entretenons
avec l'ensemble de la vie actuelle et futur.
8.2.2 Créer des conditions favorables aux
changements de
comportement
Nous l'avons vu, un travail de sensibilisation et d'information
peut conduire à l'émergence de
nouveaux types de comportements, mais encore faut-il que
ceux-ci puissent se développer dans un cadre favorable. Un second axe
d'action des pouvoirs publics est donc, d'anticiper les résistances aux
changements de comportements. En effet, il est important de ne pas minimiser
ces résistances, mais au contraire de mieux les connaître afin de
pouvoir composer avec celles-ci, et de les combattre. Pour cela les pouvoirs
publics peuvent jouer sur les contextes. Créer des contextes normatifs,
moraux et physiques favorables à la lutte contre le changement
climatique apparaît donc indispensable.
8.2.3 Provoquer l'engagement des citoyens
Comment faire en sorte que les gens changent de pratiques ?
Comment permettre et stimuler
des changements de comportements nécessaires à la
diminution des émissions de gaz à effet de serre ?
Si nous pensons que les campagnes de sensibilisation
permettent une prise de conscience qui se traduit ensuite dans les
comportements, il faut garder à l'esprit que, bien souvent, la prise de
conscience suit le comportement plutôt que de le précéder.
La théorie de l'engagement de Kiesler, qui a été reprise
et enrichie par R. V. Joule et J. L. Beauvois nous donne des pistes à
explorer si l'on souhaite orienter les individus dans la lutte contre le
changement climatique. Selon ces auteurs persuader, convaincre et
responsabiliser ne sont par les meilleurs moyens pour amener les gens à
faire quelque chose. Dans le cas qui nous intéresse, les campagnes de
sensibilisation ne sont pas dépourvu d'utilité mais le fait que
les français soient convaincus de l'urgence d'agir ne suffira pas
à modifier leurs comportements (on peut être convaincu de la
nécessité de faire des économies d'énergie, et se
comporter comme si on ne l'était pas en laissant, par exemple, la
lumière allumée). Il s'agit alors de trouver des techniques de
manipulation des comportements afin de créer, chez les individus, des
motivations intrinsèques, de leur donner l'impression d'être
« automotivé ». La technique développée dans la
théorie de l'engagement repose sur le lien qui unit traditionnellement
les idées et les actes. Il ne s'agit plus cette fois de peser sur les
idées pour modifier les comportements, mais de peser sur les
comportements pour modifier les idées. Dans La soumission librement
consentie Joule et Beauvois démontrent de quelle manière il
est possible de conduire les gens à faire de
leur plein gré ce que l'on attend d'eux. Pour cela, ils
s'appuient sur un nouvel outils : la communication engageante. Plusieurs
expériences1 reposant sur cette technique de «
manipulation » ont montré des résultats très
intéressants. Ceci nous laisse à penser qu'il existe de
réelles possibilités, en utilisant ce type d'outils, pour engager
les Français dans la voie de la lutte contre le changement climatique
L'ensemble des acteurs de la société
française (politiques, entreprises, médias et associations) ont
donc le pouvoir de faire évoluer les comportements des citoyens face au
changement climatique. Leurs devoirs est d'actualiser, dés maintenant,
cet ensemble de possibilités car on le sait « le futur sera
l'actualisation des potentialités qu'ici dans le présent nous
réaliserons. » (Joël Van Cauter, 2003, p.12).
1 Nous pouvons citer l'exemple de la campagne de
sensibilisation des ménages à la protection de l'environnement et
à la maîtrise de l'énergie menée dans la commune de
Beausset en 2002.
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