Les facteurs d'intégration du Rwanda à la communauté de l'Afrique de l'est( Télécharger le fichier original )par Eric Rutsindintwarane Institut d'à‰tudes Politiques de Toulouse - Maitrise 2009 |
IntroductionDepuis quelques années déjà, le phénomène du régionalisme gagne en importance et, ce faisant, il devient une préoccupation majeure pour un nombre croissant de chercheurs en sciences sociales (M. Boguikouma, 1999). Malheureusement, comme l'a fait remarquer A. Hurrell (1995, p.332), peu de travaux à caractère théorique portent sur la résurgence du régionalisme que l'on observe dans des contextes non-européens depuis une dizaine d'années. En fait, les principaux textes portant sur ce phénomène se limitent à tenter de prévoir les conséquences du phénomène sur le commerce international et ou encore à en identifier les causes, généralement sans se rapporter à une école ou à un cadre théorique défini. Il ressort de ce qui précède que corollairement à la plupart des Pays en Développement (PED), le Rwanda n'est pas en dehors du processus d'intégration régionale et il appartient d'ores et déjà à plusieurs ensembles économiques régionaux. Récemment, il a rejoint la Communauté de l'Afrique de l'Est (CAE) même si la demande d'adhésion a été présentée depuis 1996. En plus de la CAE, le Rwanda a adhéré aux différentes organisations régionales comme la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs (CEPGL), l'Organisation du Bassin pour l'aménagement de la Kagera (OBK), la Communauté Économique des États de l'Afrique Centrale, (CEEAC). Beaucoup d'écrits et de discours se sont attachés à expliquer l'intégration du Rwanda à la CAE. La plupart des analystes se posait la question de savoir comment un pays traditionnellement francophone peut s'intégrer dans une communauté constituée des pays anglophones. C'est dans ce contexte que nous sommes entrés dans ce débat en nous posant la question suivante : Quels sont les facteurs qui expliquent l'intégration du Rwanda à la CAE ? Cette question principale de notre étude a été précisée par ces sous-questions de recherche plus spécifiques: «Quels sont les facteurs historico-géographiques qui expliquent l'intégration du Rwanda à la CAE ? Quels sont les facteurs économico-politiques qui expliquent l'intégration du Rwanda à la CAE ?» En posant ces questions dans le cadre de ce mémoire, l'objectif principal poursuivi est d'analyser les facteurs d'intégration du Rwanda à la CAE. Plus spécifiquement, notre objectif est d'analyser les facteurs historico-géographiques qui sont à l'origine de l'intégration du Rwanda à la CAE et d'analyser les facteurs économico-politiques qui expliquent l'intégration du Rwanda à la CAE. A la suite des considérations théoriques, les hypothèses suivantes ont été formulées. 1. Les facteurs historico-géographiques expliquent l'intégration du Rwanda à la CAE; 2. Les facteurs économico-politiques expliquent l'intégration du Rwanda à la CAE. Pour expliquer nos hypothèses, nous avons formulé le sujet de recherche comme suit : « Les facteurs d'intégration du Rwanda à la CAE ». Le choix de ce sujet n'est pas le fait du hasard. L'Afrique de l'Est, en premier lieu, a été le théâtre de nombreuses initiatives régionales, qu'elles aient été lancées par les anciennes puissances coloniales ou par les Etats nouvellement indépendants de la région. Il s'agit en deuxième lieu, d'une région en pleine mutation. Celle-ci concerne d'une part, les efforts effectués par le Kenya, l'Ouganda et la Tanzanie depuis 1996 pour la renaissance de la CAE. Cette mutation fait référence aux importants bouleversements géopolitiques et économiques qui secouent la région d'Afrique orientale depuis quelques années. Son ouverture sur le Rwanda et le Burundi, les pays traditionnellement appartenant à la CEPGL. Enfin, le choix de ce sujet peut également se justifier à travers des différentes caractéristiques économiques ou géographiques, qui naturellement devraient pousser les différents états de l'Afrique orientale vers la régionalisation. A titre d'exemple, l'Ouganda, le Burundi, le Rwanda mais aussi l'est du Kivu souffrent de leur enclavement tandis que la Tanzanie et le Kenya se concurrencent sur la maitrise de l'hinterland régional (notamment grâce aux ports de Dar-es-Salaam et de Mombasa). Pour rendre compte de notre démarche, nous avons organisé le travail en cinq chapitres. Au préalable, une introduction préliminaire présente le sujet de l'étude, explique son intérêt, et fixe la démarche de la recherche. Le premier chapitre cherche à dégager la problématique d'intégration des PED. On traitera également des défis de cette intégration des PED en faisant allusion aux ensembles régionaux créés en Amérique, Asie et en Afrique. Le deuxième chapitre se propose de dégager le cadre théorique. On s'attachera particulièrement à l'inventaire des théories couramment utilisées dans l'étude de l'intégration, à leur examen critique, à l'explication de la théorie adoptée, à la formulation des questions de recherche. Il sera aussi question de formuler les hypothèses et d'opérationnaliser le cadre théorique à l'aide des concepts, dimensions et indicateurs. Le troisième chapitre porte sur la méthodologie. Dans le cadre de la vérification des conjectures théoriques, nous répondrons d'abord aux deux questions fondamentales interroger qui ? et interroger comment? Ces questions nous ont conduit au choix des interviewés et de la méthode. Essentiellement inscrite dans une démarche de recherche qualitative, notre approche privilégiera un recours à l'utilisation des documents et à l'entrevue semi-dirigée via le téléphone. L'analyse et l'interprétation des résultats sera faite à partir de l'analyse de contenu qui met l'accent sur des mots clés révélateurs, dégagés à partir des conjectures théoriques. Le quatrième chapitre étudie les facteurs historico-géographiques d'intégration du Rwanda à la CAE, analysés à partir de la langue, l'expérience historique des royaumes de l'Afrique de l'est, l'Afrique de l'est comme berceau de l'humanité, le contrôle colonial, l'indépendance, l'enclavement du Rwanda et l'étroitesse de sa superficie. Le cinquième chapitre étudie les facteurs économico-politiques d'intégration du Rwanda à la CAE. Il s'agit de la situation politique, la recherche du désenclavement du pays, la vision 2020 du gouvernement Rwandais, la sécurité, la recherche du marché vaste, la suppression des barrières tarifaires et non tarifaires. Chapitre I. La problématique de l'intégration dans les Pays en Développement (PED) I.1. Problématique de l'intégration en AmériquePlusieurs textes portant sur le régionalisme dans les Amériques ne sont que des descriptions des principaux groupes d'intégration ou du rôle que jouent certains acteurs dans la formulation du régionalisme dans les Amériques. Ces textes sont quelquefois agrémentés de prédictions ou d'observations formulées par les auteurs sur les chances de réussite des différents projets d'intégration (J. Monfils, 1997). Le phénomène d'intégration en Amérique commence à s'observer dans les années 50. Selon T. Dos Santos (2002), au début des années 50, la pensée économique latino-américaine produisit, surtout au sein de la Commission Economique pour l'Amérique Latine (CEPAL), une abondante littérature sur l'importance de l'intégration économique. Dans le sillage de la constitution du marché commun européen en 1957, on voit surgir en Amérique latine l'Association Latino-Américaine de Libre Echange (ALALE/ALALC) en 1960 (qui fut remplacée en 1980 par l'Association Latino-Américaine d'Intégration-ALADI), le Marché commun centraméricain en 1961, le Pacte andin en 1969 et toute une série d'initiatives qui tôt ou tard allaient essuyer un échec patent ou connaître un franc affaiblissement. Les causes sont multiples et fortement sujettes à controverse à la fois théorique et idéologique, mais la sagesse traditionnelle qui prévaut aujourd'hui semble indiquer un ensemble de trois causes principales qui sont résumées ci - dessous. En premier lieu, l'inadéquation des politiques mises en place dans le nouveau contexte du capitalisme mondial à partir des années 70, à savoir la substitution aux importations comme stratégie d'industrialisation et comme instrument de développement. En deuxième lieu, le fossé entre le cadre juridique établi en vue de l'intégration régionale et l'absence d'une ferme volonté politique pour sa mise en oeuvre. En troisième lieu, l'instabilité politique et les habitudes profondément ancrées de discrétionnalité administrative dans la gestion des politiques publiques qui furent portées à leur paroxysme par la fragilisation ou la banqueroute des finances publiques à la fin des années 70 et au début des années 80. Il faut noter aussi la création du MERCOSUR, une organisation importante créé dans la région. Cette organisation a abouti à pousser des initiatives régionales qui eurent un effet positif sur la destinée des Amériques. Le MERCOSUR est un ensemble d'intégration commercial englobant les pays comme le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay, la Bolivie, Venezuela, Equateur et le Paraguay. Cet ensemble eut des difficultés (entreprises dans ces pays rivalisaient pour contrôler le marché) au moment ou les leadeurs de ces pays étaient des néolibéraux, comme par exemple le Président Carlos Menem de l'Argentine et le Brésilien Fernando Henrique Cardoso. L'organisation a connu des difficultés comme l'a souligné le Parlement de la Grande Bretagne dans son 7ème rapport de la session 2006 - 2007, MERCOSUR « faces significant challenges as its development has been hindered by national interests, internal asymmetries, and disputes between members which have been even taken to the WTO. The Argentina and Brazilian economic crises, subsequent devaluations and trade disputes have been politically problematic to MERCOSUR»1(*). De ce qui précède, on peut déduire que même si le MERCOSUR a connu des difficultés, on remarque qu'il peut servir d'exemple pour les pays africains dans la mesure où il a réussi à asseoir à la fois une intégration économique, commerciale, politique, sociale et culturelle. * 1 Traduction : est confronté à des défis importants comme son développement a été entravé par les intérêts nationaux, asymétries internes, et les différends entre les membres qui ont même été soumis auprès de l'OMC. Les crises économiques de l'Argentine et du Brésil, des dévaluations ultérieures et les différends commerciaux ont été des défis politiques du MERCOSUR. |
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