La convergence technologique doit induire une convergence des
marchés. Cette dernière peut être pro-concurrentielle, par
augmentation de la substituabilité entre des produits ou services
appartenant initialement à des marchés différents
(concurrence entre un ordinateur et un lecteur mp3 pour écouter de la
musique, (par exemple) ; ou, à l'inverse, anti-concurrentielle,
lorsqu'elle offre la possibilité de lier les marchés de
«tuyaux», et donc le contrôle de l'accès au
consommateurs final, et les marchés de contenus. Les effets pro ou
anti-concurrentiels justifient tous deux la convergence organisationnelle,
c'est-à-dire des opérations d'intégration verticale, de
concentration horizontale, ou encore d'alliances. De telles opérations
peuvent conduire à une plus grande efficacité économique,
en minimisant les coûts de transaction ou en mettant à profit
l'existence d'économies d'échelle, d'envergure et/ou
d'agrégation (Bakos et Brynjolfsson, (2000), ou au contraire augmenter
le pouvoir de marché par exclusion des rivaux, forclusion, dissuasion
à l'entrée.
La convergence des marchés devient alors une
réalité. De même qu'une conversation
téléphonique peut transiter par le réseau Internet,
aujourd'hui, un titre musical s'écoute aussi bien sur une radio
hertzienne, sur une webradio, sur un lecteur de CD, sur Internet à
partir du disque dur d'un ordinateur, sur un baladeur numérique, ou
encore sur un téléphone mobile.
Enfin, la convergence organisationnelle semble
également s'amorcer. Dans la musique, jusqu'au tout début des
années 2000, les frontières étaient relativement
hermétiques. Parmi les cinq majors de l'époque, seul Sony
était simultanément présent dans les contenus et dans
l'électronique grand public. Si Universal Music et Warner Music
étaient adossés à des groupes multimédias,
présents également dans les réseaux (Internet,
téléphonie mobile), aucune synergie n'a pu être mise en
évidence à l'époque. Aujourd'hui, Warner Music est
d'ailleurs devenu totalement indépendant, comme l'est EMI depuis
près de 10 ans. En tout état de cause, les Majors étaient
au centre du jeu en contrôlant les réseaux de distribution et en
préemptant les canaux de promotion.
Aujourd'hui, les frontières sont plus floues et il
semble bien que, dans la musique en ligne, la position des Majors soit plus
périphérique et restreinte à la fourniture de contenus. En
effet, pour les médias, les opérateurs de
télécommunications, les fournisseurs d'accès à
Internet (FAI), et même les constructeurs de hardware, les contenus
deviennent un axe de développement stratégique. Ce
développement passe le plus fréquemment par la tentative de
contrôler la distribution en ligne, éventuellement à
travers des accords d'exclusivité avec les producteurs phonographiques,
voire même par l'intégration en amont vers la production96(*).