I. Les conditions
nécessaires à la croissance
Plusieurs mesures sont essentielles pour réaliser une
croissance économique forte : mener à bien les politiques
économiques et créer les structures économiques viables.
A. LES POLITIQUES ÉCONOMIQUES
Dans le cadre du Tchad, il nous semble que les politiques
économiques doivent être marquées par la politique du
secteur financier et monétaire car le début de l'exploitation a
imposé une nouvelle logique, celle de l'inflation qu'il faut
maîtriser à court terme. En plus, il n'existe pas jusque là
des statistiques sur le taux de chômage. L'équilibre externe, par
ailleurs, étant déjà maîtrisé, les
éléments de politiques économiques sur lesquels l'on
pourrait également se pencher sont les politiques
budgétaires.
1. LES POLITIQUES BUDGÉTAIRES
L'analyse des contraintes spécifiques de la politique
budgétaire induites par l'existence de recettes
pétrolières aboutit aux constats et aux propositions
suivants :
Il est nécessaire de veiller à la
stabilité des dépenses, en particulier dans les secteurs
prioritaires, eu égard à l'hypervolatilité des recettes
pétrolières. Des variations de grande amplitude et
fréquentes auront des retombés néfastes sur les conditions
de la demande en général ainsi que sur certains postes de
dépenses de fonctionnement et d'équipement potentiellement
essentielles à la croissance des secteurs autres que le pétrole.
En outre, l'investissement dans le capital humain en serait
pénalisé.
Il faut éviter tout déséquilibre
budgétaire prononcé auquel peuvent donner lieu des projections
excessivement optimistes des prix pétroliers et la volatilité
intrinsèque de ces prix.
Compte tenu de la forte augmentation des recettes
budgétaires qui accompagne la période de production
pétrolière, il s'agit de veiller à l'utilisation optimale
de ces ressources temporaires, pour faire en sorte qu'elles contribuent au
maximum possible à promouvoir une croissance durable en veillant
à éviter tout gaspillage. Des dispositions spéciales
doivent être également prises pour que les ressources
pétrolières servent uniquement à porter les
dépenses allouées aux secteurs prioritaires à un niveau
supérieur à ce qu'il était avant l'arrivée des
recettes pétrolières.
Une planification attentive s'impose pour garantir un niveau
de dépenses budgétaires adéquat après l'ère
pétrolière, les recettes tirées du pétrole
étant par définition épuisables. Ceci est
nécessaire pour maximiser l'effet des ressources
pétrolières sur la croissance et préserver
l'équité entre les générations.
2. LES POLITIQUE DES SECTEURS MONÉTAIRE ET
FINANCIER
Tout effort réel de lutte contre
l'inflation ne peut être que difficile, risqué et long, parce que
la rigueur tend à réduire la production réelle et l'emploi
avant même que son efficacité se manifeste, alors que les mesures
de relance budgétaires et monétaires commencent au contraire par
faire augmenter l'activité économique avant de faire monter les
prix. Ce phénomène explique la prédominance des politiques
de relance.
Dans les conditions actuelles, l'inflation au Tchad pourrait
s'écarter de la moyenne de la BEAC, parce qu'une part importante de la
production du pays est non marchande et que la loi du prix unique ne s'applique
pas à tous les produits.
En plus, le marché du crédit au Tchad n'est pas
totalement intégré à celui de la CEMAC. Dans ces
conditions, les opérations monétaires seront mises à
profit pour maîtriser l'inflation à un bas niveau et
préserver la compétitivité extérieure pendant la
période à venir.
Une inflation faible et stable créera un environnement
favorable à la croissance économique ; elle réduira
l'incertitude concernant l'évolution des prix, facilitant la
planification à long terme et, partant, l'investissement ; elle
créera de surcroît un environnement propice à la croissance
et l'épargne du secteur privé, en rendant moins incertain le
rendement réel des actifs financiers.
Un taux d'inflation supérieur à celui des
partenaires commerciaux et des concurrents, entraînerait une
appréciation du taux de change réel, et réduirait
progressivement la compétitivité des secteurs existants, tout en
empêchant l'émergence de nouveaux secteurs. Au contraire, un taux
de change réel favorable encouragera une allocation rationnelle des
ressources en faveur de la production de biens échangeables et permettra
le développement d'activités et nouvelles dans le secteur
pétrolier. En outre, un taux d'inflation faible aura pour
conséquence directe de protéger les pauvres, la plupart d'entre
eux ayant des revenus définis en termes nominaux et détenant en
espèces leurs avoirs financiers, lorsqu'ils en ont. Cette option
permettra de répondre au besoin de la BM qui l'a amenée à
financer le projet pétrole : celui de la réduction de la
pauvreté.
B. LA NÉCESSITÉ DE CRÉATION DES
STRUCTURES ÉCONOMIQUES
Le pétrole étant la nouvelle source
d'approvisionnement de notre économie, il sied de développer les
branches « traditionnelles » d'activités et les
institutions financières afin de dynamiser celle-ci.
1. LE DÉVELOPPEMENT SECTORIEL DES BRANCHES
D'ACTIVITÉS
Au niveau du développement rural, du moins, au niveau
de la ventilation sectorielle des branches d'activité, les mesures sont
nombreuses à prendre.
Dans le domaine de l'agriculture, il faut :
Ø Améliorer l'efficacité des
marchés par la mise en place d'un cadre incitatif réglementaire,
institutionnel et économique ;
Ø Augmenter la productivité par
l'intensification des cultures en zone soudanienne et l'augmentation des
superficies cultivées en zone sahélo-soudanienne.
Ø Désenclaver les zones agricoles en saison
pluvieuse en construisant des infrastructures routières car le
réseau routier tchadien compte 40 000 kilomètres de routes
et pistes carrossables, dont 6 200 de routes et pistes classées
prioritaires et environ 33 000 de pistes rurales. Sur toute
l'étendue du territoire, seulement 583 kilomètres de routes inter
urbaines sont revêtus. Les routes prioritaires sont, pour la plupart,
praticables 6 à 8 mois dans l'année, et insuffisamment ou jamais
entretenues.
Ø Soutenir la dynamique du mouvement associatif et
coopératif ;
Ø Et moderniser les techniques de l'agriculture.
Dans le domaine de l'élevage, il faut :
Ø Créer des espaces disponibles pour les
éleveurs afin d'éviter les migrations Nord-Sud ;
Ø Réduire les taxes à l'exportation sur
les bétails pour éviter les exportations frauduleuses.
Dans la pêche enfin, il faut :
Ø Eviter la pression humaine sur les sites de
pêche ;
Ø Créer un cadre réglementaire et des
services de l'Etat dans le domaine.
2. LE DÉVELOPPEMENT DES ADMINISTRATIONS
FINANCIÈRES ET D'AUTRES DOMAINES D'ACTIVITÉ
Au niveau des administrations économiques et
financières, il faut prendre en compte les points essentiels
suivants :
Ø le meilleur contrôle interne de la chaîne
de dépenses publiques ;
Ø la mise en place d'un suivi statistique satisfaisant
de la réalisation des objectifs prioritaires définis par le
Gouvernement ;
Ø l'élargissement de l'assiette fiscale. Il
s'agit de faire participer le secteur informel et le secteur agricole aux
charges publiques.
Comme on peut aisément l'appréhender à
travers nos analyses, les enjeux de la contribution des pays voisins à
la satisfaction des besoins de la population tchadienne sont de deux (2)
ordres. Il y a d'abord le problème des monopoles détenus par
quelques pays sur de produits très stratégiques mettant ainsi le
Tchad dans une situation de dépendance économique. Le second
problème auquel il convient de porter une attention particulière
est la faiblesse de la production manufacturée intérieure qui
fait que le Tchad dépense plus de ressources à acheter des
produits de consommation courante fabriqués chez les voisins qu'à
investir dans l'acquisition des biens d'équipement.
Par conséquent, le Tchad doit se donner les moyens
d'amorcer son industrialisation et de diversifier ses sources
d'approvisionnement en rationalisant les liens d'échanges commerciaux
avec tous ses voisins, du Nord comme du Sud.
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